Invasions barbares
L'expression « invasions barbares » ou « grandes invasions » regroupe, pour la recherche historique ancienne (XIXe et dĂ©but du XXe siĂšcle), les mouvements migratoires des populations germaniques, hunniques et autres, Ă partir de lâarrivĂ©e des Huns dans lâEst de lâEurope centrale aux environs de 375 jusquâĂ celles des Lombards en Italie en 568 et des Slaves dans lâEmpire romain dâOrient en 577. Dans la recherche historique moderne, les diffĂ©rentes langues europĂ©ennes ont renoncĂ© au substantif « invasions » et Ă lâadjectif « barbares », prĂ©fĂ©rant des expressions comme « migration des peuples » ou « pĂ©riode des migrations » (Völkerwanderung en allemand, Migration Period en anglais). En français, on utilise encore, par conservatisme linguistique (le principe de la « moindre surprise ») lâexpression « invasions barbares », non avec une connotation pĂ©jorative mais en rĂ©fĂ©rence au barbaricum, mot par lequel les auteurs romains dĂ©signaient ce qui Ă©tait hors de leur imperium (empire)[1] ; quoi qu'il en soit, les dĂ©coupages historiques sont avant tout des conceptions de lâesprit et reposent sur des conventions[2], avec plus ou moins de connotations idĂ©ologiques.
Ces mouvements migratoires ont eu lieu au cours de lâAntiquitĂ© tardive, et dans certains cas (par exemple l'invasion mongole de l'Europe) se sont reproduits au Moyen Ăge. Ils ont pu entraĂźner le dĂ©part des populations romanisĂ©es, leur assimilation ou leur assujettissement, mais inversement ces populations ont aussi pu romaniser et christianiser les royaumes dits « barbares » (comme dans les cas des Wisigoths, des Francs, des Lombards)[3].
Selon les approches transdisciplinaires reliant lâhistoire et lâĂ©tude des palĂ©oenvironnements, une des causes de ces mouvements pourrait ĂȘtre la sĂ©rie de dĂ©gradations climatiques commençant au IVe siĂšcle de notre Ăšre et sâachevant au Xe siĂšcle avec lâ« embellie de lâan mil »[4]. Loin de se rĂ©duire Ă un Ă©vĂ©nement unique et continu, il sâagit plutĂŽt dâun processus au cours duquel diffĂ©rentes populations, qui se forment et se modifient sous lâemprise de multiples facteurs, dĂ©ferlent en vagues successives sur lâEmpire romain, moins affectĂ© au niveau du climat et de la productivitĂ© agricole.
AprĂšs la mort de lâempereur ThĂ©odose Ier en 395, lâEmpire romain est de facto sĂ©parĂ© en deux parties, chacune dâelles rĂ©gie par un co-empereur, dont les Ă©dits sont encore censĂ©s sâappliquer dans les deux parties de lâempire (voir Droit au haut Moyen Ăge). En 382 et en 418, des accords sont conclus entre les autoritĂ©s de lâempire et les Wisigoths permettant pour la premiĂšre fois aux Goths de sâĂ©tablir sur le territoire romain. Les Francs se voient octroyer Ă©galement cette autorisation et reçoivent alors, Ă titre de fĆderati, la mission de protĂ©ger la frontiĂšre nord-est des Gaules. Avec le passage du Rhin en 406, et lâirruption des Vandales et des SuĂšves dans lâempire, lâadministration impĂ©riale s'Ă©croule, lentement mais inexorablement, dans la partie occidentale de l'empire, ce qui conduira Ă la dĂ©position du dernier empereur occidental, alors quâĂ lâEst les structures de lâempire rĂ©sistent, bien quâaffaiblies par les guerres menĂ©es contre dâautres envahisseurs, et peuvent ĂȘtre rĂ©formĂ©es par des empereurs Ă©nergiques, permettant leur survie. En Occident, les Ve et VIe siĂšcles voient la crĂ©ation et la croissance de royaumes germaniques (regna), qui marquent de leur empreinte la culture de lâEurope, pour tout le cours du Moyen Ăge[5].
Survol général
Terminologie
Les travaux menĂ©s depuis la Seconde Guerre mondiale ont conduit Ă remettre en question aussi bien le concept dâ« invasions barbares » utilisĂ© dans plusieurs langues romanes, que celui de Völkerwanderung (migration des peuples) utilisĂ© dans les langues germaniques[6]. Les historiens allemands et germanophones prĂ©fĂšrent le terme, moins pĂ©joratif, de « migration des peuples », tandis que la plupart des historiens anglo-saxons parlent aujourd'hui de « Migration Period » pour Ă©voquer cette pĂ©riode de l'histoire.
Chacun des deux termes de lâexpression « invasions barbares » pose problĂšme. Le mot « invasion » implique un groupe homogĂšne qui fait une entrĂ©e soudaine et violente sur le territoire dâune population autochtone et, par le pillage et la destruction, soumet, chasse ou annihile celle-ci. Divers modĂšles ont Ă©tĂ© Ă©laborĂ©s au cours des derniĂšres annĂ©es, modĂšles qui remettent en cause l'image traditionnelle dâune communautĂ© compacte se mettant collectivement en marche au mĂȘme moment, de mĂȘme qu'elle nuance le caractĂšre systĂ©matique de violence. En dĂ©pit de leur nombre, ces modĂšles peuvent ĂȘtre classĂ©s en deux types, nullement exclusifs. Le premier modĂšle appelĂ© « avancĂ©e par vagues » part du principe que les civilisations agricoles, voyant croĂźtre leur population et par consĂ©quent leurs besoins en nourriture, se sont Ă©tendues progressivement aux dĂ©pens des civilisations de chasseurs-cueilleurs qui les entouraient. Le second modĂšle est celui du « transfert des Ă©lites » oĂč de petits groupes conquiĂšrent un territoire dĂ©jĂ peuplĂ© dont ils remplacent lâĂ©lite dominante tout en laissant en place les structures sociales et Ă©conomiques traditionnelles. On pense ici Ă la conquĂȘte de lâAngleterre par les Normands : la population locale demeura sur place, mais fut soumise par la force des armes Ă un groupe Ă©tranger.
Le second problĂšme est liĂ© au mot « barbare ». Les Romains, et les Grecs avant eux, regroupent sous ce terme tous ceux qui ne parlent pas leur langue et ne partagent pas leur modĂšle de civilisation basĂ© sur la citĂ© et lâĂ©criture. Avec lâextension du christianisme apparaĂźt un deuxiĂšme clivage, cette fois entre chrĂ©tiens et paĂŻens, le terme « barbare » Ă©tant alors utilisĂ© pour dĂ©crire des populations non ou faiblement christianisĂ©es, dâoĂč le sens pĂ©joratif de non-civilisĂ©, alors associĂ© Ă ce terme et par voie de consĂ©quence les prĂ©jugĂ©s de « cruel », « fĂ©roce », « inhumain » que vĂ©hiculent les sources :
« Des nations innombrables et fĂ©roces se sont rendues maĂźtresses de la Gaule. Tout le territoire compris entre les Alpes et les PyrĂ©nĂ©es, lâOcĂ©an et le Rhin a Ă©tĂ© dĂ©vastĂ© par les Quades, les Vandales, les Sarmates, les Alains, les GĂ©pides, les HĂ©rules, les Saxons, les Burgondes, les Alamans, les Pannoniens⊠Mayence a Ă©tĂ© prise et dĂ©truite, et des milliers dâhommes Ă©gorgĂ©s dans lâĂ©glise. Worms est tombĂ© aprĂšs un long siĂšge. ReimsâŠ, ArrasâŠ, Tournai, Spire, Strasbourg, ont Ă©tĂ© transfĂ©rĂ©es en Germanie ; Aquitaine, Novempopulanie, Lyonnaise, Narbonnaise ont Ă©tĂ© dĂ©vastĂ©es »
â Saint-JĂ©rĂŽme, Lettres, no 123[7]
Dans de nombreux cas, lâarrivĂ©e dâĂ©trangers sâest effectivement accompagnĂ©e d'Ă©pouvantables violences contre les populations existantes : mise Ă sac des villes avec pillages, incendies et massacres qui ont laissĂ© des contrĂ©es entiĂšres dĂ©peuplĂ©es, les survivants ayant fui. Mais dans dâautres cas, les territoires oĂč arrivent les migrants sont vides dâoccupants ; les nouveaux venus sây installent alors sans brutalitĂ©, mĂȘme sur un territoire appartenant Ă lâEmpire romain. LĂ oĂč existe une population autochtone, câest souvent cette derniĂšre qui acculture les nouveaux arrivants, moins nombreux quâelle, Ă l'image de ce qui s'est passĂ© dans les parties Ă majoritĂ© albanaise, grecque ou valaque des Balkans et de Dacie : les Slaves adoptent la langue de la majoritĂ© de la population parmi laquelle ils se sont Ă©tablis et oĂč ils ne forment quâune minoritĂ©[8] (alors que, dans d'autres parties de ces territoires, c'est le contraire qui se produisit et les autochtones furent slavisĂ©s : voir l'Ă©volution linguistique des Balkans). Le mĂȘme phĂ©nomĂšne semble sâĂȘtre produit dans le cas des Lombards du VIe siĂšcle, qui perdirent progressivement leurs caractĂšres distinctifs pour adopter les traditions des peuples Ă©tablis sur le moyen Danube, dominĂ© par les GĂ©pides[9].
La notion allemande de Völkerwanderung ou « migration des peuples » pose Ă©galement problĂšme. Elle prĂ©suppose, tout comme lâexpression française, la « migration », câest-Ă -dire le dĂ©placement de toute une population, quittant massivement le territoire ancestral pour faire fortune ailleurs. La rĂ©alitĂ©, comme le dĂ©montre la recherche, est plus complexe. Certes, il y eut des migrations massives, comme celle de dizaines de milliers d'Ostrogoths qui quittĂšrent la Pannonie pour les Balkans en 473[10], groupe qui a pu atteindre ensuite presque cent mille personnes, en raison de lâajout d'Ostrogoths de Thrace et de rĂ©fugiĂ©s Ruges, lorsquâil quittera les Balkans pour lâItalie, en 488[11]. Mais dans de nombreux autres cas, il est plus que probable quâil se soit agi de petits groupes dâindividus particuliĂšrement aventureux, qui pour diverses raisons (climatiques, Ă©conomiques, politiques ou par simple recherche de richesse et de gloire), laissaient derriĂšre eux parents et proches pour se lancer dans une aventure. Progressivement, ce groupe est amenĂ© Ă grossir si lâaventure est couronnĂ©e de succĂšs, mais aussi Ă disparaĂźtre en cas dâinsuccĂšs. Ainsi, de nombreuses scissions se sont produites chez les HĂ©rules, amenant les uns en Scandinavie et les autres Ă se subordonner aux GĂ©pides ou Ă lâempire dâOrient[12].
Par ailleurs, ce terme de « migration » fait rĂ©fĂ©rence Ă un processus que lâon ne conçoit pas de nos jours de la mĂȘme maniĂšre que dans le passĂ©. Le rapport que JordanĂšs fait de la migration des Goths vers la mer Noire a longtemps servi de modĂšle au concept traditionnel :
« Lorsque son peuple se fut beaucoup augmentĂ© en nombre, le roi Filimer, fils de Gadaric [âŠ] prit la dĂ©cision que lâarmĂ©e des Goths et leurs familles devraient quitter cette rĂ©gion (prĂšs de la Baltique). Dans leur recherche de lieux habitables et plaisants, ils arrivĂšrent en Scythie, que lâon appelait Oium dans la langue locale. Ils furent enchantĂ©s de la richesse du pays et on dit que lorsque la moitiĂ© de lâarmĂ©e eut traversĂ© la riviĂšre, le pont sâĂ©croula de telle sorte que personne ne pouvait plus passer dâune rive Ă lâautre. [âŠ] Cette partie de lâarmĂ©e qui avait traversĂ© la riviĂšre et qui Ă©tait entrĂ©e avec Filimer dans le pays de Oium prit possession de cette terre convoitĂ©e. Elle fit bientĂŽt face Ă des gens de la race de Spali ; il y eut combat et lâarmĂ©e de Filimer fut victorieuse. De lĂ , les vainqueurs se hĂątĂšrent vers les confins du pays scythe qui est prĂšs de la mer Noire »[13]. Lâimpression que lâon retire de cette description est celle dâun roi unique qui conduit un peuple unifiĂ© vers de nouvelles terres, et fonde un nouveau royaume aprĂšs avoir vaincu (et probablement chassĂ©) les populations autochtones. Ce modĂšle inspirĂ© de l'Ancien Testament, et Ă©tendu Ă lâensemble des migrations, ne rend pas compte de la rĂ©alitĂ© des faits, ni des diffĂ©rences existant entre les invasions des IIe / IIIe siĂšcles et celles des IVe / Ve siĂšcles.
Dans le cas prĂ©cis que dĂ©crit JordanĂšs, il est avĂ©rĂ© que non seulement les Goths, mais toute une sĂ©rie de peuplades germaniques prirent part Ă cette migration. Par ailleurs, celles-ci nâagirent pas comme un groupe unifiĂ© : aucune autre source que JordanĂšs ne fait rĂ©fĂ©rence Ă un Filimer qui aurait Ă©tĂ© lâunique chef des Goths ; elles mentionnent au contraire divers chefs comme Cniva, Argaith, Guntheric, Respa, Veduc, Thuruar et Cannabaudes. Dâautres sources montrent que divers groupes opĂ©rĂšrent de façon diffĂ©rente, les uns par terre, sâalliant parfois Ă des tribus diffĂ©rentes, les autres par mer, sur un vaste territoire sâĂ©tendant de lâembouchure du Danube jusquâĂ la CrimĂ©e distante de plus de mille kilomĂštres. Enfin, le rĂ©sultat de cette migration fut, non pas la crĂ©ation dâun seul royaume comme le sous-entend JordanĂšs, mais de plusieurs. Selon Heather, JordanĂšs a simplement plaquĂ© la rĂ©alitĂ© goth du VIe siĂšcle oĂč il a vĂ©cu sur le IVe siĂšcle[14].
De la mĂȘme façon, la notion de « peuple » hĂ©ritĂ©e de lâĂšre des nationalitĂ©s reprĂ©sentant des groupes sociaux homogĂšnes fermĂ©s aux Ă©trangers ne peut sâappliquer aux premiers siĂšcles de notre Ăšre. Ne serait-ce quâen raison des difficultĂ©s de transport, les « peuples », si on se rĂ©fĂšre Ă une notion gĂ©ographique, se limitaient souvent Ă ce qui ne serait aujourdâhui quâun dĂ©partement. En termes de sociĂ©tĂ©, et en dĂ©pit de ce quâimpliquent les termes latins de gentes ou de nationes, le terme de « tribu » ou de « peuplade » serait plus adĂ©quat pour dĂ©crire la rĂ©alitĂ© que celui de « peuple ». Dans de nombreux cas, on voit de petites communautĂ©s sâintĂ©grer Ă des collectivitĂ©s plus importantes. Ainsi, on pouvait trouver des Ruges ou des HĂ©rules associĂ©s Ă des communautĂ©s de Goths. Dans ces cas, on doit plutĂŽt parler dâalliances que de peuples et lâidentitĂ© ainsi engendrĂ©e serait de nature politique plutĂŽt que culturelle. La recherche contemporaine a ainsi dĂ©montrĂ© que des similitudes de langues, de vĂȘtements ou mĂȘme dâarmes ne suffisaient pas Ă confirmer lâappartenance Ă une communautĂ© ethnique[15]. Ceci implique que divers groupes pouvaient fusionner tout en restant loyaux Ă leur communautĂ©[16]. Les Ă©tudes historiques se sont souvent attardĂ©es depuis les annĂ©es 1970 sur ce qu'elles ont dĂ©signĂ© comme un processus d'« ethnogenĂšse », considĂ©rant que les « peuples barbares » se forment progressivement autour d'un noyau limitĂ© en nombre, un clan souverain, porteur d'une tradition spĂ©cifique, Ă laquelle il agrĂšge peu Ă peu d'autres composantes, d'origine extĂ©rieure. Un rĂ©cit fondateur lĂ©gendaire est forgĂ© afin de souder ce groupe. Il n'y a donc pas lieu de chercher une cohĂ©sion gĂ©nĂ©tique Ă ces peuples. De plus cela expliquerait les fluctuations qui ont lieu au grĂ© des succĂšs et Ă©checs militaires, expliquant par exemple la disparition des Huns en tant que peuple aprĂšs 453 par leur dispersion et leur intĂ©gration dans les diffĂ©rents groupes vainqueurs[17]. Ce type de scĂ©nario est critiquable car il y a peu de traits culturels archaĂŻques attribuables Ă une origine lointaine qui se dĂ©cĂšlent chez les peuples barbares, qui sont souvent romanisĂ©s voire christianisĂ©s dĂšs leur Ă©mergence, sans que cela ne soit une entrave Ă la constitution de leur identitĂ©[18]. L'archĂ©ologie n'apporte pas de rĂ©ponse Ă©vidente sur leurs origines, la correspondance entre une culture matĂ©rielle (objets, pratiques funĂ©raires) et une identitĂ© ethnique Ă©tant loin d'ĂȘtre systĂ©matique[19]. Il a aussi Ă©tĂ© proposĂ© de localiser l'apparition de ces peuples dans les espaces frontaliers du monde romain, par le contact de ce dernier : « par imitation, par rĂ©action Ă la pression militaire ou par volontĂ© de profiter dâopportunitĂ©s rĂ©servĂ©es aux peuples constituĂ©s, les populations locales auraient changĂ© dâidentitĂ© »[20]. L'entrĂ©e dans l'empire renforce le processus, puisque se rattacher Ă un peuple constituĂ© permet de profiter des avantages liĂ©s Ă son statut aux yeux des dirigeants et des populations de l'empire ; aussi une personne ayant Ă la fois des origines romaines et non-romaines peut choisir l'une ou l'autre selon les opportunitĂ©s qu'elles lui offrent[21].
DĂ©clin de lâEmpire romain dâOccident
DĂ©finir le rĂŽle prĂ©cis que les grandes migrations ont jouĂ© dans lâeffondrement de lâempire romain d'Occident constitue un exercice difficile. Il est certain que Rome Ă la fin du IVe siĂšcle et au dĂ©but du Ve siĂšcle ne dispose plus des capacitĂ©s dâempĂȘcher lâarrivĂ©e de nouveaux arrivants et encore moins de les intĂ©grer dans lâempire, comme elle lâavait fait dans le passĂ©. LâĂ©tablissement de « royaumes » (regna) germaniques aux Ve et VIe siĂšcles dans lâOuest de lâempire demeure donc un processus complexe et malaisĂ© Ă cerner, contrairement Ă ce que lâon a longtemps pensĂ© en dĂ©crivant les choses de façon assez simpliste[22].
Ainsi, dans son livre LâEmpire chrĂ©tien publiĂ© en 1947, l'historien AndrĂ© Piganiol dĂ©fend la thĂšse de la destruction de la civilisation romaine par les Germains. Une thĂšse aussi simple ne peut plus ĂȘtre soutenue de nos jours, les Francs sont considĂ©rĂ©s par saint Remi comme les gardiens du pays et les garants du droit (romain)[23]. De la mĂȘme façon, en particulier au cours de la premiĂšre moitiĂ© du XXe siĂšcle, de nombreux historiens aussi bien dans le monde roman quâanglo-saxon ont avancĂ© des thĂ©ories qui reflĂ©taient davantage les dĂ©mĂȘlĂ©s de leurs gouvernements avec lâĂtat allemand dâalors que la rĂ©alitĂ© historique. En retour, de nombreux historiens nationalistes allemands, principalement au temps du nazisme, ont tentĂ© de prouver le prĂ©tendu « hĂ©ritage allemand » de lâĂ©poque des grandes migrations[24]. Les recherches faites depuis les annĂ©es 1970 ont mis lâaccent sur le fait que lâAntiquitĂ© tardive (et dĂšs lors lâĂšre des grandes migrations) fut une pĂ©riode de transformation culturelle au cours de laquelle les peuples migrateurs ont jouĂ© un rĂŽle vital. Elles reconnaissent en mĂȘme temps que ce fut une pĂ©riode de grande violence et de dĂ©clin Ă©conomique considĂ©rable[25].
La plupart des historiens sâaccordent toutefois pour voir dans lâarrivĂ©e des Huns lâune des causes premiĂšres du dĂ©clin de lâEmpire romain dâOccident[26]. Au contraire, lâEmpire romain d'Orient, initialement leur premier objectif, rĂ©siste Ă leurs assauts principalement parce que ces peuplades ne peuvent passer dâEurope vers les riches provinces dâAsie mineure, les murailles de Constantinople se rĂ©vĂ©lant toujours un obstacle infranchissable. Lui-mĂȘme aux prises avec ces envahisseurs, lâempire dâOrient ne peut pas mobiliser des ressources afin d'appuyer efficacement la rĂ©sistance de lâempire dâOccident. Sur le plan culturel, la culture classique de lâAntiquitĂ© n'aurait, suivant une hypothĂšse traditionnelle, plus possĂ©dĂ© la vitalitĂ© nĂ©cessaire pour survivre sur la partie du continent europĂ©en oĂč progressivement, aprĂšs lâinstallation de ces peuples, sâeffectue une fusion des cultures germanique et romaine[27] ; cette idĂ©e d'un dĂ©clin culturel est cependant gĂ©nĂ©ralement rejetĂ©e par les historiens actuels. Tout au long du Ve siĂšcle, la politique romaine consiste la plupart du temps Ă dresser les diverses tribus barbares les unes contre dâautres ; ainsi, elle oppose les Wisigoths dâEspagne aux Vandales et, plus tard, les Ostrogoths dâItalie contre Odoacre. Dans le cadre de cette politique, les victoires romaines apparaissent le plus souvent partielles, peu solides et porteuses des germes d'un affaiblissement ultĂ©rieur ; en effet, sortis militairement vaincus par Rome, les rois barbares nĂ©gocient leur soumission contre de nouveaux avantages, les renforçant face Ă une autoritĂ© centrale de plus en plus affaiblie.
Traditionnellement lâon considĂšre la « barbarisation » progressive de lâarmĂ©e romaine comme lâune des causes de la « dĂ©cadence » de lâempire, alors que les historiens modernes considĂšrent quâil sâagit plutĂŽt dâune Ă©volution qui, au travers des « barbares » intĂ©grĂ©s dans lâarmĂ©e rĂ©guliĂšre romaine et ainsi romanisĂ©s mais surtout Ă travers les foederati germaniques, mĂšnera au remplacement par Ă©tapes de lâEmpire romain dâOccident par des royaumes germaniques, dont il reste nĂ©anmoins le modĂšle. Sur le plan Ă©conomique, le passage aux mains des peuples germaniques des provinces les plus riches, en particulier de celles dâAfrique du Nord, transfĂšre progressivement les ressources financiĂšres de lâEmpire vers ses foederati, enrĂŽlĂ©s en nombre toujours plus considĂ©rable dans les rangs dâune armĂ©e de moins en moins « romaine de souche » (si tant est que ce syntagme ait un sens, Ă©tant donnĂ© que Rome intĂšgre ainsi des peuples tout au long de son histoire). La nouveautĂ©, câest que les troupes des foederati germaniques Ă©chappent progressivement au contrĂŽle de lâempereur en remplaçant progressivement les troupes rĂ©guliĂšres, Ă©tablissant de facto des royaumes sinon indĂ©pendants, du moins autonomes. Ăchappant peu Ă peu Ă lâautoritĂ© de lâempereur dâOccident, elles continuent Ă accepter, du moins thĂ©oriquement jusquâau VIe siĂšcle, le pouvoir nominal de lâempereur romain dâOrient dont elles renforcent la lĂ©gitimitĂ©.
Les guerres de lâempereur Justinien pour restaurer lâEmpire en Occident (Italie, Dalmatie, sud-est de l'Hispanie, Ăźles de la MĂ©diterranĂ©e occidentale, Afrique du Nord) montrent Ă la fois quâen 550 une intervention impĂ©riale y demeure possible, mais que ses ressources militaires ne sont pas suffisantes pour rĂ©cupĂ©rer aussi la Gaule franque et la totalitĂ© de lâHispanie wisigothique. La complexitĂ© et la progressivitĂ© des changements ne permettent pas aux contemporains de percevoir une quelconque « chute de lâEmpire romain » qui aurait, du jour au lendemain, Ă©tĂ© remplacĂ© par le « rĂšgne des Barbares » : cette vision rĂ©ductrice a Ă©tĂ© forgĂ©e ultĂ©rieurement, aprĂšs que de nombreux souverains succĂ©dant aux royaumes germaniques, de Charlemagne Ă NapolĂ©on en passant par les « Empereurs des Romains », ont eu comme horizon politique, durant plus de mille ans, la reconstitution de lâEmpire Ă leur profit[28] - [29].
Royaumes romains-germaniques
Lâadministration romaine, par son efficacitĂ©, joue un rĂŽle essentiel dans la crĂ©ation des royaumes (regna) germaniques sur le territoire de lâempire : royaume goth en Italie (occupĂ©, plus tard, par les Lombards) et en Espagne, royaume vandale en Afrique du Nord, Francs et Burgondes en Gaule ; les petits royaumes anglo-saxons de Bretagne jouent Ă cet Ă©gard un rĂŽle particulier en Ă©tant plus autonomes vis-Ă -vis des anciennes institutions romaines.
Inversement, l'ensemble de ces regna exerce en une influence considĂ©rable sur lâĂ©volution de lâEurope au Moyen Ăge. NâeĂ»t Ă©tĂ© le modĂšle empruntĂ© Ă lâEmpire romain de lâAntiquitĂ© tardive, ces petits royaumes, qui continuent Ă maintenir de nombreux liens avec lâempire, n'eussent pu exister. Câest grĂące Ă ce modĂšle par exemple que Wisigoths dâEspagne et Ostrogoths dâItalie peuvent assimiler la culture romaine et Ă©ventuellement se servir dâelle Ă leur propre fin sans la dĂ©truire. Comme lâa Ă©crit le mĂ©diĂ©viste Patrick J. Geary :
- « Le monde germanique fut peut-ĂȘtre la plus brillante et la plus durable crĂ©ation du gĂ©nie politique et militaire de Rome[30]. »
Cette intĂ©gration des peuples germaniques reste cependant plus difficile du fait des oppositions doctrinales qui divisent le monde chrĂ©tien. En sâĂ©tablissant sur le territoire de lâempire, les nouveaux arrivants jusquâalors paĂŻens, adoptent assez rapidement la foi chrĂ©tienne mais souvent selon la confession arienne, se trouvant ainsi en conflit avec les autoritĂ©s impĂ©riales de mouvance catholique.
NumĂ©riquement, les nouveaux arrivants germains constituent des groupes aux effectifs nettement infĂ©rieurs Ă ceux des Romains. Bien que seules des estimations soient possibles, il est certain que les auteurs de lâAntiquitĂ© et du Moyen Ăge ont une nette propension Ă lâexagĂ©ration. De 20 000 Ă 30 000 soldats (auxquels il faut ajouter les femmes, les enfants, les vieillards) constituent alors probablement la limite absolue de ces groupes migrants qui en comptent souvent beaucoup moins lorsquâil sâagit de groupes dâaventuriers conduits par des « seigneurs de la guerre »[31]. Les Germains ne constituent dĂšs lors dans tous les cas quâune minoritĂ© peu importante au sein des populations romaines dans les provinces oĂč ils sâinstallent, ce qui les incite souvent Ă adopter une politique de coopĂ©ration avec les autochtones de sorte que lâon peut effectivement parler de « royaumes romano-germaniques »[32]. De ces divers royaumes, seuls ceux des Francs, des Lombards, des Anglo-saxons et des Wisigoths connaissent une existence durable.
PremiÚre période : les mouvements migratoires germaniques du IIIe siÚcle
Les grands mouvements migratoires des populations germaniques commencent bien avant leur arrivĂ©e dans lâempire. En effet, dans la deuxiĂšme moitiĂ© du IIe siĂšcle, les Quades, Marcomans, Lombards et Sarmates apparaissent sur le Danube et envahissent les provinces de RhĂ©tie, Norique, Pannonie et MĂ©sie.
Au dĂ©but du IIIe siĂšcle, les Alamans apparaissent dans les sources latines, constituant une menace pour le « limes de Germanie » Ă la charniĂšre entre le Rhin et le Danube. En 233, la recrudescence des menaces sur le Danube oblige lâempereur SĂ©vĂšre Alexandre Ă ramener les Illyriens dâOrient. LâannĂ©e suivante, les Alamans envahissent le secteur rhĂ©tique du « limes » et multiplient les incursions en direction des champs DĂ©cumates[33]. Une dĂ©cennie plus tard, franchissant le « limes », les Alamans parviennent Ă leur tour en RhĂ©tie. Au dĂ©but de la deuxiĂšme moitiĂ© du IIIe siĂšcle, avec les Francs, ils envahissent la Gaule. RepoussĂ©s outre-Rhin par lâempereur Gallien, les Francs reviennent en Gaule dans les annĂ©es 260 alors que les Alamans font de mĂȘme Ă partir de la RhĂ©tie. Des groupes se rejoignent alors, et s'aventurent dans le centre et le sud-est de la Gaule. Certains parviennent mĂȘme en Espagne et en MaurĂ©tanie ; dâautres pĂ©nĂštrent en Italie, mais sont battus par Gallien Ă Milan. En GrĂšce, AthĂšnes est prise en 267-268 par les HĂ©rules qui dĂ©truisent une grande partie de la ville et notamment le forum. AprĂšs le bref rĂšgne de lâempereur Claude, lâempereur AurĂ©lien doit se battre en Pannonie contre les Vandales et les Sarmates, pendant que les Juthunges envahissent lâItalie ; ils sont arrĂȘtĂ©s Ă Fano et Pavie. En 275, les Francs mĂšnent des raids en Gaule en suivant le cours du Rhin et celui de la Meuse, pendant que les Alamans progressent en suivant les vallĂ©es de la SaĂŽne et du RhĂŽne. Deux annĂ©es plus tard, Probus met un terme Ă leur invasion en Gaule et, en 278-279, dĂ©livre la RhĂ©tie des Burgondes et des Vandales[34].
Les nombreux mouvements migratoires qui ont lieu au-delĂ de lâhorizon romain ne sont connus que par des rĂ©cits Ă©manant de traditions orales et mis par Ă©crit alors quâils prennent une dimension mythique. Lâune des plus connues de ces traditions sĂ©culaires est la soi-disant De origine actibusque Getarum, ou Histoire des Goths (aussi connue sous le nom de Getica) de JordanĂšs, qui date du VIe siĂšcle. On sait maintenant que les Goths sont partis de la rĂ©gion de la Vistule au IIe siĂšcle et se sont dirigĂ©s vers la mer Noire, chassant dâabord les Daces de leur territoire, et les forçant Ă se rĂ©fugier en Transylvanie[35]. Les Goths occasionnent ainsi le premier grand mouvement migratoire, en refoulant les Vandales et les Marcomans vers le sud et les Burgondes vers lâouest. Ce dĂ©placement de peuples est lâune des causes des guerres avec les Marcomans Ă l'issue desquelles les Romains ne purent venir Ă bout des Germains quâavec difficultĂ©[36]. Au cours des annĂ©es cinquante et soixante du IIIe siĂšcle, profitant de la crise du IIIe siĂšcle, des bandes de Goths sâavancent toujours plus avant sur le territoire de lâempire[37]. En 252-253, ils ravagent les cĂŽtes de lâAsie mineure, ainsi que la rive droite du Rhin, avant dâenvahir les Balkans et la GrĂšce par terre et par mer, en 267. Ils sont Ă©crasĂ©s par Claude Ă NaĂŻssus en 269. En 275, les Goths, alliĂ©s aux Alains pour cette nouvelle incursion, envahissent Ă nouveau lâAsie Mineure, jusquâen Cilicie. Trois ans plus tard, Probus lance une campagne contre eux et parvint Ă nettoyer la rĂ©gion du Danube[34].
Au cours des annĂ©es 290, les Goths se divisent entre Thervingues/Wisigoths et Greuthungues/Ostrogoths. Les Greuthungues ou « Goths de lâEst » sâĂ©tablissent prĂšs de la mer Noire, lĂ oĂč se trouve aujourdâhui lâUkraine. Les Thervingues ou « Goths de lâOuest » se dirigent dâabord vers la pĂ©ninsule des Balkans, pour s'Ă©tablir en Transylvanie. Les Thervingues parviennent ainsi au contact direct des Romains, cause de nombreux affrontements indĂ©cis. En 332, les Goths vivant prĂšs du Danube obtiennent le statut de foederati, les astreignant par traitĂ© Ă apporter une assistance militaire aux Romains. La migration des Goths revĂȘt une importance particuliĂšre en raison des Ă©vĂ©nements qu'elle prĂ©cĂšde : lâinvasion des Huns en 375 les chasse de leur nouveau territoire, les poussant Ă se dĂ©placer dans l'Empire romain, menacĂ© par ces migrations.
Ă peu prĂšs Ă la mĂȘme pĂ©riode, les Lombards quittent la rĂ©gion situĂ©e entre la mer du Nord et Hambourg sur lâElbe pour se diriger vers la Moravie et la Pannonie. De petites incursions dans les territoires contrĂŽlĂ©s par Rome sont repoussĂ©es, ou se traduisent par des rectifications mineures de la frontiĂšre. Plus Ă lâouest, la confĂ©dĂ©ration des Alamans oblige Rome Ă abandonner le « limes germano-rhĂ©tique » ; les Alamans exercent alors leur pression de Mayence Ă Ratisbonne, soit Ă la fois sur le Palatinat, lâAlsace, la Suisse et la Cisalpine[38]. Plusieurs tribus sont Ă©tablies le long de la frontiĂšre de lâempire, en tant qu'alliĂ©es de l'empire ; Elles servent de tampons contre d'autres tribus, plus hostiles.
Rome tire les leçons des invasions du IIIe siĂšcle et, dĂšs le dĂ©but du IVe siĂšcle, ses dirigeants prennent les mesures appropriĂ©es. Partout, les villes construisent des enceintes fortifiĂ©es, qui sont souvent en retrait par rapport Ă l'extension qu'avaient les citĂ©s au siĂšcle prĂ©cĂ©dent. Depuis la fondation de lâempire perse des Sassanides, Rome doit se battre sur plusieurs frontiĂšres Ă la fois. Les combats violents avec les armĂ©es perses monopolisent les forces romaines, ce qui permet les succĂšs des invasions germaniques du IIIe siĂšcle. Face Ă cette situation, rendre lâarmĂ©e romaine plus efficace et plus mobile devient une prioritĂ©. Les empereurs DioclĂ©tien et Constantin Ier, aprĂšs avoir rĂ©parti lâarmĂ©e entre comitatenses (armĂ©e de campagne ou dâaccompagnement de l'empereur) et limitanei ou armĂ©e de protection des frontiĂšres, mĂšnent leurs troupes Ă la reconquĂȘte des territoires sur le Rhin et le Danube au nord, y Ă©tablissent des fortifications et renforcent les frontiĂšres du Nord et de lâEst. La bataille de Strasbourg, disputĂ©e en 357 entre l'armĂ©e romaine du CĂ©sar Julien et la confĂ©dĂ©ration tribale alamane conduite par le roi Chnodomar, marque le point culminant de la campagne pour empĂȘcher les incursions barbares en Gaule et rĂ©tablir une ligne dĂ©fensive forte le long du Rhin, ligne gravement endommagĂ©e pendant la guerre civile de 350-353 entre l'usurpateur Magnence et l'empereur Constance II. En dĂ©pit des difficultĂ©s quâoccasionne le regroupement au cours du IIIe siĂšcle de diverses tribus en confĂ©dĂ©rations (Alamans et Francs) ainsi que la guerre quâelle doit simultanĂ©ment conduire contre les Perses, Rome rĂ©ussit Ă repousser militairement toutes ces attaques[39] et Ă reprendre en 378 lâinitiative des campagnes.
Toutefois, lâinvasion brutale des Huns change radicalement le cours des Ă©vĂ©nements. LâarmĂ©e romaine a alors atteint la limite de son efficacitĂ© et ne peut faire montre de plus de flexibilitĂ©. Cet Ă©tat de choses ainsi que les augmentations en taille et en force des tribus migrantes sont les deux principales caractĂ©ristiques qui marquent les mouvements migratoires ultĂ©rieurs, et les distinguent de ceux des siĂšcles prĂ©cĂ©dents[40].
DeuxiÚme période : les grandes invasions des IVe et Ve siÚcles
LâarrivĂ©e des Huns et ses consĂ©quences
- « Le peuple des Huns, dont les antĂ©cĂ©dents sont assez mal connus, habite au-delĂ de la mer dâAzov (alors connue comme paludes Maeoticas) prĂšs de la mer de glace et est dâune nature on ne peut plus sauvage [âŠ] Cette race dâhommes indomptables et habiles au combat ne vit que pour voler les biens des autres ; pillant et assassinant, elle attaqua ses voisins de proche en proche jusquâĂ ce quâelle arrive au pays des Alains, les MassagĂštes dâautrefois. »
- Ammien Marcellin, Res Gestae, 31,2,1 : 31,2, 12.
Les mĂ©moires de lâhistorien et ancien officier romain Ammien Marcellin dans son 31e livre constituent la seule vue dâensemble dĂ©taillĂ©e des invasions hunniques. Ammien, qui rapporte gĂ©nĂ©ralement les faits de façon consciencieuse, nâa cependant pas une connaissance directe des Ă©vĂ©nements qui se produisent en 375 hors des territoires de lâempire, en Ukraine (la chronologie de cette pĂ©riode est incertaine de telle sorte que mĂȘme la date de 375 retenue gĂ©nĂ©ralement comme celle du dĂ©but de lâinvasion des Huns est conjecturale)[41]. Il dĂ©peint comment les Huns dĂ©font dâabord les Alains, puis dĂ©truisent le royaume gothique dâErmanaric en Ukraine, avec lâaide des Alains[42]. On ignore prĂ©cisĂ©ment encore aujourdâhui la rĂ©gion d'origine des Huns. On les a longtemps crus apparentĂ©s aux Xiongnu, citĂ©s dans les sources chinoises. La plupart des chercheurs contemporains ou bien rejettent cette hypothĂšse ou demeurent Ă tout le moins sceptiques, en raison d'un intervalle trop considĂ©rable entre lâapparition de chacun de ces deux groupes. Quant aux causes qui poussent les Huns Ă migrer, on ne peut que spĂ©culer[43]. Les sources antiques concordent sur leur cruautĂ© et leur manque de culture ; par la suite, les auteurs occidentaux utilisent gĂ©nĂ©ralement le terme pour dĂ©crire tout groupe originaire des steppes dâAsie centrale (comme on le fait aussi pour le terme « Scythes »). Les auteurs chrĂ©tiens sont prompts Ă voir une punition de Dieu dans lâĂ©mergence subite des Huns dont la brutalitĂ© et la rapiditĂ© dâaction sont aussi lĂ©gendaires que l'archerie montĂ©e[44].
Il est Ă©tabli que les Huns, ne disposant pas de commandement unifiĂ©, dĂ©clenchent la fuite dĂ©sordonnĂ©e de nombreuses tribus germaniques et sarmates vers le sud et lâouest de lâEurope. Ils attaquent dâabord les Alains dont certains rejoignent leurs rangs pour attaquer les Greuthungues. Ces derniers ayant vu leurs chefs, Ermenaric et Vithimer, pĂ©rir dans lâune des nombreuses batailles les opposant aux Huns fuient vers le territoire des Thervingues en compagnie desquels ils se dirigent vers le Danube pour demander Ă lâempereur Valens, rĂ©gnant sur la partie orientale de lâempire, la permission de se rĂ©fugier dans lâEmpire romain et de s'installer en MĂ©sie (la Serbie et la Bulgarie actuelles). Lâempereur finit par consentir Ă leur requĂȘte en 376. Des milliers de Thervingues et autres rĂ©fugiĂ©s se prĂ©sentent ainsi aux frontiĂšres du limes[45]. Sans doute a-t-on sous-estimĂ© du cĂŽtĂ© des Romains le nombre de ces rĂ©fugiĂ©s que lâon nĂ©glige de dĂ©sarmer. Les autoritĂ©s chargĂ©es d'organiser l'accueil des Goths, plus prĂ©occupĂ©es par les possibilitĂ©s de tirer un profit immĂ©diat de la situation que de gĂ©rer la crise au mieux, se montrent vite dĂ©bordĂ©es. L'administration nâest alors pas prĂ©parĂ©e Ă prendre en charge des populations aussi importantes de telle sorte que les Goths doivent patienter longtemps sur les deux rives du Danube. Le comes de MĂ©sie, Lucipinus, revend Ă un prix exorbitant les matiĂšres premiĂšres et les ressources alimentaires mises Ă sa disposition pour la construction de villages, si bien que les Goths, rapidement rĂ©duits Ă la famine, se rĂ©voltent contre les Romains au dĂ©but de l'annĂ©e 377[46].
De prime abord, ces Ă©vĂ©nements et leurs consĂ©quences ne semblent guĂšre prĂ©senter un grave danger. Lâempereur Valens renonce Ă une campagne contre les Sassanides pour marcher contre les Goths de Thrace. Mais au cours de lâĂ©tĂ© 377, les Romains rĂ©alisent la vĂ©ritable nature de leur nouvel adversaire germanique aprĂšs avoir Ă©chouĂ© Ă vaincre les Goths Ă la bataille des Saules, et Ă les contenir au Nord des Balkans. Lâempereur se rend lui-mĂȘme en Thrace au printemps de 378 et mute de nombreux officiers supĂ©rieurs. Gratien, neveu de Valens et CĂ©sar dâOccident, ayant promis son aide, ne peut tenir sa promesse en raison dâune attaque des Alamans, ce qui doit amener Gratien Ă conduire une opĂ©ration outre-Rhin, la derniĂšre quây dirige un empereur romain. Le se dĂ©roule Ă Andrinople une bataille entre les Goths commandĂ©s par Fritigern et lâarmĂ©e romaine. Sans quâil y ait eu nĂ©cessitĂ©, Valens et quelque 30 000 soldats, lâĂ©lite de lâarmĂ©e de lâEst, se dĂ©ploie en rase campagne[47]. De leur cĂŽtĂ©, les Thervingues ont Ă©galement reçu des renforts sous la forme de la « confĂ©dĂ©ration des trois peuples », formĂ©e de Greuthungues, dâAlains et de quelques Huns dĂ©serteurs, laquelle souhaite se soustraire Ă la domination des Huns[48]. De plus, les espions romains sous-estiment la force de lâarmĂ©e ennemie composĂ©e de quelque 20 000 soldats. Les Romains, extĂ©nuĂ©s par leur longue marche sous un soleil de plomb et sans approvisionnement suffisant, se trouvent dĂ©pourvus devant la cavalerie hautement mobile de leurs ennemis pendant que lâinfanterie des Goths les assaille de toutes parts. Seul le tiers des forces romaines peut sâĂ©chapper et lâempereur Valens tombe au combat. Avec lui, de nombreuses unitĂ©s dâĂ©lite de lâarmĂ©e dâOrient sont anĂ©anties de mĂȘme quâun grand nombre dâofficiers supĂ©rieurs dont deux des plus hauts gradĂ©s[49]. Ammien, qui Ă©crit son ouvrage entre 391 et 394, le termine avec la bataille dâAndrinople quâil compare Ă la bataille de Cannes oĂč Hannibal remporta une bataille dĂ©cisive sur les lĂ©gions romaines au cours de la deuxiĂšme guerre punique[50].
Le traité de 382 entre Rome et les Goths
La sĂ©vĂšre dĂ©faite dâAndrinople ne signifie nullement la fin de lâempire. Les Goths ne peuvent exploiter leur victoire[51]. Gratien, dirigeant la partie occidentale de lâempire, se hĂąte de faire dĂ©signer un nouvel empereur en Orient, choisissant Ă cette fin un militaire originaire dâEspagne, Flavius ThĂ©odose, fils de ThĂ©odose l'Ancien qui sâĂ©tait dĂ©jĂ illustrĂ© comme gĂ©nĂ©ral[52].
ThĂ©odose se rĂ©vĂšle d'une autre envergure que Valens. Il Ă©tablit son quartier gĂ©nĂ©ral Ă Thessalonique en 379 dâoĂč il conduit de nombreuses opĂ©rations contre les Goths. Toutefois, ces offensives romaines souffrent de lâabsence dâofficiers qualifiĂ©s, si bien que ThĂ©odose doit finalement accepter de composer avec les « barbares ». Il commence par accueillir Ă Constantinople en 380/381 Athanaric, alors en mauvais termes avec Fritigern, et intĂšgre ses partisans dans ses propres troupes. Gratien, ayant acceptĂ© en 380 de voir une partie de la confĂ©dĂ©ration des trois peuples sâĂ©tablir en Pannonie et en Thrace, finit par envoyer des officiers qualifiĂ©s en Orient, au nombre desquels Bauto et Arbogast lâAncien. Mais le commandant en chef Flavius Saturninus doit conclure, en octobre 382, un traitĂ© avec les Goths de Thrace. Le fĆdus du 3 octobre 382 Ă©tabli avec Fritigern autorise les Wisigoths Ă sâinstaller entre le Danube et lâHĂ©mus. En tant que nation indĂ©pendante fixĂ©e en terre dâempire, ils demeurent soumis Ă leurs propres lois et exempts dâimpĂŽts mais nâobtiennent pas la permission d'Ă©pouser des citoyens romains, lesquels conservent les seules lois romaines. La terre sur laquelle ils sont Ă©tablis demeure terre dâempire mĂȘme si les Goths y jouissent dâune certaine autonomie. En contrepartie, ils doivent servir comme fĂ©dĂ©rĂ©s mais commandĂ©s par leurs propres chefs lesquels demeurent sous la juridiction dâofficiers supĂ©rieurs de lâarmĂ©e romaine. Ce traitĂ© met en place un prĂ©cĂ©dent : une nation germanique fĂ©dĂ©rĂ©e peut sâĂ©tablir Ă lâintĂ©rieur des frontiĂšres de lâempire tout en maintenant son statut de nation indĂ©pendante et, en thĂ©orie du moins, traiter avec Rome dâĂ©gal Ă Ă©gal[53]. Ce traitĂ© a souvent Ă©tĂ© considĂ©rĂ© dans le passĂ© comme le dĂ©but de la fin de lâempire dâOccident, des barbares nâayant jamais accĂ©dĂ© auparavant Ă un tel statut dâautonomie et ne s'Ă©tant installĂ©s si prĂšs de Rome. Toutefois, un certain nombre de chercheurs contemporains soutiennent qu'il ne tranche pas fondamentalement avec les traitĂ©s similaires[40]. Rome continue Ă revendiquer son autoritĂ© sur lâensemble de lâempire tout en disposant Ă la fois dâune nouvelle main-dâĆuvre rurale et de nouvelles troupes permanentes alors que les citoyens romains de naissance hĂ©sitent de plus en plus Ă sâenrĂŽler dans lâarmĂ©e mĂȘme si par la suite, on constate que les soldes Ă©levĂ©es consenties aux nouveaux soldats constituent un poids financier important. Ces mĂȘmes chercheurs considĂšrent donc plutĂŽt ce traitĂ© de 382 comme le dĂ©but du processus devant mener Ă la crĂ©ation de royaumes barbares sur le territoire de lâempire[54].
Les Goths à la fois « fédérés » et ennemis de Rome
Les nouveaux fĂ©dĂ©rĂ©s jouent un rĂŽle important dans la politique militaire de ThĂ©odose. Celui-ci poursuit avec dĂ©termination une politique rĂ©aliste et, contrairement Ă ce que prĂ©tend JordanĂšs, n'a pas Ă©tĂ© quâ« un ami des Goths »[55] comme en tĂ©moigne le taux Ă©levĂ© de pertes au sein de leurs troupes. Toutefois, la politique dâintĂ©gration menĂ©e par lâempereur ne rĂ©ussit pas Ă rĂ©concilier tous les Goths. Si certains, comme Fravitta demeurent fidĂšles Ă Rome, dâautres considĂšrent les concessions du traitĂ© comme insuffisantes. DĂ©jĂ en 391 certains dâentre eux se sont rĂ©voltĂ©s et ne sont dĂ©faits par le gĂ©nĂ©ral romain Stilicon quâavec difficultĂ©. En 392, le traitĂ© de 382 est renouvelĂ© ; câest Ă cette occasion que lâon voit apparaĂźtre pour la premiĂšre fois dans les sources le nom dâAlaric, descendant de la famille aristocratique des Balthes et chef dâun nouveau peuple Ă©mergeant, les Wisigoths[56].
En 394, dans la guerre qui lâoppose Ă lâusurpateur EugĂšne, lâarmĂ©e de ThĂ©odose comprend des troupes romaines sous le commandement de Timasius et de Stilicon, des fĂ©dĂ©rĂ©s goths sous celui dâAlaric et de GaĂŻnas et des contingents orientaux (ArmĂ©niens, Arabes et MĂšdes) placĂ©s sous la direction du prince gĂ©orgien Bacurius. Les Goths essuient Ă cette occasion de lourdes pertes ; il nâest pas impossible que ThĂ©odose ait agi dĂ©libĂ©rĂ©ment pour affaiblir un ennemi potentiel. La mort de ThĂ©odose Ă Milan en 395 dĂ©gage les parties de leurs obligations ; les Goths reçoivent ainsi la permission de retourner Ă lâEst mais se rendent alors compte bientĂŽt que les territoires qui leur avaient Ă©tĂ© allouĂ©s ont Ă©tĂ© dĂ©vastĂ©s par les Huns. Amer, Alaric se dirige vers Constantinople pour obtenir de force un nouveau traitĂ©[57]. Les deux annĂ©es suivantes, les alĂ©as de la confrontation entre Rome et les Goths sont nombreux, Stilicon s'opposant aux Wisigoths pendant quâAlaric multiplie les allers-retours entre lâest et lâouest. De plus, la partition de 395 entre les deux fils de ThĂ©odose, Honorius (Occident) et Arcadius (Orient), entraĂźne de nouveaux conflits qui sâexacerbent rapidement.
Arcadius doit finalement acheter la paix en nommant Alaric magister militum per Illyricum et en chargeant les Wisigoths d'occuper l'Illyrie que l'empereur d'Occident Honorius contrĂŽle, prĂ©tend-il alors, au mĂ©pris de ses droits. En 397, les Goths occupent la rĂ©gion puis l'abandonnent en 401, probablement en raison du dĂ©veloppement du sentiment anti-Goths en plein essor en Orient et du caractĂšre Ăąpre de la rĂ©gion. Les bandes se mettent en route vers l'Italie toute proche en longeant les rivages de l'Adriatique. Pour sauver l'Italie menacĂ©e, l'Occident rĂ©unit toutes ses forces en un effort suprĂȘme. Stilicon rappelle de Gaule, de Norique, de RhĂ©tie, les lĂ©gions qui dĂ©fendent le passage du Rhin et du Danube. Il dĂ©fait les barbares dans deux grandes batailles, Ă Pollentia et Ă VĂ©rone, et les rejette dans le Frioul. MalgrĂ© ces victoires, les finances Ă©puisĂ©es de l'Empire ne lui permettent plus d'entretenir sur les frontiĂšres des armĂ©es solides capables de contenir partout la poussĂ©e des Germains refoulĂ©s par Attila dont les hordes continuent Ă s'avancer triomphantes vers l'ouest. Stilicon n'avait sauvĂ© l'Italie qu'en laissant sans dĂ©fense toutes les provinces situĂ©es au nord des Alpes[58].
AprĂšs quelques annĂ©es, Stilicon, devenu le vĂ©ritable homme fort de lâOccident, cherche Ă se servir des Goths Ă ses propres fins[59]. Il planifie une expĂ©dition pour rĂ©cupĂ©rer lâIllyrie, mais doit renoncer Ă cette entreprise en 406, lorsque, de façon imprĂ©vue, des bandes de Germains venant de Norique et de RhĂ©tie traversent les Alpes sous la conduite de Radagaise, ravagent la Cisalpine et marchent vers Rome en demandant des terres. Une seconde fois, Stilicon doit rĂ©unir ses troupes en toute hĂąte et rĂ©ussit Ă dĂ©faire les troupes de Radagaise prĂšs de Florence[60]. Pour sa part, Alaric, sentant monter en Occident une haine antigermanique semblable Ă celle qui sâest manifestĂ©e quelques annĂ©es plus tĂŽt en Orient, amĂšne ses propres troupes sur la frontiĂšre italienne en 401 et exige du gouvernement impĂ©rial de Ravenne une importante compensation financiĂšre[61]. De plus en plus isolĂ© Ă la cour de Ravenne, Stilicon nâintervient pas lorsque, en aoĂ»t 408, des soldats de nationalitĂ© romaine massacrent les chefs germaniques prĂ©sents dans lâentourage de lâempereur. AbandonnĂ© par ses alliĂ©s goths, Stilicon est exĂ©cutĂ© le mĂȘme mois.
La conquĂȘte et le sac de Rome en 410
En novembre 408, les non-catholiques sont exclus du palais ; Ă travers lâItalie, les familles des soldats goths sont massacrĂ©es. DĂšs la fin de la mĂȘme annĂ©e, Alaric prend acte de ce changement de politique, faisant pression sur l'autoritĂ© romaine : ses armĂ©es, intactes, sont renforcĂ©es par divers contingents goths qui avaient servi dans lâarmĂ©e romaine sous Stilicon, dont 12 000 soldats ayant dĂ©sertĂ© les forces de Radagaise. Le faible empereur Honorius refuse de nĂ©gocier, si bien quâAlaric dĂ©cide de dĂ©noncer le traitĂ© conclu prĂ©cĂ©demment et de marcher sur Rome, ce quâil fait Ă trois reprises. Depuis des annĂ©es, Rome nâest plus la capitale de lâempire, mais la ville n'a alors rien perdu de sa valeur symbolique. En octobre 408, la population de Rome, soumise Ă la famine, peut empĂȘcher la destruction de la ville en versant un fort tribut[62]. MalgrĂ© cela, ni les sĂ©nateurs ni lâĂ©vĂȘque de Rome ne parviennent Ă convaincre lâempereur en sĂ©curitĂ© Ă Ravenne de nĂ©gocier, de telle sorte quâAlaric se prĂ©sente Ă nouveau aux portes de Rome oĂč il fait nommer empereur le sĂ©nateur Priscus Attale. Ce dernier ne rĂ©pond pas toutefois aux attentes dâAlaric et est dĂ©mis quelque deux ans plus tard. En mĂȘme temps sâeffondrent les espoirs dâAlaric de pouvoir traverser la mer vers l'Afrique du Nord. Ă tout le moins, les Goths parviennent-ils Ă battre le gĂ©nĂ©ral romain Sarus, un ancien concurrent dâAlaric Ă la tĂȘte des Goths[63]. Ă court dâoptions, Alaric ne voit quâune solution : le , les Goths sâemparent de lâancienne mĂ©tropole sur le Tibre et la mettent Ă sac. Alaric, chrĂ©tien comme la plupart des Goths, ordonne simplement dâĂ©pargner les Ă©glises[64].
La responsabilitĂ© du sac de Rome, le premier depuis lâinvasion des Gaulois en , est due sans nul doute Ă lâentĂȘtement dâHonorius. Celui-ci a mal Ă©valuĂ© la gravitĂ© de la situation et se trouve privĂ© de conseillers de poids tel Stilicon pour faire face aux Goths. Rome survit Ă ce pillage. Pendant trois ans, les Goths demeurent en Italie. Passant par la Campanie, Alaric souhaite les conduire en Sicile mais il meurt subitement non loin de Cosenza en 410. Les Wisigoths reconnaissent comme successeur d'Alaric son beau-frĂšre Athaulf. Pour se dĂ©barrasser de lui, Honorius se rĂ©signe Ă lui donner en mariage sa sĆur Galla Placidia et le charge d'employer ses forces Ă expulser les Vandales qui occupent encore le sud de la Gaule. Câest lĂ , entre 416 et 418, quâun accord finit par ĂȘtre conclu qui leur donne des terres fertiles en Aquitaine seconde et voit leur chef reconnu comme interlocuteur officiel de Rome[65]. La politique de Rome Ă l'Ă©gard des Goths a Ă©voluĂ©, et huit ans aprĂšs le sac de Rome leur Ă©tablissement en Gaule est perçu comme un moyen de stabiliser lâempire.
La prise de Rome et son pillage font courir une onde de choc Ă travers lâempire. Chez les chrĂ©tiens, on la considĂšre parfois comme prĂ©mices de la fin du monde, alors que les paĂŻens y voient une punition pour un peuple qui sâest dĂ©tournĂ© des dieux ancestraux. Augustin d'Hippone (aujourdâhui Annaba en AlgĂ©rie) y trouve la source dâinspiration pour son Ćuvre De Civitate Dei contra paganos dans laquelle il relativise lâĂ©vĂ©nement, dĂ©liant le sort du christianisme de celui de l'Empire. En revanche, lâhistorien chrĂ©tien Paul Orose tente dans son Ćuvre Historiae adversum paganos de dĂ©montrer que la Rome paĂŻenne mĂ©rite un destin encore pire que celui qui lui a Ă©tĂ© rĂ©servĂ©. Les effets de ces discussions entre spĂ©cialistes sont profonds, moins sur le plan politique toutefois que philosophique, et se font ainsi sentir pendant des siĂšcles[66].
La débùcle sur la frontiÚre du Rhin : invasions et usurpations
Le , plusieurs tribus barbares traversent le Rhin gelĂ© Ă proximitĂ© de Mogontiacum (aujourdâhui Mayence). Les raisons de cette traversĂ©e divisent encore les historiens qui hĂ©sitent entre la fuite devant les Huns ou des expĂ©ditions de pillage[67]. Les Vandales, les SuĂšves et les Alains constituent les trois principaux peuples mĂȘlĂ©s de cette traversĂ©e. Les Vandales, divisĂ©s en deux groupes, les Hasdings et les Sillings, sont Ă©tablis vers lâan 400 dans le sud de ce que sont aujourdâhui la Pologne et la BohĂȘme, quoiquâune partie dâentre eux ait Ă©tĂ© fixĂ©e par lâempereur Constantin en Pannonie[68]. Pendant lâhiver 401/402, ils attaquent par surprise la province romaine de RhĂ©tie ; une partie dâentre eux se joint Ă lâexpĂ©dition de Radagaise. Il est plus difficile de dĂ©terminer lâorigine des SuĂšves. Si ce nom apparaĂźt dans les sources du dĂ©but de lâempire, il disparaĂźt entre 150 et 400 et dĂ©signe probablement certains groupes marcomans et quades, anciens membres de lâancienne confĂ©dĂ©ration suĂšve qui se sont Ă©tablis, comme les Vandales, dans la rĂ©gion du moyen Danube, Ă lâouest des Carpates[69]. Les Alains iraniens ont Ă©tĂ© chassĂ©s de leurs territoires traditionnels par les Huns. Une partie dâentre eux sâest jointe en 405/406 aux forces de Radagaise pour se mĂȘler par la suite aux Vandales. Les SuĂšves finissent par les rejoindre et, de concert, ils sâenfoncent Ă lâintĂ©rieur de la Gaule. Les Francs fĂ©dĂ©rĂ©s, Ă©tablis sur ces territoires depuis le milieu du IVe siĂšcle, Ă©chouent dans leurs tentatives d'arrĂȘter les assaillants. Les sources ne nous permettent pas de suivre chacune des invasions dans tous ses dĂ©tails. Selon toute apparence, les envahisseurs se dirigent dâabord vers lâouest et le nord de la Gaule avant de faire demi-tour et de se diriger vers le sud et le sud-ouest[70]. Les sources indiquent clairement les ravages perpĂ©trĂ©s lors de cette invasion sans que les quelques troupes romaines stationnĂ©es sur le Rhin puissent vĂ©ritablement sây opposer. Toutefois, quelques annĂ©es plus tard, la dĂ©fense du Rhin est, pour quelque temps du moins, renforcĂ©e. Le district militaire de Mayence parvient Ă ĂȘtre rĂ©tabli Ă la suite de cette invasion de 406/407.
Le passage du Rhin de 406/407, comparable Ă la rupture dâune digue, constitue un Ă©vĂ©nement prĂ©visible depuis quelque temps dĂ©jĂ . Câest ainsi que vers 400, le siĂšge de la prĂ©fecture des Gaules, qui avec la prĂ©fecture de lâItalie constitue lâautoritĂ© administrative la plus au nord de lâempire occidental, a Ă©tĂ© transfĂ©rĂ© de TrĂšves Ă Arles. Le succĂšs des envahisseurs a bĂ©nĂ©ficiĂ© des combats dĂ©crits plus haut entre Stilicon dâune part, Radagaise et les Goths dâautre part, de telle sorte que la Gaule se trouve pratiquement vide de troupes. Câest probablement ce qui explique les tentatives de Stilicon pour gagner les Goths dâAlaric et, avec leur aide, de rĂ©tablir lâordre. La mort du gĂ©nĂ©ral en 408 avait mis fin Ă ces plans. Lâusurpateur Constantin III, le dernier dâune longue liste dâusurpateurs venant de Bretagne, est passĂ© avec le reste des troupes britanniques en Gaule et y a Ă©tabli sa propre autoritĂ©[71]. Le dĂ©part des troupes romaines de lâĂźle laisse prĂ©sager Ă court terme la perte de la Bretagne ; les Pictes et diverses tribus irlandaises sâĂ©tablissent dans cette province romaine qui acquiert de facto un statut dâautonomie. Ce sur quoi on appelle les Saxons Ă lâaide en 440, permettant une mainmise germanique dans l'Ăźle, mĂȘme si de petits royaumes romains-britanniques sont en mesure de subsister pendant longtemps dans le pays de Galles et le sud-ouest de lâAngleterre[72].
ProclamĂ© empereur par ses troupes en 407, Constantin III parvient Ă conclure des ententes avec certaines tribus germaniques de Gaule, calmant ainsi lâagitation qui y rĂšgne tout en augmentant ses propres forces. AprĂšs avoir Ă©tabli sa rĂ©sidence Ă Arles dans le sud de la Gaule, il Ă©tend son autoritĂ© sur lâHispanie. Fin 409, il ne peut cependant arrĂȘter lâinvasion des Vandales, des Alains et des SuĂšves, qui sâinstallent en Espagne ; il finit par ĂȘtre dĂ©fait par le gĂ©nĂ©ral Constantius (futur Constance III) et exĂ©cutĂ© en novembre 411. En dĂ©pit de cette dĂ©faite, lâagitation reprend de plus belle en Gaule lorsque lâaristocratie gauloise proclame empereur lâun des siens, Jovin, avec lâaide des Alains commandĂ©s par Goar et des Burgondes qui avancent sur le Rhin pour crĂ©er bientĂŽt leur propre royaume[73].
Lâempereur Honorius semble avoir perdu tout contrĂŽle sur la Gaule. Un nouvel usurpateur, Maxime, qui ne parvient pas Ă s'imposer durablement, Ă©merge d'Hispanie. Alors conduits par Athaulf, successeur dâAlaric, les Goths, retirĂ©s de Rome, appuient Jovin. Tout comme cela avait Ă©tĂ© le cas pour un autre usurpateur, Attale, cette alliance ne devait guĂšre durer et Athaulf abandonne rapidement Jovin[74]. Athaulf Ă©pouse en 414 Ă Narbonne la sĆur dâHonorius, Galla Placidia, tombĂ©e aux mains des Goths lors du sac de Rome ; lâannĂ©e suivante toutefois, il meurt assassinĂ©. Athaulf a transformĂ© les Goths en une sorte dâarmĂ©e nomade Ă cheval[75] ; il aurait dĂ©clarĂ© pendant les cĂ©rĂ©monies du mariage quâil dĂ©sirait remplacer la Romania par une Gothia[76]. Que lâanecdote soit vraie ou fausse, elle montre que les Goths dĂ©sirent sâĂ©tablir de façon permanente sur un territoire reconnu comme leur par Rome. Câest aussi ce qui explique pourquoi Athaulf dĂ©sirait fortement sâallier par mariage Ă la dynastie thĂ©odosienne, chose qui lui Ă©tait difficile en tant que Goth et chrĂ©tien professant lâarianisme.
LâĂ©tablissement des Goths en Aquitaine
Constantius, le gĂ©nĂ©ral en chef dâHonorius, a fait preuve de grand talent militaire au cours de la guerre contre lâusurpateur Constantin III. Il est alors devenu Ă©vident que des ressources humaines supplĂ©mentaires seront nĂ©cessaires si on veut lutter avec succĂšs contre les envahisseurs. Le gouvernement de la partie occidentale de lâempire fait donc Ă nouveau appel aux Goths. Leur chef depuis la fin de 415 Ă©tait Wallia ; son but principal Ă©tait de poursuivre la guerre contre les Romains afin de pouvoir rejoindre l'Afrique du Nord. DĂšs les premiers mois de 416, il doit toutefois capituler devant Constantius. Gallia Placidia fait un retour sur la scĂšne en Ă©pousant ce dernier le . Constantius apparaĂźt ainsi de plus en plus comme lâhĂ©ritier de Stilicon[77]. Les Goths deviennent des foederati et Constantius les oblige Ă combattre les Germains et les Alains qui se sont abattus sur lâHispanie, ce que les Goths font avec un certain succĂšs[78].
En 418, les Wisigoths se voient assigner lâAquitaine seconde dans le sud-ouest de la Gaule comme foyer permanent. Les clauses des traitĂ©s de 416 ou de 418 ne nous sont pas connues et doivent ĂȘtre dĂ©duites de citations Ă©parses Ă©manant des sources[79]. La recherche contemporaine demeure ainsi divisĂ©e sur des points essentiels. Lâassujettissement (deditio) Ă©tait la consĂ©quence logique dâun traitĂ© (fĆdus) : les Wisigoths seraient installĂ©s dans la vallĂ©e de la Garonne de Toulouse Ă Bordeaux. Lâune des grandes questions est de savoir si les Goths, comme il Ă©tait dâusage dans le systĂšme des fĂ©dĂ©rĂ©s romains, devaient ĂȘtre approvisionnĂ©s conformĂ©ment au systĂšme de lâhospitalitas en se voyant assigner des terres ou sâils recevaient une quote-part des recettes fiscales[80]. Tout autant que les diffĂ©rentes modalitĂ©s du traitĂ©, les consĂ©quences de cette colonisation prĂȘtent encore Ă controverse. Ainsi, la politique de plus en plus expansionniste que pratiqueront par la suite les Wisigoths, rĂ©sultat de la faiblesse du gouvernement romain, conduira Ă lâobtention dâun statut dâautonomie de fait ; la crĂ©ation dâun soi-disant royaume des Goths avec Toulouse comme premiĂšre capitale, TolĂšde ensuite, aurait Ă©tĂ© un facteur de stabilitĂ© dans la rĂ©gion[81]. Cette colonisation se serait faite avec lâaccord de la haute sociĂ©tĂ© gallo-romaine qui nây voyait pas de menace puisque les Goths ne constituaient quâune petite fraction de la population romaine locale, remarque qui vaut de façon gĂ©nĂ©rale pour toutes les gentes qui se mirent en marche durant cette pĂ©riode[82].
Les Vandales en Hispanie et la conquĂȘte de la province dâAfrique
Dans lâintervalle, les Vandales, de mĂȘme quâune large partie des SuĂšves et des Alains, ont quittĂ© la Gaule en 409 pour se diriger vers lâHispanie[83]. Lâune des sources les plus importantes pour les Ă©vĂ©nements qui se produisent dans la pĂ©ninsule ibĂ©rique est les Chroniques de lâĂ©vĂȘque Hydace de Chaves. Celui-ci raconte avec Ă©loquence lâĂ©pouvante que ressentit la population face Ă la dĂ©vastation qui suivit lâarrivĂ©e des envahisseurs. En 411, ceux-ci peuvent arracher de haute lutte un traitĂ© au gouvernement de Ravenne dont lâĂ©vĂȘque Hydace nous rapporte le contenu : une partie des Vandales et des SuĂšves se voient attribuer le nord-ouest de la pĂ©ninsule ibĂ©rique, les Alains la Lusitanie et la rĂ©gion de CarthagĂšne, les Vandales Silings la BĂ©tique (Ă peu prĂšs lâactuelle Andalousie)[84]. Lorsquâen 416 les Wisigoths descendent en Hispanie Ă titre de peuple fĂ©dĂ©rĂ© pour dĂ©barrasser la pĂ©ninsule des envahisseurs, ils massacrent la majoritĂ© des Silings et des Alains qui sâĂ©taient installĂ©s dans le sud. Les survivants se rĂ©unissent autour du roi vandale GondĂ©ric. Celui-ci se rĂ©vĂšle rassembleur, de telle sorte quâAlains et Vandales ne forment plus rapidement quâun groupe homogĂšne. Alors que les SuĂšves demeurent dans le nord-ouest, les Vandales et les Alains se dirigent vers le sud. En 422, ils battent une armĂ©e romaine et conquiĂšrent le principal port de la flotte romaine, CarthagĂšne. TrĂšs rapidement, ils se transforment en audacieux pirates[85].
AprĂšs la mort de GondĂ©ric, son demi-frĂšre GensĂ©ric (ou Geiseric) prend le commandement en 428. Il sera lâun des plus remarquables chefs de toute la pĂ©riode des grandes migrations[86]. JordanĂšs, dans son Histoire des Goths, nous a laissĂ© un portrait dĂ©taillĂ© de GeisĂ©ric bien que lâon puisse se demander si, rĂ©digĂ© bien aprĂšs la mort du roi vandale, il correspondait vraiment Ă la rĂ©alitĂ©[87]. Nous nâavons malheureusement pas de tĂ©moignage des Vandales eux-mĂȘmes. GeisĂ©ric Ă©tait certainement un chef dĂ©terminĂ© et un homme avide de pouvoir pouvant agir lorsque nĂ©cessaire avec la plus grande brutalitĂ©. Afin dâassurer ce pouvoir, il nâhĂ©site pas du reste Ă faire assassiner la famille de GondĂ©ric. Il Ă©tait Ă©galement un militaire et un politique habile dont la suite des Ă©vĂ©nements confirmera les capacitĂ©s. En 429, les Vandales et divers groupes qui sâĂ©taient joints Ă eux, soit environ 80 000 personnes, traversent le dĂ©troit de Gibraltar et sâinstallent en Afrique du Nord[88]. Leur but est de sâemparer de la province dâAfrique, grenier de lâempire occidental et lâune des rĂ©gions les plus urbanisĂ©es de tout lâempire. Les Wisigoths sâĂ©taient donnĂ© le mĂȘme but aprĂšs le sac de Rome, mais avaient Ă©chouĂ©.
Les Vandales partent donc de Ceuta pour franchir quelque 2 000 km en direction de lâest, sâemparant au passage de nombreuses villes romaines. En 430, ils se retrouvent devant Hippone dont lâĂ©vĂȘque, cĂ©lĂšbre thĂ©ologien, Augustin d'Hippone (saint Augustin), meurt pendant le siĂšge. Les Vandales prennent ensuite la direction de Carthage, qui Ă cette Ă©poque Ă©tait lâune des plus grandes villes de lâempire ainsi que lâun de ses ports les plus importants. Bien quâils ne rĂ©ussissent pas Ă sâemparer de la ville[89], les Vandales accomplissent quelques remarquables exploits dont la toile de fond est rapportĂ©e diffĂ©remment par les diverses sources. Câest ainsi que Procope de CĂ©sarĂ©e, Ă©crivain ayant vĂ©cu au VIe siĂšcle, rapporte dans le cadre de ses Histoires (ou Histoires de la guerre) que les Vandales auraient Ă©tĂ© invitĂ©s suivant les rĂšgles par le commandant romain pour lâAfrique, Boniface, parce quâil avait eu maille Ă partir avec Ravenne[90]. La recherche contemporaine ne retient gĂ©nĂ©ralement pas cette hypothĂšse[91], car Boniface combattit les Vandales dĂšs que ceux-ci se mirent en marche avec tous les moyens Ă sa disposition[92]. De plus, la situation entre Ravenne et Boniface sâĂ©tait dĂ©jĂ rĂ©gularisĂ©e en 429, ce dont ne parlent pas les sources de lâĂ©poque[93].
Quoi qu'il en soit, les moyens dont dispose lâempire dâOccident ne suffisent pas Ă arrĂȘter les Vandales. Afin de pouvoir se maintenir Ă Carthage, lâempire dâOccident se rĂ©sout Ă conclure en 435 un traitĂ© dont les clauses ne nous sont pas connues. Les Vandales se voient concĂ©der la partie de la province dĂ©jĂ conquise. Pourtant, en 439, GeisĂ©ric profitant de lâoccasion tombe sur Carthage oĂč il sâempare de la flotte romaine qui y est stationnĂ©e, coupant ainsi Rome de son approvisionnement traditionnel en cĂ©rĂ©ales. Lâempire dâOccident nâa dâautre choix que de reconnaĂźtre sa dĂ©faite dans un nouveau traitĂ© en 442[94]. La plus riche des provinces romaines Ă©tait maintenant officiellement aux mains des Germains qui, de plus, devenaient une puissance maritime non nĂ©gligeable. Sur ce point, les Vandales se distinguent des autres peuples germains, de mĂȘme qu'ils le feront dans le traitement rĂ©servĂ© aux populations locales autochtones.
Lâempire des Huns sur le Danube et lâascension dâĂtius
Les sources nous informent que les Huns franchissent le Don en 375 et quâils battent les Alains et les Greuthungues ; elles sont pratiquement inexistantes pour les dĂ©cennies qui suivent. Nous savons seulement que les Huns multiplient les razzias[95]. Pendant longtemps, ils ne semblent pas avoir agi sous un commandement unifiĂ©, ni mĂȘme avoir eu une politique commune[96]. Pourtant, les Huns se montrent capables de coordonner des opĂ©rations militaires, comme le prouve leur invasion de lâempire sassanide et des provinces romaines orientales Ă lâĂ©tĂ© de 395[97]. Lâhiver de la mĂȘme annĂ©e, dâimportants contingents de Huns se ruent sur les Balkans[98]. Toutefois, on ne peut encore parler Ă cette Ă©poque dâun empire hunnique, car on ne peut distinguer une forme dâorganisation qui rĂ©unisse tous les groupes.
Le premier souverain que lâon puisse concrĂštement identifier Ă la tĂȘte des Huns (la figure de Balamir ou Balamber nâest aucunement certaine) est un certain Uldin, qui aux environs de 400 rĂšgne sur les Huns au nord du bas-Danube, peut-ĂȘtre dans le territoire qui est aujourdâhui la Roumanie[99]. Au cours de la mĂȘme pĂ©riode, le maĂźtre des milices GaĂŻnas, un Goth, tente de jouer auprĂšs de lâempereur Arcadius, Ă la cour de Constantinople, un rĂŽle similaire Ă celui de Stilicon Ă lâOuest. Ceci traduit Ă la fois lâimportance du rĂŽle jouĂ© par ce « maĂźtre des milices » (magister militum) qui, en Orient, peut ĂȘtre beaucoup mieux contrĂŽlĂ© au Ve siĂšcle que ce n'est le cas en Occident, et le poids des foederati dans lâempire. AprĂšs lâarrivĂ©e au pouvoir de lâantigermanique AurĂ©lien, devenu prĂ©fet du prĂ©toire, GaĂŻnas entre Ă Constantinople avec ses barbares, mais la quitte bientĂŽt, ce qui donne le signal dâun massacre de Goths dans la ville. TraquĂ© par le Goth paĂŻen Fravitta, GaĂŻnas passe le Danube, et il est battu par Uldin[100]. Ce dernier, dont le territoire sâĂ©tend Ă lâouest jusquâĂ la Hongrie dâaujourdâhui, conclut un accord avec Stilicon en 406 pour arrĂȘter la progression des Goths de Radagaise. Bien qu'Uldin commande un vaste territoire, Ă aucun moment il ne peut prĂ©tendre rĂ©gner sur lâensemble des Huns[99]. En 404/405, Uldin sâest dĂ©jĂ emparĂ© de territoires appartenant Ă lâempire dâOrient, exploit quâil rĂ©pĂšte en 408. Il doit cependant les rendre par la suite, et meurt peu aprĂšs.
Alors que le mouvement vers lâouest des Huns s'est heurtĂ© ici et lĂ Ă une vive rĂ©sistance dâautres groupes barbares[101], on assiste Ă la lente crĂ©ation dâun centre dâautoritĂ© suprarĂ©gional dans lâest des Carpates. Malheureusement, nous ne disposons que de trĂšs peu dâinformations Ă ce sujet[102]. Les rares sources font toutefois mention Ă plusieurs reprises de troupes de Huns venant en appui Ă lâarmĂ©e romaine. En 427, les Romains auraient fini par cĂ©der la Pannonie aux Huns, mais le fait est contestĂ©[103]. Divers leaders prĂ©sident aux destinĂ©es des Huns comme Charaton mais nous savons peu de choses Ă leur sujet. Vers 430, les deux frĂšres Oktar et Ruga sont portĂ©s Ă la tĂȘte des Huns vivant le long du Danube. AprĂšs la mort dâOktar en 430, Ruga continue seul Ă rĂ©gner et semble avoir rĂ©ussi Ă imposer un pouvoir plus organisĂ© que ce nâavait Ă©tĂ© le cas auparavant. En 433, le gĂ©nĂ©ral Flavius Ătius, nommĂ© magister militum per Gallias, conclut un accord avec Ruga[104]. ĂlevĂ© Ă la cour impĂ©riale de Ravenne, et plus tard envoyĂ© comme otage Ă la cour d'Alaric, puis Ă celle de Ruga, il devient un ami du jeune Attila, neveu de Ruga (et son futur successeur). Pendant des annĂ©es, Ătius se sert de diverses tribus, dont les Huns, pour combattre Wisigoths, Burgondes, Alains, Francs et autres, dĂ©fendant ainsi le trĂŽne de Valentinien III et devenant le vĂ©ritable maĂźtre de l'empire d'Occident[105]. En 436, Ătius bat Ă©galement les Burgondes du roi Gondicaire et les oblige Ă accepter la paix. LâannĂ©e suivante, il envoie les Huns les dĂ©truire ; 20 000 Burgondes pĂ©rissent alors dans une bataille, base possible Ă la lĂ©gende des Nibelungen. En 443, il nĂ©gocie la rĂ©installation des Burgondes survivants en Sapaudie (la future Savoie, prĂ©cisĂ©ment les territoires entre Alpes et Jura)[106]. Il relocalise Ă©galement dans la rĂ©gion dâOrlĂ©ans une partie des Alamans demeurĂ©s en Gaule[107]. Dans ses efforts pour maintenir la souverainetĂ© de lâEmpire sur la Gaule, il combat les Francs qui sâĂ©tablissent progressivement sur le Rhin, ainsi que les Bagaudes qui sâagitent en Gaule et en Hispanie.
Ruga meurt en 434. Il nâest pas impossible quâil ait Ă©tĂ© assassinĂ© sur lâordre de ses neveux Bleda et Attila qui prennent alors le commandement dâune grande partie des Huns maintenant Ă©tablis en Europe.
Attila, chef des Huns
Bien quâAttila ait acquis une renommĂ©e considĂ©rable quoique nĂ©gative dans lâhistoire de lâEurope, on sait relativement peu de choses sur sa personne et encore moins sur sa jeunesse[108]. AprĂšs sa prise du pouvoir, en association avec son frĂšre Bleda, il se met en devoir de consolider « lâempire des Huns » fondĂ© par son oncle Ruga.
Par le traitĂ© de paix de Margus (actuel OraĆĄje, Ă lâembouchure de la Morava), dont la date est incertaine, Constantinople accepte de ne plus sâallier aux ennemis « barbares » des Huns et le tribut annuel versĂ© est portĂ© Ă 700 livres dâor (229 kg). De plus, les Romains sâengagent Ă ouvrir un marchĂ©, dont la sĂ©curitĂ© sera garantie par les deux parties, et Ă extrader les dĂ©serteurs se rendant chez eux en provenance du territoire des Huns. En dĂ©pit de ce traitĂ©, les deux frĂšres conduisent une expĂ©dition contre lâempire dâOrient en 441 et 442 leur permettant de sâemparer des villes de Singidunum (Belgrade) et de Sirmium (Sremska Mitrovica)[109]. AprĂšs le meurtre de Bleda (probablement en 445), Attila devient le seul chef des Huns du Danube. Ă aucun moment de sa vie Attila n'a Ă©tĂ© le chef de tous les Huns. Pour consolider son pouvoir sur son empire alors trĂšs lĂąche, Attila entreprend de nombreuses expĂ©ditions dirigĂ©es contre lâempire dâOrient. Câest ainsi quâen 447, et bien que lâempereur ThĂ©odose II ait relevĂ© le tribut qui leur Ă©tait versĂ©, les Huns sâenfoncent profondĂ©ment dans les Balkans et se rendent jusquâaux portes de la GrĂšce[110]. Parmi les peuples appartenant Ă leur armĂ©e se trouvent des GĂ©pides et des Goths sous domination hunnique[111]. BientĂŽt lâempereur est forcĂ© de conclure la paix avec Attila.
Les difficultĂ©s Ă©prouvĂ©es par lâEmpire romain d'Orient ne peuvent que rĂ©jouir le faible Valentinien III, empereur d'Occident montĂ© sur le trĂŽne encore enfant. La domination exercĂ©e par les Huns sur bon nombre de tribus germaniques rĂ©duit les risques dâinvasion Ă la condition que la cour de Ravenne entretienne de bonnes relations avec les chefs des Huns[112]. Câest ce Ă quoi sâemploie Aetius, en excellents contacts avec Ruga et partisan de maintenir cette politique avec Attila dont il a Ă©tĂ© lâami dâenfance. Ă Constantinople toutefois on nâentend pas financer Attila indĂ©finiment. En 449, une ambassade est envoyĂ©e par Constantinople auprĂšs dâAttila, dont fait partie Priscus (ou Priskos). Celui-ci fera plus tard le rĂ©cit de cette ambassade dans une chronique dont seuls quelques fragments nous sont parvenus. Il dĂ©crit une ville de tentes autour dâun promontoire oĂč se dresse le palais royal construit en bois et entourĂ© dâune haute palissade garnie de tours[113].
LorsquâĂ Constantinople Marcien, le nouvel empereur, s'oppose au versement du tribut traditionnel, Attila se tourne vers lâOuest. JordanĂšs, qui sĂ©journe Ă Constantinople en 451, rapporte que Honoria, la sĆur de lâempereur d'Occident, menacĂ©e dâĂȘtre mariĂ©e de force en raison de son style de vie libertin, aurait demandĂ© Ă Attila de la libĂ©rer et aurait offert de lâĂ©pouser[114]. La recherche contemporaine a jetĂ© des doutes sur cette version des faits[115]. Cependant, il nâest pas impossible quâAttila ait Ă©tĂ© en contact avec des mouvements dâopposition dans lâentourage de lâempereur dâOccident. Constamment aux aguets des avantages quâil pouvait retirer de lâEst et de lâOuest, Attila feint quelque dix ans plus tard de prendre cette proposition au sĂ©rieux et exige comme dot lâAquitaine. Une telle demande compromet toutefois la position dâAetius, magister militum per Gallias, le dressant contre son ami dâenfance[116].
En 451, Attila envahit la Gaule Ă la tĂȘte dâune imposante armĂ©e, comprenant aux cĂŽtĂ©s des Huns un nombre indĂ©terminĂ© de contingents venant de tribus soumises ou versant tribut aux Huns. Toutefois ses efforts diplomatiques pour provoquer lâentrĂ©e en guerre des Vandales nâaboutissent pas[117]. Les Huns se dirigent vers OrlĂ©ans quâils assiĂšgent. Aetius rĂ©unit alors ce qui reste des forces rĂ©guliĂšres romaines dans la rĂ©gion, forces composĂ©es de plus en plus de soldats provenant de peuples fĂ©dĂ©rĂ©s comme les Wisigoths, les Francs, les Sarmates et les Alains. La cĂ©lĂšbre bataille des champs Catalauniques, dont on ignore toujours lâemplacement exact dans les environs de Troyes, n'a pas Ă©tĂ© la bataille dĂ©cisive si souvent dĂ©crite, mais Attila a Ă©tĂ© obligĂ© de se replier Ă l'issue des combats. Il nâest pas impossible quâAetius ait laissĂ© submerger les Wisigoths qui formaient lâaile droite de son armĂ©e et dont le chef, ThĂ©odoric Ier, meurt au cours de la bataille, dans le but dâaffaiblir un ennemi potentiel. Quoi qu'il en soit, il semble avoir craint que les Goths ne tentent de se libĂ©rer de la domination romaine avant que les Huns ne soient complĂštement vaincus[118]. Les Romains et leurs alliĂ©s, sâils nâont pu vaincre dĂ©finitivement les Huns, leur infligent de lourdes pertes dĂ©truisant ainsi le mythe de leur invincibilitĂ©. En 452, Attila est contraint de se retirer en Italie. Il y remporte quelques succĂšs, sâemparant entre autres dâAquilĂ©e. Cette conquĂȘte n'est toutefois pas dĂ©finitive. Affaiblis par la faim et la maladie, Attila et son armĂ©e doivent se replier[119]. Selon la tradition, le pape LĂ©on Ier le Grand rĂ©ussit Ă convaincre Attila de renoncer Ă envahir Rome ; en fait, le repli des Huns est plus probablement dĂ» au fait quâĂ lâest lâempereur Marcien vient de dĂ©clencher les hostilitĂ©s en vue dâenvahir le cĆur de lâempire hunnique[120]. Attila est ainsi forcĂ© de retourner en Pannonie pour prĂ©parer une offensive contre Marcien et protĂ©ger sa frontiĂšre orientale, notamment dans le Caucase. Câest lĂ quâil meurt subitement en 453 au cours de la nuit suivant un festin pour cĂ©lĂ©brer son mariage avec une nouvelle Ă©pouse, Ildiko.
La mort soudaine dâAttila entraĂźne le dĂ©membrement de son empire. La plupart des peuples soumis se rĂ©voltent et secouent le joug hunnique. Câest en vain que les fils dâAttila tentent de maintenir lâhĂ©ritage de leur pĂšre. La bataille de la Nedao en 454 oĂč les Ostrogoths combattent aux cĂŽtĂ©s des Huns marque la fin de cet empire[121]. Lâempire des Huns sâĂ©croule ainsi plus rapidement encore quâil nâa Ă©tĂ© Ă©rigĂ©. La tĂȘte de Dengizich, fils dâAttila, est envoyĂ©e Ă Constantinople pour y ĂȘtre exposĂ©e. Le reste des Huns se disperse ; on en retrouve encore au VIe siĂšcle dans lâarmĂ©e romaine dâOrient[122]. Aetius pour sa part ne peut jouir longtemps de sa victoire : il est assassinĂ© en de la main mĂȘme de lâempereur Valentinien III qui craint le pouvoir quâexerce son gĂ©nĂ©ral. Peu de temps aprĂšs, en , lâempereur doit lui-mĂȘme ĂȘtre assassinĂ©[123].
Les derniÚres années de Rome : les empereurs éphémÚres
La mort dâAetius constitue un Ă©vĂ©nement lourd de consĂ©quences pour Rome. MĂȘme si le pouvoir impĂ©rial ne sâĂ©tend plus jusquâaux limites de lâempire occidental, il subsiste en Italie et dans une partie des Gaules, conduisant avec succĂšs un certain nombre de guerres. L'ambition du militaire Aetius a certainement Ă©tĂ© une des raisons pour lesquelles le pouvoir impĂ©rial n'a cessĂ© de sâaffaiblir. Aussi sa mort et celle de Valentinien III sont interprĂ©tĂ©es par de nombreux fĂ©dĂ©rĂ©s comme l'occasion d'accroĂźtre leur puissance aux dĂ©pens de celle de l'empire. Lâempire dâOccident est ainsi gouvernĂ© pendant ses deux derniĂšres dĂ©cennies par des empereurs Ă©phĂ©mĂšres dont plusieurs ne restent que quelques mois au pouvoir et dont aucun ne parvient Ă stabiliser la situation[124].
De surcroĂźt, les barbares forment maintenant non seulement le noyau des troupes dâĂ©lite de lâarmĂ©e romaine, mais ils en occupent de plus en plus les Ă©chelons les plus Ă©levĂ©s. On ne peut mettre leur loyautĂ© en doute ; au contraire, plusieurs dâentre eux sâavĂšrent de fidĂšles serviteurs de lâempereur, tels Bauto, Stilicon, Fravitta, lesquels du reste tentent d'adopter le style de vie romain. Mais par la force des choses, plus sâaccroĂźt le pouvoir des militaires de haut rang, plus sâamoindrit celui de lâempereur dâOccident, dâautant plus que des gens comme Stilicon, Ă moitiĂ© Vandale, Aetius et BĂ©lisaire disposent de leurs troupes personnelles (bucellarii). MĂȘme si aucun gĂ©nĂ©ralissime germain ne revĂȘt lui-mĂȘme la pourpre, chose impossible tant en raison de son origine que de son appartenance Ă lâhĂ©rĂ©sie arienne, ces chefs nâen jouissent pas moins Ă partir de la fin du IVe siĂšcle dâune influence considĂ©rable. Au contraire, dans lâempire dâOrient, les empereurs rĂ©ussissent davantage Ă garder le contrĂŽle des commandants de leurs armĂ©es. Lâempereur LĂ©on Ier met fin Ă la derniĂšre tentative vĂ©ritable dâun gĂ©nĂ©ral dâorigine barbare, lâAlain Aspar, dâinfluencer la politique impĂ©riale[125]. Il faut porter au crĂ©dit des empereurs de Constantinople dâavoir au cours du Ve siĂšcle su renforcer les liens avec les maĂźtres du nouvel empire sassanide, traditionnellement ennemi jurĂ© de Byzance, les rendant meilleurs que jamais auparavant. MĂȘme lorsque, Ă la suite de la mort dâAttila, la guerre Ă©clate dans les Balkans avec les tribus formant maintenant les Ostrogoths, qui souhaitent agrandir leur territoire de Pannonie, nul danger ne menace la stabilitĂ© de lâempire oriental dont les plus riches provinces ne sont guĂšre inquiĂ©tĂ©es[126]. Contrairement Ă leurs homologues occidentaux, les empereurs dâOrient disposent des ressources financiĂšres nĂ©cessaires pour payer leurs armĂ©es et mĂȘme, Ă lâoccasion, pour fournir Ă leurs homologues de Ravenne de quoi payer les leurs.
Au cours du mĂȘme siĂšcle, les troubles de tous ordres se multiplient Ă lâOuest[127]. Rome est ainsi conquise et pillĂ©e une deuxiĂšme fois en quarante-cinq ans par les Vandales dont le roi, GensĂ©ric, considĂšre manifestement le traitĂ© conclu en 442 avec Valentinien III caduc Ă la mort de cet empereur. Petronius Maximus, qui a Ă©pousĂ© la veuve de Valentinien III, Licinia Eudoxia, sâest emparĂ© du pouvoir aprĂšs le meurtre de celui-ci. En mai 455, une flotte vandale qui, lâannĂ©e prĂ©cĂ©dente a dĂ©jĂ menacĂ© la Sicile, apparaĂźt aux bouches du Tibre. Lâempereur, ne disposant pratiquement dâaucun pouvoir et totalement privĂ© de moyens, est assassinĂ© le par des soldats burgondes. Trois jours plus tard, les Vandales investissent la ville quâils pillent de façon systĂ©matique â mais non avec ce dĂ©sir de destruction que suggĂšre de nos jours le terme « vandale ». Les Vandales ne partent pas seulement avec un riche butin, mais aussi avec la veuve de Valentinien ainsi quâavec deux de ses filles et de nombreux personnages importants quâils emmĂšnent prisonniers Ă Carthage[128]. Aux environs de 460, lâune des filles de Valentinien, Eudoxie, Ă©pouse HunĂ©ric, le fils de GensĂ©ric, lui permettant de revendiquer pour lui-mĂȘme la Sicile et lâItalie au titre de lâhĂ©ritage de Valentinien.
Commence alors une pĂ©riode pendant laquelle des empereurs, crĂ©atures de chefs militaires et politiques germaniques, se succĂšdent rapidement. Le premier est Eparchus Avitus, descendant dâune noble famille gauloise et chef des armĂ©es, proclamĂ© empereur avec lâaccord des Wisigoths, alors en campagne contre les SuĂšves aspirant Ă agrandir leur royaume en Hispanie. En 456, le gĂ©nĂ©ral Flavius Ricimer, fils dâun prince suĂšve et dâune princesse goth, fait campagne contre les Vandales en Sicile et en Corse. Ricimer est alors Ă©levĂ© par Avitus au rang de magister militum. Cette victoire lui ayant valu une grande popularitĂ©, Ricimer obtient du SĂ©nat la permission de monter une expĂ©dition contre lâempereur Avitus quâil dĂ©fait Ă Plaisance le . Fait prisonnier, Avitus doit accepter la charge dâĂ©vĂȘque de Plaisance et meurt peu de temps aprĂšs. Ricimer obtient alors de lâempereur LĂ©on Ier le titre de Patrice des Romains alors que Majorien qui lâavait aidĂ© Ă dĂ©faire Avitus le remplace comme magister militum.
Sur lâordre de Ricimer, lâarmĂ©e dâItalie acclame Majorien comme nouvel empereur[129]. Celui-ci se rend en Gaule combattre les Germains qui voulaient tirer profit de la confusion rĂ©gnant dans lâempire dâOccident[130]. Le nouveau magister militum nommĂ© par Majorien, Egidius, remporte de nombreux succĂšs contre les Francs sur le Rhin et reconquiert Lyon, pris par les Burgondes[131]. Arles, depuis 407 siĂšge du commandement civil des Gaules et de lâHispanie, se dĂ©fend contre les Wisigoths qui se considĂšrent dĂ©liĂ©s des engagements contenus dans leur traitĂ© de fĂ©dĂ©rĂ©s et qui dĂ©sirent sâĂ©tendre en Hispanie[132]. Majorien rĂ©ussit toutefois Ă sâentendre avec les Burgondes et les Wisigoths. En 460, lâempereur se rend en Hispanie, premiĂšre visite d'un empereur d'Occident dans la pĂ©ninsule. Diverses sources comme Sidoine Apollinaire nous prĂ©sentent Majorien en empereur Ă©nergique, volontaire et voulant redorer la fonction impĂ©riale en Occident. Câest ainsi quâen 461, il planifie une expĂ©dition en Afrique contre les Vandales qui bloquent les livraisons de cĂ©rĂ©ales. Lâempereur doit toutefois renoncer Ă son projet, les navires vandales bloquant les Romains en Hispanie et empĂȘchant le dĂ©barquement des troupes[133]. Peu aprĂšs, sur ordre de Ricimer, Majorien est arrĂȘtĂ© et assassinĂ©, non probablement en raison de lâĂ©chec de cette tentative, mais plutĂŽt Ă cause de ses vellĂ©itĂ©s d'indĂ©pendance. Faisant et dĂ©faisant maintenant les empereurs, Ricimer choisit le sĂ©nateur Libius Severus comme nouvel Augustus.
Lâassassinat de Majorien entraĂźne la sĂ©cession de la Gaule, notamment celle d'Ăgidius, maintenant magister militum en Gaule et ami du dĂ©funt empereur, qui refuse de reconnaĂźtre Libius Severus. Lorsque Ricimer tente de lui retirer son commandement, Ăgidius se rebelle, mais une offensive des Wisigoths le force Ă se retirer dans le nord de la Gaule oĂč, avec une partie du commandement et des alliĂ©s francs, il Ă©rige son propre royaume dans la rĂ©gion de Soissons. La petite enclave gallo-romaine perdure jusquâĂ la fin de lâempire dâOccident. AprĂšs la mort dâEgidius (464 ou 465), le pouvoir passe probablement Ă un officier du nom de Paulus, puis au fils dâAEgidius, Syagrius. En 486 ou 487, lâenclave est conquise par les Francs, Ă la faveur de lâexpansion amorcĂ©e par Clovis Ier[134]. Par ailleurs, Ă TrĂšves, le comes Arbogast le Jeune, probablement un Franc romanisĂ©, tient la rĂ©gion contre ses anciens compatriotes jusquâen 475.
Libius Severus ne peut se maintenir longtemps sur le trĂŽne, et finit assassinĂ© en 465. Au cours des six mois suivants, pendant lesquels le roi wisigoth Euric rompt le traitĂ© avec lâempire dâOccident et pĂ©nĂštre dans le Sud de la Gaule et en Hispanie, Ricimer ne fait pas dĂ©signer de nouvel empereur[135]. La fonction impĂ©riale est assumĂ©e en 467 par le gĂ©nĂ©ral et aristocrate AnthĂ©mius, envoyĂ© par Constantinople avec des troupes fraĂźches et un imposant trĂ©sor. Il sâefforce dâendiguer lâinfluence de Ricimer en nommant un deuxiĂšme magister militum en la personne de Marcellin, assassinĂ© Ă l'instigation de Ricimer en 468[136]. Pendant que la dĂ©fense contre les Germains en Gaule et en Norique sâĂ©miette pour finalement sâeffondrer, AnthĂ©mius planifie avec lâaide de Constantinople une expĂ©dition dâenvergure contre Carthage, capitale du royaume vandale dirigĂ© par GensĂ©ric que lâon veut punir pour le sac de Rome tout en rĂ©cupĂ©rant une des plus riches provinces de lâempire. La campagne dĂ©bute en 468, coordonnant une flotte venue dâOrient dirigĂ©e par Basiliscus et les troupes dâOccident. Mais celle-ci se termine en fiasco et la flotte romaine est brĂ»lĂ©e devant Carthage[137]. Cette bataille, assurant la survie du royaume vandale, Ă©branle de façon dĂ©finitive le pouvoir de lâempereur dâOccident. En Gaule, les Wisigoths, les Burgondes et les Francs agrandissent toujours plus leurs territoires aux dĂ©pens de lâempire dâOccident qui ne se maintient quâen Auvergne et en Provence. Un chef breton (ou britannique) autrement inconnu du nom de Riothamus aurait soutenu les Romains dans leur guerre dĂ©fensive, mais il Ă©choue face aux Wisigoths. AnthĂ©mius sâĂ©tant brouillĂ© avec Ricimer, une guerre civile Ă©clate, Ricimer assiĂ©geant AnthĂ©mius dans Rome. En juillet 472, AnthĂ©mius pĂ©rit assassinĂ© par un neveu de Ricimer, le Burgonde Gundobad. Son successeur est Olibrius, peu de temps avant que ne meure Ricimer[138]. Les jugements portĂ©s sur ce chef au cours de lâhistoire seront gĂ©nĂ©ralement nĂ©gatifs et beaucoup plus homogĂšnes que ceux portant sur Stilicon et Aetius[139]. Certes, Ricimer a toujours donnĂ© la prioritĂ© Ă ses propres intĂ©rĂȘts, mais cela ne lâa pas empĂȘchĂ© dâutiliser au mieux les quelques ressources demeurant Ă la disposition de Rome pour assurer la protection de lâItalie[140]. Toutefois, ces efforts ne seront pas suffisants et, quatre annĂ©es plus tard, le dernier empereur dâOccident sera dĂ©posĂ©.
La chute de Rome
Olibrius, le dernier empereur nommĂ© par Ricimer, meurt au dĂ©but , quelques mois Ă peine aprĂšs la mort du magister militum suĂšve. Le neveu de ce dernier, Gundobad, dĂ©jĂ mentionnĂ©, lui succĂšde et choisit le fonctionnaire Glycerius comme empereur. L'empereur d'Orient LĂ©on Ier refuse cette nomination et lui prĂ©fĂšre le magister militum de Dalmatie, Julius Nepos ; mais il meurt. Neveu du comte Marcellin tuĂ© en Sicile en 468, Julius Nepos, ayant succĂ©dĂ© Ă son oncle, est nommĂ© CĂ©sar en 474 par l'empereur d'Orient ZĂ©non avec mission de renverser GlycĂ©rius. Nepos dĂ©barque Ă Ravenne, poursuit et capture GlycĂ©rius quâil fait tonsurer et nommer Ă©vĂȘque. Son armĂ©e le proclame empereur d'Occident le . Il est le dernier empereur romain dâOccident reconnu par lâEmpire romain d'Orient. Gundobad, pour sa part, sâenfuit en Gaule et devient roi des Burgondes[141].
En 474, les coempereurs LĂ©on II et ZĂ©non concluent un traitĂ© avec GensĂ©ric en vertu duquel celui-ci verra son royaume reconnu par Constantinople Ă condition de cesser ses activitĂ©s de brigandage[142]. Julius Nepos se trouve ainsi confrontĂ© Ă une difficile situation. Lâempire a entre-temps complĂštement perdu lâHispanie aux mains des SuĂšves et des Wisigoths. Ces derniers assiĂšgent Clermont en Gaule dont Sidoine Apollinaire organise la dĂ©fense ; en 471, la derniĂšre grande possession de lâempire est conquise par les Wisigoths. En 473, Arles et Marseille sont prises tandis que les Goths sâenfoncent en Auvergne et dans la vallĂ©e de lâĂbre en Espagne malgrĂ© une farouche rĂ©sistance[143]. Lâempereur, qui a dĂ©jĂ reconnu de facto la perte de lâAuvergne, reconnaĂźt celle-ci de jure dans un traitĂ© de 475 avec le Wisigoth Euric et retire le magister militum Ecdicius de Gaule[144]. Cet abandon Ă©branle la confiance dĂ©jĂ chancelante de lâaristocratie gallo-romaine envers lâempereur[145]. En 475, Julius Nepos Ă©lĂšve Ă la dignitĂ© de magister militum et de patrice un ancien haut fonctionnaire dâAttila, Flavius Oreste, qui a dĂ©jĂ servi Ă la cour de Constantinople. Cela sâavĂšre une erreur fatale. Le 28 aoĂ»t de la mĂȘme annĂ©e, Oreste Ă la tĂȘte de fĂ©dĂ©rĂ©s prend le contrĂŽle de Ravenne. Julius Nepos doit sâenfuir en Dalmatie dont il est toujours magister militum et dâoĂč il continue Ă rĂ©gner jusquâĂ ce quâil soit assassinĂ© en 480. Oreste, pour sa part, porte Ă la fonction impĂ©riale son jeune fils Romulus ; ce dernier est ĂągĂ© de douze ans, ce qui lui vaut immĂ©diatement le surnom de Romulus Augustule.
Pendant ce temps, les fĂ©dĂ©rĂ©s germaniques, qui constituent maintenant la presque totalitĂ© de lâarmĂ©e et qui sont cantonnĂ©s en Italie depuis des annĂ©es, demandent Ă Oreste de leur donner des terres oĂč ils pourraient sâĂ©tablir dĂ©finitivement. Oreste refuse. Les fĂ©dĂ©rĂ©s se tournent alors vers lâun des leurs, Odoacre, pour conduire leur rĂ©volte. Fils, croit-on, dâun prince skire, Odoacre vainc Oreste Ă Plaisance. Les Skires et les HĂ©rules de mĂȘme quâune partie de lâarmĂ©e romaine proclament alors Odoacre « roi dâItalie ». En 476, Odoacre prend Ravenne et force le jeune empereur Ă abdiquer le 4 septembre. Ămu par le jeune Ăąge et la beautĂ© de lâadolescent, Odoacre lui permet de vivre en paix en lui octroyant une confortable rente. Il se dispense de nommer un nouvel empereur et renvoie simplement les insignes impĂ©riaux Ă Constantinople, tout en sâaffirmant sujet de Julius Nepos comme le prouvent les piĂšces de monnaie frappĂ©es en 480 Ă lâeffigie de ce dernier. Toutefois, lâempereur de Constantinople refuse de reconnaĂźtre Odoacre et mobilise contre lâusurpateur les Ruges, qui ont fondĂ© leur propre royaume au nord du Danube sous la conduite de leur chef Flaccitheus en 470. Odoacre se venge en ravageant leur royaume en 487/488[146]. Pour assurer la sĂ©curitĂ© de lâItalie, il demande Ă son commandant Pierius de transfĂ©rer les populations romaines de la Norique alors menacĂ©e vers lâItalie[147].
On se rĂ©fĂšre souvent Ă 476 comme date de « la chute de Rome ». Ceci appelle de sĂ©rieuses rĂ©serves. Dâune part, le dernier empereur, Julius Nepos, continue Ă rĂ©gner jusquâen 480 en exil en Dalmatie. Dâautre part, il est douteux que les contemporains aient vu cette date comme un « Ă©vĂ©nement historique »[148]. En effet, lâEmpire romain continue Ă exister avec comme seul empereur celui de Constantinople. On retournait ainsi au systĂšme qui avait eu cours jusquâĂ ThĂ©odose. Les deux cents ans qui suivront verront de nombreuses tentatives pour reconstituer lâEmpire romain en Occident, sans succĂšs[149]. De plus, pendant des dĂ©cennies, les autoritĂ©s germaniques continueront Ă reconnaĂźtre et Ă respecter la prĂ©Ă©minence de lâempereur de Constantinople[150]. C'est un chroniqueur oriental, Marcellinus Comes, qui adopte en 520 la date de 476 comme Ă©tant celle de la fin de lâEmpire romain dâOccident. Il nâest pas impossible que cette proposition soit aussi apparue dans dâautres sources. Si elle reflĂšte surtout la vision orientale de ces annĂ©es, elle est loin dâavoir Ă©tĂ© adoptĂ©e par lâaristocratie sĂ©natoriale occidentale survivante de la crise. Par contre, Ă Constantinople, les empereurs se servent ouvertement de cette « fin de lâEmpire romain dâOccident » pour mieux asseoir leurs propres revendications sur ces territoires. Les avis des spĂ©cialistes demeurent partagĂ©s sur ce sujet[151]. De mĂȘme, la thĂšse selon laquelle lâinvasion des Germains aurait Ă©tĂ© lâunique cause de la chute de lâEmpire romain dâOccident est une grossiĂšre simplification rejetĂ©e par la majoritĂ© des spĂ©cialistes contemporains qui prĂ©fĂšrent parler dâun ensemble de causes[152]. Ă lâinverse, la survie de lâempire oriental au Ve siĂšcle, malgrĂ© les attaques auxquelles il doit faire face, semble montrer que rien ne condamnait le systĂšme romain Ă imploser. De mĂȘme, la thĂšse dĂ©fendue dans les recherches antĂ©rieures voyant dans la dĂ©position de Romulus Augustulus la fin de lâAntiquitĂ© nâest guĂšre retenue de nos jours.
Il est certain toutefois que le processus de dĂ©cadence de l'empire occidental amorcĂ© au plus tard avec la fin de la dynastie thĂ©odosienne en 455 sâaccĂ©lĂšre rapidement Ă partir de 470. La « barbarisation » de lâarmĂ©e romaine constitue un facteur prĂ©pondĂ©rant dans ce processus. Affaiblie par les guerres civiles du IVe siĂšcle, lâarmĂ©e nâest plus en mesure au Ve siĂšcle dâassurer la protection des frontiĂšres de façon efficace. Non que la loyautĂ© des troupes ait Ă©tĂ© en cause, mais les caisses de lâĂtat Ă©tant vides, les lĂ©gionnaires ne sont plus payĂ©s. La rĂ©bellion dâEgidius amorce la dĂ©sagrĂ©gation de lâarmĂ©e des Gaules. La perte des riches provinces des Gaules a alors des retombĂ©es catastrophiques pour les finances de lâĂtat, mais sâavĂšre moins dramatique que celle de la province dâAfrique du Nord qui, elle, ne peut ĂȘtre compensĂ©e ; bientĂŽt, Ravenne ne dispose plus d'assez dâargent pour rĂ©munĂ©rer et fidĂ©liser les troupes nĂ©cessaires Ă la dĂ©fense, occasionnant la perte dâautres contrĂ©es. Le territoire sur lequel sâexerce lâautoritĂ© effective des empereurs dâOccident se rĂ©trĂ©cit toujours plus et finit par se rĂ©duire au noyau central de lâItalie et de la rĂ©gion alpine. Le dĂ©clin de lâautoritĂ© impĂ©riale entraĂźne la progression de celle des commandants en chef de lâarmĂ©e occidentale. Dans les derniĂšres annĂ©es, les ressources viennent Ă manquer tant et si bien que la dignitĂ© impĂ©riale devient le jouet de commandants avides de pouvoir qui font et dĂ©font les empereurs Ă leur guise. AprĂšs que nombre de gĂ©nĂ©raux ont gouvernĂ© par lâentremise dâempereurs-fantĂŽmes, Odoacre ne fait que constater l'inutilitĂ© du maintien de la fonction impĂ©riale en Occident. Lorsque lâempereur ZĂ©non envoie finalement en lâan 488 les Ostrogoths sous la direction de ThĂ©odoric en Italie afin de renverser Odoacre, celui-ci sâappuie sur ses propres forces et tire son autoritĂ© de sa position de patrice de lâempire et de roi des Goths[153].
Les Ostrogoths en Pannonie et en Italie
Les Greuthungues (qui deviennent les Ostrogoths) comptent parmi les plus durement touchĂ©s par lâarrivĂ©e des Huns en 375. Franchissant le Don et poussant devant eux les Alains, les Huns dĂ©truisent le royaume des Greuthungues. Certains, sous la direction de leurs chefs Alatheus et Saphrax sâenfuient, mais la majoritĂ© est simplement assujettie aux Huns. Toutefois, les Goths procĂšdent Ă lâacculturation des Huns et le gotique sâimpose dans les annĂ©es qui suivirent comme langue dâusage dans lâempire dâAttila ; de nombreux noms dâorigine goth sont utilisĂ©s par les Huns[154]. Ă la fin du rĂšgne dâAttila, trois frĂšres semblent avec pris le commandement des Greuthungues vivant sous la domination hun : Valamer, ThĂ©odemer et Vidimer de la famille des Amales[155].
On doit Ă JordanĂšs et Ă son Histoire des Goths (XIV, 2), laquelle rĂ©sume un texte plus long de Cassiodore, le nom dâOstrogoths qui, selon une Ă©tymologie, signifierait les « Goths de lâEst », tout comme les Tervingi, dont le nom signifierait les « gens de la forĂȘt », et les Greutingi, les « gens de la grĂšve ». Dans le cas des Ostrogoths toutefois, JordanĂšs lui-mĂȘme propose une autre possibilitĂ© : « Ostrogoth » pourrait Ă©galement avoir Ă©tĂ© le nom de leur premier roi : Ostrogotha. Divers auteurs, qui ne font guĂšre confiance Ă JordanĂšs, proposent pour leur part : les Goths « brillants » (racine germanique ostrâ).
AprĂšs la mort d'Attila, les Ostrogoths menĂ©s par ThĂ©odemer (ou Thiudimir) et alliĂ©s Ă leurs anciens vassaux et rivaux, les GĂ©pides, Ă©crasent les forces hunniques lors de la bataille de la Nedao en 454. AprĂšs sâĂȘtre dĂ©barrassĂ© de leurs anciens maitres, ils crĂ©ent leur propre royaume en Pannonie[156]. LĂ , ils sont presque immĂ©diatement en conflit avec les troupes romaines et avec diverses autres tribus dĂ©jĂ installĂ©es dans la rĂ©gion. Le point crucial est constituĂ© par la victoire des Ostrogoths lors de la bataille de Bolia en 469 au cours de laquelle ils dĂ©font une alliance de SuĂšves, GĂ©pides, Skires et Ruges[157]. Le fils de ThĂ©odemer, ThĂ©odoric l'Amale, (surnommĂ© « le Grand »)ayant passĂ© une partie de sa vie Ă Constantinople en tant quâotage, est associĂ© au pouvoir de son pĂšre, dĂšs son retour en Pannonie. Ses tentatives de sâĂ©lever dans la hiĂ©rarchie goth Ă©chouent, ne serait-ce que parce quâun autre Ostrogoth, ThĂ©odoric Strabon, le chef des Goths fĂ©dĂ©rĂ©s installĂ©s en Thrace, est nommĂ© par lâempereur LĂ©on Ier magister militum.
Les tentatives du successeur de LĂ©on, ZĂ©non, de se servir de ThĂ©odoric lâAmale comme contrepoids Ă©chouent et ThĂ©odoric Strabon tient bon[158]. Il perd toutefois la vie en 481 des suites dâune chute de cheval. ThĂ©odoric lâAmale peut alors accroĂźtre considĂ©rablement les forces de son armĂ©e. Non seulement est-il nommĂ© magister militum, mais il accĂšde en 484 Ă la prestigieuse charge de consul. En 487, une nouvelle confrontation se dessine que ZĂ©non rĂ©sout diplomatiquement : il envoie lâAmale mettre fin Ă la souverainetĂ© dâOdoacre sur lâItalie. Ă lâ, les Ostrogoths de ThĂ©odoric quittent l'empire d'Orient, mais une partie dâentre eux restent en arriĂšre et se rattachent aux Ruges[159]. Lâinvasion de lâItalie rĂ©ussit en 489. Odoacre est assiĂ©gĂ© Ă plusieurs reprises et finit par se rĂ©fugier dans Ravenne, puissamment fortifiĂ©e. Odoacre se rend en 498 aprĂšs quâun compromis ait Ă©tĂ© trouvĂ© en fonction duquel il serait associĂ© au pouvoir goth. Peu de temps aprĂšs, toutefois, ThĂ©odoric assassine Odoacre sous un vague prĂ©texte. ThĂ©odoric se livre par la suite Ă une purge rapide mais sanglante ayant pour but dâassurer la main mise des Goths sur lâItalie[160].
ThĂ©odoric mĂšne en Italie une politique dâĂ©quilibre entre les Goths et les Italiens[161]. Ă cette fin, il utilise lâappareil administratif bien rodĂ© des anciens Romains et laisse au trĂšs distinguĂ© Romain, Liberius, le soin de sâoccuper de lâinstallation des Goths en Italie. Liberius mĂšne cette tĂąche difficile avec doigtĂ©, sans trop spolier les droits des premiers occupants[162]. ThĂ©odoric a soin de se lier avec de nombreux membres de lâancienne aristocratie sĂ©natoriale parmi lesquels Cassiodore, afin de sâen faire des alliĂ©s. Dâun autre cĂŽtĂ©, ThĂ©odoric mĂšne une politique de stricte sĂ©paration des Goths et des Romains de façon Ă prĂ©server lâidentitĂ© de lâexercitus Gothorum (les unitĂ©s goths de lâarmĂ©e, toutefois pas complĂštement homogĂšnes). De plus, le fait que les Goths soient ariens alors que la population de lâItalie Ă©tait catholique, renforce la sĂ©paration entre les deux peuples. ThĂ©odoric souhaite encourager la culture antique dans le royaume des Goths, mĂȘme si câest sous son rĂšgne que le philosophe BoĂšce est exĂ©cutĂ©, ThĂ©odoric le soupçonnant de complicitĂ© avec Constantinople.
En 498, ThĂ©odoric est nommĂ© par Constantinople « gouverneur » ; mais les relations se tendent rapidement, ThĂ©odoric menant une politique dâalliance avec les royaumes voisins. Toutefois cette politique n'est pas couronnĂ©e de succĂšs, les Francs devant battre sĂ©vĂšrement les Wisigoths et sâemparer de la plus grande partie du royaume wisigoth des Gaules. En rĂ©action les troupes ostrogoths occupent militairement une partie du sud des Gaules et, en 511, ThĂ©odoric est reconnu comme roi des Wisigoths, mais cette union de couronnes ne survit pas Ă sa mort[163].
La disparition de ThĂ©odoric donne le signal d'une lutte de succession. La rĂ©gente en fonction, Amalasonte, essaie dâamĂ©liorer les relations tendues avec Constantinople. TrĂšs impopulaire auprĂšs des Goths, Amalasonte devenue reine associe son cousin ThĂ©odat (ou Theodahad) au trĂŽne afin dâaffermir sa position. ThĂ©odahad encourage alors le mĂ©contentement des Goths contre la rĂ©gente, emprisonnĂ©e sur lâĂźle de Martana en Toscane et assassinĂ©e en 534 ou 535. Ceci fournit un excellent prĂ©texte Ă lâempereur Justinien pour attaquer les Ostrogoths. Son gĂ©nĂ©ral, BĂ©lisaire, dĂ©jĂ victorieux des Vandales en 533/534, sâempare de la Sicile et de lâItalie du Sud, marquant le dĂ©but de plusieurs annĂ©es de guerre (pour lesquelles Procope de CĂ©sarĂ©e est la principale source). Ces guerres conduisent Ă la dĂ©vastation de vastes territoires en Italie et au dĂ©clin Ă©conomique dâune rĂ©gion jusque-lĂ prospĂšre. Les Francs saisissent lâoccasion pour sâinfiltrer en Italie du Nord quâils pillent de façon systĂ©matique. Rome, thĂ©Ăątre de fĂ©roces combats, change de mains Ă plusieurs reprises. La rĂ©sistance opiniĂątre des Goths qui se regroupent Ă plusieurs reprises est vaincue une premiĂšre fois en 552 bien que des poches de rĂ©sistance rĂ©ussissent Ă se maintenir quelque temps[164]. Cette conquĂȘte romaine demeure Ă©phĂ©mĂšre, car, en 568, les Lombards commencent leur conquĂȘte de l'Italie pĂ©niblement recouvrĂ©e par les Romains.
Le royaume des Wisigoths
Par le fĆdus de 418, les Wisigoths prennent possession de lâAquitaine seconde pour sây Ă©tablir Ă titre de fĂ©dĂ©rĂ©s. cette province constitue le premier noyau du royaume des Wisigoths, dĂ©signĂ© durant sa premiĂšre pĂ©riode (418-507) sous le terme de royaume de Toulouse, du nom de leur capitale[165]. Dans les annĂ©es qui suivent, les Wisigoths tentent continuellement dâagrandir leur territoire et, Ă lâappel dâAetius, combattent les Huns. Le rĂšgne dâEuric, montĂ© sur le trĂŽne en 466 aprĂšs le meurtre de son frĂšre, marque un tournant dans lâhistoire du royaume. En effet, il rompt le fĆdus le liant Ă lâempire dâOccident et mĂšne une politique dâexpansion territoriale : au nord, le royaume sâĂ©tend jusquâĂ la Loire ; au sud il occupe rapidement la plus grande partie de lâHispanie sauf, dans le nord-ouest, la partie occupĂ©e par les SuĂšves qui rĂ©ussissent Ă sây maintenir jusquâau VIe siĂšcle[166] ; Ă lâest, oĂč il a dĂ©jĂ conquis Arles et Marseille et battu en 471 la derniĂšre armĂ©e romaine intacte dans les Gaules, le traitĂ© de 475 lui donne le contrĂŽle lâAuvergne[135].
La population romaine qui, sâacculturant aux « barbares », les sources mentionnent spĂ©cifiquement que dans les villes gauloises de nombreux hommes se font pousser les cheveux et commencent Ă porter des braies, adoptant ainsi certains traits distinctifs des barbares, choses que les empereurs dâOccident ont interdites mĂȘme aux esclaves en temps de crise. De nombreux Romains entrent alors au service des Wisigoths et exercent des commandements militaires[167].
Euric meurt en 484 ; son fils, Alaric II, affronte les Francs et meurt alors quâil les combattait[168]. Ă la suite de ce dĂ©sastre et des attaques des Ostrogoths sous la conduite de ThĂ©odoric le Grand, la presque-totalitĂ© de la Gaule goth est perdue Ă lâexception de la rĂ©gion de Narbonne (Septimanie). Ceci modifie complĂštement la situation des Wisigoths en Hispanie oĂč ils choisissent TolĂšde comme nouvelle capitale au VIe siĂšcle, ville d'oĂč est tirĂ© le nom du royaume Goth, le royaume de TolĂšde. Dans sa politique de restauration de lâempire, Justinien Ier qui reprend les royaumes des Vandales et des Ostrogoths, sâempare Ă©galement de territoires dans le sud de la pĂ©ninsule ibĂ©rique, mais ces conquĂȘtes s'avĂšrent sans lendemain, les Romains ne les gardant que jusquâau dĂ©but du VIIe siĂšcle. Le royaume des Wisigoths devient alors le thĂ©Ăątre dâintenses querelles entre les diffĂ©rentes familles aristocratiques pour savoir qui prendrait le pouvoir alors que les problĂšmes religieux perduraient[169].
ConsidĂ©rĂ© comme le plus grand des rois de lâEspagne wisigothique, LĂ©ovigild promulgue, ou reprend de ses prĂ©dĂ©cesseurs, 324 lois que ses successeurs regroupent dans le Liber judiciorum vers 654. ConsidĂ©rĂ© par les Espagnols comme le premier unificador nacional, il mĂšne une sĂ©rie de campagnes militaires contre les Byzantins installĂ©s en Andalousie et s'empare de Cordoue et de Malaga. Au nord, il combat Vascons et Francs pendant que dans le nord-ouest de la pĂ©ninsule, il lutte Ă partir de 575 contre les SuĂšves redevenus catholiques ; les ayant vaincus Ă la bataille de Braga en 585, il dĂ©truit leur royaume de Galice. Arien convaincu, il a fort Ă faire avec un peuple dont la majoritĂ© Ă©tait profondĂ©ment catholique. L'un de ses fils, le prince HermĂ©nĂ©gild, mariĂ© Ă une princesse franque catholique, prend la tĂȘte du parti catholique et se rĂ©volte contre son pĂšre, n'hĂ©sitant pas Ă s'allier aux SuĂšves et aux Byzantins. HermĂ©nĂ©gild soulĂšve l'Andalousie en 579/580. Impitoyable, LĂ©ovigild combat son fils, le fait prisonnier (584) et le fait exĂ©cuter en 585 Ă Tarragone. Son plus jeune fils et successeur rĂ©solut le conflit. En 587 il se convertit au catholicisme, reconnu comme la foi de tous les Wisigoths lors du troisiĂšme concile de TolĂšde en 589[170]. Les rĂšgnes de LĂ©ovigild et de RĂ©carĂšde sont importants dans lâhistoire du royaume qui en sort consolidĂ©[171]. La mort de RĂ©carĂšde en 601 est suivie dâune pĂ©riode de troubles au cours de laquelle diverses familles aristocratiques se disputent le pouvoir. Sur le plan culturel, le royaume vĂ©cut Ă partir de la fin du VIe siĂšcle une pĂ©riode de prospĂ©ritĂ© dont Isidore de SĂ©ville constitue le reprĂ©sentant le plus cĂ©lĂšbre. Les Ă©coles monastiques rĂ©pandent la culture de lâAntiquitĂ© jusque chez les Francs confĂ©rant ainsi au royaume wisigoth un rayonnement culturel important[172].
La fin du royaume wisigoth survient de façon abrupte. Les Arabes et les BerbĂšres, qui, au dĂ©but du VIIIe siĂšcle, avancent le long de la cĂŽte dâAfrique du Nord traversent le dĂ©troit de Gibraltar et remportent une victoire dĂ©cisive face au roi RodĂ©ric qui perd la vie Ă la bataille du Guadalete en , scellant le dĂ©clin du royaume wisigoth. Les Goths poursuivent la rĂ©sistance dans le nord-est de la pĂ©ninsule jusquâaux environs de 719. Les musulmans sâemparent des territoires situĂ©s au nord des PyrĂ©nĂ©es de 719 Ă 725. Vaincus, les Wisigoths se rĂ©concilient avec les envahisseurs et une partie du peuple se convertit Ă lâislam[173].
Le royaume des Vandales
Le royaume vandale (lequel occupait ce qui est aujourdâhui la Tunisie, l'Est de l'AlgĂ©rie et la Tripolitaine, plus les BalĂ©ares, la Corse et la Sardaigne) constitue une exception dans le processus de crĂ©ation des royaumes barbares. Dâune part, les Vandales, aprĂšs avoir pris Carthage en 439, disposent dâune flotte importante qui leur permet de contrĂŽler une partie Ă©tendue de la MĂ©diterranĂ©e occidentale et de sâaventurer jusquâĂ la GrĂšce. Dâautre part, adeptes convaincus de lâarianisme, les nouveaux maĂźtres pratiquent une politique de coercition Ă lâendroit des notables locaux, majoritairement catholiques. Les rois GensĂ©ric et HunĂ©ric persĂ©cutent en effet les catholiques opposants Ă leur pouvoir, en bannissent certains, et, pour mettre fin Ă l'opposition systĂ©matique des Ă©vĂȘques (sacerdotes), placent certains en rĂ©sidence surveillĂ©e dans le Sud tunisien (Gafsa). Il faut toutefois prendre en considĂ©ration le fait que la plupart des sources sont dâorigine catholique comme lâĂ©vĂȘque Victor de Vita qui devait accompagner ses coreligionnaires Ă Sicca Veneria et Ă Lares, puis dans le dĂ©sert du Hodna[174]. En revanche, les BerbĂšres catholiques qui se soumettent Ă leur pouvoir n'en ont pas Ă©tĂ© victimes dĂšs lors qu'ils paient l'impĂŽt comme au temps de l'administration romaine. Les Vandales conservent une bonne partie des structures politiques et administratives romaines y compris le culte de lâempereur[175]. Sans doute, les rois vandales ne perdent-ils pas tout espoir dâen venir Ă une entente avec leurs sujets catholiques, mais les discussions entreprises Ă ce sujet en , nâaboutissent pas[176]. Sans renoncer Ă convertir ses sujets, le roi Thrasamund met fin Ă la longue persĂ©cution qui avait commencĂ© sous son oncle HunĂ©ric, permettant Ă©galement dâamĂ©liorer considĂ©rablement les relations du royaume avec lâempire byzantin[177].
AprĂšs lâĂ©chec de lâopĂ©ration conjointe entre Rome et Constantinople qui se solde par lâincendie de la flotte romaine devant Carthage en 468, le royaume ne doit plus craindre dâennemis extĂ©rieurs dâautant plus que son existence mĂȘme finit par ĂȘtre reconnue par Constantinople. Par la suite, il nâa Ă se prĂ©occuper que de lâhostilitĂ© des « Maures », nom sous lequel il faut entendre diverses tribus berbĂšres qui avaient dĂ©jĂ crĂ©Ă© leurs propres petites royaumes sur le territoire de la province romaine dâAfrique (parmi lesquels, le royaume de Masties, dans l'AurĂšs) qui coexistaient la plupart du temps pacifiquement avec les populations romaines environnantes[178] - [179]. Les rois vandales, ayant pris le titre de rex Vandalorum et Alanorum (roi des Vandales et des Alains), recrutent des troupes auxiliaires chez les Maures alors que lâĂ©quipage de leur flotte est composĂ©e de Romains venus de diverses provinces[180]. Sur les plans Ă©conomique aussi bien que culturel, les Vandales, qui ont expropriĂ© nombre de grands propriĂ©taires catholiques[181] peuvent jouir des avantages de cette riche province romaine qui, sous leur gouverne, loin de pĂ©ricliter, continue Ă prospĂ©rer. Le commerce continue Ă se dĂ©velopper et la culture antique Ă prospĂ©rer parmi lâĂ©lite. Les Vandales peuvent jouir du niveau de vie Ă©levĂ© auquel sont habituĂ©s les Romains et apprĂ©cier aussi bien le thĂ©Ăątre que le cirque[182]. La rĂ©putation des Vandales que laissent les sources, reprise par les historiens du passĂ© semble ainsi grandement exagĂ©rĂ©e et, aux yeux des historiens contemporains, passablement dĂ©nuĂ©e de fondement.
La pĂ©rennitĂ© du royaume vandale est remise en cause par lâusurpation de GĂ©limer qui renverse le roi HildĂ©ric, un alliĂ© de Constantinople, en 530. Lâempereur Justinien profite de lâoccasion pour intervenir. Si lâon en croit Procope, le prĂ©fet du prĂ©toire, Jean de Cappadoce, hostile Ă cette initiative, la considĂšre trop risquĂ©e[183]. Finalement, en mars une petite expĂ©dition est envoyĂ©e sous le commandement du magister militum BĂ©lisaire avec pour but initial et unique de remettre le roi HildĂ©ric sur le trĂŽne. GĂ©limer ayant fait mettre celui-ci Ă mort, BĂ©lisaire dĂ©barque avec seulement 15 000 soldats et remporte dâĂ©tonnantes victoires lors des batailles de Ad Decimum et TricamĂ©ron Ă la fin de 533. GĂ©limer sâenfuit, mais, fait prisonnier, il est envoyĂ© Ă Constantinople oĂč il figure au triomphe de BĂ©lisaire. Il peut toutefois continuer une vie aisĂ©e sur un domaine qui lui avait Ă©tĂ© donnĂ©. Les troupes vandales, intĂ©grĂ©es dans lâarmĂ©e impĂ©riale, servent lors des combats de Justinien contre les Perses. Le royaume vandale est alors placĂ© sous la juridiction impĂ©riale et le demeure jusquâĂ sa conquĂȘte par les Arabes au milieu du VIIe siĂšcle[184].
Le royaume franc
Les Francs, une confĂ©dĂ©ration de diverses tribus germaniques, ont Ă©tĂ© Ă©tablis par le CĂ©sar Julien en Toxandrie (probablement la rĂ©gion sablonneuse comprise entre lâEscaut et la Meuse)[185]. En 388, ils dĂ©vastent les environs de Cologne mais sont battus par les Romains[186]. Stilicon doit aussi se battre contre les Francs qui, en 407, ont assurĂ© la protection des provinces de Belgique et de Germanie contre les envahisseurs vandales, alains et suĂšves en se ralliant Ă l'usurpateur Constantin III. Dans les annĂ©es qui suivent, les Francs mettent Ă profit la situation trouble dans laquelle se trouvent les Gaules pour Ă©tendre leur territoire. DiffĂ©rents groupes tentant de sâinstaller le long de la Moselle, et le long du Rhin, sont arrĂȘtĂ©s par Aetius qui les incite toutefois Ă Ă©tablir leur propre royaume dans le nord-est de la Gaule[187]. AprĂšs la mort dâAetius, les Francs franchissent en masse le « limes » du Rhin et sâemparent de diverses villes dont Mayence. Par la suite, dans le nord de la Gaule les Francs se rĂ©partissent en un grand nombre de petites principautĂ©s pendant que le sud est dominĂ© par les Wisigoths, les Burgondes et finalement les Ostrogoths (en Provence).
Roi des Francs saliens et gouverneur romain de la province de Belgique seconde, ChildĂ©ric Ier, Ă©tabli Ă Tournai, et dont la sĂ©pulture magnifiquement dĂ©corĂ©e est dĂ©couverte en 1653, aide vraisemblablement le gĂ©nĂ©ral gallo-romain Egidius, rĂ©voltĂ© contre Ricimer et lâempereur Libius Severus, Ă repousser les Wisigoths. De la mĂȘme façon, ChildĂ©ric peut-ĂȘtre en collaboration avec le commandant romain Paulus, combat les pilleurs saxons qui ont envahi la Gaule sous la conduite dâun certain Adovacrius. Egidius Ă©tablit son propre domaine dans la rĂ©gion de Soissons ; aprĂšs sa mort, son fils, Syagrius, lui succĂšde. Fils de MĂ©rovĂ©e, ChildĂ©ric, le premier reprĂ©sentant historique de la dynastie des MĂ©rovingiens, prĂ©side avec succĂšs Ă lâexpansion des Francs. Le fils de ChildĂ©ric, Clovis Ier, dĂ©truit les petits royaumes francs de Ragnachar et de Cararic. En 486/487, Clovis envahit le royaume de Syagrius. Les Wisigoths sont vaincus et doivent quitter la Gaule en 507. Clovis entreprend probablement deux guerres contre les Alamans entreprenants aprĂšs lâeffondrement de la domination romaine en Gaule;en effet, ils franchissent le Rhin et s'avancent Ă lâest dans la province de Norique (correspondant Ă une partie de lâAutriche, de lâAllemagne et de la SlovĂ©nie dâaujourdâhui)[188]. Clovis s'allie avec les Burgondes, Ă©pousant une princesse de ce peuple[189]. PaĂŻen dans ses jeunes annĂ©es, Clovis se convertit au christianisme Ă un moment non prĂ©cisĂ© qui se situe vraisemblablement vers la fin de son rĂšgne. Contrairement Ă la plupart des autres chefs francs de confession arienne, Clovis adopte la confession catholique, Ă©vitant ainsi les antagonismes apparus dans les autres royaumes barbares entre souverains ariens et peuples catholiques. La politique habile mais Ă©galement sans scrupule de Clovis assure aux Francs une place dominante en Gaule et jette les bases dâune reconstruction de lâempire dâOccident sous Charlemagne et ses successeurs. En 508, Clovis reçoit de l'empereur d'Orient Anastase Ier le titre de « consul » et est saluĂ© comme « Auguste » au cours d'une cĂ©rĂ©monie Ă Tours. Câest alors quâil dĂ©cide de faire de Paris sa rĂ©sidence principale aprĂšs Tournai et Soissons.
ConformĂ©ment Ă la loi salique adoptĂ©e sous son rĂšgne, le royaume de Clovis est divisĂ© entre ses fils Ă sa mort en 511. En 531, ils dĂ©truisent le royaume de Thuringe et en 534 ils envahissent le royaume des Burgondes quâils annexent au leur[190]. Thibert intervient en Italie du Nord ; pour souligner son indĂ©pendance, il fait frapper des piĂšces de monnaie dâor (solidus) Ă son nom, privilĂšge exclusif de lâempereur romain[191]. En 560, le royaume franc est unifiĂ© par Clotaire Ier, mais divisĂ© Ă nouveau une annĂ©e plus tard Ă sa mort. Ă lâintĂ©rieur du pays, les Francs s'allient avec la noblesse et les Ă©vĂȘques gallo-romains pour la gestion du territoire et utilisent le systĂšme romain des civitates ayant cours entre autres dans le sud de la Gaule[192]. Ainsi, la domination franque est remarquablement bien acceptĂ©e par la plupart des Gallo-Romains. LâĂ©vĂȘque GrĂ©goire de Tours, descendant dâune famille sĂ©natoriale et dont lâĆuvre historique constitue une source importante pour cette pĂ©riode, sâefforce dâharmoniser lâhistoire des Francs et la tradition romaine. Câest ainsi quâil prĂ©sente Clovis non comme un envahisseur germain, mais plutĂŽt comme le gouverneur romain des Gaules[193].
Progressivement, les rois mérovingiens perdent leurs pouvoirs et, à partir de la seconde moitié du VIIe siÚcle voient ceux-ci repris par les « maires du palais », ce qui conduit à leur remplacement en 751 par les Carolingiens.
Le royaume des Burgondes
AprĂšs la destruction du royaume des Burgondes du Rhin 436 par Aetius et le transfert des Burgondes en Sapaudie, ceux-ci Ă©difient leur propre royaume fĂ©dĂ©rĂ© sur les bords du lac LĂ©man[107]. La position des Burgondes face au pouvoir romain est alors ambivalente, les souverains veillant constamment sur leur lĂ©gitimitĂ©. Contrairement Ă de nombreux autres confĂ©dĂ©rĂ©s germaniques, les Burgondes respectent scrupuleusement les obligations imposĂ©es par leur statut de fĂ©dĂ©rĂ©s et luttent Ă de nombreuses reprises contre les envahisseurs. Des troupes burgondes aux ordres dâAetius combattent les Huns puis prennent part, par exemple, Ă lâoffensive contre les SuĂšves au milieu de Ve siĂšcle. En 457 aprĂšs la mort dâAetius, les Burgondes exploitent la situation trouble en Gaule pour envahir la rĂ©gion autour de Lyon. LâannĂ©e suivante, ils assiĂšgent cette ville qui tombe en leur pouvoir en 469 et sert de rĂ©sidence Ă partir de cette date aux rois des Burgondes. En Auvergne, ils combattent Ă nouveau aux cĂŽtĂ©s des Romains, contre les Wisigoths. Dans les annĂ©es 470 et 480, ils partent en guerre contre les Alamans[194]. ĂduquĂ© Ă la cour impĂ©riale de Ravenne et magister militum de la Gaule, Gondebaud est Ă©levĂ© au rang de patrice des Romains en 456 et exerce vĂ©ritablement le pouvoir dans les rĂ©gions qu'il contrĂŽle, de la MĂ©diterranĂ©e au sud au lac de Constance au nord.
Avec la crĂ©ation du royaume fĂ©dĂ©rĂ© en Sapaudie, le processus de romanisation des Burgondes sâaccĂ©lĂšre. Le roi autorise le conubium, câest-Ă -dire les mariages entre Burgondes et Romains des provinces. LâĂ©tonnante facultĂ© dâadaptation des Burgondes entraĂźne la perte de tout sentiment dâidentitĂ© et l'assimilation rapide aux peuples parmi lesquels ils vivaient. Lâaristocratie gallo-romaine qui coexistait sans peine avec les Burgondes y vit une garantie de maintien de lâordre Ă©tabli lui permettant peut-ĂȘtre de reprendre possession de ses terres[195]. Ă la suite la dĂ©position de lâempereur Romulus Augustule en 476, le roi des Burgondes exerce directement sur son territoire les pouvoirs de lâempereur dâOccident[196]. Toutefois, afin de lĂ©gitimer sa bonne foi romaine, il demande Ă lâempereur dâOrient de le confirmer dans son rang de magister militum. Un trait marquant de la royautĂ© burgonde est la dĂ©volution d'apanages Ă des membres de la famille royale sans que la souverainetĂ© soit pour autant divisĂ©e ; aux cĂŽtĂ©s de Lyon, GenĂšve et Vienne deviennent ainsi des rĂ©sidences royales[197]. Cette cohabitation des Ă©lĂ©ments romains et germaniques se concrĂ©tise dans la « loi gombette » ou « Loi des Burgondes ». PromulguĂ©e au dĂ©but du VIe siĂšcle par le roi Gondebaud, puis complĂ©tĂ©e par ses successeurs, elle fixe les usages Ă respecter par les sujets burgondes du royaume. Une seconde loi ou « Loi romaine des Burgondes » fixe le droit des sujets gallo-romains du royaume. Prises dans leur ensemble ces deux lois dĂ©montrent le degrĂ© de cohabitation entre les libres romains et germaniques.
Dans le domaine religieux, qui dans dâautres royaumes revĂȘt un aspect hautement politique, on nâobserve aucune controverse entre ariens et catholiques mĂȘme si les Burgondes sont ariens. La maison royale semble sâĂȘtre orientĂ©e trĂšs tĂŽt vers le catholicisme. De plus, il nâest pas certain que tous les rois burgondes aient Ă©tĂ© ariens, mĂȘme si les hauts postes de lâĂglise Ă©taient occupĂ©s dans le royaume par des Ariens[198].
AprĂšs la mort du roi Godomar III, son frĂšre Sigismond est proclamĂ© roi. Les Francs mĂ©rovingiens exploitent lâoccasion pour tenter de sâemparer du royaume. AprĂšs avoir perdu la bataille de VĂ©zeronce en 524, les Francs doivent attendre dix ans pour sâemparer du royaume quâils divisĂšrent entre eux. MalgrĂ© l'effondrement de la dynastie burgonde et la victoire dĂ©finitive des successeurs de Clovis, la cohĂ©sion entre les deux ethnies burgonde et gallo-romaine, nĂ©e des actions pacificatrices et unificatrices des rois burgondes fait naĂźtre un particularisme qui perdure.
Les Angles, Saxons et Jutes en Bretagne
Avec le dĂ©part des derniĂšres unitĂ©s de lâarmĂ©e romaine au dĂ©but du Ve siĂšcle, la province romaine de Bretagne est exposĂ©e aux attaques rĂ©pĂ©tĂ©es des Pictes et des Scots. Lâadministration romaine sâeffondre progressivement et est remplacĂ©e par des autoritĂ©s rĂ©gionales qui se chargent de la dĂ©fense. Le dĂ©part des troupes et de lâaristocratie romaines entraĂźne l'obligation pour les quelques civitates existantes dans cette province moins urbanisĂ©e d'assumer seules les charges de lâadministration publique[199]. LâĂ©crivain paĂŻen Zosime qui Ă©crit aux environs de lâan 500 une Nouvelle Histoire, sâappuyant sur les rĂ©cits de son prĂ©dĂ©cesseur Olympiodore de ThĂšbes, affirme que lâempereur Honorius informe les civitates britanniques de son impossibilitĂ© d'en assurer la protection[200]. Quoi qu'il en soit, les autoritĂ©s de Ravenne se dĂ©sintĂ©ressent du sort de lâile, ne nommant plus de nouveau magistrat. LâĂ©vĂȘque Germain d'Auxerre visite la Bretagne en 429 et en 444. Un dernier appel au secours des Romains restĂ©s en Bretagne en lâan 446 et adressĂ© au gĂ©nĂ©ral Aetius nous est rapportĂ© dans lâĆuvre de Gildas le Sage intitulĂ©e Le DĂ©clin de la Bretagne, rĂ©digĂ©e au VIe siĂšcle :
- « Les barbares nous jetĂšrent Ă la mer ; la mer nous rejeta sur les barbares ; nous nâavions dĂšs lors dâautre choix que de mourir noyĂ©s ou sous lâĂ©pĂ©e »[201].
Les sources manquant pour la pĂ©riode suivante, seuls les principaux faits nous sont connus[202]. Afin de parer au danger des attaques de diverses tribus barbares, les Romains font appel en Bretagne aux fĂ©dĂ©rĂ©s saxons (certains chercheurs situent cet appel un peu plus tĂŽt). Au IIIe siĂšcle, les pirates saxons sont alors source de difficultĂ©s pour les Romains ; ils reviennent maintenant en tant quâalliĂ©s. TrĂšs rapidement cependant, une nouvelle rupture se produit que des chroniques galloises situent en 440 aprĂšs que des Jutes et des Angles soient venus sâinstaller Ă demeure dans lâĂźle.
Depuis les annĂ©es 1960, une controverse perdure parmi les spĂ©cialistes concernant le rĂŽle jouĂ© par les peuplades germaniques installĂ©es en Grande-Bretagne Ă la fin du IVe siĂšcle. De nombreux historiens et quelques archĂ©ologues soutiennent que lâ« anglo-saxonisation » du pays au cours des Ve et VIe siĂšcles est due Ă lâarrivĂ©e dâun large contingent dâĂ©migrants en provenance d'Allemagne et des Pays-Bas ou du Danemark dâaujourdâhui. Dâautres, surtout parmi les archĂ©ologues, croient plutĂŽt que les immigrants auraient Ă©tĂ© peu nombreux mais que des Bretons romanisĂ©s se seraient joints Ă eux, et auraient adoptĂ© la langue et le mode de vie des nouveaux-venus conquĂ©rants, selon la thĂ©orie du transfert des Ă©lites[203]. La palĂ©ogĂ©nĂ©tique montre une migration substantielle Ă grande Ă©chelle Ă travers la mer du Nord vers la Grande-Bretagne au dĂ©but du Moyen Ăge : ainsi, si dans les anciennes populations des Ăźles Britanniques, la proportion d'ascendance venant du continent (Pays-Bas actuels, Allemagne du Nord et Danemark) est quasiment nulle Ă l'Ăge du Fer, elle augmente Ă environ 15 % pendant la pĂ©riode romaine, pour atteindre 76 % dans l'est de l'Angleterre pendant la pĂ©riode mĂ©diĂ©vale ancienne[204]. Cette migration importante concerne aussi bien les hommes que les femmes. Les chercheurs observent par ailleurs que les individus, notamment chez les femmes, Ă forte proportion d'ascendance anglo-saxonne ont en gĂ©nĂ©ral un mobilier archĂ©ologique plus riche que ceux Ă forte proportion d'ascendance locale[204].
DâaprĂšs Gildas, un « arrogant tyran » aurait Ă©tĂ© responsable de l'appel aux Saxons fait par les villes romaines de Bretagne. Selon BĂšde le VĂ©nĂ©rable, qui retrace au VIIIe siĂšcle lâhistoire de lâĂglise, ce serait le « souverain » Vortigern qui aurait engagĂ© comme mercenaires les Saxons, chassĂ©s de leur royaume pour cause de surpopulation, et dĂ©barquĂ©s sur les cĂŽtes de lâĂźle sous la conduite des frĂšres Hengist et Horsa[205]. Ce genre dâĂ©popĂ©e est Ă©galement rĂ©pandu chez les Goths et les Lombards alors que peu de faits historiques certains concernant la Bretagne sont parvenus jusquâĂ nous. Toutefois les quelques sources dont nous disposons attestent quâil nây a pas eu dâeffondrement de lâordre Ă©tabli. Bien plus, de petits royaumes bretons (dits Sub-Roman Britain pour la pĂ©riode sâĂ©tendant de la fin de la domination romaine Ă lâarrivĂ©e de la mission grĂ©gorienne en 597) fondĂ©s avant la venue des Saxons, ont continuĂ© Ă exister par la suite et Ă sâopposer aux Anglo-Saxons. Les « seigneurs de la guerre » germaniques auraient ainsi combattu les Bretons. Câest dans ce contexte que sâinsĂšre lâĂ©pisode de la bataille du mont Badon aux environs de lâan 500. Elle est reliĂ©e Ă la geste du roi Arthur, mais il est difficile de savoir qui en furent les participants (le roi Arthur et un certain Ambrosius Aurelianus sont considĂ©rĂ©s). On peut toutefois tenir pour acquis quâelle arrĂȘta l'invasion saxonne et permit la reprise de territoires prĂ©cĂ©demment perdus par les Bretons. Toutefois, ces derniers furent finalement repoussĂ©s vers les rĂ©gions pĂ©riphĂ©riques de lâĂźle, que ce soit vers le nord ou vers le pays de Galles et le Sud-Ouest de lâAngleterre. Une partie de la population se rĂ©fugia sur le continent en Armorique, dans ce qui est aujourdâhui la Bretagne[206]. Les Anglo-Saxons opĂ©raient en petites unitĂ©s, nâavaient pas de commandement unifiĂ© et se faisaient la guerre entre eux. Ce nâest quâau VIIe siĂšcle quâils se regroupĂšrent en royaumes plus importants dont les plus puissants se maintiennent jusquâĂ lâarrivĂ©e des Vikings au IXe siĂšcle[207].
La Bretagne qui en raison de son insularitĂ© devait jouer un rĂŽle particulier dans la migration des peuples vĂ©cut alors une vĂ©ritable « barbarisation ». La langue latine se mĂ©tamorphosa. Les derniĂšres inscriptions latines que lâon retrouve au pays de Galles datent du VIe siĂšcle. Selon lâarchĂ©ologue Bryan Ward-Perkins, le niveau de vie dans lâĂźle serait retournĂ© Ă ce quâil Ă©tait durant la prĂ©histoire[208]. Le christianisme aurait Ă©galement subi des revers importants mĂȘme si les sources, trĂšs limitĂ©es, prĂȘtent Ă controverse. Dâun cĂŽtĂ©, la mission dâIrlande semble avoir quittĂ© la Bretagne au cours du Ve siĂšcle, dâun autre, le pape GrĂ©goire le Grand dut envoyer des missionnaires dans ce qui est aujourdâhui lâAngleterre (Canterbury) Ă la fin du VIe siĂšcle. Les grands Ă©lans religieux et culturels semblent ĂȘtre venus avant tout dâIrlande, et câest grĂące Ă des missionnaires venus de ce pays que commença vĂ©ritablement la conversion des Anglo-Saxons au VIIe siĂšcle.
Les Lombards en Italie
La lĂ©gende des origines des Lombards (ou plus exactement Langobards, ce qui signifie longues-barbes) nous est rapportĂ©e dans lâOrigo gentis Langobardorum. Selon cette lĂ©gende le dieu Wotan aurait assurĂ© la victoire des Lombards, originaires de Scandinavie sur les Vandales[209]. De ce fait, il est presque impossible de rĂ©tablir la vĂ©ritĂ© historique. De plus, leur principal historien, Paul Diacre Ă©crit son Historia Langobardorum entre 784 et 799, soit longtemps aprĂšs les Ă©vĂ©nements, sur la base de sources plus anciennes. Selon certaines sources romaines, les Langobards sont Ă©tablis aux Ier et IIe siĂšcles sur les bords de lâElbe supĂ©rieur oĂč ils affrontent lâempereur TibĂšre. Mais ils sont peu souvent mentionnĂ©s dans les sources et les fouilles archĂ©ologiques ne permettent pas de reconstruire le trajet de leurs migrations[210]. En 488/489, ils profitent de la destruction du royaume des Ruges par Odoacre pour sâinstaller sur leur territoire. De lĂ , ils commencent Ă Ă©tendre leur puissance, d'abord en dĂ©faisant les HĂ©rules en 508, et Ă peu prĂšs Ă la mĂȘme Ă©poque en chassant le reste des populations suĂšves du moyen Danube. La deuxiĂšme pĂ©riode se situe entre 520 et 540 alors quâils occupent lâancienne province romaine de Pannonie au sud du Danube[211]. Câest alors quâils entrent en contact avec lâempire dâOrient. Durant la guerre de Justinien contre les Goths, le roi des Lombards, Aldoin, conquĂ©rant des territoires anciennement dĂ©tenus par les Ostrogoths en Pannonie, conclut un traitĂ© avec lâempereur de Constantinople, servant lâintĂ©rĂȘt des deux parties, les troupes romaines obtenant du renfort pour mettre un terme Ă la rĂ©sistance des Ostrogoths en Italie, les Lombards obtenant une protection contre lâexpansion des GĂ©pides[212]. En 552, NarsĂšs fait campagne en Italie. Quelques milliers de Lombards sous la conduite dâAlboĂŻn, fils dâAldoin, lâaccompagnent dans la campagne. NarsĂšs se voit contraint de renvoyer les Lombards indisciplinĂ©s[213]. Peu aprĂšs, les Lombards triomphent des GĂ©pides[214]. Paul Diacre raconte un Ă©pisode plus lĂ©gendaire qu'historique, selon lequel AlboĂŻn aurait tuĂ© le fils du roi des GĂ©pides, puis, pour restaurer la paix, il se serait rendu au roi gĂ©pide Thorisind[215]. ArrivĂ© au pouvoir aux environs de 560, AlboĂŻn commence Ă planifier la destruction du royaume gĂ©pide. Ă cet effet, il conclut un accord avec les Avars, une tribu de cavaliers nomades ayant migrĂ© depuis peu de lâAsie vers le centre de lâEurope et Ă©rigĂ© peu aprĂšs un riche royaume dans la rĂ©gion du Danube dâoĂč il menace lâempire dâOrient[216]. En 567, AlboĂŻn vainc les GĂ©pides sans l'aide des Avars. AlboĂŻn tue alors le roi des GĂ©pides, Kunimund, de sa propre main et se sert de son crĂąne comme dâune coupe Ă boire. Il Ă©pouse alors la fille du roi, Rosamonde, instigatrice de son meurtre[217].
LâhypothĂšse qui a longtemps circulĂ© que les Lombards auraient Ă©tĂ© obligĂ©s de fuir devant les Avars est maintenant pratiquement dĂ©laissĂ©e. En 568, AlboĂŻn utilise sa solide position pour partir vers lâItalie en compagnie de groupes appartenant Ă dâautres gentes de la rĂ©gion des Carpates. En dĂ©pit des ravages causĂ©s par la guerre des Goths, la province centrale de lâancien empire offre encore la perspective allĂ©chante dâun riche butin. Lâaffirmation que les Lombards auraient Ă©tĂ© appelĂ©s par NarsĂšs ne semble guĂšre conforme Ă la rĂ©alitĂ©[218]. La contre-offensive de lâarmĂ©e impĂ©riale se rĂ©vĂšle impuissante, principalement en raison du manque de troupes en Italie. DĂšs lors, de nombreuses villes dont Milan se rendent. Au contraire, Pavie n'ouvre ses portes quâau bout dâun siĂšge de trois ans et devient par la suite la rĂ©sidence principale des rois lombards. Des bandes isolĂ©es poussent vers le sud de lâItalie et les territoires francs. Ravenne, Rome et les villes de la cĂŽte comme GĂȘnes, peuvent leur rĂ©sister. Les sources parlent abondamment de la brutalitĂ© des conquĂ©rants, les uns encore paĂŻens, les autres ariens, De nombreux grands propriĂ©taires terriens doivent fuir devant lâenvahisseur. Peu aprĂšs le dĂ©but de lâinvasion, AlboĂŻn crĂ©e Ă Cividale del Friuli un duchĂ© confiĂ© Ă son neveu, Gisulf Ier et manifestement modelĂ© sur le modĂšle militaire romain. AlboĂŻn combine le systĂšme de dĂ©fense existant et le systĂšme traditionnel lombard des farae (du germanique : bande)[219]. Cette forme de gouvernement, convenant Ă un peuple prĂ©fĂ©rant la campagne Ă la ville, assure la survie des Lombards aprĂšs lâassassinat dâAlboĂŻn en 572,et l'Ă©croulement d'un pouvoir central lombard.
FondĂ© en 568, le royaume lombard, le dernier Ă sâinstaller sur le territoire de lâempire dâOccident pendant lâAntiquitĂ© tardive, marque dĂšs lors la fin de lâĂšre des grandes migrations qui a vu lâĂ©closion dâune constellation de principautĂ©s en Europe centrale et occidentale. Câest Ă peu prĂšs Ă la mĂȘme Ă©poque que les Bavarois (ou Bajuwaren) apparaissent dans les sources[220]. Un peu plus tard, les Slaves exercent des pressions sur de nombreux territoires germaniques de mĂȘme que dans les Balkans sous domination romaine oĂč, Ă partir de 580, ils commencent Ă sâinstaller[221].
AprĂšs la mort dâAlboĂŻn, le royaume lombard dâItalie du Nord, du BĂ©nĂ©vent et de Spoleto, Ă lâorganisation encore trĂšs lĂąche, se divise en nombre de duchĂ©s autonomes, voire indĂ©pendants les uns des autres. Dans les annĂ©es suivantes, ils entrent de plus en plus souvent en conflit avec lâempire dâOrient, longtemps prĂ©sent au centre et dans le sud de lâItalie. En 584, le roi Authari rĂ©tablit la royautĂ© lombarde aprĂšs une pĂ©riode d'anarchie alors que les Lombards affrontent des incursions franques dirigĂ©s par le roi Childebert II. Agilulf lui succĂšde en mai 591, aprĂšs avoir Ă©pousĂ© sa veuve selon la coutume lombarde, la reine catholique ThĂ©odelinde. Sous lâinfluence de celle-ci, il fait baptiser leur fils Adaloald selon le rite catholique et lui-mĂȘme abandonne lâarianisme en 607. Cette conversion constitue un succĂšs important de la politique du pape GrĂ©goire, intervenu en octobre 598 pour que les Byzantins concĂšdent finalement aux Lombards l'Italie du Nord.
De 712 Ă 744, Liutprand tente vainement d'unifier la pĂ©ninsule italienne sous la domination lombarde, entrant rĂ©guliĂšrement en conflit avec la PapautĂ©. Il doit Ă©galement soumettre les duchĂ©s lombards semi-indĂ©pendants de SpolĂšte et de BĂ©nĂ©vent, et tenter d'expulser dĂ©finitivement les Byzantins d'Italie en assiĂ©geant Ravenne en 734, sans succĂšs[222]. Le royaume des Lombards prend fin sous les attaques des Francs conduits par Charlemagne en 774, intervenu Ă la demande du pape lâannĂ©e prĂ©cĂ©dente. AprĂšs avoir conquis le reste du royaume, Charlemagne prend le titre de roi des Lombards et force le dernier roi, Didier de Lombardie, Ă se faire moine. Mais le royaume subsiste du moins virtuellement puisque les empereurs du Saint-Empire romain germanique continuent Ă ĂȘtre couronnĂ©s avec la Couronne de fer de Lombardie.
Les Slaves dans l'Empire d'orient et la fin des grandes migrations
Les tribus de langue slave commencent Ă ĂȘtre connues du monde grĂ©co-romain aux Ve et VIe siĂšcles lorsqu'elles s'Ă©tendent sur les territoires abandonnĂ©s par les GĂ©pides, les Wisigoths, les Ostrogoths et les Lombards partis en direction de lâEmpire romain d'Occident pour fuir les Huns et leurs successeurs. Autour du VIe siĂšcle, les Slaves se prĂ©sentent en grand nombre aux frontiĂšres de l'Empire romain d'Orient, dont la partie europĂ©enne, alors peuplĂ©e de Grecs sur les cĂŽtes, est peuplĂ©e dans l'intĂ©rieur des terres de Proto-Albanais et de Thraces latinisĂ©s. Ă partir du rĂšgne de Justinien (entre 586 et 610) la prĂ©sence des Slaves est mentionnĂ©e par des auteurs comme JordanĂšs, Procope de CĂ©sarĂ©e ou ThĂ©ophylacte Simocatta sous les noms dâAntes ou SklavĂšnes. Procope prĂ©cise en 545 que « Les Antes et les SklavĂšnes ont jadis eu un seul nom, car ils Ă©taient tous appelĂ©s Spori dans les temps anciens ». JordanĂšs prĂ©cise qu'au dĂ©but, les SklavĂšnes s'installent d'abord prĂšs des marĂ©cages et des forĂȘts, qui leur rappellent leur pays d'origine (selon la plupart des auteurs, plus ou moins les actuelles BiĂ©lorussie et Ukraine occidentale[223]). Par la suite, leur nombre croissant, ils occupent progressivement toutes les plaines, tandis que les populations antĂ©rieures hellĂ©nophones, latinophones ou albanophones se replient sur les cĂŽtes ou les piĂ©monts, devenant minoritaires.
Aux VIe et VIIe siĂšcles, une partie des Slaves migre vers le sud contournant les Carpates, arrive dans la plaine pannonienne et en Dacie. Parvenus au Danube, alliĂ©s aux Avars (eux-mĂȘmes arrivĂ©s en 567) les Slaves font irruption au sud du fleuve, atteignant lâEmpire romain d'Orient. Ils pĂ©nĂštrent dans les Balkans et atteignent lâAdriatique. Vers 548, ils sont en Illyrie (en Carinthie, en Istrie et en Albanie), provoquant lâabandon du limes oriental. Dans les Balkans, des Slaves sâinstallent jusquâau cĆur de la GrĂšce, descendant jusqu'au PĂ©loponnĂšse ; certains groupes passent le Bosphore et sont sĂ©dentarisĂ©s en Asie mineure ; d'autres traversent l'Adriatique et dĂ©barquent en Italie (oĂč ils ont laissĂ© des patronymes comme Schiavenno ou Schiano).
Au VIe siĂšcle Procope et ThĂ©ophylacte Simocatta mentionnent qu'« en 577, une horde de 100 000 Slaves » envahit la Thrace et l'Illyrie : Sirmium (actuelle Sremska Mitrovica, la citĂ© byzantine la plus importante sur le Danube), est perdue en 582. Les dĂ©buts de la prĂ©sence slave dans lâEmpire dâOrient sont contemporains de l'arrivĂ©e des Antes aux bouches du Danube, et des SklavĂšnes dans lâIllyrie, la Dalmatie, la MĂ©sie et la Thrace. Auparavant, les Slaves avaient dĂ©jĂ ravagĂ© ces parties de l'empire byzantin en 545-546 (Thrace), en 548 (Dyrrachium, Illyricum), en 550 (Thrace, Illyricum), 551 (Illyricum), leur donnant une connaissance du terrain, et affaiblissant les dĂ©fenses impĂ©riales. Entre la fin du VIe siĂšcle et le dĂ©but du VIIe siĂšcle, lâirruption des Avars bouleverse cette relative stabilitĂ©, mais il semble que les Slaves aient recommencĂ© leurs mouvements auparavant : les chroniques syriennes datent de 551 mentionnent une seconde vague dâinvasion qui atteint la mer ĂgĂ©e. Ă la fin du VIe siĂšcle, Jean d'ĂphĂšse Ă©crit que « toute la GrĂšce est occupĂ©e par les Slaves ». En tous cas, câest sans doute Ă cause de lâinvasion des Avars que le limes danubien est franchi Ă nouveau par les Slaves au dĂ©but du VIIe siĂšcle : en 609, 617 et 619. En 617, les faubourgs mĂȘme de Constantinople sont menacĂ©s[224].
Lâexpansion des Slaves vers le sud est assez bien documentĂ©e, ayant fait vaciller l'autoritĂ© de lâempire byzantin sur les Balkans, au profit des Avars et des Bulgares. Des chroniqueurs comme Jean d'ĂphĂšse en font le rĂ©cit : « Trois ans aprĂšs la mort de Justin II en 581, le maudit peuple des SclavĂšnes parcourut toute lâHellade, les provinces de Thessalonique et de Thrace, ravagea quantitĂ© de villes, prit dâassaut de nombreuses forteresses, dĂ©vasta et brĂ»la, rĂ©duisit la population en esclavage et se rendit maĂźtre du pays tout entier ». La tactique des Slaves, dĂ©crite par l'empereur byzantin Maurice, relĂšve de la guĂ©rilla : s'abritant dans les forĂȘts et les marĂ©cages, ils Ă©vitent la bataille rangĂ©e. Un auteur carolingien les qualifie de « grenouilles ». La mĂ©thode s'avĂšre efficace contre des Ătats aux ressources limitĂ©es, qui ne peuvent maintenir leur armĂ©e en campagne pour de longues pĂ©riodes. Les Slaves s'organisent d'abord en « sklavinies » (grec : grec moderne : ÎŁÎșλαÎČÎčÎœÎŻÎ±Îč, latin : Sclaviniae), intercalĂ©es entre les « valachies » du bassin du bas-Danube et dans l'empire byzantin aux VIIe et IXe siĂšcles. Il s'agit de petites communautĂ©s rurales et guerriĂšres appelĂ©es Kniazats (ou Canesats dans les chroniques en latin), et dirigĂ©es par des voĂŻvodes (« ducs » civils et militaires), tantĂŽt indĂ©pendantes, tantĂŽt alliĂ©es, tantĂŽt mercenaires, tantĂŽt adversaires de l'une ou l'autre des puissances environnantes, germanique, avare ou romaine d'orient. L'empire d'orient a accordĂ© Ă certaines Sklavinies le statut de « fĂ©dĂ©rĂ©es » (foederati), mais concrĂštement, il n'a plus contrĂŽlĂ© que les cĂŽtes de la pĂ©ninsule balkanique, et les slaves deviennent progressivement majoritaires dans lâintĂ©rieur de cette pĂ©ninsule (si lâon excepte lâAlbanie, les cĂŽtes grecques et les terroirs montagneux valaques comme la Romania Planina ou le Stari Vlah prĂšs de Sarajevo).
Les Slaves installĂ©s dans lâEmpire byzantin sont dĂ©signĂ©s comme « Slaves du Sud » :
- les plus occidentaux dâentre eux, les Carentanes (qui ont laissĂ© leur nom Ă la Carinthie actuelle) et les SlovĂšnes (qui donnent leur nom Ă la SlovĂ©nie actuelle), sâallient aux Avars au VIIe siĂšcle, avant de passer sous la domination de lâaristocratie germanique (bavaroise et carolingienne) dans les duchĂ©s de Carinthie et Carniole ;
- les Croates, originaires de lâactuelle Pologne (Croates blancs), Ă©tablis au sud de la Save, transforment lâIllyrie et la Dalmatie antiques au VIe siĂšcle en pays Ă majoritĂ© slave. Ils constituent un Ătat portant leur nom au IXe siĂšcle, plus tard rĂ©uni Ă la Hongrie ;
- les Serbes, qui viennent de lâactuelle Allemagne orientale (« Serbie blanche »), se sont ensuite Ă©tablis au centre et Ă lâest des Balkans sous la conduite du Prince de Serbie blanche, formant en outre des enclaves jusquâen GrĂšce orientale. Plus tard ils Ă©tablissent un Ătat puissant sous la dynastie des NemanjiÄ (voir Empire serbe) ;
- dâautres peuples slavophones, aujourdâhui fondus parmi leurs voisins, se partagĂšrent le reste des anciennes provinces romaines adriatiques : ainsi, les DoukliĂšnes et les Narentanes assimilent petit-Ă -petit les Illyriens romanisĂ©s et les Morlaques en Dalmatie ;
- les plus orientaux des Slaves du Sud, les Slavons apparaissent dâabord dans le bassin du bas-Danube, en connexion avec la confĂ©dĂ©ration irano-turcophone des Bulgares, dont ils prennent le nom et Ă laquelle ils donnent leur langue. Les Slavons/Bulgares sâĂ©tendent ensuite progressivement vers la Mer ĂgĂ©e, absorbent la plupart des Thraces romanisĂ©s (le restant donne naissance aux minoritĂ©s aroumaines) et se diffĂ©rencient plus tardivement en MacĂ©doslaves et en Bulgares, aux langues encore trĂšs proches.
Tant quâils restent paĂŻens (fidĂšles de PĂ©roun, DomovoĂŻ, Korochoun et des autres dieux slaves), les prisonniers slaves alimentent le commerce dâesclaves, nom justement dĂ©rivĂ© de Slaves, pratiquĂ© par les royaumes germaniques christianisĂ©s et par les musulmans : ce commerce amĂšne certains Slaves jusquâen Espagne musulmane oĂč des esclaves de cour fondent des dynasties : dans le monde arabe mĂ©diĂ©val, le terme de SaqÄliba semble bien dĂ©signer des Slaves, en particulier les esclaves et les mercenaires. Les SaqÄlib sont trĂšs prisĂ©s notamment en raison de leur blondeur, et servent ou sont forcĂ©s de servir dâune multitude de façons : fonctionnaires, filles de harem, eunuques, artisans, soldats, et mĂȘme gardes du calife de Cordoue. Convertis Ă lâislÄm, certains SaqÄlib prennent le pouvoir dans certaines taĂŻfas issues de lâeffondrement du califat omeyade.
InitiĂ©e Ă la fois depuis Byzance au sud, et depuis Rome Ă lâouest, lâĂ©vangĂ©lisation des Slaves commence avec lâaction de Cyrille et MĂ©thode â le premier ayant apportĂ© aux Slaves une Ă©criture dĂ©rivĂ©e du grec : lâalphabet cyrillique â et achĂšve le cycle des « Invasions barbares ».
La situation à la fin de la période des grandes migrations
LâarrivĂ©e des Lombards en Italie et des Slaves dans les Balkans constitue le dernier Ă©pisode des grandes migrations[225]. Cette Ă©poque vit naitre sur le sol de lâempire dâOccident chancelant un nouvel ordre politique qui subsista en grande partie au cours des dĂ©buts du Moyen Ăge et dâoĂč Ă©mergĂšrent progressivement les Ătats modernes. Ainsi, le royaume des Francs se divisa Ă la fin de la dynastie carolingienne, en Francie orientale et Francie occidentale, ancĂȘtres de la France et de lâAllemagne actuelle. Le royaume des Wisigoths permet au cours de la Reconquista la formation dâune identitĂ© espagnole, alors que les Anglo-Saxons sont Ă lâorigine du Royaume-Uni et que le royaume des Lombards prĂ©figure, sous forme embryonnaire, lâĂtat italien. Dans la majoritĂ© de ces royaumes en formation, oĂč se parlait une forme de plus en plus vulgarisĂ©e de latin (sauf peut-ĂȘtre en Grande-Bretagne oĂč il Ă©tait dĂ©jĂ abandonnĂ©), les envahisseurs germaniques surent trouver un terrain dâentente, qui revĂȘtait des formes diverses selon les endroits, avec les peuples quâils avaient conquis. Ceci ne doit toutefois pas faire perdre de vue les changements quelquefois dramatiques qui eurent lieu Ă la fin de lâAntiquitĂ© tardive, ni la violence qui sâexerça sur les populations concernĂ©es.
Pendant ce temps lâEmpire romain se perpĂ©tuait en Orient, mais son intĂ©rĂȘt pour ce qui se passait en Occident diminua fortement aprĂšs la mort de Justinien en 565, malgrĂ© la crĂ©ation de lâexarchat de Ravenne et mĂȘme si la derniĂšre possession byzantine en Italie subsista jusquâen 1071. Maurice Ier (582-602) fut le dernier empereur Ă sâimpliquer en Occident et Ă y mener une activitĂ© politique intense. Lâempire dâOrient se concentra, Ă partir du dĂ©but du VIIe siĂšcle, sur le combat dĂ©fensif contre les Perses et les Arabes Ă lâEst, les Avars et les Slaves au Nord-Ouest, combats qui requĂ©raient toutes ses Ă©nergies. Dans lâintĂ©rieur des Balkans, la multiplication des Sklavinies (duchĂ©s slaves Ă©chappant pour la plupart Ă lâautoritĂ© impĂ©riale) et lâinstallation dâĂtats Ă©quivalant les royaumes germaniques dâOccident (tel le Premier Empire bulgare qui fĂ©dĂ©ra les Sklavinies des Slaves et les Valachies des Thraco-Romains) ne laissa Ă lâempire dâOrient que les cĂŽtes de la pĂ©ninsule, peuplĂ©es de Grecs[226], ce qui contribua, sous HĂ©raclius, Ă lâeffacement du caractĂšre latin de lâEmpire, transformĂ© progressivement en un Ătat dĂ©finitivement grec[227].
En Occident aussi, dĂšs le Ve siĂšcle, lâarmĂ©e et lâadministration avaient perdu leur caractĂšre proprement romain, ce qui entraĂźna des changements complexes dans lâorganisation politique, Ă©conomique et sociale des sociĂ©tĂ©s concernĂ©es[228]. Si le climat de conflit permanent et la christianisation avaient entrainĂ© la disparition croissante de la culture antique, plusieurs Ă©lĂ©ments de la trame culturelle traditionnelle survĂ©curent nĂ©anmoins dans les royaumes barbares, mĂȘme si niveau dâĂ©ducation et production littĂ©raire ont Ă©tĂ© drastiquement rĂ©duits. Face au dĂ©clin de lâĂtat, lâorganisation de lâĂglise se renforça Ă©galement et lâinfluence des Ă©vĂȘques sâaccrut. LâĂglise devint ainsi dĂ©positaire dâune partie de la culture antique, du moins dans sa tradition chrĂ©tienne : si cette culture ne parvint pas Ă se maintenir au niveau quâelle avait dĂ©jĂ atteint, elle sâenrichit de nouvelles influences et fut appelĂ©e Ă jouer un rĂŽle de premier plan dans lâarchitecture de la nouvelle sociĂ©tĂ© qui sâĂ©laborait[229] Les Germains adoptĂšrent le droit romain qui faisait partie du mode de vie quâils sâefforçaient dâassimiler. Certains souverains germaniques qui tiraient la lĂ©gitimitĂ© de leur pouvoir de lâarmĂ©e et du caractĂšre sacrĂ© de leur royautĂ© adoptĂšrent des noms impĂ©riaux (par exemple, ThĂ©odoric prit celui de Flavius) et eurent recours aux Ă©lites romaines pour les tĂąches administratives. De telle sorte que, souvent, le terme « germain » cessa de sâopposer Ă celui de « romain » dans une population oĂč ils ne formaient souvent quâune minoritĂ©.
Au cours des derniĂšres dĂ©cennies, la pĂ©riode qui sâĂ©tend du IVe au VIIIe siĂšcle a suscitĂ© un regain dâintĂ©rĂȘt de mĂȘme que la problĂ©matique de la continuitĂ© qui y est reliĂ©e[230]. Les modifications de la structure politique nâentraĂźnĂšrent pas nĂ©cessairement de changements brutaux pour la population. Câest ainsi que dans le royaume des Francs, les citoyens nâĂ©taient plus sujets de lâempereur, mais du roi mĂȘme si on se rĂ©fĂ©ra jusquâau VIe siĂšcle Ă lâempereur de Constantinople comme au dominus noster. On « adopta » autant quâon « adapta » les systĂšmes bureaucratique et politique romains. Pendant longtemps, les institutions de la Rome tardive subsistĂšrent, Ă tout le moins jusquâĂ ce que lâon ne trouve plus le personnel formĂ© nĂ©cessaire Ă leur maintien. Dans les provinces, les membres des Ă©lites locales optĂšrent souvent pour une carriĂšre ecclĂ©siastique. Par ailleurs, les comites qui avaient dirigĂ© les civitates continuĂšrent Ă exister jusquâĂ ce quâils se transforment en comtes. Dans les Gaules, les Francs en rĂ©sistant aux envahisseurs alamans se dotĂšrent dâune personnalitĂ© propre : la Gaule devint la France et de nouveaux personnages firent leur apparition Ă la cour royale, comme les « maires du palais » sous les MĂ©rovingiens[231]. Le commerce avec lâĂ©tranger diminua notablement durant le temps des grandes migrations et la production Ă©conomique des royaumes devint moins spĂ©cialisĂ©e quâelle nâavait Ă©tĂ© du temps des Romains. Une tendance dĂ©jĂ observable dans les derniĂšres annĂ©es de lâempire dâOccident vers une consolidation des structures aristocratiques sâaccĂ©lĂ©ra, qui se transforma en opposition entre aristocrates et grands propriĂ©taires terriens. La sociĂ©tĂ© se divisa bientĂŽt entre hommes libres (auxquels appartenaient Ă la fois la noblesse germanique et les Ă©lites romaines), semi-libres et non-libres. En mĂȘme temps, le nombre des esclaves sâĂ©leva bien que de nombreuses questions de dĂ©tail sur leur statut soient encore controversĂ©es. Le dĂ©veloppement se ralentit mais Ă des degrĂ©s divers selon les royaumes. De façon gĂ©nĂ©rale, de nombreuses thĂ©ories que lâon considĂ©rait comme acquises sont maintenant remises en question par les plus rĂ©cents travaux[232]. On revoit ainsi Ă la hausse la population totale des villes en Occident. Dans certaines rĂ©gions, comme en Bretagne et dans une partie de la rĂ©gion du Danube, ce qui Ă©tait considĂ©rĂ© comme la culture urbaine antique disparut presque complĂštement. Dans le domaine artistique, de nouvelles formes se firent jour tant dans l'Ă©criture elle-mĂȘme que dans le style de peinture (peinture animaliĂšre). Par ailleurs, reprĂ©sentants traditionnels des civilisations, les rites de funĂ©railles se modifiĂšrent profondĂ©ment. Câest ainsi que progressivement lâ« art romain » fut remplacĂ© par lâ« art germanique » ou « barbare »[233].
Dates importantes
- 375 : mort de lâempereur Valentinien Ier. Ă la mĂȘme Ă©poque (vraisemblablement quelques annĂ©es plus tĂŽt) les Huns soumettent les Alains et les Greuthungues.
- 376 : fuite des Goths installĂ©s sur le Danube devant les Huns et arrivĂ©e de ceux-ci dans lâempire romain ; peu aprĂšs les Goths se soulĂšvent contre Rome.
- 378 () : bataille dâAndrinople ; lâempereur Valens meurt au combat ; une grande partie de lâarmĂ©e impĂ©riale est anĂ©antie.
- 380 : sĂ©dentarisation de la « confĂ©dĂ©ration des trois peuples » en Pannonie par lâempereur Gratien.
- 382 : traitĂ© avec les Goths ; lâempereur ThĂ©odose Ier permet lâĂ©tablissement de nombreuses communautĂ©s goths en deçà du Danube.
- 395 : partage de lâempire ; irruptions des Huns dans lâempire des Sassanides et dans les provinces orientales de lâEmpire romain.
- 405 : invasion de Radagaise et dâune armĂ©e imposante dans lâempire occidental ; Stilicon vainc les envahisseurs en aoĂ»t 406.
- 406/407 : passage du Rhin ; Ă©croulement du limes romain ; Vandales, SuĂšves et Alains pillent la Gaule ; en Bretagne, lâusurpateur Constantin III fait son apparition ; dĂ©part des derniers contingents de lâarmĂ©e impĂ©riale de lâile.
- 409 : dĂ©part des Vandales, SuĂšves et Alains pour lâEspagne.
- 410 : sac de Rome par les Wisigoths sous la conduite dâAlaric Ier.
- 418]: Ă©tablissement des Wisigoths en Aquitaine seconde.
- 429 : les Vandales débarquent en Afrique romaine.
- 436 : anéantissement du royaume des Burgondes sur le Haut-Rhin moyen par le magister militum Aetius qui, en 443, transfÚre les populations en Sapaudie.
- 439 prise de Carthage ; reconnaissance par Rome de ses pertes en 442
- +/- 440 : une partie des Saxons et autres groupes germaniques sâĂ©tablissent en Grande-Bretagne Ă titre de fĂ©dĂ©rĂ©s et commencent Ă prendre possession du pays.
- 451]: expĂ©dition dâAttila contre lâempire dâOccident ; bataille des champs Catalauniques et retrait dâAttila des Gaules.
- 452]: invasion de lâItalie par les Huns.
- 453]: lâempire dâAttila sâĂ©croule peu aprĂšs sa mort.
- 455 : sac de Rome par les Vandales.
- 466 : le roi des Wisigoths Euric rompt le traitĂ© avec Rome et commence une politique dâexpansion ; la plus grande partie de lâHispanie et du sud-ouest des Gaules passe aux mains des Wisigoths.
- 468 : attaque du royaume des Vandales par les troupes impĂ©riales dâOrient et dâOccident.
- 476 : renvoi du dernier empereur occidental, Romulus Augustule, par Odoacre et fin politique de lâempire dâOccident ; Julius Nepos continue jusquâĂ sa mort en 480 Ă rĂ©gner en exil ; en Gaule, lâenclave gallo-romaine Ă©rigĂ©e par Ăgidius se maintient jusquâen 486.
- 486/487 : destruction du royaume de Syagrius par les Francs de Clovis Ier ; le royaume des Francs prend forme.
- 489 : le roi Ostrogoth ThĂ©odoric le Grand envahit lâItalie et s'oppose Ă Odoacre.
- 493 : Théodoric le Grand s'empare de Ravenne qui devient la capitale de son royaume en Italie.
- 507 : le roi des Wisigoths est vaincu par les Francs ; son royaume se replie au sud-ouest des Gaules.
- 533/534 : destruction du royaume des Vandales par le général byzantin Bélisaire ; le royaume burgonde tombe en 534 aux mains des Francs.
- 535-552 : Guerre des Goths en Italie ; lâempereur Justinien reprend le contrĂŽle dâune partie de lâancien empire dâOccident.
- 545-577 : invasion des Slaves dans lâEmpire romain d'Orient.
- 568 : invasion des Lombards dans lâItalie du Nord. Fin des grandes migrations.
Voir aussi
Cartographie[234]
- Imperium et Barbaricum en 250.
- Les premiers royaumes germaniques en Occident.
- Royaumes « barbares » et Empire d'Orient sous Justinien.
- Le traité de Verdun et l'arrivée des Hongrois.
- La mise en place de l'Europe médiévale en 1180.
Notes et références
- (de) Cet article est partiellement ou en totalitĂ© issu de lâarticle de WikipĂ©dia en allemand intitulĂ© « Völkerwanderung » (voir la liste des auteurs).
- Thomas Burns 2003, p. 35.
- Comparer : Stefan Krautschick, « Zur Entstehung eines Datums. 375 - Beginn der Völkerwanderung » dans Klio 82, 2000, p. 217-222, de mĂȘme que, du mĂȘme auteur, « âHunnensturm und Germanenflut: 375 â Beginn der Völkerwanderung? » dans Byzantinische Zeitschrift 92, 1999, p. 10-67.
- Matthias Springer, « Völkerwanderung » dans Reallexikon der Germanischen Alterumskunde (RGA), 2e éd. Tome 32, Walter de Gruyter, Berlin/New York, 2006, p. 509-517.
- Jean Chaline, Histoire de l'homme et des climats au quaternaire, Doin, Paris, 1985 (ISBN 2-7040-0489-7) et Monica Rotaru, JĂ©rĂŽme Gaillardet, Michel Steinberg, Jean Trichet, Les Climats passĂ©s de la terre, Vuibert, 2007 (ISBN 978-2-7117-5394-9), 195 pp. : les pĂ©jorations climatiques se manifestent en Europe par un Gulf Stream plus intense qui fait du Groenland un pays vert, mais augmente la pluviositĂ© en Scandinavie, compromettant les rĂ©coltes et la pĂȘche, et en Asie centrale par une suite dâĂ©tĂ©s torrides, trĂšs secs, et dâhivers trĂšs rudes, qui dĂ©ciment les troupeaux, base Ă©conomique des peuples de la steppe ; pour les pĂ©riodes plus rĂ©centes, voir aussi Emmanuel Le Roy Ladurie, D. Rousseau et A. Vasak, Les Fluctuations du climat de lâan mil Ă aujourdâhui, Fayard 2011, 332 p.
- Voir Mischa Meier, Sie schufen Europa. C.H. Beck, Munich, 2007.
- Les paragraphes qui suivent résument le chapitre « The Great Migration Debate » dans Peter Heather, Empires and Barbarians, p. 12-21.
- Cf. JérÎme de Stridon (trad. J. Labourt), Correspondance, vol. 7, Paris, éditions Belles-Lettres, coll. « Collection des Universités de France », (réimpr. 2e tirage, 2003), 8 tomes.
- Dimitri Obolensky, chap. 2 « Barbarians in the Balkans » dans The Byzantine Commonwealth, Eastern Europe, 500-1453, Londres, Phoenix Press, 1971 (ISBN 1 84212 019 0).
- P. Heather (2009), p. 253.
- Hans-Erich Stier (dir.), Grosser Atlas zur Weltgeschichte, Westermann, 1985 (ISBN 3-14-100919-8), p. 48-49
- N. Heather (2009), p. 254.
- Heather (2009), p. 256.
- JordanĂšs, Getica, 4, 25-28.
- Heather (2009), p. 122-123.
- Walter Pohl, « Telling the Difference: Signs of Ethnic Identity » dans Walter Pohl, Helmut Reimitz (éds), Strategies of Distinction: The Construction of Ethnic Communities, 300-800. Leiden u.a. 1998, p. 17 et sq.
- Reinhard Wenskus, Stammesbildung und Verfassung. Das Werden de frĂŒhmittelalterlichen gentes, 2e Ă©dition, Cologne/Vienne 1977. Le travail de Wenskus a Ă©tĂ© continuĂ© par Herwig Wolfram et son Ă©lĂšve Walter Pohl. RĂ©sumĂ© accompagnĂ© de matĂ©riel nouveau dans Pohl (2005), p. 13 et sq. Toutefois, lâĂ©lan de lâĂ©cole de Vienne a fait en partie lâobjet de critiques concernant Wolfram et Pohl.
- Coumert et Dumézil 2020, p. 16-18.
- Coumert et Dumézil 2020, p. 18-19.
- Coumert et Dumézil 2020, p. 19-20.
- Coumert et Dumézil 2020, p. 19.
- Coumert et Dumézil 2020, p. 21-22.
- Goetz, Jarnut, Pohl (2003) ; Pohl (1997).
- Karl Ferdinand Werner et al., BibliothĂšque de l'Ă©cole des chartes. 1996. : Clovis chez les historiens, t. 154, , 271 p., p. 7-45.
- Pour la façon souvent tout aussi politique dont ces thĂšses ont Ă©tĂ© reçues, voir lâexposĂ© de Rosen (2003), p. 109-121.
- Au cours des derniĂšres annĂ©es, Heather (2005), Heather (2009) et Ward-Perkins (2005) ont mis lâaccent sur lâaspect dĂ©vastateur de cette pĂ©riode. Comparer les conclusions opposĂ©es de Goffart (1980) et Goffart (2006) ainsi que les travaux de Peter Brown. Pour un rĂ©sumĂ© dâensemble, voir la collection Transformation of the Roman World (jusquâici en 14 volumes).
- Heather (1995) et Heather (2005). à la différence de Halsall (2007).
- Springer (2006), p. 514.
- Ămilienne Demougeot, LâEmpire romain et les barbares dâOccident (IVeâââVIIe siĂšcle) : scripta varia, Publications de la Sorbonne, Paris 1988, 420 p.
- Georges Duby (dir.) Histoire de la France, Des origines Ă nos jours, trois volumes, Ăditions Larousse 1970, coll. "BibliothĂšque historique", (ISBN 978-2035826367) et L'Histoire continue, Odile Jacob 1991, (ISBN 2738110428)
- Patrick Geary : Die Merowinger. Munich, 1996, p. 7.
- Pohl (2005), p. 31 et sq ; Rosen (2003), p. 99-101.
- Voir Springer (2006).
- en latin Agri decumates ; ils constituent alors l'extrĂȘme Sud-Ouest de la Germanie, entre Rhin, Main et Danube, correspondant approximativement Ă l'actuel Bade-Wurtemberg.
- Voir « Tableaux chronologiques » dans Roger Rémondon (1970), p. 50 à 57.
- Pour une analyse critique de la Getica, voir Arne Soby Christensen, Cassiodorus, Jordanes and the History of the Goths. Studies in a Migration Myth. Copenhague, 2002 ; on pourra aussi consulter Herwig Wolfram, « Einige Ăberlegungen zur gotischen Origo gentis » dans Henrik Birnbaum u.a. (Ă©ds.) Festchrift Alexander Issatschenko. Lund, 1978, p. 487-499. Le manuel de base concernant les Goths est celui de Wolfram (1979). Ăgalement important, Volker Bierbrauer, « ArchĂ€eologie une Geschichte der Goten vom 1.-7. Jahrhunder » dans FrĂŒhmittelatlterliche Studien, vol. 28, 1994, p. 51-171 ainsi que Heather (1991).
- Voir Karl Christ, Geschichte der römischen Kaiserzeit, 4e éd. Munich 2002, p. 336 et sq ; pour un résumé, Rosen (2003), p. 43-45.
- Wolfram (1979) p. 41 et sq.
- RĂ©mondon (1970), p. 99.
- Heather (2005), p. 82.
- Martin (2001), p. 166.
- Stefan Krautschick, « Hunnensturm und Germanenflut : 375 â Beginn der VĂŽlkerwanderung? » dans Byzantinische Zeitschrift 92, 1999, p. 10-67, ici p. 12-14
- 31,3. Pour les Huns, voir Maenchen-Helfen (1978). Voir aussi lâarticle « Hunnen » dans RGA 15 (2000), p. 246-261 ainsi qu'« Attila und die Hunnen », publiĂ© par le musĂ©e dâhistoire de Pfalz Speyer, Stuttgart 2007. Concernant le royaume dâErmanaric, voir Arne Soby Christensen, Cassiodorus, Jordanes and the History of the Goths, Copenhague, 2002, p. 158 et sq., ainsi que Wolfram (1979) p. 98-102. La mort dâErmanaric est citĂ©e dans plusieurs Ă©popĂ©es du Moyen Ăge.
- Voir Heater (1995) et Heather (2005), p. 146 et sq. Voir Ă©galement lâarticle « Hunnen » dans RGA 15 (2000), p. 247
- Orose, Historiae adversum paganos, 7.33
- La meilleure source Ă ce sujet est Ă nouveau Ammien dans le dernier tome (31) de son Histoire. Voir aussi Heather (2009), p. 162-163
- Ammianus, 31,5 et sq. ; Heather (1991), p. 142 et sq.
- Valens craint peut-ĂȘtre que son neveu Gratien, ayant dĂ©jĂ fait ses preuves Ă la guerre, ne voit sa renommĂ©e croĂźtre aux dĂ©pens de celle de son oncle sâil venait Ă son aide pour dĂ©faire les Goths. Pour la suite des Ă©vĂ©nements, voir Ammien 31,12 et sq. Comparer Ă Burns 91994) p. 28 et sq., ainsi que Heather (1991) p. 142
- Heather (1991), p. 84 et sq.
- Burns (1994) p. 33
- Ammien 3 1, 13, 19
- Wolfram (1979), p. 150 et sq.
- Sur ThĂ©odose le Grand, voir Hartmut Leppin, Theodosius der Grosse, Darmstadt 2003 ainsi que sur les consĂ©quences de la bataille dâAndrinople, p. 35 et sq. Comparer avec Burns (1994), p. 23 et sq., et Heather (1991), p. 142 et sq.
- Voir Heather (1991), p. 157 et sq ; Remondon (1970), p. 191.
- Leppin (2003), p. 45 et sq ; Halsall (2007), p. 184 et sq.
- Getica, 29, 146.
- Heather (1991) p. 193 et sq ; Wolfram (1979), p. 159 et sq.
- Voir Burns (1994), p. 183 et sq. ; Heather (1991), p. 199 et sq. (avec de bonnes cartes) ; Wolfram (1979), p. 164 et sq.
- H. Pirenne, Histoire de l'Europe. Des invasions au XVIe siĂšcle (1939), Paris-Bruxelles, p. 3
- Stilicon nâĂ©tait pas le premier gĂ©nĂ©ral Ă avoir pris une influence considĂ©rable sur la conduite des affaires de lâĂtat. Cette tendance se continua au Ve siĂšcle au cours des rĂšgnes dâempereurs faibles. Alexander Demandt, « Magister Militum » dans Pauly-Wissowa. SupplĂ©ment 13, p. 553 et sq.
- Sur la campagne contre Radagaise, voir Heather (2005), p. 194 et sq, de mĂȘme que Wolfram (1979), p. 202-204, lequel met lâaccent sur cet Ă©pisode dans lâethnogenĂšse des Wisigoths.
- DâaprĂšs Zosime qui sâappuie sur Olympiodore de ThĂšbes, celle-ci se serait Ă©levĂ©e Ă 4 000 livres dâor. AprĂšs avoir rĂ©sidĂ© pendant une longue pĂ©riode Ă Milan, le gouvernement impĂ©rial, au vu de la situation toujours davantage plus dĂ©gradĂ©e, dĂ©cidĂ© de s'Ă©tablir Ă Ravenne, alors considĂ©rĂ©e comme imprenable.
- Zosime 5, 39-41.
- Wolfram (1979), p. 187 et sq.
- Wolfram (1979), p. 188 et sq.
- Skizze Mischa Meier, « Alarich und die Eroberung Roms im Jahr 410. Der Beginn der âVölkerwanderungâ » dans Meier (2007), p. 45-62, en particulier, p. 52 et H. Pirenne, Histoire de l'Europe. Des invasions au XVIe siĂšcle, 1939, Paris-Bruxelles, p. 4-5.
- Sur le sac de Rome en 410 et la façon dont il fut perçu, voir Mischa Meier, Steffen Patzold, August 410 â Ein Kampf um Rom, Stuttgart 2010 ; comparer Ă Hans Armin, « Der Fall Roms. Literarische Verarbeitung bei Heiden und Christen », dans Johannes Oort, Dietmar Wyrwa (Ă©d.) Heiden und Christen im 5. Jahrhundert. Louvain, 1998, p. 160.
- Voir Goffart (2006), p. 73 et sq. ; Heather (2005), p. 194 et sq. ; Peter J. Heather, âWhy did the Barbarians Cross the Rhine ? » dans Journal of Late Antiquity (2009), p. 3-29 ; Stein (1928), p. 381 et sq. Voir aussi Michael Kulikowski, âBarbarians in Gaul, Usurpers in Britainâ dans Britannia 31 (2000), p. 325-345.
- Sur les Vandales, voir Castritus (2007), p. 46 et sq, lequel porte un jugement sĂ©vĂšre sur les sources de mĂȘme que Merrills/Miles (2010). On pourra complĂ©ter avec lâarticle du RGA, « Wandalen » dans RGA 33 (2006), p. 168.
- « Sweben » dans RGA 30 (2005), p. 184 et sq.
- Heather (2005), p. 206-209 avec cartes détaillées et analyse des sources.
- Heather (2005), p. 209 et sq, 236 et sq ; Stein (1928), p. 383 et sq ; C.E. Stevens, « Marcus Gratian, Constantine », dans Athenaeum 35 (1957), p. 316-347.
- Pohl (2005), p. 86 et sq. Plusieurs questions de dĂ©tail demeurent controversĂ©es, ne serait-ce quâen raison de lâinsuffisance des sources.
- Concernant ces deux usurpateurs, voir John F. Drinkwater, « The Usurpers Constantine III (407-411) and Jovinus (411-413) » dans Britannia 29 (1998), p. 269-298 ; Kay Ehling, « Zur Geschichte Constantins III. » dans Francia 23 (1996) p. 1-11 ; Ralf Scharf, « Iovinus â Kaiser in Gallien » dans Francia 20 (1993), p. 1-13. Pour les Burgondes voir Kaiser (2004), p. 26 et sq.
- Wolfram (1979), p. 192 et sq.
- Wolfram (1979), p. 196-202.
- Orosius, Historiae adversum paganos, 7,43.
- Wolfram (1979) p. 194 et sq. Pour les opérations militaires conduites par Constantius, voir Burns (1994), p. 250 et sq.
- Wolfram (1979), p. 204 et sq.
- Heather (1991), p. 221 et sq.
- Walter Goffart penche pour cette derniĂšre option : Goffart (1980), p. 103 et sq, Goffart (2006), p. 119 et sq. Voir Ă©galement Burns (1994) p. 263 et sq. ; Heather (1991), p. 221 et sq. ; Pohl (2005), p. 58 et sq. ; Pohl (1997), passim ; Wolfram (1979), p. 208 et sq. ; Herwig Wolfram, « Die dauerhafte Ansiedlung der Goten auf römischem Boden. Eine endlose Geschichte » dans Mitteilungen des Instituts fĂŒr Ăsterreichische Geschichtsforschung 112 (2004), p. 11-35.
- Burns (1994), p. 263 et sq. ; pour sa part, Ward-Perkins (2005), p. 54 et sq. est plus négatif.
- De façon gĂ©nĂ©rale, seule approximativement une personne sur quatre ou cinq Ă©tait en mesure de porter les armes dans chacun de ces peuples. Par la suite, les Vandales en Afrique du Nord devaient sâĂ©loigner graduellement de ce modĂšle de coopĂ©ration.
- Voir Castritius (2007), p. 58 et sq.
- Hydatius, Chronica 49.
- Wolfram (1990), p. 234 et sq.
- Castitius (2007), p. 76 et sq. ; Uwe Walter, « Geiserich und das afrikanische Vandalenreich » dans Meier (2007), p. 63-77.
- Getica, 33, 168.
- Pour le nombre de personnes en cause sur lequel il nây a pas unanimitĂ© dans les sources ; voir la discussion dans Castritius (2007), p. 78.
- Castritius, p. 86 et sq. ; Wolfram (1990), p. 237 et sq .
- Procope, Bella 3,3.
- Castritius (2007), p. 68 ; voir Ă lâopposĂ© Alexander Demandt, Die SpĂ€tantike, 2e Ă©d., Munich 2007, p. 184.
- Wolfram (1990), p. 238.
- Heather (2005), p. 268.
- Castritius (2007), p. 93 et sq. ; Walther, « Geiséric » dans Meier (2007), p. 70 et sq. ; Wolfram (1990), p. 239 et sq.
- Heather (1995), p. 9.
- Voir « Hunnen » dans RGA 15 (2000), p. 249 ; Heather (1995), p. 10 et sq. Comparer Ă Maenchen-Helfen (1978), p. 22 qui parle dâun certain sentiment dâappartenance commune.
- Maenchen-Helfen (1978), p. 38 et sq.
- Claudien, In Rufinum, livr. 2, p. 26 et sq.
- Maenchen-Helfen (1978), p. 43 et sq.
- Dieter Timpe, « Gainas » dans RGA 10 (1998), p. 317-321. La figure de GaĂŻnas sert par la suite dâexemple pour la propagande antigermanique.
- Orose, HistoriĂŠ adversum paganos, 7, 37,.3.
- « Hunen » dans RGA 15 (2000), p. 250. Voir aussi Maenchen-Helfen (1978), p. 53 et sq., lequel souligne la pauvreté des sources contemporaines de cette période.
- Chronique de Marcellin Comes, anno 427.
- Maenchen-Helfen (1978), p. 63 et sq.
- Demandt (1998), p. 122 et sq. ; Stein (1928), p. 472 et sq.
- « Hunnen » dans RGA 15 (2000), p. 250 voir aussi Kaiser (2004), p. 31 et sq. ; Maenchen-Helfen (1978), p. 60 et sq.
- Kaiser (2004), p. 38 et sq.
- Bruno Bleckmann, « Attila, Aetius und das âEnde Romsâ. Der Kollaps des Weströmischen Reiches » dans Meier (2007), p. 93-110 ; Heather (2005), p. 300 et sq. ; Maenchen-Helfen (1978), p. 69 et sq. ; Gerhard Wirth, Attila. Das Hunnenreich und Europa. Stuttgart, 1999 [ce dernier faisant une large part Ă la spĂ©culation].
- Chronique de Marcelinus Comes, année 441 ; Priskos, fragment 1b.
- Chronique de Marcelinus Comes, année 447 ; Priskos, Fragment 3.
- JordanĂšs, Romana, 331.
- Voir Bleckmann, « Attila » dans Meier (2007), p. 102.
- Priscus, fragment 8.
- Jordanes, Getica, 42, 224.
- Maenchen-Helfen (1978), p. 98 la repousse ; comparer à Bleckmann, « Attila » dans Meier (2007), p. 102 et sq.
- Bleckmann, « Attila » dans Meier (2007), p. 103.
- Castritius (2007), p. 104.
- Jordanes, Getica, 41, 216.
- Maenchen-Helfen (1978), p. 97-106.
- Heather (2005), p. 340 et sq.
- Walter Pohl « Die Gepiden und die gentes an der mittleren Donau nach dem Zerfall des Attilareiches » dans Herwig Wolfram, Falko Daim (Ă©d.) Die Völker an der mittleren und unteren Donau im fĂŒnften und sechsten Jahrhundert, Vienne, 1980, p. 239-305.
- « Hunnen » dans RGA 15 (2000), p. 252 ; Heather (2005), p. 351 et sq. ; Maenchen-Helfen (1978), p. 107 et sq.
- Demandt (1998), p. 126 et sq ; Heather (2005), p. 369 et sq. ; Stein (1928), p. 517-519.
- Heather (2005), p. 375 et sq.
- Brian Croke, « Dynasty and Ethnicity. Emperor Leo I and the Eclipse of Aspar » dans Chiron 35 (2005), p. 147-203.
- Au sujet de la guerre avec les Goths et de la formation du royaume des Ostrogoths dans les Balkans, voir Heather (1991), p. 240 et sq. ; Wolfram (1979), p. 307 et sq.
- Demandt (1998), p. 141 et sq ; Stein (1928), p. 540 et sq.
- Castritius (2007), p. 103 et sq.
- Stien (1928), p. 552 et sq.
- Pour la situation des Gaules au Ve siĂšcle, voir John Drinkwater, Hugh Elton (Ă©d.), Fifth-Century Gaul : A Crisis of Identity?, Cambridge, 1992.
- Kaiser (2004), p. 49.
- Wolfram (1979), p. 217 et sq.
- Castritius (2007), p. 113 et sq.
- GrĂ©goire de Tours, Decem libri historiarum, 2, 11 ; 2, 18 ; 2, 27. Comparer Ă Halsall (2007), p. 266 et sq et Ă David Frye, « Aegidius, Childeric, Odovacer and Paul » dans Nottingham Medieval Studies 36 (1992), p. 1 et sq. Concernant la personne dâEgidius, voir Henning (1999), p. 81 et sq.
- Wolfram (1979), p. 219 et sq.
- Michael Kulikowski, « Marcellin of Dalmatia and the Fall of the Western Empire » dans Byzantion 72 (2002), p. 177-191.
- Castritius (2007), p. 118 et sq.
- Stein (1928), p. 582 et sq.
- Martin (2001), p. 168, 171 et sq.
- Demandt (1998), p. 148.
- Demandt (1998), p. 145 ; Heather (2005), p. 425 et sq ; Kaiser (2004), p. 52 ; Stein (1928), p. 584.
- Martin (2001), p. 45.
- Wolfram (1979), p. 222 et sq.
- Wolfram (1979), p. 226.
- Henning (1999), p. 174 et sq.
- Wolfram (1990), p. 264 et sq.
- Voir Eugippius, Vita Severini, qui est une source importante Ă ce sujet. Voir aussi Heather (2005), p. 407 et sq.
- Voir Ă ce sujet, lâessai classique de Brian Croke, « A.D. 476. The manufacture of a Turning Point » dans Chiron 13 (1983), p. 81-119. Ă lâopposĂ©, voir Bleckmann, « Attila » dans Meier (2007), p. 109 et sq.
- Henning Börm, « Das weströmische Kaisertum nach 476 » dans Josef Wiesehöfer et al. (éd.), Monumentum et instrumentum inscriptum, Stuttgart 2008, p. 47-69.
- Rosen (2003), p. 79 et sq.
- Voir lâĂ©tat de la recherche dans Martin (2001), p. 168 et sq.
- Goffart (2006), p. 23 et sq. ; Wolfram (1990), p. 271 et sq. et le survol de Alexander Demandt, Der Fall Roms, Munich, 1984.
- Demandt (1998), p. 149 et sq.
- Maechen-Helfen (1978), p. 260 et sq.
- JordanĂšs (ou plus exactement Cassiodore quâil rĂ©sume) donne dans la Getica lâimpression que les Amales pouvaient remonter leur arbre gĂ©nĂ©alogique dans la nuit des temps, ce qui nâest quâune construction. Voir Peter J. Heather , « Cassiodorus and the Rise of the Amals. Genealogy and the Goths under Hun Domination » dans Journal of Roman Studies 79 (1989), p. 103-128.
- Heather (1991), p. 240 et sq. ; Pohl (2004), p. 126 et sq. Wolfram (1979), p. 321 et sq.
- JordanĂšs, Getica, 54, 277-279.
- Lâhistorien Malchus de Philadelphie fait un rĂ©cit dĂ©taillĂ© des Ă©vĂ©nements dans sa chronique qui ne nous est parvenue que sous forme de fragments.
- Sur la politique de ZĂ©non Ă lâendroit des Goths et ses consĂ©quences, voir Heather (1991), p. 272 et sq.
- Voir Wolfram (1979), p. 346 et sq. ; Ă©galement, Pohl (2005), p. 137-140.
- Pour une introduction Ă ThĂ©odoric, voir Hans-Ulrich Wiemer, « Theoderich der GroĂe und das ostgotische Italien. Integration durch Separation » dans Meier (2007), p. 156-175 ; Antonio Carile (Ă©d.) Teoderico e i Goti fra Oriente e Occidente. Ravenne, 1995 ; Wilhelm EnĂlin, « Theoderich der GroĂe, 2e Ă©d. Munich 1959 (encore le texte le plus complet). Sur la souverainetĂ© des Ostrogoths sur lâItalie, voir Patrick Amory, People and Identity in Ostrogothic Italy, 489-554. Cambridge 1997 dans lequel il expose quelques thĂšses provocantes.
- On ne sâentend guĂšre toutefois sur les dĂ©tails de cette politique ; voir Pohl (2005), p. 137-140.
- Wolfram (1979), p. 353 et sq.
- Survol dans Pohl (2005), p. 147-151 ; plus en détail dans Wolfram (1979), p. 415 et sq.
- Gerd Kampers, Geschichte des Westgoten, Paderborn, 2008 ; Roger Collins, Visigothic Spain, 409â711, Oxford: Blackwell Publishing, 2004 ; Alberto Ferreiro : The Visigoths in Gaul and Spain, A.D. 41l8-711: A Bibliography, Leyde, 1988 ; Luis Garcia Moreno, Prosografia del reino visigodo de Toledo, Salamanque, 1974 ; Luis Garcia Moreno, Historia de España Visigoda, Madrid, 1989 ; Wolfram (1979), p. 207 et sq.
- Sur le déclin des SuÚves, voir Kampers, Geschichte der Westgoten, p. 180 et sq.
- Wolfram (1979), p. 225 ; Sur ces changements voir Bernhard Jussen, âĂber âBischofsherrschaftenâ und die Proceduren politisch-sozialer Umordnung in Gallien zwischen Antike und Mittelalter » dans Historische Zeitschrift 260 (1995), p. 673-718.
- Wolfram (1979), p. 231 et sq.
- Giese (2004), p. 140 et sq.
- Giese (2004), p. 148 et sq.
- Postel (2004), p. 219, affirme : « Le royaume wisigoth devient lâempire espagnol ».
- Pour la suite des Ă©vĂšnements, voir Kampers, Geschichte der Westgoten, p. 188 et sq, de mĂȘme que 311 et sq. ; Giese (2004), p. 151 et sq.
- Wolfram (1990), p. 387 et sq.
- Victor de Vita, Histoire de la persécution vandale, II, 27-28.
- Kazdhan (1991), p. 2152.
- Castritius (2007), p. 127.
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- La galerie de cartes est une synthĂšse du Westermann Grosser Atlas zur Weltgeschichte (Hans-Erich Stier, dir.), 1985 (ISBN 3-14-100919-8), du DTV Atlas zur Weltgeschichte, 1987 traduit chez Perrin (ISBN 2-7242-3596-7), du Putzger historischer Weltatlas Cornelsen, 1990 (ISBN 3-464-00176-8), de lâAtlas historique Georges Duby chez Larousse 1987 (ISBN 2-03-503009-9), de la sĂ©rie des Atlas des Peuples d'AndrĂ© et Jean Sellier Ă La DĂ©couverte : Europe occidentale : 1995 (ISBN 2-7071-2505-9), Europe centrale : 1992 (ISBN 2-7071-2032-4), Orient : 1993 (ISBN 2-7071-2222-X), avec des dĂ©tails pris dans le TörtĂ©nelmi atlasz a közĂ©piskolĂĄk szĂĄmĂĄra (« Atlas historique pour les collĂšges ») de KartogrĂĄfiai VĂĄllalat SzerkesztĆbizottsĂĄga, Budapest 1991 (ISBN 963-351-422-3) et dans l'Atlas istorico-geografic de l'AcadĂ©mie roumaine, 1995 (ISBN 973-27-0500-0), et de l'Atlas des religions, hors-sĂ©rie du Monde, 2007, 194 p.
- Gallo vient du germanique Walha (« non-germain ») comme "Gallois", "Wallons" et "Valaques".
Bibliographie
Sources primaires
La plus importante source concernant les invasions hunniques jusquâen 378 est lâĆuvre dâAmmien Marcellin (Ammianus Marcellinus), laquelle fut Ă©galement la derniĂšre Ćuvre historique latine de lâAntiquitĂ©. Des Ćuvres majeures dâOlympiodore de ThĂšbes et de Priscus, nous ne possĂ©dons que des fragments qui contiennent cependant des informations importantes. De la mĂȘme façon, nous ne possĂ©dons que des fragments des Ćuvres de Malchos de Philadelphie et de Jean d'Antioche. Le chroniqueur paĂŻen Zosime Ă©crivit vers les annĂ©es 500 une Nouvelle Histoire, laquelle en dĂ©pit de son recours Ă des sources fiables, contient de nombreuses erreurs et est partiale. Procope de CĂ©sarĂ©e dĂ©crivit de façon circonstanciĂ©e au VIe siĂšcle les guerres de Justinien contre les Vandales et les Ostrogoths. Agathias le Scholastique et Theophylaktos Simokates dĂ©crivirent Ă©galement les Ă©vĂ©nements qui se sont produits dans lâempire dâOccident, mĂȘme sâils nâont pas la mĂȘme valeur que Procope. JordanĂšs, qui sâappuie sur une Histoire des Goths de Cassiodore maintenant perdue, est notre principale source dâinformation sur lâhistoire des Goths (principalement des Ostrogoths), mĂȘme si on peut douter de certaines informations. Pour lâhistoire des Francs, on se rapportera Ă GrĂ©goire de Tours et Ă son Histoire en dix volumes. Paul Diacre nous renseigne sur lâhistoire des Lombards. De plus, de nombreuses Chroniques (par exemple celles de Marcellinus Comes [Chronique des Gaules] ou celles dâHydace de Chaves) nous apportent dâimportantes mais brĂšves informations.
Par ailleurs, diverses Histoires de lâĂglise et des lettres comme celles de Sidoine Apollinaire contiennent de nombreuses informations dont la qualitĂ© et la crĂ©dibilitĂ© peuvent Ă lâoccasion ĂȘtre remises en question. On trouvera tous les auteurs chrĂ©tiens en ligne dans la version française de Patrologia Latina ou de Patrologia Graeca.
- Agathias le Scholastique. Historiarum libri quinque (vers 560), édi. par R. Keysdell, coll. « Corpus Fontium Historiae Byzantinae », 2A, De Gruyter, Berlin, 1967.
- Ammien Marcellin, Histoires (Res Gestae, 395), sous la dir. de Jacques Fontaine, Les Belles Lettres, 1968 ss. T. I : livres XIV-XVI, 1968 ; t. II : livres XVII-XIX ; t. III : livres XX-XXII ; t. IV : livres XXIII-XXV, 1977 ; t. V : livres XXVI-XXVIII ; t. VI : livres XXIX-XXXI (index général).
- Blockley, Roger C. (Ă©d.), The Fragmentary Classicising Historians of the Later Roman Empire (texte et traduction anglaise), Liverpool, 1980 (vol. I), 1983 (vol. II).
- Grégoire de Tours. Historia Francorum : photographie d'un parchemin du VIIIe/IXe siÚcle en écriture onciale, le manuscrit latin 17655, folio 13 volume 14, conservé à la BibliothÚque nationale de France, Département des Manuscrits, div. occidentale.
- Hieronymus (JĂ©rĂŽme), Epistulae, Corpus scr. eccl. lat., t. LIV, 1910 ; t. LV, 1912, t. LVI 1918
- Iohannis Antiocheni, Fragmenta ex Historia chronica, Ă©d. Umberto Roberto, W. de Gruyter, 2005
- Jordanes (trad. Charles C. Mierow intr. et comm. de J. Vanderspoel), The Origin and Deeds of the Goths, université de Calgary, 1915 (réimpr. 2006)
- Marcellinus Comes. La Chronique de Marcellin (texte latin et traduction)
- Paul Diacre. LâHistoria Langobardorum, disponible en ligne sur le site de la Bibliotheca Augustana
- Procope de Césarée, Anecdota ou La Vie secrÚte de Justinien (fr) [lire en ligne]
- Procope de Césarée, De bello gottorum, (la) [lire en ligne]
- Tables de la Patrologie latine par volume et par ordre alphabétique
- Table de la Patrologie grecque
- Zosime, Histoire nouvelle, édition et traduction François Paschoud, 3 tomes en 5 volumes, Paris, les Belles Lettres, 1971-1989
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Articles connexes
- Antiquité tardive
- Articles connexes
- Postérité des Goths en Europe occidentale
- DĂ©clin de l'Empire romain d'Occident - Chronologie
- contextes historiques : anarchie militaire | Grandes invasions
- idéologie et historiographie : décadence | Sac de Rome | année 476 : symbolique par la déposition du dernier souverain.
Lien externe
- Notices dans des dictionnaires ou encyclopédies généralistes :
- Ressource relative aux beaux-arts :
- (en) Grove Art Online