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Biomarqueur

Un biomarqueur est une caractéristique biologique mesurable liée à un processus normal ou non[1].

Dans le domaine de l'Ă©cologie, un biomarqueur est un changement observable ou mesurable au plan molĂ©culaire (gĂ©nĂ©tique, biochimique), cellulaire ou physiologique dans les tissus ou les fluides d’un organisme ou sur l’organisme entier qui rĂ©vĂšle l'exposition prĂ©sente ou passĂ©e d'un organisme vivant Ă  une substance chimique ou Ă  un autre facteur de stress[2] - [3]. Il rĂ©vĂšle donc aussi la prĂ©sence actuelle ou passĂ©e de polluants dans l'environnement et/ou l'impact de certaines pratiques. Ce peut ĂȘtre par exemple le nombre de poissons dans un lac, la quantitĂ© et le type de lichens sur les arbres d'une forĂȘt, la couleur du pelage des animaux ou un taux anormal d'hormone de stress ou d'un enzyme de dĂ©toxication dans un organisme.

Dans le domaine mĂ©dical, un biomarqueur peut ĂȘtre utilisĂ© pour le dĂ©pistage mĂ©dical (recherche d'une maladie dans une population), le diagnostic (caractĂ©risation d'une maladie chez un individu), la rĂ©ponse Ă  un traitement mĂ©dical, la rechute aprĂšs un traitement, la toxicitĂ© d'une molĂ©cule. Le biomarqueur est alors le plus souvent une protĂ©ine (dosable dans le sang ou la prĂ©sence d'une molĂ©cule dans l'urine).

En Ă©cologie et en Ă©cotoxicologie

Types de biomarqueurs

Le principe de l'utilisation d'un « biomarqueur » est de rechercher la signature biologique de l'impact (actuel ou passé) ou de la présence d'un xénobiotique dans l'organisme, ou de l'effet induit d'un changement ou stress environnemental (ex. : pollution thermique, pollution lumineuse induisant, déshydratation, perturbateur endocrinien..), et non la mise en évidence directe de la cause.

Certains biomarqueurs (ex. : cerne des arbres...) révÚlent des évÚnements anciens (contact avec un toxique, un pathogÚne, un évÚnement climatique...).

Parmi les avantages de l'usage des biomarqueurs en Ă©cotoxicologie, on peut citer la rapiditĂ© de leur mise en Ɠuvre, la dĂ©tection prĂ©coce de la contamination, une utilisation possible Ă  la fois au laboratoire et sur le terrain. Par ailleurs la technique peut donner une information relativement prĂ©cise sur la nature des substances induisant la rĂ©ponse[4].

Exemples de biomarqueurs

Le "test des comĂštes" permet de quantifier le taux d’ADN endommagĂ© dans les cellules d’organismes contaminĂ©s. L’ADN est rĂ©cupĂ©rĂ© dans un gel aprĂšs destruction des diffĂ©rentes membranes protectrices de la cellule. Puis la suspension est soumise Ă  un champ Ă©lectrique, dans une cuve Ă  Ă©lectrophorĂšse. L’ADN migre diffĂ©remment selon son Ă©tat de dĂ©gradation. Le rĂ©sultat observĂ© (ici chez Gammarus fossarum) en microscopie Ă   "Ă©pifluorescence" Ă©voque une silhouette de comĂšte, avec un "noyau" et une "queue" de comĂšte. A gauche, ADN sain, et Ă  droite, ADN dĂ©gradĂ©. CrĂ©dit : E. Lacaze@INRAE

Dans les milieux aquatiques d'eau douce, les premiers biomarqueurs ont Ă©tĂ© dĂ©veloppĂ©s sur les poissons. Par exemple, l'activitĂ© enzymatique EROD (EthoxyrÈsorufine-o-dÈÈthylase) chez certains poissons (cyprinidĂ©s) a Ă©tĂ© proposĂ©e comme biomarqueur de la prĂ©sence de polluants de type HAP, PCB et dioxines. GrĂące Ă  ce biomarqueur, les cours d'eau français peuvent ĂȘtre suivis ponctuellement (pour vĂ©rifier si une pollution accidentelle a eu des impacts par exemple) ou en utilisant ces poissons comme sentinelles Ă  long terme (analyse en routine)[5].

Plus rĂ©cemment dans les annĂ©es 2010, de nouveau biomarqueurs ont Ă©tĂ© dĂ©veloppĂ©s chez les espĂšces d'invertĂ©brĂ©s prĂ©sentes ou artificiellement implantĂ©es dans le milieu. Chez le gammare (Gammarus fossarum)) petit crustacĂ© commun dans les riviĂšres, par exemple, des biomarqueurs ciblant trois modes d’action de contaminants - neurotoxique, reprotoxique et gĂ©notoxique - ont Ă©tĂ© Ă©laborĂ©s[6]. Le premier biomarqueur concerne le suivi de l’activitĂ© de l’acĂ©tylcholinestĂ©rase[7] (Ache), enzyme impliquĂ©e dans le transfert de l’influx nerveux. Le second biomarqueur consiste Ă  mesurer la synthĂšse de la vitellogĂ©nine, une protĂ©ine synthĂ©tisĂ©e normalement par les gammares femelles, mais prĂ©sente sur des mĂąles ou des juvĂ©niles exposĂ©s Ă  des contaminants a effet reprotoxiques[8]. Enfin, le "test des comĂštes" qui permet de quantifier le taux d’ADN endommagĂ© dans les cellules d’organismes contaminĂ©s, a Ă©tĂ© menĂ© sur l’ADN des spermatozoĂŻdes de gammares[9] . Pour ce dernier type de biomarqueur, des tests rĂ©alisĂ©s dans les cours d’eau ont montrĂ© des taux d’endommagement de l’ADN pouvant atteindre 20 %. Les consĂ©quences se mesurent ensuite sur la viabilitĂ© des embryons issus du croisement de cellules contaminĂ©es. Finalement, l’avenir des populations locales est menacĂ©[9]. Aujourd'hui certains de ces test sont exploitĂ©es par l'entreprise BIOMAE[10], crĂ©Ă© par Guillaume Jubeaux Ă  l'issue de sa thĂšse[8] menĂ©e Ă  Irstea (aujourd'hui INRAE)

D'autres espÚces invertébrés sont suivies dans les milieux d'eau douce, comme la moule zébrée (Dreissena polymorpha) ou le Potamopyrgus antipodarum, deux espÚces invasives présentes dans la plupart des cours d'eau européens.

En médecine

AprÚs un infarctus, plusieurs marqueurs cardiaques permettent de déterminer quand l'attaque est survenue et quelle était sa gravité.
La puce Ă  ADN est un outil qui pourrait encourager l'utilisation de biomarqueurs.

Historique de quelques biomarqueurs

En 1948, la chaine légÚre de l'immunoglobuline est identifiée comme étant présente chez 75 % des patients atteint d'un myélome (Protéine de Bence-Jones).

En 1963, G.I. Abelev dĂ©couvre l'alpha-fƓtoprotĂ©ine. Le dosage dans les liquides biologiques de cette molĂ©cule, permet de dĂ©celer la prĂ©sence de cellules tumorales.

En 1965, Samuel O.Freedman et Phil Gold, dĂ©couvrent l'antigĂšne carcino-embryonnaire (ACE), une substance sĂ©crĂ©tĂ©e par les cellules d’une tumeur cancĂ©reuse[11].

En 1981, le CA 125, marqueur dans le cancer de l'ovaire, est identifié par RC Bast[12].

La recherche de biomarqueurs

Quelques précisions sur l'utilisation du terme « clinique » et ses différentes utilisations sont nécessaires :

  • pour un test, « clinique » signifie que le test est utilisable en routine. IdĂ©alement, ce test doit ĂȘtre peu coĂ»teux, peu invasif, ne doit pas nĂ©cessiter un appareillage lourd et doit ĂȘtre relativement rapide ;
  • pour une Ă©tude, « clinique » signifie que l'Ă©tude est rĂ©alisĂ©e sur l'homme (en premier lieu sur des personnes saines puis sur des malades), et non sur des modĂšles expĂ©rimentaux (animaux, cellules en culture) comme ce qui est rĂ©alisĂ© en phase « prĂ©-clinique »[13] ;
  • pour une maladie, « clinique » signifie que des symptĂŽmes sont visibles lors d'un examen de routine, par exemple lors d'une consultation chez son mĂ©decin traitant (douleurs, rougeurs, masses palpables, etc.) La maladie est « prĂ©clinique » ou asymptomatique avant l'apparition des premiers symptĂŽmes.

La dĂ©couverte de nouveaux biomarqueurs est souvent liĂ©e au dĂ©veloppement d'une nouvelle technologie, par exemple, l'alpha-fƓtoprotĂ©ine et de l'antigĂšne carcino-embryonnaire aprĂšs le dĂ©veloppement des techniques immunologiques. Actuellement, des techniques telles que les biopuces ou la protĂ©omique semblent offrir de nombreuses perspectives[14].

Le EDRN[15] recommande un processus en 5 étapes pour le développement d'un biomarqueur[16] :

  1. Phase exploratoire de recherche de biomarqueurs candidats lors d'une étude préclinique sur quelques dizaines ou centaines de patients comparant un groupe « malade » versus un groupe « sain ».
  2. Développement d'un test clinique reproductible sur un échantillon représentatif de la population ciblée.
  3. Étude clinique rĂ©trospective permettant de valider la capacitĂ© du biomarqueur Ă  dĂ©tecter la maladie en phase prĂ©clinique (c'est-Ă -dire avant l'apparition des symptĂŽmes).
  4. Étude clinique prospective Ă  long terme sur la population ciblĂ©e pour dĂ©terminer l'utilitĂ© du biomarqueur.
  5. Étude prospective à long terme pour valider le biomarqueur.

Valider un biomarqueur reste un processus long et complexe, ce qui explique leur faible nombre en routine. Pour faciliter l'utilisation des biomarqueurs en cours de développement dans des études cliniques, le centre d'Oxford EBM[17] a décrit une classification des biomarqueurs en fonction de leurs niveau de preuve[18] :

  1. (Plus haut niveau de validation) : biomarqueur validé par une étude clinique prospective randomisée sur la population et sur le long terme.
  2. biomarqueur validé par une étude prospective sur un échantillon de la population.
  3. biomarqueur validé par une étude rétrospective sur un échantillon représentatif de la population.
  4. biomarqueur validé par une étude rétrospective sur un échantillon non représentatif de la population.
  5. (Plus faible niveau de validation) : biomarqueur validé en laboratoire uniquement.

Recherche

Les biomarqueurs suscitent un intĂ©rĂȘt croissant. Par exemple, en Allemagne, pour mieux dĂ©tecter les signes prĂ©dictifs ou prĂ©coces de certaines maladies (cancer de la vessie ou du foie, maladies d'Alzheimer ou de Parkinson), le land de RhĂ©nanie-du-Nord-Westphalie (RNW) propose 37 millions d'euros pour crĂ©er un « Centre de recherche sur les protĂ©ines » dit Pure (Protein Research Unit Ruhr within Europe) sur le Campus-SantĂ© RNW de l'UniversitĂ© de la Ruhr Ă  Bochum)[19].

Autre exemple, Ellen Jorgensen, de 2001 à 2009, comme directrice de la recherche et développement de biomarqueurs à Vector Research, publie ses travaux, en particulier les premiers biomarqueurs des maladies pulmonaires liées au tabac[20] .

Notes et références

  1. (en) Biomarkers working group, « Biommarkers and surrogate endpoints: preffered definition and conceptual framework », Clin. Pharmacol. Ther., vol. 69,‎ , p. 89-95.
  2. Lagadic L, Caquet T, Amiard J.C & Ramade F (1997) Biomarqueurs en Ă©cotoxicologie : Aspects fondamentaux. Collection Écologie, Paris, Masson, 419 p
  3. Jean-Claude Amiard, Claude Amiard-Triquet, coord., « Les biomarqueurs dans l'évaluation de l'état écologique des milieux aquatiques », Ed Tec & Doc, lavoisier, 2008, 978-2-7430-1017-1
  4. Jeanne Garric et al., « Les biomarqueurs en Ă©cotoxicologie : dĂ©finition, intĂ©rĂȘt, limite, usage », Sciences Eaux & Territoires,‎ (lire en ligne)
  5. Mesure d'un biomarqueur de pollution chez des poissons d'eau douce. Validation et optimisation; Patrick Flammarion, 2000,126 pages, Coll. Études du Cemagref, sĂ©rie Gestion des milieux aquatiques n° 15 (ISBN 2-85362-521-4) (Voir)
  6. Sabine Arbeille et Olivier Geffard, « QualitĂ© environnementale - Les gammares, sentinelles de la santĂ© de nos riviĂšres », SPOT, journal interne d'Irstea,‎
  7. P. Noury et al., « Dosage en microplaque de l’activitĂ© enzymatique AChE du gammare », HAL INRAE,‎ (lire en ligne)
  8. Guillaume Jubeaux, « DĂ©veloppement de la mesure de la vitellogĂ©nine chez les invertĂ©brĂ©s & utilisation de marqueurs de la perturbation endocrinienne chez le crustacĂ© amphipode gammarus fossarum », ThĂšse Irstea,‎ (lire en ligne)
  9. Emilie Lacaze et al., « DNA damage in caged Gammarus fossarum amphipods: A tool for freshwater genotoxicity assessment », Environmental Pollution, Elsevier,,‎ (lire en ligne)
  10. Catherine Foucaud-Scheunemann, « 3 questions à une jeune pousse : Biomae », sur INRAE, (consulté le )
  11. société recherche contre cancer, « Impact de la recherche sur le cancer à travers les années » AccÚs libre [page], sur Société recherche contre cancer, non connu (consulté le )
  12. (ang) National Library of Medecine, « CA125 in Ovarian Cancer » AccÚs libre [page], sur National Library of Medecine, (consulté en )
  13. Roselelyne Boulieu, Initiation à la connaissance du médicament, Ellipses,
  14. (en) Kulasingam V, Diamandis EP, « Strategies for discovering novel cancer biomarkers through utilization of emerging technologies », Nature Clinical Practice Oncology, vol. 5, no 10,‎ , p. 588-599 (lire en ligne [PDF])
  15. Early Detection Research Network, qui peut se traduire par « Réseau de recherche sur la détection précoce », du NCI (National Cancer Institut, l'institut américain du cancer)
  16. (en) Pepe MS, Etzioni R, Feng Z et al., « Phases of biomarkers development for early detection of cancer », J Natl Cancer Inst, vol. 93,‎ , p. 1054-1061 (lire en ligne [PDF])
  17. Evidence Based Medecine, signifiant médecine basée sur les faits.
  18. « Levels of evidence », BJU Int, vol. 101,‎ , p. 150
  19. BE Allemagne N°466, (2010/01/15) Ambassade de France en Allemagne / ADIT.
  20. (en) « Ellen Jorgensen », ResearchGate,‎ (lire en ligne, consultĂ© le ).

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

  • CancerDriver, une base de donnĂ©es ouverte sur les biomarqueurs en oncologie avec des liens vers les articles de rĂ©fĂ©rence et les essais cliniques ouverts.
  • Biomarqueursinfos.fr Site d'information sur les biomarqueurs, avec des vidĂ©os de confĂ©rences en ligne.


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