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Port antique

Les ports antiques sont les premières installations portuaires apparues avec le développement de la marine. Ils sont attestés chez les Grecs et les Romains, mais aussi chez les Puniques, chez les Minoens, en Égypte ancienne...

Quai Sud du port de Leptis Magna

À la suite de Richard Lefebvre des Noëttes qui niait toute possibilité pour la marine antique de pouvoir naviguer loin des côtes et d’avoir un tonnage d’une certaine importance, on a longtemps pensé que les premiers ports n’étaient que de simples plages d’échouage, les bateaux étant chaque soir tirés au sec. On sait aujourd’hui qu’il n’en est rien. Très tôt, on cherche à aménager des abris naturels afin d’en augmenter les qualités : protection contre les fureurs du large, bonne exposition par rapport aux vents pour faciliter l’entrée et la sortie des navires. Ces dispositions naturelles sont donc essentielles dans le choix d’un site, tout comme les conditions économiques (proximité d’une grande ville et de voies terrestres et fluviales). Aussi, les Anciens n’hésitent pas à créer des ports artificiels qui, avec l’augmentation des capacités nautiques, répondent aux nécessités économiques.

Typologies des ports antiques

Il y a, dans le monde antique, différentes catégories de ports[1] que l'on peut tenter de classer en fonction des civilisations, de leur taille ou de leur fonction.

Ports grecs, puniques et romains

Carte du Pirée et d'Athènes : le port, composé de trois baies naturellement enclavées, est relié à la ville par une route protégées par les Longs Murs, double muraille d'environ 10 km

On peut Ă©tablir une typologie des ports antiques en fonction des civilisations[2] :

  • les ports grecs sont le plus souvent sĂ©parĂ©s de la ville, situĂ©e Ă  une certaine distance de la cĂ´te, comme Le PirĂ©e, reliĂ© Ă  Athènes par les Longs Murs.
  • les ports phĂ©niciens ou puniques sont construits comme continuation de la citĂ©, les remparts de la ville Ă©tant souvent allongĂ©s pour former une digue, comme Ă  Carthage dont les bassins sont protĂ©gĂ©s par un imposant rempart maritime.
  • les ports romains, rĂ©pondant Ă  une volontĂ© stratĂ©gique et Ă©conomique, ne sont pas nĂ©cessairement proches d'une installation urbaine, comme le Portus de Rome, construit dans un lieu peu favorable Ă  proximitĂ© d'Ostie.

Petits et grands ports

On peut distinguer les petits et les grands ports[3] :

  • Le petit port est la simple marine, anse bien abritĂ©e, plage près de laquelle le navire jette l’ancre : port de pĂŞche, port de commerce ou simple port privĂ©. Il permet, grâce au cabotage, de jouer un rĂ´le de redistributeur pour une rĂ©gion enclavĂ©e, difficilement accessible par la route de terre. QuantitĂ©s de ces petits ports ont une activitĂ© Ă©conomique importante, Ă  l’échelle locale ou rĂ©gionale, en exportant des productions agricoles et manufacturĂ©es de leur arrière-pays et en important des denrĂ©es venues du monde mĂ©diterranĂ©en.
  • Les grands ports sont toujours au moins en partie des ports artificiels dont la construction correspond dans une certaine mesure aux descriptions qu’en donne Vitruve[4]: amĂ©nagements de situations naturelles favorables ou, au contraire, totalement construits. Ces grands ports peuvent ĂŞtre Ă  bassins multiples ou Ă  bassin unique, utiliser l’embouchure d’un fleuve ou ĂŞtre situĂ©s directement sur la cĂ´te. Ils permettent le commerce Ă  grande distance et le transport de volumes importants. Parmi ces grands ports, on peut distinguer les complexes portuaires comme Ostie, Pouzzoles, CĂ©sarĂ©e de Palestine, Antioche et Leptis Magna. Les quatre grands ports de la MĂ©diterranĂ©e antique sont: Portus (Port de Claude et Port de Trajan), Athènes, Alexandrie et Carthage.

Ports militaires et ports commerciaux

On peut distinguer les ports militaires des ports commerciaux, mais le plus souvent, pour une question de coût, les ports antiques ne peuvent être uniquement « militaires » (à l’usage exclusif de la flotte de guerre) et tout port « civil » peut donc devenir temporairement une base navale en accueillant des navires de combat[5]. La création de ports exclusivement militaires est extrêmement rare dans l’Antiquité et les seuls exemples, en dehors de tout complexe portuaire préexistant, sont ceux du cap Misène[6].

Aménagements portuaires

Les navires commerciaux grecs et romains ont habituellement besoin d’un port équipé pour pouvoir se mettre à l’abri, faire leurs livraisons et effectuer des réparations durant la mauvaise saison.

Bassins

Les grands ports peuvent posséder un ou plusieurs bassins[7] :

  • Les ports prĂ©sentant un bassin unique sont nombreux et bien attestĂ©s : le port de Claude Ă  Ostie, le port de Trajan Ă  Centumcellae, celui de CĂ©sarĂ©e de Palestine, celui de Leptis Magna en Tripolitaine Ă  partir de Septime SĂ©vère, etc. Ces ports sont construits soit directement sur la mer, soit en partie creusĂ©s Ă  l’intĂ©rieur des terres, soit utilisant des lagunes.
  • Les ports Ă  bassins multiples sont les plus nombreux, et souvent les plus importants. Il y a aussi des ports Ă  bassins juxtaposĂ©s, l’un Ă©tant bien abritĂ© par des mĂ´les, l’autre plus largement ouvert du cĂ´tĂ© de la mer et constituant un vĂ©ritable avant-port. Le port Ă  bassins multiples par excellence est Alexandrie, modèle des ports, avec ses rades exposĂ©es diffĂ©remment aux vents et aux courants.
  • L’un des types assez rĂ©pandus est le port de presqu’île, naturelle ou artificielle, comme le port du PirĂ©e, qui se dĂ©veloppe sur la presqu’île de l’ActĂ©e.

Brise-lames, jetées et quais

Brise-lames, jetées et quais sont nécessaires pour faciliter le transbordement en toute sécurité des marchandises jusqu'à la côte[8].

  • Les brise-lames diminuent les risques liĂ©s Ă  l'agitation due Ă  la houle du large, permettant ainsi un gain de temps. Les petits ports sont souvent constituĂ©s d’un seul brise-lames, orientĂ© en fonction du vent dominant dans la rĂ©gion et s’étendant au large jusqu’au delĂ  des limites des bas-fonds du rivage. Mais un seul brise-lames n’assure qu’une sĂ©curitĂ© toute relative pendant les opĂ©rations de chargement et de dĂ©chargement, et les ports plus importants en possèdent donc plusieurs dĂ©limitant un abri sĂ»r pour les navires.
  • Quel que soit le type de port, l’amĂ©nagement de quais est nĂ©cessaire car il est impossible de faire Ă©chouer sur une plage un gros navire de transport de plusieurs centaines de tonnes et le transbordement en pleine mer est long, coĂ»teux et dangereux. Construit Ă  l'abri des brise-lames, le quai est formĂ© par un mur plein ou par un appontement sur pieux dont le rĂ´le est de permettre aux plus gros navires de s’y amarrer, tout en fournissant un espace pour la manutention des marchandises. Le quai peut ĂŞtre construit sur la face intĂ©rieure du brise-lames. Il peut aussi ĂŞtre Ă  double face au milieu du port : on parle alors de jetĂ©e.

Autres installations portuaires

De nombreuses installations sont essentielles au bon fonctionnement des activités portuaires. Dans le monde romain, on trouve dans les ports des entrepôts (horrea), qui peuvent être parfois spécialisés pour tel ou tel produit, une capitainerie du port et des bâtiments pour le service de l’annone, des casernes et corps de garde des troupes assurant la sécurité, des stationnes de commerçants, des locaux de corporations du port, une bourse, des hôtels et des établissements plus ou moins mal famés, etc.[9]. Les phares et les tours-balises indiquent l’accès à la rade.

Le port, ensemble monumental

Le port est, pour les Anciens, un ensemble monumental. Ce caractère architectural, comme l’a montré Jean Rougé, est présent dès l’entrée et la porte de la mer est, selon son expression, « une porte quasi triomphale[10] ». Vitruve rappelle que la passe qui conduit à l’intérieur du port se trouve encadrée par deux tours élevées à l’extrémité des jetées[11] : elles ont certes une valeur maritime (elles indiquent au navigateurs venant de la mer où se trouve exactement la passe, et de nuit un feu peut y être disposé) et militaire (on y tend des chaînes pour fermer le port), mais elles possèdent une valeur décorative certaine. Ce souci de monumentalité est très perceptible dans la description que fait Flavius Josèphe du port de Césarée de Palestine :

« L’entrée du port était au Nord, car dans cette région c’est le vent du Nord qui est le plus calme ; au goulet sur chaque côté, trois colosses adossés à des colonnes : ceux de gauche quand on entre sont supportés par une tour massive et ceux de droite par deux blocs de pierre dressés et reliés entre eux, dont la hauteur dépasse celle de la tour qui s’élève sur l’autre bord[12]. »

Certains aménagements portuaires à vocation utilitaire peuvent être surmontés de statues mais aussi d’arcs monumentaux, comme la grande jetée du port de Pouzzoles : ce brise-lames artificiel de 372 mètres de long construit en pleine mer sur des piles carrées, supporte deux arcs de triomphe (l’un orné à son sommet de quatre Tritons marins, l’autre d’un quadrige tirant probablement Neptune) et deux colonnes ornées de statues montrant l’entrée du port[13]. Il faut ajouter à ces monuments les portiques qui courent tout le long des jetées et des quais, les temples et les monuments qui, au fond du port ou le dominant, contribuent à rehausser la beauté de l’ensemble.

Dans ce souci de monumentalité, le phare est un élément essentiel, et on cherche sans doute durant tout l'Antiquité à égaler celui d'Alexandrie.

Ports fluviaux

Les ports fluviaux doivent répondre à deux impératifs : abriter les bateaux des dangers naturels de la rivière (crues, embâcles) et offrir de bonnes dispositions pour le transit des marchandises.

Typologie des ports fluviaux

On peut distinguer différents types d'installations (parfois nommées Portus) d'après leurs situations géographiques[14] :

  • Les ports fluvio-maritimes ou ports d'embouchure, le plus souvent lieu de transbordement, comme les ports de Narbonne.
  • Les ports lacustres, comme celui de Lattes (Lattara), avant-port de Montpellier.
  • Les ports fluviaux Ă  proprement parler, prĂ©sentant le plus souvent des installations diffĂ©rentes et plus sommaires (quai plus ou moins spacieux selon l'importance de la ville desservie). La station fluviale est amĂ©nagĂ©e dans un endroit abritĂ© (pour garantir la sĂ©curitĂ© aux navires) et en un site au carrefour de voies fluviales et terrestres. Parmi les ports fluviaux d'une certaine importance, on peut citer le port fluvial de Caesaraugusta Ă  Saragosse.

Aménagement des ports fluviaux

Pour les villes représentant un marché attirant pour les gens d'affaires et drainant une quantité importante de marchandises, des travaux d'aménagement peuvent être réalisés : construction de quais pour les opérations de manutention, d'entrepôts pour le stockage, de locaux pour le personnel portuaire, etc. Ainsi, les plus grands ports possèdent des quais, des pontons et peut-être des plates-formes flottantes, ainsi que des entrepôts (horrea). Dans les ports plus modestes, on trouve des baraques en planches (canabae)[15].

Annexes

Notes

  1. La délicate question de la terminologie grecque et latine des ports a été largement examinée par Jean Rougé dans ses Recherches sur l’organisation du commerce maritime sous l’Empire romain, p. 108-117.
  2. J. M. De la Peña, « Avance y desarrollo portuario en la Roma antigua Â», p. 22-23.
  3. Jean Rougé, La marine dans l'Antiquité, p. 179.
  4. . À la fin du livre V de son traité De l’architecture, Vitruve distingue d’abord le port naturel, baie profonde presque fermée, du port artificiel, fermé par des digues
  5. Michel Reddé, Mare nostrum, p. 145.
  6. Michel Reddé, Mare nostrum, p. 150.
  7. Jean Rougé, Recherches sur l’organisation du commerce maritime sous l’Empire romain, p. 150-152.
  8. Jean Rougé, Recherches sur l’organisation du commerce maritime sous l’Empire romain, p. 149-150 ; 156-157.
  9. Jean Rougé, Recherches sur l’organisation du commerce maritime sous l’Empire romain, p. 167-171.
  10. Jean Rougé, Recherches sur l’organisation du commerce maritime sous l’Empire romain, p. 156.
  11. Vitruve, De l'architecture, V, 12.
  12. Flavius Josèphe, Guerre des Juifs, I, 409-415.
  13. Michel Reddé et Jean-Claude Golvin, Voyages sur la Méditerranée romaine, p. 64.
  14. François de Izarra, Hommes et fleuves en Gaule romaine, p. 54-64.
  15. François de Izarra, Hommes et fleuves en Gaule romaine, p. 64-66.

Références

  • Jean RougĂ©, Recherches sur l’organisation du commerce maritime sous l’Empire romain, Paris, SEVPEN, 1966.
  • D.J. Blackmann, Ancient harbours in the Mediterranean (Part 1 & 2). The Int. Journal of Nautical Archaeology and Underwater Exploration (1982),11.2 & 3. lien
  • Michel ReddĂ©, Mare Nostrum. École française de Rome, Palais Farnèse, 1986
  • J.M. De La Peña, E.J.M. Prada, M.C. Redondo, Mediterranean ports in ancient times. PIANC Bulletin N° 83/84, pp 227-237, Brussels, 1994.
  • Leopoldo Franco, Ancient Mediterranean harbours: a heritage to preserve. Ocean & Coastal Management, Vol 30, N° 2 & 3, 1996.
  • Arthur de Graauw, Port engineering aspects of the Magnus Portus in Alexandria. PIANC Bulletin N°103, pp 31-41, Brussels, 2000.
  • Arthur de Graauw, Ancient Port Structures - Parallels between the ancient and the modern, MĂ©diterranĂ©e, Revue gĂ©ographique des pays mĂ©diterranĂ©ens / Journal of Mediterranean geography, 2022. https://journals.openedition.org/mediterranee/12715 .
  • Philippe Ravit, RĂ©flexions autour des phares du monde antique, Lyon 3, 2009 (mĂ©moire).

Articles connexes

Liens externes

  • (es) (en) (fr) Traianus, voir les documents sous la rubrique « Portus Â»
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