Généralité (France)
Une généralité est une circonscription administrative de la France d’Ancien Régime. Il y eut jusqu’à trente-sept généralités, les dernières ayant été créées en 1784. Elles furent créées en 1542 avec l’édit de Cognac.
Parmi les multiples circonscriptions territoriales de la France d'Ancien Régime, les généralités sont apparues tardivement ; elles ont eu d'abord un rôle purement fiscal mais n’ont cessé de se renforcer jusqu'à devenir au XVIIIe siècle le cadre principal de l’administration royale.
Histoire
Ce sont plusieurs siècles après les diocèses ecclésiastiques, les seigneuries ou encore deux ou trois siècles après les bailliages et sénéchaussées, que les généralités se sont progressivement imposées en apportant pour la première fois — si on excepte les paroisses elles-mêmes — une véritable unité administrative au royaume. Toutes les autres circonscriptions rivalisaient en effet en complexité, indétermination et disparité, sans que de surcroît aucune évolution rationnelle ne se soit dessinée. Probablement la question des finances était-elle la seule à pouvoir affranchir en général l’administration d’un imbroglio aussi profondément enraciné. Le nom de généralité provient des généraux des finances (également appelés généraux sur le fait des aides) que les états généraux ont créés sous le règne de Jean le Bon au XIVe siècle.
Placées sous l’autorité d’un « receveur général », les généralités étaient le cadre de la collecte des impôts directs et indirects : recettes du domaine, taille, aides et gabelle (édit de 1542).
À la fin du XVe siècle, l’essentiel du domaine royal et des grands fiefs est réparti au point de vue fiscal entre quatre charges. Chaque charge est affectée à un trésorier de France pour les finances ordinaires et à un général des finances pour les finances extraordinaires. Leur résidence à la Cour imposa la nomination d’un receveur général en province.
À ce stade, les provinces récemment rattachées (Bretagne, Bourgogne, Dauphiné, Guyenne, Picardie, Provence) restent en dehors de cette structure, même si on y rencontre également un receveur général et un ordonnateur.
Dès le XVe siècle apparaissent quatre généralités. Ce sont, selon leur ancienneté supposée :
- la charge de Normandie à Rouen (1357) ? : Normandie ;
- la charge de Languedoc à Montpellier (1377) ? : Languedoc, Lyonnais, Forez, Beaujolais ;
- la charge d’Outre-Seine-et-Yonne à Paris (1436) ? : Île-de-France, Champagne ;
- la charge de Languedoïl à Tours (1452) ? : Centre et Sud-Ouest, Nivernais, Orléanais, Touraine, Anjou, Maine, Berry, Poitou, Bourbonnais, Auvergne, Marche, Guyenne (séparée en 1523), Périgord, Rouergue.
À partir de ce cadre, seize recettes générales ou généralités furent créées par l’édit du , sous François Ier. Un réel souci d’efficacité dans le recouvrement avait motivé cette structuration qui entérina également la caducité de la distinction entre finances ordinaires et extraordinaires. (voir la liste et la carte)
Un édit de janvier 1552 établit des trésoriers généraux dans les dix-sept généralités, généralités où ils doivent résider. Leur titre officiel est « trésoriers de France et généraux des finances ». Les décennies suivantes voient la multiplication des offices jusqu’à la constitution à partir de 1577 d’un Bureau des finances dans chaque généralité ; chaque bureau étant composé de deux présidents, de huit officiers et de divers agents d’exécution. Certains de ces offices étaient exercés par alternance : chaque année deux officiers se chargeaient — alternativement — l’un de la reddition des comptes, l’autre du recouvrement. Aux XVIIe et XVIIIe siècles, dans la langue courante, les mots de généralité et intendance sont synonymes.
Ensuite, au XVIIe siècle et encore davantage au XVIIIe siècle, le statut et le rôle des trésoriers déclinèrent régulièrement, leurs prérogatives initiales étant absorbées par les intendants et leurs bureaux toujours cependant dans le cadre de la généralité. Ainsi, c’est à peu près privés de tout rôle effectif qu’ils attendaient des états généraux de 1789 d’être rétablis dans leur fonction primitive.
Élections
L’indépendance des généralités à l’égard des autres découpages administratifs ne pouvait aller jusqu'à méconnaître la disparité fiscale des provinces et particulièrement le relatif pouvoir d’en discuter la charge des pays dits « d'états ». La généralité se subdivisait dans ce cas selon les circonscriptions usuelles de la province, le diocèse généralement. On parle alors de « diocèses-recettes » ou diocèses civils ; diocèses pouvant présenter des variations par rapport aux diocèses ecclésiastiques d’origine.
Aux alentours de 1380, les autres généralités du royaume où l’administration avait les coudées franches, sont subdivisées en secteurs où un élu est chargé du recouvrement des aides et de la taille.
Le système se structure à la suite de diverses ordonnances : , , , , , etc. Avec celle de 1452, le terme élection est adopté officiellement et les provinces et territoires concernés peuvent être appelés pays d'élection.
Entre le début et la fin du XVIe siècle, le nombre et la diversité des officiers de l’élection augmente. En 1578, apparaissent des gens du roi et l’élection s’en trouve confirmée comme tribunal pour les affaires relevant des aides et taille sous le contrôle d’une Cour des aides. Le nombre des élections augmente considérablement : de 92 au début du XVIe siècle il passe à 146 en 1597. Progressivement, les élections suppriment le système des états provinciaux. C'est ce qui se passe en Normandie, en Auvergne, en Bourbonnais, en Limousin et en Marche, en Armagnac et en Comminges. Au XVIIe siècle le gouvernement réussit à introduire des élections en Dauphiné, mais il échoue en Bourgogne, en Languedoc et en Provence.
Cependant les élections n’étaient pas, par nature, préservées de l’instabilité ordinaire et certaines furent l’objet de suppression et de recréation, les élus pouvant d’ailleurs cumuler plusieurs élections. Leur taille présentait, de plus, une grande diversité : 720 paroisses pour l’élection de Poitiers contre 17 pour l’élection de Beaufort en Champagne.
À partir du XVIe siècle les généralités furent, dans la plupart des cas, constituées par regroupement d'élections, dont certaines leur étaient très largement antérieures.
Greniers à sel
Généralisée par les ordonnances de 1331 et 1343, la gabelle constituait le plus important des impôts indirects. Cette taxe sur le sel n'était toutefois pas perçue partout, et ses modalités de perception variaient selon les régions. Dans les pays de Grande gabelle comme le bassin parisien, le sel, en provenance pour l'essentiel des marais salants de l'Atlantique devait être acheté dans les greniers établis en application des lettres patentes du .
Le grenier à sel des pays de grande gabelle était à la fois un magasin d'approvisionnement obligatoire et le siège d'une juridiction chargée de juger les causes relatives à la balle, et notamment les affaires de contrebande de sel, le « faux saunage », passible de la peine des galères. Chaque paroisse était obligatoirement rattachée à un grenier à sel où ses habitants devaient « lever » une certaine quantité de sel, parfois obligatoire (une cinquantaine de kilogrammes pour 14 personnes), parfois laissée au choix de l'acheteur.
En 1593 on comptait 158 greniers à sel. L’officier principal en était le grenetier remplissant des fonctions d’administrateur, de comptable et de juge.
De la généralité à l’intendance
Dès leur origine, les généralités sont inspectées par des maîtres de requêtes, chargés du contrôle des comptes. Au début du XVIIe siècle, ces derniers prennent le titre d’intendant de police, justice et finance et commissaire départi du roi. À la fin du XVIIe siècle, sous le règne de Louis XIV, les intendants résident de façon permanente dans leur généralité. Toutefois, il arrive que les généralités et les intendances ne coïncident pas : ainsi il y a deux généralités en Languedoc : Toulouse et Montpellier, mais une seule intendance à Montpellier.
Ils deviennent des administrateurs bien plus que des inspecteurs et leur pouvoir est très supérieur à celui du receveur général. Au XVIIIe siècle, les intendances sont divisées en subdélégations, confiées à un subdélégué choisi par l’intendant et révocable par lui. Outre ses missions officielles, l’intendant s’occupe souvent du développement économique et social de sa généralité : introduction de nouvelles cultures, amélioration du réseau routier, organisation de la charité, gestion des stocks de blé pour éviter les disettes. Du fait de l’importance de son rôle, on appelle souvent généralités-intendances les généralités.
L'intendant est un des rouages majeurs de la centralisation progressive de la France : on considère parfois qu’ils préfigurent les préfets actuels.
En 1789, il y avait vingt-neuf généralités mais trente-trois intendances.
D'une part, en Languedoc, il y avait une intendance (l'intendance de Languedoc, siégeant à Montpellier) mais deux généralités (Montpellier et Toulouse). D'autre part, l'intendance d'Auch et Pau (1716-1767) avait un caractère hybride : elle englobait pays d'élection (la généralité d'Auch, créée en 1716) et pays d'états (la Navarre et le Béarn). Surtout, cinq intendances n'étaient pas en même temps généralités :
- L'intendance de Hainaut et Cambrésis (siège : Valenciennes)
- L'intendance d'Alsace (siège : Strasbourg)
- L'intendance de Lorraine et Barrois (siège : Nancy)
- L'intendance de Roussillon (siège : Perpignan)
- L'intendance de Corse (siège : Bastia)
Liste des généralités-intendances
Voir aussi
Bibliographie
Articles connexes
Liens externes
- Les Généralités : définition de l'Encyclopédie de Diderot & d'Alembert en 1784.
- Notices dans des dictionnaires ou encyclopédies généralistes :