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Valentinien III

Valentinien III (en latin : Flavius Placidius Valentinianus Augustus) (2 juillet 419 Ă  Ravenne - 16 mars 455 Ă  Rome) fut empereur de la partie occidentale de l’Empire romain. Fait CĂ©sar Ă  l’ñge de quatre ans, il devint Auguste deux ans plus tard. DĂ©crit comme paresseux, irresponsable et de caractĂšre dissolu[1], il demeura sous l’influence de sa mĂšre, Galla Placidia, pendant les dix premiĂšres annĂ©es de son rĂšgne. Cette pĂ©riode fut marquĂ©e par la lutte pour le pouvoir que se livrĂšrent les gĂ©nĂ©raux Flavius Felix (magister utriusque militiae), Boniface (magister militum per Africam) et Flavius Aetius (magister militum per Galias), sur fond de lutte contre les barbares qui s’établissaient graduellement dans diverses parties de l’empire d’Occident.

Valentinien III
Empereur romain d'Occident
Image illustrative de l’article Valentinien III
Solidus Ă  l'effigie de Valentinien III
Revers : Théodose II unit Licinia Eudoxia et Valentinien.
RĂšgne
-
29 ans, 4 mois et 21 jours
Période Théodosiens
Précédé par Flavius Honorius (légitime)
Jean (usurpateur)
Suivi de PĂ©trone Maxime
Biographie
Nom de naissance Flavius Placidius Valentinianus
Naissance - Ravenne (Italie)
DĂ©cĂšs (35 ans)
PĂšre Constance III
MĂšre Galla Placidia
Fratrie Honoria
Épouse Licinia Eudoxia
Descendance (1) Eudocia
(2) Placidia

AprĂšs son mariage en 437, sa mĂšre ayant quittĂ© le devant de la scĂšne mais demeurant influente, le gĂ©nĂ©ral Aetius se substitua Ă  elle aprĂšs l’avoir emportĂ© sur ses deux rivaux. De 436 Ă  439, l’attention du gouvernement se porta sur la Gaule et l’Espagne oĂč Goths, Francs, Burgondes, Bagaudes et SuĂšves s’agitaient. Ceci fut suivi de la prise de Carthage par les Vandales, puis de la Sicile ce qui provoqua des plans d’intervention conjointe des deux parties de l’empire. Mais ceux-ci durent ĂȘtre abandonnĂ©s lorsque les Huns d’Attila franchirent le Rhin et envahirent les provinces de Gaule avant de se diriger vers l’Italie.

L’intervention du pape LĂ©on Ier d’une part, la menace que faisait planer l’empereur Marcien sur ses possessions du Danube et une Ă©pidĂ©mie de peste dans ses troupes d’autre part, forcĂšrent Attila Ă  retourner en Pannonie. La sĂ©curitĂ© de l’empire rĂ©tablie, Valentinien n’hĂ©sita pas Ă  se dĂ©barrasser de son encombrant gĂ©nĂ©ral en 454. C’était sans compter sur les appuis dont jouissait Aetius dans l’armĂ©e : l’annĂ©e suivante Valentinien, alors dans quasiment sa trentiĂšme annĂ©e de rĂšgne (l’un des plus longs qu’ait connu l’empire) fut assassinĂ© par des partisans de celui-ci.

Sur le plan intĂ©rieur Valentinien dut Ă©mettre de nombreux dĂ©crets Ă  caractĂšre financier pour permettre aux finances publiques de survivre en dĂ©pit de la perte de provinces comme l’Afrique du Nord et la Sicile dont les ressources tant en taxes qu’en nourriture Ă©taient essentielles au fonctionnement de l’empire. En matiĂšre religieuse il continua la lutte Ă  la fois contre les paĂŻens et contre les chrĂ©tiens non nicĂ©ens. En Italie, il contribua Ă  renforcer l’autoritĂ© du pape, reconnaissant la primautĂ© de l’évĂȘque de Rome au sein de l’Église et donnant un statut quasi officiel Ă  la lĂ©gislation ecclĂ©siastique.

Famille et jeunesse

Solidus frappé pendant le court rÚgne de Constance III.

Valentinien naquit le 2 juillet 419 Ă  Ravenne, alors capitale de la partie occidentale de l’empire. Il Ă©tait le seul fils de Galla Placidia et du gĂ©nĂ©ral Flavius Constantius[2]. Sa mĂšre Ă©tait la demi-sƓur de l’empereur Honorius (r. 393-423); son pĂšre, patricien et gĂ©nĂ©ral ayant mis fin Ă  la rĂ©volte de Constantin III, Ă©tait considĂ©rĂ© comme la puissance derriĂšre le trĂŽne et sera fait coempereur par Honorius en 421[N 1] - [3].

Par sa mĂšre, Valentinien descendait Ă  la fois de ThĂ©odose Ier (r. 379-385), son grand-pĂšre maternel, et de Valentinien Ier (r. 364-375), le pĂšre de sa grand-mĂšre maternelle. Également du cĂŽtĂ© maternel, il Ă©tait le neveu d’Honorius et premier cousin de ThĂ©odose II (r. 408-450) qui sera empereur d’Orient pendant la presque totalitĂ© de son rĂšgne. Il avait une sƓur, Justa Grata Honoria, probablement nĂ©e en 417 ou 418[N 2]. Sa mĂšre avait Ă©tĂ© prĂ©cĂ©demment mariĂ©e au chef des Wisigoths, Athaulf, dont elle avait eu un fils en 414, ThĂ©odose, lequel mourut en bas Ăąge Ă©liminant ainsi la possibilitĂ© d’une lignĂ©e romano-wisigothique[4].

En 421 ou 423, Honorius confĂ©rera Ă  Valentinien le titre de nobilissimus[N 3]. Toutefois, la cour de ThĂ©odose II en Orient refusera de reconnaĂźtre ce titre pas plus qu’il ne reconnut celui de coempereur pour Flavius Constantius et d’Augusta pour sa mĂšre[2]. En dĂ©pit de ce fait, lorsque Flavius Constantius mourut, c’est auprĂšs de ThĂ©odose II que Galla Placidia alla chercher refuge avec son fils aprĂšs s’ĂȘtre querellĂ©e avec Honorius[5] - [6].

DĂ©but du rĂšgne (423-437)

Intérieur du mausolée de Galla Placidia à Ravenne.

Honorius devait mourir en 423. ThĂ©odose ne reconnaissant pas les droits de Valentinien au trĂŽne, la bureaucratie impĂ©riale romaine dĂ©cida, aprĂšs trois mois de paralysie, d’élire le chef de la bureaucratie impĂ©riale, le primicerius notariorum Johannes, comme empereur. Celui-ci fut bientĂŽt reconnu en Italie, en Espagne et dans une partie des Gaules[7].

Pour mettre fin Ă  ce qu’il considĂ©rait comme une usurpation, ThĂ©odose se dĂ©cida Ă  reconnaĂźtre la nomination du dĂ©funt Flavius Constantius comme coempereur et nomma Valentinien CĂ©sar pour la partie occidentale de l’empire le 23 octobre 424[8]. En mĂȘme temps il fiança celui-ci Ă  sa propre fille Licinia Eudoxia[N 4]. Finalement, il envoya une armĂ©e pour raccompagner Valentinien et sa mĂšre en Italie et installer celui-ci sur le trĂŽne. Johannes fut capturĂ© et exĂ©cutĂ© sous l’ordre de Galla Placidia; Valentinien fut installĂ© comme Auguste Ă  l’ñge de six ans, le 23 octobre 425[7] - [9].

Pendant la minoritĂ© du jeune Auguste, la rĂ©gence fut exercĂ©e par Galla Placidia dont l’un des premiers gestes fut de nommer le gĂ©nĂ©ral Flavius Felix magister utiusque militiae[N 5] - [10] - [11].

Les premiĂšres annĂ©es furent consacrĂ©es Ă  stabiliser les provinces occidentales dans la mesure oĂč les maigres ressources financiĂšres de cette partie de l’empire le permettaient. En 425 la cour de Johannes Ă  Ravenne avait sollicitĂ© l’aide des Huns qui avaient accompagnĂ© le gĂ©nĂ©ral Flavius Aetius en Italie pour faire face aux troupes de ThĂ©odose. AprĂšs nĂ©gociations, les Huns consentirent Ă  quitter l’Italie et Ă  Ă©vacuer la province de Pannonia Valeria qui fut retournĂ©e Ă  l’empire[12]. Ceci permit Ă  FĂ©lix et au gouvernement impĂ©rial de restructurer les dĂ©fenses des provinces danubiennes en 427 et 428[13]. De plus, les armĂ©es romaines remportĂšrent d’importantes victoires contre les Wisigoths en Gaule en 426/427 et en 430[14] - [15], et contre les Francs sur le Rhin en 428 et 432[16].

En dĂ©pit de ces victoires, la situation de l’empire restait prĂ©caire. La prĂ©sence constante des Wisigoths dans le sud-est de la Gaule demeurait une menace; les Vandales d’Espagne continuaient leurs incursions et en 429 commencĂšrent Ă  envahir la MaurĂ©tanie tingitane[16]. La perte de ces territoires avait de sĂ©rieuses rĂ©percussions sur le fonctionnement de l’empire. La taxation dut ĂȘtre rĂ©partie sur les autres provinces dont la loyautĂ© se trouva grandement affectĂ©e[16].

De plus, la dispute Ă©clata entre les commandants des trois principales armĂ©es de l’ouest, Flavius Felix qui commandait la garde impĂ©riale, Boniface l’armĂ©e d’Afrique et Aetius celle des Gaules[14]. FĂ©lix accusa Boniface de trahison en 427 et exigea son rappel en Italie. Boniface refusa et eut le dessus sur une armĂ©e envoyĂ©e par FĂ©lix pour s’emparer de lui. Affaibli, FĂ©lix ne put rĂ©sister Ă  Aetius, lequel avec l’appui de Galla Placidia le remplaça en 429 comme magister militum praesentalis et le fit assassiner l’annĂ©e suivante[17] - [18].

Pendant ce temps, Boniface en Afrique s’avĂ©rait incapable de vaincre Sigisvultus envoyĂ© par Galla Placidia. Il demanda alors l’aide des Vandales Ă  qui il promit de partager la province avec eux[19]. InquiĂšte de la tournure des Ă©vĂšnements et dĂ©terminĂ©e Ă  sauvegarder les provinces africaines Ă  tout prix, la cour de Ravenne rĂ©solut de s’entendre avec Boniface, lequel accepta en 430 de faire allĂ©geance Ă  Valentinien III[20]. Toutefois le roi des Vandales, GensĂ©ric (r. 428 – 477), continuait son avance; Boniface et un groupe de fĂ©dĂ©rĂ©s goths furent battus prĂšs de la citĂ© de Calama en 430, aprĂšs quoi il fut forcĂ© de se retrancher dans Hippo Regius[21]. DĂ©but 432, Boniface et le gĂ©nĂ©ral Aspar, magister militum de l’Empire d’Orient, affrontĂšrent de nouveau GensĂ©ric et furent Ă  nouveau battus; aprĂšs quoi Boniface abandonna l’Afrique du Nord et retourna en Italie[22].

La cour, au premier rang de laquelle Galla Placidia, inquiĂšte de la montĂ©e en puissance du gĂ©nĂ©ral Aetius dĂ©cida de le relever de son commandement pour le confier Ă  Boniface en dĂ©pit de ses Ă©checs en Afrique. Il s’ensuivit une guerre entre les deux hommes : Boniface dĂ©fit Aetius Ă  la bataille de Ravenne (aussi appelĂ©e « bataille de Rimini ») en 432, mais y fut mortellement blessĂ©. Aetius s’enfuit chez les Huns et, avec leur aide, parvint Ă  persuader la cour de le reconduire dans ses anciennes fonctions en 434[23]. En consĂ©quence, l’annĂ©e suivante, Valentinien se vit contraint de conclure la paix avec GensĂ©ric. Aux termes de celle-ci les Vandales non seulement conservaient toutes leurs conquĂȘtes en Afrique du Nord, mais obtenaient un tribut annuel de l’empire[24] pendant que les Huns se voyaient concĂ©der de nouveaux territoires en Pannonie[12].

La rĂ©gence de Galla Placidia se termina avec le mariage de Valentinien Ă  Licinia Eudoxia en 437 Ă  Constantinople[13]. Toutefois, la domination qu’avait jusque-lĂ  exercĂ©e sa mĂšre fut simplement remplacĂ©e par celle du gĂ©nĂ©ral Aetius[25].

Sous la domination d’Aetius (437-455)

Le monde méditerranéen en 450.

De 436 Ă  439, Aetius concentra ses efforts sur la situation en Gaule. Les dĂ©faites des Goths en 437 et 438 furent annulĂ©es par une dĂ©faite romaine en 439 qui conduisit Ă  une trĂȘve rĂ©tablissant le statu quo[26]. Aetius rĂ©ussit toutefois Ă  remporter des victoires initiales contre les Francs et les Burgondes, de mĂȘme qu’à maitriser une rĂ©volte des Bagaudes en 437. L’annĂ©e suivante, la paix fut aussi conclue avec les SuĂšves d’Espagne[27].

Pendant qu’Aetius s’occupait des Ă©vĂšnements en Gaule, Valentinien s’avĂ©rait incapable de contenir les Vandales en Afrique, lesquels complĂ©tĂšrent leur conquĂȘte des territoires romains par la conquĂȘte de Carthage le 19 octobre 439[28]. Ceci portait un rude coup Ă  l’économie de l’empire, laquelle dĂ©pendait de ces riches colonies Ă  la fois pour ses finances et pour son approvisionnement[29]. En 440, les Vandales se mirent aussi Ă  ravager la Sicile. Aetius coordonna alors sa rĂ©ponse avec celle de l’Empire d’Orient et une flotte imposante se dirigea vers la Sicile pour attaquer GensĂ©ric[29].

Les plans de reconquĂȘte durent toutefois ĂȘtre abandonnĂ©s, l’invasion des Huns sur le Danube forçant Ă  dĂ©tourner les forces[29]. En consĂ©quence, Aetius et Valentinien furent forcĂ©s de reconnaĂźtre les conquĂȘtes vandales en Afrique proconsulaire, dans la ByzacĂšne et la Numidie occidentale en retour des provinces, maintenant dĂ©vastĂ©es, de Tripolitaine, de la MaurĂ©tanie Sitifensis, de la MaurĂ©tanie cĂ©sarienne, ainsi que d’une partie de la Numidie[30] - [31]. Ceci n’empĂȘcha pas GensĂ©ric de reprendre bientĂŽt la MaurĂ©tanie Sitifensis et la MaurĂ©tanie cĂ©sarienne avant de prendre la Corse et la Sardaigne et de continuer ses raids dĂ©vastateurs en Sicile[32].

Ne pouvant arrĂȘter GensĂ©ric par la force, Aetius crut pouvoir arriver Ă  ses fins par une union matrimoniale. En 442, HunĂ©ric, fils aĂźnĂ© de GensĂ©ric fut envoyĂ© Ă  Ravenne comme otage dans le cadre d'un traitĂ© signĂ© par son pĂšre avec ce dernier. À cette occasion, il fut fiancĂ© Ă  Eudocia, fille de l’empereur. Le mariage n’eut toutefois pas lieu, HunĂ©ric Ă©tant renvoyĂ© Ă  Carthage peu de temps aprĂšs, son pĂšre ayant respectĂ© les termes du traitĂ©[N 6].

En 444, les SuĂšves Ă©taient parvenus Ă  dominer l’ensemble de l’Espagne Ă  l’exception de la province d’Hispania Tarraconensis, mais mĂȘme celle-ci Ă©tait menacĂ©e par les rĂ©voltes incessantes des Bagaudes[33]. Le rĂ©sultat de ces pertes territoriales fit en sorte que vers le milieu des annĂ©es 440, l’État Ă©tait en sĂ©rieuse difficultĂ© financiĂšre et le gouvernement forcĂ© de reconnaĂźtre que les revenus ne pouvaient suffire Ă  la dĂ©fense du territoire[34] - [35]. En mĂȘme temps, Valentinien se voyait contraint de rĂ©duire les taxes dans les provinces ravagĂ©es : en Sicile au septiĂšme de ce qu’elles avaient Ă©tĂ© et en Numidie et en MaurĂ©tanie Sitifensis au huitiĂšme de leur taux prĂ©cĂ©dent[36].

Pour compenser l’empereur dut Ă©mettre un dĂ©cret en 444 abolissant l’exemption de la taxe de recrutement dont jouissaient les fonctionnaires[34]. La mĂȘme annĂ©e, deux nouvelles taxes furent instaurĂ©es : la premiĂšre, une taxe de vente d’environ quatre pour cent[37]; la deuxiĂšme, une taxe frappant la classe sĂ©natoriale devant permettre la levĂ©e de nouvelles troupes, leur Ă©quipement et leur approvisionnement[34] - [38]. Les sĂ©nateurs portant le titre d’ « illustres » durent verser un montant correspondant Ă  l’entretien de trois soldats, les sĂ©nateurs de seconde catĂ©gorie un montant Ă©quivalent Ă  un soldat, alors que les sĂ©nateurs de troisiĂšme catĂ©gorie devaient Ă  trois verser le montant Ă©quivalent Ă  un soldat[38]. Valentinien lui-mĂȘme dut abandonner une partie de ses revenus tout en utilisant ce qui lui restait pour venir en aide au budget dĂ©ficitaire de l’État[39] - [38].

Invasions des Huns

Le pape Léon Ier rencontrant Attila hors de Rome (tableau de Raphaël au Vatican).

Pendant que Valentinien et ThĂ©odose prĂ©paraient leur expĂ©dition contre les Vandales, les Huns, sous la conduite d’Attila (roi des Huns : 434 – 453) ravageaient les provinces situĂ©es le long du Danube. Les forces des Balkans ayant Ă©tĂ© rĂ©quisitionnĂ©es pour l’attaque contre les Vandales, Attila put se frayer un passage Ă  travers l’Illyricum pour se diriger vers cette derniĂšre rĂ©gion et ayant saccagĂ© Margus et Viminacium en 441, s’empara de Singidunum (Belgrade) et Sirmium (aujourd'hui Sremska Mitrovica)[40] - [41].

L’attention d’Attila fut toutefois dĂ©tournĂ©e vers l’ouest lorsque, en 449, il reçut un message de la sƓur de Valentinien III, Justa Greta Honoria, lui demandant contre compensation de la sauver d’un mariage que son frĂšre voulait lui imposer avec un sĂ©nateur romain du nom de Bassus Herculanus. Attila dĂ©cida d’interprĂ©ter la requĂȘte de Justa Greta Honoria comme une demande en mariage qu’il accepta en exigeant la moitiĂ© de l’empire comme dot[42]. Lorsque Valentinien fut informĂ© de la chose, il envoya sa sƓur en exil et Ă©crivit Ă  Attila pour expliquer que celle-ci n’aurait pu faire une telle demande en mariage[43].

En fait, Attila ne cherchait qu’un prĂ©texte pour envahir l’Occident. En 450, vraisemblablement Ă  la suggestion de GensĂ©ric et aprĂšs avoir conclu une trĂȘve avec l’empire d’Orient[40], il traversa le Rhin entrant dans les provinces de Belgique et capturant Mediomatricum (Metz) le 7 avril 451. Pour parer au danger, Aetius assembla Ă  la hĂąte une coalition de forces comprenant Wisigoths et Burgondes et se prĂ©cipita pour empĂȘcher les Huns de prendre Aurelianum (OrlĂ©ans). AprĂšs les avoir forcĂ© Ă  battre rapidement en retraite[44], les forces romano-germaniques affrontĂšrent Attila lors de la bataille des Champs catalauniques (451). Celle-ci rĂ©sulta en une victoire romaine; toutefois Attila rĂ©ussit Ă  s’échapper avec une bonne partie de ses troupes[45].

AprĂšs avoir regroupĂ© celles-ci, Attila envahit l’Italie l’annĂ©e suivante. AprĂšs avoir dĂ©truit Aquileia, il prit VĂ©rone et Vincentia (Vicenza)[46]. Aetius suivait de prĂšs les Huns, mais n’avait pas les forces nĂ©cessaires pour les attaquer; la voie Ă©tait donc ouverte vers Rome. Valentinien, qui rĂ©sidait habituellement Ă  Ravenne, y avait transfĂ©rĂ© sa cour; c’est lĂ  qu’il se trouvait Ă  l’approche d’Attila[47]. L’empereur dĂ©pĂȘcha alors une dĂ©lĂ©gation formĂ©e du pape LĂ©on Ier (pape : 440-461), d’un des consuls cette annĂ©e-lĂ , Gennadius Avienus et de l’ancien prĂ©fet de Rome Memmius Aemilius Trygetius. On ignore la façon dont se dĂ©roulĂšrent les nĂ©gociations; chose certaine toutefois, Ă  leur issue Attila se retira, soit qu’il ait Ă©tĂ© persuadĂ© par le pape comme l’affirment les chroniqueurs de l’époque, soit que la peste qui s’était dĂ©clarĂ©e dans ses troupes, le manque de nourriture et l’annonce d’une attaque des territoires huns traditionnels par l’empereur Marcien l’aient convaincu de quitter l’Italie[48] - [49]. Il devait mourir en Pannonie dans les premiers mois de 453 alors qu’il cĂ©lĂ©brait son plus rĂ©cent mariage; la querelle qui se dĂ©clencha alors entre ses fils pour son hĂ©ritage mirent fin au pĂ©ril hun pour les deux empires[50].

Politique religieuse

Extension du manichéisme des années 300 à 500.

Comme tous les empereurs de la dynastie valentinienne, Valentin III fut confrontĂ© Ă  la lutte des chrĂ©tiens contre les paĂŻens et aux divisions entre chrĂ©tiens eux-mĂȘmes.

Contre les paĂŻens, il se montra intolĂ©rant appliquant strictement le Code thĂ©odosien; il promulgua trois Ă©dits de persĂ©cution gĂ©nĂ©rale contre ceux-ci en 435, 438 et 451, tout acte de paganisme Ă©tant dĂ©sormais passible de la peine capitale. Il s’acharnera entre autres sur les ManichĂ©ens qui seront visĂ©s par un Ă©dit de 445 promulguĂ© Ă  la suite d'une campagne du pape LĂ©on Ier[51]. Un Ă©dit de 447 rendra Ă©galement les chrĂ©tiens non nicĂ©ens passibles des mĂȘmes peines.

Par ailleurs il se montra Ă©galement strict Ă  l’endroit de l’Église elle-mĂȘme ou plus exactement Ă  l’endroit de ceux qui cherchaient Ă  s’en servir pour Ă©chapper Ă  leurs devoirs civiques. À une Ă©poque oĂč les plus riches citoyens Ă©taient recrutĂ©s pour diriger villes (curiales) et corporations (collegiati), nombre d’entre eux cherchaient Ă  Ă©chapper aux obligations qui en dĂ©coulaient (construction de monuments publics, jeux), Valentinien interdira en 452 l’ordination des collegiati qui, placĂ©s sous la juridiction de l’Église, Ă©chappaient Ă  ces obligations[52]. Par ailleurs, il agit de mĂȘme Ă  l’endroit des esclaves qui cherchaient Ă  entrer dans les ordres pour Ă©chapper Ă  leur maitre : ceux-ci ne pouvaient ĂȘtre renvoyĂ©s s’ils devenaient Ă©vĂȘques ou prĂȘtres; ceux qui Ă©taient dans les ordres infĂ©rieurs devaient ĂȘtre renvoyĂ©s Ă  leur maitre sauf si s’appliquait une proscription de trente ans[53].

Également en 452, il rĂ©voquera un dĂ©cret passĂ© dans sa jeunesse par ses ministres et dĂ©terminera que, s’ils Ă©taient accusĂ©s d’un crime, les membres du clergĂ©, y compris les Ă©vĂȘques, seraient jugĂ©s par une cour civile. Une action intentĂ©e au civil entre des membres du clergĂ© ou entre un laĂŻc ou des membres du clergĂ© pourrait continuer Ă  ĂȘtre jugĂ©e devant le tribunal de l’évĂȘque, mais en cas de refus d’une partie la cause serait entendue devant un tribunal civil[54]. Enfin, il interdit aux membres du clergĂ© de se livrer au commerce ou Ă  l’artisanat pour augmenter leurs revenus[55].

DĂ©cĂšs et suite

Le sac de Rome par GensĂ©ric et ses Vandales d’aprĂšs un tableau de Karl Briullov (1833–1836).

Valentinien n’avait jamais pardonnĂ© Ă  Aetius l’appui que celui-ci avait donnĂ© quelque trente ans auparavant Ă  l’usurpateur Johannes. Et bien qu’il ait donnĂ© sa propre fille Placidia en mariage au fils d’Aetius, Gaudentius, il craignait que le gĂ©nĂ©ral ne plaçùt ce dernier sur le trĂŽne. DĂ©livrĂ© du pĂ©ril hun, Valentinien dĂ©cida de se dĂ©barrasser de lui avec l’appui du sĂ©nateur Petronius Maximus qui portait une haine personnelle Ă  Aetius et celui de son chambellan Heraclius.

Selon l’historien Priscus[N 7], le 21 septembre 454, alors qu’Aetius Ă©tait venu lui prĂ©senter un rapport financier, l’empereur bondit de son siĂšge, clamant qu’il ne serait plus victime de la dĂ©bauche alcoolique du gĂ©nĂ©ral. Il le tint responsable des malheurs de l’empire et l’accusa de tenter d’usurper le trĂŽne. Lorsqu’Aetius tenta de se dĂ©fendre des accusations portĂ©es contre lui, Valentinien sortit son Ă©pĂ©e et, avec Heraclius se jeta sur Aetius qu’il frappa Ă  la tĂȘte. Ce dernier mourut sur l’heure[56]. Selon Edward Gibbon, Sidonius Apollinaris aurait rapportĂ© que lorsque l’empereur se vanta de ce geste devant la cour, quelqu’un aurait rĂ©pliquĂ© : « Que ce geste ait Ă©tĂ© un bien ou un mal, je l’ignore; chose certaine toutefois, vous avez coupĂ© votre main droite de votre main gauche »[57].

Le sĂ©nateur Maximus espĂ©rait ĂȘtre fait « patrice » Ă  la place d’Aetius, mais se heurta aux objections d’Heraclius[58] . Voulant prendre sa revanche, il complota avec deux anciens partisans d’Aetius, Optila et Thraustila, pour assassiner Ă  la fois Valentinien et Heraclius. Le 16 mars 455, alors que l’empereur descendait de cheval au Champ de Mars pour se prĂ©parer Ă  tirer de l’arc, Optila le frappa Ă  la tĂȘte. Lorsque l’empereur se tourna pour voir qui l’avait frappĂ©, Optila porta le coup fatal. De son cĂŽtĂ©, Thraustila tua Heraclius. La plupart des soldats assistant Ă  la scĂšne avaient eu une grande admiration pour leur gĂ©nĂ©ral et personne ne tenta d’aider l’empereur gisant au sol[58].

Au lendemain de l’assassinat, Petronius Maximus qui Ă©tait fort riche, soudoya ce qui restait de l’armĂ©e de l’empire occidental pour ĂȘtre nommĂ© empereur[59]. Pour se donner une lĂ©gitimitĂ© et obtenir la reconnaissance de l’empereur d’Orient, Marcien (r. 450-457), il Ă©pousa contre son grĂ© la veuve de Valentinien, Licinia Eudoxia, en mĂȘme temps qu’il fiançait la fille de celle-ci, Placidia, Ă  son fils Palladius qu'il nomma cĂ©sar. Pour se venger Ă  son tour, Eudoxia appela Ă  l’aide, GensĂ©ric. Ce dernier appareilla aussitĂŽt et, une fois en Italie, marcha sur Rome. Maximus voulut fuir mais fut arrĂȘtĂ© par la foule terrorisĂ©e, laquelle le lapida le 31 mai aprĂšs onze semaines de pouvoir. Trois jours plus tard, GensĂ©ric et ses Vandales capturaient Rome qu’ils pillĂšrent pendant deux semaines[60] - [61]. Puis, GensĂ©ric retourna en Afrique avec un Ă©norme butin et de nombreux otages dont Licinia Eudoxia et ses filles, Eudoxia et Placidia. Licinia Eudoxia ne recouvra sa libertĂ© que sept ans aprĂšs, en 462, ainsi que Galla Placidia grĂące Ă  l'entremise des deux empereurs romains et de leur gĂ©nĂ©ral, Olybrius. Quant Ă  sa fille Eudoxia, elle Ă©pousa HunĂ©ric, fils et hĂ©ritier du roi des Vandale[62].

Jugement

Aucun des descendants de ThĂ©odose Ier n’hĂ©rita de la force de caractĂšre de leur ancĂȘtre et la plupart d’entre eux devinrent Augustes alors qu’ils n’étaient encore qu’enfants ce qui provoqua une suite de longues minoritĂ©s dont ils ne surent ou ne voulurent pas s’émanciper[1]. Si Valentinien III fut un souverain sans personnalitĂ©[N 8], sa lĂ©gitimitĂ© et ses liens avec la dynastie issue de Valentinien Ier lui assuraient la loyautĂ© de ses sujets et de l’armĂ©e en gĂ©nĂ©ral; son existence mĂȘme Ă©tait une garantie contre les usurpations et les guerres civiles que l’on retrouvera par la suite[1]. De plus ces facteurs contribuĂšrent Ă  conserver un semblant d’unitĂ© Ă  un empire qui se dĂ©sagrĂ©geait : les diffĂ©rentes rĂ©gions de l’empire occidental devenaient de plus en plus autonomes et le pouvoir de l’empereur, Ă©clipsĂ© par celui des gĂ©nĂ©raux, se limitera dĂ©sormais de plus en plus Ă  l’Italie[63].

Valentinien III de nos jours

Bande dessinée

Valentinien III ainsi que sa sƓur Honoria et son Ă©pouse Licinia Eudoxia apparaissent dans les planches de la BD publiĂ©e en 2019 par les Ă©ditions GlĂ©nat et les Éditions du Cerf : LĂ©on le grand, dĂ©fier Attila (scĂ©nario de France Richemond, dessin de Stefano Carloni, couleurs de Luca Merli) dans lequel on dĂ©couvre la rivalitĂ© qu'il aurait entretenue avec le pape LĂ©on le Grand alors qu'Attila et sa horde de Huns menaçaient de piller Rome en 452.

Cinéma

Valentinien III est présent dans le film italien Attila (1918) de Febo Mari, dans le film franco-italien Attila, fléau de dieu réalisé par Pietro Francisci sorti en France en 1955 (soit un an aprÚs la sortie italienne) et le téléfilm Attila le Hun (2001) de Dick Lowry. Hormis dans le film de Febo Mari, il est présenté sous un angle péjoratif : adulte juvénile, capricieux et peureux, il est dépeint comme un empereur facilement manipulable.

Notes et références

Notes

  1. Flavius Constantius sera fait coempereur par Honorius sous le nom de Constance III alors que Valentinien n’avait que deux ans; il rĂ©gnera briĂšvement de fĂ©vrier Ă  septembre 421.
  2. L’Histoire de Paul Diacre la mentionne en premier parmi les enfants du mariage, signifiant sans doute qu’elle Ă©tait l’aĂźnĂ©e.
  3. ÉpithĂšte accolĂ©e Ă  l’origine au titre de cĂ©sar dont les dĂ©tenteurs sont les hĂ©ritiers prĂ©somptifs des empereurs romains et byzantins; par la suite elle servira Ă  honorer certains parents de l’empereur sans pour autant impliquer qu'ils soient hĂ©ritiers du trĂŽne impĂ©rial.
  4. Le mariage ne sera célébré que lorsque Valentinien atteindra sa majorité à 18 ans en 437.
  5. Officier militaire de haut rang dont le titre signifiait qu’il commandait Ă  la fois l’infanterie et la cavalerie. Il est aussi appelĂ© magister militum; le commandant des corps demeurant Ă  la disposition de l’empereur prĂšs de la capitale fut appelĂ© magister militum praesentales.
  6. . Le mariage devait avoir lieu une dĂ©cennie plus tard aprĂšs que GensĂ©ric, aprĂšs le siĂšge de Rome, retourne Ă  Carthage avec l'impĂ©ratrice, Eudoxie et ses filles, Eudocia et Placidia. Eudocia fut alors mariĂ©e de force Ă  HunĂ©ric. De leur union, naitra le futur roi HildĂ©ric. En 472, Eudocia s'enfuit Ă  JĂ©rusalem oĂč elle mourra.
  7. Historien grec originaire de Thrace et diplomate au service des empereurs d'Orient Théodose II (408-450) et Marcien (450-457).
  8. Gibbon en 1825 propose ce portrait : « Il hĂ©rita des faiblesses de son cousins et de ses deux oncles, sans possĂ©der cette dĂ©licatesse, cette puretĂ© et cette innocence qui remplaçaient dans leur personnalitĂ© leur manque d’énergie et de capacitĂ©. Valentinien Ă©tait d’autant moins excusable que s’il avait des passions, il n’avait aucune vertu; mĂȘme sa religion avait un caractĂšre douteux et s’il ne frĂŽla jamais l’hĂ©rĂ©sie, il scandalisa les chrĂ©tiens pieux par son attachement aux arts profanes de la magie et de la divination. (Gibbon, The History of the Decline and the Fall of the Roman Empire, vol. 4, chap. 35, notre traduction).

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Bibliographie

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Voir aussi

Liens internes

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