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Continuum linguistique

En dialectologie, un continuum linguistique ou une gamme dialectale désigne un ensemble géographique de variétés dialectales caractérisé par l'absence de distinction nette entre dialectes avoisinants. Ces variétés ne sont séparées que par une isoglosse, ou un faisceau réduit d'isoglosses, et sont ainsi intercompréhensibles. L'intercompréhension entre deux zones du continuum décroît à mesure qu'augmente l'éloignement géographique ou linguistique, allant quelquefois jusqu'à disparaître. Dit de façon plus intuitive, on parle de continuum linguistique lorsque deux ou plusieurs variétés linguistiques (langues ou dialectes) se mélangent sans qu'on puisse leur définir de limite géographique précise.

Principaux continuums linguistiques d'Europe. Chaque classe de couleur représente un continuum. Les flèches indiquent les directions de continuité.
Carte des dialectes de l'arabe.
Les dialectes de la langue arabe forment un continuum linguistique dont l'intercompréhension mutuelle est parfois difficile.

On trouve de par le monde un très grand nombre de continuums linguistiques. La plupart du temps, une langue se présente sous la forme de continuum plutôt que comme un agencement de dialectes clairement différenciés[1].

L'avènement d'États au cours des derniers siècles a vu la normalisation et l'imposition d'une langue nationale au sein de ses frontières, entraînant la fragmentation du continuum.

Le concept de continuum a parfois été étendu de son acception géographique initiale à un sens sociolinguistique, pour s'appliquer à des ensembles de sociolectes ; on parle alors de continuum sociolectal.

Exemples

  • Des deux cĂ´tĂ©s de la frontière entre les Pays-Bas et l'Allemagne, les frontaliers parlent des dialectes pratiquement identiques, que ce soit pour le « bas saxon » des deux cĂ´tĂ©s de la partie nord de la frontière, ou le bas-francique de part et d'autre de la partie sud. Ils se comprennent sans problème, et seraient mĂŞme incapables, en ne s'en tenant qu'au langage, de dĂ©finir si une personne des environs est de nationalitĂ© allemande ou nĂ©erlandaise. Cependant, les deux pays ont Ă©tabli chacun leur langue officielle standardisĂ©e, ainsi les Allemands Ă  cet endroit disent parler un dialecte (une variante locale) de l'« allemand Â», et les NĂ©erlandais disent parler un dialecte du « nĂ©erlandais Â». D'un point de vue dialectologique, ils parlent des variĂ©tĂ©s extrĂŞmement proches, mais du fait de la prĂ©sence d'une frontière entre deux États indĂ©pendants pour des raisons gĂ©opolitiques historiques, ils pensent parler des langues diffĂ©rentes[2].
  • Traditionnellement, les langues romanes du Portugal, d'Espagne, de France, de Belgique, de Suisse et d'Italie ont Ă©tĂ© envisagĂ©es comme constituant d'un continuum territorial, auquel on peut ajouter le roumain en continuum dialectal avec les parlers italiens du Sud. Ainsi, pour obtenir un continuum entre la France et le Portugal, la chaĂ®ne doit passer du sud au nord par le portugais, le galicien, le domaine asturlĂ©onais (mirandais, lĂ©onais et bable asturien d'ouest en est), le castillan, l'aragonais, le catalan, l'occitan, l'arpitan et le français-langue d'oĂŻl. Toutefois, d'importants changements sociolinguistiques survenus notamment au cours du XXe siècle, en particulier la scolarisation obligatoire (qui a favorisĂ© l'imposition de langues nationales relativement uniformes) et la diffusion de mĂ©dias de masse comme la radio et la tĂ©lĂ©vision, ont entraĂ®nĂ© un affaiblissement des dialectes intermĂ©diaires et le continuum tend Ă  disparaĂ®tre.
  • La classification du gaĂ©lique identifie traditionnellement trois « langues » gaĂ©liques. Pour les diffĂ©rents États concernĂ©s, il s'agit de la Gaeilge (l’irlandais), de la GĂ idhlig (le gaĂ©lique Ă©cossais) et de la Gaelg (le mannois). En rĂ©alitĂ©, elles fonctionnent comme un continuum oĂą le taux d’intercomprĂ©hension varie : il est fort dans les espaces voisins, mais plus faible entre les espaces linguistiques Ă©loignĂ©s. Ainsi, toute la rĂ©gion qui s’étend du sud du DĂşn na nGall (Donegal) jusqu’à l’Ìle (Islay) en Écosse et au nord et au sud du MhĂ­ (Meath), y compris la plupart du Cinn Tìre (Kintyre) Ă©cossais et des parties sud de l’Earra-GhĂ idheal (Argyll) et de l’Eilean Arainn (Arran) ont formĂ© un groupe linguistique autrefois très uni, au point qu’aujourd’hui encore, l’intercomprĂ©hension est en partie possible. Par contre, les diffĂ©rences entre le gaĂ©lique de Cataibh (Sutherland) et celui de CiarraĂ­ (County Kerry) sont trop importantes. On constate donc qu’on se trouve non pas face Ă  trois langues distinctes, mais Ă  une sĂ©rie de dialectes de ce qui est essentiellement une seule et mĂŞme langue[3].
  • Dans les sociĂ©tĂ©s traditionnelles, le continuum Ă©tait une rĂ©alitĂ© pour les adultes ayant voyagĂ© (transhumance, foires, pèlerinages, campagnes militaires, navigation…) et possĂ©dant ainsi une base culturelle et linguistique plus Ă©tendue. A contrario, pour une personne n'Ă©tant pas sortie de son terroir d'origine, l'intercomprĂ©hension avec une personne dans la mĂŞme situation mais venant d'un autre terroir Ă©tait souvent moins facile. Au-delĂ  d'une centaine de kilomètres, une conversation Ă©tait de plus en plus difficile et entraĂ®nait moqueries et dĂ©rision. L'intercomprĂ©hension et la polyglossie augmentaient d'ouest en est de l'Europe, c'est-Ă -dire des pays adossĂ©s Ă  l'Atlantique oĂą dominait la sĂ©dentaritĂ© vers ceux ouverts aux invasions venant d'Asie, oĂą le nomadisme Ă©tait de plus en plus important jusqu'Ă  ĂŞtre dominant dans les steppes[4].

Il ne faut pas confondre le continuum linguistique qui concerne des langues de mêmes origines, avec les convergences touchant des langues d'origines différentes, que sont les « unions linguistiques » (marquées par des caractéristiques distinctives dues aux influences mutuelles entre les langues concernées), la pidginisation et la créolisation.

Notes et références

  1. (fr)Pierre Encrevé, Entrée « Dialectes et patois » de l'Encyclopædia Universalis, version en ligne consultable au .
  2. (ca) Toni Mollà, Manual de sociolingüística, Alzira, edicions Bromera, coll. « graella », , 2e éd. (1re éd. 2002), 246 p. (ISBN 84-7660-733-4), p. 48.
  3. Colm Ó Baoill, « The Gaelic Continuum », Éigse,, , pp. 121–134.
  4. Robert Magocsi, Historic Atlas of East Central/Central Europe, University of Washington Press, Seattle 1993 ; Historical Atlas of Central Europe: a History of East Central Europe 1, University of Washington Press, Seattle 1993, (ISBN 0-295-98146-6), OCLC 47097699, et Of the Making of Nationalities There is no End (2 volumes), Columbia University Press, New York 1999.

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