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Acidification des océans

L'acidification des ocĂ©ans est la diminution progressive du pH des ocĂ©ans. Il a Ă©tĂ© estimĂ© que de 1950 Ă  2021, le pH des eaux superficielles des ocĂ©ans a diminuĂ©, passant de 8,15 Ă  8,05[1] — l'eau de mer est lĂ©gĂšrement basique (c'est-Ă -dire pH > 7) et on parle d'acidification des ocĂ©ans dĂšs lors que le pH devient moins basique. C'est « l'autre problĂšme »[2] induit par l'augmentation des Ă©missions de dioxyde de carbone (CO2) d'origine anthropique dans l'atmosphĂšre.

Variation du pH à la surface des océans provoquée par le CO2 d'origine anthropique entre les années 1700 et les années 1990
Effets : RĂ©duction estimĂ©e de la concentration en ions carbonates (CO32−) dans les eaux de surface entre les annĂ©es 1700 et les annĂ©es 1990

Selon les modĂšles biogĂ©ochimiques disponibles, d'importants changements dans la chimie et la biochimie ocĂ©aniques sont Ă  attendre[3], de mĂȘme que des impacts dĂ©lĂ©tĂšres sur les Ă©cosystĂšmes. Les effets sur les rĂ©cifs coralliens[4] sont trĂšs Ă©tudiĂ©s (dont en mĂ©socosmes[5]) et les plus mĂ©diatisĂ©s, mais d'autres effets existent et sont attendus dans la plupart des milieux aquatiques. Selon l'Organisation mĂ©tĂ©orologique mondiale (OMM), cette acidification pourrait en partie expliquer l'augmentation annuelle record mesurĂ©e en 2013 en termes d'augmentation du taux de CO2 dans l'atmosphĂšre, et donc contribuer au dĂ©rĂšglement climatique. Selon les donnĂ©es rĂ©unies par l’OMM en 2013-2014, l'ocĂ©an mondial absorbe actuellement un quart environ des Ă©missions anthropiques de CO2, soit environ kg de CO2 par jour et par personne[6] (c'est-Ă -dire prĂšs de 22 millions de tonnes de CO2 absorbĂ©e par jour de maniĂšre globalisĂ©e)[7] - [8]. Cet effet « pompe Ă  carbone » contribue fortement Ă  rĂ©duire la quantitĂ© de CO2 de l’atmosphĂšre, dont le CO2 issu des combustibles fossiles, mais cette capacitĂ© semble se dĂ©grader en raison des effets combinĂ©s du rĂ©chauffement et de l'acidification qui affectent la production et la fixation de carbonates marins (principal puits de carbone planĂ©taire)[6]. Selon l'OMM, le pompage ocĂ©anique du carbone est dĂ©jĂ  rĂ©duit en 2013 Ă  70 % de ce qu'il Ă©tait au dĂ©but de l'Ăšre industrielle et il pourrait s'affaiblir jusqu'Ă  20 % d'ici 2100[6], tandis que, selon les donnĂ©es palĂ©oenvironnementales disponibles, l'acidification des ocĂ©ans suit actuellement un rythme inĂ©dit durant les trois-cents derniers millions d'annĂ©es et ne pourra qu'accĂ©lĂ©rer encore jusque 2050[6] (et au-delĂ  si d'importants efforts de mitigation ne sont pas entrepris).

Le rapport 2014 du GIEC puis celui de l'OMM[6] ne décÚlent d'ailleurs pas d'amélioration dans les tendances en termes de concentration croissante du CO2 émis dans l'air ; et « le scénario retenu par la plupart des scientifiques conduit à une diminution du pH, d'ici la fin du siÚcle, de 0,3. Si a priori ce chiffre semble faible, il ne faut pas oublier qu'il s'agit d'une grandeur logarithmique, soit une acidité multipliée par deux »[9].

L'acidification des océans est une des neuf limites planétaires, non encore franchie en 2022.

Causes

Cette acidification a au moins trois causes anthropiques identifiées :

  1. l'absorption de dioxyde de carbone atmosphérique dont le taux augmente (cette augmentation est en grande partie d'origine anthropique) [Note 1] - [6]. C'est la premiÚre cause identifiée, et probablement la plus importante ;
  2. l'absorption par l'océan de pluies ou d'eaux météoriques ou de ruissellement acidifiées par divers composés azotés anthropiques dits azote réactif. Ces composés sont notamment issus (directement ou indirectement par photochimie) de la circulation motorisée, de l'agriculture et du chauffage qui dégagent des oxydes d'azote, source d'acide nitreux et d'acide nitrique qui contaminent l'atmosphÚre puis les mers via les pluies et les cours d'eau. Les analyses isotopiques montrent que l'humain a plus que doublé la quantité d'azote réactif (Nr) annuellement entrant dans la biosphÚre, essentiellement à partir de 1895 ± 10 ans (± 1 pour l'écart-type) avec une forte augmentation dans les années 1960 à 2010, principalement dans l'hémisphÚre Nord[10] ;
  3. l'absorption de composés soufrés issus des combustibles fossiles (pétrole, charbon, gaz). Le soufre, lors de la combustion se transforme en effet en dioxyde de soufre, source d'acide sulfureux et d'acide sulfurique. La plupart des navires de marine marchande et de marine de guerre utilisent encore des combustibles lourds trÚs polluants et notamment sources d'aérosols soufrés. Ils sont une source importante d'aérosols atmosphériques.

Ces trois facteurs associés pourraient avoir des effets environnementaux synergiques, et acidifient les eaux cÎtiÚres plus rapidement que ne le prévoyaient les premiÚres modélisations.

Environ six tĂ©ramoles d'azote actif (et deux tĂ©ramoles de soufre) seraient annuellement injectĂ©es dans l’atmosphĂšre, ce qui est bien moins que les 700 tĂ©ramoles de CO2, selon une Ă©tude rĂ©cente pilotĂ©e par Scott Doney (en) (Institut ocĂ©anographique de Woods Hole, Massachusetts, USA). Cet azote aurait sur certains littoraux un impact Ă©quivalent Ă  10 Ă  50 % de celui du CO2. L'ocĂ©an lointain est moins touchĂ©, mais les zones cĂŽtiĂšres et proches du plateau continental sont largement les plus importantes pour l'Homme (pĂȘche, activitĂ© Ă©conomique et touristique).

Il semble de plus que les estuaires et les zones mortes ne remplissent plus leur rĂŽle de puits de carbone, et que l'acidification est un phĂ©nomĂšne qui puisse — parfois (comme dans le cas du drainage minier acide) et dans une certaine mesure — s'autoentretenir.

Perturbation du cycle du carbone

Dans le cycle du carbone naturel, la concentration de dioxyde de carbone (CO2) représente un équilibre de flux entre les océans, la biosphÚre terrestre, et l'atmosphÚre. L'usage de combustibles fossiles et notamment la production de ciment entraßnent un nouveau flux de CO2 dans l'atmosphÚre. Une partie reste dans l'atmosphÚre, une autre partie est absorbée par les plantes terrestres, et une derniÚre partie d'environ 25 % est absorbée par les océans.

Quand le CO2 se dissout, il rĂ©agit avec l'eau pour former un Ă©quilibre d'espĂšces chimiques ioniques et non ioniques : dioxyde de carbone libre dissous CO2(aq) (trĂšs partiellement hydratĂ© en acide carbonique dissous H2CO3(aq)), bicarbonate HCO3− et carbonate CO32−. La proportion de ces espĂšces dĂ©pend principalement de l'alcalinitĂ© de l'eau et secondairement de facteurs tels que la tempĂ©rature et la salinitĂ© de l'eau de mer qui dĂ©cline localement (lĂ  oĂč les glaces ou glaciers fondent rapidement).
(voir l'article Solubility pump consacré à la pompe de solubilité (en) de l'océan).

Une idĂ©e courante est que la perte de capacitĂ© de biominĂ©ralisation des organismes Ă  squelette ou coquille calcaire serait principalement due Ă  un manque d'ion carbonate[11], mais les recherches rĂ©centes suggĂšrent que, c'est plus probablement la rĂ©duction du pH de l'eau de mer (c'est-Ă -dire l'augmentation du taux de protons [H+]) qui est le facteur le plus direct des difficultĂ©s de calcification apparues chez ces organismes. Trop de protons dans l'eau modifie les Ă©quilibres osmotiques et empĂȘchent la plupart de ces organismes de maintenir leur homĂ©ostasie du pH[11]. Le manque d'ions carbonate est aussi en jeu, car le coĂ»t Ă©nergĂ©tique de la calcification augmente quand la saturation de l'eau en carbonates diminue[12].

Perturbation du cycle de l'azote

Au niveau planĂ©taire, l'apport anthropique d'azote n'influence quantitativement que modestement l'acidification de l'ocĂ©an (loin derriĂšre le CO2). Mais prĂšs des cĂŽtes, oĂč l'on trouve une grande partie de la biodiversitĂ© marine (dont une partie est une ressource alimentaire), les apports anthropogĂ©niques de soufre et d'azote (0,8 Tmol/an de soufre rĂ©actif et 2,7 Tmol/an d'azote rĂ©actif au tout dĂ©but du XXIe siĂšcle[13]) sont trĂšs importants, et leurs effets acidifiants plus sĂ©rieux. Des apports d'azote atmosphĂ©rique vers l'ocĂ©an sont en outre aussi en forte augmentation, dont dans le nord-ouest du Pacifique[14].

Dans l'hémisphÚre nord, le bilan des entrées de ces deux éléments dans les couches supérieures de l'océan est clairement acidifiant.

Sous les tropiques, il est initialement plutÎt basique, mais in fine acidifiant en raison du taux de transformation de l'ammoniac en nitrate dans l'écosystÚme[13]. Sur la planÚte, le bilan final est presque partout acidifiant et il réduit sur les littoraux la quantité de CO2 que l'océan peut dissoudre.

Ailleurs, on a constatĂ© que dans des parties oligotrophes (pauvres en Ă©lĂ©ments nutritifs) de l'ocĂ©an certaines cyanobactĂ©ries fixatrices d'azote et responsables de blooms bactĂ©riens, comme celles du genre Trichodesmium profitent du taux accru de CO2 et deviennent l'origine d'une partie importante de la productivitĂ© primaire de l'ocĂ©an, au dĂ©triment des espĂšces animales Ă  coquille ou squelette calcaire. LĂ , une forte augmentation de la fixation de carbone et d'azote est constatĂ©e (traduite dans le rapport C/N[15]. En Baltique et dans l'estuaire australien de Peel-Harvey, une microalgue filamenteuse (Nodularia spumigena) se comporte de la mĂȘme maniĂšre[16] - [17]. Au niveau de 750 ppmv de CO2, les taux de fixation de CO2 ont augmentĂ© de 15 Ă  128 % et des taux de fixation de N2 ont augmentĂ© de 35-100 % par rapport aux tarifs en conditions actuelles de CO2 de jour[18]. Le caractĂšre « hĂ©tĂ©rocyste Â» ou « non hĂ©tĂ©rocyste Â» de l'espĂšce pourrait expliquer certaines adaptation ou tolĂ©rance Ă  l'acidification de l'eau[17].

Dans le cycle de l'azote[19], l'azote anthropique (NOx), avec les oxydes de soufre atmosphériques contribue à l'acidification des mers[13]. Et cette acidification diminue les capacités de nitrification des écosystÚmes marins[20]. La part anthropique de l'azote[21] est en augmentation presque partout dans l'hémisphÚre nord et dans une partie de l'hémisphÚre sud.

Les apports terrigĂšnes d'azote et de phosphore des cours d'eau Ă  l'Atlantique Nord ont Ă©tĂ© mesurĂ©s pour 14 grandes rĂ©gions d'AmĂ©rique du Nord et du Sud, d'Europe, d'Afrique : le bassin amazonien domine le flux global de phosphore (c'est aussi le flux le plus Ă©levĂ© de phosphore par unitĂ© de surface) mais il est maintenant dĂ©passĂ© en termes de flux total d'azote par les bassins versants du nord-est des États-Unis, qui dĂ©passent tous 1 000 kg d'azote par km2/an[21].

Le flux azote dĂ©versĂ© dans Atlantique-Nord par chaque bassin versant est corrĂ©lĂ© Ă  la densitĂ© de population du bassin (comme cela avait dĂ©jĂ  Ă©tĂ© observĂ© pour les flux de nitrate de grands fleuves du monde) ; les auteurs de cette Ă©tude jugent « frappante » la forte corrĂ©lation linĂ©aire entre les flux d'azote total et la somme des apports d'azote d'origine anthropique dans les rĂ©gions tempĂ©rĂ©es (engrais, dĂ©pĂŽts atmosphĂ©riques des NOx anthropiques, fixation par les lĂ©gumineuses, et importation/exportation d'azote via les produits agricoles). Les fleuves des grandes rĂ©gions Ă©tudiĂ©es exportent en mer environ 25 % de l'azote qui a Ă©tĂ© introduit par l'humain dans les Ă©cosystĂšmes (le reste Ă©tant Ă©liminĂ© par dĂ©nitrification dans les Ă©cosystĂšmes humides et aquatiques qui semblent ĂȘtre le puits d'azote dominant ; mais la forĂȘt semble aussi avoir de l'importance en termes de stockage/pompage de l'azote[21]. Les eaux souterraines en stockent et dĂ©nitrifient un peu et localement, mais sont un « trĂšs petit puits d'azote » Ă  l'Ă©chelle des continents.

L'agriculture est principalement responsable dans de nombreuses rĂ©gions (dans le bassin du Mississippi et les bassins de la mer du Nord notamment), et les retombĂ©es de NOx sont la premiĂšre cause d'exportation d'azote vers la mer dans plusieurs rĂ©gions (dont au nord-est des États-Unis).

Si l'on considĂšre les zones peu anthropisĂ©es comme rĂ©fĂ©rence, les auteurs estiment que le flux d'azote terre → mer a – dans presque toutes les rĂ©gions tempĂ©rĂ©es – augmentĂ© de 2 Ă  20 fois (selon les rĂ©gions) de l'Ă©poque prĂ©industrielle au dĂ©but du XXIe siĂšcle. Seules quelques rĂ©gions (ex : Grand-Nord Canadien) ont peu changĂ© de ce point de vue[21].

Les bassins de zone tempĂ©rĂ©e alimentant la mer du Nord, y apportent 6 Ă  20 fois plus d'azote qu'au dĂ©but de l'Ăšre industrielle, et le bassin de l'Amazone au moins 2 Ă  5 fois plus que les flux estimĂ©s Ă  partir des rĂ©gions de la zone tempĂ©rĂ©e « intacte », malgrĂ© la densitĂ© de la population et ses faibles apports directs d'azote d'origine anthropique dans la rĂ©gion. Ceci suggĂšre que les flux d'azote naturels ou causĂ©s par la dĂ©forestation tropicale peuvent ĂȘtre significativement plus Ă©levĂ© qu'en zone tempĂ©rĂ©e[21]. Comme la dĂ©forestation, l'artificialisation des sols et les apports d'engrais se poursuivent en zone tropicale, les auteurs s'attendent Ă  une « spectaculaire augmentation de la charge d'azote de nombreux systĂšmes fluviaux tropicaux »[21].

Effets sur coraux et organismes Ă  coquilles ou squelette calcaire

Ces espÚces pourraient gravement souffrir de l'acidification, combinée au réchauffement[22], les coraux sont un habitat essentiel pour environ 25 % de la vie océanique[23].

Une Ă©tude rĂ©cente a confirmĂ© que le squelette du corail est bien bioconstruit par l'animal[24] Ă  partir de nanoparticules amorphes collectĂ©es dans l'eau et agrĂ©gĂ©es en structures aragoniques grĂące Ă  un groupe de protĂ©ines riches en acides coralliens et non par simple prĂ©cipitation inorganique de l'aragonite autour d'un noyau minĂ©ral. Ces protĂ©ines peuvent a priori fonctionner Ă  des pH un peu plus acides que le pH actuel de l'eau de mer[23] mais - prĂ©cisent les auteurs - « cela ne signifie pas que les rĂ©cifs coralliens sont hors de danger ; premiĂšrement car ils ont encore besoin de carbonate de calcium pour constituer le rĂ©cif (matĂ©riau qui devrait ĂȘtre plus rare dans une mer acidifiĂ©e) ; deuxiĂšmement car ils resteront toujours menacĂ©s par le rĂ©chauffement de l'eau et les prolifĂ©rations algales qui peuvent conduire au blanchissement des coraux et Ă  leur mort ».[23].

Déterminer précisément la contribution de l'acidification au recul des récifs coralliens est « difficile, voire impossible, en raison d'effets de confusion d'autres facteurs environnementaux tels que la température »[25].

En 2016, la revue Nature publie le résultat d'une expérience in situ de réduction de l'acidité de l'eau baignant un récif corallien (au niveau de l'Úre préindustrielle) : la calcification du récif a significativement augmenté dans la zone de l'expérimentation. Selon Janice M. Lough[26], ceci laisse supposer que le niveau actuel de l'acidification des océans « peut déjà compromettre la croissance des récifs coralliens »[27].

Des chercheurs de l'Institut Alfred Wegener en Allemagne ont compilĂ© 167 Ă©tudes scientifiques concernant 150 espĂšces marines (des coraux aux poissons en passant par les crustacĂ©s). Ils concluent de ce travail que « tous les groupes d'animaux sont nĂ©gativement affectĂ©s par l'augmentation de la concentration en CO2 » ; les plus sensibles Ă  l'acidification sont « les coraux, les Ă©chinodermes et les mollusques » prĂ©cise le Dr. Astrid Wittmann. « Les crustacĂ©s comme le crabe comestible ou l'araignĂ©e de mer semblent peu affectĂ©s par l'acidification, mĂȘme si une hausse simultanĂ©e des tempĂ©ratures leur sera certainement problĂ©matique »[28].

De nombreux organismes planctoniques à squelette calcaire ou d'autres animaux à coquille calcaire (et en particulier leurs larves) ont aussi des difficultés à synthétiser leur thÚque, planctonique ou coquille[29].

Le dioxyde de carbone absorbĂ© dans l'ocĂ©an rĂ©agit avec les molĂ©cules d'eau pour former de nombreux ions tel que l'hydrogĂ©nocarbonate (Ă©quivalent au bicarbonate). La formation de ces ions rĂ©duit la concentration en ions carbonates qui sont nĂ©cessaires Ă  la formation de carbonate de calcium. Or le carbonate de calcium est nĂ©cessaire Ă  la calcification des coraux (et des coquillages). Cette rĂ©action chimique empĂȘche donc la formation normale des coraux et des coquilles[30].

Une étude sur les effets de l'acidification en Antarctique chez les ptéropodes (ou papillons de mer) montre qu'à partir d'une certaine acifification de l'eau, les individus meurent (en à peine quarante-huit heures[31]), or ces animaux sont à la base du réseau trophique dans cette région et comme certaines algues (coccolithes) qui sécrÚtent des coquilles à base de calcium, ils jouent un rÎle important dans le cycle du carbone.

De jeunes coraux australiens cultivé dans des conditions de température et de taux de CO2 telles qu'attendues pour 2100 montrent une moindre croissance squelettique, mais ils développent aussi différents types de malformations du squelette qui compromettraient leur chance de survie et de bonne croissance sur le récif[32] - [33].

D’autres travaux menĂ©s en Papouasie-Nouvelle-GuinĂ©e montrent, dans des conditions d’aciditĂ© semblables une forte prolifĂ©ration des algues non calcaires et une rĂ©duction d’environ 40 % de la biodiversitĂ© des coraux. Or, comme le note le rapport, les rĂ©cifs coralliens sont actuellement une source de revenus indirecte pour environ 400 millions de personnes, vivant majoritairement en zone tropicale[34].

Évolution de l'« aciditĂ© » des ocĂ©ans, accĂ©lĂ©ration de l'acidification

L'acidité des océans aurait augmenté de 30 % environ depuis le début de la révolution industrielle. Ceci correspond à une chute de 0,1 du pH, pour atteindre 8,1 ou 8,14 selon les sources aujourd'hui (les océans sont ainsi alcalins et non acides, leur pH se situant au-dessus de 7)[35] - [36].

La diminution du pH des eaux de surface de l’ocĂ©an et l'augmentation de la pression partielle de CO2 (pCO2) se font Ă  des vitesses diffĂ©rentes selon les rĂ©gions, mais elles sont dĂ©jĂ  dĂ©tectĂ©es in situ depuis plusieurs dĂ©cennies[6] dans de grandes rĂ©gions subpolaires aux zones subtropicales et tropicales[6]. Les variations les plus extrĂȘmes figurent dans les sĂ©ries chronologiques enregistrĂ©es dans les zones subpolaires, ce qui s'explique par le fait que les diffĂ©rences saisonniĂšres de tempĂ©rature et de productivitĂ© biologique y sont les plus marquĂ©es[6].

Sur la base des prĂ©visions du GIEC (ou IPCC en anglais), l'augmentation actuelle du taux de CO2 dans l’atmosphĂšre devrait encore diminuer le pH des eaux du globe de 8,14 actuellement Ă  7,8 d'ici la fin du siĂšcle[37]. Un rapport du PNUE fait part d'une diminution du pH de 0,3 d'ici 2100, tandis qu'un communiquĂ© de presse du CNRS avance une baisse de 0,4[38] - [39].

En 2014, le rapport sur les effets de l'acidification des ocĂ©ans sur la biologie marine (synthĂ©tisant une centaine d'Ă©tudes sur ce thĂšme), prĂ©sentĂ© Ă  la 12e rĂ©union de la Convention sur la diversitĂ© biologique (CDB) Ă  Pyeongchang (CorĂ©e du Sud) confirme que l'acidification a progressĂ© (en moyenne de 26 % depuis l'Ă©poque prĂ©industrielle) et que si, depuis deux siĂšcles, l'ocĂ©an a absorbĂ© plus du quart du CO2 anthropique, contribuant Ă  acidifier le milieu ocĂ©anique, « de façon quasiment inĂ©vitable, d'ici 50 Ă  100 ans, les Ă©missions de dioxyde de carbone vont encore augmenter l'aciditĂ© des ocĂ©ans Ă  des niveaux qui auront des impacts massifs, le plus souvent nĂ©gatifs, sur les organismes marins et les Ă©cosystĂšmes, ainsi que sur les biens et les services qu'ils fournissent »[40]. « De nombreuses Ă©tudes montrent une rĂ©duction des taux de croissance et de survie des coraux, mollusques et Ă©chinodermes [Ă©toiles de mer, oursins, concombres de mer, etc.]. » Certaines espĂšces supporteront mieux l'acidification que d'autres. Certaines subiront une dĂ©gradation de leurs systĂšmes sensoriels induisant des anomalies de comportement (poissons, certains invertĂ©brĂ©s)[40]. Les cycles biogĂ©ochimiques du carbone, de l'azote du fer et du calcium en seront affectĂ©s, dans les habitats cĂŽtiers plus qu'en haute mer et plus vite en Arctique qu'en Antarctique (plus froid)[40]. « Le coĂ»t global des impacts de l'acidification des ocĂ©ans sur les mollusques et les rĂ©cifs coralliens tropicaux est estimĂ© Ă  plus de 1000 milliards de dollars par an d'ici la fin du siĂšcle[40]. » Des phĂ©nomĂšnes d'acidification ont dĂ©jĂ  eu lieu, dont au PalĂ©ocĂšne-ÉocĂšne (il y a 56 millions d'annĂ©es), mais il semble aujourd'hui trop rapide pour qu'un grand nombre d'espĂšces puisse s'y adapter. « MĂȘme si les Ă©missions de CO2 sont rĂ©duites de maniĂšre significative, l'acidification des ocĂ©ans se poursuivra durant des dizaines de milliers d'annĂ©es, les modifications considĂ©rables pour les Ă©cosystĂšmes, et la nĂ©cessitĂ© d'apprendre Ă  vivre avec ces changements semblent donc certains »[40].

2018 et 2019 ont connu des records de rĂ©chauffement des eaux entre 0 et 2 000 mĂštres[41], les dix derniĂšres annĂ©es Ă©tant les dix plus chaudes jamais enregistrĂ©es dans l’ocĂ©an. 2019 a aussi connu un nouveau record d'absorption nette de CO2 par l'ocĂ©an pour la pĂ©riode de 1982 Ă  2019 : ~ 2,4 Pg C, soit u+0,2 Pg C par rapport Ă  2018, ce qui poursuit une tendance amorcĂ©e en 2000-2002 et a aggravĂ© l'acidification des ocĂ©ans (pH diminuant dans la plus grande partie de l'ocĂ©an, surtout dans ses eaux les plus froides : 0,018 ± 0,004 unitĂ© par dĂ©cennie depuis la pĂ©riode prĂ©industrielle)[41].

Conséquences environnementales, halieutiques et pour les services écosystémiques

En perturbant et dégradant certains écosystÚmes (coralliens notamment[42]), l'acidification des mers dégrade d'importants services écosystémiques et de maniÚre générale tous les écosystÚmes.

Elle met en péril de nombreuses espÚces[42] - [43] - [44].

En affectant les animaux Ă  coquilles, l’acidification peut conduire Ă  une dĂ©gradation de la qualitĂ© de l'eau et des sĂ©diments, faute d'animaux filtreurs tels que les moules et les huĂźtres[45] qui filtrent et nettoient quotidiennement de grands volumes d'eau[46].

Certains oursins se montrent sensibles à de faibles baisses de pH (proches de celles qui sont attendues d'ici quelques décennies), qui dégradent leurs capacités de reproduction[47].

Menaces pour la sécurité alimentaire

En 2013, les 540 experts et scientifiques rĂ©unis au 3e symposium de Monterey sur l'acidification des ocĂ©ans[48] - [49] (de 2012) ont voulu rĂ©attirer l'attention des dĂ©cideurs sur cet enjeu planĂ©taire en rappelant que – alors que la coquille d'escargots aquatiques commence Ă  ĂȘtre Ă©rodĂ©es dans certaines parties de l'ocĂ©an – le chiffre d'affaires gĂ©nĂ©rĂ© par les activitĂ©s des Ă©leveurs de moules et huĂźtres et pĂȘcheurs d'Ă©chinodermes (oursins), de crustacĂ©s (crevettes, crabes) et de poissons approche les 130 milliards de dollars (96,5 Md€), et que la rĂ©gression ou disparition de certaines espĂšces consommĂ©es par l'humain (poissons notamment) aurait des consĂ©quences sur la sĂ©curitĂ© alimentaire[50].

Ils ajoutent que via la protection du littoral et de la faune cĂŽtiĂšre contre la houle et les tempĂȘtes, et via le tourisme et la pĂȘche qu'ils favorisent, les rĂ©cifs et sables coralliens fournissent des services dont la valeur a Ă©tĂ© estimĂ©e comprise entre 30 et 375 Md$ (22 Ă  278 Md€) par an (selon les modalitĂ©s de calcul)[50]. Les huĂźtres sont d'ailleurs aussi partie majeure dans la ligne de mire de ce phĂ©nomĂšne, car dans impossibilitĂ© de se dĂ©velopper convenablement Ă©tant donnĂ© la faible production de coquilles agissant comme Ă©lĂ©ment protecteur dans leur croissance[51].

Les effets de l'acidification s'observent dĂ©jĂ  dans le secteur de l'aquaculture dans le Nord-Ouest des États-Unis qui connaĂźt une mortalitĂ© Ă©levĂ©e dans les Ă©closeries d'huĂźtres[52].

Le coût global des impacts de l'acidification des océans sur les mollusques et les récifs coralliens tropicaux est estimé à plus de 1.000 milliards de dollars par an d'ici la fin du siÚcle[52].

Menace climatique

L’ocĂ©an contient 50 fois plus de carbone que l’atmosphĂšre et il Ă©change chaque annĂ©e des quantitĂ©s importantes de carbone avec cette derniĂšre. Au cours des derniĂšres dĂ©cennies, l’ocĂ©an a ralenti la vitesse du changement climatique anthropique en absorbant prĂšs de 30 % des Ă©missions anthropiques de dioxyde de carbone. Alors que cette absorption de carbone anthropique est le rĂ©sultat de processus physico-chimiques, la biologie marine joue un rĂŽle clĂ© dans le cycle du carbone naturel en sĂ©questrant de grandes quantitĂ©s de carbone dans les eaux de l’ocĂ©an profond. Des modifications de ces processus physiques, chimiques ou biologiques, pourraient conduire Ă  des rĂ©troactions dans le systĂšme climatique et ainsi accĂ©lĂ©rer ou ralentir le changement climatique en cours. Ces rĂ©troactions entre le climat, l’ocĂ©an et ses Ă©cosystĂšmes ont besoin d’ĂȘtre mieux comprises afin de pouvoir prĂ©dire de façon plus solide l’évolution des caractĂ©ristiques de l’ocĂ©an du futur, et l’évolution combinĂ©e du CO2 atmosphĂ©rique et du climat[53].

L'acidification des eaux dĂ©grade aussi le puits de carbone ocĂ©anique planĂ©taire, dĂ©jĂ  malmenĂ© par la rĂ©duction de la couche d'ozone et la pollution de l'eau et la surpĂȘche[50].

Perturbations graves du comportement de certains poissons

Dans les années 2000, sur la base de diverses expériences en laboratoire ou in situ, on a compris que les odeurs portées par l'eau peuvent jouer un rÎle important pour les larves et les juvéniles[54] de poissons de récifs qui les utilisent pour s'orienter[55], détecter et éviter des prédateurs[56] ou trouver des zones favorables à leur survie et future croissance ; l'odeur du récif fait que les larves ne se laissent pas emporter vers la pleine mer[57]. Les larves de poissons récifaux, dÚs leur éclosion, bien que ne mesurant que quelques millimÚtres disposent d'un systÚme sensoriel efficace leur permettant de capter les odeurs en solution dans l'eau[58] - [59].

On a longtemps cru que les larves de poissons coralliens Ă©taient emportĂ©es Ă  grande distance et qu'elles pouvaient coloniser d'autres rĂ©cifs, alors que leur rĂ©cif natal pouvait ĂȘtre colonisĂ© par des juvĂ©niles nĂ©s ailleurs. Une Ă©tude basĂ©e sur le marquage de 10 millions d'embryons de Pomacentrus amboinensis (en) prĂ©levĂ©s sur la grande barriĂšre de corail et relĂąchĂ©s en mer a montrĂ© qu'au contraire les larves regagnent leur rĂ©cif natal[60], probablement en reconnaissant sa signature biochimique et olfactive. La plupart des larves vont en rĂ©alitĂ© s'installer trĂšs prĂšs du lieu de leur naissance[61] - [62]. L'odorat a une importance vitale pour les larves des poissons coralliens Ă©tudiĂ©s ; il leur permet de dĂ©tecter la prĂ©sence d'autres poissons (dont prĂ©dateurs) dans le rĂ©cifs[63], et expliquerait leur fidĂ©litĂ© au rĂ©cif, caractĂ©ristiques de nombreux poissons coralliens[64] ou Ă  un individu d'une espĂšce symbiote (anĂ©mone pour l'amphiprion par exemple[65]).

En 2009, une étude montre que chez le poisson clown utilisé comme espÚce modÚle, les larves de poissons exposées à une acidification de l'eau perdent leur capacité à distinguer l'odeur des habitats coralliens qu'elles devraient rechercher pour atteindre l'état adulte ; pire, à un pH de 7,8 (qui sera celui des mers chaudes vers 2100 selon les études prospectives) elles sont alors fortement attirées par des stimuli olfactifs qui normalement les repoussent, et au-delà d'un pH 7,6, elles ne semblent plus percevoir aucun stimuli olfactif[66].

Des travaux plus rĂ©cents effectuĂ©s en laboratoire puis vĂ©rifiĂ©s in situ sur un rĂ©cif du centre de la barriĂšre de corail de Papouasie-Nouvelle-GuinĂ©e naturellement acidifiĂ© par un dĂ©gazage volcanique sous-marin permanent de CO2 ont montrĂ© qu'une eau acidifiĂ©e (comparable Ă  celle qui baignera la plupart des rĂ©cifs coralliens du monde entier dans 50 Ă  80 ans, selon les chercheurs) a un effet comportemental inattendu et trĂšs marquĂ© sur certains poissons : ils ne fuient plus l’odeur de leur prĂ©dateur, et ils s’exposent anormalement, de maniĂšre suicidaire au risque d’ĂȘtre mangĂ©[67] (trĂšs bien montrĂ© dans un documentaire australien diffusĂ© sur Arte en 2014[31]). Les poissons carnivores semblent plus touchĂ©s par ce phĂ©nomĂšnes que les poissons herbivores[9]. On ignore si c'est l'acidification ou l'effet du CO2 en tant que molĂ©cule sur le poisson qui est en cause.

Pour toutes ces raisons Munday & al (2010) estiment que la reconstitution des populations de poissons sur des zones rĂ©cifales dĂ©gradĂ©es en cours de restauration sera de plus en plus difficile, voire menacĂ©e par l'acidification des ocĂ©ans[68] qui pourrait donc dĂ©grader les capacitĂ©s de rĂ©silience Ă©cologique des ocĂ©ans. Le fait qu'Ă  700 ppm de CO2, de nombreux poissons se montrent attirĂ©s par l'odeur de prĂ©dateurs et qu'Ă  850 ppm de CO2 ils perdent la capacitĂ© de sentir les prĂ©dateurs et que les larves exposĂ©es Ă  concentration Ă©levĂ©e de CO2 se montrent anormalement actives et imprudentes les expose Ă  un risque accru d'ĂȘtre mangĂ©es (elles subissent une mortalitĂ© 5 Ă  9 fois supĂ©rieure Ă  la normale et plus le taux de CO2 augmente, plus Ă©levĂ©e est la mortalitĂ© par prĂ©dation). Sans odorat normal beaucoup de larves pourraient en outre ne pas trouver le rĂ©cif ou le lieu du rĂ©cif oĂč elles devraient s'installer et se perdre et mourir en mer.

En 2011, une autre étude montre que l'audition du poisson clown (Amphiprion percula) est également dégradée (dÚs le stade juvénile) quand l'eau est acidifiée, ce qui perturbe par exemple leur capacité à se diriger vers le récif ou vers un lieu particulier[69].

En 2012, une étude conclut que la fonction de neurotransmission du systÚme olfactif des poissons est affectée par l'acidification[70].

La réponse de prédateurs aux stimuli olfactifs issus de leurs proies favorites est également amoindrie par l'acidification, comme le montre une étude de 2015 sur des jeunes requins placés pendant cinq jours dans une eau normale ou bien enrichie en CO2 comme on pense que le sera l'eau des océans en 2050 ou 2100[71] - [72].

On ignore encore si ces comportements anormaux et nocifs pour les espÚces qui les adoptent pourraient (et à quelle vitesse) disparaitre (via les mécanismes de la sélection naturelle).

Perturbation de l'Ă©cologie phytoplanctonique

L'acidification des ocĂ©ans entraĂźne un changement dans la composition des communautĂ©s phytoplanctoniques. L'absorption du dioxyde de carbone atmosphĂ©rique par l’ocĂ©an forme un composĂ© acide, l’acide carbonique (H2CO3 par la rĂ©action entre l'eau et le dioxyde de carbone : CO2 + H2O → H2CO3[73]. Sous cette forme, le carbonate ne peut pas se lier au calcium empĂȘchant donc la formation de coquille chez les espĂšces de phytoplancton calcifiantes[74].

La présence accrue d'ions H+ dans l'eau océanique acidifiée peut également causer la dissolution des coquilles déjà formées. Le carbonate est arraché du calcium puis se lie à un ion H+ laissant donc la coquille structurellement affaiblie.

L'acidification des ocĂ©ans entraĂźne une diminution du diamĂštre des cellules et l'augmentation du taux de croissance chez le coccolithophore E. huxleyi[75]. Chez d'autres espĂšces de coccolithophore et autres phytoplanctons Ă  coquilles, il est possible d'observer une diminution de la calcification ainsi que la dissolution des coquilles. Une autre Ă©tude a aussi dĂ©montrĂ© qu'il existe une possible diminution de la biomasse et de la productivitĂ© des phytoplanctons aux basses et aux moyennes latitude due Ă  une augmentation de la concentration du dioxyde de carbone Ă  la surface des ocĂ©ans. Ceci peut ĂȘtre expliquĂ© par une hausse de la tempĂ©rature Ă  la surface de l'ocĂ©an, ce qui cause une augmentation de la stratification thermique de ses couches supĂ©rieures, et provoque une rĂ©duction dans le mĂ©lange vertical des nutriments aux eaux de surface, ce qui freine le taux de photosynthĂšse[76].

Les espĂšces de phytoplanctons non calcifiantes tel que les cyanobactĂ©ries et les algues vertes sont affectĂ©s diffĂ©remment par l’acidification. Certaines espĂšces semblent bĂ©nĂ©ficier du bouleversement pour diffĂ©rentes raisons. Entre autres, un milieu plus acide aurait pour effet d'augmenter la disponibilitĂ© de certains nutriments ainsi que de rĂ©duire la compĂ©tition interspĂ©cifique en rĂ©duisant le nombre d'espĂšces dans un Ă©cosystĂšme donnĂ© (perte des espĂšces calcifiantes). Cela cause la croissance exponentielle de certaines espĂšces de microalgues et consĂ©quemment l'eutrophisation des plans d’eau affectĂ©s[77].

Les conséquences liées à la perte de diversité et de biomasse des populations de phytoplancton sont encore peu connues ; toutefois, il est connu que le phytoplancton est à la base du réseau trophique océanique et que ces organismes sont responsables de presque 50 % de la productivité primaire globale[78].

Recherche

L'Allemagne a lancĂ© le un programme national de recherche sur l'acidification des ocĂ©ans (BIOACID[79] pour « biological impacts of ocean acidification ») avec 8,5 millions d'euros sur 3 ans (dont 2,5 millions pour le Leibniz-Institut fĂŒr Meereswissenschaften de Kiel qui coordonne le programme) apportĂ©s par le MinistĂšre fĂ©dĂ©ral de l'enseignement et de la recherche (BMBF). DĂšs 2009, plus de 100 chercheurs (biologistes, chimistes, physiciens, palĂ©ontologues, mathĂ©maticiens, etc.) venant de 14 instituts y contribueront, ainsi qu'une entreprise en pointe dans la technologie des capteurs. Le programme portera sur la mer du Nord et la Baltique, ainsi que sur des zones polaires ou tropicales particuliĂšrement vulnĂ©rables Ă  l'acidification.

Des partenariats avec d'autres pays sont prĂ©vus, dont avec les scientifiques anglais du programme de recherche sur l'acidification des mers (« UKOA Â») lancĂ© en 2010[80], les États-Unis et l'Union europĂ©enne (don avec le programme « EPOCA »). Selon ses initiateurs, c'est le premier programme de cette importance dans le monde[81].

Une des difficultés est de mieux comprendre les effets synergiques qui existent entre l'acidification, la montée en température, les zones d'anoxies et d'autres modifications anthropiques des milieux, qui pourraient aggraver et/ou accélérer les changements globaux[82].

Des recherches sur les impacts de cette acidification montrent que plus le taux d'acidification est important, plus les espÚces ayant des coquilles (plancton microscopique à la base de la chaßne alimentaire, coquillages, mollusques ou coraux) ont des difficultés à les fabriquer[83]. L'acidification modifie également le comportement des poissons, concernant la capacité à rechercher des proies ou à échapper un prédateur, et des recherches se poursuivent afin d'en connaßtre la raison[84].

Cartographie de l'acidification des océans

Le nord de l'océan Indien est devenu au moins 10 % plus acide que les océans Atlantique et Pacifique, en raison de sa configuration géographique. L'océan Indien est en effet séparé de l'océan Arctique, et la chimie du nord de son bassin est influencée par les riviÚres qui drainent l'important continent eurasien, ainsi que par les pluies de mousson.

Le pH des océans varie davantage dans les eaux froides de Sibérie, d'Alaska, du Pacifique Nord-Ouest et de l'Antarctique. Au printemps et en été, les impressionnants blooms planctoniques absorbent une partie du CO2 présent dans l'eau, faisant diminuer l'acidité. Au contraire, en hiver, l'acidité augmente à cause des remontées d'eaux riches en CO2 des profondeurs océaniques.

Acidification de la mer Méditerranée

Une Ă©tude publiĂ©e en , dirigĂ©e par des chercheurs du LSCE, indique qu'entre 1800 et 2001, la MĂ©diterranĂ©e a absorbĂ© entre 1 et 1,7 Gt de carbone (milliard de tonnes) d'origine anthropique.

Cela a engendrĂ© une diminution du pH de 0,08 unitĂ© en moyenne, soit une augmentation de l’aciditĂ© de 20 %. Cette variation est similaire Ă  l'Ă©volution des ocĂ©ans ouverts, bien que l’absorption de CO2 anthropique par la MĂ©diterranĂ©e y soit plus intense. Le taux d'acidification des eaux de fond de la MĂ©diterranĂ©e est par contre plus Ă©levĂ© que celui des ocĂ©ans profonds, Ă  cause de leur renouvellement rapide, comme dans le Golfe du Lion.

L’étude d’une zone proche du VĂ©suve, en MĂ©diterranĂ©e, soumise Ă  un pH comparable Ă  celui attendu pour 2100 montre une baisse de 70 % de la biodiversitĂ© des organismes calcaires, explique M. Gattuso. Et une chute de quelque 30 % de la diversitĂ© des autres organismes[34].

Illustrations scientifiques

  • pH de l'eau de surface (annĂ©es 1990)
    pH de l'eau de surface (années 1990)
  • AlcalinitĂ© contemporaine
    Alcalinité contemporaine
  • pression anthropique liĂ©e au CO2 (annĂ©es 1990)
    pression anthropique liée au CO2 (années 1990)
  • Inventaire vertical CO2 (annĂ©es 1990)
    Inventaire vertical CO2 (années 1990)
  • Carbone inorganique total contemporain
  • Carbone inorganique total prĂ©industriel
    Carbone inorganique total préindustriel
  • CFC-11 (contemporain)
    CFC-11 (contemporain)
  • CFC-12 (contemporain)
    CFC-12 (contemporain)

Expérimentation, mesure in situ

  • (AOML (en)) in situ taux de CO2 / sensor (SAMI-CO2) (Ă©tude coraux / NOAA)
    (AOML (en)) in situ taux de CO2 / sensor (SAMI-CO2) (Ă©tude coraux / NOAA)
  • (PMEL) Mesure du CO2 lors d'Ă©tudes sur l'acidifcation (NOAA)
    (PMEL) Mesure du CO2 lors d'Ă©tudes sur l'acidifcation (NOAA)

Notes et références

Notes

  1. Il est Ă  noter qu'en thĂ©orie ce sont bien principalement les Ă©missions de CO2 qui sont en cause, ou les apports accĂ©lĂ©rĂ©s d'eau douce, et Ă  titre nettement moindre le rĂ©chauffement climatique : selon The State of Greenhouse Gases in the Atmosphere Based on Global Observations through 2013 selon l'OMM en 2014 (voir page 4), l'effet du rĂ©chauffement sur la vitesse et l'importance de l'acidification reprĂ©sente un peu moins de 10 % de celui de l'augmentation du taux de CO2, et d'importants apports d’eau douce et froide issus de la fonte des glaces pourraient accĂ©lĂ©rer et aggraver l'acidification et ses effets Ă©cologiques et climatiques

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Voir aussi

Bibliographie

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Filmographie

Articles connexes

Liens externes

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