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Thraco-Romains

Le terme Thraco-Romain se rapporte à la culture et à la langue des populations d'origine thrace des Balkans, incorporées dans l'empire romain.

Thraco-Romains
Image illustrative de l’article Thraco-Romains
En bleu, les Thraces romanisés ; en rouge les Thraces non-romanisés

Période Antiquité, antiquité tardive
Ethnie Romane orientale
Langue(s) Roman oriental
Religion Polythéisme daco-thrace et romain, christianisme
Villes principales Durostorum, Oescus, Naissus, Nicopolis, Ratiaria, Serdica, Viminacium
Région d'origine Dacie aurélienne et Mésie
Région actuelle Roumanie, Serbie et Bulgarie
Rois/monarques Empereurs romains y compris romains d'Orient après la division de l'Empire romain
Frontière Carpates au nord, Adriatique au sud-ouest, Monts Hæmos au sud et Pont Euxin à l'est

Étymologie

Le terme a été forgé en 1901 par Ovid Densusianu[1], pour décrire l'« époque la plus ancienne de la création du roumain », quand le latin vulgaire parlé dans les Balkans entre le IVe siècle et le VIe siècle, avec ses caractéristiques propres, a évolué en ce que nous connaissons comme le proto-roumain[1]. Par extension, les historiens ont commencé à utiliser ce terme pour se référer à la période de l'histoire des proto-Roumains jusqu'au VIe siècle.

Carte des Balkans au VIe siècle, à la veille de l'arrivée des Slaves, montrant les provinces du « Diocèse de Dacie ».
La « ligne Jireček ».

Enjeux et usages

L'usage du terme s'inscrit dans les controverses nationalistes des XIXe siècle et du suivant, concernant l'origine des roumanophones. Selon une partie de l'historiographie austro-hongroise, russe ou bulgare[2], les locuteurs des langues romanes orientales apparaissent seulement à partir du XIIIe siècle (sans qu'une explication cohérente de leur apparition puisse être fournie) et il n'existe pas de preuve de filiation entre eux et les populations antiques des Balkans, dont la romanisation ne serait que très partielle et éphémère. Toutes les cartes historiques inspirées par ces positions omettent de mentionner la présence de populations romanophones en Europe du Sud-Est avant la fondation des principautés danubiennes. Pour sa part, l'historiographie roumaine[3] considère cette romanisation comme démontrée au nord de la ligne Jireček, et se trouvant à l'origine des langues romanes orientales à la fois au nord du Danube (Roumains) et au sud du fleuve (Aroumains).

La présence des Thraco-Romains est signalée en 579 par Théophane le Confesseur et Théophylacte Simocatta dans la chronique d'une bataille contre les tribus des Avars, les romanophones combattant dans les rangs de l'armée romaine d'orient dite « byzantine ». À cette époque, les chroniqueurs byzantins appelaient Ῥωμαίοι - Rhômaíoi ou Romées, soit « Romains » en grec tous les citoyens de la Βασιλεία των Ῥωμαίων - Basileía tôn Rhômaíôn : « empire des Romains » en grec), et, pour distinguer parmi eux les romanophones des Balkans, ils utilisaient le nom de Besses (une ancienne tribu thrace : ainsi, en 570, le pèlerin Antonin de Plaisance en visite au monastère Sainte-Catherine du Sinaï décrit les langues les plus parlées par les moines byzantins : « grec, latin, syriaque, copte et besse »). Un autre terme, l'exonyme « Valaques » (d'origine germanique : voir l'histoire du terme Valaque) entre en usage au Xe siècle : dans son Strategikon[4], Kékauménos précise au XIe siècle que les romanophones de Thessalie descendent des anciens Thraces et Daces et qu'on les appelle Besses ou Valaques[5]. « Valaques » devient fréquent dans le cadre du Regnum Bulgarorum et Blachorum, au XIIe siècle, pour distinguer les romanophones (organisés en Βλαχίες, « valachies ») des Grecs (organisés en κεφαλίες, « céphalies ») et des Slaves (organisés en Σκλαβινίαι, « sklavinies »)[6].

Les romanophones eux-mêmes s'auto-désignaient comme « Romani », « Români », « Rumâni », « Aromâni » ou « Armâni » et quelques autres variantes conservées dans les langues romanes orientales (et attestées par écrit à partir du XVIe siècle)[7] - [8] - [9] - [10] - [11] - [12] - [13] - [14] - [15] - [16].

Historiographie

La réalité des Thraco-Romains est difficilement contestable, vue l'existence des langues romanes orientales, mais elle n'est pas pour autant enseignée dans les écoles en Roumanie, et encore moins en Bulgarie, où ces populations ont pourtant longuement vécu. En effet, les controverses nationalistes du XIXe siècle ont abouti, en Roumanie et Bulgarie, au postulat historique scolaire que la romanisation a concerné en premier lieu les Daces du nord du Danube (en Roumanie actuelle, même si la domination romaine n'y a duré que 170 ans) et très peu les Thraces du sud du fleuve (en Bulgarie actuelle, même si la domination romaine y a duré six siècles en comptant l'Empire romain d'Orient). Cette historiographie scolaire enseigne que les Slaves ont rencontré et slavisé, au sud du Danube, des Thraces non romanisés, et que les minorités romanophones des Balkans seraient tardivement (XIIIe siècle) venues de Dacie. Ces positions sont les réponses bulgare et roumaine à la théorie inverse austro-hongroise qui enseigne, elle, que les Roumains sont tous tardivement venus des Balkans où ils se seraient initialement formés[17].

Toutefois, dans le milieu historique universitaire, on admet que la zone géographique où s'accomplit le processus de romanisation des Thraces correspond à un territoire limité à l'ouest par l'aire de romanisation des parlers illyriens, dont est issue la langue dalmate (une langue romane disparue), au sud par la ligne Jireček, à l'est par les cités grecques de la mer Noire, et au nord par une « zone grise » fluctuant à travers l'ancienne Dacie antique, au gré de la transhumance pastorale des populations romanisées et des évènements historiques (avec des replis vers le sud face aux invasions comme celles des Huns, des Gépides ou des Avars, et des remontées au nord dans le cadre du Premier Empire bulgare ou pour fuir les guerres bulgaro-byzantines à l'époque de l'empereur Basile II)[18] - [19].

Romanisation

Si au sud de la ligne Jireček, les élites Thraces étaient depuis longtemps hellénisés lorsque les Romains commencent la conquête des Balkans, au nord en revanche, la population locale thrace s'implique de plus en plus dans la vie économique, militaire, culturelle et politique de l'Empire romain, notamment en Mésie qui, étant une province frontalière longeant le Danube, est puissamment fortifiée, colonisée et développée par l'Empire. Y acquérir la citoyenneté romaine constitue un « ascenseur social » que beaucoup d'habitants souhaitent utiliser, et que l'édit de Caracalla de 202 (ou « Constitution d'Antonin ») promulgué par Caracalla, rend accessible. Légalement, tous les hommes nés libres dans l'Empire romain possédaient la pleine citoyenneté romaine, ainsi que toutes les femmes nées libres qui étaient mises sur un pied d'égalité avec les femmes romaines. La tradition concernant les origines thraces de certains empereurs romains date du IIIe siècle. Le premier fut peut-être Regalianus, et Galère qui avait des origines daces par sa mère. À partir du IIIe siècle, les Thraco-Daces ont constitué une partie importante de l'armée romaine[18].

Tous les Thraces n'ont pourtant pas été romanisés. Dans l'actuelle Moldavie, les Carpes, ou « Daces libres » (qui ont laissé leur nom aux Carpates) sont restés hors de l'influence romaine et au IVe siècle, poussés ou entraînés par les Goths, ils pénètrent dans l'Empire où ils subissent plusieurs défaites face à Constantin le Grand qui prend le titre de Dacicus Maximus en 336, et qui les colonise dans le nord de la Macédoine : les linguistes modernes voient dans leur langue l'une des racines de l'albanais moderne[20].

Période des invasions

Au VIe siècle, les populations thraco-romaines subirent l'invasion des Avars. Sous la domination des Avars, les Sklavènes commencèrent à s'installer dans la région. C'étaient des populations de langues slavonne et sorabe. Elles descendirent très loin vers le sud, jusque dans le Péloponnèse.

Les Slaves s'organisèrent en sklavinies, communautés rurales qui s'intercalèrent entre les communautés thraco-romaines appelées par les chroniqueurs ultérieurs « valachies » et par les historiens modernes « romanies populaires » (des processus similaires eurent lieu dans l'Empire romain d'Occident, avec des germaniques à la place des slaves). Les villes déclinèrent et la population devint fortement rurale, se concentrant sur l'agriculture et l'élevage, et préservant l'unité de sa langue grâce à la transhumance. Dans cette population romanophone, que les historiens nomment « romanité orientale » ou « proto-roumains », mais qui est connue sous le nom de « Valaques », émergeront ensuite les langues romanes orientales comme conséquence de la fragmentation due à l'afflux de nouvelles populations slaves.

L'Empire romain d'Orient (désigné comme « byzantin » depuis Hieronymus Wolf au XVIe siècle) perd progressivement le contrôle sur les territoires envahis par les Slaves, dont s'emparent à tour de rôle les Avars puis les Bulgares, dont les Thraco-Romains deviennent les sujets. Désormais à majorité hellénophone, l'Empire, sous l'empereur Héraclius, abandonne le latin et s'hellénise : le grec devint sa langue officielle. De ce fait, les populations Thraco-romaines des Balkans n'ont plus de contact avec le latin savant, et la langue romane orientale évolue en tant que parler populaire, influencé par les langues voisines notamment slaves.

Les « Îlots valaques dans l'espace slave » en 850, d'après Anne Le Fur

Les Slaves affluèrent en masse au sud du Danube, en Dalmatie, Macédoine, Thrace, Mésie et même en Grèce, où ils étaient attirés par les riches zones urbaines de l'Empire. L'arrivée des Bulgares au VIIe siècle, et l'inauguration par eux, au IXe siècle d'un état puissant allant du nord de la Roumanie actuelle jusqu'au nord de la Grèce actuelle, pérennise la fragmentation des populations romanes de la péninsule balkanique, initiée par les invasions avaro-slaves. Au nord du Danube, où les Slaves étaient moins nombreux, ils furent graduellement absorbés et romanisés par les romanophones daco-romains formés au nord de la Ligne Jireček et passés à l'abri des épaisses forêts couvrant alors 80 % du territoire de l'actuelle Roumanie (« Codri », du latin Quadratus). Au sud du Danube, ce sont les nombreux Slaves qui assimilèrent les Thraco-Romains, à l'exception d'îlots de romanophones déplacés comme les Istro-roumains, Aroumains et autres Mégléno-roumains, chassés de Mésie, et réfugiés désormais en Istrie et dans les vallées du Pinde et des monts Balkans[21].

Descendance linguistique

Les Thraco-Romains, ou Latins orientaux, ont-ils eu une descendance ? Il ne s'agit bien sûr pas de filiation physique, le brassage des populations et les acculturations croisées étant de règle en histoire (comme en témoigne l'union linguistique balkanique), mais de descendance linguistique. Les incertitudes dues à la « diète documentaire » concernant la période du IIIe siècle au IXe siècle incitent beaucoup d'ouvrages historiques actuels, notamment les atlas historiques (sauf rares exceptions[22]), à occulter l'existence des langues romanes orientales entre la fin de l'Empire romain et l'émergence des principautés médiévales de Moldavie et Valachie (soit pendant plus d'un millénaire), ce qui est absurde, car même s'il n'y avait aucune preuve archéologique ou toponymique et aucune mention écrite, la simple existence des langues romanes orientales actuelles suffit à prouver que les Thraco-Romains ont survécu à l'arrivée des Slaves et des Bulgares dans la région, et que les locuteurs de ces langues ne sont pas apparus par « génération spontanée » au XIIe siècle.

« Les arguments des thèses antagonistes peuvent tous être contestés, mais ils ont le mérite d'exister, tandis qu'aucun fait archéologique et aucune source écrite n'étayent l'hypothèse d'une disparition pure et simple des roumanophones pendant mille ans, qu'ils se soient envolés avec les hirondelles pour migrer en Afrique, ou qu'ils soient allés hiberner avec les ours dans les grottes des Carpates ou des Balkans... »

Neagu Djuvara, [23]

À cela s'ajoutent les controverses nationalistes commencées au XIXe siècle et les dérives protochronistes qui en découlent. Ainsi la question est devenue très confuse dans l'esprit des nouvelles générations, avec des thèses comme « l'inversion des rôles entre Daces et Romains » (thèse protochroniste qui fait des Latins du Latium une tribu dace, et des Daces un empire allant de l'Atlantique à l'Oural) ou encore « l'apparition tardive d'un peuple bâtard et parasite » de Vladimir Jirinovski, selon lequel les locuteurs des langues romanes orientales seraient « un mélange de colons italiens venus sur les nefs génoises et de Tziganes danubiens, qui a envahi des terres appartenant légitimement à la Bulgarie, à la Hongrie et à la Russie »[24] - [25].

Christianisation

Histoire ancienne

Tombe des quatre martyrs - Niculiţel, Roumanie
Inscription dans la tombe des quatre martyrs - Zotikos, Attalos, Kamasis et Philippos

Le christianisme fut diffusé dans l'Empire romain par les missionnaires grecs, mais au nord de la ligne Jireček sa langue véhiculaire fut le latin. La province romaine a gardé des traces de toutes les religions impériales, y compris le culte de Mithra, mais le christianisme, au début religio illicita, progressait chez les Romains. L'Empire romain trouva qu'il était trop coûteux de maintenir une garnison permanente au nord du Danube. Une présence militaire et administrative n'a été enregistrée qu'entre 106 et 276. Malgré tout, des représentants chrétiens de ce territoire étaient présents au premier concile œcuménique.

Lorsque les Thraces se sont christianisés, ils avaient déjà été romanisés, comme le prouvent les indications archéologiques et linguistiques. Les termes de base du christianisme en roumain sont d'origine latine : par exemple église (biserică < basilica), Dieu (Dumnezeu < Domine Deus), Pâques (Paşte < Paschae), païen (păgân < paganus), ange (înger < angelus), croix (cruce < crux). Certains, par exemple « église » (biserică), sont uniques au roumain. Tous les noms des saints ont conservé leur forme latine : Sântămăria (Sainte-Marie), Sâmpietru (Saint Pierre), Sângiordz (Saint Georges) et Sânmedru (Saint Démètre). Le christianisme roman absorba, comme ailleurs, des coutumes et divinités pré-chrétiennes, comme Sânziana et Cosânzeana (Sancta Diana et Qua Sancta Diana). Les sanctuaires des montagnes, les processions, le calendrier, et même les emplacements des premières églises étaient clairement les mêmes que ceux des Daces. Même Saint André est connu localement comme « Apôtre des Loups » avec une connotation ancienne importante, la tête de loup étant un totem et un symbole du « feu » militaire et spirituel chez les Daces.

Lorsque le christianisme devint la religion officielle de l'Empire, la Dacie avait déjà été évacuée, et ses habitants dépendirent des premiers évêchés furent créés dans la zone, notamment des principaux archevêchés situés à Singidunum (Belgrade), Viminacium (aujourd'hui Kostolac), Ratiaria (Arčar, près de Vidin), Marcianopol (Choumla) et Tomis (Constanța)[26].

Par contre, après l'arrivée des Slaves, le patriarcat de Constantinople, désireux de les convertir, adapta les rites de la chrétienté orthodoxe au vieux-slave, pour lequel l'écriture grecque fut modifiée pour donner le cyrillique. Ces rites et cette écriture s'imposèrent peu à peu à tous les habitants du bassin du bas-Danube, qu'ils fussent slavophones (Sklavinies) ou romanophones (Valachies), et les Roumains restèrent dépendants des patriarcats d'Ohrid et de Trnovo jusqu'en 1393.

Sous le règne du khan Boris Ier, le premier Empire bulgare englobe les actuelles Albanie (sauf la côte), Kosovo, Serbie orientale, Bulgarie, Macédoine (sauf la côte), Roumanie, Moldavie et Sud-Ouest de l'Ukraine (actuelle oblast d'Odessa)[27], où la noblesse proto-bulgare, adepte du tengrisme, régnait sur des populations slaves, thraco-romaines et grecques déjà chrétiennes[28].

Pour mieux asseoir son autorité sur ces populations, Boris, comme le roi franc Hlodowig avant lui, s'enquiert donc d'un éventuel baptême. Après diverses négociations et hésitations, Boris choisit de se convertir au christianisme oriental, obtenant en contrepartie des Byzantins la paix et des cessions territoriales en Thrace. Au début de l'année 864, Boris est baptisé à Pliska par une assemblée (събор, sãbor) de popes grecs, avec sa femme, qui reçut le nom de Marie, suivie par sa famille et les boyards fidèles à sa cause, l'empereur byzantin Michel III étant son parrain : c'est ce que l'historiographie moderne appelle la « conversion des Bulgares ».

Christianisme en Scythie Mineure

Alors que la Dacie a fait partie de l'Empire romain durant seulement 162 ans, la Mésie (dont la Scythie Mineure) en a fait partie durant six siècles, si l'on compte qu'après le déclin de l'Empire romain d'Occident, elle resta une province de celui d'Orient.

Selon la légende ecclésiastique, l'apparition du christianisme en Mésie serait liée à la traversée au Ier siècle de l'apôtre André, frère de Saint Pierre, avec ses disciples. Au Ve siècle en tout cas, le christianisme, alors de langues grecque et latine, prédominait dans la région, comme le prouve le grand nombre de traces d'églises anciennes.

L'évêque Éphrem, tué le à Tomis, fut le premier martyr chrétien de la région, et fut suivi par beaucoup d'autres, particulièrement pendant la répression ordonnée par les empereurs Dioclétien, Galère, Licinius et Julien.

Un nombre impressionnant de diocèses et de martyres sont attestés pendant les « temps des Pères » avant le Concile de Nicée. Le premier prêtre local connu, Montanus et sa femme, Maxima de Tuburbe, furent noyés en raison de leur foi, le .

Les fouilles archéologiques de 1971 sous la basilique paléo-chrétienne de Niculițel (près de l'ancienne Noviodunum en Scythie Mineure) mis au jour un martyrion encore plus ancien. À côté de Zotikos, Attalos, Kamasis et Philippos, qui furent martyrisés sous Dioclétien (304-305), les reliques de deux martyrs précédents, morts pendant les répressions de l'empereur Dèce (249-251), furent découvertes sous la crypte.

Ces martyrs étaient déjà inscrits dans les registres de l'église, et la découverte de leurs noms gravés sur la tombe confirma l'authenticité de ces registres. Par ailleurs Basile de Césarée retrouva les reliques du très connu Sabas le Goth noyé par ordre du roi goth Athanaric le dans la rivière Buzău, parce qu'il était Nicéen, alors que Wulfila et Athanaric avaient choisi l'Arianisme.

Quand l'empereur Galère, d'origine dace, proclama la liberté de culte pour tous les chrétiens de l'Empire romain par l'édit de tolérance de Galère en 311 suivi deux ans plus tard de l'« édit » de Milan de Constantin et Licinius[29], la cité de Tomis (aujourd'hui Constanța) devint le siège d'un métropolite, avec 14 évêchés en Mésie.

Au IVe siècle, un noyau puissant et organisé de moines chrétiens existait dans la région, souvent appelés « moines scythes » en raison de l'appellation de « Scythie mineure » donnée à la Mésie maritime, mais en fait, si l'on en juge par leurs langues usuelles, ils étaient thraco-romains ou grecs. L'un des plus connus est Jean Cassien qui maniait parfaitement le latin et le grec.

Langue

L'occupation romaine mena à un syncrétisme thraco-romain, comme dans d'autres régions conquises par Rome, telles la civilisation gallo-romaine qui s'est développée en Gaule romaine. Au IIe siècle, le latin parlé dans les provinces danubiennes commence à montrer des caractéristiques distinctes, séparées du reste des langues romanes, y compris de celles des Balkans de l'ouest (Dalmatie)[30]. La période thraco-romaine du diasystème roman de l'Est est habituellement décrite comme se situant du IIe siècle au VIe siècle ou au VIIe siècle[31]. Elle est divisée à son tour en deux périodes, la séparation entre les deux se situant au IIIe-IVe siècle. L'Académie roumaine considère que les différences entre le latin balkanique et le latin occidental auraient pu apparaître au plus tard au Ve siècle[32], et qu'entre le Ve siècle et le VIIIe siècle, cette nouvelle langue, le thraco-roman, passa d'un parler latin à un idiome vernaculaire néo-latin (dit « proto-roumain » ou « roumain commun » en roumain : româna comună, mais « roman oriental » par les linguistes non-roumains), idiome qui donna, après le IXe siècle, les quatre langues modernes daco-roumaine, aroumaine (toujours parlées), mégléniote et istrienne (éteintes vers la fin du XXe siècle)[33] - [34].

Première mention du roman oriental

Au sujet de cette période, il existe un grand débat sur l'épisode nommé « Torna, Torna Fratre ». Dans les chroniques de Théophylacte Simocatta, (vers 630), l'auteur fait mention des mots « τóρνα, τóρνα ». Le contexte de cette mention est une expédition byzantine au cours de l'année 587, menée par le général Comentiolus, dans le Mont Hémos, contre les Avars. Le succès de la campagne fut compromis par un incident : pendant une marche de nuit…

« Un paquet d'un chargement se détachait du bât. Ceci se produisit alors que son propriétaire marchait devant l'animal. L'un de ceux qui le suivaient vit que l'animal traînait ce paquet derrière lui, et cria à l'adresse du propriétaire de se retourner pour réassurer la charge. Ce cri provoqua une grande agitation dans la colonne, et certains commencèrent à prendre la fuite, car ce cri était connu de tous : les mêmes mots correspondaient à un signal, qui signifiait apparemment « courez ! », comme si l'ennemi était apparu soudainement dans les parages. Il y eut un grand désordre dans toute l'armée en marche, et beaucoup de bruit; tous criaient fort, et manœuvraient pour faire demi-tour, et hurlaient dans leur langue « torna, torna », comme si la bataille avait commencé brusquement au milieu de la nuit. »

Théophylacte Simocatta, [35]

À peu près deux siècles après Théophylacte, un autre chroniqueur byzantin, Théophane le Confesseur raconte la même histoire, dans sa Chronographie (vers 810–814). Il écrit les mots : « τόρνα, τόρνα, φράτρε / torna, torna fratre »:

« Un paquet de chargement était tombé du bât, et quelqu'un cria au propriétaire de le resangler, en lui disant dans la langue maternelle/de son pays : « Torna, Torna Fratre ». Le propriétaire de l'animal n'entendit pas le cri, mais tous les autres le comprirent et se crurent attaqués par l'ennemi, et commencèrent à courir, en hurlant : « Torna, Torna ». »

— Theophanis, [36]

Le premier qui identifia des exemples de proto-roumain a été Johann Thunmann en 1774[37]. Depuis lors, il existe un débat entre universitaires pour savoir si la langue en question est un exemple de proto-roumain [38], ou simplement un commandement byzantin[39] (d'origine latine, comme il se présente –torna– dans le Strategikon de l'empereur Mauritius), et avec “fratre” utilisé comme forme familière pour s'adresser aux soldats byzantins[40]. Le grand débat tourne autour des expressions πιχώριoς γλoσσα (pichōrios glossa - Théopylacte) et πάτριoς φωνή (patrios phōnē - Théophanes), et sur leur réelle signification.

Une contribution importante au débat fut celle de Nicolae Iorga, qui nota en 1905 la dualité du terme torna dans le texte de Théophylacte : le cri qui attire l'attention du propriétaire de l'animal (dans la langue du pays), et la méprise de ce cri par le reste des combattants qui le comprennent comme un commandement militaire[41]. Iorga considère que l'armée était composée d'auxiliaires (τολδον) romanisés parlant thrace πιχωρί τε γλώττ (la “langue du pays” /”langue maternelle”) — et de Byzantins (un mélange d'ethnies qui utilisaient des mots byzantins d'origine latine comme termes de commandement officiels, comme le précise le Strategikon)[42].

Ce point de vue a été soutenu plus tard par l'historien grec A. Keramopoulos (1939) [43], comme chez Al. Philippide (1925), qui a considéré que le mot torna ne devrait pas être vu que comme un ordre de commandement, parce qu'il était, comme le disent les chroniques, exprimé dans "la langue du pays"[44], à partir de l'année 600, le plus gros des troupes byzantines était composé de mercenaires barbares et de populations romanes de la péninsule balkanique[45].

À partir de la deuxième moitié du XXe siècle, le point de vue général est que c'est un exemple de proto-roumain, point de vue soutenu par Al. Rosetti (1960)[46], Petre Ş. Năsturel (1956)[47] et I. Glodariu (1964)[48].

Notes et références

  1. Densusianu 1929.
  2. Eduard Robert Rössler, 2.3.1836 à Olmütz/Olomouc – † 19.8.1874 à Graz : (de) Romänische Studien : untersuchungen zur älteren Geschichte Rumäniens, Leipzig, 1871 ; (hu) Kartográfiai Vállalat Szerkesztőbizottsága, Történelmi atlasz a középiskolák számára [« Atlas historique pour les collèges »], Budapest, Kartográfiai Vállalat, (ISBN 963-351-422-3) ; Béla Köpeczi (dir.), Histoire de la Transylvanie, Akadémiai Kiado, Budapest 1992, (ISBN 963-05-5901-3) ; Béla Köpeczi (dir.), Histoire de la Transylvanie, Budapest, Akadémiai kiadó, , 742 p. (ISBN 963-05-5901-3, lire en ligne), « La Transylvanie dans le Royaume de Hongrie de la haute époque (1003-1172) » ; M. B. Mitine, Faits et arguments contre les falsifications concernant les nationalités de l'Union soviétique, Chișinău 1973 ; R. L. Wolff, (en) The Second Bulgarian Empire, its origin and history to 1204 Speculum 24, p. 167-206, ed. Kroraina, Sofia 2008 ; Большая советская энциклопедия (Grande encyclopédie de l'académie bulgare) : Болгария v Исторический очерк Период феодализма (« La Bulgarie à l'époque du féodalisme ») et Steven Runciman, (en) A history of the First Bulgarian Empire, G. Bell & Sons publ., Londres 1930, nient ou occultent l'ancienneté des Roumains et Aroumains en Europe du Sud-Est, or si les langues romanes orientales ne proviennent pas de la romanisation des langues paléo-balkaniques par l'Empire romain (comme l'affirment unanimement les linguistes) alors seule l'hypothèse de Vladimir Jirinovski (qui n'est ni linguiste, ni historien) peut constituer une alternative : selon lui, les roumanophones proviendraient d’un « mélange de colons italiens venus sur les nefs génoises et de Tziganes danubiens, mélange qui a envahi des terres appartenant légitimement à la Bulgarie, à la Hongrie et à la Russie » :
  3. Dont les principaux représentants sont Florin Constantiniu, Constantin et Dinu C. Giurescu, Nicolae Iorga, Alexandru Philippide, Ioan Scurtu, Alexandru Xenopol
  4. Paul Lemerle, Prolégomènes à une édition critique et commentée des Conseils et Récits de Kékauménos
  5. (ro) Ion Barnea et Ștefan Ștefănescu, Byzantins, roumains et bulgares sur le Bas-Danube (résumé en français de l'article en roumain), vol. 3, Bucarest, Editura Academiei Republicii Socialiste România, coll. « Bibliotheca historica Romaniae / Etudes » (no 9), , 439 p. (OCLC 1113905).
  6. Raymond Detrez, Historical Dictionary of Bulgaria, 2-nd ed. 2006 (ISBN 9780810849013) ; Alain Ducellier, Michel Kaplan, Bernadette Martin et Françoise Micheau, Le Moyen Âge en Orient, Paris, 2014 ; Éric Limousin, Le Monde byzantin du milieu du VIIIe siècle à 1204 : économie et société, ed. Bréal 2007 (ISBN 9782749506326) ; Arnold Toynbee, Nevil Forbes et al., The Balkans : a history of Bulgaria, Serbia, Greece, Rumania, Turkey, ed. Clarendon Press, Oxford 1916, 407 p.
  7. Tranquillo Andronico écrit en 1534 que les roumains (« Valachi ») « s’appellent eux-mêmes romains » (« nunc se Romanos vocant »)
    (la) Veress Endre, Acta Et Epistolae Relationum Transylvaniae Hungariaeque Cum Moldavia Et Valachia, vol. 1, Hölder, (ISBN 978-1-314-74270-1).
  8. En 1532 Francesco della Valle accompagnant le gouverneur Aloisio Gritti note que les « roumains » ont préservé leur nom de « romains » et qu'« ils s’appellent eux-mêmes roumains (Romei) dans leur langue ». Il cite même une phrase : « Sti rominest ? » (« connais-tu roumain ? », en roumain contemporain : « știi românește ? »)
    (it) Cl. Isopescu, « Notizie intorno ai romeni nella letteratura geografica italiana del Cinquecento », Bulletin de la Section Historique, no XVI, , p. 1-90.
  9. Ferrante Capeci écrit vers 1575 que les habitants des « provinces valaques de Transsylvanie, Moldavie, Hongro-valaquie et Mésie » s’appellent eux-mêmes roumains (romanesci)
    (ro) Maria Holban, Călători străini despre Țările Române, vol. II, p. 158-161
  10. Pierre Lescalopier remarque en 1574 que « Tout ce pays la Wallachie et Moldavie et la plus part de la Transilvanie a esté peuplé des colonies romaines du temps de Trajan l’empereur…Ceux du pays se disent vrais successeurs des Romains et nomment leur parler romanechte, c'est-à-dire romain … »
    (ro) Paul Cernovodeanu, Studii și materiale de istorie medievală, t. IV, , p. 444.
  11. Le saxon transylvain Johann Lebel note en 1542 que les Valaques se désignent eux-mêmes sous le nom de « Romuini ».
    (la) Ioannes Lebelius, De opido Thalmus, Carmen Istoricum, Cibinii, , p. 11-12.
  12. Le chroniqueur polonais Stanislaw Orzechowski observe en 1554 qu'« en leur langue ils s’appellent romin, selon les romains et valaques en polonais, d’après les italiens »
    (la) St. Orichovius, « Annales polonici ab excessu Sigismundi », dans I. Dlugossus, Historiae polonicae libri XII.
  13. Le croate Antonio Veranzio remarque vers 1570 que les Valaques se nomment eux-mêmes « romains »
    (la) « De situ Transsylvaniae, Moldaviae et Transaplinae », dans Monumenta Hungariae Historica, Scriptores, vol. II, Pest, .
  14. Le hongrois transylvain Martinus Szent-Ivany cite en 1699 les expressions : « Sie noi sentem Rumeni » (« nous aussi, nous sommes roumains » et en roumain contemporain « Și noi suntem români ») et « Noi sentem di sange Rumena » (« nous sommes de sang roumain » et en roumain contemporain « Noi suntem de sânge român »
    (la) Martinus Szent-Ivany, Dissertatio Paralimpomenica rerum memorabilium Hungariae, Trnava, , p. 39.
  15. Grigore Ureche écrit : « În Țara Ardealului nu lăcuiesc numai unguri, ce și sași peste seamă de mulți și români peste tot locul... »
    (ro) Grigore Ureche, Letopisețul Țării Moldovei, 1642-1647, p. 133-134.
  16. Dans son testament littéraire, Ienăchiță Văcărescu écrit : « Urmașilor mei Văcărești!/Las vouă moștenire:/Creșterea limbei românești/Ș-a patriei cinstire »
  17. Eduard-Robert Rösler, Romänische Studien : untersuchungen zur älteren Geschichte Rumäniens déjà cité, développe les théories de Franz Josef Sulzer, Josef Karl Eder et Johann Christian von Engel, et est cité dans Béla Köpeczi (dir.), Histoire de la Transylvanie, Akadémiai Kiado, Budapest, 1992, (ISBN 963-05-5901-3).
  18. (ro) Neagu Djuvara, Cum s-a născut poporul român, Bucarets, Humanitas, (ISBN 973-50-0181-0, OCLC 53922034).
  19. (en) Tom Winnifrith, Badlands, borderlands : a history of Northern Epirus/Southern Albania, Londres, Duckworth, , 219 p. (ISBN 0-7156-3201-9, OCLC 50102129, lire en ligne)
  20. Eqrem Çabej, Eric Hamp, Georgiev, Kortlandt, Walter Porzig, Sergent et d'autres linguistes considèrent, dans une perspective paléolinguistique ou phylogénétique, que le proto-albanais s'est formé sur un fond thraco-illyrien vers le VIe siècle, à l'intérieur des terres, subissant un début de romanisation encore sensible dans la langue moderne, tandis que les emprunts les plus anciens de l'albanais aux langues romanes proviennent du diasystème roman oriental et non de l'illyro-roman qui était la langue romane anciennement parlée en Illyrie après la disparition de l'illyrien (pendant l'occupation romaine, l'illyro-roman a remplacé l'illyrien à la manière du gallo-roman remplaçant le celtique en Gaule). Comme les lieux albanais ayant conservé leur appellation antique, ont évolué selon des lois phonétiques propres aux langues slaves et que l'albanais a emprunté tout son vocabulaire maritime au latin et au grec, ces auteurs pensent que les ancêtres des Albanais ont vécu à l'est de l'actuelle Albanie et que régions côtières de ce pays (thème du Dyrrhacheion) étaient initialement gréco-latines. De nos jours, l'existence en albanais de mots empruntés au roman oriental balkanique et en roumain de mots de substrat apparentés à des mots albanais corrobore cette manière de voir : lire Jernej Kopitar, Albanische, walachische und bulgarische Sprache, in : « Jahrbücher der Literatur » no 46, p. 59-106, Vienne 1829; T.J. Winnifruth, Romanized Illyrians & Thracians, ancestors of the modern Vlachs, Badlands-Borderland, 2003, page 44, (ISBN 0-7156-3201-9) et Kristian Sandfeld-Jensen, Linguistique balkanique : problèmes et résultats, Klincksieck et Champion, Collection linguistique de la Société linguistique de Paris, Paris, 1930.
  21. (en) Matila Costiescu Ghyka, A Documented Chronology of Roumanian History : From Pre-historic Times to the Present Day, B.H. Blackwell,
  22. Jean Sellier et André Sellier, Atlas des peuples d'Europe centrale, La Découverte, (ISBN 978-2-7071-2260-5)
  23. (ro) « Interviu cu Neagu Djuvara: Suntem guvernati de esalonul doi al partidului comunist! », sur hotnews.ro, (consulté le )
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  26. (ro) Petre P. Panaitescu, Istoria Românilor, Bucarest,
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  36. (la) Theophanis, Chronographia
  37. Johann Thunmann: “Untersuchungen über die Geschichte der östlichen europäischen Völker” ("Investigations sur l'histoire des peuples européens de l'est"), 1. Theil, Leipzig, 1774, p. 169–366.: "Gegen das Ende des sechsten Jahrhunderts sprach man schon in Thracien Wlachisch" ("Vers le XVIe siècle, on parle déjà en valaque thrace")
  38. Ce point de vue, qui suggérait que l'expression devait être prise comme telle : la langue maternelle et la langue du pays, c'est-à-dire un exemple de roumain, était adopté par les historiens et philologues comme F. J. Sulzer in “Geschichte des transalpinischen Daciens” ("Histoire des daces transalpins"), II, Vienna, 1781; G. Şincai in “Hronica românilor şi a mai multor neamuri” ("Chronique des Roumains et d'autres nombreux peuples", I, Iaşi, 1853; C.Tagliavini in ”Le origini delle lingue neolatine” ("Les origines des langues néo-latines"), Bologna, 1952; W. Tomaschek in “Über Brumalia und Rosalia” ("Au sujet de Brumalia et Rosalia", Sitzungsberichte der Wiener Akademie der Wissenschaften, LX, Viena, 1869; R. Roesler in “Romänische Studien” ("Études roumaines"), Leipzig, 1871; Al. Rosetti in “Istoria limbii române” ("Histoire de la langue roumaine", Bucarest, 1986; D. Russo in “Elenismul în România” ("L'hellénisme en Roumanie"), Bucarest, 1912.; B. P. Hasdeu in “Strat şi substrat. Genealogia popoarelor balcanice” ("Strate et Substrat: Généalogie des peuples balkaniques"), Analele Academiei Române, Memoriile secţiunii literare, XIV, Bucarest, 1892; A. D. Xenopol in “Une énigme historique. Les Roumains au Moyen Âge”, Paris, 1885 and “Istoria românilor” ("Histoire des Roumains"), I, Iaşi, 1888; H. Zilliacus in “Zum Kampf der Weltsprachen im oströmischen Reich” ("Le combat des langues du monde dans l'empire byzantin"), Helsinki, 1935; R. Vulpe in “Histoire ancienne de la Dobroudja”, Bucarest, 1938; C. Popa-Lisseanu in “Limba română în izvoarele istorice medievale” ("La langue roumaine dans les sources médiévales"), Analele Academiei Române. Memoriile secţiunii literare, 3rd series, IX, 1940. Lot 1946; G. I. Brătianu in “Une énigme et un miracle historique: le peuple roumain” , Bucarest, 1942; etc.
  39. Ce point de vue a été proposé par J. L. Pić in “Über die Abstammung den Rumänen” ("Des ascendants des Roumains"), Leipzig, 1880; J. Jung in “Die romanischen Landschaften des römischen Reiches” ("Les paysages roumains de l'Empire romain") , Innsbruck, 1881; A. Budinszky in “Die Ausbreitung der lateinischen Sprache über Italien und Provinzen des Römischen Reiches” ("La propagation du latin en Italie et dans les provinces de l'Empire romain"), Berlin, 1881; D. Onciul: “Teoria lui Roesler” ("La théorie de Rosler") in “Convorbiri literare”, XIX, Bucarest, 1885; C. Jireček in “Geschichte der Bulgaren” ("Histoire des Bulgares"), Prague, 1876; Ovide Densusianu: “Histoire de la langue roumaine”, I, Paris, 1901; P. Mutafčief: “Bulgares et Roumains dans l'histoire des pays danubiens”, Sofia, 1932; F. Lot: “La langue de commandement dans les armées romaines et le cri de guerre français au Moyen Âge” in volume “Mémoires dédiés à la mémoire de Félix Grat” , I, Paris, 1946;
  40. L'idée soutenue par Franz Dölger in Die „Familie” der Könige im Mittelalter (La 'famille' royale au Moyen Âge), Historisches Jahrbuch” ("Annuaire historique"), 1940, p. 397–420 ; and M. Gyóni in “Az állitólagos legrégibb román nyelvemlék (= Das angeblich älteste rumänische Sprachdenkmal, Les preuves attestées les plus anciennes de la langue roumaine)”, „Egyetemes Philologiai Közlöny (Archivum Philologicum)”, LXVI, 1942, p. 1–11
  41. Nicolae Iorga, Istoria românilor ("Histoire des Roumains"), II, Bucarest, 1936, p. 249.
  42. “Într-o regiune foarte aproape de Haemus, unde se găsesc nume romanice precum Kalvumuntis (calvos montes), unul dintre soldaţii retraşi din cel mai apropiat ţinut primejduit strigă «în limba locului» ( πιχωρί τε γλώττ ) unui camarad care-şi pierduse bagajul «retorna» sau «torna, fratre»; datorită asemănării cu unul din termenii latineşti obişnuiţi de comandă, strigătul e înţeles greşit şi oastea, de teama unui duşman ivit pe neaşteptate, se risipeşte prin văi”. ("Dans une région proche de Haemus, où l'on trouve des noms romans comme Kalvumuntis (calvos montes), un des soldats revenus du pays voisin dangereux crie «dans la langue du lieu« (πιχωρί τε γλώττ) à un camarade qui avait perdu son bagage retorna ou torna, fratre ("reviens en arrière" ou "tourne, frère"); étant donné la ressemblance avec l'un des termes usuels de commandement, le cri est compris en masse et l'armée, de peur que l'ennemi surgisse soudainement, se disperse dans la nature." Nicolae Iorga, Istoria românilor (Histoire des Roumains), II, Bucarest, 1936.
  43. A. Keramopoullos (A. Κεραµóπουλλου): “Τ ε ναι ο Kουτσóβλαχ” (Qui sont les Aroumains), Athènes, 1939: “de plus, le terme fratre, trahissant la familiarité entre camarades, évite la possibilité d'un ordre de commandement”
  44. Al. Philippide, Originea românilor ("L'origine des Roumains"), I, Iaşi, 1925: „Armata, dacă a înţeles rău cuvântul torna, ca şi cum ar fi fost vorba că trebuie să se întoarcă cineva să fugă, l-a înţeles ca un cuvânt din limba ţării, din limba locului, căci doar Theophylactos spune lămurit că «toţi strigau cât îi ţinea gura şi se îndemnau unul pe altul să se întoarcă, răcnind cu mare tulburare în limba ţării: retorna»” ("Si l'armée avait mal compris le mot torna, comme si celui-ci signifiait qu'il fallait fuir, l'a compris comme un mot en langue du pays, en langue locale, c'est pourquoi Théophylacte dit clairement que 'tous criaient et tous se passaient le mot de se retourner, en hurlant dans la langue du pays : retorna'")
  45. „Dar se pare că Jireček n-a cetit pagina întreagă a descripţiei din Theophylactos şi Theophanes. Acolo se vede lămurit că n-avem a face cu un termin de comandă, căci un soldat s-a adresat unui camarad al său cu vorbele retorna ori torna, torna, fratre, pentru a-l face atent asupra faptului că s-a deranjat sarcina de pe spatele unui animal” ("Mais il semble que Jireček n'a pas lu toute la page de description faite par Théophylacte et Théophane." On y voit clairement que nous n'avons pas à faire avec un terme de commandement, et qu'un soldat s'adresse à un camarade en lui disant "retorna" ou "torna, fratre" pour qu'il se retourne et qu'il s'aperçoive que son chargement était en train de tomber de l'animal") […] “Grosul armatelor bizantine era format din barbari mercenari şi din populaţia romanică a Peninsulei Balcanice” ("Le gros de l'armée byzantine était composé de mercenaires barbares et de population romane de la péninsule balkanique") […] „armata despre care se vorbeşte în aceste pasaje [din Theophylactus şi Theophanes] opera în părţile de răsărit ale muntelui Haemus pe teritoriu thrac romanizat” ("l'armée évoquée dans ces passages [de Théophylacte et Théophane] avait été composée dans les monts Haemus du territoire thrace romanisé.")[…] „Ca să ne rezumăm părerea, cuvântul spus catârgiului era un termen viu, din graiul însoţitorilor lui, sunând aproape la fel cu cuvântul torna din terminologia de comandă a armatei bizantine” ("En résumé, le mot catârgiului (? - mot dérivé de catâr = "mule") était un terme vivant, du dialecte (ou accent) de ses compagnons, qui sonne à peu près comme le mot torna, terme de commandement de l'armée byzantine.") „nimic nu este mai natural decât a conchide, cum au făcut toţi înainte de Jireček, că vorbele torna, retorna, fratre sunt cuvinte româneşti din veacul al şaselea” ("Il est naturel de conclure que, comme tous l'on fait après Jireček, les mots torna, retorna, fratre sont des mots roumains du VIe siècle.") […] „Preciziunea povestirii lui Teofilact nu a fost până acum luată în seamă aşa cum trebuie. Totuşi reiese clar din aceste rânduri: 1) că cuvântul întrebuinţat de însoţitorii stăpânului catârului nu era chiar acelaşi cu cuvântul pe care oştenii şi-au închipuit că-l aud şi 2) că, pe când în gura tovarăşilor lui cuvântul însemna doar «întoarce-te», ε ς τo πίσω τραπέσθαι, aşa cum susţin cu bună dreptate mai toţi cercetătorii români, în schimb cuvântul aşa cum l-au înţeles ostaşii însemna «înapoi, la stânga împrejur», precum şi-au dat seama tot cu bună dreptate Jireček şi alţi învăţaţi, fiind, prin urmare, după chiar mărturia Strategikon-ului aşa-zis al împăratului Mauriciu, un cuvânt din graiul oştirilor bizantine” ("Les détails sur l'histoire de Théophylacte n'ont jamais été donnés jusqu'à présent comme ils auraient du l'être. Pourtant tout part de ces lignes : 1) que le mot utilisé par les compagnons du propriétaire de la mule n'était pas exactement le même que le mot que les soldats croyaient avoir entendu et 2) que, bien que ce mot dans la bouche de ses camarades veule dire simplement "retourne-toi", ε ς τo πίσω τραπέσθαι, comme le soutiennent tous les chercheurs roumains, au lieu que le mot ait été compris par les soldats comme "en arrière, fuyons", selon ce que Jireček et d'autres universitaires ont compris correctement, comme étant, par conséquent, selon le témoignage du Strategikon de l'empereur Mauritius, un mot du dialecte militaire byzantin.")
  46. Al. Rosetti, “Despre torna, torna, fratre” ("Au sujet du torna, torna, fratre"), Bucarest, 1960, p. 467–468.: „Aşadar, termenii de mai sus aparţineau limbii populaţiei romanizate, adică limbii române în devenire, după cum au susţinut mai demult unii cercetători şi, printre ei, A. Philippide, care a dat traducerea românească a pasajelor respective, însoţită de un comentariu convingător. Termenii coincid cu termenii omonimi sau foarte apropiaţi din limba latină, şi de aceea ei au provocat panică în împrejurarea amintită.” ("Ainsi, les termes ci-dessus appartiennaient à la langue de la population romanisée, c'est-à-dire à la langue roumaine en devenir, comme l'ont soutenu de nombreux chercheurs, avec parmi eux A. Philippide, qui a donné la traduction en roumain de ces passages, accompagnés d'un commentaire convaincant. Les termes coïncident avec les termes homonymes ou très proches du latin, et ainsi, ils ont provoqué la panique dans les esprits.").
  47. Petre Ş. Năsturel, “Quelques mots de plus à propos de «torna, torna» de Théophylacte et de «torna, torna, fratre» de Théophane”, in Byzantinobulgarica, II, Sofia, 1966: Petre Ş. Năsturel “Torna, torna, fratre. O problemă de istorie şi de lingvistică” ("Torna, torna, fratre: un problème historique et linguistique") in Studii de cercetări şi istorie veche, VII, Bucharest, 1956: “era un cuvânt viu din graiul populaţiei romanice răsăritene şi poate fi socotit ca cea mai veche urmă de limbă străromână; la fel ca şi φράτρε ['fratre']. Dar tot atunci se păstra în armata bizantină acelaşi cuvânt cu înţelesul de «înapoi», «stânga împrejur», ceea ce a amăgit pe oştenii lui Comentiolus, punându-i pe fugă” ("était un mot vivant dans la population romane orientale et pourrait avoir été reconnu comme la plus ancienne mention en proto-roumain ; de même pour φράτρε ['fratre']. Mais aussi, l'armée byzantine utilisait ce mot avec le sens de "reculez", ainsi que l'on compris les soldats de Comentiolus, les poussant à fuir") […] “făceau parte din aşa-zisul το⋅λδον, care cuprindea samarele, slugile şi vitele de povară. Măcar ei erau băştinaşi, în sensul larg al cuvântului […]; ei făceau parte din latinitatea răsăriteană din veacul al VI-lea” ("ils faisaient partie des troupes auxiliaires το⋅λδον, qui incluaient les palefreniers, les serviteurs et les animaux de trait. Même ceux qui étaient locaux, au sens large […]; ils faisaient partie de la latinité orientale du VIe siècle") […] “Reieşe din aceasta în chip limpede şi cu totul neîndoielnic că cel puţin pentru catârgiu şi pentru tovarăşii lui vorba torna era un cuvânt din graiul lor – la fel cu siguranţă şi φράτρε – pe când la urechile şi în gura oştenilor apărea, cum dovedeşte Strategikon-ul, ca un cuvânt ostăşesc de poruncă. […]. Cu alte cuvinte, chiar dacă oastea nu a fost alcătuită din băştinaşi, se aflau împreună cu ea oameni care vorbeau o limbă romanică” ("Les conséquences en sont que sans aucun doute, pour le muletier et ses camarades, le mot torna était un mot de leur dialecte - et certainement aussi φράτρε ['fratre'] – qui, lorsqu'ils l'entendirent, comme le prouve le Strategikon, était un ordre de commandement. […]. En d'autres mots, même si l'armée n'avait pas été faite que de locaux, c'était un groupe d'hommes qui parlaient une langue romane") […]„torna era un cuvânt din graiul lor” ("torna était un mot de leur dialecte (accent)".)
  48. I. Glodariu: “În legatura cu «torna, torna, fratre»” in „Acta Musei Napocensis”, I, Cluj, 1964: „din oameni care transportau bagajele armatei, rechiziţionaţi cu acest scop şi, în sens[ul] larg al cuvântului, erau localnici” ("parmi les hommes qui transportaient les bagaes de l'armée, réquésitionnés dans cet esprit et au sens large, ils étaient des locaux") […] „torna era un cuvânt din graiul viu al populaţiei băştinaşe” ("torna était un mot du dialecte vivant de la population locale") […] “e cert că cei din jur l-au interpretat ca «întoarce-te», dacă nu erau soldaţi (şi termenul folosit de Theophanes ne face să credem că nu erau), sau ca «stânga-mprejur», dacă erau ostaşi” ("Il est certain que ceux qui ont l'interprété comme "reviens" s'ils n'étaient pas soldats (et le terme utilisé par Théophane ne nous laisse pas penser qu'ils l'étaient), ou comme "fuyez", s'ils étaient soldats")[…] „exista o verigă sigură între lat. frater şi rom. frate” ("il a un lien solide entre le latin frater et le roumain frate").

Voir aussi

Articles connexes

Lien externe

Bibliographie

  • Nicolae Iorga, Histoire des Roumains et de leur civilisation, Bucarest, .
  • (ro) Nicolae Saramandru, Torna, Torna Fratre, Bucarest, 2001–2002 (lire en ligne).]
  • Nicolae Șerban Tanașoca, « « Torna, torna, fratre » et la romanité balkanique au VIe siècle », Revue roumaine de linguistique, Bucarest, no XXXVIII, .
  • (en) Tom Winnifruth, Romanized Illyrians & Thracians, ancestors of the modern Vlachs, Londres, Badlands-Borderland, , 219 p. (ISBN 0-7156-3201-9).
  • Ovid Densusianu, Histoire de la langue roumaine : Les origines, Institutul de filologie și folclor, .
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