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PĂȘche profonde

L'expression « pĂȘche profonde » ou « pĂȘche en eaux profondes » dĂ©signe toutes les formes de pĂȘche exploitant les eaux profondes ou les grands fonds marins. La technique utilisĂ©e est essentiellement le chalut qui capture les poissons des profondeurs.

Un filet remontant des aiguillats communs.

C'est une pĂȘche rĂ©cente qui s'est dĂ©veloppĂ©e Ă  la fin du XXe siĂšcle pour compenser l'effondrement des ressources halieutiques des eaux de surface, alors que la demande de poisson continuait Ă  augmenter. La mise au point de cĂąble d'acier ayant un excellent rapport rĂ©sistance/poids a permis de rendre possible l'exploitation de zones autrefois totalement inaccessibles. Selon le comitĂ© des pĂȘches de l'ONU « tout ce que remontent les engins de pĂȘche (en eau profonde) inclut des espĂšces qui ne peuvent supporter que des taux d'exploitation de faible intensitĂ© ». Cette pĂȘche nĂ©cessite donc une gestion et un suivi particulier, rendus difficiles par la grande profondeur oĂč opĂšrent les engins. Les directives de la FAO concernent les eaux internationales, mais les « États cĂŽtiers peuvent, le cas Ă©chĂ©ant, appliquer les prĂ©sentes Directives Ă  l'intĂ©rieur de leurs zones de juridiction nationale » prĂ©cise le texte (art. 10).

EspÚces visées

Un empereur conservé dans le formol.

Ce sont surtout les nombreuses espĂšces de sabres, grenadiers et empereurs. Elles sont dĂ©jĂ  surexploitĂ©s sur une grande partie des zones de pĂȘche, car leur croissance et leur cycle de reproduction sont trĂšs lents, notamment selon la FAO pour les raisons suivantes :

  • maturitĂ© sexuelle trĂšs tardive (plusieurs dĂ©cennies pour de nombreux poissons de grands fonds) ;
  • croissance lente (en raison de la faible disponibilitĂ© en nourriture et de la tempĂ©rature constante Ă  4 °C) ;
  • espĂ©rance de vie longue (mĂ©tabolisme lent) ;
  • faible taux naturel de mortalitĂ© ;
  • recrutement intermittent de classes annuelles de bonne qualitĂ© ;
  • absence de ponte certaines annĂ©es.

C'est une pĂȘche coĂ»teuse (navires et filets spĂ©cialisĂ©s), qui n'a pu se dĂ©velopper en Europe que grĂące aux subventions publiques.

Cette pĂȘche est notamment pratiquĂ©e dans les eaux internationales, dans l'hĂ©misphĂšre sud (notamment au large de l'Argentine). Une partie de la flotte est basĂ©e en Afrique du Sud.
En France, elle est surtout pratiquée à grande distance (mers de l'hémisphÚre sud), par une flotte basée en Bretagne et dans le Pas-de-Calais (Boulogne).

Gestion des ressources

  • Fin des annĂ©es 1980 : des scientifiques alertent sur le dĂ©clin de la ressource lĂ  oĂč la pĂȘche est prĂ©sente depuis moins de 20 ans pourtant
  • En 1995, un accord est signĂ© par certains pays aux fins de l’application des dispositions de la Convention des Nations unies sur le droit de la mer relatives Ă  la conservation et Ă  la gestion des stocks chevauchants et des stocks de poissons grands migrateurs adoptĂ© Ă  New York en 1995
  • En 2006, une rĂ©solution de l'ONU[1] encourage la FAO Ă  intensifier ses travaux pour une meilleure gestion de la pĂȘche profonde en haute mer, et Ă  Ɠuvrer pour « l’élaboration de normes et de critĂšres Ă  l’intention des États et des organismes ou arrangements rĂ©gionaux de gestion des pĂȘches, qui leur serviraient Ă  identifier les Ă©cosystĂšmes marins vulnĂ©rables et Ă  Ă©valuer l’impact de la pĂȘche sur ces Ă©cosystĂšmes, et l’établissement de normes pour la gestion des pĂȘches en eaux profondes, grĂące Ă  l’élaboration d’un plan d’action international ».
  • En 2007, le ComitĂ© des pĂȘches (COFI)[2] a convenu que :
    • des normes et critĂšres permettant d’identifier les Ă©cosystĂšmes marins vulnĂ©rables situĂ©s dans des zones hors de la juridiction nationale Ă©taient nĂ©cessaires
    • il fallait Ă©valuer les effets de cette pĂȘche sur ces Ă©cosystĂšmes
    • des mesures de gestion conservatoire devait ĂȘtre mises en Ɠuvre sur ces bases par les organisations et par les accords rĂ©gionaux de gestion des pĂȘches et les États du pavillon[3] ».
    • demandĂ© Ă  la FAO une consultation d’experts avant , pour prĂ©parer un projet de directives techniques et des normes pour la pĂȘche hauturiĂšre en eaux profondes. Ce qui fut fait en sur les questions gĂ©nĂ©rales quant Ă  la pĂȘche profonde ; puis en pour la prĂ©paration d'un projet initial de directives ; avant qu'Ă  Rome - en juin et - deux ateliers amĂ©liorent le projet de directive sur certains aspects (DonnĂ©es scientifiques quantitatives et qualitatives, Ă©valuation de la destructivitĂ© de cette pĂȘche et des impacts sur des habitats et Ă©cosystĂšmes vulnĂ©rables)

Impact environnemental, halieutique et scientifique

AprĂšs une forte rĂ©gression du stock de poissons Ă  faible et moyenne profondeur, dĂšs les annĂ©es 1970 en Russie, puis Ă  la fin des annĂ©es 1980 (en Australie et Nouvelle-ZĂ©lande), mais surtout dans les annĂ©es 1990, des techniques ont Ă©tĂ© dĂ©veloppĂ©es pour aller pĂȘcher de plus en plus profond, et jusque dans les grands fonds au-delĂ  de 1000 m Ă  la recherche de nouvelles espĂšces Ă  commercialiser comme le flĂ©tan noir, le sabre noir, l'empereur ou le grenadier.

Ces stocks de poissons se distinguent par des caractéristiques qui les rendent particuliÚrement vulnérable à la surexploitation :

  • la biomasse accumulĂ©e est trĂšs importante, ce qui permet d'en capturer beaucoup avec peu d'effort de pĂȘche ;
  • leur dynamique des populations est trĂšs lente, la maturitĂ© sexuelle comme la croissance sont trĂšs lentes : on estime par exemple que le grenadier met au moins 14 ans Ă  doubler sa population[4], contre par exemple 1,4 Ă  4,4 ans pour le bar[5] et la sardine[6].

Ces deux facteurs provoquent une exploitation brutale et non durable des stocks, selon la loi de Clark[7]. Face au risque de surpĂȘche et au faible rendement annuel de ces ressources, des scientifiques dĂ©conseillent son exploitation :

« PlutĂŽt que d'exploiter le poisson aux endroits les moins favorables des ocĂ©ans, il serait prĂ©fĂ©rable de rebĂątir une stratĂ©gie Ă©cologiquement et Ă©conomiquement orientĂ©e vers les populations de poissons rĂ©silientes dans les secteurs les plus favorables, c’est-Ă -dire les eaux peu profondes et plus productives des Ă©cosystĂšmes qui sont plus proches des marchĂ©s[8]. »

Dix ans aprĂšs de premiĂšres pĂȘches parfois quasi-miraculeuses, les stocks de ces espĂšces se sont effondrĂ©s[9]. Depuis les annĂ©es 2000, la pĂȘche des espĂšces d'eau profonde est strictement et complĂštement encadrĂ©e pour les navires communautaires : quotas, efforts de pĂȘche limitĂ©s, permis de pĂȘche spĂ©ciaux, mesures techniques, zones de protection des Ă©cosystĂšmes vulnĂ©rables, zones de protection des concentrations de poissons reproducteurs, interdiction de la pĂȘche de l'empereur, suivi satellitaire (Vessel monitoring system), prĂ©avis de dĂ©barquement dans des ports dĂ©signĂ©s, etc. Depuis 2003, l'effort de pĂȘche et le nombre de navires a trĂšs fortement diminuĂ©. AprĂšs des annĂ©es d'exploitation non rĂ©glementĂ©e, cette pĂȘche est considĂ©rĂ©e par certains experts scientifiques comme ne menaçant plus les espĂšces capturĂ©es. Ce point de vue est fortement contestĂ© par d'autres scientifiques comme Daniel Pauly. Ces derniers pensent que les objectifs de gestion des pĂȘcheries souffrent d'un biais, le glissement de ligne de base[10] : historiquement, le dĂ©veloppement des outils et des travaux halieutiques a succĂ©dĂ© la croissance des captures: les outils d'Ă©chantillonnages et de simulation des dynamiques des populations sont plus rĂ©cents que la massification des captures. Les stocks estimĂ©s comme Ă©tant "naturels" ou "optimaux" seraient en rĂ©alitĂ© largement sous-Ă©valuĂ©s. Des donnĂ©es historiques, faisant Ă©tat d'ocĂ©an bien plus riche en organisme marins, semblent confirmer cette approche.

Le chalutage profond peut également entraßner une détérioration des épaves, entravant ainsi les fouilles d'archéologie sous-marine[11].

Projets de réglementation

Sur la base des donnĂ©es disponibles[12] (dont l'Ăąge moyen des poissons pĂȘchĂ©s, mesurĂ©s par leurs otolithes), cette activitĂ© s'est avĂ©rĂ©e destructive pour des Ă©cosystĂšmes trĂšs vulnĂ©rables[13].

La FAO recommande notamment :

En 2017, la pĂȘche au-delĂ  des profondeurs de 800 m, est interdite par la rĂ©glementation europĂ©enne[15].

Notes et références

  1. rĂ©solution 61/105 de l’AssemblĂ©e gĂ©nĂ©rale de l'ONU concernant la viabilitĂ© des pĂȘches
  2. vingt-septiĂšme session du ComitĂ© des pĂȘches (COFI) en mars 2007
  3. Cf. paragraphes 83 et 86 de la rĂ©solution A/RES/61/105 de l’AssemblĂ©e gĂ©nĂ©rale de l'ONU
  4. « Macrourus berglax summary page », sur FishBase (consulté le ).
  5. (en) « Dicentrarchus labrax summary page », sur FishBase (consulté le ).
  6. « Sardina pilchardus summary page », sur FishBase (consulté le ).
  7. http://www.sciencemag.org/content/181/4100/630
  8. Norse, Elliott A. (2012) "Sustainability of deep-sea fisheries" Marine Policy 36 307–320
  9. « Actualités et sujets de fonds du quotidien », sur les-ernest.fr (consulté le ).
  10. http://sciences.blogs.liberation.fr/home/2009/07/oc%C3%A9ans-le-pillage-des-ressources.html
  11. Franca Cibecchini, « Les routes de commercialisation du vin de Narbonnaise : l’apport des Ă©paves profondes au large de la Corse », Gallia, nos 74-2,‎ (DOI 10.4000/gallia.1771, prĂ©sentation en ligne, lire en ligne, consultĂ© le ), disponible en accĂšs libre.
  12. Atelier organisĂ© par la FAO sur les connaissances et les donnĂ©es concernant la pĂȘche profonde en haute mer (Rome, 5-8 novembre 2007), Les Directives internationales de la FAO ont Ă©tĂ© examinĂ©es et amĂ©liorĂ©es quant aux questions relatives aux donnĂ©es. L'Étude mondiale sur la pĂȘche profonde (demandĂ©e par l'ONU/FAO et rĂ©alisĂ©e avec le soutien des Gouvernements japonais, australien, islandais, norvĂ©gien et des États-Unis) y a Ă©tĂ© examinĂ©e
  13. Atelier FAO sur les Ă©cosystĂšmes vulnĂ©rables et la pĂȘche destructive en haute mer (Rome, 26-29 juin 2007) pour l’étude du problĂšme de la vulnĂ©rabilitĂ©, de la pĂȘche destructive et des effets nĂ©fastes
  14. la directive se rĂ©fĂšre explicitement Ă  l’article 6 de l’Accord des Nations Unies de 1995 sur les stocks de poissons et dĂ©crite dans les articles 6.5 et 7.5 du Code de conduite pour une pĂȘche responsable de la FAO de 1995 (le Code)
  15. « L’interdiction du chalutage profond entre en vigueur », BLOOM, 12 janvier 2017

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

  • (en) Consultation technique sur les directives internationales sur la gestion de la pĂȘche profonde en haute mer ; FAO, Rapport sur les pĂȘches et l’aquaculture no 881 (FAO, Rome, 4- et 25-, (ISBN 978-92-5-006190-0), (ISSN 2070-6987), PDF, 98 pages), prĂ©paratoire aux Directives internationales sur la gestion de la pĂȘche profonde en haute mer, Ă©laborĂ© Ă  la demande du ComitĂ© des pĂȘches (COFI) de la FAO, Ă  sa vingt-septiĂšme session (), pour notamment appliquer la rĂ©solution 61/105 de l’AssemblĂ©e gĂ©nĂ©rale de l'ONU.
  • ConfĂ©rence Ernest Ă  l'ENS Ulm sur les dangers de la pĂȘche profonde.

PĂȘche professionnelle

Vidéographie

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