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Pieds-noirs

Le nom « pieds-noirs » désigne les Français originaires d'Algérie et, par extension, les Français d'ascendance européenne installés en Afrique française du Nord jusqu'à l'indépendance, c'est-à-dire jusqu'en pour les protectorats français de Tunisie et du Maroc, jusqu'en pour l'Algérie française, et au-delà pour ceux qui y sont restés après l’indépendance des trois pays[2] - [3].

Pieds-noirs
Description de cette image, également commentée ci-après
Un symbole : Notre-Dame d'Afrique.
Populations importantes par région
Drapeau de la France France 3 200 000 (et leurs descendants)[1]

Définitions de « pied-noir »

Vue de la colonie de La Calle, chef-lieu de la Compagnie royale d'Afrique sur la cĂ´te de la Barbarie, 1788.

Deux définitions qui s'opposent de « pied-noir » indiquent assez bien l'imprécision de ce terme.

D'après le Larousse, « pied-noir » (et « pieds-noirs ») est un nom et un adjectif qui signifie :

« Français d'origine européenne installé en Afrique du Nord jusqu'à l'époque de l'indépendance[4]. »

D'après le Grand Robert de la langue française, « pied-noir » est un nom masculin, dont le sens moderne, apparu vers 1955, est

« Français vivant en Algérie (et considérant l'Algérie française comme sa patrie) ; puis Français originaire d'Algérie. Les pieds-noirs rapatriés - Au féminin : Une pied-noir (rare : Une pied-noire)[5]. »

Le seul groupe commun aux deux définitions est celui des Français d'Algérie descendants d'émigrants européens, et « rapatriés » dans les années 1960.

L'exclusion, par l'une ou l'autre définition, des rapatriés du Maroc et de Tunisie, ou des Juifs séfarades et des descendants d'autochtones de citoyenneté française « rapatriés » d'Algérie, reflète l'attitude d'acceptation ou de refus de l'expression « pied-noir » par les membres de ces groupes. Ainsi, selon Hubert Hannoun, écrivain,

« L'expression de pieds-noirs ne peut être employée pour désigner les Juifs originaires d'Algérie. Les pieds-noirs sont les descendants de tous les Européens – majoritairement français – qui, à partir de 1830, se sont installés en Algérie pour en faire une colonie de peuplement. Les Juifs, eux, sont présents dans le pays dès le IIe ou IIIe siècle, donc bien avant les Français, et les Turcs. Leur histoire n'est pas celle des pieds-noirs[6]. »

D'autre part, les deux définitions n'ont pas la même extension temporelle : le Robert réserve l'appellation aux personnes contemporaines de la guerre et du départ d'Algérie, alors que Larousse semble lui donner une valeur rétroactive.

Dès lors, selon la définition du Larousse, les colons installés dès 1560 dans les « possessions françaises sur la côte septentrionale de l'Afrique », telles que le Bastion de France et La Calle, sont considérés comme des pieds-noirs qui s'ignoraient.

L'origine de l'expression fait l'objet de plusieurs hypothèses.

Pour le Trésor de la langue française informatisé (TLFI)[7], le mot, composé de « pied » et de « noir », est un surnom attesté dès 1901 et désignant alors un « matelot chauffeur sur un bateau à charbon ». Ce surnom viendrait du fait que les chauffeurs des bateaux à vapeur avaient l'habitude de marcher pieds nus dans la soute à charbon du navire. Ces chauffeurs étant souvent algériens, « pied-noir » a ensuite désigné, par extension, un Algérien. Cet emploi est attesté en 1917[7]. Son emploi actuel n'est attesté qu'en 1955. En effet le terme aurait été « récupéré par les Européens d'Algérie à partir de 1955 » et « marque(rait) leur prise de conscience d'une identité propre : ni Algériens musulmans, ni Français de métropole »[8].

D'autres hypothèses ont été avancées :

  • les premiers EuropĂ©ens arrivĂ©s en nombre au dĂ©but de la colonisation Ă©taient des militaires portant des chaussures de marche noires[9] ;
  • après une journĂ©e dans les marais, la couleur des pieds des premiers colons qui ont cherchĂ© Ă  assĂ©cher les marais de la Mitidja pour en faire une terre cultivable, au prix de milliers de morts de la malaria ;
  • la coloration des pieds des viticulteurs lors du foulage du raisin, sachant que de nombreux Français d'AlgĂ©rie vivaient de la production de vin ;
  • une bande de jeunes Français du Maroc, amateurs de cinĂ©ma amĂ©ricain, se seraient eux-mĂŞmes baptisĂ©s « pieds-noirs » en rĂ©fĂ©rence aux tribus amĂ©rindiennes de la ConfĂ©dĂ©ration des Pieds-Noirs. L'expression aurait ensuite franchi la frontière algĂ©ro-marocaine vers 1955[10].
  • Dans le roman de l'Ă©crivain provençal Henri Bosco, L'Enfant et la Rivière paru en 1945, l'enfant se fait traiter de « pied-noir » par sa tante Ă  son retour d'une fugue. Le terme est employĂ© au sens de va-nu-pieds, terme du vocabulaire rural provençal, en raison de la rĂ©putation de gens très pauvres qu'avaient les expatriĂ©s europĂ©ens en AlgĂ©rie.

Distinctions

Usage

Le terme « pied-noir » étant d'origine incertaine, son usage courant est donc générique et imprécis. Il convient par conséquent d'établir des distinctions pour en apprécier la portée. D'une part, certains membres de cette communauté considèrent l'appellation « pied-noir » comme péjorative, voire offensante, et lui préfèrent la dénomination, plus formelle, de « Français d'Algérie », beaucoup plus conforme à la réalité. D'ailleurs beaucoup d'entre eux se sentent Algériens de terre et Français de nationalité et ont souhaité conserver dans leur numéro Insee le numéro de leur département de naissance : 91 (Alger), 92 (Oran), 93 (Constantine) et 94 (Territoires du Sud) (voir sous intégration, plus bas dans l'article).

D'autre part, de nombreux Juifs d'Algérie ne se considèrent pas comme « pieds-noirs »[11] - [12]. Ainsi Patrick Bruel ou Éric Zemmour, par exemple, se définissent eux-mêmes comme « juifs berbères » et considèrent le terme pieds-noirs comme inexact en ce qui concerne leur famille présente en Algérie bien avant l'arrivée des Français et même de l'islam[13] - [14] (bien que, par la suite - en particulier durant la campagne présidentielle de 2022 - Éric Zemmour a pu désigner sa famille comme étant pied-noir, alors qu'elle a quitté l'Algérie avant 1962). Au contraire, en 1987 l'emblématique Enrico Macias affirme que[15] « les pieds-noirs, c'est pas seulement les catholiques, c'est aussi les musulmans et les israélites », car, selon lui, « toutes ces communautés forment la communauté nord-africaine ».

Rapatriés d'Algérie et pieds-noirs

L'historien Abderahmen Moumen distingue trois grands groupes sociaux constituant les rapatriés d'Algérie[16] :

  • les EuropĂ©ens rapatriĂ©s d'AlgĂ©rie : communĂ©ment appelĂ©s pieds-noirs, ils sont de loin les plus nombreux. En 1962, environ 800 000 pieds-noirs quittent l'AlgĂ©rie dont 512 000 entre les mois de mai et d'aoĂ»t ;
  • les Juifs (berbères ou sĂ©farades) rapatriĂ©s d'AlgĂ©rie : souvent associĂ©s aux pieds-noirs, estimĂ©s Ă  120 000 en 1962, environ 110 000 s'installent en France en 1962 ;
  • les Français musulmans rapatriĂ©s (FMR), aussi appelĂ©s FSNA (Français de souche nord-africaine) avant l'indĂ©pendance, puis souvent englobĂ©s sous le terme gĂ©nĂ©rique de « harkis », ils sont constituĂ©s de plusieurs groupes diffĂ©rents : anciens membres des forces supplĂ©tives (harkis, moghaznis, GMS…), militaires engagĂ©s ou appelĂ©s au cĂ´tĂ© de l'armĂ©e française et Ă©lites francisĂ©es (hauts fonctionnaires, membres du « double collège », dĂ©putĂ©s, sĂ©nateurs…). Ils sont au nombre de 138 458 au recensement de 1968.

Dans l'usage courant « pied-noir » est un quasi-synonyme de « rapatrié d'Algérie ». « Rapatrié » fait référence à un statut administratif qui a concerné, à partir de 1962, les « Français d'Algérie » originaires des départements français d'Algérie et du Sahara au moment de l'indépendance de ces deux entités le . Il a été utilisé par le gouvernement de l'époque pour masquer un véritable exode. À ce titre les pieds-noirs peuvent être considérés comme des exilés, des déracinés ou des expatriés.

Parmi les rapatriés d'Algérie, qui étaient tous de nationalité française, sont englobés la majorité des « Européens » et des juifs séfarades et un nombre limité de « musulmans » (arabes et berbères), plus souvent désignés par le terme générique de harkis, c'est-à-dire ceux des militaires, anciens supplétifs de l'armée française, et leurs familles qui ont pu trouver asile en métropole. La différence de statut civique entre « Européen » et « harki » fait que le second n'est que supplétif de l'armée française (contractuel) et non membre à part entière de l'armée française. Il est à noter que quelques milliers de musulmans étaient citoyens de droit commun et ont donc conservé automatiquement leur nationalité française en 1962 (essentiellement des militaires, des caïds comme la famille du recteur actuel de la mosquée de Paris Dalil Boubakeur ou les parents de Yazid Sabeg, commissaire français à la diversité). La majorité des musulmans, citoyens de droit local, ont perdu leur nationalité française en 1962.

Les « EuropĂ©ens » rapatriĂ©s sont d'origine française (en provenance de toutes les rĂ©gions de la mĂ©tropole mais en particulier d'Alsace-Lorraine[17]) ou Ă©trangère (principalement d'Espagne, d'Italie et de Malte). La proportion d'Ă©trangers monte en 1886 Ă  49 % des EuropĂ©ens d'AlgĂ©rie, pour dĂ©croĂ®tre après la loi sur les naturalisations du . En 1884, on recense un peu plus de 48 % d'Ă©trangers parmi les 376 772 EuropĂ©ens, avec des diffĂ©rences notables selon les dĂ©partements : 40 % dans le dĂ©partement d'Alger (56 751 Ă©trangers et 84 816 Français), plus de 59 % dans le dĂ©partement d'Oran (84 881 Ă©trangers et 58 085 Français — la proportion monte Ă  68 % pour la seule ville d'Oran), 43 % dans celui de Constantine (39 722 Ă©trangers et 52 517 Français)[18] (principalement d’Espagne mais aussi de Malte, d’Italie, d’Allemagne, de Suisse et d'Angleterre). Les motifs d'installation en AlgĂ©rie des colons sont variĂ©s, attrait pour les concessions, incitation et facilitĂ© d'installation par les autoritĂ©s françaises (en particulier Alsaciens-Lorrains, Allemands et Suisses), Ă©lĂ©vation du niveau de vie et fuite de la colonisation anglaise (Maltais), fuite de la guerre civile (guerres de succession d'Espagne 1833-1840 — Ă  laquelle la France prend part — 1846-1849, 1872-1876, guerre d'Espagne 1936-1939), dĂ©portation des rĂ©sistants au coup d'État du 2 dĂ©cembre 1851 sous NapolĂ©on III) ou annexion du territoire (Anglo-Maltais, Alsaciens et Lorrains Ă  la suite de la guerre franco-prussienne de 1870). La politique d'assimilation de la France en AlgĂ©rie se traduit par la naturalisation des Ă©trangers Ă  la suite du dĂ©cret CrĂ©mieux de 1870 et la loi sur la nationalitĂ© du 26 juin 1889, les colons dĂ©tenaient 90 % des meilleures terres agricoles (rĂ©gion d'Alger, Tiaret, Oran, etc.). Dans l’arrondissement d’AĂŻn Temouchent, par exemple, les EuropĂ©ens, soit 15 % de la population, possĂ©daient plus de 65 % de l'ensemble des terres agricoles[19].

Différences de statut entre les départements français d'Algérie-Sahara et protectorats de Tunisie-Maroc

La fin du protectorat français de Tunisie (1881-1956) et du protectorat français au Maroc (1912-1956) a entraîné en 1956 le rapatriement des Français de souche européenne. Ces deux pays étaient placés sous protectorat et ne relevaient pas du statut de colonie, alors que l'Algérie fait, de 1848 à 1962, partie intégrante du territoire national français.

Durant l'intervalle compris entre 1830 et 1848, la conquête de l'Algérie — ou plus exactement du protectorat ottoman nommé régence d'Alger — se poursuit et les nouveaux espaces conquis sont appelés « possessions françaises » : on parle alors de « colonies » et de « provinces » (1848). Après la création des départements français d'Algérie, cette France d'outre-mer avant la lettre disposait d'un statut plus proche d'un territoire tel que la Corse, sous statut métropolitain et acquis de la République de Gênes par la France en 1769, que d'une colonie.

En réaction aux premiers attentats indépendantistes marquant le début de la guerre d'Algérie (1954-1962), le , Pierre Mendès France (Radical-Socialiste), président du Conseil s'adressant à l'Assemblée nationale, exprime clairement la distinction entre l'Algérie d'une part, la Tunisie et le Maroc d'autre part[20] - [21] - [22] - [23] :

« On ne transige pas lorsqu'il s'agit de défendre la paix intérieure de la nation, l'unité, l'intégrité de la République. Les départements d'Algérie constituent une partie de la République française. Ils sont français depuis longtemps et d'une manière irrévocable. Leurs populations qui jouissent de la citoyenneté française et sont représentées au Parlement ont d'ailleurs donné dans la paix, comme autrefois dans la guerre, assez de preuves de leur attachement à la France pour que la France, à son tour, ne laisse pas mettre en cause cette unité. Entre elles et la métropole, il n'y a pas de sécession concevable. Jamais la France, aucun gouvernement, aucun Parlement français, quelles qu'en soient d'ailleurs les tendances particulières, ne cédera sur ce principe fondamental. J'affirme qu'aucune comparaison avec la Tunisie ou le Maroc n'est plus fausse, plus dangereuse. Ici c'est la France. »

« Français d'Algérie » et « Français de France »

Si le regard porté aussi bien par le Français métropolitain que par le nationaliste algérien, tunisien ou marocain sur la communauté pied-noire ne distingue pas - comme l'attestent la définition du Larousse et les attentats du FLN - dans cette société coloniale composite le métropolitain récemment installé (à l'image de l'instituteur Guy Monnerot originaire de Limoges venu enseigner dans un hameau algérien et victime de la Toussaint rouge en 1954 ou la pasteure Élisabeth Schmidt arrivée en à la tête de la paroisse protestante de Blida-Médéa) du colon vivant depuis plusieurs générations (tel le général Edmond Jouhaud natif de Bou Sfer descendant de pionniers originaires de Limoges ayant émigré en Algérie et acteur du putsch des généraux en 1961), le pied-noir, lui, fait la distinction entre « Français d'Algérie » et « Français de France ».

« Pieds-rouges », « pieds-gris » et « pieds-verts »

Le terme « pieds-rouges » désigne les pieds-noirs communistes révolutionnaires (membres du Parti communiste algérien extrêmement minoritaires, trotskystes ou maoïstes) et anticolonialistes qui ont soutenu le mouvement indépendantiste et/ou ont refusé le rapatriement pour demeurer en République algérienne. Cette expression est utilisée dans plusieurs ouvrages dont Le pied-rouge[24] (1974) de Bernard Lecherbonnier, Le Pied-Rouge[25] (1999) de François Muratet, Vergès : le maître de l'ombre[26] (2000) de Bernard Violet, Les Russes du Kazakhstan[27] (2004) de Marlène Laruelle et Sébastien Peyrouse ainsi que dans Algérie, les années pieds-rouges : Des rêves de l'indépendance au désenchantement, 1962-1969[28] (2009) par Catherine Simon.

Dans son ouvrage Parcours d'une intellectuelle en Algérie : nationalisme et anticolonialisme, Monique Gadant s'interroge sur l'origine de l'expression et en propose une définition : « d'où sort ce terme de pieds-rouges dont les Français sont subitement affublés ? Il est plutôt péjoratif car il est censé désigner des gens qui seraient venus en Algérie, dit-on, avec l'intention de ce pays comme banc d'essai de leurs théories révolutionnaires ou parce qu'ils auraient été frustrés d'une révolution qu'ils n'auraient pas pu faire chez eux »[29]. En 1976, lors de l'émission Apostrophes, le célèbre humoriste et comédien, Guy Bedos s'adressant à Michel Jobert, pied-noir du Maroc et gaulliste de gauche, déclare « je suis pied-noir et rouge moi »[30].

Une autre expression dérivée de pieds-noirs désignerait les « petits pieds-gris, enfants issus de pieds-noirs et de métropolitains aux pieds blancs »[31]. Une tout autre définition de « pieds-gris » est rapportée par le sociologue René Domergue dans L'Intégration des pieds-noirs dans les villages du Midi et le chapitre « C'est nous les vrais pieds-noirs : La Diversité pied-noire : Tunisiens, Marocains, Oranais, Bônois… » où l'auteur retranscrit la déclaration de Sabine[11] :

« Je suis Pied-Gris. Je viens de Tunisie, je suis arrivée en 62. Je faisais partie de la masse des rapatriés. Je me suis d'abord assimilée à eux. Les pieds-noirs d'Algérie m'ont tout de suite fait savoir que non. Quand je disais je suis pied-noire, la personne en face de moi me disait : Oui mais d'où ? Quand je répondais « de Tunisie », elle me disait : Mais ceux de Tunisie ne sont pas des pieds-noirs. C'est pourquoi je me suis appelée pied-gris. »

Le terme « pieds-verts » utilisé pour la première fois en 1965, désigne les Européens, qui sont restés en Algérie après 1962. D'après Christian Beuvain et Jean-Guillaume Lanuque, « pieds-verts » est vraisemblablement une « référence à la couleur verte de l'islam et du drapeau algérien »[32].

En 2012, l'écrivain Francis Pornon a proposé de désigner « pieds-roses » les coopérants venus en Algérie jusqu'aux années 1980[33].

« Les vrais pieds-noirs »

L'étude sociologique de René Domergue met en évidence à la fois les distinctions que font entre eux les rapatriés ainsi que les problèmes liés à l'évolution de la définition même de pied-noir. Ainsi le chercheur rapporte d'abord le cas de Marie, rapatriée installée dans les Cévennes ; alors qu'il lui demande si elle est pied-noire, celle-ci lui répond : « Non, pas du tout… Je suis née en Tunisie. Les Tunisiens ne sont pas des pieds-noirs. Le terme est réservé aux Algériens »[11]. Dans un second temps, s'intéressant aux rapatriés du Maroc, l'un d'entre eux prénommé Raymond, affirme au sociologue : « Je suis pied-noir. […] Je suis né au Maroc, en 1947. C'est nous les vrais pieds-noirs. […] Le mot pied-noir était connu au Maroc bien avant d'être connu en Algérie. Je l'ai toujours entendu, bien avant 62 »[11].

Enfin, recueillant le point de vue de rapatriés israélites séfarades, la fille d'un couple d'entre eux, Corinne, déclare : « Je récuse le terme [pied-noire]. Je me sens d'origine africaine. Pied-noir est un terme inventé par les métropolitains. L'identité de ma famille n'est pas là. Nous sommes Français juifs d'Algérie. Nous n'avons pas du tout la même culture que les non-juifs »[11].

Origines du terme

Apparition

L'empereur Napoléon III salue les « colons français et les Arabes » depuis le balcon de la sous-préfecture de Mostaganem (département d'Oran) lors de sa visite officielle en Algérie le 20 mai 1865. Croquis de M. Moulin paru dans Le Monde Illustré, 1865.

L'apparition de ce terme pour désigner les Français d'Algérie est datée, selon Paul Robert, qui était lui-même pied-noir, de 1955.

Pour d'autres, ce terme aurait déjà été en usage vers 1951-1952, dans les casernes en Métropole, bien avant de parvenir en Algérie, pour désigner les recrues françaises originaires d'Afrique du Nord. Il n'y avait en Algérie, avant la guerre d'indépendance, aucun sobriquet d'usage courant pour désigner les Français d'Algérie eux-mêmes, si ce n'est les appellations d'« Algériens » ou de « Nord-Africains », désignant alors seuls les Français d'Algérie ou d'Afrique du Nord, alors que les autochtones étaient désignés comme « Arabes », ou « musulmans ». Avant et durant la guerre de 14-18, le terme péjoratif d'arbicot était utilisé dans les casernes à l'encontre des Français d'Algérie et celui de bicot à l'encontre des musulmans ; ce dernier est resté dans un certain langage raciste et il convient de noter qu'il ne fut pas pratiqué par les Français d'Algérie ; de leur part, un sobriquet nettement moins insultant était le terme de tronc ou tronc de figuier, pour évoquer l'habitude des indigènes de bavarder longuement sous un arbre. À noter que les musulmans parlaient de gaouris ou roumis en référence à la période romaine pour les chrétiens et de judis pour les juifs.

Certains pieds-noirs se considéraient à une époque comme les « vrais Algériens », excluant les musulmans (algériens) qu'ils considéraient comme « Indigènes ». Ainsi on rapporte un dialogue entre un étudiant d’Alger et une étudiante métropolitaine lors du Congrès de l’UNEF en 1922 :

« — Ainsi, vous êtes Algérien…, mais fils de Français, n’est-ce-pas ?
— Bien sûr ! Tous les Algériens sont fils de Français, les autres sont des Indigènes[34] - [35] ! »

Cependant, après la Seconde Guerre mondiale, les pieds-noirs ont commencé à éviter d'utiliser ce terme afin de ne pas être confondus avec les travailleurs indigènes (algériens) venus en métropole[36] - [35].

L’écrivain kabyle Mouloud Feraoun décrit ce double langage dans son roman Les Chemins qui montent :

« C’est nous les Algériens, disent-ils aux Français de France. L’Algérie, c’est nous. Voyez ce que nous avons fait. Remerciez-nous, Messieurs de France, et ne vous avisez pas de nous juger. Malheureusement, ils ne tiennent pas le même langage avec nous. Dès que nous leur disons que nous sommes Algériens nous aussi, ils nous rétorquent : - Vous en êtes ? C’est bon. Tas d’Indigènes, que supposez-vous ? Nous sommes Français, nous. Arrière, et garde à vous! Vous voulez nous f… à la mer, bande d’infidèles et d’ingrats. Mère patrie, du secours[37] - [35] ! »

Les Français d'Algérie, au contraire, utilisaient de leur côté plusieurs surnoms pour désigner les Français de métropole tels que « Français de France », « Frangaoui » ou encore « Patos ».

Le surnom de « pieds-noirs » semble n'être parvenu en Afrique du Nord qu'après 1954, peut-être apporté par les soldats métropolitains venus en nombre. Toutefois, son usage ne s'est vraiment répandu en Algérie que dans les toutes dernières années de la présence française et surtout en métropole, après l'exil.

Quoi qu'il en soit, les premières attestations certaines de ce terme, dans cette acception, sont à ce jour les suivantes :

Explications proposées

Alger, scène à l'arrivée d'un steamer. Circa 1899.
Emblème pieds-noirs utilisé par les associations.

Des explications plus ou moins crédibles, probablement imaginées après coup, ont alors été avancées : allusion aux souliers supposés vernis ou aux bottes noires des premiers immigrants ou aux brodequins noirs des soldats de l'armée d'Afrique, aux jambes des colons, noircies en défrichant les marécages, aux « Arabes » soutiers sur les bateaux à vapeur traversant la mer Méditerranée et aux pieds nus salis par le charbon, etc. L'historien algérois Xavier Yacono recense ces explications fantaisistes et évoque même les amérindiens pieds-noirs (Black-Feet) d'Amérique, qui auraient été présents dans les contingents américains qui débarquèrent en Afrique du Nord en 1942. Toutes ces explications sont probablement fausses puisque, si elles étaient vraies, la dénomination de « pieds-noirs » aurait été connue en Algérie, bien avant la guerre d'indépendance. De plus, les populations arabes ou berbères avaient plusieurs mots dans leur langue pour désigner les colons européens (rwama, « chrétiens » ou roumis, littéralement « Romains ») et n'avaient aucune raison d'utiliser cette expression alors qu'ils ne parlaient pas le français à cette époque[38].

Selon Guy Pervillé « Pieds noirs » (pieds sales) était l’un des nombreux sobriquets injurieux attribué aux « Arabes » par les Européens d’Algérie ; mais son application à ces derniers – peut-être par des métropolitains mal informés – est attestée peu avant 1954 »[39] - [40]. Selon un article récent « Vous avez dit pieds-noirs », paru dans le magazine Pieds-noirs d'hier et d'aujourd'hui de janvier 1999, on explicite l'origine de ce sobriquet utilisé dans le jargon de la marine, mécanisée dès la fin du XIXe siècle : les marins d'Algérie habitués aux températures torrides auraient été affectés aux machines à charbon, comme les « gueules noires » des mines, tandis que les marins métropolitains, armés de l'écouvillon pour graisser les canons, se seraient vu baptiser bouchons gras puis à terre : les patos » de l'espagnol « canard », à cause de leur démarche chaloupée acquise sur le pont par suite du roulis. Une photographie de 1917, portant cette mention, y est insérée. Cette dernière explication est peut-être valable pour le mot « patos », très utilisé sur place avant 1949, mais vraisemblablement pas pour le terme « pied-noir » qui était rigoureusement inconnu à Alger jusque vers la moitié des années cinquante. Précisément une explication moins connue concorde avec cette datation. C'est celle d'un article de l'Express naissant, dans laquelle l'auteur se livre à une vive diatribe contre les habitants français d'Algérie, les comparant aux Indiens de la tribu des Pieds-Noirs tels qu'ils sont montrés de façon caricaturale par Hergé dans Tintin en Amérique, oisifs profiteurs du pétrole découvert sous leurs terres. Le cliché dénoncé par Albert Camus du colon milliardaire fumant le cigare à bord de sa Cadillac viendrait de ce même article. Il semble en fait que le terme vienne du Maroc où les militaires français désignaient au début du XXe siècle les « petits blancs » (colons paysans vivant en sandales et qui avaient donc les pieds sales) qui s'opposaient à toute velléité d'indépendance[41].

Ce n'est que tardivement que les intéressés eux-mêmes, à l'heure où leur destin était menacé, s'en sont saisis, au tout départ les étudiants d'Alger, pour en faire l'étendard de leur identité, comme en témoignent les noms de nombreuses associations.

Communauté pied-noire

Européens français et étrangers

Le parc de Philippeville est fréquenté par une population mixte, ca 1860-1900.
Un jongleur arabe à Alger, deux soldats français en uniforme (en bas) s'approchent de trois colons pieds-noirs en habits bruns et chapeaux mous. Vers 1899.
Un pĂŞcheur pied-noir sur le mĂ´le, au fond le phare d'Alger, ca 1899.
Les premiers pieds-noirs sont les enfants des militaires français débarqués en 1830. Ici trois enfants et un jeune cocher sur un chariot tiré par deux ânes communs, ca 1905.
Un sergent américain distribue du lait en conserve (rations militaires) à des enfants pieds-noirs d'Oran, après le débarquement de l'opération Torch, ca fin 1942.

Les pieds-noirs d'Algérie représentaient au moment de l'indépendance une population d'environ un million de personnes.

La communauté européenne résultait du brassage de populations d'origines européennes variées mais à forte dominante méditerranéenne : Français dont des Alsaciens et des Lorrains (dont une partie expatriée après la défaite de 1870 et l'occupation allemande[17]), migrants des départements méridionaux, Corses, mais aussi des Espagnols (majorité étrangère), Anglo-Maltais (Malte étant une colonie britannique), Italiens, Allemands, Suisses et Anglais.

Jules Ferry à ce sujet, le , lors d'un débat à la Chambre des députés : « Les colons doivent être recrutés non seulement parmi les Français, mais aussi parmi les étrangers, notamment les Allemands, aux qualités solides, les Maltais et les Mahónnais, moins recommandables, mais s'adaptant facilement au pays. Du reste il serait imprudent de se montrer exigeant sur la qualité là où on a besoin de la quantité. »

Une des premières communautés à s'installer en Algérie dès le début de la colonisation, fut celle des Espagnols originaires des Baléares. L'arrière-garde du corps expéditionnaire français était stationnée à Mahón sur l'île de Minorque. Les habitants de Mahón furent donc les premiers à s'embarquer avec les navires français dès la conquête de 1830. Ces Mahonnais marquèrent profondément la région de l'Algérois et fut une communauté spécialisée dans la production de primeurs. Cette immigration fut la plus forte entre 1830 et 1845. Cette communauté s'intégrera rapidement grâce au service militaire et à l'école.

Si les migrants de nationalité française étaient majoritaires, les étrangers formèrent longtemps un pourcentage important de cette population jusqu'à atteindre 49 % en 1886[18]. Après la loi de naturalisation automatique de 1889, leur nombre diminuera rapidement. Cette intégration des pieds-noirs, qui n'était pas évidente au début de la colonisation (certains politiciens locaux parlèrent de « péril étranger ») tant les tensions étaient fortes entre les Français et les étrangers européens d'une part, entre les Européens locaux et les Juifs d'autre part, a probablement été favorisée par deux facteurs :

  • la politique du gouvernement français qui, inquiet Ă  une certaine Ă©poque de voir l'Ă©lĂ©ment français dĂ©bordĂ© dĂ©mographiquement, a pris des mesures pour naturaliser de façon automatique les enfants d'Ă©trangers nĂ©s sur le sol algĂ©rien (lois de 1889 et 1893) et accorder en bloc aux juifs, qui avaient accueilli les Français en libĂ©rateurs en 1830 et avaient depuis lors massivement adoptĂ© la culture française[42], le statut de citoyens français (dĂ©cret CrĂ©mieux de 1870).
  • le sentiment d'une communautĂ© de destin face Ă  la population indigène musulmane dans un système colonial.

Par contre, aucune fusion ne s'est produite avec les Algériens issus de la culture musulmane alors désignés sous l'expression générique de « Français musulmans ». Cela résulte au fait que les autorités musulmanes ont donné l'ordre aux musulmans algériens de refuser la citoyenneté française à cause de la barrière de la religion dans une population islamisée de longue date[43].

Protestants d'Algérie

Les descendants des colons français (alsaciens, mosellans, vaudois et protestants des Hautes-Alpes, cĂ©venols, dauphinois…), suisses, italiens vaudois, nĂ©erlandais, britanniques et allemands de confession protestante (rĂ©formĂ©s et luthĂ©riens), arrivĂ©s depuis 1830, formaient la communautĂ© protestante d'AlgĂ©rie, composĂ©e de 21 paroisses protestantes et 8 000 fidèles (très majoritairement nĂ©s en AlgĂ©rie) en 1960. Une minoritĂ© Ă©tait mĂ©thodiste du fait d'une influence amĂ©ricaine.

Juifs séfarades

S'y ajoutait la communauté juive plus anciennement installée, les Juifs toshavim berbères (antérieurs à la conquête arabe au VIIe siècle), et les Sépharades chassés d'Espagne à la fin du XVe siècle. Cette communauté fut entièrement acquise à la présence française après le Décret Crémieux ; elle en avait adopté la culture et avait pris part aux combats de 1914-1918 et 1939-1945.

Français de Tunisie (1881-1956)

Au , la population de la Tunisie s'Ă©levait Ă  3 783 169 habitants dont 255 324 EuropĂ©ens (180 440 Français et 66 910 Italiens). La population agricole reprĂ©sentait 10 Ă  12 % de l’ensemble de la population française de Tunisie, le reste, 80 %, Ă©tant constituĂ© de tous les corps de mĂ©tiers qui relèvent habituellement de la vie en sociĂ©tĂ© : fonctionnaires, artisans, commerçants, professions libĂ©rales, militaires, etc.[44].

Les pieds-noirs et leurs descendants aujourd'hui

D’après une enquĂŞte de l'IFOP, les pieds-noirs ainsi que les personnes revendiquant une ascendance pied-noir, c’est-Ă -dire ayant au moins un parent ou un grand-parent pied-noir, sont au nombre de 3,2 millions en 2012[1].

Histoire

De l'Algérie française à la guerre d'Indépendance (1848-1954)

La population europĂ©enne d’AlgĂ©rie s’affirme dès la dĂ©cennie 1830 comme Ă  dominante urbaine, Ă  l’inverse de la masse musulmane villageoise. Elle le restera jusqu’en 1962, vivant majoritairement dans les villes cĂ´tières de la MĂ©diterranĂ©e (Alger, Oranie, BĂ´ne, Mitidja…). Alger et Oran seront en effet pendant longtemps des villes très majoritairement EuropĂ©ennes[45], dans lesquelles les deux communautĂ©s se cĂ´toient sans se mĂ©langer[46]. Contrairement Ă  ce que souhaitait l’administration française, qui tente en vain, par la colonisation rurale de peupler le pays par des EuropĂ©ens du Nord (Suisses, Allemands…), ce sont Ă  Alger des MĂ©diterranĂ©ens tout proches, Maltais et Mahonnais fuyant la misère, la surpopulation et attirĂ©s par de possibles bonnes affaires Ă  mener, qui dès 1830 dĂ©barquent, suivis par des Espagnols, Italiens, Provençaux et Corses, viticulteurs languedociens ruinĂ©s par le phylloxĂ©ra, Alsaciens et Mosellans fuyant les Allemands, ouvriers parisiens au chĂ´mage, etc. En 1881, la population EuropĂ©enne d'AlgĂ©rie se compose ainsi : 195 418 Français (Français d’origine plus Juifs naturalisĂ©s), 114 320 Espagnols (essentiellement Valenciens), 33 693 Italiens, 15 402 Maltais et 26 529 ressortissants d’autres nationalitĂ©s (Allemands, Suisses, Belges, Portugais…)[47]. Si l’Oranie, Ă  l’Ouest, est majoritairement espagnole, BĂ´ne et le Constantinois, Ă  l’Est, davantage italo-maltais, le dĂ©partement d’Alger, au centre, le plus français, est aussi le plus reprĂ©sentatif des diverses migrations.

Mais tous ou presque ont vocation Ă  perdre leur nationalitĂ© d’origine pour devenir Français. La politique assimilatrice de la Troisième RĂ©publique (1870-1940) pousse, avec la scolarisation, le taux relativement Ă©levĂ© de mariages mixtes et les multiples contacts spontanĂ©s propices Ă  une fusion progressive, Ă  la naissance d’une nouvelle composante de la nation française : le peuple français d’AlgĂ©rie, plus tard appelĂ© pied-noir. C’est d’abord le dĂ©cret CrĂ©mieux, promulguĂ© dès les premiers jours du rĂ©gime, le , qui naturalise collectivement en Ă©change d’un renoncement Ă  leur loi traditionnelle, les Juifs des trois dĂ©partements d’AlgĂ©rie, autrefois sujets « indigènes ». Enfin et surtout, autre disposition essentielle de cette pĂ©riode charnière dans l’histoire de l’AlgĂ©rie française, l’application aux EuropĂ©ens de la loi du sur le droit du sol, aurait crĂ©Ă© sur tout le territoire plus de 150 000 Français en moins de 30 ans[48]. Un faubourg comme Bab-el-Oued (Alger) voit ainsi sa population de nationalitĂ© espagnole passer en 25 ans de majoritĂ© (54 %) Ă  minoritĂ© (36 %), entre 1876 et 1901[49].

C'est Ă  la fin du XIXe siècle que les EuropĂ©ens d'AlgĂ©rie (les « pieds-noirs ») prennent conscience de leur unitĂ©, Ă  l’heure oĂą le nombre de naissances sur place dĂ©passe celui des nouveaux arrivants[50]. Le Français Marius Bernard, en voyage en AlgĂ©rie dans les annĂ©es 1890, parle, comme beaucoup d'autres Ă  la mĂŞme Ă©poque, de l'Ă©closion d'une « nouvelle race », latine essentiellement :

« De temps à autre, passent, libres d’allure et fièrement campées sur les hanches, de jeunes femmes brunes, à la physionomie très méridionale, au type panaché de Provençal, de Maltais et d’Espagnol. Le soleil de l’Afrique semble faire couler sa chaleur dans leurs veines et mettre sa flamme dans leurs yeux. Comme ces fleurs qui, en poussant à côté d’autres fleurs, prennent quelque chose de leur coloris et de leurs arômes, elles paraissent avoir emprunté à la femme arabe un peu de sa fierté, un peu de sa beauté sauvage. Ce sont des Algériennes [au sens de Européennes d'Algérie]. Lentement, en effet, il se forme ici une France nouvelle, une famille particulière issue du mélange du sang étranger avec le nôtre, une race à laquelle la terre qui la voit naître imprime un sceau caractéristique. […] Au moral ainsi qu’au physique ils forment une nouvelle variété de l’espèce humaine, variété hardie, entreprenante, dédaigneuse des conventions et des préjugés, accueillante et cordiale, joviale et communicative, au total essentiellement sympathique »[51].

À cette époque, ces Européens d'origine se disent « Algériens » (ils sont d'ailleurs les premiers à se désigner ainsi). Il faut attendre les dernières années de la guerre d'Algérie pour que l'expression péjorative « pieds-noirs » commence à être vraiment utilisée.

Sur la condition sociale des Européens d'Algérie au XIXe siècle, l'historien Pierre Darmon écrivait récemment :

« La population européenne d’Algérie n’a aucun point commun avec celle des autres colonies où de riches planteurs vivent du travail d’une main-d’œuvre servile ou indigène nombreuse et misérable. Elle ressemble davantage à celle des autres pays méditerranéens. Les grands propriétaires terriens et les grandes exploitations capitalistes existent, certes, mais le phénomène reste limité et passe encore inaperçu aux yeux du voyageur. En revanche, les petites gens et les petits métiers sont pléthore. On est frappé par l’agitation fébrile qui règne dans les milieux populaires urbains »[52].

Quant à l’historien Juan Bautista Vilar, il écrit au sujet des immigrés Espagnols, « pépinière de main-d’œuvre » dont la France avait besoin pour construire l’Algérie : « Pendant la conquête et jusqu’au début du XXe siècle, la réticence massive de la population autochtone à collaborer avec l’occupant européen a rendu indispensable le recours à une main d’œuvre importée »[53]. Ces Espagnols s'emploieront en particulier dans l'industrie du bâtiment, comme ouvriers agricoles ou comme boulangers.

Quant aux colons, qui reprĂ©sentaient moins de 10 % de la population pied-noir, ils n'Ă©taient pour la plupart que de modestes paysans. Ainsi des vignerons, dont seulement 10 % possĂ©daient plus de cinquante hectares de terre, et, beaucoup, moins de dix hectares[54]. Mais il est vrai que le modèle de la petite colonisation connaĂ®t un Ă©chec relatif, qui s’accentue après la Première Guerre mondiale au profit d’une concentration des terres et de la grande propriĂ©tĂ©. C'est le cas de la Mitidja, oĂą seulement 300 propriĂ©taires de plus de 100 hectares (les fameux « gros colons ») dĂ©tiennent plus de 60 % des terres de colonisation, quand ceux de moins de 10 hectares, qui reprĂ©sentent pourtant le tiers des propriĂ©taires, n’en contrĂ´lent que 2 %[55].

Enfin le revenu de la très grande majorité des Français d’Algérie, dans les années 1950, bien que supérieur à celui des musulmans, est encore inférieur de 20 % au revenu moyen des Français de Métropole[56].

Les pieds-noirs votaient en AlgĂ©rie en gĂ©nĂ©ral au centre, du centre-gauche (une gauche essentiellement patriote et rĂ©publicaine[57], bien que socialistes et communistes fissent eux aussi des scores respectables[58]) Ă  la droite classique[59] – bien qu’une extrĂŞme-droite radicale et antisĂ©mite ait effectivement prospĂ©rĂ© dans les annĂ©es 1930[60], en Oranie surtout. Alger, la capitale, abritant une forte population ouvrière, Ă©tait traditionnellement plutĂ´t une ville de gauche[61]. L’historien Jacques Binoche explique mĂŞme que la quasi-totalitĂ© des parlementaires Ă©lus par les Français d’AlgĂ©rie entre 1871 et 1914, siĂ©geaient Ă  gauche, ce dernier allant jusqu’à qualifier l’AlgĂ©rie de ce temps de « bastion du rĂ©gime »[62] rĂ©publicain, tandis qu’en , ouvriers EuropĂ©ens et Musulmans, hommes et femmes, dĂ©fileront ensemble pour le Front populaire, les congĂ©s payĂ©s et la semaine de quarante heures. Rien de très original donc, dans le comportement politique des pieds-noirs, hormis des tensions raciales plus fortes qu’ailleurs du fait du contexte multicommunautaire, de l'antisĂ©mitisme, et de la crainte d'une Ă©mancipation politique des musulmans d'AlgĂ©rie. Car la montĂ©e du nationalisme arabe[63], puis la guerre d’AlgĂ©rie et l’exode de 1962[64] contribueront Ă  une « droitisation » progressive des pieds-noirs.

Les pieds-noirs, qui dĂ©velopperont en AlgĂ©rie un patriotisme français assez sourcilleux[65], participeront en grand nombre, au sein de l'armĂ©e d'Afrique, Ă  la LibĂ©ration de la France lors de la Seconde Guerre mondiale. Les taux de mobilisation des EuropĂ©ens d’Afrique du Nord en 1944/1945, entre 16 et 17 % de la population active, dĂ©passent en effet les plus forts taux de mobilisation de la Première Guerre mondiale. En tout, il y aura 170 000 hommes mobilisĂ©s, dont 120 000 pour la seule AlgĂ©rie[66] (pour une population d'Ă  peine 1 000 000 d'habitants). Ces hommes se battront pendant trois ans au moins, en Tunisie, en Italie, en Corse, avant de venir libĂ©rer une bonne partie de la MĂ©tropole française (DĂ©barquement de Provence), jusqu’en Alsace. Ce fort sentiment patriotique caractĂ©ristique des pieds-noirs est attestĂ© par de nombreux historiens. Ainsi, Pierre Darmon, dans une rĂ©cente Ă©tude peut Ă©crire : « En 1939, les conscrits algĂ©riens sont partis en guerre le cĹ“ur lĂ©ger et avec la volontĂ© d’en dĂ©coudre avec les « Boches » alors que les mĂ©tropolitains ont bouclĂ© leur paquetage avec une rĂ©signation docile. Le contrĂ´le postal confirme cet Ă©tat d’esprit. Des lettres de soldats que ronge l’inaction sont Ă©maillĂ©es d’envolĂ©es patriotiques »[67]. Un autre historien, FrĂ©dĂ©ric Harymbat, Ă©crit qu'au lendemain du dĂ©barquement alliĂ© de novembre 1942, Alger « connaĂ®t comme toute l'Afrique du Nord une mobilisation sans prĂ©cĂ©dent de sa population d'origine europĂ©enne, les jeunes des Chantiers devançant l'appel en masse au grand Ă©tonnement des autoritĂ©s qui sont complètement dĂ©bordĂ©es par l'afflux de volontaires »[68].

Répartition démographique contrastée et idée de partition de l'Algérie

En 1959, les pieds-noirs Ă©taient 1 025 000, soit 10,4 % de la population vivant en AlgĂ©rie. Leur poids relatif Ă©tait en baisse après un maximum atteint de 15,2 % en 1926. La dĂ©mographie en pleine expansion de la population musulmane contribuait Ă  cette situation. Toutefois, la distribution de la population rĂ©sultait en des rĂ©gions Ă  forte concentration de pieds-noirs. BĂ´ne (Annaba), Alger, et surtout l'Oranie. La population d'Oran Ă©tait europĂ©enne Ă  49,3 % en 1959.

De cette répartition démographique inégale découle, en 1961, le plan de partition de l'Algérie soutenu par le Premier ministre d'Israël David Ben Gourion puis le député UNR Alain Peyrefitte[69] :

« On regroupe entre Alger et Oran tous les Français de souche, avec tous les musulmans qui se sont engagés à nos côtés et veulent rester avec nous. On transfère dans le reste de l'Algérie tous les musulmans qui préfèrent vivre dans une Algérie dirigée par le FLN. […] On pourra partager Alger, comme Berlin ou Jérusalem : la Casbah d'un côté, Bab El-Oued de l'autre, une ligne de démarcation au milieu. »

Mais le projet est finalement rejeté par le président de Gaulle[69] :

« […] Vous imaginez ça ! Les pieds-noirs veulent que notre armée les défende, mais ils n'ont jamais éprouvé le besoin de se défendre eux-mêmes ! Vous les voyez se poster à leurs frontières pour prendre la relève de l'armée française ? […] En Algérie, les Arabes ont l'antériorité ; tout ce que nous avons fait porte la tâche ineffaçable du régime colonial ; le foyer national des Français d'Algérie, c'est la France. »

Le même De Gaulle déclarant après le , toujours selon Peyrefitte, que « l'intérêt de la France a cessé de se confondre avec celui des pieds-noirs ».

Terrorisme

À partir du , date dite de la Toussaint rouge, l'Algérie plonge dans la violence. Les revendications indépendantistes de d'une minorité de la population musulmane (marquée par la répression de Sétif dans le Constantinois) ne marquèrent pas une rupture criante entre les Algériens issus d'une culture musulmane et les pieds noirs européens et juifs ; c'est à partir des attentats d' dans le Constantinois que l'Algérie s'enfonce véritablement dans le chaos. Les massacres de plusieurs centaines de pieds-noirs et de musulmans modérés perpétrés par le FLN le dans la région de Constantine, notamment à Philippeville et à El-Halia, auront une incidence lourde sur la suite du conflit[70]. En France, les images de ces événements sont pourtant censurées. À l'époque, on parle d'« événements » pour qualifier un conflit qui évolue petit à petit en une véritable guerre civile (par exemple, rôle des harkis, des moghaznis et des fonctionnaires du côté des communautés musulmanes en faveur de l'Algérie française, puis plus tard en 1960, formation de l'OAS).

« Je vous ai compris ! »

Beaucoup de pieds-noirs se sentirent trahis par l'attitude du prĂ©sident Charles de Gaulle. Parmi eux se trouvent les « Pieds noirs de cĹ“ur », MĂ©tropolitains aussi bien lĂ©gionnaires français comme Marc TĂ©nard ou Ă©trangers ayant Ă©pousĂ© des filles pieds noir ou adoptĂ© l'AlgĂ©rie comme leur patrie[71]. L'ambiguĂŻtĂ© du « Je vous ai compris », prononcĂ©e sur le forum d'Alger le devant des communautĂ©s qui fraternisent, et surtout les phrases « Vive l'AlgĂ©rie française ! » et « La France est ici, avec sa vocation. Elle est ici pour toujours », proclamĂ©es respectivement Ă  Mostaganem et Oran le [72], trompent les pieds-noirs, ainsi que les affiches de propagande insistant sur « 10 millions de Français Ă  part entière ». La mĂŞme annĂ©e, les Ă©lections de septembre aboutissent Ă  l'approbation de la nouvelle Constitution et les Ă©lections de novembre permettent aux dĂ©partements d'AlgĂ©rie d'Ă©lire leurs dĂ©putĂ©s Ă  l'AssemblĂ©e nationale.

Cependant, des discours et textes laissaient présager dès 1943, année des accords de l'indépendance au Liban, l'opinion de De Gaulle sur la future indépendance de l'Algérie. Il se montre en effet, après 1958, partisan du principe du droit à l'autodétermination du peuple algérien et finalement de l'indépendance de l'Algérie, alors même qu'il ne pouvait en méconnaître les conséquences concrètes (comme le massacre d'Oran du ) et qu'il s'était aussi servi de la frange la plus radicale des partisans de l'Algérie française pour revenir aux affaires (putsch d'Alger du ) et des notables musulmans favorables à la France. Le décret du interdisant aux DOM d'Algérie de voter pour ratifier les Accords d'Évian va exacerber leur sentiment d'être abandonnés.

Les partisans de l'Algérie Française

BouleversĂ©s par une phrase du gĂ©nĂ©ral de Gaulle du 4 novembre 1960 sur « la RĂ©publique algĂ©rienne, laquelle existera un jour »[73], les Français d'AlgĂ©rie manifestent leur rupture avec l'option gaullienne de « l'AlgĂ©rie algĂ©rienne » lors du rĂ©fĂ©rendum sur l'autodĂ©termination en AlgĂ©rie du , oĂą le « NON » obtient en AlgĂ©rie un pourcentage de 18 % des inscrits, proche de celui des EuropĂ©ens dans le corps Ă©lectoral, et une majoritĂ© absolue des suffrages exprimĂ©s dans les dĂ©partements et arrondissements oĂą ils sont concentrĂ©s[74] (dĂ©partements d'Alger et d'Oran, arrondissements de BĂ´ne et de Philippeville). Face au dĂ©sengagement des autoritĂ©s françaises et en l'absence de mesures concrètes visant Ă  protĂ©ger la minoritĂ© politique qu'ils reprĂ©sentaient, les pieds-noirs manifestent un soutien massif Ă  l'OAS dans les quartiers europĂ©ens des villes[75], et sa politique de terre brĂ»lĂ©e et de terreur envers les musulmans nationalistes, ne cĂ©dant en rien Ă  celle du FLN[76]. Mais ce soutien est plus fait d'admiration que de participation effective, l'OAS ayant comptĂ© Ă  son apogĂ©e environ 1 000 hommes armĂ©s et 3 000 militants[77].

Les partisans de l’indépendance algérienne

Cependant il convient de nuancer l'engagement politique puisque, de la même façon qu’il y eut beaucoup de musulmans luttant aux côtés des Français du Front Algérie Française, il y eut quelques pieds-noirs, plutôt de gauche, qui se sont engagés dans la lutte pour l’indépendance en soutenant le FLN contre l’armée française ; les activistes du Parti communiste algérien (Henri Maillot, Henri Alleg, Maurice Audin, etc.) ou du Mouvement libéral algérien (Pierre Popie et Centres Sociaux Éducatifs). Certains comme Fernand Iveton, un syndicaliste de la CGT, ont intégré le Front de libération national algérien. Il sera exécuté par les autorités françaises, sa demande de grâce étant refusée le par le président de la République, René Coty, avec l’accord du garde des Sceaux de l’époque, le socialiste François Mitterrand[78].

La rĂ©pression des autoritĂ©s françaises s’étendra aussi aux avocats des partisans du FLN. MaĂ®tres GrangĂ©, Guedj et Smadja avocat de Fernand Iveton sont eux-mĂŞmes arrĂŞtĂ©s et internĂ©s sans jugement au camp de Lodi[79] (Lodi s’appelle aujourd’hui Drâa Esmar) avec 130 EuropĂ©ens, dont quatorze avocats ayant dĂ©fendu des membres du FLN[80].

Les partisans d'une partition de l'Algérie

Certains pieds-noirs, estimant l'Algérie française définitivement perdue, mais cherchant à sauver les meubles se rangeront derrière l'idée d'une partition territoriale (c'est-à-dire accepter la naissance d'un État musulman indépendant s'étendant sur une grande partie de l'Algérie, mais conserver un bout de terre sur une bande littorale en vue d’y regrouper pieds-noirs et musulmans francophiles). Parmi eux, le jeune Jean Sarradet (1937-1962), membre de l'OAS, que le général Jouhaud, un des principaux dirigeants de cette organisation présente ainsi[81] :

« Jean Sarradet, chef des « commandos Z », ne croyait pas aux chances d’une Algérie française unitaire. Il constatait avec amertume que la Métropole ne s’intéressait qu’à la manière dont les rebelles recevraient de ses mains l’Algérie. Le sort réservé aux pieds-noirs lui importait peu. Or, si lui, natif d’Algérie, comprenait le comportement des Musulmans qui se ralliaient au F.L.N. en réclamant leur indépendance, il ne pouvait admettre que ses compatriotes soient contraints à l’exil. Il pensait, d’autre part, que les chefs de l'O.A.S. faisaient fausse route en maintenant l’idée de l’intégrité du territoire. La réalité lui paraissait s’éloigner de plus en plus des clichés du . Il en concluait, selon Anne Loesch, qu’il « fallait que la communauté pied-noir soit protégée dans son originalité, qu’elle soit démystifiée, mise en face d’elle-même, et qu’elle cesse d’appeler en vain sa nourrice qui s’en va : qu’elle s’assume, faute de quoi elle sera éliminée. Qu’on nous laisse donc seuls assurer notre défense et notre survie, poursuivait-il. La France veut partir ? Qu’elle parte ! Qu’elle retourne à sa rive, qu’elle s’étourdisse et se dévirilise dans le douillet de son confort et la bêtise de ses chanteurs de twist… Que la France nous laisse seulement le temps de nous organiser et de nous armer. Nous lui offrons en échange la solution immédiate d’un projet épineux ». Qu’était-elle ? La partition. »

Jean Sarradet ayant réussi à entraîner derrière lui les deux tiers des hommes en armes de l'OAS[82] va chercher, à partir de , à négocier cette solution avec le gouvernement français. Mais ce dernier, bien décidé à négocier l'indépendance de l'Algérie avec les seuls représentants du FLN leur opposera le une fin de non-recevoir, au prétexte qu'« on ne discute pas avec des factieux »[83]. Ce qui fera dire au général Jouhaud, indigné : « On ne traite probablement qu'avec les fellagha »[84].

Jean Sarradet s'appuyait pourtant sur des promesses réitérées faites par le gouvernement français, telle cette déclaration du Premier ministre Michel Debré, le [85] :

« Il n’y a pas, il n’y aura pas d’abandon. […] On n’enlèvera pas aux Algériens qui veulent vivre librement en Français, qui veulent demeurer citoyens français, ni la possibilité de vivre Français, ni la qualité d’être citoyens français en Algérie. La sécession, en vérité, c’est le partage. Les principes les plus sacrés ne permettent pas qu’il en soit autrement. »

À propos de cette idée de partage, Jacques Soustelle, un des plus célèbres partisans de l'Algérie française, en écrivait ceci[86] :

« Quoi qu’il en soit, l’idée la plus frappante et la plus juste, à laquelle ne peuvent que souscrire tous ceux qui connaissent l’Algérie, c’est que la prétendue indépendance débouche nécessairement sur le partage […]. Le partage serait, de tous les aboutissements possibles, le plus atroce et le plus désespéré à l’exception, bien entendu, de la dictature F.L.N. ou communiste. […] Ce n’est que si les choses en arrivaient au pire que la communauté européenne et les Musulmans réfractaires à la domination du F.L.N. devraient, avec l’aide de la métropole, sauver pour eux-mêmes et pour leurs libertés telles portions du territoire qu’ils pourraient soustraire à la vague totalitaire. »

Entre le cessez-le-feu et l'indépendance (mars-juillet 1962)

Certains pieds-noirs détruisirent leurs biens avant d'embarquer, en signe de désespoir et de terre brûlée, mais la plupart partirent en laissant intacts leurs patrimoines, leurs cimetières, leur terre natale. Beaucoup, en effet, espéraient que les promesses du gouvernement gaulliste pouvaient être tenues, au moins partiellement, et qu'ils pourraient revenir. Ce gouvernement se contenta d'appliquer unilatéralement les accords d'Évian, en laissant faire le FLN.

Au cessez-le-feu du en AlgĂ©rie, sont crĂ©Ă©s les 114 unitĂ©s de la force locale prĂ©vues par les accords d'Évian du . Ces 114 unitĂ©s sont composĂ©es de 10 % de militaires mĂ©tropolitains et de 90 % de militaires algĂ©riens, qui pendant la pĂ©riode transitoire, devaient ĂŞtre au service de l'ExĂ©cutif provisoire algĂ©rien, jusqu'Ă  l'indĂ©pendance de l'AlgĂ©rie.

Dès le mois de , les ultras du FLN dénoncent les accords d'Évian, les considérant comme une plate-forme néocoloniale, et ne respectent pas les garanties concédées aux pieds-noirs (et aux harkis) figurant dans les accords d'Évian. Certains Algériens libéraux se félicitaient de l'application de l'amnistie et souhaitaient que les pieds-noirs restent pour les « aider à édifier une Algérie nouvelle » estimant que ceux qui sont partis « avaient le devoir de revenir »[87] - [88].

Camps de réfugiés

Les scènes de dizaines de milliers de réfugiés paniqués campant pendant des semaines sur les quais des ports d'Algérie en attendant une place sur un bateau vers la France devinrent habituelles entre juin et .

À Oran est créé un camp de réfugiés nommé « Centre Accueil »[89].

« La valise ou le cercueil »

En quelques mois, entre la fin du printemps et septembre 1962, 800 000 Français, EuropĂ©ens et Juifs, quittèrent le pays dans un mouvement de dĂ©sespoir.

La valise ou le cercueil[90], slogan de certains nationalistes algĂ©riens[91] a rĂ©sumĂ© par anticipation le sentiment d'abandon total ressenti par cette population. En 1961, la trĂŞve unilatĂ©rale ordonnĂ©e par le gĂ©nĂ©ral de Gaulle s'accompagne d'une recrudescence des attentats du FLN, permettant Ă  l'OAS de se prĂ©senter comme seul dĂ©fenseur des Français d'AlgĂ©rie[91]. Le dĂ©but de 1962 voit une escalade des terrorismes rĂ©ciproques, les attentats de l'OAS dĂ©passant Ă  la mi-janvier ceux du FLN qui dĂ©croissent en avril et mai. Après le , les attentats de l'OAS prennent un aspect aveugle auxquels le FLN prĂ©tend rĂ©pondre par des attaques ciblĂ©es sur les commandos de l'OAS, mais qui atteignent finalement tout EuropĂ©en, quel qu'il soit, notamment par de nombreux enlèvements qui s'accroissent dans la deuxième semaine de [92] : on estime le bilan de l'OAS pendant sa pĂ©riode d'activitĂ© Ă  2 200 tuĂ©s (dont 85 % de musulmans et 71 tuĂ©s en France mĂ©tropolitaine)[93], et Ă©galement Ă  environ 2 200 les morts (massacre d'Oran et rue d'Isly compris) et disparus dĂ©finitifs parmi les Français d'AlgĂ©rie enlevĂ©s du 19 mars au [94]. Reprenant en 2011 l'Ă©tude des disparus europĂ©ens de la Guerre d'AlgĂ©rie, l'historien Jean-Jacques Jordi montre que les enlèvements orchestrĂ©s par le FLN et l'ALN après le , et, en nombre grandissant, Ă  partir du [95], n'avaient pas pour enjeu la lutte contre l'OAS[96], mais pense-t-il, celui de provoquer l'exode massif des pieds noirs[97].

Du fait de l'insécurité généralisée, la population s'élance dans un exode soudain et massif, dont le pic se situe en mai et .

Quelques auteurs nient que cette fuite ait été provoquée par un sentiment d'insécurité, réelle ou supposée, car les pieds-noirs, pourtant largement urbanisés et au terme de sept années de violences et d'incertitudes, n'auraient pas eu connaissance des attentats et des enlèvements[98], et mettent en avant « leur incapacité à effectuer une réversion mentale […] partager toutes choses avec des gens qu'ils avaient l'habitude de commander et de mépriser[99]. »[100]. Mais on ne compte plus les indices et les déclarations des dirigeants du FLN montrant que celui-ci n’avait nullement l’intention de construire une Algérie indépendante avec les Pieds-Noirs. Exemple : « La vengeance [sera] longue, violente et […] [exclut] tout avenir pour les non-musulmans ». Ces mots sont prononcés par deux hauts responsables du FLN, discutant avec le journaliste Jean Daniel en 1960[101]. Le but d’une telle « vengeance » ? « Redonner à l’islam sa place », précisaient-ils. Dès le début de la guerre d'Algérie d'ailleurs, imaginer un maintien des Pieds-Noirs dans une Algérie indépendante dirigée par le FLN relevait quasiment de l'utopie. Il faut relire cette phrase prophétique écrite par Albert Camus en mars- :

« Ceux qui prĂ©conisent, en termes volontairement imprĂ©cis, la nĂ©gociation avec le F.L.N. ne peuvent plus ignorer, devant les prĂ©cisions du F.L.N., que cela signifie l’indĂ©pendance de l’AlgĂ©rie dirigĂ©e par les chefs militaires les plus implacables de l’insurrection, c’est-Ă -dire l’éviction de 1 200 000 EuropĂ©ens d’AlgĂ©rie »[102].

Deux ans plus tĂ´t, le , Camus toujours, conversant avec son ancien professeur Jean Grenier, Ă©voquait en ces termes ce qu’il nomme les « folles exigences » du FLN : « une nation algĂ©rienne indĂ©pendante ; les Français sont considĂ©rĂ©s comme Ă©trangers, Ă  moins qu’ils ne se convertissent. La guerre est inĂ©vitable ». Ă€ Jean Grenier qui lui demande : « Et si la France abandonne tout, comme elle est disposĂ©e Ă  le faire ? », Camus rĂ©pond : « Elle ne le pourra pas, parce que jeter 1 200 000 Français Ă  la mer ne pourra ĂŞtre admis par elle »[103]. Le chef du Gouvernement lui-mĂŞme, le socialiste Guy Mollet, s’exprimant Ă  l’AssemblĂ©e nationale le , indiquait : « prĂ©parer l’avènement d’un État musulman indĂ©pendant d’AlgĂ©rie […] reviendrait Ă  Ă©liminer la population d’origine europĂ©enne »[104].

Quant au général de Gaulle, Alain Peyrefitte – qui défendait l’idée d’une partition de l’Algérie pour permettre aux Pieds-Noirs de rester dans leur pays – rapporte ce dialogue qu’il eut avec lui en 1961 : « Mon général, lui dit-il, si nous remettons l’Algérie au FLN, ils ne seront pas cent mille [rapatriés], mais un million ! ». À cela, de Gaulle répondra : « Je crois que vous exagérez les choses. Enfin, nous verrons bien. Mais nous n’allons pas suspendre notre destin national aux humeurs des pieds-noirs ! »[105]. « La France n’a pas le droit d’abandonner ceux qui ont cru en elle ! », lui objectera Peyrefitte.

La population d'origine europĂ©enne et juive s'est donc massivement rĂ©fugiĂ©e en France en quelques annĂ©es : aux 150 000 ayant quittĂ© l'AlgĂ©rie avant 1962, s'ajoutent les 650 000 pied-noirs qui rejoignent la rive Nord de la MĂ©diterranĂ©e avant l'indĂ©pendance, plus quelques dizaines de milliers dans les dĂ©cennies suivantes. En , Oran, BĂ´ne, ou Sidi-bel-Abbès Ă©taient Ă  moitiĂ© vides. Toutes les administrations, police, Ă©coles, justice et activitĂ©s commerciales s'arrĂŞtèrent en trois mois.

Exode Ă  l'Ă©tranger

Une minorité de pieds-noirs, s'estimant trahis par la France, s'est établie en Espagne alors gouvernée par Franco. Elle s'est installée principalement dans la région d'Alicante d'où étaient originaires de nombreux colons d'Oranie[106].

Une autre minoritĂ© s'est Ă©tablie en AmĂ©rique dans des pays tels que le Canada ou l'Argentine. La majoritĂ©, 800 000, s'est installĂ©e dans l'Hexagone.

Les Juifs d'AlgĂ©rie ont massivement choisi la mĂ©tropole (plus de 95 %) et peu sont partis en IsraĂ«l. Au total, environ 130 000 Juifs d'AlgĂ©rie sont venus en France[107].

En cumulant les rapatriĂ©s d'Afrique française du Nord, on arrive Ă  un total d'environ 1,5 million personnes, soit environ 3 % de la population française[108].

Les pieds-noirs restés en Algérie après 1962

Une proportion non nĂ©gligeable de Français d'AlgĂ©rie y sont restĂ©s après l'indĂ©pendance. EstimĂ©s Ă  environ 200 000 personnes en [109], dont 15 000 des 22 000[110] colons[111], ils sont encore 50 000 Ă  60 000 au [109]. Entre-temps, en , est survenue la nationalisation des biens fonciers des Français, et les clauses des accords d'Évian relatives Ă  la nationalitĂ© des Français de droit commun d'AlgĂ©rie, reprises dans le Code de la NationalitĂ© algĂ©rien de 1963 (seule clause des accords intĂ©grĂ©e au droit interne algĂ©rien[112]), ont reçu une application Ă©triquĂ©e, en raison des lenteurs de l'administration, et des rĂ©ticences politiques : les premières demandes aboutissent en , et au , seize Français ont obtenu la nationalitĂ© algĂ©rienne, dont huit Français d'AlgĂ©rie. Mais Ă  cause de la nationalisation des biens en violation des accords d'Évian et sans que le gouvernement Français n'intervienne, 150 000 quittent le pays[113]. Ă€ l'Ă©chĂ©ance finale du , 500 Français auront obtenu cette nationalitĂ©, dont 200 nĂ©s en AlgĂ©rie[109].

Dans les annĂ©es suivantes, des donnĂ©es très contradictoires ont Ă©tĂ© avancĂ©es : en 1979, le journaliste du Monde, Daniel Junqua estime qu'ils reste dans le pays 3 000 Ă  4 000 Français d'AlgĂ©rie, dont la moyenne d'âge est de 70 ans[114], en 1993, HĂ©lène Bracco estime cette population Ă  30 000 personnes[115], et en 2008 des chiffres sont avancĂ©s entre 300 (source du consulat de France) et 4 500 (source ADFE Oran)[116]. L'historien Benjamin Stora constate Ă  ce sujet : « L’histoire de ceux qui sont restĂ©s n’a pas Ă©tĂ© Ă©crite ».

Cet ultime carré des « pieds-noirs » d'Algérie, fréquemment sollicité par les médias, vivrait bien intégré dans un pays qui peine à s'ouvrir à la pluralité tant politique que culturelle[116].

Aides gouvernementales Ă  l'installation

Le gouvernement avait estimĂ© Ă  200 000 ou 300 000 le nombre de rapatriĂ©s temporaires en France qu'il qualifiait de « vacanciers » alors que c'Ă©taient des rĂ©fugiĂ©s. Aussi, rien n'Ă©tait prĂ©vu pour leur arrivĂ©e. Beaucoup durent dormir dans les rues Ă  leur arrivĂ©e en France, oĂą la majoritĂ© n'avait jamais mis les pieds et n'avait ni famille, ni soutien. Certains souffrirent Ă©galement du ressentiment des mĂ©tropolitains qui n'Ă©taient gĂ©nĂ©ralement pas favorables Ă  la guerre et avaient souffert des appelĂ©s morts ou blessĂ©s en AlgĂ©rie. Ils bĂ©nĂ©ficièrent cependant d'aides Ă  l'installation (qui par contrecoup gĂ©nĂ©rèrent des jalousies en Corse qui aida au dĂ©collage du nationalisme corse), sauf pour les pieds noirs d'origine corse.

Le gouvernement répond à l'afflux inattendu des exilés en métropole par la création du secrétariat d'État aux Rapatriés ainsi que l'Action sociale nord-africaine. Une allocation de subsistance a été accordée par le Ministère des Rapatriés pour une durée de douze mois à compter du rapatriement en métropole[117].

Villes nouvelles

Les besoins importants en logement pour héberger les rapatriés entraînent la création de villes nouvelles telles Carnoux-en-Provence en 1966[118] - [119].

Certaines régions (Île-de-France et Provence-Alpes-Côte d'Azur) pratiquent une « discrimination positive », réservant aux arrivants jusqu'à 30 % des places en HLM[120].

QuĂŞte des origines

Registre d'état civil d'Alger « Registre Européen » Tome 1 : Naissances-Décès-Mariages de 1832. Une partie des registres d'état-civil des pieds-noirs sont dorénavant consultables en ligne[121].

À l'indépendance de l'Algérie, le , les autorités françaises laissèrent toutes les archives administratives au nouveau gouvernement algérien. Ce qui signifia pour les pieds-noirs, l'absence d'accès à leurs actes de naissance et autres actes d'état-civil. Certains eurent du mal à prouver leur nationalité française.

Devant l'incongruité de la situation, le gouvernement français décida finalement d'envoyer une mission en Algérie, entre 1967 et 1972, pour microfilmer les registres d'état-civil. Environ 1/3 des actes n'a pu être microfilmé[121], ce qui explique les problèmes rencontrés face à l'administration jusqu'à aujourd'hui par certains.

Le Centre des archives d'Outre-Mer (CAOM) d'Aix-en-Provence, conserve les archives de l'Algérie comportant tous types d'actes (naissance, décès, mariage, divorce, etc.). En 2003, dans le cadre culturel de « l’année de l’Algérie en France », les registres pieds-noirs numérisés ont été indexés et sont désormais librement consultables sur le site web des Archives nationales d'Outre-Mer (ANOM)[121] ce qui permet aux populations concernées de faire des recherches généalogiques et ainsi retrouver l'identité et l'origine des pionniers[121] :

« De 1830 à 1962 les registres d’état civil dit « européen » ont été établis en deux exemplaires selon la règle métropolitaine. Lors de l’accession de l’Algérie à l’indépendance, ces registres sont restés en Algérie où ils sont conservés. Le ministère des Affaires étrangères a entrepris entre 1967 et 1972 la reproduction sur microfilm d’une partie de ces registres, environ les deux tiers. Certaines communes manquent en totalité et d’autres sont incomplètes. Ce sont ces microfilms qui ont fait l’objet d’une numérisation. À l’initiative du ministère de la Culture, il a été établi en 2003 une base alphabétique des actes de 1830 à 1904, aux noms et prénoms, qui facilite l’accès aux images numérisées. »

Racisme

GĂ©nĂ©ralement les pieds-noirs se sentirent rejetĂ©s Ă  leur arrivĂ©e en France alors qu'ils composaient 25 % de l'ArmĂ©e d'Afrique en 1944, avec les plus grosses pertes (8 000 tuĂ©s). Ils eurent Ă  affronter les invectives, notamment de la gauche communiste, qui les caricaturaient comme des colons profiteurs. Ă€ l'Ă©tĂ© 1962, les pieds-noirs dĂ©sespĂ©rĂ©s et dĂ©munis, arrivĂ©s sur des bateaux surchargĂ©s, furent reçus, Ă  l'initiative des dockers CGT, par des pancartes hostiles (« les pieds-noirs Ă  la mer ») Ă  l'entrĂ©e du port de Marseille. Beaucoup virent leurs conteneurs trempĂ©s dans la mer par ces mĂŞmes dockers. 20 % de leurs affaires furent volĂ©es.

MalgrĂ© les prĂ©ventions qu'affichaient certains hommes politiques (comme le maire socialiste de Marseille, Gaston Defferre, qui dĂ©clarait en dans La Provence : « Marseille a 150 000 habitants de trop, que les pieds-noirs aillent se rĂ©adapter ailleurs ») Ă  l'Ă©gard d'une population qu'ils ne connaissaient pas vraiment et cataloguĂ©e sur des prĂ©jugĂ©s comme Ă©tant constituĂ©e de colons « faisant suer le burnous », d'ĂŞtre raciste, violente et machiste, et dont la structure socioprofessionnelle ne devait pas faciliter l'intĂ©gration dans une Ă©conomie moderne. Jean-Jacques Jordi le dĂ©montre très bien dans son livre L’ArrivĂ©e des pieds noirs Ă  Marseille[122].

Nom d'emprunt

Concernant l'intégration des pieds noirs d'Algérie en métropole, un phénomène révélateur est à noter. Plusieurs rapatriés d'Algérie, principalement exerçant dans le milieu du spectacle et des médias, de leur propre initiative ou à la suite de la « suggestion » de leur agent ou producteur, masquent leur patronyme réel, dont la consonance pourrait être perçu comme « exotique », par l'utilisation d'un pseudonyme.

Les patronymes concernés sont israélites et espagnols ; des exemples types sont l'écrivain et journaliste Jean Daniel (Jean Daniel Bensaïd) ou l'actrice Françoise Fabian (Michèle Cortes de Leone y Fabianera).

Intégration

Les pieds-noirs s'adaptèrent rapidement, et les sombres prévisions du gouvernement français ont été démenties par les faits.

En réalité, la vaste majorité des pieds-noirs appartenait à la classe ouvrière ou à une communauté petite bourgeoise. La population était urbaine à 85 %, composée de petits fonctionnaires, artisans et commerçants, dont le revenu moyen était inférieur de 15 % à celui des Français métropolitains. Le niveau d'instruction dépassait rarement le certificat d'études primaires. 5 % seulement étaient des agriculteurs propriétaires et les très grandes fortunes se comptaient sur les doigts d'une main.

Cependant, après l'âpre accueil reçu, les pieds-noirs s'intégrèrent rapidement, contribuant à l'essor économique des années 1960, notamment dans les régions de Provence, et de Languedoc-Roussillon. Des villes auparavant endormies ont connu un coup de fouet économique qui a contribué à leur dynamisme actuel (Montpellier, Perpignan, Nice, et particulièrement Marseille). Leur intégration en Corse resta plus difficile notamment pour les pieds-noirs se lançant dans l'agriculture.

Les grands ensembles de Sarcelles accueillirent la majorité des pieds noirs venus s'installer en région parisienne.

Les pieds-noirs restent une communauté singulière. Assimilés français dans une France qui n'existe plus, ils ont dû s'intégrer ensuite dans la métropole, souvent hostile à leur égard. Leur numéro d'Insee comporte le numéro de leur ancien département de naissance. En 1993, Charles Pasqua voulut imposer le numéro 99 sur leur immatriculation. Devant le tollé, l'État remit pour les Français d'Algérie qui en firent la demande, leur numéro de département de naissance : 91 (Alger), 92 (Oran), 93 (Constantine) et 94 (Territoires du Sud).

Patrimoine culturel

Augustine Arsène Potel est officiellement la première femme pied-noir née en Algérie française[123]. Fille de dame Louise Potel, blanchisseuse originaire de Paris et domiciliée rue de La Casbah chez un maure, Augustine Arsène est née à Alger, le , soit un an et demi après la prise de la capitale de la Régence par les troupes françaises. Le nourrisson décède le 17 juillet de la même année, la mortalité infantile est élevée chez les colons européens.

Extinction des pieds-noirs

Si l'on s'en tient à la définition du dictionnaire Larousse qui fixe les limites chronologiques de 1956 et 1962 à l'attribution de la dénomination pieds-noirs aux « Européens » d'Afrique du Nord, alors l'« extinction définitive » du groupe ethnique – à considérer qu'il s'agisse d'un groupe ethnique, point non explicitement exprimé par le Larousse et pourtant vérifié par l'Histoire – est programmée pour l'horizon 2082 ; cette estimation adopte la fourchette la plus large en prenant l'exemple d'un enfant pied-noir né en Afrique du Nord en 1962 – et y ayant vécu quelques mois avant l'indépendance – et bénéficiant d'une durée de vie de 120 ans.

En AlgĂ©rie, il y avait en 1962, 510 cimetières chrĂ©tiens et israĂ©lites, communaux et confessionnels. En 2010-2012, une quarantaine de cimetières furent regroupĂ©s, et il en reste au moins 260 rĂ©partis sur une surface de 509 km2 (542 km2 avant 2010). La plupart des cimetières sont dĂ©gradĂ©s du fait de l'usure du temps, et parfois, par des faits de vandalismes isolĂ©s ou des profanations systĂ©matiques du GIA, mais surtout par l'absence d'entretien (pour le plus grand nombre). Une politique de regroupements des cimetières les plus dĂ©gradĂ©s est en cours depuis les annĂ©es 2000, et vise Ă  transfĂ©rer de petits cimetières vers de plus grands, en zones urbaines, dans des ossuaires. Les terrains relèvent de la souverainetĂ© algĂ©rienne, et sont donc des zones foncières, et en aucun cas des enclaves ou possessions françaises, car les terrains relèvent des communes de l'État algĂ©rien.

Le plus grand est le cimetière Saint-Eugène d'Alger. Selon les accords d'Évian, la France est chargĂ©e de l'entretien des cimetières, et deux millions d'euros sont allouĂ©s par l'État français par an (ministère des Affaires Ă©trangères). Sur ce point la France n'a pas respectĂ© les accords d'Évian d'oĂą le renforcement du sentiment d'abandon et d'exil des pieds noirs, en dĂ©pit d'actions d'associations de rapatriĂ©s pour la sauvegarde des sĂ©pultures (400 000).

Creuset méditerranéen

Au-delà de la communauté pied-noir, celle des rapatriés qui sont appelés à disparaître dans la deuxième partie du XXIe siècle, subsiste un patrimoine culturel pied-noir fondé sur un métissage spécifique des cultures méditerranéenne, européenne, catholique, séfarade et orientale ; les sociétés coloniales d'Afrique française du Nord étant démographiquement et civiquement inégales, mais mixtes (excepté la période vichyste de l'AFN de 1940 à 1943) et non basée sur l'acculturation (voir Aborigènes d'Australie) ou sur un régime d'apartheid tel que celui instauré par les colons européens (dont des Français huguenots) en Afrique du Sud, où ils se sont par ailleurs maintenus.

En 1843, le saint-simonien Prosper Enfantin, décrit cette spécificité de la colonisation française par rapport aux méthodes anglaise et espagnole - entre autres - dans son ouvrage Colonisation de l'Algérie[124] :

« il ne s'agit plus de dépouiller ou d'exterminer des peuples, ni de leur donner des chaînes, mais de les élever au sens de la civilisation, d'association, dont nous fûmes toujours les représentants les plus généreux, et je dirai aussi les plus persévérants […]. Le mot de colonisation ne représente donc pas pour moi l'idée […] que devaient en avoir les Anglais de la compagnie des Indes, ou les Anglo-Américains exterminateurs des Peaux-Rouges, ou bien les Espagnols ou les Portugais, lorsqu'ils ravageaient, à la suite de Colomb et de Vasco de Gama, les Indes Occidentales, et Orientales. »

Mémoire recomposée

Cette culture méditerranéenne se manifeste, essentiellement depuis l'exil et les années 2000 amorçant l'extinction des pieds-noirs, par la parution d'ouvrages consacrés à l'histoire des pieds-noirs, gage d'une volonté de conservation du patrimoine, mémoire de 132 ans de présence française en AFN[125] - [126], mais également à « la cuisine pied-noire », recensant les « recettes de grands-mères »[127] - [128] - [129], « le parler pied-noir », recueilli dans des lexiques d'« expressions de là-bas »[130] - [131].

Cuisine

Le chef Léon Isnard distingue trois cuisines d'Afrique du Nord et par delà trois cultures, « arabe, juive et pied-noir »[132]. Selon lui, les recettes pied-noires « rassemblent des plats venus de Languedoc et de Provence, d'Espagne et d'Italie, mêlant paellas, gaspachos, méchouis, brochettes, grillades, arrosés de blancs de Tlemcen, de rouges de Mascara ou de gris de Boulaouane. Dans les faits, la cuisine pied-noire regroupe des recettes des trois cultures. Les dernières grands-mères survivantes, savent à la fois faire la chorba, la daube, le couscous ou la salade juive »[132].

Pataouète

À Oran, le fort de Santa Cruz, datant des présides espagnols (1509–1790), surplombe la chapelle Santa Cruz, érigée de 1850 à 1959 par les catholiques d'Oranie. La ville d'Oran et la province de l'Oranie sont caractérisées par une forte influence culturelle espagnole qui s'explique essentiellement par leurs emplacements géographiques proches des côtes espagnoles.

Selon le dictionnaire Larousse, le « pataouète » est le « parler populaire des Français d'Algérie »[133]. L'étymologie de « pataouète » est incertaine. Pour le Trésor de la langue française informatisé (TLFI), « pataouète » est « probablement issu, à la suite d'une série de déformations, de Bab-el-Oued, nom du quartier populaire européen d'Alger où ce parler a pris naissance »[134]. Cette étymologie est celle retenue par Larousse[133]. Le TLFI en attribue la paternité à Roland Bacri[134]. Le TLFI cite Aimé Dupuy, Ferdinand Duchêne, André Lanly et Roland Bacri. En effet, Dupuy note ‹ Bablouette › comme prononciation familière de Bad El Oued ; Duchêne, ‹ pap(a)louette ›, un habitant de ce quartier ; Bacri, Papa-Louette, titre d'un journal satirique paru à Alger en 1905[134]. Mais Bacri propose une étymologie alternative. Il tire « pataouète » de « louette », lui-même issu de l'arabe lahoued (« malin, dégourdi »), associé à celui de « papa » dans le titre du journal précité, Le Papa Louette, qui paraissait en pataouète[135]. Des auteurs rejettent cette étymologie, la jugeant peu sérieuse[135]. En effet, comme le note le TLFI, « pataouète », attesté dès 1898 sous la graphie ‹ pataouet › et en 1906 sous la graphie de ‹ pataouette ›, a d'abord désigné les immigrés espagnols récemment arrivés en Algérie[134]. Le permet « patouète » serait la déformation phonétique française du mot catalan « patuet »[135], lui-même diminutif de « patuès » et ayant pour origine étymologique « patois » ; la signification exacte de pataouète (ou « pataouette »[136]) serait donc « petit patois ». Il mélange des éléments de langage : français, arabes, italiens et espagnols.

Le pataouète est une des dernières incarnations du sabir, autrefois parlé sur toutes les côtes méditerranéennes, et il constitue un parler spécifique à l'Algérie. Bien que sa structure soit majoritairement issue du français (la langue officielle), les apports catalans, italiens, occitans et castillans, généralement importés par les colons originaires de ces régions ou directement repris du sabir, sont très présentes. Les langues locales, arabe dialectal et kabyle sont elles aussi présentes dans ce parler.

Des exemples typiques du parler pied-noir incluent les fameuses interjections, « popopopopo ! »[137], « la purée de nous'aut'es ! »[138] et sa variante « la purée de toi ! »[137], ou bien encore les verbes « péguer »[137] et « rouméguer »[137] qui sont tous deux dérivés de l'occitan[137], mais aussi les expressions « à voir si… »[139] et « faire marronner »[140] qui elles sont des tournures dérivées du catalan et du castillan.

À ce propos, certains mots espagnols passent directement dans le langage courant, en particulier dans le domaine culinaire, tel le « chumbo »[141] qui désigne la figue de Barbarie ou la « kémia » qui est une sorte d'amuse-gueule caractéristique. À noter que certains noms d'aliments en catalan et castillan sont utilisés comme insulte ou juron servant à ponctuer une phrase exprimée en français ; par exemple respectivement « nyora » (prononcé « gnorra ») qui n'est autre qu'un poivron et « leche ! »[141] (prononcé « létché ») qui désigne le lait. Des mots tels que la « popa », c'est-à-dire la poupe, et qui est employé pour désigner de manière métaphorique, et dans une certaine mesure poétique, le postérieur féminin, dénotent un sociolecte particulier, ici celui des marins et pêcheurs espagnols.

Des exemples de jurons significatifs en français d'Algérie sont « punaise ! »[141] (similaire à « la purée ») et, dans un registre nettement plus blasphématoire, « la con de Manon ! »[137] et sa variante « la con de ta sœur ! »[137] ainsi que la forme contractée « d'ta mèr' ! »[137] (voir sa version contemporaine « ta mère »). Dans un registre moins ordurier et plus métaphorique, citons « margaillon »[142], qui désigne un palmier nain[142], et est employé dans le même sens que son homophone métropolitain merdaillon, c'est-à-dire à l'encontre d'un « morveux ». Il arrive qu'une expression soit composée de deux mots venant de langues différentes, à l'image de « malafatche »[141] du catalan / castillan « mala » et du provençal (occitan) « fatche » et qui signifie « sale gueule ».

En outre, ce parler souvent imagé se caractérise par des intonations typées[137] et une gestuelle particulières, influencé par les Arabes et les Italiens[143] - [136], ainsi qu'un volume sonore plutôt élevé[137].

Sous-culture

À noter la présence d'une sous-culture pied-noire issue des spécificités du peuplement de l'Oranie (proche de l'Espagne) par rapport à l'Algérois (proche des Baléares et de la Corse) et au Constantinois (proche de la Sardaigne, de Malte et de l'Italie), avec un parler et un accent particulier[144] - [145] et une « rivalité » empreinte de chauvinisme entre Alger la capitale et Oran[106] seconde ville la plus peuplée et plus important foyer démographique européen.

Cette rivalité entre les deux métropoles peut être comparée à celle qui oppose Paris à Marseille[11] et est finalement assez fréquente puisqu'on la retrouve aux antipodes, et dans une tout autre culture, avec le duo Tokyo-Osaka[146].

Dans la comédie et le cinéma

L'humoriste et comédien de la communauté pied-noire européenne Guy Bedos a contribué à l'édification de stéréotypes. C'est le cas de célèbres scènes comiques interprétées dans les années 1960 à 1970 dont Vacances à Marrakech.

De ce patrimoine culturel spécifique découle une représentation du pied-noir dans la culture populaire française avec particulièrement un « humour pied-noir » caractérisé par un accent, un phrasé et une gestuelle[147] comme l'atteste l'humoriste israélite installé à Marseille Alain Kakou (plus connu sous le pseudonyme d'Élie Kakou[148]). Ce dernier, bien que né en Tunisie quatre ans après le rapatriement des Français à la fin du protectorat, se définit lui-même comme pied-noir[147]. Il est fameux, entre autres pour son incarnation d'un personnage pied-noir, madame Sarfati, caricature et imitation d'une grand-mère de la communauté israélite séfarade ; les origines du comédien. Dans ce registre du rôle de composition et de l'imitation par des non-rapatriés citons également le cas de l'humoriste Florence Foresti et son personnage Myriam, belle-mère de la communauté israélite séfarade[149] ou bien encore Jacques Martin imitant un guitariste d'Enrico Macias[150] en 1968 ou Pascal Sellem imitant l'accent pied-noir en 1991[151].

Parmi les précurseurs les plus connus se trouvent des humoristes et comédiens pieds-noirs authentiques, tels Roger Lévy (alias Roger Hanin) et Robert Moyal (alias Robert Castel) en duo avec sa femme Lucette Sahuquet, tous natifs d'Alger et pour les deux premiers, issus de la communauté israélite séfarade de l'Algérois.

Deux pieds-noirs européens de la casbah d'Alger vus par Hollywood en 1938 dans l'adaptation américaine de Pépé le Moko. À gauche, l'acteur français Charles Boyer (Pépé Le Moko, « Français de France ») et à droite l'acteur pennsylvanien Stanley Fields (Carlos, « Français d'Algérie »).

Depuis le XXe siècle, la popularité du cinéma contribue grandement à façonner les stéréotypes du pied-noir dans l'imaginaire collectif. Ainsi dès 1937, le film Pépé le Moko avec Jean Gabin et René Bergeron produit une des premières représentations des pieds-noirs dans ce média, suivi de son adaptation hollywoodienne Casbah (1938) avec Charles Boyer, puis c'est au tour de Casablanca (1942) avec Humphrey Bogart. Avant le rapatriement, radio Alger où l'oncle de Guy Bedos animait une émission et la famille Hernandez avec ses tournées en métropole commencent à populariser l'accent.

Depuis la période de l'exil de 1962, le premier film à parler de cette communauté est Le Coup de sirocco, d'Alexandre Arcady 1979, sans exclusive religieuse où tous les Français d'Algérie se sont reconnus. Ensuite, le personnage du pied noir est essentiellement abordé à travers la communauté particulière du « Juif pied-noir »[152], c'est le cas du film policier Le Grand Pardon (1981) et sa suite Le Grand Pardon 2 (1992) avec Roger Hanin, Richard Berry, Jean-Pierre Bacri et Gérard Darmon, puis plus tard les comédies La Vérité si je mens ! (1997) et La Vérité si je mens ! 2 (2001) avec entre autres Richard Anconina, Vincent Elbaz, José Garcia, Bruno Lassalle (dit Bruno Solo) et Élie Kakou. Ces derniers films très proches de la caricature.

Moins représentée, la communauté pied-noire « européenne » comprend néanmoins des comédiens et humoristes célèbres tels Guy Bedos (natif d'Alger mais ayant grandi à Bône dans le Constantinois puis en métropole) et Marthe Villalonga (née à Fort de l'eau en périphérie d'Alger). À noter que, bien qu'étant de culture européenne et catholique, ces acteurs interprètent souvent le personnage du pied-noir dans un rôle de composition quand il s'agit de la caricature de l'israélite séfarade, comme l'atteste Marthe Villalonga qui, à propos de son interprétation du personnage de Mouchy, mère de Simon (Guy Bedos) dans Nous irons tous au paradis en 1977, aurait déclaré « Je ne suis ni mère, ni juive ! ». Ces propos sont à mettre en parallèle avec les sketches de Guy Bedos, en particulier Je m'appelle Simon Bensoussan[153] (1989) où il interprète « l'histoire d'un séfarade tellement écartelé entre ses origines qu'il se défini[t] comme un territoire occupé »[154], se plaint de l'antisémitisme et du racisme de métropolitains catholiques, « un peu cons » (dit-il), et qui place sur un pied d'égalité « lorsque les soldats allemands envahissaient la France » et « quand l'armée française occupait l'Algérie » (1940-1945) ; ce dernier effet comique repose sur un amalgame audacieux, les habitants des départements français d'Algérie étant français depuis l'ordonnance royale du 24 février 1834, il ne s'agit donc pas d'occupation fait politique qui concerne nécessairement une puissance étrangère[155], mais il s'agit de colonisation. Il part en métropole à l'âge de 15 ans en 1949. Dans les années soixante, celles de sa période du duo comique qu'il formait avec sa compagne d'alors Sophie Daumier (non pied-noire et originaire de métropole), il exploite déjà cette thématique ; notamment dans Vacances à Marrakech (circa 1960-1970) qui décrit un couple de Français moyens, néo-colonialiste, raciste et partisan de l'apartheid[156]. À ses débuts, les scènes comiques de l'artiste sont plutôt consacrées à des personnages pied-noirs israélites séfarades comme dans English spoken (Le retour de Londres)[157] et Pauvre gosse. En 1976, Guy Bedos déclare « je me sens tout de même plus proche d'Albert Camus que d'Enrico Macias »[30].

à Djidioua, ex-Saint-Aimé (Algérie) : inscription murale indélébile réalisée durant les dernières années de la présence française en Algérie, du slogan « Vive l'Algérie française ».

Parmi les célèbres humoristes et comédiens de cette communauté européenne mais issus d'une génération plus récente, sont notables deux pieds-noirs natifs d'Alger bien qu'ayant essentiellement grandi en métropole comme Guy Bedos mais après la guerre d'Algérie et le rapatriement, Didier Bourdon (les Inconnus) et Bruno Carette (les Nuls). Le second restant fameux pour son personnage de « Super-Pied-Noir », parodie de super-héros, et ayant comme partenaire Alain Chabat (natif d'Oran) issu de la même génération mais originaire de la communauté séfarade. Pendant de longues saisons, Roger Hanin incarna le commissaire pied-noir Navarro à la télévision.

Dans la publicité

Plat de couscous revu par un pied-noir.

Mis à part l'humour pied-noir, la représentation du pied-noir dans la culture populaire passe aussi par la cuisine pied-noire et une spécialité berbère associée, probablement transmise aux européens par les israélites et les kabyles, le couscous. Dans les années 1980, le personnage du pied-noir, là-aussi israélite séfarade, est donc utilisé par les publicitaires dans la commercialisation d'ingrédients associés à ce plat culinaire oriental (semoule dont sont produits les fameuses « boulettes » et épices) telle la marque Amora[158] ou Garbit dont l'accroche est restée fameuse, « couscous Garbit, c'est bon comme là-bas dis ! »[159].

Une autre spécialité, celle-là de tradition espagnole, la merguez qui peut accompagner le couscous ou se consommer à l'occasion de grillades, est également associée au pied-noir dans la réclame publicitaire[160]. La merguez reprend la fabrication du chorizo appelé soubressade mais au lieu de porc, on y met de l'agneau.

D'autres inventions gastronomiques pieds-noirs célèbres : Orangina (créée à Miliana et Boufarik), les anisettes Gras, Limiñana (Cristal). Les communautés se sont aussi échangées entre elles les recettes des mantecados, de la calentica ou de la tchoutchouka.

Dans l'industrie

L'Afrique du Nord est la zone de naissance :

  • de dĂ©couvertes extrĂŞmement importantes dans le domaine de la mĂ©decine : Ă©tudes sur les infections ophtalmologiques tropicales par Raymond FĂ©ry. Études et traitement du paludisme et de la malaria par Alphonse Laveran alors en poste Ă  l'hĂ´pital militaire de Constantine. Installation de l'Institut Pasteur en AlgĂ©rie sous l'impulsion d'Émile Roux et mise en place par Edmond et Étienne Sergent, durant toute la première moitiĂ© du XXe siècle, d'une doctrine posant les bases de la lutte antipaludique en Afrique du Nord et grâce Ă  eux, dĂ©couverte de nombreux traitements pour lutter contre les maux endĂ©miques touchant la population d'AlgĂ©rie et son bĂ©tail. Ils participent ainsi Ă  sauver de nombreuses vies et favorisent le dĂ©veloppement de l'AlgĂ©rie. Autres dĂ©couvertes rendues possibles grâce Ă  la crĂ©ation de centres de l'institut Pasteur Ă  Casablanca, Tanger et Tunis dès le dĂ©but du XXe siècle. C'est d'ailleurs Ă  Alger qu'il y a eu la première confĂ©rence mondiale sur le paludisme, en 1832 ;

Dans le sport

On peut évoquer les matchs de foot entre les différents clubs comme le Racing universitaire d'Alger, l'Olympique Hussein-Dey, l'Association sportive de Saint-Eugène, le Gallia Sports d'Alger, l'Étoile sportive de Kabylie, le Sporting-Club Universitaire d'El Biar ou le Sporting Club de Bel-Abbès.

Toutefois, l'Algérie était en avance sur le sport métropolitain grâce au creuset culturel et à l'insouciance politique des sportifs pieds-noirs. Ainsi, le Tir-Club de Sétif devient le premier club de sport mixte homme-femme de France.

Mais le club phare de l'Algérie était sans doute le Racing Universitaire d'Alger (RUA). Ce club omnisports géraient différentes disciplines comme l'escrime, la natation, l'athlétisme, le football et la gymnastique. De nombreux athlètes métropolitains comme Alain Mosconi ou Jean Boiteux prirent leur licence au RUA – ou dans un autre club algérien –, préférant en effet s'entraîner en Algérie plutôt qu'au très parisien Racing Club de France.

Les sports dans lesquels les pieds-noirs brillaient Ă©taient :

D'ailleurs, à la suite du rapatriement, les pieds-noirs ont contribué au développement de ces sports en métropole, le volleyball féminin en devenant presque une marque de fabrique dans le Sud de la France. Quant au football, la présence des pieds-noirs est encore importante de nos jours, aussi bien chez les joueurs fils de pieds-noirs que dans l'encadrement des clubs.

Curieusement, peu de pieds-noirs se sont mis au rugby à XV alors qu'ils vivaient dans des régions propices à ce sport. Citons Karl Janik, Christian Labit, les frères Francis et Émile Ntamack qui ont au moins un parent pied-noir, mais proportionnellement, les harkis ont sorti plus de rugbymen de haut-niveau que les pieds-noirs : Kader Hammoudi, Bernard Goutta, Farid Sid et Karim Ghezal par exemple.

Avec le football, la boxe est aussi sans contestation le sport qui brassait la plus large population d'Afrique du Nord. D'ailleurs, l'Algérie de la période coloniale a sorti un grand nombre de champions dans ces sports, et de toutes les communautés le plus célèbre étant Marcel Cerdan.

Dans l'art tauromachique

La tauromachie a existé en Algérie à l'époque coloniale. Oran était réputée pour ses arènes où se déroulaient de nombreuses corridas très prisées par la population espagnole de la ville. La tauromachie serait arrivée en Afrique du Nord sous l'impulsion de l'Impératrice Eugénie, à un moment où elle a décidé le développement des villes importantes d'Outre-mer. Cette période est concomitante au plan d'urbanisation du baron Haussmann dans les colonies (Alger, Oran, Nouméa, Saint-Louis, etc.).

De nos jours, les seules arènes d'Afrique du Nord sont celles de Ceuta et Melilla.

Sous l'impulsion du torero Pied-noir Paquito Leal, des écoles de tauromachies se sont ouvertes en métropoles, où de nombreux fils de harkis s'illustreront ensuite, comme Mehdi Savalli.

Pieds-noirs célèbres

Notes et références

  1. « Le vote pied-noir 50 ans après les accords d'Évian », Centre de recherches politiques de Sciences Po,‎ (lire en ligne).
  2. Ni valise ni cercueil, les pieds-noirs restés en Algérie après l’indépendance, préface de Benjamin Stora, Arles, Actes Sud, janvier 2012 (ISBN 978-2-330-00227-5).
  3. Juliette Bénabent, « Ces Français restés en Algérie », sur Télérama, (consulté le ).
  4. DĂ©finition du Dictionnaire Larousse en ligne. Larousse, www.larousse.fr.
  5. Paul Robert, Alain Rey, Le Grand Robert de la langue française, définition 3 de Pied-noir, éd. 1990, tome VII, p. 390 (ISBN 2-85036-095-3).
  6. Hubert Hannoun, La déchirure historique des Juifs d'Algérie, Le quotidien d'Oran, 24 juin 2004. « sur le site sefarad.org »(Archive.org • Wikiwix • Archive.is • Google • Que faire ?).
  7. Informations lexicographiques et étymologiques de « pied-noir » dans le Trésor de la langue française informatisé, sur le site du Centre national de ressources textuelles et lexicales (consulté le ).
  8. EntrĂ©e « pieds-noirs », dans Jean-François Sirinelli (dir.), Dictionnaire de l'histoire de France, Paris, Éditions Larousse, , 2e Ă©d. (1re Ă©d. 1999), 1176 p., 29 cm (ISBN 2-03-582634-9 et 9782035826343, OCLC 421619234, BNF 40925123, prĂ©sentation en ligne, lire en ligne), p. 706-707, cit. p. 706 [lire en ligne (page consultĂ©e le 18 octobre 2016)]
    Voir aussi : entrĂ©e « pieds-noirs »(Archive.org • Wikiwix • Archive.is • Google • Que faire ?), dans Jean-François Sirinelli (dir.) et Daniel Couty (conseil Ă©ditorial), Dictionnaire de l'histoire de France, vol. 2 : K-Z, Paris, Armand Colin, diff. Larousse, (rĂ©impr. 2005), 1re Ă©d., 1040 p., 29 cm (ISBN 2-03-505073-1 et 978-2-03-505073-1, OCLC 406957961, BNF 37090650), p. 960.
  9. Les pieds-noirs, sur librairie-pied-noir.com.
  10. D'après un article de Daniel Lefeuvre dans le hors-série de Guerre & Histoire, Algérie 1954-1962, la dernière guerre des Français, mars 2012.
  11. Domergue 2005, p. 86-88.
  12. Voir les titres d'ouvrages sur le sujet dont à titre d'exemple celui de Benjamin Stora Les trois exils : Juifs d'Algérie, paru en 2008 ou celui de Léon Isnard Les 3 cuisines du Maghreb : 600 recettes arabes, juives et pied-noir publié en 2006.
  13. Conversation avec Claude Askolovitch, Plon, 2011, p. 32-40
  14. Éric Zemmour, 7 janvier 2008, Radio Monte-Carlo, dans Les Grandes Gueules, paru 7 janvier 2008.
  15. Plateau Mamère, Villalonga, Macias 1 en direct de Nice, MIDI 2 - .
  16. Entre histoire et mémoire : les rapatriés d'Algérie : Dictionnaire bibliographique , Abderahmen Moumen, préface Jean-Jacques Jordi, Éditions Gandini, 2003
  17. D'après la thèse de Fabienne Fischer, Alsaciens et Lorrains en AlgĂ©rie : histoire d'une migration, 1830-1914, l'immigration des Alsaciens et Lorrains aurait reprĂ©sentĂ© entre un cinquième et un quart de la population française d'AlgĂ©rie de 1845 Ă  1860, et le cinquième après cette pĂ©riode. En chiffre absolu, ils auraient Ă©tĂ© environ 33 000 migrants de 1830 au dĂ©but du XXe siècle, dont 12 000 Ă  15 000 après 1870 (6 000 de 1870 Ă  1874). In Guy PervillĂ© « L'Alsace et l'AlgĂ©rie : de la rĂ©alitĂ© au mythe » ; lire en ligne.
  18. d'après le Tableau général des communes de l'Algérie — 1884 — lire en ligne
  19. Michel Launay, Paysans algériens, Paris, le Seuil, 1962, p. 64, p. 68.
  20. L'Afrique française : bulletin mensuel du Comité l'Afrique française et du Comité du Maroc, volumes 61-65, Comité du Maroc, Comité de l'Afrique française, 1957, p. 10.
  21. Michel Delenclos, Les mots des uns, les maux des autres: la France et l'Algérie, Godefroy de Bouillon, 2008, p. 537.
  22. Michel de Jaeghere, Le livre blanc de l'armée française en Algérie, Contretemps, 2001, p. 47.
  23. Éric Roussel, Pierre Mendès France, Paris, Gallimard, collection « NRF biographies », 2007, p. 352.
  24. Bernard Lecherbonnier, Le pied-rouge, Denoël, 1974, p. 188.
  25. François Muratet, Le Pied-Rouge, volume 13 de Serpent noir, Serpent à plumes, 1999, p. 131.
  26. Bernard Violet, Vergès : le maître de l'ombre: L'épreuve des faits, Seuil, p. 127.
  27. Marlène Laruelle et Sébastien Peyrouse, Les Russes du Kazakhstan : identités nationales et nouveaux états dans l'espace post-soviétique, Maisonneuve & Larose, 2004, p. 263.
  28. Catherine Simon, Algérie, les années pieds-rouges : Des rêves de l'indépendance au désenchantement, 1962-1969, La Découverte, Cahiers libres, 2009, 4e de couverture.
  29. Monique Gadant, Parcours d'une intellectuelle en Algérie: nationalisme et anticolonialisme dans les sciences sociales, collection Histoire et perspectives méditerranéennes, éditions L'Harmattan, 1995, p. 72.
  30. « Guy Bedos à propos de son livre Je craque », Apostrophes - .
  31. H. Jay Siskin, Ouvertures : cours intermédiaire de français, Harcourt College Publishers, 2001, p. 217.
  32. Christian Beuvain et Jean-Guillaume Lanuque, « Compte rendu de Catherine Simon, Algérie, les années pieds-rouges. Des rêves de l'indépendance au désenchantement (1962-1969), Paris, La Découverte, collection « Cahiers libres », 2009, p. 286 », Bibliothèque de comptes rendus, (consulté le ).
  33. Francis Pornon, « Après les pieds-noirs : pieds-rouges, pieds-verts, pieds-roses », sur L'Humanité, (consulté le ).
  34. Alger Ă©tudiants, no 16, , p. 14.
  35. perville34-31
  36. Jean Pomier, « Algérien ? Un mot qui cherche son sens », in Afrique, Alger, 1946, réédité dans l’Algérianiste, no 98, , p. 82-92.
  37. Mouloud Feraoun, Les Chemins qui montent, Le Seuil, 1957, pp. 208-209.
  38. Xavier Yacono, « Pourquoi pieds-noirs ? », dans Les Pieds-noirs, Éditions Philippe Lebaud, 1982, p. 15-19.
  39. Guy Pervillé, Comment appeler les habitants de l’Algérie avant la définition légale d’une nationalité algérienne ? (1996).
  40. « Le terme, attesté en 1917 selon le dictionnaire de Paul Robert (lui-même français d’Algérie) désignait alors les chauffeurs de bateaux indigènes, aux pieds nus salis par le charbon. Sens confirmé par un article du journal indigène La Défense, no 3, février 1934, p. 2 (« Un geste révoltant ») qui cite « pied-noir » dans la liste des insultes racistes », note de Guy Pervillé.
  41. Jean-Jacques Jordi, Les Pieds-Noirs, Éditions du Cavalier bleu, , p. 2009.
  42. Richard Ayoun, Les Juifs d’Algérie. Au-delà des pressions officielles et des lobbies de mémoire, colloque Pour une histoire critique et citoyenne — Le cas de l’histoire franco-algérienne, 20-, Lyon, ENS LSH, 2007, partie À l’époque française, lire en ligne.
  43. Henry Bénazet, L'Afrique française en danger, 19e édition, A. Fayard, 1947, p. 14.
  44. Statistiques démographiques, année 1956, CADN (Centre des archives diplomatiques de Nantes), Tunisie 1er Versement, PER 589, p. 101.
  45. Odile Goerg et Xavier Huetz de Lemps, « Histoire de l’Europe urbaine », dans Jean-Luc Pinol (dir.), Tome 5, La ville coloniale (XVe – XXe siècle), Points, 2012, p. 213. RenĂ© Lespès explique qu'Alger abrite en 1926 226 000 habitants dont 170 000 EuropĂ©ens, contre 130 et 100 000 en 1906 (Alger, Étude de gĂ©ographie et d’histoire urbaines, Librairie FĂ©lix Alcan, Paris, 1930, p. 496).
  46. Voir Jean-Jacques Jordi, Jean-Louis Planche (dir.), Alger 1860-1939, Le modèle ambigu du triomphe colonial, Éditions Autrement, 1999.
  47. D’après le démographe Victor Demontès, cité dans Marc Donato, Elisa la maltaise, Histoire des maltais d’Algérie (1830-1962), Éditions Jacques Gandini, 2002, p. 89.
  48. Charles-Robert Ageron, « Français, juifs et musulmans : l’union impossible », in L’Histoire (prĂ©sentĂ© par C.-R. Ageron), L’AlgĂ©rie des français, Éditions du Seuil, 1993, p. 103-115 ; Charles-Robert Ageron, Histoire de l’AlgĂ©rie contemporaine, Presses Universitaires de France, Paris, 1979, p. 56-60. L’auteur parle d’« acte de naissance » du peuple europĂ©en d’AlgĂ©rie. Sur 549 146 rĂ©sidents français en AlgĂ©rie en 1926, 108 495 ont Ă©tĂ© naturalisĂ©s (60 % d’origine espagnole et 40 % d’Italiens, de Maltais ou autres), selon Juan Bautista Vilar (Juan Bautista Vilar, « Immigration et prĂ©sence espagnoles en Afrique du Nord (XIXe et XXe siècle) », in Migrance no 21, Espagne, pays de migrations, 2e trim. 2002, p. 10-27).
  49. RenĂ© Lespès, Alger, Étude de gĂ©ographie et d’histoire urbaines, Librairie FĂ©lix Alcan, Paris, 1930, p. 530 et 572. 2 270 Espagnols pour 4 167 habitants en 1876, 5 893 pour 16 255 en 1901.
  50. Marc Baroli, Algérie terre d’espérances, Colons et immigrants (1830-1914), Éditions L’Harmattan, 1992 (1re éd. 1967, publié sous le titre La vie quotidienne des français en Algérie, chez Hachette).
  51. Marius Bernard, Autour de la Méditerranée, Les côtes barbaresques, d’Alger à Tanger (1re série), Imprimerie Ed. Crété, Corbeil, 1894-1902, p. 8-9. Dans le même ordre d’idées, André Gide, en 1893 : « Mais de ces éléments divers se forme une race nouvelle, orgueilleuse, voluptueuse et hardie. Cela semble tenir de l’Andalou, du Basque, du Provençal, du Corse, du Sicilien, du Calabrais : c’est l’Algérien [au sens d’Européen d’Algérie ». (Franck Laurent, Le voyage en Algérie, Anthologie des voyageurs français dans l’Algérie coloniale, 1830-1930, coll. Bouquins, Robert Laffont, 2008, p. 728.
  52. Pierre Darmon, Un siècle de passions algériennes, Une histoire de l'Algérie coloniale (1830-1940), Fayard, 2009, p. 188.
  53. Juan Bautista Vilar, « Immigration et présence espagnoles en Afrique du Nord (XIXe et XXe siècle) », in Migrance no 21, Espagne, pays de migrations, 2e trim. 2002, p. 10-27.
  54. Paul Birebent, Hommes, vignes et vins de l’Algérie Française, 1830-1962, Éditions Jacques Gandini, 2007, p. 139 et p. 142. Voir aussi Hildebert Isnard, « IV. Vigne et colonisation en Algérie (1880-1947) », in Annales, Économies, Sociétés, Civilisations, 2e année, N3, 1947, p. 288-300.
  55. Georges Mutin, « Ce « chef-d’œuvre » de la France : la Mitidja », dans L’Histoire (prĂ©sentĂ© par Charles-Robert Ageron), L’AlgĂ©rie des Français, Éditions du Seuil, Paris, 1993, p. 119-133. Pour l’AlgĂ©rie entière, en 1930, 20 % des 26 000 propriĂ©taires EuropĂ©ens contrĂ´lent plus de 74 % des terres, phĂ©nomène qui s’accentue les annĂ©es suivantes. La sociĂ©tĂ© musulmane elle aussi est dominĂ©e par une poignĂ©e de gros propriĂ©taires, 25 000 d’entre eux possĂ©dant plus de 100 hectares en 1940 (Jacques Cantier, L’AlgĂ©rie sous le rĂ©gime de Vichy, Odile Jacob, 2002, p. 18 et 20).
  56. Voir Jean-Jacques Jordi, Les Pieds-Noirs, Éditions Cavalier Bleu, 2009.
  57. Charles-Robert Ageron, Histoire de l’Algérie contemporaine, Tome II, De l’insurrection de 1871 au déclenchement de la guerre de libération (1954), PUF, 1979, p. 364.
  58. Voir en particulier la thèse de Claire Marynower, « Être socialiste dans l’Algérie coloniale, Pratiques, cultures et identités d’un milieu partisan dans le département d’Oran, 1919-1939 » (Thèse de Doctorat en Histoire dirigée par M. Marc Lazar), Institut d’Études Politiques de Paris, 2013.
  59. Voir par exemple Jacques Cantier, L’Algérie sous le régime de Vichy, Odile Jacob, 2002, p. 22-23.
  60. Voir Thérèse Charles-Vallin, Les Droites en Algérie, 1934-1939, thèse d’histoire, Université Paris-VII, 1975 ; Charles-Robert Ageron, « Les militants PPF en Algérie (1936-1942) : profil d’un mouvement fasciste », dans Cahiers du MIREHC, 2000, no 4, p. 39-45 ; Francis Koerner, « L’extrême-droite en Oranie 1936-1940 », in Revue d’histoire moderne et contemporaine, oct.-déc. 1973, ainsi que les travaux de Jacques Cantier, Christine Levisse-Touzé et Pierre Darmon sur l’Algérie sous Vichy.
  61. Jean-Jacques Jordi, Jean-Louis Planche (dir.), Alger 1860-1939, Le modèle ambigu du triomphe colonial, Éditions Autrement, 1999 ; Mahfoud Kaddache , La vie politique à Alger de 1919 à 1939, Alger, Éditions SNED, 1971.
  62. Jacques Binoche, « Les élus d’outre-mer au Parlement de 1871 à 1914 », in Revue française d’histoire d’outre-mer, tome 58, no 210, 1er trimestre 1971, p. 82-115 (plus précisément p. 90 et p. 107).
  63. Xavier Yacono, Histoire de l’Algérie, de la fin de la Régence turque à l’insurrection de 1954, Éditions de l’Atlanthrope, 1993, p. 309-310.
  64. Emmanuelle Comtat, Les pieds noirs et la politique, quarante ans après le retour, Les Presses Sciences Po, Paris, 2009.
  65. Voir, par exemple, Frédéric Harymbat, Les Européens d'Afrique du Nord dans les armées de la libération française (1942-1945), L'Harmattan, 2014.
  66. Chiffres tirés de Jacques Cantier, « 1939-1945, Une métropole coloniale en guerre », in Jean-Jacques Jordi, Guy Pervillé (dir.), Alger 1940-1962, Une ville en guerres, Éditions Autrement, 1999, p. 16-61.
  67. L’Algérie de Pétain, Perrin, 2014, p. 38-39.
  68. Frédéric Harymbat, « Alger : une ville en guerre (1942-1945) », in L'algérianiste, no 159, , p. 2-17.
  69. Alain Peyrefitte, C'Ă©tait de Gaulle, Quarto Gallimard, 2002.
  70. Guy Pervillé, Le terrorisme urbain dans la guerre d'Algérie. Extrait : « Le , des milliers de fellahs encadrés par les troupes de l’ALN s’attaquèrent aux « forces de l’ordre » et aux civils français dans une vingtaine de centres urbains et ruraux, notamment à Philippeville et à Constantine. Les meurtres et les massacres (dont les plus importants et les plus épouvantables furent ceux d’El Halia et de Aïn Abid), provoquèrent la répression attendue et les effets escomptés : la rupture entre les communautés. Le fut le point de non-retour de l’insurrection. Le même jour, des attentats visant à Constantine plusieurs notables algériens modérés, qui avaient signé un appel condamnant « toute violence d’où qu’elle vienne », confirmèrent le choix d’une stratégie du pire ».
  71. Claude Tenne, Mais le Diable marche avec nous, Ă©d La Table Ronde, 1968, 253 p.
  72. Geoffroy Caillet, « 4 juin 1958 : que cachait le « Je vous ai compris » de De Gaulle ? », Le Figaro,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  73. Guy Pervillé, La Guerre d'Algérie, PUF 2007, (ISBN 978-2-13-054172-1), p. 94.
  74. Guy Pervillé, Guerre d'Algérie, op.cit., p. 96.
  75. Guy Pervillé, OAS, le terrorisme du désespoir , 2004, lire en ligne.
  76. Yves Courrière, La guerre d'Algérie (tome 4, Les feux du désespoir).
  77. Pervillé, OAS…, article cité.
  78. Qui se souvient de Fernand Iveton, ouvrier, communiste, rallié au FLN, guillotiné à Alger, en 1957. Et qui se souvient du nom de celui qui était alors ministre de la Justice ? L’affaire Iveton, un silence français, sur le site de Libération.
  79. Nathalie Funès, Le camp de Lodi, Algérie 1954-1962, Stock, 2012.
  80. Patrick Kessel, Giovanni Pirelli, Le peuple algérien et la guerre : lettres et témoignages 1954-1962, p. 117, extrait en ligne.
  81. Edmond Jouhaud, Ce que je n'ai pas ditSakiet, O.A.S., Evian, Fayard, 1977, p. 254-255.
  82. D'après Georges Fleury, dans Histoire de l'OAS, Grasset, 2002, Septième partie - Le temps des barbouzes - 55 - Salan refuse la partition.
  83. Anne-Marie Duranton-Crabol, Le temps de l'OAS, Éditions Complexe, 1995, p. 152.
  84. Edmond Jouhaud, Ce que je n'ai pas ditSakiet, O.A.S., Evian, Fayard, 1977, p. 256.
  85. Alain Jacob, « Le partage de l'Algérie est-il possible ? », Le Monde diplomatique,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  86. Jacques Soustelle, L'espérance trahie, Éditions de l'Alma, 1962, p. 293-294 (annexe V, reproduction d'un texte écrit en ).
  87. Algérie : interview Pajard, .
  88. Interview d'une algéroise européenne et d'un musulman, JT 20H, .
  89. Camp de refugiés d'Oran, JT 20H, .
  90. « La conclusion du drame était en vue. Sur les aérodromes et sur les quais des ports les Français qui quittaient l'Algérie commencèrent à affluer. Les nationalistes arabes leur avaient offert l'alternative : la valise ou le cercueil. Ils optaient pour la valise ». In Claude Martin, Histoire de l'Algérie française, éditions Tchou, 1979, tome 2 p. 265, (ISBN 2-7107-0162-6).
  91. Guy Pervillé, Pieds Noirs : la valise ou le cercueil, 2004.
  92. Guy Pervillé, Le terrorisme urbain dans la guerre d’Algérie, 2000.
  93. Guy Pervillé, OAS, le terrorisme du désespoir, 2004.
  94. Guy Pervillé, Le point sur… la guerre d’Algérie, 1983.
  95. Jean-Jacques Jordi, Un silence d'état, les disparus civils européens de la guerre d'Algérie, Soteca, , p. 99, (ISBN 978-2-9163-8556-3).
  96. « La lutte contre l'OAS est souvent avancĂ©e comme explication de ces exactions au moins jusqu'Ă  l'indĂ©pendance puis c'est la pĂ©riode d'anarchie qui est mise en avant pour « excuser » ces crimes. Ni l'une, ni l'autre explication ne semble valide : […] dans notre liste, nous relevons moins d'une dizaine d'activistes OAS (la note ici insĂ©rĂ©e indique que le FLN avait Ă  sa disposition depuis une liste des activistes OAS communiquĂ©e par la mission « C », groupe de choc composĂ© de 200 policiers d'Ă©lites et d'une trentaine de gendarmes français - totalement distinct des barbouzes - et constituĂ© pour le renseignement et la lutte anti-OAS; cf. aussi p. 55). Enfin, quatre disparus sont le fait de l'OAS, les 1 580 disparus restants sont Ă  mettre Ă  l'actif du FLN et de l'ALN » - Jean-Jacques Jordi, op.cit., p. 158-159.
  97. Jean-Jacques Jordi, op.cit., p. 34, 37, 63, 97, 123, 135…
  98. Pierre Daum, « Trois événements traumatisants », Le Monde diplomatique, , p. 16.
  99. Hélène Bracco, chercheuse citée par Aurel et Pierre Daum, « Sans valise ni cercueil, les pieds-noirs restés en Algérie », Le Monde diplomatique, , p. 16-17, opus cité.
  100. Commentant, entre autres, l'article d'Aurel et Pierre Daum, l'historien Guy Pervillé décrit « l’inconcevable aveuglement de ceux qui, un demi-siècle après ces faits effroyables, persistent à les nier en attribuant aux Français d’Algérie l’entière responsabilité de leur exode et en affirmant que les Algériens n’avaient rien voulu de tel ». - Guy Pervillé, Jean-Jacques Jordi, Un silence d’État. Les disparus civils européens de la guerre d’Algérie, , cf. note 39, lire en ligne.
  101. Jean Daniel, Cet Ă©tranger qui me ressemble, Grasset, 2004, p. 172.
  102. Albert Camus, Chroniques algériennes, 1939-1958, Actuelles III, Éditions Gallimard, 1958, p. 25-26.
  103. Olivier Todd, Albert Camus, une vie, Éditions Gallimard et Olivier Todd, 1996, p. 869. « Les Français de la métropole ont l’esprit de Munich » continue Grenier, ce à quoi Camus répond : « Oui, c’est le Munich de gauche ».
  104. Déclaration de Guy Mollet, président du conseil, à propos de l'Algérie en 1956.
  105. Alain Peyrefitte, C’était de Gaulle, Tome I, Fayard, 1994.
  106. [vidéo] Alicante des pieds noirs, Panorama, .
  107. Claude Tapia, Les Juifs sépharades en France, 1965-1985 : études psychosociologiques et historiques, Éditions L'Harmattan, 1986, p. 27.
  108. Les rapatriĂ©s forment dans notre hexagone national une masse de population d'environ 1 500 000 personnes, venant d'Afrique du Nord (AlgĂ©rie, Tunisie et Maroc), Association for the Study of the World Refugee Problem, A.W.R. bulletin, Volumes 21-22, FĂĽrst Franz Josef von Liechtenstein Stiftung, 1974, p. 186.
  109. Jean-Louis Planche, Français d'Algérie, Français en Algérie (1962-1965), in colloque Les Accords d'Évian : en conjoncture et en longue durée, éditions René Gallissot, 1997, p. 104-105 lire en ligne.
  110. MĂ©moires d'Ahmed Ben Bella, en , « 7 000 des 22 000 agriculteurs n'Ă©taient pas rentrĂ©s, bien qu'en accord avec le gouvernement français, j'avais indiquĂ© dans mes discours que ceux qui abandonnaient leur terre ne seraient pas indemnisĂ©s ».
  111. Sens d'usage, en Algérie de l'époque, de propriétaire-exploitant agricole.
  112. [PDF] Bruno Étienne, Succession d'État et conditions des habitants, Aix en Provence, haut de page 29 lire en ligne.
  113. HervĂ© Mercury, Colon en AlgĂ©rie 1983-1963 : 4 vies, 3 guerres et 1 exil (rĂ©cits personnels), Le Chesnay, compte d'auteur, , 190 p., 22 cm (ISBN 978-1-0996-9677-0, OCLC 1135262408, BNF 45744517, SUDOC 242021638, prĂ©sentation en ligne), p. 177 Ă  182.
  114. Daniel Junqua, Le Monde, 26 juin 1979 - in Pierre Laffont, Histoire de la France en Algérie, 1980, p. 508.
  115. Pierre Daum, « Combien sont-ils ? », Le Monde diplomatique, mai 2008, p. 17.
  116. Aurel et Pierre Daum, « « Sans valise ni cercueil, les pieds-noirs restés en Algérie »(Archive.org • Wikiwix • Archive.is • Google • Que faire ?) », Le Monde diplomatique, mai 2008, p. 16-17.
  117. Où en sont les rapatriés, Cinq colonnes à la une, .
  118. Naissance d'un village : Carnoux, Cinq colonnes Ă  la une, .
  119. Robert Boulin Ă  Marseille, JT 13H, .
  120. « L'arrivée des pieds-noirs, big bang sociologique », article du journal régional le Ravi, mars 2012.
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  149. [vidéo] [Florence Foresti] Myriam : les mère juives n'existent pas.
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  158. [vidéo] Amora : épices, le pied noir.
  159. [vidéo] Garbit : couscous taboule plat cuisine, .
  160. [vidéo] Pages Jaunes annuaire PTT : Pied noir.

Voir aussi

Bibliographie

Archives vidéos (INA)

Filmographie

Théâtre

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