RĂ©volte de Mokrani
La rĂ©volte de Mokrani, aussi appelĂ©e lâinsurrection de 1871 en AlgĂ©rie, et appelĂ©e en kabyle Nnfaq [n] Urumi, issu de lâarabe littĂ©ral ÙÙÙŰ§Ù Ű§Ù۱Ù٠« l'insurrection du français »[5] ou « la guerre du français » est la plus importante insurrection contre les forces coloniales françaises depuis le dĂ©but de la conquĂȘte dâAlger en 1830. LancĂ©e le , la rĂ©volte est menĂ©e depuis le massif montagneux des Bibans en Kabylie par le cheikh el-Mokrani et son frĂšre Bou-Mezrag, tous deux rejoints par le cheikh el-Haddad (chef de la confrĂ©rie des Rahmaniyya), et elle soulĂšve environ 250 tribus, soit un tiers de la population de lâAlgĂ©rie.
Date | 1871-1872 |
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Lieu | Algérie (Kabylie, Hauts Plateaux et région de Cherchell). |
Casus belli | Révolte de Cheikh Mokrani face à sa perte d'influence sur les tribus de la région et l'avancée de la colonisation sur ses terres. |
Issue | Victoire française |
Changements territoriaux | Chute du Royaume des Beni AbbĂšs |
France (gouvernement de Versailles) | Royaume des Beni AbbÚs Confrérie de la Rahmaniyya Tribus kabyles Paysans algériens[1] |
Louis Henri de Gueydon Orphis LĂ©on Lallemand | Cheikh El Mokrani Boumezrag El Mokrani Cheikh El Haddad |
Armée d'Afrique Supplétif indigÚnes 86 000 hommes pour la seule armée française | 200 000 combattants (pas tous armés)[2] dont 100 000 cavaliers kabyles. |
ConquĂȘte de l'AlgĂ©rie par la France
Cette insurrection, qui a lieu au mĂȘme moment que les insurrections communalistes, est l'une des consĂ©quences de la dĂ©faite militaire française contre l'Allemagne lors de la guerre de 1870 : le gouvernement de Versailles, qui aspire Ă prendre le contrĂŽle de l'ensemble du territoire qu'il souhaite coloniser, est alors vu comme faible par de nombreux indigĂšnes algĂ©riens. C'est donc l'occasion pour eux de lancer une insurrection pour chasser les Français, dans un contexte de montĂ©e en puissance du pouvoir civil et de la colonisation de peuplement. Violemment rĂ©primĂ©e, la rĂ©volte est un Ă©chec et est suivie par une spoliation accrue des terres et la paupĂ©risation des populations indigĂšnes.
Contexte historique
La famille Mokrani : du prestige à la déchéance
Le cheikh Mohammed el-Hadj el-Mokrani (1815-1871) et son frĂšre Bou-Mezrag el-Mokrani, sont issus dâune famille de haut rang : la dynastie hafside de BĂ©jaĂŻa (Bougie-Constantine), dont Ahmed Amokrane, chef des Beni Abbes de 1556 Ă 1596, est le fondateur.
La citadelle de la KalĂąa, dans les Bibans (chaĂźne de montagnes) constituait la capitale du royaume des Beni Abbes.
Dans les annĂ©es 1830, leur pĂšre Ahmed el-Mokrani (mort Ă Paris en 1853), se retrouve en rivalitĂ© avec un membre Ă©loignĂ© de sa famille pour la succession du trĂŽne des Beni Abbes. Ahmed el-Mokrani est finalement fait chef des Beni Abbes en 1831 et, par une alliance avec les autoritĂ©s françaises, il est reconnu comme Ă©tant le khalife de la rĂ©gion de la Medjana et assure le franchissement des Portes de Fer en 1839. Cependant, dĂšs 1845, cette alliance devient progressivement une soumission (ordonnance royale relative au statut de non alliĂ© de Ahmed el-Mokrani) et jusquâĂ la fin de sa vie, il perd progressivement un certain nombre de prĂ©rogatives.
Ă la mort de son pĂšre, Mohammed el-Hadj el-Mokrani est dĂ©signĂ© par les Bureaux arabes comme son successeur, nĂ©anmoins avec un titre moins prestigieux[6], le titre de bachagha de la Medjana, câest-Ă -dire de chef de la circonscription. La possession de ce titre moins prestigieux nâest que le dĂ©but dâune longue sĂ©rie dâhumiliations[note 1] que subira Mohammed el-Hadj el-Mokrani par les forces coloniales françaises entre 1853 et 1870.
L'Algérie sous Napoléon III
LâannĂ©e de la reddition de lâĂ©mir Abd el-Kader ibn Muhieddine (1808-1883) en 1847 marque la fin de la conquĂȘte par lâarmĂ©e française de quasiment tout le nord de lâAlgĂ©rie, sinon sa soumission : Alger en 1830 ; beylik de Constantine en 1836 ; les beyliks dâOran et du Titteri (MĂ©dĂ©a) en 1847.
Sous le Second Empire, le gĂ©nĂ©ral Jacques-Louis Randon (1795-1871)[7] mĂšne les opĂ©rations de conquĂȘtes de la Kabylie de 1851 Ă 1857[8].
Entre 1866 et 1868, la population algérienne est frappée par des catastrophes naturelles et sanitaires, ainsi que par la famine : invasion de sauterelles et années de sécheresse, épidémies de choléra et du typhus. Au total, prÚs de 600 000 algériens sont morts pour cause de famine ou de maladie, soit environ 10% de la population[9] - [2].
Par ailleurs, en AlgĂ©rie de 1830 Ă 1870, le rĂ©gime dit « du sabre »[10] prime. Ce rĂ©gime est un rĂ©gime militaire reposant sur la soumission de lâAlgĂ©rie au gouvernement français et qui possĂšde Ă sa tĂȘte un Gouverneur gĂ©nĂ©ral, exerçant son autoritĂ© sur le territoire par lâintermĂ©diaire des Bureaux Arabes (crĂ©ation en 1833), et le ministre de la Guerre[11].
Sous la DeuxiĂšme RĂ©publique, ce phĂ©nomĂšne sâaccentue puisque le , lâAlgĂ©rie est proclamĂ©e comme Ă©tant « lâAlgĂ©rie française ». Puis un remodelage administratif sâimpose : lâarrĂȘtĂ© du divise le territoire en deux, le territoire militaire (sous lâadministration des Bureaux Arabes) et le territoire civil, situĂ© au Nord et divisĂ© en trois dĂ©partements : Alger, Constantine et Oran[12].
Le Second Empire est une pĂ©riode pouvant ĂȘtre marquĂ©e en deux temps : de 1852 Ă 1860 la pĂ©riode est autoritaire, et, de 1860 Ă la fin de lâEmpire (1870), NapolĂ©on III Ă©volue vers plus de libĂ©ralisme. Durant son rĂšgne, deux sĂ©natus-consultes sont pris. Le premier, en date du , a pour objectif de dĂ©limiter les territoires de tribus arabes et permettre dâorganiser la propriĂ©tĂ© fonciĂšre et individuelle de chaque tribu. Le second sĂ©natus-consulte, en date du , autorise la naturalisation française de musulmans ou de juifs sur demande. De plus, ce sĂ©natus-consulte sâinscrit dans la continuitĂ© dâune politique libĂ©rale : le , dans une lettre Ă destination du marĂ©chal Mac-Mahon (gouverneur gĂ©nĂ©ral de lâAlgĂ©rie), lâempereur NapolĂ©on III affirme lâidĂ©e selon laquelle lâAlgĂ©rie est fondamentalement un « royaume arabe »[6]. Câest par ailleurs cette nouvelle politique et mentalitĂ© qui va renforcer lâadmiration et la fidĂ©litĂ© du cheikh el-Mokrani pour NapolĂ©on III.
NĂ©anmoins, cette politique dĂ©favorisant les colons ne dure pas. Le , NapolĂ©on III capitule Ă Sedan Ă la suite du dĂ©clenchement de la guerre avec la Prusse et est fait prisonnier le [13]. Le , la TroisiĂšme RĂ©publique (1870-1940) est proclamĂ©e. La dĂ©faite française s'accentue le 19 octobre de cette mĂȘme annĂ©e par la capitulation de Bazaine Ă Metz. Les Prussiens Ă©tablissant le siĂšge de Paris, le gouvernement français est contraint de se rĂ©fugier Ă Tours. La question algĂ©rienne est dĂ©volue au ministre de la Justice, Adolphe CrĂ©mieux, et non pas, comme de coutume, au ministre de la Guerre.
Durant cette période (à partir de septembre 1870), l'Algérie est en proie à une certaine anarchie, il est évoqué la « Commune d'Alger » : les colons, massivement républicains et hostiles à Napoléon III, profitent de la situation pour faire avancer leurs revendications antimilitaristes ; de facto, ce sont les conseils municipaux et les comités de défense, notamment ceux d'Alger, qui détiennent l'autorité réelle[14].
Leur pression sur le gouvernement aboutit aux six décrets Crémieux du sur l'organisation de l'Algérie, dont le plus connu est celui octroyant la citoyenneté française uniquement aux Juifs indigÚnes.
Origines de l'insurrection
Comportements hostiles des Algériens à la fin du Second Empire
Selon Bernard Droz[15], un mécontentement est perceptible chez certains membres de l'aristocratie guerriÚre kabyle, bien avant la guerre franco-prussienne, en raison de leur perte d'influence et de la diminution de leurs pouvoirs en perpétuelle rivalité avec les autorités françaises coloniales.
Ce mĂ©contentement sâajoute Ă l'agitation des masses musulmanes, inquiĂštes de l'avĂšnement du rĂ©gime civil Ă©tabli par Adolphe CrĂ©mieux, mis en place le , et marquant donc la fin du rĂ©gime militaire en application depuis 1830. Ce nouveau rĂ©gime est interprĂ©tĂ© comme une domination accrue des colons sur les AlgĂ©riens, une stratĂ©gie de poursuite de la spoliation des terres et une perte de l'autonomie civile et judiciaire des musulmans au profit de lâadministration française[6]. De plus, ce mĂȘme jour, le Gouverneur gĂ©nĂ©ral le marĂ©chal Mac-Mahon dĂ©missionne, remplacĂ© par le gĂ©nĂ©ral Louis Durrieu[16] - [17].
Les prĂ©mices de la rĂ©volte et lâinsubordination du cheikh el-Mokrani
DĂšs le , le marĂ©chal Mac Mahon, alerte le gouvernement : «âŻLes Kabyles resteront tranquilles aussi longtemps quâils ne verront pas la possibilitĂ© de nous chasser de leur paysâŻÂ»[8]. Plusieurs mois avant le dĂ©but de lâinsurrection, lâeffervescence sâempare des communautĂ©s villageoises qui, malgrĂ© lâinterdiction des autoritĂ©s coloniales, Ă©lisent les tijmaain (assemblĂ©es de villages).
Le , le général Durrieu, Gouverneur général de l'Algérie, signale dans son rapport au gouvernement de la Défense nationale : « Un mouvement insurrectionnel, impossible à prévenir et susceptible de devenir général, me paraßt imminent et avec le peu de troupes dont je dispose, je ne saurais prévoir la gravité de ses conséquences »[13].
Une manifestation insurrectionnelle[18] chauffĂ©e par les remous en Kabylie, intervient en janvier 1871, sous la forme de mutineries de spahis, originellement corps de cavalerie traditionnel du dey dâAlger, intĂ©grĂ© aprĂšs la conquĂȘte de lâAlgĂ©rie Ă lâArmĂ©e dâAfrique dĂ©pendant de lâautoritĂ© française. Les spahis refusent d'ĂȘtre envoyĂ©s combattre en mĂ©tropole : ils estiment que leur engagement n'est valable que pour servir en AlgĂ©rie[6]. Ces mouvements, d'abord Ă Moudjebeur, prĂšs de Boghari () et Ă AĂŻn Guettar (dans l'actuelle commune de Khemissa prĂšs de Souk Ahras) le , atteignent ensuite El Tarf et Bouhadjar[19].
La mutinerie d'Aïn Guettar, qui représente une désertion d'une centaine d'hommes et le meurtre d'un sous-officier, prend une dimension particuliÚre par l'implication de la famille des Rezgui, dont des membres affirment que la France, vaincue par les Prussiens, n'a plus de forces et que l'heure d'une insurrection générale est venue[20]. Cet appel est écouté par les Hanenchas, dont le soulÚvement frappe la campagne (14 colons sont tués) ; Souk Ahras est assiégée du 26 au , puis reprise par une colonne française. Ce soulÚvement est ensuite réprimé par cinq condamnations à mort.
Tous ces dĂ©buts de rĂ©voltes sâinscrivent dans la continuitĂ© de la mentalitĂ© du cheikh el-Mokrani de rompre avec l'autoritĂ© française, puisque en effet, el-Mokrani essaye de dĂ©missionner Ă trois reprises, mais les militaires lui rĂ©pondent que seul le gouvernement peut accepter celle-ci, puisqu'il ne dĂ©pend plus de l'autoritĂ© militaire. Mokrani rĂ©dige alors deux nouvelles lettres le : une premiĂšre adressĂ©e au gĂ©nĂ©ral Augereau[21] chef dâĂ©tat-major pour lâAlgĂ©rie, et une seconde adressĂ©e au capitaine Ollivier, officier chargĂ© de la tutelle de Mokrani[22].
« Vous connaissez la cause qui m'Ă©loigne de vous ; je ne puis que vous rĂ©pĂ©ter ce que vous savez dĂ©jĂ : je ne veux pas ĂȘtre l'agent du gouvernement civil. [âŠ] Je m'apprĂȘte Ă vous combattre ; que chacun aujourd'hui prenne son fusil. »
â Lettre du cheikh el-Mokrani au capitaine Ollivier, (Jules LIOREL, Races berbĂšres, Kabylie du Jurjura, 1892, p. 249)
RÎle du décret Crémieux
Louis Rinn[23] (1891), repris par Jules Liorel [22] (1892), affirme que le dĂ©cret CrĂ©mieux du , relatif Ă la citoyennetĂ© française aux juifs dâAlgĂ©rie, Ă©tendu plus tard Ă un petit nombre de musulmans, a jouĂ© un rĂŽle dans le dĂ©clenchement de la rĂ©volte du cheikh el-Mokrani. D'aprĂšs Jules Liorel : « M. lâamiral de Gueydon, gouverneur gĂ©nĂ©ral, lâa fort bien dit, ce furent la naturalisation des Juifs et les audaces impunies de la presse radicale qui poussĂšrent les Arabes Ă se rĂ©volter contre la France »[24].
Du cĂŽtĂ© de la recherche contemporaine, Richard Ayoun conteste que ce dĂ©cret soit la cause de la rĂ©volte, cette « lĂ©gende [ne s'Ă©tant] diffusĂ©e que plus tard », par « opportunisme » politique[25]. De mĂȘme, pour Maxime AĂŻt Kaki[26] (2004), attribuer la rĂ©volte au dĂ©cret CrĂ©mieux est « particuliĂšrement rĂ©pandu dans les milieux antisĂ©mites français ».
Le déroulement de l'insurrection
L'extension de la zone insurgée
Le , date de sa prise en main par Mokrani[22], le cheikh lance six mille hommes Ă l'assaut de Bordj Bou Arreridj[27].
Le , les troupes françaises reprennent le contrĂŽle de la plaine de la Medjana[note 2] par la colonne Bonvallet[13]. Le mĂȘme jour, le cheikh el-Haddad, chef de la confrĂ©rie des Rahmaniyya, proclame que le ProphĂšte lui est apparu et appelle Ă la guerre sainte au marchĂ© des Mcisna Ă Seddouk[22]. AussitĂŽt 150 000 Kabyles se soulĂšvent[28] pour participer Ă ce qu'ils appellent en berbĂšre Nnfaq [n] Urumi, la « guerre du Français »[5] - [29]. « Lâinsurrection sâĂ©tendit tout le long du littoral, depuis les montagnes qui ferment Ă lâest la Mitidja jusquâaux abords de Constantine. Au sud de cette derniĂšre ville, elle se propagea dans la rĂ©gion accidentĂ©e du Belezma ; elle se relia aux mouvements partiels jusquâalors localisĂ©s vers la frontiĂšre et dans le Sahara oriental Belezma », relate en 1896 Maurice Wahl[30], ancien inspecteur gĂ©nĂ©ral de lâinstruction publique aux colonies. Par ailleurs, le fils du cheikh el-Haddad, Aziz, est nommĂ© « Ă©mir des soldats de la guerre sainte » et les khouans (rĂ©seau des affiliĂ©s Ă la Rahmaniyya) de la Rahmaniyya entrent dans la rĂ©bellion[6].
NĂ©anmoins, contrairement au cheikh al-Haddad, Mokrani espĂ©rait une issue pacifique. Le , par deux lettres adressĂ©es au prĂ©sident de la RĂ©publique française, Adolphe Thiers, al-Mokrani demande des nĂ©gociations, mais le gouvernement de la DĂ©fense nationale refuse. Ainsi, par un engouement populaire et une alliance implicite entre les cheikh al-Haddad et al-Mokrani, les insurgĂ©s progressent vers Alger : le , ils prennent le village de Palestro, 60 km Ă l'est d'Alger, avant d'atteindre le territoire des AĂŻth AĂŻcha, oĂč ils brĂ»lent le village colonial du Col des BĂ©ni AĂŻcha[31].
En avril, 250 tribus sont soulevées, prÚs du tiers de la population algérienne. L'insurrection est forte de cent mille moudjahidines, mais manquant d'armes de guerre et de coordination, elle lance surtout des opérations ponctuelles et désordonnées[15].
La contre-attaque française
LâautoritĂ© militaire est obligĂ©e de renforcer l'armĂ©e dâAfrique : lâamiral de Gueydon, nommĂ© gouverneur gĂ©nĂ©ral le 1871, en remplacement du Commissaire extraordinaire Alexis Lambert, mobilise 22 000 soldats[2] et met en place un dispositif militaire supĂ©rieur Ă celui qui avait permis dâasservir la rĂ©gion en 1857.
Les insurgĂ©s qui avancent de Palestro vers Alger sont arrĂȘtĂ©s Ă lâAlma le ; le [2], Mohammed el-Mokrani meurt au combat prĂšs de lâoued Soufflat[note 3] touchĂ© par le gĂ©nĂ©ral CĂ©rez dans le village dâAĂŻn Bessem[6] : « dans une rencontre avec les troupes du gĂ©nĂ©ral Saussier, il descendit de cheval et, gravissant lentement, la tĂȘte haute, lâescarpement dâun ravin balayĂ© par notre mousqueterie, il reçut la mort, quâaux dires des tĂ©moins de cette scĂšne Ă©mouvante il cherchait, orgueilleux et fier comme il eut fait du triomphe[27] âŻÂ», affirme le rapport du gouvernement de la dĂ©fense nationale français sur ces Ă©vĂ©nements.
Le , le gouverneur gĂ©nĂ©ral, lâamiral de Gueydon dĂ©clare l'Ă©tat de siĂšge[32]. Les troupes françaises (vingt colonnes) marchent sur Dellys et DraĂą El Mizan. Le , le fils Aziz al-Haddad se rend et le [33] le cheikh al-Haddad est capturĂ©, aprĂšs la bataille d'Icheriden. Lâinsurrection ne prend dĂ©finitivement fin quâaprĂšs la capture de Bou-Mezrag, le [34].
La répression
Au cours des opérations militaires, on compte une centaine de morts chez les Européens et des pertes inconnues chez les civils autochtones[2].
La rĂ©pression pĂ©nale est menĂ©e sous le gouverneur gĂ©nĂ©ral de Gueydon. Elle se traduit par trois sanctions attribuĂ©es aux insurgĂ©s mais Ă©galement Ă leur famille et plus gĂ©nĂ©ralement aux tribus ayant participĂ© Ă lâinsurrection : la contribution de guerre, la sĂ©questration de biens et terres des tribus et enfin le jugement en Cour dâassise des insurgĂ©s, en effet, lâAlgĂ©rie est française[17]. Plus de 200 Kabyles[35] sont internĂ©s et de nombreuses dĂ©portations ont lieu Ă Cayenne ou en Nouvelle CalĂ©donie (on parle des « AlgĂ©riens du Pacifique »), dont la plupart ne seront amnistiĂ©s quâen 1895[36]. Bou-Mezrag al-Mokrani quant Ă lui, est exilĂ© en Nouvelle CalĂ©donie et condamnĂ© Ă la peine de mort, mais il sera graciĂ© en 1878 aprĂšs avoir participĂ© Ă la rĂ©pression de lâinsurrection de canaque (kanak)[6].
Concernant la contribution de guerre, les tribus kabyles se voient infliger une contribution sâĂ©levant Ă environ 36âŻmillions de francs-or. 450 000 hectares de terre sont confisquĂ©s et distribuĂ©s aux nouveaux colons, dont beaucoup sont des rĂ©fugiĂ©s dâAlsace-Lorraine (Ă la suite de l'annexion allemande), en particulier dans la rĂ©gion de Constantine[35] - [2].
La rĂ©pression et les confiscations sont le rĂ©sultat de lâexil de nombreux kabyles en Tunisie, en Ăgypte et en Syrie[2].
Plongée dans le dénuement, la population vit durement cette répression, dont la mémoire est transmise par la littérature et la poésie orale.
Au regard de l'histoire, la rĂ©volte de Mokrani reste la « premiĂšre grande insurrection contre la colonisation française »[13], « la plus importante, par son ampleur et son issue tragique, depuis le dĂ©but de la conquĂȘte en 1830 »[35] et le dernier soulĂšvement armĂ© de toute lâAlgĂ©rie avant celui de 1954.
Notes et références
Notes
Références
- Achour Cheurfi, La révolution algérienne (1954-1962): Dictionnaire biographique, Casbah éditions, 2004, 495 pages, p. 144.
- Michelle ZANCARINI-FOURNEL, Les luttes et les rĂȘves : Une histoire populaire de la France de 1685 Ă nos jours, Paris, Ăditions La DĂ©couverte, , 995 p. (ISBN 978-2-35522-088-3), chap. 9 (« Les communes, le peuple au pouvoir ? »), p. 375.
- http://encyclopedieberbere.revues.org/1410 « Au point de vue militaire, on a sans doute exagĂ©rĂ© lâimportance de lâinsurrection. La majeure partie de lâAlgĂ©rie refusa de suivre le mouvement et les IndigĂšnes restĂ©s fidĂšles prirent une part importante Ă la lutte contre les insurgĂ©s. Si ceux-ci totalisĂšrent 200 000 combattants beaucoup nâĂ©taient certainement pas armĂ©s de fusils et, pour lâemporter, la France ne fit intervenir dans ses colonnes que 22 000 hommes y compris les troupes rĂ©guliĂšres indigĂšnes. Si on dĂ©nombra plus de 340 combats, du cĂŽtĂ© français on enregistra 2 686 dĂ©cĂšs dont plus de la moitiĂ© imputables aux maladies. Les pertes civiles sâĂ©levĂšrent Ă une centaine dâhommes chez les EuropĂ©ens mais ne peuvent ĂȘtre prĂ©cisĂ©es pour les IndigĂšnes. »
- « Si les Français perdent 2686 hommes, dont plus de la moitiĂ© par maladies, le chiffre des tuĂ©s algĂ©riens est impossible Ă estimer, la plus faible des Ă©valuations Ă©tant de 2000 victimes d'exĂ©cutions sommaires ». https://books.google.fr/books?id=7GIEBgAAQBAJ&pg=PA90&dq=%22impossible+%C3%A0+estimer,+la+plus+faible%22&hl=fr&sa=X&ei=aKwuVcC0DY7baqWjgLgK&ved=0CCEQ6AEwAA#v=onepage&q=%22impossible%20%C3%A0%20estimer%2C%20la%20plus%20faible%22&f=false - Catalogue de lâexposition LâAlgĂ©rie Ă lâombre des armes, 1830 â 1962.
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- Tous ces lieux sont mentionnĂ©s dans l'ouvrage de Charles-AndrĂ© JULIEN, Histoire de l'AlgĂ©rie contemporaine La conquĂȘte et les dĂ©buts de la colonisation (1827-1871), PUF, 1967.
- Charles-AndrĂ© Julien, Histoire de l'AlgĂ©rie contemporaine La conquĂȘte et les dĂ©buts de la colonisation (1827-1871), PUF, 1967, p. 476.
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- Richard Ayoun, « Le dĂ©cret CrĂ©mieux et l'insurrection de 1871 en AlgĂ©rie », Revue d'histoire moderne et contemporaine, tome XXXV, Paris, Presses universitaires de France, no 1,â (lire en ligne).
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Voir aussi
Bibliographie
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- Yvette KATAN BENSAMOUN, Le Maghreb : De l'empire ottoman à la fin de la colonisation française, 2007, Editions Belin, Chapitre 3 et 4
- Sur l'insurrection
- Mouloud GAĂD, Mokrani, Alger, Ăditions Andalouses, , 217 p.
- Tahar OUSSEDIK, Mouvement insurrectionnel de 1871, Alger, ENAG Ăditions, , 183 p. (ISBN 9961-62-418-1).
- Djilali SARI, L'insurrection de 1871, Alger, SNED, , 53 p.
- Rapport de M. LĂ©on de La SicotiĂšre au nom de la « Commission dâEnquĂȘte sur les actes du Gouvernement de la DĂ©fense Nationale », Versailles, Cerf et fils, 1875.
- Félix HUN, Des effets du séquestre chez les Kabyles, édition autographe, 1872, 38 p.