Pou du saumon
Lepeophtheirus salmonis
femelle mature avec ruban d'Ćufs ;
femelle mature sans ruban d'Ćufs ;
- Caligus salmonis KrĂžyer, 1837
Le Pou du saumon, Lepeophtheirus salmonis, est une espĂšce de copĂ©podes parasites de la famille des Caligidae, au corps mou et protĂ©gĂ© par une carapace aplatie et chitineuse. La femelle adulte mesure 12 mm (29 mm en incluant les rubans dâĆufs). Le mĂąle adulte mesure 6 mm.
C'est l'une des espÚces dites « pou du poisson », une dénomination qui rassemble des espÚces de copépodes parasites vivant dans toutes les mers du monde. Il est parfois aussi nommé pou de mer.
Son cycle de vie comprend trois stades libres et planctoniques (non parasitaires) ; puis au stade prĂ©-adulte et adulte, il devient un parasite externe fixĂ© (ectoparasite). Comme son nom l'indique, Lepeophtheirus salmonis affecte surtout le saumon dont il consomme le mucus et parfois la peau et le sang (pour la femelle adulte)[2]. Au stade adulte ou prĂ©-adulte, il peut causer des plaies ulcĂ©rĂ©es, entretenues ou Ă©largies par des infections bactĂ©riennes et fongiques opportunistes. Il se fixe parfois aussi sur les nageoires oĂč il se nourrit Ă©galement de mucus. Plus rarement on le trouve sur les branchies.
Lepeophtheirus salmonis est une espĂšce Ă©conomiquement et Ă©cologiquement prĂ©occupante au Canada ou en NorvĂšge puis Ăcosse et Irlande ; elle semble y avoir profitĂ© du rapide dĂ©veloppement de l'Ă©levage du saumon (depuis le dĂ©but des annĂ©es 1990) pour pulluler en devenant de plus en plus rĂ©sistantes aux pesticides antiparasitaires. Elle cause d'importantes pertes financiĂšres.
Dans le mĂȘme temps on a montrĂ© qu'au Canada, et en Europe, le nombre des saumons sauvages juvĂ©niles parasitĂ©s et mourant en mer augmentait. Par exemple pour l'Europe du Nord : 143 500 smolts (jeune saumon qui redescend vers la mer) marquĂ©s ont Ă©tĂ© relĂąchĂ©s en eau douce en 1997 et 2009 dans des cours d'eau norvĂ©giens et dans des fjords de 2007 Ă 2009 (avec 1 Ă 6 opĂ©rations par an)[3] ; le taux de recapture de ces smolts (tant relĂąchĂ©s en riviĂšre qu'en fjords) a Ă©tĂ© faible et en diminution : il Ă©tait de 0,8â1,7 % de 1997-2002 et a ensuite rĂ©guliĂšrement dĂ©clinĂ© pour tomber Ă 0 Ă 0,2 % en 2007/2008[3]. Ce phĂ©nomĂšne Ă©tait accompagnĂ© d'une moindre croissance des saumons et d'un retard de l'Ăąge de maturitĂ© sexuelle tant chez le saumon sauvage que d'Ă©levage. le taux de survie et de recapture a lĂ©gĂšrement augmentĂ© quand les saumons ont Ă©tĂ© relĂąchĂ©s de maniĂšre plus dispersĂ©e, ou quand les smolts avaient Ă©tĂ© traitĂ©s contre les poux du saumon avant d'ĂȘtre relĂąchĂ©s (mais pas de maniĂšre significative par rapport Ă la variabilitĂ© naturelle de la mortalitĂ© en mer)[3]. Ceci indique une dĂ©gradation gĂ©nĂ©rale des conditions de vie du saumon atlantique en mer de NorvĂšge, au moins en partie due Ă l'augmentation du parasitisme par les poux[3].
AprÚs plus de 10 ans de débats, il y a depuis 2010 un consensus sur le fait que les élevages sont devenus une source de parasites pour le saumon sauvage juvénile se rendant en pleine mer[4] et que la densité d'une zone en parcs d'élevage est un facteur critique pour le risque de parasitose par les poux de mer[5], mais certains experts estiment que ces parasitoses des juvéniles n'expliquent pas à elles seules (au Canada) le recul ni les variations démographiques des saumons sauvages[6].
Au Canada, en NorvĂšge, en Irlande et Ăcosse, les infestations de plus en plus importantes et conjointes de saumons sauvages et d'Ă©levage sont jugĂ©es trĂšs prĂ©occupantes, mĂȘme si des divergences existent sur le degrĂ© de menace pour les populations sauvages de salmonidĂ©s migrateurs. En Irlande, aprĂšs 9 ans d'Ă©tudes, Jackson & al. concluaient en 2012 que si ces poux peuvent effectivement tuer de nombreux smolts sauvages lors de leurs premiers mois en mer, ils ne sont ensuite qu'une cause mineure de mortalitĂ© des saumoneaux en mer[7]. NĂ©anmoins malgrĂ© des variations annuelles et intrapopulationnelles importantes, des preuves d'infestations massives et rĂ©centes par L. salmonis existent chez les saumons remontant Ă l'ouest de l'Irlande, oĂč une prĂ©valence Ă©levĂ©e (jusqu'Ă 100 % des saumons adultes marins remontant vers la terre) et une intensitĂ© Ă©levĂ©e de parasitage (abondance moyenne maximale de 25,8 poux par saumon enregistrĂ©es en 2004) posent question[8].
Liste des sous-espĂšces
Selon NCBI (29 décembre 2018)[9] :
- sous-espĂšce Lepeophtheirus salmonis oncorhynchi Skern-Mauritzen, Torrissen & Glover, 2014
- sous-espĂšce Lepeophtheirus salmonis salmonis KrĂžyer, 1837
Histoire
Les poux de poissons sont connus depuis longtemps, mais ils Ă©taient rares et n'Ă©taient pas dĂ©tectĂ©s sur les smolts. Les tout premiers problĂšmes sont nĂ©s avec l'apparition des premiers Ă©levages dans les annĂ©es 1970[10], d'abord en Europe du Nord, et peu aprĂšs (tout dĂ©but des annĂ©es 2000) en AmĂ©rique du Nord oĂč le problĂšme a vite Ă©tĂ© pris trĂšs au sĂ©rieux.
En effet, un an aprĂšs l'apparition de poux du poisson (nouvelle espĂšce ou variant gĂ©nĂ©tique pour le Canada apparemment[11]) sur les alevins du saumon rose en 2001 (alors que les populations d'alevins Ă©taient exceptionnellement importantes), en 2002 les remontĂ©es migratoires avaient chutĂ© de façon spectaculaire, Ă la suite d'une mortalitĂ© trĂšs importante de saumons en mer ; « la population de saumons est passĂ©e d'environ 300 Ă 50 millions en une seule gĂ©nĂ©ration »[11]. Cette chute dĂ©mographique est brutale, mais peut ĂȘtre expliquĂ©e par d'autres facteurs ou co-facteurs que le seul parasitisme par le pou des poissons. En effet, de tels effondrement de population avaient dĂ©jĂ Ă©tĂ© observĂ©s sans que ce parasite puisse ĂȘtre mis en cause. De 2005 Ă 2010, la prĂ©valence du poux du poisson a chutĂ© tant chez le poisson d'Ă©levage et chez le saumon sauvage, sans doute au moins en partie Ă la suite des mesures prises par les salmoniculteurs. Mais les populations sauvages de salmonidĂ©s semblent toujours en mauvais Ă©tat[11].
Ailleurs dans le monde, partout oĂč des piscicultures intensives en parcs marins s'installent (y compris avec des parasites qui maintenant vivent trĂšs bien en eaux saumĂątres, non loin d'Ă©levages de Tilapias en Asie du Sud-Est par exemple[10], des phĂ©nomĂšnes Ă©mergents similaires existent avec d'autres poux de mer proches ou de la mĂȘme famille. Par exemple Caligus rogercresseyi pullule depuis le dĂ©but des annĂ©es 2000 dans les Ă©levages piscicoles chiliens de saumons et de truite de mer[12] - [13], corrĂ©lativement Ă des Ă©pidĂ©mies bactĂ©riennes[14] et/ou virales (virus de l'anĂ©mie du saumon) qui semblent associĂ©s dans un phĂ©nomĂšne de co-infection, le parasite Ă©tant sans doute vecteur du virus et le virus favorisant peut-ĂȘtre le parasite[15]. En CorĂ©e, c'est le sĂ©baste d'Ă©levage (Sebastes schlegelii) qui est Ă©levĂ© comme les saumons en cages et en mer, qui est infestĂ© de parasites de la mĂȘme famille (Caligidae) ; Lepeophtheirus elegans[16]. Dans le passĂ©, ce pou n'avait jamais Ă©tĂ© citĂ© comme parasite de ce sĂ©baste, mais en 2012 jusqu'Ă 98 % des poissons d'Ă©levage sont parasitĂ©s par ce pou de mer[16], dans des dizaines d'Ă©levages diffĂ©rents[16], avec jusqu'Ă 29 poux par individu[16].
Ces caractéristiques évoquent des potentialités sur le plan de l'invasivité.
Confusions possibles
(mĂąle et femelle)
D'autres espÚces de poux de mer existent et lui ressemblent ; En particulier Caligus clemensi est au autre parasite, également parfois dénommé pou du saumon[17], mais il semble moins dépendant des fermes salmonicoles, en tous cas ses larves en sont trouvées à plus grande distance et plus dispersées[17]. Caligus longirostris a été trouvé récemment sur des saumons d'élevage en Australie (Tasmanie)[18].
Le consommateur risque peu de les voir car ils se dĂ©crochent des poissons aprĂšs la pĂȘche, quand ils sont manipulĂ©s[19].
Habitat, répartition
On ignore encore l'origine gĂ©ographique de cette espĂšce, mais il est aujourd'hui rĂ©pandu dans la plupart des fermes salmonicoles : il est devenu trĂšs commun en quelques annĂ©es dans les Ă©levages de la cĂŽte ouest de l'AmĂ©rique du Nord, comme dans les Ă©levages Ă©cossais, d'oĂč il menace de contaminer les saumons sauvages[20].
L'« habitat » du pou adulte est son hÎte, mais au stade larvaire planctonique, c'est la pleine eau. Des travaux récents conduits à partir d'observations faites dans le Hardangerfjord (zone marine norvégienne riche en parcs salmonicoles) montrent qu'au stade de larve planctonique, sa distribution générale et son abondance sont régies par les courants, la salinité mais aussi la température, trois variables que l'on tente d'intégrer dans des modÚles numériques afin de mieux prévoir les risques, lieux et dates d'infestations. Ce type de modÚle devrait aussi permettre de mieux gérer les risques de co-infections virales et bactériennes quand les pathogÚnes sont diffusés par les courants. On ignore comment et à quelle distance la larve perçoit la présence d'hÎtes potentiels, mais on sait qu'elle sait utiliser les courants et les « vagues internes » marines pour se déplacer plus vite et plus loin[21].
Ăcologie, biologie
Reproduction et cycle de vie
La reproduction a lieu toute l'année, mais avec une forte augmentation au printemps quand la température de l'eau remonte.
L'accouplement de L. salmonis se produit de maniĂšre similaire (approche, posturesâŠ) Ă celui de L. pectoralis mais avec des durĂ©es diffĂ©rentes[22].
Les mùles adultes (deux fois plus petits que la femelle) prennent des positions précopulatoires principalement avec les femelles « pré-adultes II »[22]. Il semble y avoir de la part du mùle un comportement de reconnaissance des femelles sans doute basé sur des stimuli biochimiques de type hormonal (les derniÚres mues abandonnées par la femelle mature peuvent attirer des groupes de mùles)[22].
Il s'accroche Ă sa partenaire au niveau du 4e segment porteur de pattes, en utilisant sa seconde paire d'antennes[22].
Les femelles approchant de leur mue finale produisent des filaments frontaux temporaires qui leur permettent de s'ancrer durant la mue[22]. Les mĂąles restent fixĂ©s au cĂ©phalothorax de la femelle lors de sa mue finale, puis ils se rattachent au complexe gĂ©nital de la femelle avant de se rapprocher de la surface ventrale de celle-ci. Le mĂąle (adulte) s'accouple Ă la femelle qui vient de muer. Avec des mouvements complexes et prĂ©cis, il utilise ses maxillipĂšdes pour manipuler et soulever le complexe vaginal de cette femelle, pour finalement y dĂ©poser une paire de spermatophores au moyen de ses pattes natatoires. Une fois cette opĂ©ration accomplie, il revient sur le dos de la femelle et semble durant un certain temps faire en sorte que ses spermatophores restent pressĂ©s contre la femelle[22]. On observe ensuite (du moment de l'insĂ©mination Ă celui de la production des premiers Ćufs) une croissance allomĂ©trique du complexe gĂ©nital de la femelle[22]. Les Ćufs sont produits en deux longs filaments souples contenant plusieurs centaines d'Ćufs qu'elle traĂźne derriĂšre elle (elle est alors dite « ovigĂšre »). Chaque Ćuf Ă©clot en donnant une minuscule larve mobile dite « nauplius ». Les nauplii nagent et/ou se laissent porter par le courant.
Les nauplies grandissent en muant 3 fois[11], les exuviations se produisant pendant une période de jeûne.
La 4e mue les fait passer au stade « copĂ©podite », stade crucial car c'est le moment oĂč le pou doit trouver un poisson Ă parasiter. Il remonte la « piste odorante » laissĂ©e par une "proie" (ou par un Ă©levage de saumons), et une fois arrivĂ© Ă proximitĂ© de son hĂŽte, il utilise dans un premier temps un petit filament pour s'attacher Ă lui. L'hĂŽte est souvent un salmonidĂ© (saumon, truite de mer ou omble chevalier anadrome[4], mais il peut sâagir d'une Ă©pinoche (migratrice amphihaline, ou Ă©pinoche marine) ou dâun hareng)[11].
Une fois fixĂ© Ă son poisson au moyen de crochets, il va longuement en consommer le mucus (celui du saumon atlantique est composĂ© d'environ 530 protĂ©ines[23]). Le pou prĂ©-adulte subit encore plusieurs exuviations qui lui permettent de grandir et de se sexuer (il devient mĂąle ou femelle adulte et sexuellement mature)[11]. Vient lâaccouplement et la ponte.
La totalité de ce cycle dure de 45 à 50 jours, selon la température de l'eau[11], et le cycle peut recommencer.
Selon les conclusions d'une Ă©tude ayant utilisĂ© dans la Baie de Fundy des Ă©chantillonneurs lumineux (piĂšge lumineux attirant les larves), il y a beaucoup plus de larves actives de poux prĂšs des fermes en dĂ©but d'automne que dans les sites de rĂ©fĂ©rence[24]. Dans l'environnement proche d'une ferme d'Ă©levage situĂ©e en eau peu profonde, le jour, les larves Ă©taient distribuĂ©s Ă la fois dans le haut et le bas de la colonne d'eau. En raison des traitements chimiques certains des poux femelles meurent[24]. Des mesures faites en laboratoire montrent qu'un chapelet d'Ćufs libre tombe vers le bas Ă environ 1 cm/s, alors que fixĂ© Ă une femelle gravide morte, il tombe prĂšs de deux fois plus vite : 9 cm/s, et les Ćufs Ă©closent avec succĂšs sur les sĂ©diments vaseux[24]. Sachant que dans les zones de salmonicultures les courants moyens sont d'environ 10 cm/s un calcul prenant en compte ces deux vitesses de sĂ©dimentation montre que les Ćufs sont dispersĂ©s autour de l'Ă©levage jusqu'Ă 160 Ă 300 m[24]. AprĂšs l'Ă©closion, les larves nagent Ă une vitesse de 1 Ă 3 mm/s[24]. Ceci suggĂšre qu'elles pourraient nager du bas de la colonne d'eau Ă la surface en 3 Ă 8 heures tout en dĂ©rivant avec le courant et entretenir un cycle d'infestation. Une vidĂ©o[25] faite par A. norton (biologiste canadienne) montre des larves femelles ovigĂšres fixĂ©es sur la coque mĂȘme d'un bateau-usine emballeur (le Viking Star) qui vient rĂ©cupĂ©rer et traiter les saumons fraichement rĂ©cupĂ©rĂ©s dans les parcs d'Ă©levage, suggĂ©rant que des bateaux de ce type puissent eux-mĂȘmes vĂ©hiculer des parasites[24].
Dynamique de population
Avant la mise en place des parcs d'élevage de salmonidés, les poux de mer et leurs hÎtes sont probablement longuement coévolués, et des variations naturelles de la population des poux de mer existait probablement, dépendant notamment de celles de leurs hÎtes ou de certains pathogÚnes ou prédateurs des poux de mer, notamment à l'état de larve.
La dynamique de population de l'espĂšce a Ă©tĂ© fortement modifiĂ©e par l'Homme. D'abord avec la surpĂȘche qui a causĂ© une rĂ©gression des saumons sauvages, et ensuite depuis quelques dĂ©cennies par la mise Ă disposition des poux de millions de saumons d'autant plus facilement parasitĂ©s qu'ils sont encagĂ©s et que les cages sont positionnĂ©es dans les zones favorables aux poux.
Dans l'océan, hormis sous les fermes salmonicoles les larves planctoniques sont peu présentes et elles semblent largement dispersées par les courants. Elles sont donc difficiles à capturer, identifier et tracer, ce pourquoi on ignore encore avec quelle efficacité elles peuvent se déplacer, cibler et parasiter leur hÎte.
Des Ă©tudes sont en cours dans plusieurs pays pour mieux comprendre comment les poux se dispersent et Ă©voluent en mer. Elles utilisent des piĂšges Ă plancton pour Ă©tudier le stade larvaire planctonique, et pour des rĂ©seaux de cages de « poissons sentinelle » pour Ă©tudier le stade copĂ©podite et parasite adulte. RĂ©cemment un systĂšme (« smoltsimulator ») a Ă©tĂ© utilisĂ©[26]. Il s'agit d'une cage mobile saisonniĂšrement remorquĂ©e (de 2011 Ă 2012) dans un archipel norvĂ©gien pour simuler le trajet des smolts des l'estuaires vers la pleine mer (le mouvement de la cage Ă©tant en quelque sorte calquĂ© sur ce que l'on suppose ĂȘtre le mouvement de migration d'aprĂšs des captures faites au filet dans le mĂȘme environnement). Ce smoltsimulator permet de mieux observer la vitesse et l'intensitĂ© de l'acquisition de poux par les smolts au fur et Ă mesure de leur voyage vers la pleine mer en passant par une aire d'alimentation qui Ă©tait dĂ©jĂ connue des scientifiques.
Dans le mĂȘme temps, une autre Ă©tude cherche Ă modĂ©liser la dispersion des poux dans un fjord Ă©cossais qui concentre Ă lui seul 10 % de la production salmonicole de toute l'Ăcosse[27].
De nombreux indices et les modÚles laissent penser que la diffusion pélagique des larves planctoniques joue un grand rÎle pour le déplacement géographique des larves et pour l'entretien de la diversité génétique au sein de l'espÚce ;
Il est également possible que des larves de diverses souches aient été transportées par l'Homme avec des stocks de saumons déplacés vers les parcs ou via les eaux de ballasts de certains navires. Ceci pourrait avoir favorisé des adaptations génétiques plus rapides des poux aux pesticides utilisés pour les tuer.
Détection à distance d'une « proie »
AprÚs sa 4e mue, grùce à des chémorécepteurs olfactifs, la larve du pou est capable remonter la « piste chimique » formée par une ou plusieurs molécules perdues par sa proie (molécules dites kairomones jouant le rÎle d'une « signature olfactive »)[28].
Fixation sur la « proie » ?
Quand il a localisé son hÎte (salmonidé le plus souvent), s'il peut s'en approcher suffisamment, il entre en contact avec le mucus du saumon. Ce contact induit alors chez le parasite une série de réactions comportementales[28].
Le pou semble Ă©galement capable de choisir des saumons dont la peau, voire la chair ont une composition biochimique qui leur convienne[28].
Des Ă©tudes de rhĂ©otaxie utilisent en tube en forme de Y dans les branches duquel un expĂ©rimentateur peut prĂ©senter au pou diverses molĂ©cules de l'hĂŽte (protĂ©ine extraite du mucus, urineâŠ) et/ou des molĂ©cules susceptibles d'ĂȘtre rĂ©pulsives ou de masquer l'odeur des kariomone Ă©mises par l'hĂŽte. Ces Ă©tudes visent Ă mieux comprendre les capacitĂ©s olfactives du pou (L. salmonis et C. rogercresseyi dans un premier temps), et - si cela s'avĂšre possible - Ă les inhiber[28]. Des extraits de certaines plantes semblent efficacement perturber l'olfaction des parasites. Des extraits des plantes qui se sont montrĂ©es les plus efficaces dans ces expĂ©riences ont Ă©tĂ© intĂ©grĂ©s dans des aliments commerciaux qui ont servi Ă nourrir des saumons en mer, et ces saumons se sont montrĂ©s effectivement moins parasitĂ©s, avec en parallĂšle un moindre taux de survie des poux[28]. Ce type de traitement pourrait complĂ©ter l'immunostimulation des saumons Ă©levĂ©s en cage. Si une kĂ©romone spĂ©cifique Ă©tait clairement identifiĂ©e, il serait peut ĂȘtre possible de crĂ©er des leurres ou des piĂšges capables d'attirer les larves en recherche d'un hĂŽte.
Décrochage de la « proie » ?
Le pou du saumon Ă©tait rĂ©putĂ© de pas supporter l'eau douce et rapidement se dĂ©crocher du saumon lors de sa remontĂ©e dans les fleuves[29]. Cependant des salmonidĂ©s encore porteurs de poux sont pĂ©riodiquement dĂ©tectĂ©s en eau douce, dont par exemple en France dans le Pas-de-Calais Ă un point de comptage situĂ© Ă Nampont-Saint-Martin (Montigny) Ă 18,5 km de la mer[30]. Durant leur phase marine de vie, les salmonidĂ©s, selon une Ă©tude ayant comparĂ© les rĂ©actions immunitaires de saumons encagĂ©s et de saumons naturellement porteurs de poux, ces parasites ne semblent pas gravement affecter la santĂ© du poisson ; on observe autour de la plaie des cellules brisĂ©es ou pycnosĂ©es, et une certaine hyperplasie autour des larves de stade IV, mais « Peu d'autres lĂ©sions ou rĂ©action de l'hĂŽte ont Ă©tĂ© notĂ©es. Il n'y avait pas de rĂ©action sĂ©rique d'anticorps Ă une infection manifeste, telle que dĂ©terminĂ©e par buvardage, et les valeurs de dĂ©nombrement des globules blancs des groupes de poissons tĂ©moins et infectĂ©s Ă©taient statistiquement les mĂȘmes »[31]. D'autres Ă©tudes dont en Ăcosse ont aussi observĂ© d'autres changements pathologiques chez l'hĂŽte incluant l'apparition d'un « ĆdĂšme, d'une desquamation des cellules et d'inflammations cellulaires sur et autour du point d'alimentation et d'attache. parmi les lĂ©sions macroscopiques, des graves dommages ont lieu dans l'Ă©piderme avec une perte de tissus et des hĂ©morragies comme caractĂ©ristique commune ».
Quand le pou d'un saumon en train de migrer vers la source se dĂ©croche en eau douce, le parasite laisse brutalement une plaie ouverte, au moment oĂč le saumon doit faire d'intenses efforts pour lutter contre le courant et sauter les obstacles. Ces plaies peuvent a priori ĂȘtre une porte d'entrĂ©e pour des bactĂ©ries ou des virus spĂ©cialisĂ©s ou opportunistes.
Les poux de mer et la lumiĂšre (dont spectre UV)
La résistance aux UV et à la lumiÚre des poux de mer et d'autres parasites copépodes pélagiques n'est que partiellement explorée, mais elle a été expérimentalement testée par exposition à différentes intensités d'UVB (avec un maximum de l'éclairement spectral à 313 nm et la lumiÚre visible supplémentaire. Ces organismes ont montré des comportements d'évitement ainsi qu'une certaine capacité à réparer les dégùts produits par les UV (photoréparation) et à s'en protéger par la synthÚse de pigments (caroténoïdes). Lepeophtheirus salmonis s'est montré beaucoup plus résistant aux UV que Calanus finmarchicus. Selon une modélisation, si on suppose que Calanus ne peut pas synthétiser de pigments protecteurs, des comportements d'évitement (incluant la migration verticale selon le taux d'UVB) permettraient à ce copépode de survivre aux UVB à 1 m de profondeur dans le fjord d'Oslo, alors que sans ceux-ci, il ne survivrait qu'à 7 m de profondeur[32].
Génétique, génomique
Les parasites coĂ©voluant gĂ©nĂ©ralement avec leur hĂŽte, il est intĂ©ressant dâĂ©tudier conjointement la gĂ©nomique de ces deux entitĂ©s biologiques afin de mieux comprendre comment lâune sâadapte Ă lâautre ou y rĂ©siste.
Le saumon atlantique en raison de son intĂ©rĂȘt commercial et parce qu'il a fait l'objet de projet et d'essais d'« amĂ©liorations » par gĂ©nie gĂ©nĂ©tique transgenĂšse fait l'objet d'Ă©tudes gĂ©nĂ©tiques depuis la fin du XXe siĂšcle, avec une « cartographie gĂ©nĂ©tique » publiĂ©e en 2005[33].
En connaissant mieux les facteurs génétiques et les interactions durables et les évolutions récentes entre ces hÎtes et parasites, on espÚre développer de futurs antiparasitaires moins écotoxiques et ciblant mieux les parasites.
Une stratĂ©gie proposĂ©e est de sĂ©lectionner des souches plus rĂ©sistantes de saumons d'Ă©levage et de mieux lutter contre les « souches plus virulentes de poux », mais cette stratĂ©gie n'est pas sans risque, car lâexpĂ©rience a montrĂ© dans dâautres domaines agroĂ©cologiques que la diffusion dâune souche rĂ©sistante est souvent suivie dâune adaptation du parasite et peut entrainer de nouveaux problĂšmes dus Ă la perte de diversitĂ© gĂ©nĂ©tique des souches cultivĂ©es.
Génome séquencé
Concernant le pou du saumon L. salmonis, plusieurs lignĂ©es de laboratoire, stables ou mutantes sont cultivĂ©es et disponibles depuis 2008-2009 pour la recherche. C'est l'ADN de l'une de ces souches (lignĂ©e europĂ©enne, consanguine et Ă faible variation gĂ©nĂ©tique) qui a servi au premier sĂ©quençage gĂ©nĂ©tique de l'espĂšce[34]. Fin 2010, le sĂ©quençage Ă©tait rĂ©alisĂ© (par l'universitĂ© de Bergen et le Max Planck Institute for Molecular Genetics), mais les sĂ©quences n'Ă©taient pas encore assemblĂ©es[35]. Les premiers Ă©lĂ©ments utiles Ă©taient disponibles en 2011, et fin 2012 le sĂ©quençage Ă©tait rĂ©alisĂ©, assemblĂ© et annotĂ©, avec une publication finale prĂ©vue pour 2013 aprĂšs un contrĂŽle de qualitĂ© des donnĂ©es. Ceci a pu ĂȘtre fait grĂące Ă l'aide technique de Institut europĂ©en de bioinformatique, et des financements de l'Institut norvĂ©gien de recherche marine[36] et des contributions significatives du Centre de recherche sur le pou du saumon (Salmon Louse Research Centre ou SLRC), du Marine Harvest (leader mondial en salmoniculture et production de nourriture pour pisciculture[37] et du Fonds norvĂ©gien de recherche sur la mer[38].
La taille de son génome est de 600 Mbp environ, comparable par exemple à celle du scorpion Mesobuthus martensii Karsch[39].
Transcriptome
D'aprÚs leur transcriptome, les souches nord américaines trouvées dans le Pacifique sont génétiquement différente des souches atlantiques[40] Lelong et Koop les considÚrent comme des espÚces différentes[40].
L'Ă©tude du transcriptome de 12 poux prĂ©levĂ©s dans des lieux diffĂ©rents situĂ©s entre la mer de BĂ©ring et le sud de l'Ăźle de Vancouver montrent une complexitĂ© gĂ©nĂ©tique associĂ©e Ă des diffĂ©renciations gĂ©nĂ©tiques entre saumons d'Ă©levage et sauvages et variant significativement dans le temps en deux ans (entre 2007 et 2009), qui n'ont pas pu ĂȘtre expliquĂ©e ni associĂ©es Ă un modĂšle de structuration de la population[41]. Ceci conforte l'hypothĂšse d'intenses mouvements migratoires des larves portĂ©es par le courant et sans doute d'adultes portĂ©s par leurs hĂŽtes et d'une panmixie de L. salmonis (au moins dans la zone d'Ă©tude). Ce contexte est favorable Ă une adaptation rapide des poux face Ă diverses pressions sĂ©lectives.
Nombreux transposons
L'étude des transposons et rétrotransposons d'un génome peut apporter des renseignements importants sur la structure du génome et sur son systÚme de régulation, ainsi que sur les capacités de l'espÚce à évoluer rapidement face à des changements de ses conditions de vie (l'insertion de transposons dans le génome est réputée faciliter l'évolution adaptative et certaines mutations dirigée)[42]. La présence de transposons semble souvent permettre une restructuration du génome à grande échelle. Elle est aussi impliquée dans le phénomÚne de spéciation[42]. Des chercheurs ont récemment comparé (in silico) la composition et l'abondance des éléments transposables (transposons) trouvés dans le génomes de 2 sous-groupes de poux du saumon, l'un ayant été échantillonnés en Atlantique (NorvÚge) et l'autre dans le Pacifique (au Canada)[42]. Les éléments de classe II (transposons) ont été les plus abondants dans les deux génomes. Des rétrotransposons de classe I étaient également présents. Selon les données extraites de cette étude, 54 % du génome du pou Pacifique et 58 % du génome de l'Atlantique sont composés d'éléments transposables, et contrairement à ce qui est le cas chez leur hÎte le saumon atlantique (Salmo salar), les constituants de ces éléments transposables appartiennent à une trÚs large variété de familles (plusieurs centaines de famille), ce qui laisse penser que ce parasite possÚde probablement une capacité d'évolution rapide, y compris face aux antiparasitaires chimiques qu'on lui opposera[42].
Expression génétique
Elle est étudiée ou abordée de plusieurs maniÚres, dont voici quelques exemples :
- En 2010, des biopuces ont été utilisées pour étudier « la structure de l'expression génétique chez le saumon et le pou du poisson en vue d'identifier quels gÚnes subissent des changements importants dans leur expression durant une infestation »[43].
- plusieurs études ciblent l'expression des gÚnes impliqués dans une susceptibilité ou au contraire une résistance particuliÚre aux antiparasitaires[44]
- d'autres auteurs se sont intĂ©ressĂ©s aux gĂšnes impliquĂ©s dans la vulnĂ©rabilitĂ©/rĂ©sistance Ă un champignon parasite (Facilispora margolisi, intracellulaire obligatoire) du genre Microsporidia, parfois trouvĂ© sur le pou et qui peut ĂȘtre transmis de la femelle Ă sa descendance via une infection des Ćufs[45]
Marqueurs génétiques
Des marqueurs génétiques sont répertoriés chez les poux des poissons pour étudier leur dynamique et structure de populations, leurs capacités migratoires, leurs préférences en ce qui concerne l'hÎte et certains phénomÚnes évolutifs et génétiques qui pourraient influencer la réaction hÎte-pathogÚne[46].
Pullulations
Chez toutes les espÚces existe une variation naturelle du taux de parasitisme. Mais des taux globalement croissants et anormaux de parasitoses par poux de mer sont observés chez le saumon depuis les années 1990.
C'est notamment le cas en 2001, avec une forte hausse de la prĂ©valence sur les saumons de la CĂŽte ouest de l'AmĂ©rique du Nord, et en particulier chez les juvĂ©niles sauvages de l'archipel de Broughton au Canada (plus de 70 % des individus Ă©taient porteurs dâau moins un pou). Les raisons de cette pullulation ne sont pas comprises, mais pourraient inclure des effets secondaires et synergiques du rĂ©chauffement climatique, de l'augmentation des salmonicultures et peut-ĂȘtre de la marĂ©e noire de l'Exxon Valdez (40 000 t de pĂ©trole brut rĂ©pandues sur plus de 7 000 km2 et ayant touchĂ© 2 000 km de trait de cĂŽte)[47]. cette pullulation des poux de mer a dĂ©clenchĂ©, un programme annuel de surveillance (entamĂ© en 2004), et qui a montrĂ© que cette prĂ©valence avait fortement diminuĂ© (5 Ă 20 % des juvĂ©niles parasitĂ©s)[48]. Diverses Ă©tudes ont suivi et sont encore en cours pour tenter de comprendre ce phĂ©nomĂšne et lâĂ©volution de la distribution spatiale des larves planctoniques ou prĂ©-adulte du pou du poisson dans l'archipel de Broughton.
Des phĂ©nomĂšnes similaires sont observĂ©s dans les zones norvĂ©giennes de salmonicultures, ainsi qu'en Irlande et Ăcosse. Ă titre d'exemple, l'Ă©tude de jeunes saumons placĂ©s dans 10 cages sentinelles disposĂ©es entre l'embouchure d'un fleuve Ă saumon Ă©cossais, et la pleine mer a montrĂ© que les larves du pou du saumon L. salmonis y sont maintenant capables d'infester en grand nombre les smolts arrivant en mer. les smolts sentinelles ont Ă©tĂ© relevĂ©s et remplacĂ©s chaque semaine. Ils Ă©taient porteurs de tous les stades de dĂ©veloppement du parasite, mais les stade copĂ©podes et chalimus I Ă©taient nettement plus frĂ©quents (respectivement 33,36 % et 55,89 % des cas). La prĂ©valence et l'intensitĂ© de la parasitose variait selon la position de la cage et selon l'Ă©poque (en : 5,88 % Ă 63,16 % des saumons ont acquis au moins un parasite dans leur cage ; avec 1,0 Ă 1,46 parasite par smolt), avec une forte augmentation de la prĂ©valence ensuite : en 69,39 % Ă 98,57 % des saumons Ă©taient parasitĂ©s avec 2,15 Ă 13,4 parasite par poisson). Ceci suggĂšre que les stades copĂ©podites et adultes sont les plus problĂ©matiques pour les saumons. Cette Ă©tude a aussi montrĂ© que le pou L. salmonis Ă©tait prĂ©sents dans tout le systĂšme du Loch Linnhe du printemps Ă l'automne, bien qu'Ă une densitĂ© variant selon les lieux du loch, et que la pression parasitaire Ă©tait beaucoup plus forte en automne, Ă des niveaux a priori souvent prĂ©judiciable Ă la santĂ© du poisson-hĂŽte
L'aggravation récente de certaines pullulations semble liée à l'apparition de résistances aux pesticides utilisés par les salmoniculteurs. En particulier une épidémie récente au Nouveau-Brunswick préoccupe les autorités et salmoniculteurs, car liée à « tolérance accrue des poux du poisson à certains traitements »[49] ; Au sud-ouest du Nouveau-Brunswick, l'antiparasitaire distribué aux poissons via leur nourriture est devenu « largement inefficaces » et il n'existe aucun traitement homologué et disponible pour des bains médicamenteux antiparasitaires. Des infestations massives de poux apparues dans les élevages de cette région de 2009 à 2011 a conduit les autorités à enregistrer en urgence plusieurs pesticides (Salmosan, Azaméthiphos, AlphaMax et Paramove) aux impacts potentiellement préoccupants pour les écosystÚmes et pour la santé des consommateurs[50].
Pathogénicité
Ce parasite semble parfaitement adapté aux saumons. Il est d'abord consommateur de mucus puis de sang (au stade adulte et pré-adulte). Or, le mucus et le sang contiennent des protéines ou d'autres molécules qui défendent l'extérieur et l'intérieur du saumon contre les attaques parasitaires et microbiennes.
On cherche à mieux comprendre les mécanismes de digestion du copépode. Ce dernier peut à la fois inhiber ou contourner le systÚme immunitaire de ses hÎtes, consommer un sang dont la teneur en fer serait toxique pour d'autres crustacés, et dégrader les protéines du systÚme du complément qui sont présentes dans ce sang[51].
Selon des Ă©tudes dâinfestations contrĂŽlĂ©es faites sur la truite de mer, la parasitose devient mortelle Ă partir de 1,6 poux mobiles par gramme de poisson, mais ce chiffre semble varier selon l'espĂšce de saumon concernĂ©e, selon les conditions environnementales[52] et semble-t-il selon la souche du parastite (Il est possible que pour des raisons gĂ©nĂ©tiques, certains poux soient plus adaptĂ©s Ă certains hĂŽtes ou certains hĂŽte moins rĂ©sistants).
Des saumons rouges juvéniles en bassin ont été mis en présence de copépodites (100 par poisson). Chaque saumon a été parasité par au moins un pou, mais aucun n'est mort. Par contre, chez les saumons d'un autre lot mis cette fois en présence de 300 copépodites, tous les saumons ont été plus fortement infestés et 70 % en sont morts (pour un taux moyen d'infestation par poisson de 0,35 poux par gramme de poisson).
RĂ©ponses comportementales du saumon
Habituellement les saumons ne sautent hors de l'eau que devant un obstacle ou pour le franchir. Une expérience récente (publiée en 2018) a montré que les jeunes saumons rouges (Oncorhynchus nerka) se débarrassent d'une partie de leurs poux en sautant jusqu'à 30 centimÚtres au dessus de l'eau ou rasant parfois la surface sur prÚs d'un mÚtre[53]. Ce comportement survenait environ neuf fois par jour (moyenne)[53]. Les poissons infestés de poux bondissent ainsi hors de l'eau 14 fois plus souvent que ceux qui n'en portent pas. Ce moyen n'est pas trÚs efficace (il lui faut environ 55 sauts pour se débarrasser d'un seul pou)[53].
RĂ©ponses physiologiques du saumon
De mĂȘme que la mortalitĂ©, l'ampleur des rĂ©ponses physiologiques augmente avec le nombre de poux par poisson, et s'aggravent fortement lorsque la larve du pou passe au stade prĂ©-adulte.
Les principales modifications physiologiques (mesurées en condition d'infestation contrÎlée sur le saumon rouge juvénile) sont :
- une diminution de l'hématocrite aprÚs une vingtaine de jours de parasitage ;
- une augmentation significative de l'osmolarité plasmatique (dÚs le 15e jour aprÚs l'infestation) ; Cette perturbation du systÚme ionorégulatoire du saumon juvénile de 1 à 2 grammes advient au moment il termine son adaptation au milieu marin. ce milieu marin étant « hyperosmotique », la parasitose augmente la teneur en ions chlore et sodium de l'organisme.
Il semble exister un seuil de masse corporelle (ex : 0,5 g chez le saumon rose) pour les poissons infectĂ©s par un pou au stade chalimus (quand la larve n'est attachĂ©e Ă l'hĂŽte que par un filament). Au-dessus de ce seuil, lâinfestation par le pou du poisson n'a plus dâeffet sur les teneurs en ions corpxorels (mais il peut encore avoir dâautres consĂ©quences comme la transmission dâune maladie vectorielle). Les scientifiques ayant mis en Ă©vidence ce seuil de masse corporelle ont invitĂ© les gestionnaires Ă en tenir compte dans la planification des opĂ©rations salmonicoles et de gestion du risques, afin de diminuer les parasitoses des juvĂ©niles de saumons sauvages qui sont obligĂ©s de passer prĂšs des parcs d'Ă©levage de plus en plus nombreux entre les estuaires et les zones marines de grossissement que les saumons doivent gagner en pleine mer[54] ;
- une augmentation du taux de cortisol ; c'est un indicateur de perturbation du systĂšme immunitaire[54], qui rendent trĂšs probable des infections ou co-infections par des pathogĂšnes opportunistes ; la lyse et digestion du mucus puis de la peau par le parasite est en effet une porte d'entrĂ©e pour des pathogĂšnes tels que virus, bactĂ©ries ou mycoses. Le parasite pouvant en outre lui-mĂȘme inoculer au saumon certaines maladie dont il est porteur ;
- un examen histologique des branchies montre une hyperplasie focale sĂ©vĂšre des cellules Ă©pithĂ©liales basales de la peau et la fusion des lamelles secondaires (sur les zones oĂč les poux Ă©taient fixĂ©s) ;
- les nageoires présentaient une érosion superficielle à profonde de la peau autour du site d'attache des chalimus, sans preuve toutefois d' hyperplasie ni de réponse inflammatoire ;
- des signes d'abrasions cutanĂ©es et pertes d'Ă©cailles, ils n'apparaissaient qu'au moment oĂč les parasites passaient aux stades prĂ©-adultes (c'est-Ă -dire +/- 20 jours aprĂšs l'attache des parasites sur les saumons) ;
Conséquences sur les dynamiques de population de saumons
La combinaison de ces effets décrits ci-dessus laisse penser que le saumon rouge juvénile est de loin le plus vulnérable au copépode parasite Lepeophtheirus salmonis. à ce stade, l'épiderme du saumon est encore trÚs fin, ses écailles sont imparfaitement développées et la smoltification n'est pas tout à fait terminée.
Dix ans aprÚs les pullulations de 2001, au Canada seuls 3 % des saumons sauvages capturés lors de la montaison en Colombie Britannique étaient porteurs de poux[55], mais c'est au début de la vie juvénile et marine du saumon que la parasitose semble la plus dangereuse, et quand elle est aussi la plus difficile à suivre par les scientifiques, alors que l'alevin ne pÚse que 1 à 2 grammes.
Lâimpact dĂ©mographique global et Ă moyen et long terme de ces parasitoses pour les populations sauvages est encore mal cernĂ©.
Enjeux
- Enjeux Ă©conomiques : Ce parasite semble profiter des conditions dâaquaculture en cage qui lui sont trĂšs favorables (grande promiscuitĂ© et grand nombre dâhĂŽtes potentiels). Cette « maladie Ă©mergente » touche un nombre croissant de salmoniculteurs Ă la fin des annĂ©es 1990 et au dĂ©but des annĂ©es 2000. Au Canada, de 2000 Ă 2010 lâindustrie du saumon aurait dĂ©pensĂ© plus de 50 millions de dollars (10 Ă 20 % de la valeur totale rĂ©coltĂ©e) pour la lutte et surveillance contre le poux du saumon (ce Ă quoi il faudrait ajouter les diverses aides gouvernementales ont subventionnĂ© la recherche connexe Ă ce domaine)[17]. Les salmoniculteurs norvĂ©giens devaient en 2013 y consacrer 10 % du revenu de leurs Ă©levages[56].
- Enjeux sanitaires et zootechniques : Comme le poux inhibe au moins localement (autour de la plaie) lâimmunitĂ© de son hĂŽte, il peut probablement aussi contribuer Ă la diffusion dâautres parasitoses et de maladies virales et bactĂ©riennes (y compris maladies Ă©mergentes dont le risque dâapparition augmente avec la mondialisation des Ă©changes) chez les poissons[17].
- Enjeux Ă©cologiques : Les Ă©levages salmonicoles oĂč le poux se multiplie deviennent des « sources de larves » qui peuvent rĂ©infester lâĂ©levage Ă la saison suivante, ou infester dâautres Ă©levages plus ou moins proches ou encore toucher les saumons sauvages. En effet, les larves de poux sont diffusĂ©es en grand nombre par les courants et peuvent parasiter des saumons sauvages (juvĂ©niles arrivant de l'estuaire et se dirigeant peu Ă peu vers la pleine mer).
Le risque de « contagion » est encore mal connu, mais il est dĂ©montrĂ© quâil augmente pour le saumon sauvage juvĂ©nile au fur et Ă mesure quâon sâapproche des cages d'Ă©levage[57]. Ce risque dĂ©pend a priori principalement du taux de transmission (du saumon dâĂ©levage vers le saumon sauvage), mais aussi de la pathogĂ©nicitĂ© des poux pour les saumons sauvages, qui est encore mal cernĂ©e.
- Enjeux de recherche : Ils sont importants pour la viabilitĂ© Ă©conomique des piscicultures comme pour le bon Ă©tat Ă©cologique des ocĂ©ans, des cours dâeau et des bassins versants remontĂ©s par les salmonidĂ©s. Les scientifiques, canadiens notamment, cherchent Ă aider les Ă©leveurs Ă mieux positionner gĂ©ographiquement leurs cages d'Ă©levage de saumons pour limiter les risques de pullulation de poux et leurs effets collatĂ©raux sur dâautres espĂšces[17]. Ils Ă©tudient pour cela le cycle de reproduction du pou du poisson et les capacitĂ©s de dissĂ©mination des Ćufs, larves (« dĂ©rive des larves ») et des adultes ainsi que leurs capacitĂ©s dâinfestation selon les conditions de tempĂ©rature, salinitĂ© et de santĂ© de lâhĂŽte[17]. Une Ă©tude a par exemple portĂ© sur« la rĂ©partition du pou du poisson larvaire planctonique dans l'inlet Knight et l'archipel Broughton » au Canada Ă diffĂ©rentes pĂ©riodes de lâannĂ©e[17].
RĂŽle de la salmoniculture dans les pullulations de poux ?
La salmoniculture a contribuĂ© Ă diminuer la pression de pĂȘche et la surpĂȘche, mais des indices laissent penser qu'elle influence nĂ©gativement la santĂ© du saumon sauvage.
- Par exemple dans les zones qui accueillent des salmonicultures en cage, la « productivitĂ© » des populations sauvages de saumon Coho a chutĂ©. Elle y est sept fois moindre que celle des populations sauvages dans des zones comparables, non pĂȘchĂ©es et sans Ă©levages[58]. La productivitĂ© y est mĂȘme devenue nĂ©gative, avec donc un effet de « puits Ă©cologiques » et dĂ©mographique.
- Le mĂȘme constat est fait si l'on compare les populations vivant prĂšs de zones dâĂ©levage Ă celles qui vivaient dans ces zones avant lâapparition des Ă©levages de saumon en mer[58]) et des preuves scientifiques ont rĂ©cemment montrĂ© que la salmoniculture est Ă la fois victime et au moins en grande partie responsable des pullulations de ce parasite[59] - [60].
Les Ă©tudes canadiennes ont en effet toutes montrĂ© que les Ă©levages salmonicoles jouent involontairement un rĂŽle dâĂ©levage de ces parasites. « MĂȘme si l'abondance des larves de pou du poisson Ă©tait assez faible aux printemps 2007 et 2008[61] (et qu'elle se trouvait au seuil de dĂ©tection en 2009), les maximums spatiaux locaux Ă©taient uniformĂ©ment situĂ©s prĂšs des sites de pisciculture »[17].
- Par exemple et de maniĂšre gĂ©nĂ©rale : plus un saumon du pacifique sauvage juvĂ©nile vit prĂšs dâune cage dâĂ©levage salmonicole, plus il prĂ©sente de risques dâĂȘtre infestĂ© par le pou des poissons[62].
- De mĂȘme les mesures de densitĂ© de larves planctoniques (nauplii + copepodides au stade infestant) faites dans lâeau de mer au Canada (publication 2008) ont montrĂ© que plus on sâĂ©loignait (de 2 Ă 30 km) des fermes aquacoles (par rapport au courant), plus rares Ă©taient les larves dans un mĂȘme volume dâeau[63] - [64].
- Ce sont les nauplii (larves de un Ă quelques dixiĂšmes de mm) qui sont observĂ©s avec la plus fort densitĂ© spatiale, ainsi que le stade fixĂ© des poux. La distribution automnale larvaire (au stade planctonique) est Ă©gale en automne et au printemps[17]. Ces mĂȘmes Ă©tudes montrent que les mesures de lutte contre les poux dans les Ă©levages rĂ©duisent aussi le risque dâinfestation de saumons sauvages[60].
On admet gĂ©nĂ©ralement que dans la nature, câest la prĂ©dation sur les animaux parasitĂ©s et les maladies que ces animaux risquent plus de contracter qui rĂ©gulent les populations de parasites. Or, ce principe de sĂ©lection naturelle devient inefficient dans un contexte d'Ă©levage en cage oĂč les prĂ©dateurs sont absents et oĂč les poissons sont soignĂ©s ou vaccinĂ©s contre les maladies.
Quand ils sont infestĂ©s par des parasites, les Ă©levages deviennent alors des sources dâinfestation pour les saumons sauvages, avec une efficacitĂ© que Frazer a essayĂ© de modĂ©liser (2009)[65] en soumettant l'hypothĂšse que dans un contexte d'Ă©levage les populations de poux seront dans une dynamique d'expansion au-dessus dâun seuil dâenviron 1 % de poissons parasitĂ©s.
Le risque dâinfestation de saumons sauvages est alors a priori (et selon les donnĂ©es disponibles) plus Ă©levĂ© quand les cages dâĂ©levage sont situĂ©es dans ou Ă proximitĂ© d'un « corridor biologique sous-marin de migration » utilisĂ© par les saumons juvĂ©niles sauvages pour gagner leurs zones de grossissement en mer[66], quand les juvĂ©niles sont le plus longtemps exposĂ©s au risque de contact avec le parasite en recherche dâun hĂŽte[67].
Les Ă©levages salmonicoles sont pour cette raison suspectĂ©s dâĂȘtre lâune des causes importantes du dĂ©clin gĂ©nĂ©ral des saumons sauvages[68], mĂȘme si dâautres facteurs aggravants ou facilitateurs sont probablement aussi en cause (pollutions, perturbateurs endocriniensâŠ) et mĂȘme si le premier modĂšle Ă©pidĂ©miologique (Ă©laborĂ© par Krkosek et al en 2007) avait prĂ©dit une extinction Ă court terme, qui ne sâest pas produite[69], sans doute parce que ce modĂšle Ă©tait trop simplifiant - ne tenant pas compte par exemple de certaines capacitĂ©s de rĂ©silience du saumon sauvage une fois quâil a acquis ses capacitĂ©s dâosmorĂ©gulation [voir plus bas] et ne prenant pas en compte des « facteurs de productivitĂ© » encore mal compris de certains bassins-versants permettant une meilleure survie des jeunes saumons et/ou des gĂ©niteurs que dans d'autres bassins versants[70] ou ne tenant pas compte des effets des traitements anti-poux des poissons utilisĂ©s par les Ă©leveurs. Les modĂšles ont Ă©tĂ© plusieurs fois rĂ©visĂ©s et affinĂ©s, prĂ©disant une extinction de masse du saumon rose en 8 ans, puis en 10 ans[71]. Ils doivent intĂ©grer les effets complexes et imparfaitement connus (pour les moyen et long termes notamment) des traitements antiparasitaires qui modifient fortement les relations parasite-hĂŽte et les capacitĂ©s dâinfestation du parasite, ce qui complique le travail des modĂ©lisateurs[72] - [73]. Ces traitements aux pesticides semblent avoir dans les annĂ©es 2000 diminuĂ© lâimportance de la responsabilitĂ© des Ă©levages dans la diffusion des poux du saumon, mais des modĂšles rĂ©cemment amĂ©liorĂ©s (en prenant mieux en compte par exemple la pression de pĂȘche sur le « stock » des adultes) continuent Ă conclure que lâexposition des juvĂ©niles du saumon rose ou Coho aux parasites des salmonicultures reste un facteur de dĂ©clin du saumon sauvage[74] et bien quâaucune rĂ©duction dâefficacitĂ© de lâantiparasitaire Slice nâait Ă©tĂ© observĂ©e en 5 ans (de 2003 Ă 2008), la possibilitĂ© que les poux ne finissent par sâadapter aux pesticides ne doit pas ĂȘtre Ă©cartĂ©e[75].
Recherche
En raison -entre autres- de l'augmentation importante et rapide des parasitoses par "poux de mer" dans plusieurs parties du globe, des centaines d'études ont été conduites ou sont en cours dans le monde entier afin de mieux les connaitre et les comprendre. Elles portent notamment sur le cycle de vie de l'animal, son comportement, son rÎle éventuel de vecteur biologique, ainsi que sur les sujets suivants :
Traçabilité
Ces parasites se montrent capables de se dĂ©placer sur d'assez grandes distances. Les Ă©tudes Ă©coĂ©pidĂ©miologiques seraient plus prĂ©cises si les scientifiques pouvaient disposer d'informations prĂ©cises sur l'origine des Ćufs, larves et poux adultes trouvĂ©s en mer et/ou sur les poissons. Il serait utile d'au moins pouvoir diffĂ©rencier ceux qui proviennent d'une ferme piscicole de ceux qui se sont nourris sur des poissons sauvages. Il a Ă©tĂ© proposĂ© pour cela d'utiliser les pigments carotĂ©noĂŻdes de Lepeophtheirus salmonis (ou de ses Ćufs)[76]. En les comparant aux pigments Ă©chantillonnĂ©s sur des saumons sauvages (Salmo salar L.) et sur des saumons d'Ă©levage (c'est-Ă -dire nourris avec des aliments artificiels), il est possible de distingur si un Ćuf provient d'une femelle ayant parasitĂ© un poison sauvage ou d'Ă©levage. Les pigments dominants observĂ©s au chromatogrammes (HPLC) sont l'astaxanthine quand l'hĂŽte Ă©tait un saumon sauvage, et de type canthaxanthine s'il Ă©tait un saumon d'Ă©levage. NĂ©anmoins ce traceur est d'utilisation difficile car il existe une grande variation des concentrations en pigment dans les aliments utilisĂ©s par les fermes salmonicoles et il existe aussi une variabilitĂ© naturelle chez les poux "sauvages"[76].
Modélisation
Il est difficile d'établir un monitoring fin sur de vastes territoires marins. Les scientifiques et la filiÚre salmonicole font donc appel à des modélisations mathématiques et informatiques.
Objectifs et enjeux de la modélisation
Ces modĂšles visent Ă mieux « prĂ©dire » les lieux, les conditions et les moments oĂč les risques d'infestation sont les plus Ă©levĂ©s, la dĂ©rive planctonique des larves et leur taux de survie, ainsi que d'Ă©ventuels phĂ©nomĂšnes d'expansion et d'advection (de dĂ©placement) du pou du saumon selon des facteurs ou « forçages » biologiques ou physiques (tels que vents/tempĂȘtes, courants, apports d'eau douce liĂ©s aux crues et Ă la fonte des neiges, les « vagues internes », tempĂ©ratures, salinitĂ©, etc.[77]), ainsi que selon la date, la durĂ©e et la pression d'exposition des poissons aux parasites.
Ces modĂšles chercheront aussi Ă mieux prĂ©voir les risques dâinfestation avec co-infections bactĂ©riennes ou virales, les risques de contagion d'un parc Ă l'autre et d'une ferme salmonicole Ă l'autre[78], ainsi que l'efficacitĂ© de diffĂ©rentes mesures d'attĂ©nuation ou de gestion des risques.
Types de modÚles en cours de développement
Divers modÚles sont en cours de développement notamment en NorvÚge (par exemple pour le Romsdalsfjord sur la base du modÚle hydrodynamique SINMOD[79] et au Canada dans le cadre des recherches soutenues par le gouvernement en matiÚre d'aquaculture[80], en lien avec le « Forum du saumon du Pacifique » et le « Programme de recherche sur la réglementation de l'aquaculture » (MPO), notamment pour l'archipel de Broughton.
Les principaux types de modĂšles sont :
- des modÚles hydrodynamiques : tridimensionnels et idéalement à haute résolution, ils doivent simuler avec assez de précision le milieu marin dans lequel les parasites et leurs hÎtes vivent et interagissent ;
- des modĂšles de dynamique des populations : ils concernent les saumons d'une part, et les poux de mer d'autre part (ce qui implique de bien connaitre la part des Ćufs de copĂ©podes fĂ©condĂ©s qui donnera des larves viables aux diffĂ©rents stades d'infestation.
Le travail des modélisateurs est compliqué par le fait que le pou de mer a d'abord une phase de vie planctonique et pélagique et qu'ensuite certains de ces poux se développeront sur des saumons enfermés dans les parcs ou sur des saumons sauvages beaucoup plus mobiles. Le cycle de développement du saumon est également complexe et encore assez mal connu pour ce qui concerne la phase de croissance en mer. Les modÚles doivent aussi pouvoir tenir compte des différences de contextes biogéographiques. Les scientifiques et les éleveurs doivent aussi intégrer de nombreux facteurs encore mal compris. L'enjeu est de mieux comprendre à partir de quand (nombre de poux, densité de femelles, etc.) un seuil est atteint ou un traitement chimique est inutile ou utile[81]...
- des modÚles de patterns et de dispersion des larves[27] : trÚs liés aux modÚles de dynamique de population, ils doivent décrire la répartition spatio-temporelle des individus d'une espÚce, poux, saumons ou espÚces proches (truites de mer par exemple[82]). Ils serviront à évaluer ou prévoir les risques d'infestation et les liens entre l'intensité et types de salmoniculture et l'abondance locale de poux de mer sur les poissons sauvages (saumons ou autres). Ils nécessitent notamment de comprendre les variables environnementales qui influencent la densité de poux du poisson à un instant « t » (dont par exemple le facteur "température" et la quantité des apports d'eau douce en mer)[82]. Ces modÚles sont calés sur des comptages de poux in situ (un comptage de poux a par exemple porté sur 4 800 truites de mer capturées dans 15 fjords norvégiens en 6 ans (2004-2010)[82] ; ils ne remplacent donc pas un programme de surveillance[82].
- des modÚles zootechniques qui vont simuler les effets des différentes stratégies possibles des éleveurs.
- des modĂšles Ă©coĂ©pidĂ©miologiques : ils doivent idĂ©alement tenir compte des interactions classiques « prĂ©dateurs-proies », et d'Ă©volutions temporelles parfois contradictoires (ex : apparition en quelques annĂ©es de mĂ©dicaments-pesticides et de vaccins traitant des maladies du saumon, mais aussi d'adaptations des poux, qui par le biais de la sĂ©lection naturelle rĂ©sistent de mieux en mieux Ă un ou plusieurs de ces pesticides). Les modĂšles pourront peu Ă peu mieux intĂ©grer des variables climatiques ou dâintĂ©rĂȘt Ă©coĂ©pidĂ©miologiques de risques et facteurs de propagation de maladies virales ou bactĂ©riennes par exemple et jouer un rĂŽle plus « prospectif ».
Couplages de modÚles et premiers résultats
Les modélisateurs cherchent à coupler les modÚles cités ci-dessus, et à les améliorer par étapes au fur et à mesure des retours d'expérience et de l'amélioration de la connaissance de l'espÚce et de ses effets sanitaires et écologiques.
En 2010-2012, les modÚles couplés sont encore relativement rudimentaires. Ils ne considÚrent leurs principaux « acteurs » (c'est-à -dire les poux et les smolts en migration) que comme des particules dérivant avec les courants et marées, et "risquant" de se rencontrer[83], alors qu'en réalité les poux semblent capables de proactivement détecter leurs proies et de s'en approcher. Les rencontres entre le poux et sa "proie" ne sont pas dues au seul hasard des courants et de la trajectoire des smolts, mais les comportements - en mer - de ces deux acteurs sont encore mal connus.
Les modĂ©lisateurs peuvent nĂ©anmoins dĂ©jĂ - dans une certaine mesure - "corriger" les modĂšles initiaux ou couplĂ©s en s'appuyant sur les sĂ©ries statistiques collectĂ©es in situ depuis le dĂ©but des annĂ©es 2000 sur quelques sites mieux suivis (ex : comptage sur les saumons pĂȘchĂ©s au filets ou Ă©levĂ©s en parcs, comptage des poux sur des smolts-sentinelles (conservĂ©s en cages flottantes au Canada ou en NorvĂšge[84] - [5] - [85])⊠Ils pourront aussi et peu Ă peu les amĂ©liorer en s'appuyant sur une meilleure connaissance de l'Ă©cologie des espĂšces, des systĂšmes salmonicoles et des Ă©cosystĂšmes concernĂ©es. On a ainsi pu montrer que Lepeophtheirus salmonis semble plus dĂ©pendant des installations salmonicoles que Caligus clemensi), que les pratiques salmonicoles pouvaient augmenter ou rĂ©duire le risque d'infestation.
Les modĂšles doivent ĂȘtre "calĂ©s" sur les donnĂ©es de terrain. Ils peuvent ensuite aussi ĂȘtre "vĂ©rifiĂ©s" par des simulations a posteriori sur des Ă©vĂ©nements passĂ©s de pullulation[17] - [67]. CĂŽtĂ© pacifique nord-est, des relations interspĂ©cifiques entre saumons pourraient Ă©galement intervenir : un modĂšle laisse penser que la prĂ©dation de juvĂ©niles de saumons roses parasitĂ©s par des poux pourrait aussi augmenter celle de leurs prĂ©dateurs quand le prĂ©dateur est un juvĂ©nile de saumon coho de plus de 100 mm[86].
- Les modĂšles disponibles en 2012 au Canada comme en Europe confirment que la plupart des poux de mer qui s'accrochent sur les smolts proviennent des Ă©levages de saumons les plus proches, mĂȘme si certaines larves peuvent se laisser porter Ă grande distance par les courants[84].
- Des simulations faites pour 2008 et 2011 pour un fjord Ă©cossais de grande importance salmonicole montrent que les larves de poux issues d'Ćufs pondus dans ce fjord peuvent ĂȘtre facilement transportĂ©es sur des distances de 20 Ă 30 km par le courant[87]. Ce faisant, elles peuvent potentiellement traverser les zones de cages d'Ă©levage, avant de devenir copĂ©podites « en concentrations Ă©levĂ©es mais localisĂ©s »[87]. Selon ce modĂšle (qui doit ĂȘtre affinĂ© en 2013), dans ce contexte au moins « les copĂ©podites se dĂ©veloppent souvent loin des hĂŽtes de leurs parents »[87].
- Un modĂšle "sans Ă©levages" montre que s'il n'y avait jamais eu d'Ă©levages en parcs marins, les juvĂ©niles arrivant en mer auraient peu de risques de contracter un parasite qui proviendrait de saumons adultes[88], alors que tous les modĂšles avec Ă©levage montrent que ce risque existe maintenant et quâil augmente avec le nombre dâĂ©levages et la quantitĂ© de saumons parasitĂ©s quâils abritent.
On cherche donc à mieux modéliser le risque de rencontre des larves dispersées par les élevages avec les juvéniles sauvages qui migrent vers la mer via certains corridors écologiques marins.
Ecoépidémiologie
Enjeux : Les ectoparasites sont potentiellement vecteurs dâautres parasites ou de maladies infectieuses, notamment parce quâils sont souvent capable dâaffaiblir le systĂšme immunitaire de leur hĂŽte (au moins autour de leur point de fixation ou dâalimentation, de maniĂšre que celui-ci ne les rejette pas), et parce quâils sont sources de blessures externes qui sont autant de portes dâentrĂ©es pour des agents infectieux. Des Ă©tudes sont en cours Ă ce sujet, de mĂȘme qu'Ă propos des rĂ©actions des poux du saumon Ă leurs propres pathogĂšnes ou aux pathogĂšnes dont ils seraient Ă©ventuellement « porteurs sains », dans divers contextes environnementaux (p. ex. tempĂ©rature, salinitĂ©, selon le stade larvaire, le sexe, etc.).
Deux agents pathogĂšnes ont notamment requis lâattention des scientifiques : Aeromonas salmonicida et le virus de la nĂ©crose hĂ©matopoĂŻĂ©tique infectieuse (vNHI), car il est maintenant dĂ©montrĂ© que
- le poux du poisson peut passivement acquĂ©rir ces agents dans lâeau, quand les concentrations de bactĂ©ries ou de virions y sont Ă©levĂ©s (ce qui est le cas en contexte dâĂ©pidĂ©mie dans un Ă©levage) ;
- il peut aussi sâinfecter en s'alimentant sur des saumons malades (saumon atlantique, saumon rose ou saumon kĂ©ta).
Reste Ă Ă©valuer dans quelle proportions ces agents peuvent ĂȘtre diffusĂ©s par les poux (mĂąles et/ou femelles) entre eux ; entre saumons hĂŽtes ; et du saumon dâĂ©levage vers des saumons sauvages ou inversement ;
La rĂ©ponse immunitaire du saumon face Ă la parasitose par le pou du poisson : Les donnĂ©es disponibles Ă©voquent des rĂ©ponses immunitaires temporellement et biologiquement diffĂ©rentes selon lâespĂšce de saumon considĂ©rĂ©e ; par exemple le saumon atlantique, saumon rose et saumon kĂ©ta rĂ©agissent diffĂ©remment au parasite, avec des diffĂ©rences d'expression gĂ©nomique : le saumon rose rĂ©pond par une rĂ©action inflammatoire vive, marquĂ©e par une production Ă©levĂ©e d'interleukine-1, BĂȘta (IL1ÎČ), alors que le saumon atlantique rĂ©agit plus vite avec une expression initiale plus forte. De maniĂšre gĂ©nĂ©rale, les juvĂ©niles du saumon rose et du saumon Coho y rĂ©sistent bien une fois leur smoltification tout Ă fait terminĂ©e, alors que le saumon chum et le saumon atlantique y sont plus vulnĂ©rables (affaiblissement ou mort plus frĂ©quents)[89]. Le systĂšme immunitaire du saumon atlantique rĂ©agit peu au parasite, mais il a Ă©tĂ© montrĂ© que l'ajout d'immunostimulants (exemple : OligodĂ©oxynuclĂ©otide CpG, connu pour ĂȘtre immunostimulant) dans sa nourriture amĂ©liore cette rĂ©action[90] et pouvait amĂ©liorer la rĂ©sistance naturelle du saumon (le saumon ainsi stimulĂ© est jusqu'Ă moitiĂ© moins parasitĂ©[91]). Cette stimulation pourrait aussi accompagner un traitement chimique pour le rendre plus efficace[91].
Capacités naturelles de résistance des saumons : Des études canadiennes (2007-2011)[92] reposent sur l'observation d'une part d'infections contrÎlées de saumons juvéniles par des poux au stade copépodite, et d'autre part sur l'observation des juvéniles en mer. Le juvénile du saumon rose s'y montre trÚs vulnérable, mais seulement à une certaine période de sa vie[93]. Au-delà de cette période (quand il a dépassé les 2-3 grammes), il peut se débarrasser des poux qui le parasitent ou les supporter sans effet apparent (on dit qu'ils sont résilients à ces « attaques » ; par exemple, aprÚs un mois de parasitisme, les juvéniles parasités une fois que leur peau écailleuse est complÚtement [manque un mot ici] prennent autant de poids que les individus non parasités[94] ; leur performance natatoire (endurance) n'est pas diminuée[95]), pas plus que leurs capacités sur le plan de l'équilibre ionique.
Au contraire, quand ils arrivent en mer et tant que leur masse corporelle ne dĂ©passe pas 0,5 Ă 0,7 g les juvĂ©niles sont trĂšs sensibles aux poux. En laboratoire, 37 % des juvĂ©niles de moins de 0,7 g âinfestĂ©sâ par 1 Ă 6 poux (4,7 poux par poisson en moyenne) meurent en moins de 36 jours avec une mortalitĂ© corrĂ©lĂ©e au nombre de poux, et les survivants Ă©taient moins gros. Alors que les saumons juvĂ©niles un peu plus ĂągĂ©s (pesant 2 Ă 3 g ou plus) tolĂ©raient trĂšs facilement une infestation initiale par 6 poux et mĂȘme grandissaient aussi vite que leurs congĂ©nĂšres non infestĂ©s[93].
Il semble que le développement des écailles et les changements dans la composition de la peau du poisson réduisent la vulnérabilité des juvéniles de 2 - 3 g et plus aux infestations par des poux des poissons[93].
Il a été noté que la « présence de poux dans une colonne d'eau de 10 m » a un effet sur la distribution verticale et diurne du saumon rose juvénile. On sait qu'à son arrivée en mer, il fréquente d'abord plutÎt le mÚtre supérieur de la colonne d'eau, avant de progressivement s'enfoncer en profondeur alors que son organisme finit de s'acclimater au milieu salé, avec toutefois un cycle nycthéméral marqué (la nuit, le juvénile tend à remonter en surface.
Si expérimentalemment des juvéniles de saumons« sont mis en présence de L. salmonis pendant trois heures, de 43 à 62 % des poissons sont infectés et les poissons élargissent leur distribution verticale » ; le juvénile infecté rechercherait une eau moins salée[96] - [97]. Rien n'indique que ce soit pour se débarrasser du pou qui ne supporte pas l'eau douce comme on le lit parfois. Son équilibre osmotique perturbé le pousse plutÎt à rechercher un milieu moins salé de type Fleuve marin cÎtier, qu'il peut par exemple trouver en aval de grands estuaires.
Effets collatéraux des pesticides utilisés pour lutter contre le pou du saumon. Ces produits sont de plus en plus utilisés, en bassins d'élevage ou en bateaux viviers (ex en réservoirs de 480 à 550 m3)[98]. Ils sont toxiques pour de nombreuses espÚces d'invertébrés non ciblés, et des crustacés notamment (crevette, crabe, homard) ou des organismes filtreurs (moules par ex). Les « panaches de diffusion » de ces pesticides libérés dans l'environnement (ou de leurs métabolites) ainsi que leur évolution temporelle en fonction des courants ont été évalués sur quelques sites au moyen de colorants (fluorescéine[99]), montrant de grandes variations selon les contextes ; « L'élimination du colorant des cages de traitement prenait de quelques minutes à quelques heures et dépendait sans doute de l'encrassement biologique des filets et de la vitesse des courants » ; Les pesticides résiduels sont retrouvés en concentrations significatives jusqu'à quelques kilomÚtres parfois sur une période de 1 à 3 heures aprÚs le déversement[99]
En 2011, dans le cadre dâun programme de recherche canadien[100], la crevette tachetĂ©e a Ă©tĂ© exposĂ©s en laboratoire, Ă des taux de 100, 400, 800, 1 200 et 4 800 ppb de BE (durant un dĂ©lai atteignant 8 jours). Du BE a aussi Ă©tĂ© ajoutĂ© aux sĂ©diments des aquariums oĂč les crevettes Ă©taient maintenues. Ă toutes les doses, une variation de la production d'ARN a Ă©tĂ© observĂ©e, avec une expression diffĂ©rentielle de gĂšnes dans les tissus musculaires. Des Ă©tudes complĂ©mentaires sont nĂ©cessaires pour expliquer ces modifications comprendre et oĂč leur consĂ©quences pour l'espĂšce.
Moyens de lutte
Ils sont de plusieurs nature :
Stratégies zootechniques et sanitaires
Pour la salmoniculture (comme dans les poulaillers industriels) la stratĂ©gie d'Ă©levage peut ĂȘtre adaptĂ©e pour moins favoriser les parasites, avec par exemple
- un meilleur positionnement des installations (positionnement des cages les unes par rapport aux autres, et par rapport aux courants) ;
- les « mises en vide sanitaire » (parfois nommĂ©es « mise en jachĂšre ») : Elles se font de maniĂšre annuelle (gĂ©nĂ©ralement en milieu d'hiver) ou en situation « post-Ă©pidĂ©mie » ; les modĂ©lisations comme le suivi de poissons-sentinelles montrent que si elles sont faites au bon moment dans l'annĂ©e, elles peuvent fortement limiter le risque d'infestation des smolts sauvages[5] et le risque de rĂ©infestation rapide des saumons d'Ă©levage. Elle est pour cette raison devenue obligatoire dans le Hardangerfjord en NorvĂšge, oĂč elle doit ĂȘtre synchronisĂ©e entre Ă©levages pour augmenter son efficacitĂ© (sinon un Ă©levage non mis en jachĂšre devient une source de rĂ©infestation rapide pour les parcs voisins[5] ;
- une modification des cycles de certains traitements chimiques peut Ă©viter de libĂ©rer des quantitĂ©s d'Ćufs et de larves au moment oĂč arrivent en mer les saumons juvĂ©niles sauvages (pĂ©riode durant laquelle ils sont les plus vulnĂ©rables Ă cette parasitose)[101] ;
- une modification des cycles de production peut limiter le temps de présence des saumons élevés avec le parasite quand il est apte à se fixer sur le saumon[102] ;
- une capture plus précoce (un à deux mois plus tÎt) des saumons élevés en parcs semble aussi diminuer le taux de parasitose[17].
- la lutte biologique.
La lutte biologique
Elle est utilisée par les éleveurs de saumons bio, selon eux avec autant de succÚs que les autres salmoniculteurs qui utilisent tous des produits chimiques[103] - [104], mais demande de connaitre les prédateurs naturels du poux et de les favoriser. En particulier :
- Des labres (Labridae) sont utilisĂ©s comme "poissons-nettoyeurs" dans des Ă©levages salmonicoles bio depuis la fin des annĂ©es 1990 au moins, dont en NorvĂšge et Ăcosse, autour de partenariats associant notamment (2010) Villa Organic, Marine Harvest et la station de recherche aquacole de l'« Institute of Marine Research » d'Austevoll[103]; et dans d'autres Ă©levages souvent en complĂ©ment d'autres traitements[105]. Diverses espĂšces de labres se nourrissent de crustacĂ©s (crevettes notamment), et quand ils sont juvĂ©niles peuvent consommer les ectoparasites d'autres poissons. La plupart de ces espĂšces de labres ne vivent pas dans les zones d'Ă©levage des saumons, mais le « labre ballan » qui y vit a semblĂ© ĂȘtre un candidat idĂ©al (jusqu'Ă 300 poux de mer trouvĂ©s dans un seul estomac de ce labre). Cependant, avec quelques autres espĂšces de labres, il a rĂ©cemment Ă©tĂ© trouvĂ© lui-mĂȘme porteur de poux de mer[106] peut-ĂȘtre acquis Ă partir des Ă©levages. Des labres ballan utilisĂ©s comme poisson-nettoyeurs de saumons en Ăcosse ont aussi Ă©tĂ© victimes d'une infection inhabituelle pouvant ĂȘtre transmise par les saumons (ex : Aeromonas salmonicida[107]).
En 2012, Maya et al. invitent Ă utiliser des « modĂšles individus-centrĂ©s » (Individual-based models ou IBMs) qui pourraient ĂȘtre plus utiles que les modĂšles dĂ©terministes pour Ă©tudier et simuler le rĂŽle potentiel du « labre Ballan » dans les Ă©levages, et plus gĂ©nĂ©ralement sous l'angle de la dynamique des populations et de l'alternative aux pesticides[105].
Il faut aussi maßtriser l'élevage d'alevins du labre Ballan jusqu'à l'ùge d'un an environ pour pouvoir les introduire en quantités suffisantes dans les cages de salmoniculture. La demande estimée en 2010 était d'environ 15 millions de labres ballan par an[103], soit un marché de 250 millions de couronnes norvégiennes par an pour la NorvÚge pour les années 2010-2020 si elle réussit comme elle en a le projet à maßtriser cet élevage[103]. Il faut aussi nettoyer les filets des parcs d'élevage pour que les labres ne s'y nourrissent pas, ce qui est un gros travail quand cela n'est pas fait chimiquement (dans les élevages "bio")[103].
- Parmi les prĂ©dateurs naturels de larves de L. salmonis figurent certains animaux filtreurs (fixĂ©s ou non) pouvant ĂȘtre Ă©levĂ©s par les pisciculteurs, comme cela est dĂ©jĂ fait par certaines formes d'aquaculture biologique avec « l'aquaculture multi-trophique intĂ©grĂ©e » (IMTA pour Integrated multi-trophic aquaculture).
Des essais ont montré que les coques (Clinocardium nuttallii), des moules (Mytilus spp.), des hußtres (Crassostrea gigas), le pétoncle du Pacifique (Mizuhopecten yessoensis x Patinopecten caurinus) et des coquilles Saint-Jacques consomment ces larves (au stade naupliien surtout, en plus grandes quantités quand ces coquillages sont gros et quelle que soit la température de l'eau ; de 5° à 15 °C pour les études faites en Amérique du Nord)[108].
La réglementation des piscicultures évolue en intégrant des principes de biosécurité. Au Canada, les contrÎles et audits ont été, comme dans d'autres pays, renforcés[109].
Pesticides chimiques
Selon un reportage réalisé par France 3 sur les élevages intensifs de saumon en NorvÚge, certains pesticides tel le diflubenzuron seraient injectés directement dans l'eau, entraßnant des conséquences importantes pour l'environnement, en plus d'entraßner des brûlures et déformations importantes sur les saumons en captivité. Il a été également démontré, selon un propriétaire interviewé, que tous les poissons autres que ceux de l'élevage se trouvant à proximité pendant le déversement du produit dans l'eau meurent systématiquement[111].
Des traitements antiparasitaires pĂ©riodiques des installations aquacoles marines sont rĂ©guliĂšrement conduits Ă lâaide des pesticides spĂ©cifiques. Ils peuvent ĂȘtre obligatoires au-delĂ d'un certain seuil d'infestation.
Ils peuvent ĂȘtre trĂšs stressants pour les poissons. Ils impliquent aussi un dĂ©lai entre le dernier traitement et la mise sur le marchĂ© du saumon pour garantir que le poisson soit conforme Ă la limite maximale de rĂ©sidus de pesticides.
Dans les années 2000 à 2010, tous les traitements connus ont perdu de leur efficacité (ou sont encore plus toxiques pour le poisson que pour le pou). Leur efficacité avait toujours été surestimée.
Ceci a incitĂ© des scientifiques norvĂ©giens Ă proposer de nouvelles mĂ©thodes pour calculer plus prĂ©cisĂ©ment les marges d'incertitude dans les Ă©tudes portant sur l'efficacitĂ© des traitements antiparasitaires[112]. Pour limiter les biais d'Ă©valuation de toxicitĂ© aiguĂ« d'un antiparasitaire contre le pou du saumon, il est Ă©galement important de pouvoir bien diffĂ©rencier et compter les poux vivants, moribonds et morts (aprĂšs un ou plusieurs traitements du saumon par un ou plusieurs pesticides, et aux diffĂ©rents stades de dĂ©veloppement du pou) ; le colorant rouge neutre peut y contribuer[112]. Une autre Ă©tude a montrĂ© que le taux d'infestation pouvait significativement varier selon les cages d'un mĂȘme environnement, ce qui doit ĂȘtre mieux pris en compte par les modĂšles et par les protocoles de comptages utilisĂ©s lors des Ă©valuations d'infestations[113]. Si la prĂ©valence est faible, la loi de distribution statistique sera de type distribution binomiale nĂ©gative ; alors qu'Ă forte prĂ©valence la distribution tend Ă ĂȘtre normale. La stratĂ©gie frĂ©quente de surveillance par Ă©chantillonnage de la cage manifestement la plus infestĂ©e d'une ferme pour lancer au-delĂ d'un certain seuil un traitement chimique est donc erronĂ©e[113] ; la prĂ©cision dans l'estimation de la prĂ©valence et de l'abondance des poux sur le site nĂ©cessite un Ă©chantillonnage alĂ©atoire de plusieurs cages, comptage qui semble pouvoir ĂȘtre fait par le personnel. « Il n'existe aucune preuve de partialitĂ© systĂ©matique dĂ©coulant de l'utilisation du personnel de la ferme pour compter les poux de mer adultes par rapport Ă des Ă©quipes de comptage dĂ©diĂ©es »[113], mais les employĂ©s tendent Ă sous-dĂ©clarer le nombre de larves au stade chalamus et prĂ©adulte par rapport aux audits faits par un tiers spĂ©cialisĂ© et indĂ©pendant (selon une Ă©tude ayant portĂ© sur 28 comptages faits en 2011 dans 16 fermes Ă saumons du Nouveau-Brunswick par des auditeurs d'un cĂŽtĂ© et par le personnel de l'autre)[114].
Les biocides ou pesticides utilisés sont :
- le benzoate d'Ă©mamectine (BE), matiĂšre active d'un mĂ©dicament vĂ©tĂ©rinaire vendu sous le nom SLICE et seul produit homologuĂ© au Canada entre 2000 et 2011 contre le pou du saumon. Il s'agit d'une avermectine autrefois efficace sur les stades juvĂ©niles prĂ©-adultes et les stades adultes des poux du poisson et dâautres copĂ©podes, notamment sur les femelles[115].
Ce pesticide est distribuĂ© aux saumons par voie orale (en mĂ©lange Ă lâalimentation) et Ă des doses de plus en plus Ă©levĂ©es pour compenser les phĂ©nomĂšnes d'adaptation du pou de mer Ă ce produit (par exemple dosages passĂ©s de 50 Ă 100 ÎŒg kg-1 voire 150 ÎŒg kg-1 sur 7 jours). De nombreux cas d'Ă©mergence de rĂ©sistance Ă cette molĂ©cule ont Ă©tĂ© Ă©crits (avec une rĂ©sistance diffĂ©rente selon qu'il s'agisse de poux mĂąles ou femelles[116] (et on connait dĂ©jĂ chez les poux des poissons des gĂ©nomes plus ou moins sensibles Ă ce produit[117] - [118]), il rĂ©duit dâenviron 80 % en un mois lâabondance des copĂ©podes parasites de lâĂ©levage[75] et maintient un taux dâinfestation assez bas durant au moins 3 mois[75]. Cependant, les restes dâaliments qui « pleuvent » sous les cages dâĂ©levage ou sont emportĂ©s par le courant deviennent une source de contamination environnementale par les biocides. Cette nourriture est distribuĂ©e sous forme de granulĂ©s de taille et nature adaptĂ©s Ă l'Ăąge et aux besoins du poisson. Toute la nourriture n'est pas consommĂ©e par les poissons. Les restes des granulĂ©s (et du mĂ©dicament qu'il contiennent) « pleuvent » sur le sĂ©diment sous-jacent et/ou sont emportĂ©s par le courant. Ils peuvent aussi ĂȘtre directement consommĂ©s par d'autres espĂšces animales, et certaines d'entre elles (moules, crustacĂ©s, poissonsâŠ) peuvent ĂȘtre pĂȘchĂ©es pour ĂȘtre consommĂ©es par lâhomme. Des Ă©tudes portent sur le devenir de ces restes alimentaires[119], et un modĂšle animal utilisĂ© pour Ă©tudier les effets de la dispersion dans l'eau de ce pesticide sur des crustacĂ©s, a Ă©tĂ© la crevette tachetĂ©e du Pacifique (Pandalus platyceros) dans les muscles de laquelle on retrouve effectivement du BE quand ces crevettes ont grandi prĂšs de fermes salmonicoles ayant Ă©tĂ© traitĂ©es au SLICE[102], avec des effets observĂ©s sur l'expression des gĂšnes du systĂšme musculaire de la crevette.
- PyrĂ©thrinoĂŻdes. Ce traitement « topique » utilise en « bains » un pesticide frĂ©quemment utilisĂ© dans les bombes insecticides domestiques[120]. Le produit montre une certaine toxicitĂ© pour les crustacĂ©s, mais Ă©galement pour les poissons[120]. Aux doses utilisĂ©es, il peut ĂȘtre stressant pour le poisson, notamment parce que dans l'eau ce produit consomme environ 50 % de l'oxygĂšne dissous[120]. AprĂšs le traitement, les saumons montrent parfois des comportements anormaux (changements de la vitesse de nage, hyperactivitĂ©)[120].
- l'azamĂ©thiphos (molĂ©cule organophosphorĂ©e, ingrĂ©dient actif du Salmosan). Il est utilisĂ© en bĂąche ou en « bateau vivier » Ă la dose de 100 Ă 150 ÎŒg/litre, en tant qu'ingrĂ©dient actif avec un temps de contact qui doit ĂȘtre de 30 Ă 60 min (selon la tempĂ©rature). Il est efficace contre les Ă©tapes adulte et prĂ©adulte du pou, hors Ă©ventuel phĂ©nomĂšne de rĂ©sistance acquise. Il a comme inconvĂ©nient de ne pas ĂȘtre spĂ©cifique et d'ĂȘtre trĂšs Ă©cotoxique (« La CL 50 aprĂšs une heure d'exposition se situait entre 30 et >100 ÎŒg/litre, tandis que la concentration la plus Ă©levĂ©e sans effet observĂ© lĂ©tale se situait entre <0,4 et 19 ÎŒg/litre, selon l'espĂšce et l'Ă©tape du cycle de vie, Ă des tempĂ©ratures ambiantes de l'eau de 8 Ă 12 °C (concentrations mesurĂ©es) »[99]).
- la deltamĂ©thrine (ingrĂ©dient actif de l'AlphaMax utilisĂ© depuis le milieu des annĂ©es 1990 en NorvĂšge). Ce produit, utilisĂ© en bains, prĂ©sente le mĂȘme inconvĂ©nient que le prĂ©cĂ©dent. Il est Ă©cotoxique, mortel pour d'autres invertĂ©brĂ©s dont crustacĂ©s et en particulier le homard qui est parfois pĂȘchĂ© Ă proximitĂ© des parcs d'Ă©levage[99]. Il se montre mortel pour le homard Ă des taux de 0,01 Ă 0,14 ÎŒg/litre pour une exposition de 24 h (selon le stade du cycle de vie des homards). La crevette mysis effilĂ©e[99] et d'autres y sont aussi trĂšs vulnĂ©rables, alors que la crevette grise y rĂ©siste mieux[121].
- les flubenzurons (tĂ©flubenzuron et diflubenzuron) administrĂ©s oralement[122], qui interfĂšrent avec le synthĂšse de la chitine du pou de mer[122]. Ces produits sont peu mĂ©tabolisĂ©s par le saumon ; il les rejette dans ses excrĂ©ments, qui peuvent en contenir des doses deux fois plus fortes que ce que contenait la nourriture donnĂ©e au saumon[122]. Assez peu solubles dans l'eau, ils tendent Ă se dissĂ©miner avec la matiĂšre organique issue des excrĂ©ments[122]. Ils sont a priori hautement toxiques pour toutes les espĂšces de crustacĂ©s (dont crevette, crabe, homardâŠ). Ils ont Ă©tĂ© utilisĂ©s dans les annĂ©es 1990 et jusqu'en 2001 en NorvĂšge, avant d'ĂȘtre remplacĂ©s par d'autres produits (emamectine, cypermĂ©thrine et deltamĂ©thrine). Mais aprĂšs que ces trois produits eurent perdu de leur efficacitĂ©, les flubenzurons ont Ă©tĂ© rĂ©introduits dans la nourriture des saumons en 2008 (avec 3 441 kg utilisĂ©s en 2009 puis 2 919 kg en 2010)[122].
- le peroxyde d'hydrogĂšne, ingrĂ©dient de l'Interox-Paramove 50 (50 %). Il est autorisĂ© dans certains conditions (par exemple dans les bateaux-viviers au sud-ouest du Nouveau-Brunswick (en 2013)[99]. Il est utilisĂ© « Ă grande Ă©chelle »[123] en Europe et AmĂ©rique contre le pou du poisson aux Ă©tapes adulte et prĂ©adulte, avec un dosage de 1 800 mg/litre comme ingrĂ©dient actif durant 20 Ă 30 minutes, selon la tempĂ©rature de l'eau. « La concentration la plus Ă©levĂ©e sans effet observĂ© lĂ©tale aprĂšs une heure se situait autour de <187 mg/L pour la mysis effilĂ©e et la crevette de sable et entre 375 mg/litre et 2 100 mg/litre pour le homard aux Ă©tapes I et adulte, respectivement (concentrations mesurĂ©es) »[99]. Ce traitement, qui se fait souvent au moment de la mise en place dâun « vide sanitaire », est en rĂ©alitĂ© efficace pour dĂ©crocher les poux de la peau des saumons, mais quasiment inefficace quant Ă la lutte antiparasitaire car le peroxyde dâhydrogĂšne ne dĂ©barrasse que provisoirement les poux des saumons ; ils ne les tue pas ni mĂȘme n'inhibe leur reproduction[123]. Une Ă©tude rĂ©cente sâest basĂ©e sur le comptages des poux vivants, des poux capables de se reproduire, sur la survie des Ćufs et des poux Ă diffĂ©rents stades de dĂ©veloppement, en rĂ©cupĂ©rant dans lâeau les poux dĂ©crochĂ©s de 6 000 saumons exposĂ©s durant de 22 min Ă 1 460 ppm de peroxyde dâhydrogĂšne[123]. Dans ce cas, le taux dâinfestation avant traitement Ă©tait trĂšs Ă©levĂ© : environ 40 poux par poisson (soit 220 000 poux pour 6 000 saumons)[123]. Plus de 80 % des femelles adultes y ont en outre survĂ©cu bien que restant sans hĂŽte durant 7 jours, et aprĂšs 19 jours sans un hĂŽte, 20 % de ces femelles Ă©taient encore actives[123]. Le taux d'Ă©closion des Ćufs portĂ©s par les femelles gravides a Ă©tĂ© similaire Ă celui du groupe tĂ©moin non traitĂ©, quâelles aient ou non Ă©tĂ© traitĂ©es au peroxyde dâhydrogĂšne[123]. Et les taux d'Ă©closion Ă©taient similaires pour les chapelets d'Ćufs attachĂ©s ou dĂ©tachĂ©s de femelles gravides traitĂ©es[123].
DifficultĂ©s : des Ă©mergences de populations de poux rĂ©sistantes aux pesticides se produisent en continu. Toute stratĂ©gie antiparasitaire chimique induit d'une part un risque dâeffets environnementaux collatĂ©raux et adverses et dâautre part le risque de voir apparaĂźtre des phĂ©nomĂšnes de rĂ©sistance aux pesticides (frĂ©quemment observĂ©s chez dâautres arthropodes dans le monde).
- Ainsi, en 2013, plus de 500 cas de rĂ©sistance d'un arthropode Ă un ou plusieurs biocides ont Ă©tĂ© documentĂ©s par la littĂ©rature scientifique, et ce pour tous les principaux groupes d'insecticides connus. L'exposition continue ou rĂ©pĂ©tĂ©e et intensive des arthropodes Ă ces produits chimiques est une source de pression sĂ©lective qui a induit chez de nombreuses espĂšces la sĂ©lection de mutations aboutissant Ă des phĂ©notypes rĂ©sistants Ă un ou plusieurs pesticides (une rĂ©sistance croisĂ©e apparait souvent : un mĂȘme mĂ©canisme de rĂ©sistance confĂšre Ă l'arthropode une protection contre les effets de plusieurs insecticides, souvent d'une mĂȘme famille chimique nĂ©anmoins). Parfois plusieurs mĂ©canismes adaptatifs sont prĂ©sents chez un mĂȘme individu, qui rĂ©siste alors Ă plusieurs familles de pesticides[110].
- Des chercheurs, avec lâindustrie du saumon (au Canada : Intervet Schering-Plough et Marine Harvest Canada ) suivent donc en laboratoire et in situ (par Ă©valuation des taux dâinfestation) la vulnĂ©rabilitĂ© du pou du poisson aux antiparasitaires chimiques utilisĂ©s par les salmoniculteurs[17].
- Lors de des tests récents, au stade « chalamus » du parasite, ces pesticides (et d'autres également testés tels que Resméthrine (pyréthroïdd), ivermectine (lactone macrocyclique) ou le B7 (milbémycine) s'avÚrent plus toxiques pour le poisson que pour le parasite[124].
- On a récemment montré que les phénomÚnes de résistance peuvent apparaßtre de maniÚre différenciée chez le poux mùle et la femelle, et à divers stades de leur développement[125].
- Les mécanismes génétique de ces résistances font l'objet d'études (pour le benzoate d'emamectine par exemple[117]).
- Enfin, des saumons sains et "naĂŻfs" (c'est-Ă -dire n'ayant jamais Ă©tĂ© parasitĂ©s par un pou de mer) ont Ă©tĂ© placĂ©s dans des bacs de 1 m et mis en prĂ©sence des poux ayant subi le traitement ; un peu moins de poux mĂąles adultes ou prĂ©adultes se fixaient sur ces saumons par rapport Ă ceux dâun groupe-tĂ©moin non traitĂ©, mais pour tous les stades fixĂ©s du pou il y a eu des "rĂ©attachements post-traitement" (pour 30 % des poux traitĂ©s comparativement Ă 43 % pour le groupe tĂ©moin non traitĂ©). Le pĂ©roxyde dĂ©tache provisoirement au moins les poux de la peau du saumon, mais il se montre in fine peu efficace, et probablement stressant pour les saumons. Le pĂ©roxyde semble en effet endommager le mucus et la structure de la peau des saumons traitĂ©s et favoriser leur rĂ©infestation par des poux. « Les dommages au derme (...) pourraient aussi entraĂźner le rejet par le saumon de substances sĂ©miochimiques ou chimiotactiques absolument irrĂ©sistibles pour le pou du poisson »[126].
Il conviendrait aussi de complĂ©ter les traitements au peroxyde par une filtration de lâeau de maniĂšre Ă rĂ©cupĂ©rer et dĂ©truire les adultes, larves et Ćufs de poux de mer. En 2013, les bateaux viviers ne sont pas prĂ©vus pour cela, mais l'adjonction de systĂšme de filtration des eaux de rejets semble possible.
En 2012, T.E. Horsberg recommandait[127], sur la base d'une veille écoépidémiologique et d'essais de traitements en environnement contrÎlé de :
- préférer tant que possible les stratégies "non chimiques" de contrÎle des poux, surtout quand des résistances apparaissent ;
- n'appliquer les traitements chimiques que dans le cadre d'une stratégie réfléchie et coordonnée entre régions voisines (sinon le traitement n'aura qu'une efficacité locale et de courte durée ;
- n'utiliser que des traitements assez efficaces pour ne pas favoriser de résistances ;
- renforcer la rotation des produits utilisés ;
- favoriser les traitements alternatifs mĂȘme s'ils sont plus coĂ»teux ou demandent plus de travail.
- Ă©cotoxicitĂ© difficile Ă maĂźtriser : Selon les donnĂ©es disponibles en 2013, l'incidence Ă©cotoxique varie selon le contexte marin (courant, profondeurâŠ), selon l'espĂšce et le moment de son cycle de vie (les larves peuvent ĂȘtre bien plus sensibles que les adultes), et bien entendu selon l'agent thĂ©rapeutique utilisĂ© : la toxicitĂ© des produits empire de l'Interox-Paramove 50 au Salmosan 50 WP Ă l'AlphaMax (deltamĂ©thrine)[99].
Ainsi pour le homard, l'AlphaMax (deltamĂ©thrine) est plus toxique que le Salmosan 50 WP, lui-mĂȘme plus toxique qu'Interox-Paramove 50[99], et « des expositions d'une heure Ă des concentrations de traitement de Salmosan de 5 % et de 10 % (respectivement 5 ÎŒg/L et 10 ÎŒg/L) deux fois par semaine ont donnĂ© lieu Ă des taux de mortalitĂ© considĂ©rables et Ă une rĂ©duction du taux de rĂ©ussite du frai des homards ayant survĂ©cu. Par consĂ©quent, des tests de laboratoire confirment les effets sublĂ©taux et diffĂ©rĂ©s Ă l'exposition Ă des concentrations de Salmosan 50 WP infĂ©rieures aux concentrations de traitement prescrites »[99].
Ăvaluation des effets adverses des pesticides salmonicoles
Des Ă©tudes visent Ă Ă©valuer les effets collatĂ©raux du peroxyde d'hydrogĂšne et surtout de lâantiparasitaire (SLICE) sur les espĂšces non-cibles qui vivent autour des systĂšmes ouverts de salmoniculture.
Le Canada avait en 2011 un triple objectif :
- évaluer les taux de matiÚre active (BE) et de son principal métabolite (le BE déméthylé) dans l'environnement ;
- Ă©valuer in vitro et en laboratoire lâeffet des panaches et de leurs concentration dans l'eau mais aussi sur les organismes des sĂ©diments (qui font en outre l'objet de suivis en ce qui a trait Ă l'eutrophisation/dystrophisation afin d'Ă©viter l'apparition de zones mortes par la mise en place de "mises en jachĂšres" quand les pollution est trop importante sous une cage de pisciculture en mer[128] - [129].
- Ă©valuer (par des techniques gĂ©nomiques) lâimpact de ce pesticide sur une espĂšce dâintĂ©rĂȘt commercial qui est aussi la nourriture de poissons sauvages, la crevette tachetĂ©e.
Ceci a Ă©tĂ© fait en Colombie-Britannique, avec lâaide de l' Institut des sciences de la mer de PĂȘches et OcĂ©ans qui ont dĂ©veloppĂ© des mĂ©thodes affinĂ©es d'analyses permettant de dĂ©tecter dans l'eau ou le sĂ©diment jusquâĂ 1 ppb de ces produits (c'est-Ă -dire une partie par milliard), par spectromĂ©trie de masse ( LC/ESI-MC (chromatographie liquide/ionisation par Ă©lectronĂ©bulisation â spectromĂ©trie de masse).
On a ainsi pu confirmer que le taux de BE pouvait ĂȘtre significativement Ă©levĂ© sous les cages en filet (jusquâĂ 30 ppb trois semaines aprĂšs le dĂ©but dâun traitement au SLICE) ; Les sĂ©diments peuvent aussi en accumuler Ă proximitĂ© de lâĂ©levage (plus ou moins selon la nature du sĂ©diment et les conditions de courant, mais avec une certaine rĂ©manence), bien que le produit se diluait rapidement aux alentours (au-delĂ de 60Ă 100 m autour de la ferme salmonicole).
Un modÚle informatique simplifié dit DEPOMOD[130] est utilisé depuis 2004 pour mieux prédire l'évolution du BE dans les écosystÚmes aquatiques et le cas échéant préciser la réglementation en matiÚre de protocoles de traitements par le SLICE[131].
Solutions alternatives et efforts de réduction des effets adverses des pesticides salmonicoles
Diverses pistes sont explorĂ©es ou peuvent l'ĂȘtre pour utiliser plus efficacement moins de produits, trouver des alternatives moins Ă©cotoxiques et contrĂŽler leur rejets en mer (rejets prĂ©traitĂ©s ou diluĂ©s sous les seuils de toxicitĂ©[99]).
- ECO-Bath est le nom d'un rĂ©servoir de traitement expĂ©rimentĂ© au Canada. Il permet d'isoler les poissons dans un environnement contrĂŽlĂ© le temps du traitement, ce qui permettrait aussi rĂ©duire l'utilisation totale de pesticides et la contamination environnementale[49]. La manipulation des saumons pour les y introduire peut cependant ĂȘtre une source de stress pour eux. On a montrĂ© que le mĂ©lange d'un « Ă©pouilleur chimique » dans l'eau est trĂšs important[132]. Or comme la taille des bassins et le nombre de saumons tendent Ă augmenter, le risque que certains saumons soient surexposĂ©s au produit (dans un hotspot chimique) alors que d'autres y soient sous-exposĂ©s doit ĂȘtre mieux maitrisĂ©[133].
- Captage des molĂ©cules antiparasitaire toxiques : les capturer Ă fin d'exportation (pour destruction ou mise en dĂ©charge) avant leur rejet dans l'environnement est une stratĂ©gie Ă©galement Ă©tudiĂ©e. Câest une Ă©tape de gestion des risques qui peut ĂȘtre ajoutĂ©e au traitement en bateaux viviers ou La filtration de lâeau sur charbon activĂ© pur a Ă©tĂ© testĂ©e pour le Salmosan (azamĂ©thiphos) , lâAlphamax (deltamĂ©thrine) avec une absorption de 90 % des ingrĂ©dients actifs, mais les salmoniculteurs auraient alors de grandes quantitĂ©s dâeau Ă filtrer et/ou de frĂ©quents changements du charbon de bois.
- Dégradation/désactivation des biocides avant rejet dans le milieu marin. C'est une alternative (étudiée[134]) ou un complément aux solutions précédentes.
- Vaccination ? Elle fait l'objet d'intenses recherche depuis quelques années, mais elle nécessite d'abord que des antigÚnes parasitaires pertinents soient identifiés, puis testés et insérés dans des vaccins. Et il est probable qu'un vaccin durablement efficace soit difficile trouver face à un parasite aussi complexe et génétiquement adapté au contexte de l'élevage[135]
Plusieurs molĂ©cules d'intĂ©rĂȘt comme antigĂšne possible ont rĂ©cemment Ă©tĂ© repĂ©rĂ©e[51] - [136].
- Leurres chimiques : des produits « sĂ©miochimiques » pour leurrer le parasite (lui cacher la prĂ©sence du saumon oĂč l'attirer dans un piĂšge. Des essais ont permis de rĂ©duire le taux d'infestation jusqu'Ă 40% ou 60%[137].
- Tests de résistance : des biopuces devraient bientÎt permettre de plus rapidement tester la résistance des poux à différents pesticides et ainsi éviter des traitements inutiles, qui contribuent en outre à aggraver ou entretenir les phénomÚnes de résistance[138].
- BarriÚre physique : il a été constaté qu'une jupe permanente de type bùche en plastique entourant les 5 mÚtres supérieurs de la cage réduisait préventivement le niveau d'infestation des saumons par les poux (et le cas échéant limite la dilution trop rapide d'un médicament dans l'eau), mais cette solution génÚre de nouveaux inconvénients : la jupe alourdit la cage et la rend beaucoup plus « résistante au courant » avec donc des tensions supplémentaires sur les systÚmes d'amarrage. La jupe limite aussi la circulation de l'eau dans la cage, avec donc une eau plus sale pour les saumons[139]. Un premier test en vraie grandeur a néanmoins été fait en mer du nord à Hirtshals (Danemark) en 2012 pour évaluer la faisabilité de cette solution potentielle[139]. Outre un risque de déformation ou détérioration des cages[140], plusieurs problÚmes se posent dont une moindre luminosité dans la cage et une chute du taux d'oxygÚne dans l'eau[141] - [142].
- BarriĂšre Ă©lectromagnĂ©tique : (Seafarm Pulse Guard ou SPG ou Elektropuls[143]) est un systĂšme brevetĂ© testĂ© en 2011 en NorvĂšge, et qui pourrait ĂȘtre louĂ© Ă 10 Ă 20 fermes norvĂ©giennes en 2013-2014 ; une « jupe » de fils Ă©lectriques crĂ©e un champ d'impulsions Ă©lectrique dans l'eau de mer autour des cages. AprĂšs 5 ans de recherche pour concevoir le cĂąble sous-marin et le systĂšme, ses impulsions ont Ă©tĂ© ajustĂ©es en laboratoire puis testĂ©es en mer durant 5 mois de maniĂšre à « Ă©tourdir » le pou au stade copĂ©podite. Ce dernier - selon l'inventeur du systĂšme - n'arrive alors plus Ă s'accrocher aux saumons. Les paramĂštres biochimiques suivis durant 5 mois pour mesurer d'Ă©ventuels effets sur la santĂ© des saumons laissent penser qu'ils ne sont pas affectĂ©s par le champ Ă©lectrique. La parasitose est rĂ©duite de 70 % dans les premiers tests mais l'entreprise pense pouvoir atteindre 95 %.
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Voir aussi
Articles connexes
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