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Afrikaners

Un Afrikaner est un Sud-africain blanc d’origine nĂ©erlandaise, française, allemande ou scandinave qui s’exprime dans une langue dĂ©rivĂ©e du nĂ©erlandais du XVIIe siĂšcle : l’afrikaans.

Afrikaners
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Populations importantes par région
Drapeau d'Afrique du Sud Afrique du Sud 2 700 000
Drapeau de la Namibie Namibie 100 000 - 183 000
Drapeau du Royaume-Uni Royaume-Uni 100 000
Drapeau de la Nouvelle-ZĂ©lande Nouvelle-ZĂ©lande 90 000
Drapeau de l'Australie Australie 40 000 - 45 000
Drapeau des Pays-Bas Pays-Bas 25 000
Drapeau du Canada Canada 15 000
Drapeau de la Belgique Belgique 12 500
Drapeau de l'Argentine Argentine 12 000
Drapeau de la RĂ©publique irlandaise RĂ©publique d’Irlande 5 500
Drapeau du Kenya Kenya 3 500
Population totale 3 300 000 (estimation)
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Proportion de la population dont l'afrikaans est la langue maternelle selon le recensement de 2011.
  • 0–20 %
  • 20–40 %
  • 40–60 %
  • 60–80 %
  • 80–100 %

Le concept d'Afrikaner a pris son sens actuel au XVIIIe siÚcle en réservant exclusivement son application aux descendants de ces Blancs non anglophones, nés en Afrique du Sud depuis l'établissement au Cap, en 1652, d'une colonie par la Compagnie néerlandaise des Indes orientales[1]. Il étend sa représentativité au-delà du terme Boer (paysan en néerlandais), vocable par lequel ces Blancs furent d'abord désignés, pour évoquer non seulement « une communauté de langue et de culture mais aussi une nation entrée dans l'Histoire »[2].

Les Afrikaners proprement dits sont un des peuples de langue afrikaans, bien qu’ils soient Ă  l’origine de l’introduction de cette langue en Afrique du Sud. On Ă©crit encore parfois Afrikaander ou plus rarement Afrikander. Ces termes utilisĂ©s dans cette langue et qui signifient littĂ©ralement « Africains » en afrikaans, dĂ©signent ainsi principalement les Africains blancs d’Afrique du Sud de langue maternelle afrikaans. On peut aussi les dĂ©signer par le terme « Hollandais du Cap » qui est plus prĂ©cis que le terme « Afrikaner ». L'afrikaans est, avec l'allemand pennsylvanien (pennsilfaanisch) et l'allemand de Namibie (en), le nĂ©erlandais en AmĂ©rique et dans une mesure diffĂ©rente les diverses formes d'anglais, une des langues de racine germanique parlĂ©es hors du continent europĂ©en.

Étymologie

Le Voortrekker Monument de Pretoria, monument symbolique du nationalisme afrikaner.
Relief en marbre du Voortrekker Monument retraçant l’histoire des Boers -Afrikaners durant le Grand Trek.

Le terme « Afrikaner » apparaĂźt au dĂ©but du XVIIIe siĂšcle et a supplantĂ© celui de Boer au XXe siĂšcle. Le premier tĂ©moignage de son utilisation est attribuĂ© Ă  Hendrik Bibault en 1707, arrĂȘtĂ© pour scandale public et condamnĂ© au fouet. Il rĂ©torqua au Landrost (bourgmestre) de Stellenbosch qui venait de le condamner et de lui infliger ce chĂątiment : « Ek been ein Afrikaaner ! » (« Je suis un Afrikaner ») et il ajouta : « Peu importe que le Landrost me condamne au fouet, je ne me tairai pas ».

Il s’agit lĂ  de la premiĂšre marque de distinction entre les colons afrikaners et ceux nĂ©s en mĂ©tropole nĂ©erlandaise. Les premiers sont irrĂ©mĂ©diablement attachĂ©s Ă  l’Afrique et ne se reconnaissent plus dans les lointains Pays-Bas. Revendiquant une identitĂ© nationale distincte, les Burghers (citoyens libres par opposition aux fonctionnaires de la Compagnie nĂ©erlandaise des Indes orientales) puis les Trekboers (ceux s’éloignant du Cap), et enfin les Voortrekkers vont s’enraciner dans la terre africaine et s’identifier Ă  une gĂ©ographie prĂ©cise au nom d'une identitĂ© nationale qui leur est propre. Cette identitĂ© ethnique va s’affirmer Ă©videmment par rapport aux autres en les excluant, qu’ils soient de souche britannique ou de souche africaine et de peau noire[3].

La dĂ©veloppement d’un groupe homogĂšne afrikaner s’est globalement appuyĂ©e sur la langue afrikaans et sur le calvinisme, dont la doctrine distinguait un peuple Ă©lu et les autres (voir calvinisme afrikaner). Ainsi, la premiĂšre publication en afrikaans date de 1795. Il s’agissait d’un poĂšme satirique concernant l’occupation britannique de la colonie du Cap. Au XIXe siĂšcle, l’identitĂ© des Boers-Afrikaners s’affirme Ă  travers l’usage de cette langue. À cĂŽtĂ© de l’afrikaans, la dĂ©signation des Afrikaners comme peuple Ă©lu par les thĂ©ologiens des Églises rĂ©formĂ©es a constituĂ© le paradigme central de l’histoire sud-africaine des Afrikaners.

Cependant, ces facteurs culturels unificateurs qui les distinguaient des autres communautés du pays n'enlevaient pas les différences qu'il pouvait y avoir entre des fermiers du Transvaal et des hommes d'affaires afrikaners du Cap[4].

Le dĂ©veloppement du nationalisme afrikaner a permis d'unifier l'ensemble du peuple, toutes classes sociales confondues, vers une mĂȘme destinĂ©, car au dĂ©part, le sens du mot Afrikaner diffĂšre selon qu'on est au Cap ou au Transvaal. Si, au Cap, il dĂ©signe un individu blanc d'origine nĂ©erlando-germano-française qui ne parle que l'afrikaans, rejetant ainsi la catĂ©gorie des mĂ©tis, sa dĂ©finition peut se doubler d'une interprĂ©tation nationaliste plus large utilisĂ©e par l'AfrikanerBond pour dĂ©signer tout sud-africain affirmant une allĂ©geance exclusive Ă  l'Afrique du Sud. Au Transvaal par contre, le concept est restrictif puisqu'un Afrikaner ne peut ĂȘtre qu'un membre de l'Afrikanerdom, c'est-Ă -dire un participant du Grand Trek ou ses descendants[5].

L’histoire des Afrikaners s’est en fait forgĂ©e et continuellement rĂ©fĂ©rĂ©e Ă  une reprĂ©sentation quasi religieuse, utilisant les comparaisons bibliques entre l’oppression des juifs dans l’Ancien Testament et l’exode des Afrikaners du Cap en 1835[6]. Le Grand Trek s'est finalement imposĂ© comme la racine historique du peuple afrikaner, l’évĂ©nement qui lui a donnĂ© son Ăąme, le berceau de la nation[7].

Cartes des rĂ©publiques boers du Transvaal et de l’État libre d'Orange.

Au dĂ©but, il n’existe pas d’institution ou de structure capable de faire Ă©voluer ce sentiment d’appartenance Ă  une communautĂ© spĂ©cifique vers une forme plus moderne de nationalisme. Ce sentiment se limite Ă  la perception d’une destinĂ©e commune et c’est Ă  partir de 1875, consĂ©cutivement Ă  l’apparition des journaux en afrikaans puis du premier livre d’histoire des Afrikaners par Stephanus Jacobus du Toit[8] en langue afrikaans, que se forge le mouvement identitaire afrikaner, sous l’effet et en rĂ©action Ă  l’impĂ©rialisme britannique et Ă  son idĂ©ologie libĂ©rale[9].

Ainsi, les Afrikaners entrent dans l’histoire comme un peuple original et autonome de pionniers, simples et pieux, s’ouvrant une voie en Afrique du Sud avec leur fusil, leur bible, leur paire de bƓufs, leur grand chariot de bois transportant femmes, enfants, matĂ©riel agricole rudimentaire et tous leurs biens terrestres. Un chariot qui sert Ă©galement d’abri, de moyen de transport et de forteresse contre les attaques ennemies[10] - [11].

Si cette image des Afrikaners est d’abord dĂ©passĂ©e par celle de peuple rĂ©sistant et martyr des camps de concentration britanniques de la seconde guerre des Boers puis, aprĂšs la Seconde Guerre mondiale, par celle qu’implique leur rĂŽle dans la promotion de l’apartheid, elle n’en reste pas moins la rĂ©fĂ©rence primaire qui a fondĂ© le sentiment d’appartenance identitaire de tout le peuple afrikaner.

Les Afrikaners vont longtemps se considĂ©rer comme les authentiques sud-africains, architectes de l’Afrique du Sud moderne, attribuant aux Anglo-sud-africains les sobriquets soutie ou soutpiel[14], alors que les non-Blancs Ă©taient relĂ©guĂ©s dans des rĂŽles subalternes, justifiĂ©s selon les plus fondamentalistes des Afrikaners par la malĂ©diction de Canaan (terme biblique concernant Ham, fils de NoĂ©).

Démographie et géographie

ReprĂ©sentation gĂ©ographique de l’Afrique du Sud selon la proportion de locuteurs de langue afrikaans.
Densité de locuteurs afrikaans sur la base du recensement de 2001.

Plus de 3 millions de personnes dans le monde s’identifient en tant qu’Afrikaners, soit 60 % des 4,6 millions de Blancs d'Afrique du Sud.

L’Afrique du Sud est le pays d’origine des Afrikaners. Selon le recensement effectuĂ© en 2001, l’Afrique du Sud compte 2 536 906 personnes pouvant ĂȘtre assimilĂ©es Ă  des Afrikaners (sur des critĂšres combinant peau blanche et langue maternelle afrikaans). Ces Afrikaners reprĂ©sentent plus de 60 % de la communautĂ© blanche toutes origines confondues rĂ©sidant en Afrique du Sud. Le nombre de rĂ©sidents blancs et afrikaners dans ce pays a diminuĂ© sensiblement depuis le recensement prĂ©cĂ©dent de 1996[15]. Ainsi en 2006, l’Institut sud-africain des relations raciales (SAIRR) relevait que prĂšs d’un million de sud-africains blancs, reprĂ©sentant presque un quart du nombre total de Blancs dans le pays, avaient quittĂ© l’Afrique du Sud depuis 1994[16].

Géographiquement et pour des raisons historiques, la population afrikaner se répartit différemment selon les provinces :

Province Population afrikaner Pourcentage du total
Cap-Oriental 148 809 2,31
État libre 214 020 7,90
Gauteng 1 003 860 11,36
KwaZulu-Natal 116 307 1,22
Limpopo 110 028 2,08
Mpumalanga 170 526 5,46
Nord-Ouest 218 611 5,95
Cap-Nord 93 222 11,33
Cap-Occidental 461 522 10,42

La Namibie est le second pays oĂč la communautĂ© afrikaner est la plus reprĂ©sentĂ©e. Selon un recensement effectuĂ© en 2001, la Namibie compterait 133 324 locuteurs de langue afrikaans soit 9,5 % du total de la population[17]. Cette statistique comprend les communautĂ©s mĂ©tis et noires qui ont fait de l’afrikaans leur langue maternelle. Sur les 8 % de Blancs que compte le pays, plus de 60 % d’entre eux sont des Afrikaners contre 32 % de germanophones, 7 % d’anglophones et 1 % de lusophones. Les Afrikaners de Namibie rĂ©sident essentiellement Ă  Windhoek et dans le district de ǁKaras.

Depuis les annĂ©es 1980 et encore plus depuis 1994, de larges communautĂ©s de Sud-Africains blancs anglophones et Afrikaners expatriĂ©s se sont Ă©tablies au Canada, au Royaume-Uni, aux États-Unis, aux Pays-Bas, en Australie, en Nouvelle-ZĂ©lande. De petites communautĂ©s d’Afrikaners rĂ©sident Ă©galement au Mozambique, au Botswana, au Lesotho, au Eswatini et au Zimbabwe.

Selon le recensement national sud-africain de 2011, 2 710 461 Sud-Africains blancs parlent l'afrikaans comme premiĂšre langue, soit environ 5,23% de la population totale de l'Afrique du Sud. Le recensement montre Ă©galement une augmentation de 5,21% de la population afrikaner par rapport au recensement prĂ©cĂ©dent de 2001. 60 000 Afrikaners (2011) sont en mesures de comprendre, ou parler le nĂ©erlandais.

La grande majorité de cette population est de religion chrétienne, protestante calviniste.

Généalogie et ascendance non européenne

Selon une étude génétique publiée en , presque tous les Afrikaners ont reçu un apport génétique non européen. Cette ascendance non européenne est de 4,8 % en moyenne, dont 2,1 % d'ascendance africaine et 2,7 % d'ascendance asiatique/amérindienne. Parmi les 77 Afrikaners étudiés, 6,5 % avaient plus de 10 % d'ascendance non européenne, 27,3 % entre 5 et 10 %, 59,7 % entre 1 et 5 % et 6,5 % en dessous de 1 %. Cette ascendance non européenne semble provenir davantage de personnes emmenées au Cap en tant qu'esclaves (3,4 %) à l'époque coloniale que de la population locale de Khoe-San (1,3 %)[18].

Historique

L’arrivĂ©e au Cap de Jan van Riebeeck en 1652.
Un boer dans le veld sud-africain (1806).
Une Hartebeesthut, maison de boue séchée, habitation des Trekboers dans le Karro.

Les Afrikaners (d’abord appelĂ©s Boers) sont les descendants des colons d’origines hollandaise, allemande et française qui, Ă  partir du XVIIe siĂšcle, vont progressivement occuper la rĂ©gion du Cap de Bonne-EspĂ©rance.

Le , au commandement de cinq navires de la VOC (nommĂ©s Reijer, Oliphant, Goede Hoop, Walvisch, Dromedaris), le capitaine Jan van Riebeeck dĂ©barque dans la baie de la Montagne de la Table prĂšs de la pĂ©ninsule du Cap de Bonne-EspĂ©rance, Ă  la pointe sud-ouest de l’Afrique. C’est avec 90 pionniers dont seulement huit femmes qu’il fonde Le Cap, la citĂ©-mĂšre de la future RĂ©publique d’Afrique du Sud, alors simple comptoir commercial sur la Route des Indes. Jan van Riebeeck ne devait pas Ă©tablir une colonie mais un Ă©tablissement relais pour les navires en route vers les Indes orientales. NĂ©anmoins, pour augmenter la production agricole de la colonie afin de nourrir la population et assurer le ravitaillement des navires, il recommanda que des colons soient libĂ©rĂ©s de leurs obligations vis-Ă -vis de la compagnie et autorisĂ©s Ă  s’installer comme fermiers au Cap et Ă  commercer. C’est en fĂ©vrier 1657 que la compagnie dĂ©livra ainsi ses premiĂšres autorisations Ă  neuf (ex-)employĂ©s pour s’établir librement le long de la riviĂšre Liesbeek. Ceux-ci allaient crĂ©er une classe de propriĂ©taires hollandais de fermiers libres (vrijburgher ou « francs-bourgeois ») appelĂ©s simplement burghers.

La sociĂ©tĂ© des Boers se dĂ©veloppe d’abord dans le cadre d’une Ă©conomie agricole, fondĂ©e sur la culture de la vigne et du blĂ© et sur l’esclavage. En 1688, 238 huguenots chassĂ©s de France par la rĂ©vocation de l’Edit de Nantes rejoignent les 800 habitants nĂ©erlandais de la colonie du Cap et dĂ©veloppent la viticulture sur des terres riches en alluvions, dans la vallĂ©e d’Olifantshoek.

En 1706, les colons nĂ©erlandais expriment leur dĂ©fiance pour la premiĂšre fois envers le gouvernement colonial. Le jeune Hendrik Bibault refuse notamment publiquement d’obĂ©ir aux injonctions d’un juge arguant du fait qu’il n’était plus nĂ©erlandais mais afrikaner. La Compagnie dĂ©cide alors de stopper l’immigration nĂ©erlandaise dans la colonie et d’imposer une administration civile, commerciale et fiscale de plus en plus procĂ©duriĂšre afin de planifier l’économie locale. Cette politique restrictive encourage malgrĂ© elle l’esprit libertarien des colons libres et des paysans nĂ©erlandais natifs de la colonie, dorĂ©navant appelĂ©s Boers. Ces derniers cherchent alors Ă  Ă©chapper au contrĂŽle de la Compagnie et franchissent ses frontiĂšres pour s’établir hors de sa juridiction. Ils refoulent les Hottentots et dĂ©veloppent sur les Ă©tendues du Karoo une culture originale, fortement imprĂ©gnĂ©e de calvinisme et isolĂ©e des grands courants de pensĂ©e qui traversent l’Europe du XVIIIe siĂšcle.

Les Boers finissent par rompre définitivement avec leurs racines européennes, prÎnant entre eux un égalitarisme total et, au nom de leurs valeurs chrétiennes et protestantes, affirment leur supériorité sur les Noirs.

Des Trekboers traversant le désert du Karoo.
Carte indiquant par des flĂšches vertes les migrations des Afrikaners entre le XVIIe et le XIXe siĂšcle et en vert les frontiĂšres successives de la colonie du Cap.

À partir de 1779, l’expansion des Boers est ralentie par les conflits qui se dĂ©veloppent sur la frontiĂšre orientale avec les populations de langue bantoue, les Xhosa, obligeant les autoritĂ©s de la Colonie du Cap Ă  intervenir en annexant de nouveaux districts et en imposant aux Boers de nouvelles frontiĂšres.

En 1795, une rĂ©volte boer Ă  Graaff-Reinet contre les autoritĂ©s coloniales nĂ©erlandaises tourne court. La mĂȘme annĂ©e, la Colonie du Cap est occupĂ©e par l'armĂ©e britannique, puis est de nouveau nĂ©erlandaise en 1803 avant de repasser dĂ©finitivement sous pavillon britannique en 1806. La colonie s’étend alors sur 194 000 kilomĂštres carrĂ©s et compte un peu plus de 60 000 habitants dont quelque 25 000 Blancs, majoritairement des Boers d’origine germano-nĂ©erlandaise et française, 15 000 Khoisans, 25 000 esclaves et un millier d’anciens esclaves libĂ©rĂ©s de leur servitude (alors dĂ©signĂ©s comme "hommes libres"). Une Ă©tude portant sur les origines de la population afrikaner en 1807 rĂ©partissait celle-ci Ă  l’époque en NĂ©erlandais (36,8 %), Allemands des États de langue allemande (35 %), Français (14,6 %), non-Blancs (7,2 %), autres (2,6 %), indĂ©terminĂ©s (3,5 %) et Britanniques (seulement 0,3 %).

Au dĂ©but du XIXe siĂšcle, se cristallise dans la mentalitĂ© afrikaner la prise de conscience d’un destin commun, favorisĂ©e par l’isolement gĂ©ographique par rapport au pouvoir central de la Colonie du Cap. Une culture spĂ©cifique Ă©merge, fondĂ©e sur un dialecte issu du nĂ©erlandais (l’afrikaans), une religion (le calvinisme), un territoire (les vastes espaces du Karoo) et enfin sur l’intime conviction d’appartenir Ă  un groupe privilĂ©giĂ© comparable Ă  celui des HĂ©breux de la Bible, dans le cadre d’une sociĂ©tĂ© encore esclavagiste.

Le Grand Trek des Afrikaners.

La communauté afrikaner est néanmoins partagée entre un groupe urbanisé, sensible au prestige culturel des conquérants anglais qui deviennent de plus en plus nombreux, et un groupe rural, jaloux de son indépendance et de ses privilÚges, hostile à la nouvelle administration britannique.

Sous l’influence des missions protestantes, les autoritĂ©s britanniques prennent d’abord des mesures pour protĂ©ger les MĂ©tis et les Hottentots, notamment en imposant des contrats de travail ou en facilitant les recours judiciaires des salariĂ©s contre leurs employeurs. Un Ă©pisode va longtemps marquer les esprits de la communautĂ© afrikaner et alimenter leur acrimonie envers les Britanniques. En 1815, un jeune Boer de l’intĂ©rieur, Frederic Bezuidenhout, est tuĂ© par un policier hottentot aprĂšs avoir refusĂ© d’obtempĂ©rer Ă  une convocation judiciaire et rĂ©sistĂ© Ă  son arrestation. Son frĂšre parvint Ă  soulever une soixantaine de fermiers, dĂ©cidĂ©s Ă  venger Frederic Bezuidenhout. Perçus comme des rebelles, ils sont pourchassĂ©s et acculĂ©s Ă  la reddition. JugĂ©s, cinq d’entre eux sont condamnĂ©s Ă  mort et pendus Ă  Slachters Neck, le . Quatre le sont d’ailleurs deux fois, la corde ayant rompu sous leurs poids.

En 1822, toujours dans la colonie du Cap, les autoritĂ©s impĂ©riales retirent au nĂ©erlandais son statut de langue officielle dans les tribunaux et les services gouvernementaux. Un processus d’anglicisation est en marche alors que le patois nĂ©erlandais, l’afrikaans, est dĂ©nigrĂ©. En 1828, l’anglais devient la seule langue officielle des affaires administratives et religieuses.

En 1833, aprĂšs avoir reconnu l’égalitĂ© des droits entre Hottentots et Blancs, les Anglais abolissent l’esclavage, provoquant ainsi l’exode d’une partie des Ă©leveurs afrikaners de la frontiĂšre. L’un de leurs chefs, Piet Retief, rĂ©dige un manifeste par lequel il Ă©nonce ses griefs contre l’autoritĂ© britannique, incapable de fournir la moindre protection aux fermiers dans les zones frontaliĂšres, injuste pour avoir Ă©mancipĂ© les esclaves sans indemnisation Ă©quitable des propriĂ©taires. Il termine en Ă©voquant une terre promise oĂč les Boers seraient enfin libres.

Les républiques boers du XIXe siÚcle.
Une famille de fermiers boers en 1886.
L’armĂ©e des Boers en 1900 composĂ©e de commandos reprĂ©sentant parfois 3 gĂ©nĂ©rations.

À partir de 1835, les Trekboers franchissent le fleuve Orange et la chaĂźne du Drakensberg, et fondent au cƓur du pays zoulou la rĂ©publique de Natalia Ă  la suite du Grand Trek de 1836. Le massacre de Retief, de son fils et de ses compagnons par le roi zoulou Dingane kaSenzangakhona est suivi du massacre de prĂšs de 300 civils boers (dont 41 hommes, 56 femmes et 185 enfants) Ă  Blaauwkrans et Weenen. Le , aprĂšs avoir prĂȘtĂ© serment envers Dieu, quelques centaines de Boers remportent une victoire dĂ©cisive sur les Zoulous du roi Dingane : c’est la Bataille de Blood-River, fondement historique de la nation afrikaner.

En 1843, chassĂ©s du Natal (rĂ©publique de Natalia) par les Britanniques, les Voortrekkers traversent de nouveau le Drakensberg, s’installent sur les plateaux austĂšres du Veld, Ă©crasent les Ndebele du chef Mzilikazi et asservissent les Sothos. Ainsi se constituent les rĂ©publiques de l’État libre d’Orange et du Transvaal, dont les Anglais reconnaissent l’indĂ©pendance dans les annĂ©es 1850. Ces rĂ©publiques vont rester rurales et arriĂ©rĂ©es jusqu’aux dĂ©couvertes miniĂšres (diamants en 1867, or en 1886) au cƓur du Transvaal, oĂč va s’élever la mĂ©tropole de Johannesbourg.

En 1875, Stephanus Jacobus du Toit fait partie d’un groupe d’enseignants et de pasteurs de l’église rĂ©formĂ©e hollandaise qui forment Ă  Paarl dans la Colonie du Cap un mouvement de revendication culturel, Die Genootskap van Regte Afrikaners (l’« Association des vrais Afrikaners »), dont l’objectif est de dĂ©fendre et d’imposer l’afrikaans au cĂŽtĂ© de l’anglais comme langue officielle de la colonie. Il s’agit pour eux de donner Ă  la langue parlĂ©e par les paysans afrikaners ses lettres de noblesse et d’en faire un vĂ©ritable outil de communication Ă©crite[19].

En 1876, c’est Ă  cette fin que le mouvement dirigĂ© par Du Toit lance une revue en afrikaans, Die Afrikaanse Patriot dont S.J. du Toit devient le rĂ©dacteur en chef et dont la devise est « Ă©crivez comme vous parlez ». En publiant la prose des lecteurs du journal, Du Toit veut Ă©veiller la conscience nationale des Afrikaners et les libĂ©rer de leur complexe d’infĂ©rioritĂ© culturelle face aux Anglais. DĂšs lors, la dĂ©fense de la langue se confond avec celle de l’identitĂ© afrikaans[20].

La politique de terre brûlée pratiquée contre les fermes des Boers par les soldats britanniques.
Lizzie van Zyl, enfant boer internĂ©e et morte de fiĂšvre typhoĂŻde en 1901 Ă  l'Ăąge de 7 ans, dans le camp de concentration britannique de Bloemfontein durant la seconde guerre des Boers.

En 1877, S.J. Du Toit publie le premier livre d’histoire des Afrikaners, Ă©crit qui plus est en afrikaans, Die Geskiedenis van ons Land in die Taal van ons Volk (L’Histoire de notre pays dans la langue de son peuple), qui s’apparente Ă  un manifeste politique des Afrikaners imprĂ©gnĂ© de mysticisme. Il relate la lutte d’un petit peuple Ă©lu pour rester fidĂšle au dessein de Dieu, de la rĂ©volte de 1795 aux exĂ©cutions de Slagter's Neck en 1815, du Grand Trek de 1836 identifiĂ© Ă  l’exode d’Égypte au meurtre de Piet Retief et au triomphe de Blood River[21].

Le mouvement identitaire afrikaner va ĂȘtre confortĂ© par d’autres historiens comme George McCall Theal, un Britannique natif du Canada. Il est l’un des premiers historiens Ă  avoir examinĂ© l’Afrique du Sud comme une nation et non comme un ensemble hĂ©tĂ©rogĂšne de colonies distinctes[22]. Il va Ă©galement idĂ©aliser l’épopĂ©e du Grand Trek en mettant l’accent sur la main de Dieu[23].

AprĂšs le court conflit de la premiĂšre guerre des Boers, le Transvaal, Ă  la fin des annĂ©es 1880, entre brutalement dans l’ùre du capitalisme industriel Ă  la suite de la dĂ©couverte de gigantesques gisements d’or dans le Witwatersrand. Des dizaines de milliers d’aventuriers et de prospecteurs, venant en majoritĂ© de Grande-Bretagne, affluĂšrent vers la rĂ©gion au grand dam des paysans boers et du prĂ©sident du Transvaal, Paul Kruger. Ces uitlanders (Ă©trangers) dĂ©passĂšrent rapidement en nombre les Boers sur le gisement central du Witwatersrand, tout en restant minoritaires sur l’ensemble du territoire de la rĂ©publique du Transvaal. Le gouvernement de Paul Kruger, agacĂ© par leur prĂ©sence, leur refusa le droit de vote et taxa lourdement l’industrie aurifĂšre. DĂ©sireux d’accaparer les gisements d’or autant que d’unifier toute l’Afrique du Sud sous l’Union Jack, les autoritĂ©s britanniques du Cap sous l’égide de Cecil Rhodes provoquĂšrent une sĂ©rie d’incidents qui aboutirent en 1899 au dĂ©clenchement de la guerre anglo-boer.

AprĂšs des combats acharnĂ©s, le conflit se solde par la victoire du Royaume-Uni, par l’internement de 120 000 civils boers et la mort de plus de 27 927 d’entre eux (dont 22 074 enfants de moins de 16 ans) dans 45 camps de concentration construits par les troupes britanniques. Cette importante mortalitĂ© touchant 10 % de l’ensemble de la population afrikaner Ă©tait la consĂ©quence non seulement de maladies contagieuses telles la rougeole, la fiĂšvre typhoĂŻde et la dysenterie mais aussi d’un manque en matĂ©riel et fournitures mĂ©dicales.

Cet Ă©pisode de l’histoire afrikaner qui marque la dissolution des rĂ©publiques boers, solidifie le ressentiment antibritannique, le rĂ©publicanisme et renforce le mouvement identitaire des Afrikaners qu’il marque tout au long du XXe siĂšcle. Vaincus militairement, les Afrikaners vont devoir s’adapter pour survivre en tant qu’entitĂ© distincte au sein d’un État moderne, industriel et urbanisĂ©. Si certains renoncent Ă  leur identitĂ© culturelle donnant naissance aux anglo-afrikaners, d’autres vont chercher Ă  prĂ©server leur spĂ©cificitĂ© culturelle sur fond d’esprit de rĂ©conciliation entre les ennemis d’hier[24]. Ils vont dĂšs lors entamer une lente reconquĂȘte du pouvoir politique afin de garantir la pĂ©rennitĂ© de leurs droits historiques, linguistiques et culturels sur l’Afrique du Sud.

Ainsi, l’imposition de l’anglais dans les anciennes rĂ©publiques boers, l’interdiction de l’enseignement de l’afrikaans et diverses mesures vexatoires ont pour corollaire la crĂ©ation d’écoles privĂ©es gĂ©rĂ©es par les Afrikaners eux-mĂȘmes qui fournissent alors un terrain propice Ă  la crĂ©ation d’une identitĂ© commune fondĂ©e sur la langue afrikaans, la croyance calviniste et une interprĂ©tation quasi religieuse de l’histoire[25].

En 1910, l’Union sud-africaine est proclamĂ©e et devient dominion de la Couronne. Louis Botha, un ancien gĂ©nĂ©ral boer, est le premier chef de gouvernement sud-africain mais son nationalisme tempĂ©rĂ©, tout comme celui de Jan Smuts, son principal ministre et inspirateur de la constitution sud-africaine, est rejetĂ© par les radicaux du mouvement identitaire afrikaner.

En 1914, plusieurs anciens vétérans de la guerre des Boers comme Christian de Wet tentent sans succÚs une insurrection par laquelle ils proclament le rétablissement des républiques boers.

DessinĂ© Ă  la suite d’un long dĂ©bat national, le drapeau d'Afrique du Sud (1927-1994) reprĂ©sentait essentiellement l’histoire et les symboles des Afrikaners mais aussi la communautĂ© anglophone avec la prĂ©sence de l’Union Jack.
Célébrations du centenaire du Grand Trek (1938).
Monument en bronze du laager (cercle dĂ©fensif) de la bataille de Blood River, autre symbole commĂ©moratif de l’histoire afrikaner.
Ons vir Jou Suid Afrika (« Nous pour toi, Afrique du Sud »), serment d’allĂ©geance des Afrikaners inscrits sur le cĂ©notaphe du Voortrekker Monument Ă  Pretoria symbolisant le tombeau de Piet Retief et de tous les Voortrekkers morts pendant le Grand Trek.

AprĂšs la PremiĂšre Guerre mondiale, les paysans afrikaners, chassĂ©s du platteland par une grave sĂ©cheresse et une crise Ă©conomique, se retrouvent confrontĂ©s Ă  un double phĂ©nomĂšne d’urbanisation et d’acculturation, et entrent en compĂ©tition avec les ouvriers noirs au moindre coĂ»t. Les valeurs et l’ordre traditionnel des Afrikaners s’effondrant, ces derniers se sentent acculĂ©s face Ă  la domination des anglophones, de leurs valeurs liĂ©es aux affaires et Ă  l’argent et face au risque de submersion par les Noirs qui affluent alors vers les villes[26]. Ceux qu’on appelle alors en 1920 les « pauvres Blancs » sont plus de 300 000 personnes, essentiellement des Afrikaners[27].

Face Ă  cette situation, les nationalistes afrikaners s’efforcent de rĂ©inventer des modĂšles culturels Ă  partir du concept d’Afrikanerdom, forgĂ© par Paul Kruger dans les annĂ©es 1880 et destinĂ© Ă  sortir les Afrikaners pauvres de leur condition misĂ©rable et Ă  les aligner sur la petite bourgeoisie anglophone.

En mai 1918, une association est ainsi fondĂ©e Ă  Johannesbourg par trois jeunes Afrikaners dont le but est la dĂ©fense des membres de leur communautĂ© afin de recouvrer les droits perdus en 1902 Ă  la fin de la seconde guerre des Boers. D’abord baptisĂ©e Jong Suid-Afrika, puis Afrikaner Broederbond (Ligue des frĂšres afrikaners), cette association qui rassemblait Ă  son origine des pasteurs calvinistes, des employĂ©s des chemins de fer et des policiers, devient en 1924 une sociĂ©tĂ© secrĂšte franc-maçonne, recrutant un nombre croissant d’instituteurs, de professeurs, d’universitaires et de politiciens. À partir de 1927 le Bond va accroĂźtre son activisme et Ă©tendre son influence et son audience au sein de la communautĂ© de langue afrikaans. Il va dĂ©finir l’identitĂ© de l’Afrikaner, duquel il placera les intĂ©rĂȘts au-dessus de toutes les autres communautĂ©s d’Afrique du Sud. Ainsi, le Broederbond propose comme fondement idĂ©ologique le national-christianisme, inspirĂ© du nĂ©ocalvinisme, qui stipule que « les nations sont nĂ©es d’une volontĂ© divine, que chacune d’elles est dĂ©tentrice d’une spĂ©cificitĂ© et d’une mission Ă  accomplir »[28]. La dĂ©fense de l’identitĂ© afrikaner devient une mission sacrĂ©e dont le triomphe exige la mobilisation totale du peuple de langue afrikaans (le Volk). Si la question raciale n’est pas alors au centre des prĂ©occupations politiques des Blancs sud-africains, c’est sur cette base de l’Afrikanerdom que le concept de l’apartheid va ĂȘtre progressivement Ă©laborĂ©.

En 1922, les mineurs afrikaners du Witwatersrand se mettent en grĂšve pour protester contre le recours accru aux travailleurs noirs, main-d’Ɠuvre abondante et moins payĂ©e, par le patronat du secteur minier. Les ouvriers sont soutenus par les travaillistes et le tout jeune Parti communiste d'Afrique du Sud. Le conflit commence dans les mines de charbon puis s’étend Ă  tout le bassin minier du Rand, regroupant 20 000 travailleurs blancs. Des soviets sont proclamĂ©s et la grĂšve gĂ©nĂ©rale dĂ©clenchĂ©e le . La grĂšve tourne Ă  l’insurrection. Pendant cinq jours les combats font rage dans les quartiers ouvriers du rand pilonnĂ©s par l’aviation sur ordre du premier ministre Jan Smuts. Le mouvement est brisĂ© dans le sang (214 tuĂ©s dont 76 grĂ©vistes, 78 soldats, 30 Africains tuĂ©s par les grĂ©vistes) et 5 000 mineurs sont emprisonnĂ©s. C’est en chantant un hymne communiste que 4 des 18 condamnĂ©s Ă  morts sont exĂ©cutĂ©s[29].

L’échec du mouvement ouvrier conduit Ă  une mobilisation insolite rassemblant travaillistes, socialistes et communistes derriĂšre les nationalistes du Parti national de James Barry Hertzog qui remporte les Ă©lections gĂ©nĂ©rales de 1924.

DĂšs lors, les gouvernements d’inspiration nationaliste s’attachent Ă  dĂ©velopper et protĂ©ger la communautĂ© afrikaner, Ă©rodant la tradition libĂ©rale du Cap alors que dans les annĂ©es 1930, l’aile extrĂȘme du nationalisme subit fortement l’influence du nazisme.

En 1938, les cĂ©lĂ©brations du centenaire de la Bataille de Blood River unissent les Afrikaners autour du thĂšme du Volkseenheid (l’unitĂ© du peuple afrikaans) avec la reconstitution du Grand Trek. Ainsi, le , des centaines de chariots portant chacun le nom d’un des hĂ©ros boers du Grand Trek ou cĂ©lĂ©brant la mĂ©moire des femmes et des enfants partent du Cap en direction de Pretoria. À mesure que les convois progressent et traversent les communes et villages, une vague de patriotisme parcourt le pays. D’autres villes et villages organisent leur propre trek vers Pretoria. En chemin, les Afrikaners se mobilisent en masse : les routes et rues sont rebaptisĂ©es Voortrekker Straat ou Pretorius Straat, les hommes se laissent pousser la barbe comme leurs ancĂȘtres, les femmes mettent leur bonnet traditionnel et des tabliers de paysannes, des jeunes fiancĂ©s font bĂ©nir leur union en costume de Voortrekker, et des enfants baptisĂ©s le long des chars Ă  bƓufs et des feux de joie illuminent les soirĂ©es. À l’approche de la destination finale, les thĂšmes nationalistes et rĂ©publicains se prĂ©cisent alors que le pays est pavoisĂ© aux couleurs sud-africaines, et le , plus de 100 000 Afrikaners (1/10e de la population afrikaner) assistent Ă  Pretoria Ă  la pose de la premiĂšre pierre du Voortrekker Monument, symbole phare du nationalisme boer en prĂ©sence des descendantes d’Andries Pretorius, de Piet Retief et d’Hendrik Potgieter[30] - [31].

Couverture d'un livret de chansons patriotiques édité par la Fédération des organisations culturelles afrikaans (1940).
Panneau en anglais et afrikaans formalisant la sĂ©grĂ©gation raciale dans le cadre de la politique d’apartheid. Ce concept, mis au point par le parti national et le Broederbond, va stigmatiser les Afrikaners durant la seconde moitiĂ© du XXe siĂšcle et les faire passer du statut international de victime de l’impĂ©rialisme britannique Ă  celui d’oppresseur des peuples noirs d’Afrique du Sud.

En 1948, la victoire du Parti national de Daniel François Malan consacre la victoire du Broederbond. Le danger de domination ou d’acculturation anglophone est dĂ©finitivement Ă©cartĂ©, et l’unitĂ© du peuple afrikaans rĂ©alisĂ©e. Cependant, la cohĂ©sion nationale de celui-ci reste menacĂ© par le "Swaartgevaar" (le pĂ©ril noir)[32]. Le thĂšme rĂ©current n’est plus dĂšs lors la dĂ©fense de l’identitĂ© afrikaans face aux anglophones mais celui du peuple blanc d’Afrique du Sud (anglophones, afrikaners, lusophones soit 2,5 millions de personnes en 1950, 21 % de la population totale) menacĂ© par la puissance de la dĂ©mographie africaine (8 millions de personnes en 1950 soit 67 % de la population totale)[33]. L’apartheid est alors prĂ©sentĂ© comme un arsenal juridique destinĂ© Ă  assurer la survie du peuple afrikaner mais aussi comme un « instrument de justice et d’égalitĂ© qui doit permettre Ă  chacun des peuples qui constitue la sociĂ©tĂ© sud-africaine d’accomplir son destin et de s’épanouir en tant que nation distincte». Ainsi, beaucoup de nationalistes afrikaners pensent sincĂšrement que l’apartheid ouvre des carriĂšres et laisse leur chance aux Noirs, chance qu’ils n’auraient pu saisir s’ils avaient Ă©tĂ© obligĂ©s d’entrer en compĂ©tition avec les Blancs au sein d’une sociĂ©tĂ© intĂ©grĂ©e[34]. Cette politique d’apartheid est censĂ©e Ă  la fois complĂ©ter et se diffĂ©rencier de la barriĂšre de couleur (colour bar) et du principe du Baasskap (la domination blanche, en vigueur depuis le XVIIe siĂšcle). Il s’agit d’élever le degrĂ© de sĂ©paration entre les peuples, que ce soit dans la vie sociale, Ă©conomique et politique du pays. Cette distinction se fait au prix d’une sĂ©grĂ©gation impitoyable et d’un renforcement du contrĂŽle policier sur les dĂ©placements de populations dans tout le pays.

Enfants noirs dansant dans les rues de la ville afrikaner de Potchefstroom le jour de Noël 1962 devant des adultes et enfants blancs.

C’est tout Ă  la fois par idĂ©alisme, par intĂ©rĂȘt et par sĂ©curitĂ© que les Afrikaners soutiennent aussi longtemps le systĂšme d’apartheid, convaincus que seul celui-ci peut leur permettre non seulement de survivre en tant que groupe ethnique distinct mais aussi de prĂ©server leurs intĂ©rĂȘts de classe au sein du groupe blanc[35]. Ainsi, entre 1941 et 1955, le revenu moyen annuel des Afrikaners augmente de 50 %. Le pays est en pleine prospĂ©ritĂ© Ă©conomique tandis qu’à partir de 1955 s’élabore la sĂ©paration gĂ©ographique entre Blancs et Noirs au travers de la politique des bantoustans, en dĂ©pit de la rĂ©sistance de plus en plus importante et organisĂ©e de la population noire. Dans les annĂ©es 1960, alors que la rĂ©pression policiĂšre contre l’opposition africaniste s’accentue, que les chefs sont emprisonnĂ©s et leurs partis interdits en vertu de lois d’exception, les Afrikaners proclament la rĂ©publique et, dans les discours, le concept d’ethnicitĂ© spĂ©cifique laisse peu Ă  peu la place Ă  celui de nation. Ainsi, les Noirs ne sont plus prĂ©sentĂ©s comme infĂ©rieurs mais comme diffĂ©rents[28].

Dans les annĂ©es 1970, les Afrikaners n’ont plus la peur pathologique de perdre leur identitĂ©, qui s’affirme d’ailleurs au travers de l’État sud-africain, un Ă©tat militairement fort et Ă©conomiquement puissant. Ceux qui Ă©taient les pauvres Blancs des annĂ©es 1920 constituent dĂ©sormais l’armature de la classe moyenne blanche[36]. La discrimination et la sĂ©grĂ©gation raciale ne sont plus justifiĂ©es en termes idĂ©ologiques mais en termes Ă©conomiques et politiques : la survie du capitalisme et la lutte contre le communisme. Ils n’en revendiquent pas moins le droit historique et le devoir de maintenir leur souverainetĂ© sur l’Afrique du Sud.

Dans les annĂ©es 1980, les Afrikaners sont nĂ©anmoins Ă©branlĂ©s par les condamnations internationales dont l’Afrique du Sud fait l’objet pour sa politique d’apartheid et la violence politique qui l’accompagne. Si certains se rĂ©fugient dans des utopies communautaristes (Volkstaat), d’autres, qui considĂšrent notamment que les Afrikaners sont le cƓur de la nation blanche d’Afrique du Sud, prĂ©fĂšrent tenter l’ouverture politique vers la majoritĂ© noire du pays sous le prĂ©cepte selon lequel l’Afrikaner doit s’adapter pour survivre. C’est un Afrikaner, le prĂ©sident Frederik de Klerk, qui met finalement fin non seulement au systĂšme d'apartheid, mais aussi Ă  la domination politique des Blancs sur le pays, approuvĂ© par une consultation rĂ©fĂ©rendaire auprĂšs de la communautĂ© blanche le . En 1994, le partage du pouvoir avec la majoritĂ© noire devient rĂ©alitĂ© avec l’élection de Nelson Mandela, le premier Noir Ă  la prĂ©sidence de la rĂ©publique et la formation d’un gouvernement d’union nationale rassemblant les anciens maĂźtres du pays, autrefois concepteurs de l’apartheid, et les anciens opprimĂ©s, reprĂ©sentant le groupe de population majoritaire dans le pays.

À partir des annĂ©es 1990, la partie la plus libĂ©rale de la communautĂ© afrikaner appelle Ă  intĂ©grer au sein du peuple afrikaner tous ceux de langue maternelle afrikaans y compris les non-Blancs comme les mĂ©tis, les Malais du Cap, les Basters de Rehoboth et les Griquas.

Dans la nouvelle « nation arc-en-ciel » comme est surnommĂ©e l’Afrique du Sud Ă  partir de 1994, l’identitĂ© afrikaner est de nouveau en cours de restructuration. Ne constituant plus qu’une minoritĂ© ethnique parmi d’autres, les Afrikaners sont sur la dĂ©fensive, s’estimant marginalisĂ©s par le nouveau pouvoir du CongrĂšs national africain. Si l’afrikaans reste la langue maternelle de plus de 13 % de la population, elle n’est plus qu’une des 11 langues officielles du pays, restreignant ainsi sa diffusion dans les publications officielles ou les Ă©missions de radio diffusion.

Une minoritĂ© de ces Afrikaners a cependant ralliĂ© le nouveau pouvoir ANC pour tenter de sauvegarder un minimum d’influence politique sur les commandes du pays. Ce fut notamment le cas des hĂ©ritiers du Parti national afrikaner qui fusionnĂšrent leur parti, le Nouveau Parti national, avec l’ANC en 2005. De son cĂŽtĂ©, le Broederbond s’est rĂ©formĂ© de fond en comble, s’ouvrant aux femmes et aux autres individus, indĂ©pendamment de leur catĂ©gorisation ethnique, ne gardant que l’afrikaans comme mode de recrutement de ses membres.

D’autres se sont regroupĂ©s dans des associations de dĂ©fense de l’identitĂ© afrikaner. Des intellectuels (journalistes, Ă©crivains, universitaires) se sont ainsi regroupĂ©s dans le groupe dit "des 63" comprenant notamment des Ă©crivains progressistes afrikaners tels que Breyten Breytenbach. Des associations de dĂ©fense de l’identitĂ© afrikaans tels Afriforum ou le ComitĂ© d'action civil de Pretoria engagent de leur cĂŽtĂ© des procĂ©dures judiciaires afin de sauvegarder la toponymie afrikaans de la gĂ©ographie sud-africaine au moment oĂč l’africanitĂ© des Afrikaners est remise en question par certaines personnalitĂ©s politiques de l’ANC. Dans le mĂȘme esprit du laager, une fondation de l’hĂ©ritage gĂšre aussi le patrimoine culturel sud-africain liĂ© Ă  l’histoire afrikaner (monuments, statues
).

Les nouveaux Afrikaners du XXIe siĂšcle parlent le langage de la modĂ©ration et de la dĂ©centralisation en se rĂ©fĂ©rant, non plus Ă  leur spĂ©cificitĂ© ethnique et Ă  leurs droits historiques, mais aux concepts modernes et progressistes des droits des minoritĂ©s et du Droit des peuples Ă  disposer d’eux-mĂȘmes. Ainsi, les Afrikaners retranchĂ©s en communautĂ© Ă  Orania, oĂč ils vivent en marge du nouvel État sud-africain, adoptent un tel langage. Longtemps considĂ©rĂ© comme dĂ©risoire, Ă©litiste, raciste et rĂ©actionnaire, la communautĂ© d’Orania a finalement rĂ©ussi Ă  bĂątir sa relative prospĂ©ritĂ© sur l’énergie renouvelable et l’agriculture biologique[37] tout en parvenant Ă  faire reconnaĂźtre sa prĂ©tention politique Ă  l’établissement d’un Volkstaat au sein de l’Afrique du Sud. Elle reste cependant marginalisĂ©e et a toujours du mal Ă  attirer les Afrikaners en grand nombre chez elle.

Religion

La nation afrikaner est trĂšs largement chrĂ©tienne et membre de l'Église rĂ©formĂ©e nĂ©erlandaise. Pour ĂȘtre plus prĂ©cis, en Afrique du Sud, cette Ă©glise rĂ©formĂ©e est une dĂ©nomination commune qui dĂ©signe en fait trois Ă©glises rĂ©formĂ©es calvinistes :

Il existe aussi une petite minorité catholique.

Les diffĂ©rences entre les 3 Ă©glises calvinistes sont essentiellement d’ordre doctrinal. Si elles sont toutes trois autonomes, elles sont liĂ©es par un organisme consultatif fĂ©dĂ©ral. Elles reprĂ©sentent 18 % de la population totale de l’Afrique du Sud.

La principale de ces 3 églises représentatives de la communauté afrikaners est la Nederduits Gereformeerde Kerk (NGK). Elle est également la principale église de la communauté métis.

Lors des premiĂšres dĂ©cennies du XIXe siĂšcle, les calvinistes nĂ©erlandophones de la Colonie du Cap s’étaient Ă©mancipĂ©s de l’Église rĂ©formĂ©e d’Amsterdam et avaient fondĂ© une Église rĂ©formĂ©e nĂ©erlandaise spĂ©cifique Ă  l’Afrique du Sud, la Nederduits Gereformeerde Kerk. Cependant, certaines communautĂ©s afrikaners du Transvaal organisĂšrent leurs cultes et l’administration des sacrements Ă  l’aide de missionnaires, transfuges d’autres congrĂ©gations Ă  la suite du refus de la NGK de soutenir les Voortrekkers.

Ceux-ci fondĂšrent au Transvaal une Église rĂ©formĂ©e indĂ©pendante, la Nederduitsch Hervormde Kerk qui sera elle-mĂȘme victime d’une scission avec la Gereformeerde Kerk van Suid-Afrika.

Ces Ă©glises rĂ©formĂ©es se rĂ©clamaient des concepts religieux d’Abraham Kuyper, fondateur d’une Ă©glise sĂ©paratiste aux Pays-Bas et de l’UniversitĂ© libre d'Amsterdam, qui prĂȘchait le retour littĂ©ral aux Écritures saintes.

C’est ainsi que, par une interprĂ©tation de la doctrine calviniste de la prĂ©destination selon laquelle le salut de l’homme est prĂ©destinĂ© (par Dieu, indĂ©pendamment de l'homme et de ses actions), justifiant le fait que des Ă©lites dirigent le monde et que des non Ă©lus obĂ©issent aux premiers, les concepts sĂ©grĂ©gationnistes sont avalisĂ©s par les prĂ©dicateurs de l’Église rĂ©formĂ©e nĂ©erlandaise. C’est en vertu de ce concept que les Boers, isolĂ©s dans le veld, s’étaient facilement assimilĂ©s au peuple Ă©lu et avaient cru jusqu’à la fin des annĂ©es d’apartheid, que Dieu leur avait donnĂ© l’Afrique du Sud comme il avait donnĂ© le pays de Canaan aux HĂ©breux, les Noirs Ă©tant assimilĂ©s aux CananĂ©ens. Ceux qui ne font pas partie du cercle des Ă©lus sont donc des proscrits, condamnĂ©s depuis le commencement des temps. Dieu n’est plus alors ici un unificateur mais un grand diviseur qui a trouvĂ© bon d’établir des frontiĂšres entre les peuples et les groupes de peuples[38]. Et c’est encore par une lecture particuliĂšre des Ă©critures saintes que la sĂ©grĂ©gation "raciale" fut justifiĂ©e : par le biais de l’histoire des fils de NoĂ© dont l’un avait Ă©tĂ© condamnĂ© par son pĂšre Ă  servir ses 2 frĂšres[39].

À partir des annĂ©es 1920, les Ă©glises rĂ©formĂ©es, Ă  commencer par la NGK, vĂ©ritable "Église du peuple afrikaner" (Volkskerk), contribuent au dĂ©veloppement du nationalisme afrikaner, gĂ©nĂ©ralisant, dans le cadre d’une Ă©ducation nationale-chrĂ©tienne, l’idĂ©e d’une Ă©lection collective des Afrikaners justifiant thĂ©ologiquement la sĂ©grĂ©gation[40]. NĂ©anmoins, si elles sont alors proches des dirigeants de l’État sud-africain, le pays demeura un État laĂŻc.

Ainsi, en 1963, les trois Églises rĂ©formĂ©es menĂšrent sans succĂšs campagne en faveur de la « sanctification du dimanche » et de l’interdiction dominicale des danses, des vols d’avions et des autres distractions publiques[41].

L’Église rĂ©formĂ©e nĂ©erlandaise (NGK) a condamnĂ© la politique d’apartheid Ă  partir de 1986.

En 1992, les Afrikaners fidĂšles Ă  l’apartheid ont quittĂ© la NGK et fondĂ© l’Afrikaanse Protestante Kerk (APK).

En 2007, plus de 40 % des Afrikaners appartenaient Ă  l’Église rĂ©formĂ©e nĂ©erlandaise de la NGK (contre 70 % il y a trente ans). Populations significatives par rĂ©gions.

Politique

Les premiers dirigeants politiques afrikaners ont Ă©mergĂ© au XIXe siĂšcle dans le but de reprĂ©senter les intĂ©rĂȘts des Boers face Ă  la nouvelle administration britannique. En 1835, Piet Retief signe un manifeste dans lequel il exprime les aspirations politiques des Boers, justifiant le Grand Trek vers l'intĂ©rieur des terres. Durant cette pĂ©riode, des chefs Ă©lus par les membres du Grand Trek tels Andries Pretorius ou Hendrik Potgieter deviennent de vĂ©ritables chefs communautaires, Ă  la fois politiques et militaires, et fondateurs des rĂ©publiques boers.

Durant la seconde partie du XIXe siĂšcle, trois figures politiques principales reprĂ©sentent alors les aspirations politiques des Afrikaners. Le premier est Marthinus Wessel Pretorius, homme politique du Transvaal, dont l'action politique se caractĂ©rise par la volontĂ© unificatrice des rĂ©publiques boers. Le second est Paul Kruger, vĂ©tĂ©ran du Grand Trek et chef militaire charismatique. Il accĂšde Ă  la prĂ©sidence du Transvaal et symbolise jusqu'Ă  l'extrĂȘme l'austĂ©ritĂ© calviniste et la rĂ©sistance Ă  l'impĂ©rialisme britannique. Le troisiĂšme est Jan Hofmeyr (en), homme politique de la Colonie du Cap et chef de l'Afrikaner Bond, le premier parti politique de la communautĂ© afrikaner, dont l'ambition est d'unifier sous la direction afrikaner les colonies britanniques et les rĂ©publiques boers au sein d'un mĂȘme État sud-africain et indĂ©pendant.

La seconde guerre des Boers de 1899-1902 permet cette unification sud-africaine mais sous le contrĂŽle de la mĂ©tropole britannique. Les Afrikaners s’organisent alors au sein de partis nationalistes comme le "Het Volk", fondĂ© par le gĂ©nĂ©ral Louis Botha et prĂ©dĂ©cesseur du Parti sud-africain, une formation centriste prĂŽnant le rapprochement avec les anglophones.

C'est grùce à la volonté de réconciliation entre les formations politiques modérées boers et anglophones et à l'entregent d'hommes politiques comme Louis Botha et Jan Smuts, que se constitue en 1910 le dominion de l'Union sud-africaine, dirigé par des Afrikaners modérés alliés à des Anglo-afrikaners.

En 1914, des dissidents du parti sud-africain, menĂ©s par James B. Hertzog, fondent le Parti national destinĂ© Ă  reprĂ©senter les seules aspirations de la communautĂ© afrikaner. RĂ©solument hostile aux Britanniques et aux Anglo-afrikaners, nostalgique des anciens États boers dont il rĂ©clame le rĂ©tablissement de la souverainetĂ©, le Parti national est partisan de la rĂ©publique et de la rupture des liens Ă©conomiques et politiques avec la Grande-Bretagne. C'est aussi un parti nationaliste, hostile Ă  toute libĂ©ralisation du systĂšme "racial" qu’il considĂšre comme attentatoire aux droits politiques des Afrikaners. Il se veut l’expression politique du peuple afrikaner et, en rĂ©unissant progressivement l’unitĂ© de celui-ci derriĂšre ses candidats, il parviendra un temps Ă  son objectif.

Dans les annĂ©es 1930, plusieurs mouvements extra-parlementaires extrĂ©mistes recrutent au sein de la population afrikaner. Ces mouvements restent marginaux mais leur activisme voyant menace le gouvernement et le Parti national. Celui-ci se scinde en deux formations en 1935, quand l’aile conservatrice refuse de suivre Hertzog dans le Parti uni, fruit d’un rapprochement avec l’Anglo-afrikaner Jan Smuts.

En 1939, le Parti national est briĂšvement rĂ©unifiĂ© pour contrer l’entrĂ©e de l’Afrique du Sud dans la Seconde Guerre mondiale. Les modĂ©rĂ©s fondent en 1941 le Parti afrikaner, moins dogmatique envers les anglophones et favorable Ă  l’intĂ©gration des mĂ©tis, peuple de langue afrikaans.

En 1948, le Parti national de Daniel François Malan, alliĂ© au Parti afrikaner de Nicolaas Havenga, remporte les Ă©lections gĂ©nĂ©rales de 1948. Ils mettent en application leur projet de sociĂ©tĂ© : l’apartheid.

Cette politique est menĂ©e consciencieusement par les gouvernements de Daniel François Malan (1948-1954), de Johannes Strijdom (1954 - 1959), puis d’Hendrik Verwoerd (1959-1966), avec le soutien, Ă  chaque Ă©lection de plus en plus massif, des Afrikaners ralliĂ©s progressivement par la majoritĂ© des anglophones. Le Parti uni, l’opposition officielle, menĂ© par Sir De Villiers Graaff, un afrikaner anobli par la reine d’Angleterre, ne parvient pas Ă  contenir l’hĂ©morragie de ses Ă©lecteurs essentiellement anglophones.

En 1961, Hendrik Verwoerd donne aux Afrikaners l’occasion de se prononcer en faveur de l’établissement d’une RĂ©publique en Afrique du Sud et d’accomplir le dernier rĂȘve du nationalisme afrikaner. La force dĂ©mographique dans la communautĂ© blanche et la mobilisation des Afrikaners leur permet de remporter le rĂ©fĂ©rendum consultatif face aux anglophones fidĂšles Ă  la monarchie britannique et de proclamer la rĂ©publique le .

Pourtant, une opposition au Parti national prend progressivement de l’ampleur au sein de la communautĂ© afrikaner, notamment sous le mandat de John Vorster (1966-1978). Ainsi, une opposition progressiste et surtout hostile Ă  la sĂ©grĂ©gation raciale Ă©merge Ă  partir de 1974 et trouve un chef de file afrikaner plus efficace, Frederik van Zyl Slabbert. Elle reste cependant trĂšs minoritaire au sein de l’électorat afrikaner, tandis que l’effondrement du Parti uni, parti des libĂ©raux conservateurs, contribue au triomphe Ă©lectoral du Parti national en 1977.

C’est sous le gouvernement de Pieter Botha (1978-1989) qu’une autre opposition prend aussi de l’envergure, mais celle-ci se constitue Ă  droite notamment parmi l’électorat afrikaner rural qui refuse toute libĂ©ralisation de la lĂ©gislation raciale. Issu de l’affrontement au sein du Parti national entre les Verkramptes (" les CrispĂ©s", soit les conservateurs) et les Verlightes ("les Ă©clairĂ©s" soit les rĂ©formistes) du Parti national, le Parti conservateur est fondĂ© par Andries Treurnicht dans le but de s’opposer Ă  l’ouverture politique aux autres communautĂ©s sud-africaines et, sans succĂšs, Ă  l’instauration d’un Parlement tricamĂ©ral. En 1987, avec 20 % des voix, le Parti conservateur dĂ©trĂŽne l’opposition progressiste de son statut d’opposition officielle, dĂ©montrant ainsi par ce succĂšs le refus des quelques timides rĂ©formes progressistes de Pieter Botha par une partie importante de l’électorat afrikaner.

Lors des Ă©lections gĂ©nĂ©rales de 1989, le Parti conservateur remporte 45 % des voix de la communautĂ© afrikaner, juste derriĂšre le Parti national (46 % des voix afrikaners), lequel reçoit un soutien dĂ©sormais majoritaire de la communautĂ© anglophone (50 %). Le nouveau prĂ©sident Frederik de Klerk entreprend alors de rechercher une solution alternative Ă  l’apartheid. Il lĂ©galise les mouvements noirs, libĂšre les prisonniers politiques comme Nelson Mandela et entame des nĂ©gociations constitutionnelles pour une Afrique du Sud post apartheid. À la suite d'une succession d’échecs Ă©lectoraux au profit du Parti conservateur lors d’élections partielles, il organise un rĂ©fĂ©rendum consultatif auprĂšs de la population blanche pour lui demander d’avaliser sa politique. Le , la communautĂ© blanche l’approuve Ă  68,7 % des voix. Les rĂ©gions afrikaners lui apportent leur soutien mais dans des proportions bien moindres que les rĂ©gions anglophones. Seul le Nord-Transvaal, peuplĂ© principalement d’Afrikaners et bastion du Parti conservateur, refuse par 59 % des voix de le soutenir.

En avril 1994, en trĂšs large majoritĂ©, les Afrikaners et les anglophones apportent leur suffrage au Parti national de Frederik de Klerk, lui permettant d’obtenir 20 % des suffrages lors des premiĂšres Ă©lections nationales non discriminatoires du pays.

Depuis les Ă©lections gĂ©nĂ©rales sud-africaines de 1999, le vote afrikaner se concentre sur l’Alliance dĂ©mocratique, un parti libĂ©ral-conservateur (issu d'une fusion du parti dĂ©mocratique et du parti national) dirigĂ© successivement par un anglophone, Tony Leon puis par Helen Zille (une Germano-anglophone). Loin derriĂšre, une part minoritaire du vote afrikaner est acquis au Front de la libertĂ©, un parti communautariste. Enfin, une infime minoritĂ© a suivi le Nouveau Parti national lors de sa fusion avec le CongrĂšs national africain en 2005. À dĂ©faut de pouvoir peser dorĂ©navant politiquement par le biais d’un parti politique, les Afrikaners se sont plus efficacement organisĂ©s pour dĂ©fendre, notamment sur le terrain juridique et par le biais d’associations ou de fondations diverses, la prĂ©servation de leurs droits culturels et historiques en tant que groupe ethnique minoritaire d’Afrique du Sud. Ces associations se battent pour prĂ©server l’enseignement en afrikaans dans les Ă©coles, lycĂ©es et universitĂ©s ou pour sauvegarder la toponymie afrikaans liĂ©e Ă  l’histoire des Boers.

En mai 2008, c'est en tant que minorité nationale, et aprÚs une campagne active menée par le Front de la liberté que les Afrikaners sont intégrés au sein de l'Organisation des nations et des peuples non représentés (UNPO), dont l'objet est la lutte pour les droits des minorités, par le biais du lobbying auprÚs des Nations unies et de l'Union européenne. Les Afrikaners siÚgent désormais dans cette organisation aux cÎtés de 70 autres minorités nationales, dont les AborigÚnes d'Australie, les Maasaï du Kenya et de Tanzanie, ainsi que les Tibétains [42].

Culture

Architecture

Propriété viticole de Rhone Manor à Boschendal.
Place de l’église Ă  Pretoria dominĂ© par la statue de Paul Kruger rĂ©alisĂ©e par Anton van Wouw et le Raadsaal du Transvaal (Ă  droite).

L’architecture sud-africaine de la communautĂ© afrikaner est avant tout marquĂ©e par le style hollandais du Cap (Cape Dutch) d’inspirations nĂ©erlandaise, française, allemande et indonĂ©sienne. Elle constitue la forme d’architecture la plus typique du pays.

Les premiĂšres habitations coloniales des Boers Ă©taient des hartbeeshuis dont les murs se composaient de mĂ©langes de branchages, d’herbes, de boue et de bouses de vache. Ce type d’habitation trĂšs sommaire abrita les populations blanches les plus pauvres et subsista dans les campagnes jusqu’au dĂ©but du XXe siĂšcle, comme en tĂ©moigne la Mission des FrĂšres moraves d’Elim dans la province du Cap-Occidental.

C’est sur les prospĂšres terres viticoles de la Colonie du Cap que se dĂ©veloppa le style hollandais du Cap si caractĂ©ristique des plus belles demeures d’Afrique du Sud. Les villes de Stellenbosch, Swellendam, Tulbagh, Paarl et Graaff-Reinet sont les plus reprĂ©sentatives de ce style architectural, qui fut exportĂ© jusqu’au Zimbabwe par les pionniers boers mais aussi britanniques Ă  la fin du XIXe siĂšcle et au dĂ©but du XXe siĂšcle. Formant Ă  l’origine une simple structure triangulaire, ces habitations s’ornĂšrent progressivement d’arĂȘtes de plĂątre moulĂ© aux lignes courbes, celles-ci pouvant Ă©voluer en volutes et spirales. Les façades blanchies Ă  la chaux accentuaient la splendeur de ces demeures sur fond de ciel bleu sud-africain alors que les toits de chaumes Ă©taient un efficace rempart contre la chaleur du climat. Ces maisons Ă©voluĂšrent au cours des XVIIe et XVIIIe siĂšcles. D’abord gĂ©nĂ©ralement basses et rectangulaires, elles s’enrichirent d’ailes symĂ©triques sĂ©parĂ©es par une cour formant un T, un U ou un H.

Quinan House (1901) Ă  Somerset West.

À la fin du XVIIIe siùcle, les architectes français Louis-Michel Thibault et allemand Anton Areith introduisirent dans l’architecture locale les colonnades, les bas-reliefs et les portiques.

Dans les rĂ©publiques boers, le style Cape Dutch resta la rĂ©fĂ©rence architecturale mais Ă  la fin du XIXe et au dĂ©but du XXe siĂšcle, les nouveaux bĂątiments publics se parĂšrent d’élĂ©ments inspirĂ©s du style wilhelminien originaire du Nord de l’Europe, comme en tĂ©moigne le Parlement (Raadsaal) du Transvaal Ă  Pretoria.

Une rue typique des villes du Transvaal des années 50 et 60 (ici, la rue de l'église à Potchefstroom en 1962) avant les importantes rénovations urbaines des années suivantes.

Au XXe siĂšcle, le mouvement identitaire afrikaner s’exprima aussi au travers de l’architecture, notamment dans le style nĂ©oroman dont Gerard Moerdijk (1890 - 1958) fut l’un des meilleurs reprĂ©sentants. C’est Ă  cet architecte afrikaner considĂ©rĂ© comme l’un des plus prolifiques de sa gĂ©nĂ©ration que l’on doit plus de 80 Ă©glises, qu’il dessina en incorporant des Ă©lĂ©ments de l’architecture traditionnelle nĂ©erlandaise du Cap, mais aussi d’innombrables banques, hĂŽpitaux, hĂŽtels de ville, les bĂątiments de l’UniversitĂ© de Pretoria, et le Voortrekker Monument, situĂ© aux abords de la capitale sud-africaine.

Sculpture

Sculptures de Strijdom square Ă  Pretoria par Danie de Jager et Coert Steynberg.

À l’inverse de ses pays voisins comme le Mozambique, l’Afrique du Sud ne prĂ©sente pas de tradition historique significative dans le domaine artistique de la sculpture. Cet art s’est essentiellement dĂ©veloppĂ© au XXe siĂšcle avec des artistes natifs des Pays-Bas comme Anton van Wouw, considĂ©rĂ© comme le pĂšre de la sculpture sud-africaine et notamment auteur de la fameuse statue de Paul Kruger Ă  Pretoria. Comme beaucoup d’artistes afrikaners, de nombreux sculpteurs, dont les Ɠuvres furent reconnues au niveau international, ont fait connaĂźtre leur art par le biais de commandes publiques du gouvernement sud-africain. Ce fut le cas de Coert Steynberg et de Danie de Jager, auteurs de nombreux monuments officiels cĂ©lĂ©brant les hĂ©ros ou les symboles de l’histoire afrikaner.

Plus rĂ©cemment, Andries Botha a rĂ©alisĂ© d’importantes sculptures au style tourmentĂ© exprimant puissance et vulnĂ©rabilitĂ©, inspirĂ©es par sa confrontation avec la culture afrikaner dans laquelle il ne se reconnaissait plus. Il s’agissait pour lui d’exprimer ainsi une citoyennetĂ© culturelle avec des crĂ©ations marquĂ©es par le spiritualisme chrĂ©tien, rĂ©alisĂ©es Ă  partir de matĂ©riaux traditionnels africains.

Peinture

Paysage de la brousse sud-africaine (1928) par Jacobus Hendrik Pierneef.

Les premiers peintres afrikaners étaient avant tout des paysagistes influencés par les impressionnistes européens. Hendrik Pierneef, Hugo Naude ou Willem Coetzer décrivent notamment dans un style particulier, attaché au détail, la beauté des paysages sud-africains dans des couleurs pastels.

À l’exception d’Irma Stern (d’origine allemande), les peintres afrikaners ou blancs en gĂ©nĂ©ral ne reprĂ©sentaient presque jamais les habitants noirs du pays.

Dans les annĂ©es 1960, une nouvelle gĂ©nĂ©ration menĂ©e par Walter Battiss (un anglophone Ă©levĂ© en milieu afrikaner) et Alexis Preller suit timidement l’influence du surrĂ©alisme.

Dans les annĂ©es 1980, la peinture expose des ĂȘtres hybrides prĂ©figurant un certain mĂ©tissage, tandis que David Kuijers reprend dans les annĂ©es 1990 les thĂšmes traditionnels de l’art dĂ©coratif de la peinture afrikaner.

Littérature

C'est au dĂ©but du XXe siĂšcle que se dĂ©veloppe rĂ©ellement la littĂ©rature sud-africaine en gĂ©nĂ©ral et afrikaner en particulier. Dans un premier temps, la vie rurale des Afrikaners est dĂ©crite par des auteurs issus de la communautĂ© anglophone ou allemande comme Olive Shreiner (1855-1920), Ă©levĂ©e au cƓur de l’Afrique du Sud. Cette sympathisante des Boers s’en prit notamment au cynisme dominateur de l’impĂ©rialiste britannique Cecil Rhodes mais aussi Ă  la rigiditĂ© du systĂšme social afrikaner (The story of an african farm).

Les Afrikaners se dotent d’une sociĂ©tĂ© littĂ©raire (Afrikaanse Taalvereniging) en 1907 et d’un prix (le prix Hertzog) en 1914, ainsi que d’une AcadĂ©mie des sciences et des arts (Suid-Afrikaanse Akademie vir WetensKap en Kuns) en 1909[43].

C’est sous la plume d’EugĂšne Marais (1871-1936), de Louis Leipoldt (1880-1947) et de Jan Celliers (1865-1940) que se dĂ©veloppe la poĂ©sie en langue afrikaans. Ces Ă©crivains sont d’abord inspirĂ©s par les consĂ©quences nĂ©fastes de la seconde guerre des Boers et par les souffrances endurĂ©es par ces derniers dans les camps de concentration britanniques. Ils sont aussi inspirĂ©s par la beautĂ© des paysages sud-africains, l’esprit pionnier des Boers, la religion et la foi en un monde Ă  l’image de Dieu, exprimant dans leurs poĂšmes et rĂ©cits leur attachement Ă  la culture paysanne occidentale, au monde chrĂ©tien et Ă  ses bienfaits. C’est la pĂ©riode dite du Plaas Roman. En 1927, un poĂšme lyrique en afrikaans de Cornelius Jacob Langenhoven, Die Stem van Suid-Afrika, dĂ©crivant l’immensitĂ© du veld et l’allĂ©geance des pionniers envers leur pays, devient l’hymne national d’Afrique du Sud tandis que Totius, poĂšte et professeur de thĂ©ologie, s’inspire du calvinisme pour proposer une lecture religieuse de l’histoire des Afrikaners dont les souffrances seraient la preuve de leur Ă©lection divine[44].

À la fin des annĂ©es 1920, les thĂšmes consacrĂ©s Ă  la guerre et au martyr des enfants boers morts dans les camps anglais s’estompent pour cĂ©der la place Ă  une Ă©criture plus intimiste. Toon van der Heever et EugĂšne Marais s’interrogent notamment sur la destinĂ©e des Afrikaners alors que DaniĂ«l Francois Malherbe s’inspire de l’histoire des pionniers boers pour proposer une nouvelle morale Ă  suivre aux jeunes gĂ©nĂ©rations d’Afrikaners dĂ©racinĂ©s. Durant cette Ă©poque, l’un des thĂšmes dominants de la littĂ©rature afrikaans est la description du dĂ©chirement des Afrikaners entre villes et campagnes et l’exaltation de la libertĂ© individuelle et de la frontiĂšre[45].

Dans les annĂ©es 1930 et 1940, le mouvement des « Dertigters », dont les chefs de file sont N. P. van Wyk Louw, Dirk Opperman, C. M. van den Heever et Uys Krige, s’interroge sur le sens de la vie et tĂ©moigne de l’inquiĂ©tude d’un peuple Ă  la recherche de ses repĂšres. L’élite intellectuelle afrikaner est ainsi fermement mobilisĂ©e pour lutter contre la massification et pour la dĂ©fense de ses valeurs et de sa culture.

Dans un registre moins marqué par leurs origines, les Afrikaners Charles Bosman et Laurens van der Post, écrivent en anglais et connaissent une véritable notoriété internationale.

John Maxwell Coetzee, né en Afrique du Sud, naturalisé australien en 2006.

À partir des annĂ©es 1960, un certain nombre d’écrivains, les Sestigers, traduisent les angoisses et conflits des Afrikaners modernes. Ils abordent les questions de sexe, contestent la toute-puissance de l’église rĂ©formĂ©e, sa morale et l’apartheid. Ces jeunes auteurs issus de l’élite intellectuelle des grandes universitĂ©s sud-africaines ont souvent sĂ©journĂ© en Europe et constatĂ© l’abĂźme sĂ©parant les mentalitĂ©s sud-africaine et europĂ©enne, poussant certains d’entre eux dans le dĂ©sespoir et la mort, Ă  l’instar d’Ingrid Jonker (1933-1965). D’autres, comme Étienne Leroux mais surtout AndrĂ© Brink et Breyten Breytenbach remettent en cause l’apartheid par le biais de leur production littĂ©raire (Une saison blanche et sĂšche
). A contrario, d'autres encore comme Frans Venter traitent de la question "raciale" par le biais du paternalisme (Die Swart Pelgrims) et sont bien accueillis par la presse gouvernementale de langue afrikaans.

En un seul livre, le journaliste afrikaner Rian Malan exprime au monde entier les angoisses identitaires et sĂ©curitaires de son peuple dans son best seller publiĂ© en 1991 "Mon cƓur de traĂźtre". Dans ce livre, l’auteur exprime l’attachement physique qui le lie Ă  son pays et ses doutes d'Afrikaner progressiste, opposĂ© Ă  la sĂ©grĂ©gation raciale, face Ă  l’avĂšnement Ă  la fois espĂ©rĂ© et redoutĂ© d’un gouvernement Ă  majoritĂ© noire Ă  la direction du pays.

Depuis le dĂ©but des annĂ©es 1990 et en particulier depuis 1994, des figures politiquement moins engagĂ©es comme celles de J. M. Coetzee et de Karel Shoeman se sont imposĂ©es face aux anciens Sestigers. Alors que Karel Schoeman se concentre sur le passĂ©, s’attachant Ă  illustrer les splendeurs de sa terre natale (En Ă©trange pays), Coetzee dĂ©crit la « solitude de l’homme blanc » (En attendant les Barbares) et les angoisses de son pays (DisgrĂące). Une nouvelle gĂ©nĂ©ration Ă©merge Ă©galement, proposant un nouveau regard sur la nation afrikaner. Ainsi, dans son livre « Triomf », Marlene Van Niekerk se penche sur la misĂšre des Blancs avant l’avĂšnement du gouvernement multiethnique. Dans Die Reuk van Appels (« L'odeur des pommes »), l'Anglo-afrikaner Mark Behr dĂ©crit la mentalitĂ© afrikaner et l'apartheid Ă  travers les yeux d'un enfant de 10 ans, fils d'un militaire haut-gradĂ©.

Cinéma

Pendant plus de 70 ans, la production nationale sud-africaine s’est essentiellement limitĂ©e Ă  de grandes fresques historiques consacrĂ©es aux Afrikaners. Le film symbole de cette pĂ©riode est De Voortrekkers (1916), retraçant l’histoire du Grand Trek.

C’est en 1895 que le premier kinĂ©toscope est apparu en Afrique du Sud et le cinĂ©ma fit alors progressivement son apparition.

En 1913, les diffĂ©rents distributeurs furent regroupĂ©s sous le contrĂŽle de la sociĂ©tĂ© "African Films" qui fixa les rĂšgles de l’industrie cinĂ©matographique nationale pendant de longues annĂ©es. Des Ă©popĂ©es historiques furent alors produites comme "De Voortrekkers", "Les mines du roi Salomon" et "Allan Quatermain".

Dans les annĂ©es 1950, le rĂ©alisateur afrikaner Jamie Uys parvint Ă  produire Daar doer in die bosveld [46], un film indĂ©pendant, grĂące Ă  l’obtention de subventions accordĂ©es par des entreprises privĂ©es et rĂ©alisera par la suite de nombreux films populaires.

À partir de 1956, l’État sud-africain lui-mĂȘme subventionne les productions nationales censĂ©es reflĂ©ter la sociĂ©tĂ© sud-africaine sous le gouvernement d’Hendrik Verwoerd. Sur les 60 films rĂ©alisĂ©s entre 1956 et 1962, 43 Ă©taient en langue afrikaans, 4 en version bilingue et les 13 restants en anglais (3continents.com). L’industrie cinĂ©matographique dominĂ©e par les Afrikaners profitait d’un systĂšme de subventions prĂ©fĂ©rentiel. Ainsi, Ă  partir de 1962, les capitaux afrikaners prirent de l’importance dans l’industrie cinĂ©matographique locale, d’autant plus que le public afrikaner est relativement large et trĂšs stable, garantissant presque automatiquement Ă  chaque film de langue afrikaans une carriĂšre assez longue dĂšs lors qu’il apporte un divertissement lĂ©ger et qu'il traite de maniĂšre idĂ©aliste la rĂ©alitĂ© afrikaner et ses prĂ©jugĂ©s (Hans en die Rooinek, Lord Oom Piet, Die professor en die Prikkelpop).

En 1969, le financement, la production et la distribution de films dans le pays se retrouvent aux mains d’une seule grande sociĂ©tĂ©, le Suid Afrikaanse Teaterbelange Beperk. Les films en afrikaans se conformant aux valeurs conservatrices bĂ©nĂ©ficient d’une exploitation suffisante pour ĂȘtre rentables et d’un public fidĂšle. « Ce conservatisme idĂ©aliste se caractĂ©rise par un attachement au passĂ©, aux idĂ©aux de la "puretĂ© linguistique et raciale" et aux normes religieuses et morales »[47]. Ces films tels que Lord Oom Piet, King Hendrik ou plus tard les films pro-gouvernementaux Kaptein Caprivi et Aanslag op Kariba n’ont pas ou peu vocation Ă  intĂ©resser un public Ă©tranger et l’éventualitĂ© de leur exploitation internationale est rarement envisagĂ©e. Toute analyse critique de la culture afrikaner Ă©tait d’ailleurs soigneusement Ă©vitĂ©e au profit de la prĂ©sentation d’un stĂ©rĂ©otype populaire univoque de l’Afrikaner (comme dans les films de Jamie Uys). Toutefois, certains films comme Debbie osent commencer Ă  remettre en cause certaines des valeurs conservatrices de l'Ă©glise rĂ©formĂ©e hollandaise et Ă  affronter la censure.

À la fin des annĂ©es 1960 et dans les annĂ©es 1970, les films de Jans Rautenbach et Emil Nofal, comme Die Kandidaat[48] (1968), Katrina[49](1969) et Jannie Totsiens[50](1970), sont les premiers Ă  traiter du monde afrikaner dans le contexte d’une Afrique du Sud multiculturelle.

Dans les années 70, des films sud-africains politiquement neutre comme Lost in the desert et Kalahari connaissent un relatif succÚs à l'international.

À partir de 1976 et de l’avĂšnement de la tĂ©lĂ©vision, des cinĂ©astes de langue afrikaans comme Manie van Rensburg rĂ©alisent des fictions et sĂ©ries de bonne facture pour la tĂ©lĂ©vision nationale et le cinĂ©ma, notamment centrĂ©es sur la psychologie afrikaner comme Verspeelde Lente (1983), Die Perdesmous (1982) et The Native Who Caused All the Trouble (1989), sur les Afrikaners urbains comme Die Bankrower (1973), Die Vuurtoring (1984), Taxi to Soweto (1991 et sur les racines du nationalisme afrikaner comme Heroes (1985), et The fourth reich (1990)[51].

L'actrice Charlize Theron, une Afrikaner, née en Afrique du Sud, naturalisée américaine en 2007.

En 1980, la comĂ©die de Jamie Uys, Les dieux sont tombĂ©s sur la tĂȘte , rĂ©alisĂ©e en anglais est exploitĂ©e Ă  l'exportation sous licence botswanaise pour cause d'apartheid. Le film est alors le plus grand succĂšs international cinĂ©matographique d'Afrique du Sud. Des films de camĂ©ra cachĂ©e sont alors Ă©galement exploitĂ©s sur le marchĂ© international avec un certain succĂšs par Jamie Uys et le comique Leon Schuster.

Les annĂ©es 1980 marquent la fin de la domination du cinĂ©ma en langue afrikaans marquĂ© par "Broer Matie" de Rautenbach, "Mamza" de Johan Blignaut, "Fiela se Kind" de Katinka Heyns, et la sĂ©rie "Veldslag" (1990) alors que la production anglophone, notamment pour les coproductions, commence Ă  s'imposer (la mini-sĂ©rie "1922" consacrĂ©e Ă  la l’insurrection du Rand fut ainsi rĂ©alisĂ©e en anglais tout comme la sĂ©rie Shaka Zulu).

Si le cinĂ©ma en afrikaans se rarĂ©fie relativement, les comĂ©diens et cinĂ©astes d’origine afrikaner font cependant carriĂšre dans la langue de Shakespeare. Si Sandra Prinsloo est pendant une dizaine d’annĂ©es la comĂ©dienne sud-africaine retenue pour les coproductions internationales de films et de sĂ©ries tournĂ©s en Afrique du Sud, l’acteur Arnold Vosloo et surtout l’actrice Charlize Theron mĂšnent une carriĂšre hors de leurs frontiĂšres nationales Ă  Hollywood.

Durant les annĂ©es 2000, des courts mĂ©trages comme Triompheer de Jan-Hendrick Beetge et des films comme Promised Land par Jason Xenopoulos (2002), continuent de sonder l’inconscient des Afrikaners. Ainsi Promised Land, tirĂ© d’un roman de Karel Schoeman, dĂ©crit le retour d’un expatriĂ© afrikaner sur sa terre natale, situĂ©e dans une rĂ©gion rurale dĂ©sertique, oĂč il est confrontĂ© Ă  des Afrikaners en Ă©tat de dĂ©shĂ©rence sociale et psychologique et nostalgiques de l’apartheid. Ce film, qui connaĂźt alors un succĂšs relativement important en Afrique du Sud, est le premier long-mĂ©trage sud-africain utilisant la technologie offerte par la camĂ©ra numĂ©rique Ă  haute dĂ©finition. Il est aussi perçu par la communautĂ© blanche comme un film destinĂ© aux Noirs[52]. Cependant, durant les annĂ©es 2002 et 2003, aucun de ces films n'est tournĂ© en langue afrikaans[53].

Au dĂ©but des annĂ©es 2010, le sursaut et Ă  la mobilisation de l'industrie cinĂ©matographique afrikaner autour de la langue afrikaans et de sa culture, permet que 40 % des productions sud-africaines soient des productions afrikaners le plus souvent tournĂ©es en afrikaans. En 2012-2013, le cinĂ©ma afrikaner affiche ainsi le record de 17 films sortis en salle, des films qui sont pour la plupart des Ɠuvres de divertissement. Ce sursaut provient notamment de la frĂ©quentation importante des salles de cinĂ©ma par les Afrikaners, concomitamment au dĂ©veloppement de la tĂ©lĂ©vision privĂ©e en afrikaans sous la tutelle d’institutions dotĂ©es comme DStv.com[53].

Musique et danse

La volkspele, une danse folklorique afrikaner d’inspiration suĂ©doise.

La musique afrikaans traditionnelle comme la "Boeremusiek" est musicalement similaire à la musique folk américaine.

L'opéra possÚde une certaine importance dans la culture des Afrikaners ; plusieurs chanteurs de classe mondiale continuent d'émerger d'Afrique du Sud.

La chanson en afrikaans la plus cĂ©lĂšbre est Sarie Marais (1900), d’ailleurs adaptĂ©e de la mĂ©lodie amĂ©ricaine "Ellie Rhee" datant de la guerre de SĂ©cession. Sarie Marais relate la nostalgie des Afrikaners pour leur Transvaal sur fond de guerre des Boers.

Si les Afrikaners n’avaient pas de danse folklorique propre, la Volkspele Ă©mergea en 1914, inspirĂ©e de danses traditionnelles suĂ©doises.

En 2006, le gĂ©nĂ©ral boer Koos de la Rey fut le sujet d’une chanson Ă  succĂšs d’un jeune chanteur afrikaner, Bok van Blerk, chanson qui valut Ă  son auteur un double disque de platine. Elle eut un impact important sur la communautĂ© afrikaner en pleine recomposition de son identitĂ©. Certains y virent une apologie de l’ùre des Afrikaners alors que d’autres se dĂ©clarĂšrent surpris par la profondeur des paroles. L'Ă©crivain afrikaner Rian Malan dĂ©clarait notamment que l'impact Ă©motionnel de la chanson De la Rey reflĂ©tait fidĂšlement les sentiments profonds de beaucoup de Blancs qui se sentaient exclus de la nouvelle Afrique du Sud[54]. Le refrain sans Ă©quivoque manifestait l'absence de leadership afrikaner en politique et appelait au rassemblement des Boers autour d'une nouvelle figure charismatique symbolisĂ©e par celle du gĂ©nĂ©ral De la Rey. En fĂ©vrier 2007, le clip illustrant la chanson a Ă©tĂ© titrĂ© "meilleure vidĂ©o musicale de l’annĂ©e" par MK89, la chaĂźne satellitaire de musique Ă  dominante afrikaans.

Festivals

Depuis 1994, le Klein Karoo Nasionale Kunstefees Ă  Oudtshoorn et, depuis 1998, le Aardklop festival Ă  Potchefstroom dĂ©montrent la vivacitĂ© de la culture de langue afrikaans par le biais de spectacles de rues, de cabarets, de musiques, de danses ou d’art visuel drainant chaque annĂ©e plusieurs dizaines de milliers de spectateurs, majoritairement afrikaners.

Sport

L’équipe des Springboks en 1937 oĂč figurait Danie Craven (Ă  la 1re rangĂ©e, le quatriĂšme en partant de la droite).

Le rugby Ă  XV est le sport national (le rugby Ă  XIII ayant Ă©tĂ© banni par le rĂ©gime de l'Apartheid[55] - [56]) de la communautĂ© blanche en gĂ©nĂ©ral et des Afrikaners en particulier. Plus que tout autre sport, il fut un miroir de la sociĂ©tĂ© civile et politique et fut par consĂ©quent dominĂ© par les Afrikaners. Le rugby a mĂȘme fini par devenir un symbole sportif constitutif de leur identitĂ© nationale presque au mĂȘme titre que l’appartenance Ă  l’Église rĂ©formĂ©e hollandaise.

C’est le Springbok qui a donnĂ© son nom Ă  l’Équipe d'Afrique du Sud de rugby Ă  XV, trois fois championne du monde, en 1995, 2007 et 2019. Cet emblĂšme a longtemps Ă©tĂ© perçu comme un symbole de la domination des Blancs dans le rugby sud-africain.

Les Afrikaners ont en effet toujours Ă©tĂ© sur-reprĂ©sentĂ©s au plus haut niveau des instances dirigeantes du rugby sud-africain, avec des personnalitĂ©s telles que Danie Craven (ancien capitaine, entraĂźneur et prĂ©sident de la FĂ©dĂ©ration sud-africaine de rugby) ou Louis Luyt. L’équipe nationale elle-mĂȘme fut Ă  l’image de la communautĂ© blanche et ses plus grands capitaines comme MornĂ© du Plessis, Naas Botha, Francois Pienaar Ă©taient aussi des Afrikaners.

DĂšs les annĂ©es 1920, les Afrikaners ont donnĂ© au rugby, sport importĂ© par les Britanniques, une place toute particuliĂšre. En mĂȘme temps, le rugby jouait un rĂŽle intĂ©grateur entre les communautĂ©s anglaise et afrikaner. En effet, les Afrikaners ont vite pratiquĂ© intensivement le rugby dĂšs le collĂšge. Ils trouvaient dans ce sport un corollaire aux fondements identitaires du peuple afrikaner fondĂ©s sur le rude mode de vie des Boers. L’UniversitĂ© de Stellenbosch, de langue afrikaans, symbolisa la stratĂ©gie des Ă©lites afrikaners quand elle devint rapidement une pĂ©piniĂšre de joueurs de rugby et que la South African Rugby Board fut dirigĂ©e par des membres du Broederbond. Ainsi, entre 1960 et 1972, sur un total de 58 rencontres, les 52 titulaires du capitanat springbok Ă©taient des Afrikaners membres du Bond[57].

À partir de 1984, la FĂ©dĂ©ration internationale de rugby se joignit Ă  un embargo sportif contre l’Afrique du Sud en raison de sa politique ethnique. DorĂ©navant, les Springboks ne pouvaient plus se dĂ©placer Ă  l’étranger pour se confronter Ă  des Ă©quipes nationales ni en recevoir. Pour les Afrikaners, le rugby est un symbole si fort que, de toutes les sanctions sportives imposĂ©es contre l’Afrique du Sud, son boycott fut sans doute le plus douloureusement ressenti.

Pourtant, les Sud-Africains contournent l’embargo et, lors du centenaire de la FĂ©dĂ©ration sud-africaine de rugby, Dannie Craven parvient Ă  monter une tournĂ©e mondiale avec des joueurs Ă©trangers invitĂ©s « Ă  titre individuel » Ă  venir jouer dans une Ă©quipe ad hoc contre les Springboks.

En 1992, l’embargo fut levĂ© Ă  la suite de l’abolition officielle de l’apartheid en .

Supporteurs de l'équipe des Springboks déployant l'emblÚme de leur équipe à l'occasion de leur victoire lors de la coupe du monde de rugby 2007.

En 1995, lors de la Coupe du monde de rugby, la victoire finale des Springboks est marquĂ©e par le geste symbolique de Nelson Mandela revĂȘtant le maillot du capitaine afrikaner Francois Pienaar.

Une politique de discrimination positive menĂ©e Ă  partir de 1995 par la mise en place de quotas, obligeant chaque Ă©quipe de province, Ă  chaque niveau et pour chaque tranche d’ñge, Ă  intĂ©grer un certain nombre de joueurs de couleurs (noirs, coloureds ou indo-asiatiques), est cependant mal ressentie par la population afrikaner et par les instances sportives provinciales dirigĂ©es par cette communautĂ©. Le rugby se retrouve encore symboliquement au centre de la rĂ©sistance au changement de la sociĂ©tĂ© sud-africaine blanche, qui considĂšre cet Ă©pisode comme faisant partie d’une « campagne visant Ă  se dĂ©barrasser des Afrikaners et Ă  dĂ©truire leur culture ». Le prĂ©sident de la FĂ©dĂ©ration sud-africaine de Rugby, Louis Luyt, finit mĂȘme par dĂ©missionner et fonder un parti dĂ©vouĂ© Ă  la cause afrikaner, l’Alliance fĂ©dĂ©rale[57].

La mĂȘme annĂ©e, on note le timide retour officiel du rugby Ă  XIII avec la premiĂšre participation de l'Ă©quipe d'Afrique du Sud Ă  la Coupe du monde ; mais comme pour l'Ă©dition suivante en 2000, les « Rhinos » ne parviennent pas Ă  dĂ©passer la phase des poules. Cette Ă©quipe est alors majoritairement composĂ©e d'Afrikaners ( Pierre Van Wyk, le seul marqueur de points pour son Ă©quipe, Guy Coombe, Andrew Ballot, François Cloete, Kobus Van Deventer[58]...).

En 2007, 21 des 30 sĂ©lectionnĂ©s de l’équipe des Springboks lors de la Coupe du monde de rugby Ă©taient des Afrikaners, parmi lesquels Schalk Burger et François Steyn. L'Ă©quipe remporta la coupe du monde pour la seconde fois de son histoire.

Cuisine

Le Braai.

Le braaivleis (viande grillĂ©e de rumsteack ou de tournedos cuite au barbecue de bois) fait figure de cĂ©rĂ©monial identitaire des Afrikaners. Le braai dĂ©signe une rĂ©union entre amis, en plein air, dans un jardin ou sur une aire de pique-nique mais il reprĂ©sente aussi un acte social qui rassemble la classe moyenne blanche. Au dĂ©part, il s’agissait d’ailleurs de cĂ©lĂ©brer le souvenir des Trekboers. Le braai s’accompagne de biĂšre sud-africaine, de vin blanc du Cap et de petites saucisses Ă©picĂ©es Ă  base de bƓuf, les boerewors (saucisses boers).

Viandes de biltong séché.

De maniĂšre gĂ©nĂ©rale, la cuisine afrikaner est un mĂ©lange de plats d’influences europĂ©enne et orientale. Le biltong est la plus typique des spĂ©cialitĂ©s culinaires afrikaners. Il se prĂ©sente sous forme de viande (d’autruche, de koudou, de bƓuf
) ou de saucisse sĂ©chĂ©e, particuliĂšrement assaisonnĂ©e aux Ă©pices. Facile Ă  conserver et Ă  transporter, le biltong fut le met de rĂ©sistance des Trekboers durant leurs dĂ©placements dans l’intĂ©rieur du pays.

Le breddie est une sorte de ragoût de légumes ou de mouton parfumé au curry. Le potjiekos est un ragoût de viande cuit dans une marmite et les sosaties sont des brochettes.

Les koekesters.

Le bobotie, composĂ© de viande hachĂ©e revenue dans des oignons, parfumĂ©e au curry et baignĂ©e dans un mĂ©lange d’Ɠufs et de lait, est sans doute le plat le plus populaire.

Le snoek est une sorte de barracuda qui se fait sécher et saler.

En dessert, les spécialités afrikaners sont les koekesters (ou koeksisters en anglais), des beignets au miel trÚs sucrés, et la melktert, une tourte aux pommes servie avec de la crÚme et parfumée au brandy.

La biĂšre locale est de marque Castle, Lion lager ou Carling.

TĂ©moignages

« Ils Ă©taient racistes, trĂšs attachĂ©s Ă  la terre, et gĂ©nĂ©reux. Envers les Noirs aussi. J’ai vu une famille dans son jardin qui fabriquait un cercueil pour la bonne noire - mon entourage de gauche n’aurait pas passĂ© un samedi aprĂšs-midi Ă  faire ça ; ils auraient donnĂ© de l’argent Ă  la famille. Mais tout en construisant le cercueil, ils faisaient des blagues pour savoir si la bonne allait rentrer dedans. S’il fallait couper les jambes pour que ça tienne. C’est une contradiction qui dit notre histoire. »

— TĂ©moignage de David Goldblatt, photographe anglophone sud-africain, Ă  propos de fermiers afrikaners, au dĂ©but des annĂ©es 1960 (Le Monde du )

« Je partage avec d’autres, noirs, bruns, blancs, cet endroit de la terre oĂč ma mĂšre et mon pĂšre sont enterrĂ©s, et mes grands-parents, et leurs ancĂȘtres, depuis des gĂ©nĂ©rations et des gĂ©nĂ©rations. Cela signifie que nous nous sommes assimilĂ©s par prĂšs de quatre siĂšcles de vie sur ce continent, et qu’en retour nous avons assimilĂ© ces siĂšcles dans nos os et notre sang : les rythmes de sĂ©cheresse et d’inondation, les famines et l’abondance, les cruautĂ©s inhumaines et les meurtres et les privations, les rires et l’amour, la pitiĂ© et la gĂ©nĂ©rositĂ©. Tout ceci a eu un prix, et nous l’avons payĂ© parfois de mauvaise grĂące ou mĂȘme avec ressentiment, souvent avec joie et bonne volontĂ©. »

— TĂ©moignage de l'Ă©crivain afrikaner AndrĂ© Brink affirmant son droit Ă  continuer Ă  vivre en Afrique du Sud en 2008 en dĂ©pit de la situation politique et sociale du pays[59]

Personnalités afrikaners

Petrus Jacobus Joubert, commandant-général des armées boers.
Koos de la Rey, gĂ©nĂ©ral boer et sujet d’une chanson Ă  succĂšs en 2006.
Fritz Joubert Duquesne, l’un des premiers espions afrikaners.

Nombre de patronymes afrikaners sont d’ascendance française huguenote. Parmi ceux-ci, on peut citer le joueur de rugby Ă  XV Pieter de Villiers, joueur du Stade français et de l’Équipe de France, ainsi que Daniel François Malan, ancien premier ministre, EugĂšne Terreblanche, dirigeant du mouvement d’extrĂȘme droite AWB, Constand Viljoen qui est une dĂ©formation en afrikaans du nom français Villon, ou encore l’actrice Charlize Theron.

On peut citer Ă©galement parmi les Afrikaners historiques les plus connus :

Parmi les personnalités contemporaines :

Notes et références

  1. Paul Coquerel, "l'Afrique du Sud des Afrikaners", Ă©ditions complexes, 1992, p. 60
  2. Jean SĂ©vry, professeur Ă  l'universitĂ© de Montpellier III, L'Afrikaner vu par les historiens et les Ă©crivains : portraits ou caricatures ? dans Écritures et Histoire de l'Afrique du Sud, Palabres Vol. V, no 1, 2003, p. 38
  3. Paul Coquerel, L’Afrique du Sud des Afrikaners, p. 60 et S.
  4. William Bellamy, Une identitĂ© nouvelle pour l’Afrique du Sud, publications de la Sorbonne, 1996, p. 112 et s.
  5. Paul Coquerel, p. 63 et 64, ibid
  6. Floris Van Jaarsveld, the afrikaner's interpretation of South African history, Simondium, Le Cap, 1964, p. 9-10
  7. déclaration de Daniel François Malan en 1938 lors du centenaire du Grand Trek
  8. L’Histoire de notre pays dans la langue de son peuple, 1877, Le Cap
  9. Paul Coquerel, ibid, p. 62
  10. L’Afrique du Sud, Collection Life, 1965, p. 74
  11. Sheila Patterson, Le Dernier Trek, 1957, nouvelle Ă©dition 1982
  12. Dictionary of South African English
  13. Urban Dictionary
  14. Qualificatifs argotiques pĂ©joratifs Ă©voquant la salinitĂ© de leur appareil gĂ©nital au motif qu'ils auraient un pied en Afrique du Sud, l'autre au Royaume-Uni et le reste dans l’Atlantique[12] - [13]
  15. Recensement 2001
  16. BasĂ© sur une analyse des EnquĂȘtes Statistiques des MĂ©nages d’Afrique du Sud, l’auteur du rapport, Frans CronjĂ© estime le nombre de Sud-Africains blancs dans le pays Ă  4,3 millions, soit 841 000 de moins que les 5,2 millions de 1995
  17. International Institute for Applied Systems Analysis (2001)
  18. Hollfelder et al. 2019, Patterns of African and Asian admixture in the Afrikaner population of South Africa
  19. F.X. Fauvelle-Aymar, Histoire de l’Afrique du Sud, p. 296-297, 2006, Seuil
  20. Paul Coquerel, L’Afrique du Sud des Afrikaners, 1992, Ă©ditions complexe, p. 72
  21. Paul Coquerel, L’Afrique du Sud des Afrikaners, 1992, Ă©ditions complexe, p. 81-82
  22. William Bellamy, ibid.
  23. George McCall Theal, History of the Boers in South Africa (1887), History of South Africa (5 volumes. 1889-1900)
  24. P. Coquerel, p. 64 et s.
  25. William Bellamy, ibid, p. 113-114
  26. P. Coquerel, p. 65 et s.
  27. L’Afrique du Sud, ibid, p. 75
  28. P. Coquerel, p. 66
  29. Georges Lory, L’Afrique du Sud, Kartala, 1998, p. 59-60
  30. Adriaan van Dis, La Terre promise, Actes Sud, 1993, p. 84
  31. Paul Coquerel, p. 123-124
  32. P. Coquerel, p. 67
  33. La crainte que 8 millions de noirs ne se soulĂšvent et balayent les Afrikaners et leur culture de toute la surface de l’Afrique du Sud dĂ©finissent le swaartgevaar
  34. Hermann GiliomĂ©e, professeur de sciences politiques Ă  l’universitĂ© du Cap, Une histoire en mosaĂŻque dans l’Afrique du Sud, riche, dure, dĂ©chirĂ©e", HS no 15, novembre 1985, Collection Autrement, p. 76
  35. Hermann Giliomée, ibid, p. 76
  36. Herman Giliomée, ibid, p. 76
  37. Voir article de Courrier International du 28 août 2003 sur les Afrikaners à la recherche de leur destin
  38. Die Kerkbode, organe officiel de la NGK citĂ© dans L’Afrique du Sud, Collection Life, 1965, p. 109
  39. Georges Lory, L’Afrique du Sud, Kartala, p. 70
  40. F.X. Fauvelle-Aymard, p. 347
  41. L’Afrique du Sud, Collection Life, 1965, p. 108
  42. Afrikaners go international, article de News24.com du 19 mai 2008
  43. F.X. Fauvelle -Aymar, p. 347.
  44. P. Coquerel, p. 113
  45. P. Coquerel, p. 114
  46. (3continents.com)
  47. Martin Botha et Samuel LeliĂšvre, Promised Land ou des Afrikaners face Ă  eux-mĂȘmes, Études africaines, 2004, p. 444
  48. Présentation du film Die Kandidaat
  49. Présentation de Katrina
  50. Présentation de Jannie Totsiens
  51. Présentation du film The Fourth Reich.
  52. Promised Land ou des Afrikaners face Ă  eux-mĂȘmes
  53. Siegfried Forster, L'Afrique du Sud se déchire au cinéma, RFI, 4 juin 2013
  54. La controverse provoquée par un chanteur afrikaner
  55. AimĂ© Mouret, Le Who's who du rugby Ă  XIII, Afrique du Sud, Toulouse, Éditions de l'Ixcea, , 291 p. (ISBN 978-2-84918-118-8), p. 14 :
    « Longtemps et particuliÚrement du temps de l'Apartheid, le XIII y était proscrit »
  56. André Passamar, L'encyclopédie de Treize Magazine, Afrique du Sud, Toulouse, Sud-Ouest Presse impression, 2Úme trimestre 1984, 169 p. (ASIN B0014I5GK6), p. 1
  57. Les jeux troubles du rugby sud-africain
  58. (en) The Rugby League World Cup : An illustrated history of rugby's oldest global tournament, Brighhouse, League Publications Ltd, , 489 p. (ISBN 9781901347203), p. 222-223
  59. TénÚbres à midi, article d'André Brink traduit de l'anglais par Jean-Charles Burou, paru dans le journal français Libération le 24 juillet 2008

Annexes

Littérature académique

Romans historiques

Filmographie

Articles connexes

Liens externes

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