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Littérature byzantine

La littĂ©rature byzantine peut ĂȘtre dĂ©finie comme l’ensemble des ouvrages Ă©crits en grec mĂ©diĂ©val dans l’Empire romain d’Orient, entre 330 et 1453 ap. J.-C. BasĂ©e sur l’hĂ©ritage politique de Rome, elle fut influencĂ©e tant par les hĂ©ritages grec et chrĂ©tien que par le contexte culturel du Proche-Orient. On peut y distinguer cinq grandes pĂ©riodes : celle de la tradition antique (IVe -dĂ©but du VIIe siĂšcle) qui fut suivie d’une pĂ©riode d’absence relative (VIIe – VIIIe siĂšcle) ; un renouveau aux IXe et Xe siĂšcles fut suivi d’une pĂ©riode que l’on a appelĂ©e « prĂ©-Renaissance » (XIe – XIIIe siĂšcle) et d’une pĂ©riode finale (XIIIe et XVe siĂšcles).

Page avec lettres grecques
PremiÚre page d'une édition ultérieure de la Souda, encyclopédie byzantine, rédigée probablement vers le Xe siÚcle.

Plusieurs classifications ont Ă©tĂ© proposĂ©es pour les genres littĂ©raires qui la composĂšrent. Nous retiendrons ici la rhĂ©torique, l’histoire, l’hagiographie, les rĂ©cits apocryphes, le roman, les encyclopĂ©distes et essayistes ainsi que la poĂ©sie[N 1]. Longtemps dĂ©daignĂ©e comme « sous-produit » de la culture grecque antique[N 2], la littĂ©rature byzantine est de nos jours Ă©tudiĂ©e en elle-mĂȘme et permet, dans ses multiples facettes, de mieux comprendre l’originalitĂ© de la civilisation byzantine et des peuples qui gravitaient autour d’elle.

Contexte historique

Le concept de « littĂ©rature » n’existait pas Ă  Byzance, ce qui s’en rapprochait le plus Ă©tait celui de « logoi », incluant l’ensemble des textes « Ă©crits avec style », qu’ils soient de nature juridique, historique, rhĂ©torique, romanesque, hagiographique, etc[1]. Elle se prĂȘte dĂšs lors mal Ă  une classification prĂ©cise, que ce soit en termes de temps (grandes pĂ©riodes historiques) ou de genres. De plus, Ă  une Ă©poque oĂč les livres Ă©taient rares et chers, cette littĂ©rature Ă©tait davantage faite pour ĂȘtre dĂ©clamĂ©e que pour ĂȘtre lue. La « publication » d’un livre consistait souvent en sa lecture publique dans divers cercles de lettrĂ©s, d’oĂč l’importance primordiale de la rhĂ©torique ou art de faire de beaux discours et des genres qui y Ă©taient rattachĂ©e. De plus, les rĂšgles strictes qu’imposait la rhĂ©torique, que ce soit quant au fond ou Ă  la forme, rendaient moins nette qu’elle ne l’est aujourd’hui la distinction entre prose et poĂ©sie[2].

La société byzantine

Michel Psellos avec son Ă©tudiant Michel VII Doukas
Venant d'une famille modeste, Michel Psellos (Ă  gauche) parvint aux plus hautes fonctions de l'empire. On le voit ici avec son Ă©tudiant, Michel VII Doukas.

Contrairement aux mƓurs existant en Occident Ă  la mĂȘme Ă©poque, l’instruction Ă©tait trĂšs rĂ©pandue Ă  Byzance et il Ă©tait possible Ă  des gens de condition modeste de faire donner une bonne Ă©ducation Ă  leurs enfants, clĂ© d’une carriĂšre bien rĂ©munĂ©rĂ©e dans l’administration ou l’armĂ©e. Ce fut le cas par exemple de Michel Psellos (1018 – aprĂšs 1081), fils d’un modeste fonctionnaire, qui pendant ses Ă©tudes fit la connaissance de puissants personnages et, aprĂšs ĂȘtre devenu juge Ă  Philadelphie, fut nommĂ© « consul des philosophes » et professeur de philosophie Ă  l’universitĂ© restaurĂ©e de Constantinople. Historien, philosophe, essayiste et auteur d’une impressionnante correspondance, il fit aussi partie de tous les gouvernements qui se sont succĂ©dĂ© de Constantin IX (1042-1055) Ă  Michel VII Doukas (pouvoir effectif 1071-1078)[3].

Tous les lettrĂ©s n’eurent cependant pas la mĂȘme chance que Psellos et la plupart d’entre eux ne pouvaient survivre sans les secours financiers de protecteurs et de mĂ©cĂšnes, nombreux dans les hautes classes de la sociĂ©tĂ©, particuliĂšrement au sein de la famille impĂ©riale et de son entourage[4]. On comprend dĂšs lors l’importance des genres destinĂ©s Ă  ĂȘtre dĂ©clamĂ©s en public faisant l’apologie de hauts personnages et de mĂ©cĂšnes, comme les epitaphioi (έπÎčÏ„ÎŹÏ†ÎżÏ‚ Î»ÏŒÎłÎżÏ‚) ou oraisons funĂšbres et les epithalama (έπÎčÎžÎ±Î»ÎŹÎŒÎčÎżÏ‚ Î»ÏŒÎłÎżÏ‚) ou eulogies de mariage[5].

Les influences extérieures

Lucien de Samosate
Lucien de Samosate (v. 120-mort aprĂšs 180), rhĂ©teur et satiriste de Syrie. Écrivant en grec dans un style nĂ©o-attique, son influence fut considĂ©rable sur la littĂ©rature byzantine.

On a dĂ©fini la littĂ©rature byzantine comme « la littĂ©rature d’Alexandrie transportĂ©e Ă  Byzance[6]». L’influence grecque ne fut donc pas celle de la civilisation attique, mais celle de la civilisation hellĂ©niste telle qu’on la retrouvait Ă  Alexandrie, orientĂ©e Ă  la fois vers AthĂšnes et vers JĂ©rusalem, composĂ©e de deux courants, l'un intellectuel et acadĂ©mique (Lucien, Achilles Tatius, HĂ©liodore) et l'autre romantique et populaire (ThĂ©ocrite, Callimaque de CyrĂšne, Quintus de Smyrne). Ces deux courants se retrouvĂšrent Ă  Byzance. Le courant intellectuel fut toutefois le plus important, renforcĂ© par un mouvement reprĂ©sentĂ© par des rhĂ©teurs comme Denys d'Halicarnasse, qui prĂŽnait le retour aux canons classiques des orateurs attiques. Le rĂ©sultat fut une littĂ©rature qui sacrifiait volontiers le fonds Ă  la forme, qui recherchait le beau langage que l’on retrouvait chez les auteurs anciens et une pensĂ©e incapable de s’exprimer simplement[7]. D’oĂč Ă©galement son caractĂšre didactique qui ne s’adressait qu’à un cercle rĂ©duit de lecteurs capables de comprendre des allusions classiques et bibliques et d’apprĂ©cier les figures de styles souvent hermĂ©tiques[8].

InfluencĂ©e par la culture grecque, la civilisation byzantine demeura Ă©galement marquĂ©e par l’hĂ©ritage reçu de l'Empire romain. En dĂ©coulait le cadre du gouvernement, de la justice, de la bureaucratie et de l’armĂ©e mĂȘme aprĂšs que le grec eĂ»t remplacĂ© le latin comme langue de l’administration sous HĂ©raclius (575-641). Que ce soit en grec ou en latin, les Byzantins continueront de considĂ©rer leur empire comme la ΒασÎčλΔία Ï„áż¶Îœ áżŹÏ‰ÎŒÎ±ÎŻÏ‰Îœ (Empire des Romains) et Constantinople, la capitale, comme la « Nouvelle Rome ».

La troisiĂšme influence fut celle du christianisme. Ville oĂč avait Ă©tĂ© rĂ©alisĂ©e la version grecque de la Bible, celle des Septante, vers 272 av. J.-C., Alexandrie avait Ă©tĂ© celle oĂč philosophie grecque et religion juive s’étaient cĂŽtoyĂ©es et oĂč le nĂ©oplatonisme de Plotin et de Porphyre de Tyr avait fait son apparition. AprĂšs la conversion au christianisme, Alexandrie fut non seulement la ville d’OrigĂšne et d’Arius, mais aussi des PĂšres grecs de l’Église qui laissĂšrent derriĂšre eux une abondante littĂ©rature. C’est de l’Égypte antique que vint le concept de l’ascĂ©tisme individuel qui devait donner naissance au monachisme byzantin. Au terme de la lente progression qui fera du christianisme la religion d’État, la figure de l’empereur romain divinisĂ© se transformera en celle de l’empereur reprĂ©sentant de Dieu sur terre d’oĂč naĂźtra le cĂ©saro-papisme. L’influence chrĂ©tienne se reflĂ©tera Ă  la fois dans la littĂ©rature destinĂ©e aux classes supĂ©rieures par les Ă©crits des PĂšres de l'Église et dans la littĂ©rature populaire dans laquelle abonderont les rĂ©cits de vies de saints et de leurs miracles telles les lĂ©gendes qui se crĂ©eront autour de Constantin le Grand et de sa mĂšre, HĂ©lĂšne[9].

La derniĂšre influence est celle de l’Orient, en particulier de l'Asie Mineure. GĂ©nĂ©ral d’armĂ©e (imperator) Ă  Rome, voilant son omnipotence sous le titre ambigu d’« Auguste », qui avait une connotation davantage religieuse que politique, l’empereur se transformera progressivement en monarque oriental et prendra le titre d’autokrator. Encore plus que sur le plan politique, l’Asie Mineure exercera une influence sur la religion. L’Égypte ptolĂ©maĂŻque et la Syrie sĂ©leucide seront les berceaux de l’Église grecque orientale et Antioche jouera un rĂŽle considĂ©rable dans le dĂ©veloppement de la littĂ©rature religieuse sous la conduite de Jean Chrysostome et de ses disciples[10].

La langue : la koinĂš

La nĂ©cessitĂ© pour les armĂ©es multiethniques d’Alexandre le Grand de se comprendre entre elles favorisa la propagation d’une langue commune, appelĂ©e koinĂš (ÎșÎżÎœÎź ÎŽÎčΏλΔÎșÏ„ÎżÏ‚ ou « langage commun ») qui rĂ©conciliait les anciens dialectes ionien, dorien, Ă©olien et attique. C’est cette langue, grammaticalement fixĂ©e, enseignĂ©e dans les Ă©coles, qui devint la langue de l’administration et du commerce dans l’empire des successeurs d’Alexandre. C’est aussi cette langue qu’adopta la littĂ©rature, alors que se dĂ©veloppĂšrent, suivant les rĂ©gions, des dialectes qui composĂšrent bientĂŽt la langue parlĂ©e. À la longue, la langue littĂ©raire ne sera comprise que par les seuls lettrĂ©s, lesquels utilisaient du reste une langue diffĂ©rente dans la conversation quotidienne[11]. La koinĂš reprĂ©sentait ainsi un idĂ©al linguistique rigide, aux structures grammaticales complexes, au vocabulaire brillant mais opaque[12]. Ceci correspondait Ă  la notion que l’on se faisait de la littĂ©rature comme quelque chose qui devait ĂȘtre Ă©tudiĂ©e et qui ne pouvait ĂȘtre apprĂ©ciĂ©e qu’avec effort[13].

Folio du Parchemin 46 contenant 2 Co. 11,33-12,9
Folio du Parchemin 46 contenant 2 Co. 11, 33-12, 9.

Les choses changĂšrent au VIIe siĂšcle, pĂ©riode trouble oĂč on assiste au dĂ©clin des villes et avec elles de l’éducation et de l’utilisation de la langue et du style classiques. La koinĂš finira par admettre des termes Ă©trangers, latins, arabes, armĂ©niens, etc. Au XIe siĂšcle, Psellos (1018-1078), ardent dĂ©fenseur de la puretĂ© de la langue et de la correction de l’orthographe, utilise des tournures grammaticales qui ne sont plus toujours celles de la koinĂš et subit parfois l’influence de la langue populaire. Avec la renaissance culturelle du XIIe siĂšcle, se dĂ©veloppent de nouveaux genres comme le roman d’aventures ou amoureux qui s’adresse davantage aux classes populaire. L’invasion latine des pays grecs lors de la croisade de 1204 conduisit Ă  l’apparition des premiers ouvrages en langue populaire qui coexistĂšrent avec ceux que l’on continue d’écrire en langue savante[14].

Les différentes périodes

On divise gĂ©nĂ©ralement l’évolution de la littĂ©rature byzantine en cinq grandes pĂ©riodes.

Le christianisme transforme les traditions antiques (du IIIe siĂšcle au VIe siĂšcle)

Lorsque fut fondĂ©e Constantinople, plusieurs genres qu’avait connus la littĂ©rature grecque traditionnelle, comme le drame ou la poĂ©sie lyrique, avaient disparu depuis longtemps ; nait alors sous l’influence des PĂšres de l’Église grecque une littĂ©rature chrĂ©tienne qui tente d’établir une synthĂšse entre pensĂ©e chrĂ©tienne et pensĂ©e hellĂ©nistique. Elle s’exprime dans une langue dĂ©jĂ  fort Ă©loignĂ©e de celle utilisĂ©e dans la vie quotidienne, hĂ©ritage du systĂšme d’éducation grec dont la rhĂ©torique Ă©tait le principal sujet d’études[8]. Les mesures prises par l’empereur Justinien (483-565) contre les paĂŻens (fermeture de l’AcadĂ©mie de Platon Ă  AthĂšnes, derniĂšre grande universitĂ© paĂŻenne, interdiction d’adorer les dieux paĂŻens en Anatolie), sa persĂ©cution des Juifs, sa lutte contre les hĂ©rĂ©tiques (monophysisme, affaire des Trois Chapitres), en mĂȘme temps qu’elles prĂ©cipitĂšrent l’extinction du paganisme, conduisirent Ă  un net ralentissement de la production littĂ©raire et Ă  un affaiblissement de l’enseignement de la jurisprudence introduite dans cette partie du monde par Constantin le Grand[15].

C’est donc une pĂ©riode d’intense crĂ©ation littĂ©raire chrĂ©tienne en langue grecque certes, mais aussi en latin (Ammien Marcellin, Claudien) et en syriaque (Romain le MĂ©lode). Le but principal des grands Ă©crivains de l’époque comme Jean Chrysostome, le pseudo-Dionysos l’ArĂ©opagite ou Procope de CĂ©sarĂ©e, est de proposer une nouvelle vision du monde et de l’homme tout en utilisant les formes littĂ©raires hĂ©ritĂ©es du passĂ©. L’hagiographie se dĂ©veloppe de mĂȘme que les rĂ©cits de miracles placĂ©s soit dans un contexte nouveau, celui du dĂ©sert (apophtegmes des pĂšres du dĂ©sert), soit dans le milieu urbain traditionnel mais dont on rejette les valeurs (SimĂ©on d’ÉmĂšse)[1].

Quelques auteurs

Trois PĂšres de l’Église, originaires de Cappadoce, se distinguent durant cette pĂ©riode. Ce « nouveau mouvement d’Alexandrie » dĂ©fend la doctrine orthodoxe contre les Ariens ainsi que la place de la raison dans l’étude des questions religieuses[16] :

  • Basile de CĂ©sarĂ©e (ou Basile le Grand), nĂ© Ă  CĂ©sarĂ©e vers 329, mort en 379. Il dĂ©veloppa le concept de la TrinitĂ© se basant sur la similitude de nature entre le PĂšre et le Fils. Remarquable organisateur, il rĂ©digea une rĂšgle encourageant le rĂŽle Ă©conomique et social des moines[17].
  • GrĂ©goire de Nysse, frĂšre de Basile le Grand, nĂ© entre 335 et 340, mort aprĂšs 394. ThĂ©ologien, il participa aux querelles avec les Ariens. TrĂšs intĂ©ressĂ© par les questions scientifiques, il aborde souvent des sujets physiques, physiologiques ou mĂ©dicaux[18].
  • GrĂ©goire de Nazianze (ou GrĂ©goire le ThĂ©ologien), nĂ© en 329/330, mort en 390. D’abord moine, il fut ensuite patriarche de Constantinople. Auteur prolifique, il Ă©crivit 354 Ă©pigrammes, nombre de lettres et sermons dans lesquels il se rĂ©vĂšle un ardent partisan de l’orthodoxie nicĂ©enne. Il reçut le titre de « ThĂ©ologien » au concile de ChalcĂ©doine pour son rĂŽle dans les conflits dogmatiques de l’époque[19].

Parmi les Ă©crivains de l’époque, on compte Ă©galement :

  • Jean Chrysostome. Issu d’une excellente famille ayant reçu une Ă©ducation poussĂ©e, il fut d’abord moine avant de s’établir Ă  Constantinople oĂč il fut impliquĂ© dans les querelles contre le pouvoir grandissant des Goths ariens. Grand prĂ©dicateur, ces homĂ©lies remplissent prĂšs de 2000 manuscrits. Il y met l’accent sur l’interprĂ©tation littĂ©rale des Ă©critures, refusant les interprĂ©tations allĂ©goriques[20].
  • EusĂšbe de CĂ©sarĂ©e. NĂ© vers 260, mort en 339/340. A vĂ©cu la fin des persĂ©cutions et est devenu Ă©vĂȘque de CĂ©sarĂ©e dĂšs la promulgation de l’ « Ă©dit de tolĂ©rance ». Il fut Ă  la fois thĂ©ologien (trĂšs prĂšs des Ariens) et historien, Ă©crivant une Histoire de l’Église qu’il rĂ©visa plusieurs fois pour la conformer Ă  la situation politique de l’époque ainsi qu’une Vie de Constantin[21].
  • Socrate de Constantinople, nĂ© vers 380, mort aprĂšs 439. Historien ecclĂ©siastique. Son Histoire de l’Église reprend celle d’EusĂšbe de CĂ©sarĂ©e et couvre la pĂ©riode 305-439 en sept volumes, chacun consacrĂ© Ă  la vie d’un empereur[22].
  • Athanase d’Alexandrie, nĂ© en 295, mort en 373, thĂ©ologien et philosophe. Son Ɠuvre principale est une rĂ©futation de l’arianisme en quatre volumes. Il Ă©crivit Ă©galement une Vie de saint Antoine qui contribua Ă  l’expansion du monachisme[23].
  • Palladios (d’HĂ©lĂ©nopolis), nĂ© en 363 ou 364, mort vers 340. EcclĂ©siastique et Ă©crivain, il fut d’abord Ă©vĂȘque d’HĂ©lĂ©nopolis avant d’ĂȘtre dĂ©posĂ© en raison de son appui Ă  Jean Chrysostome. Il fut par la suite Ă©vĂȘque d’Aspuna. Il est l’auteur de l’Histoire lausiaque, dĂ©crivant le dĂ©veloppement du monachisme Ă©gyptien. On lui doit aussi les Dialogues sur la vie de saint Jean Chrysostome et un TraitĂ© sur les peuples de l’Inde et les brahmanes[24].
  • Priscus (historien) de Thrace, nĂ© entre 410 et 420, mort aprĂšs 472. Diplomate et Ă©crivain, il prit part Ă  une ambassade en 449 qui se rendit chez les Huns. Il fut l’une des principales sources sur Attila et les Huns pour les auteurs du VIe siĂšcle[25].
  • Zosime, nĂ© vers 460, mort Ă  une date inconnue. Fonctionnaire du TrĂ©sor impĂ©rial. Un des derniers historiens paĂŻens, il Ă©crivit une Nouvelle Histoire qui va jusqu’au siĂšge de Rome par Alaric Ier[26].
  • Amien Marcellin, nĂ© vers 330, mort vers 395. Quoique d’origine grecque syrienne, il fut l’un des derniers historiens paĂŻens et aussi l’un des derniers Ă  utiliser le latin. Son Ɠuvre principale, Res gestae, continue l’Histoire de Tacite et va de 96 Ă  378 ap. J.-C.[27].

Le rĂšgne de Justinien marqua la fin de cette pĂ©riode d’intense activitĂ©. L’empereur lui-mĂȘme composa de nombreux hymnes et Ă©crits dogmatiques. Il encouragea plusieurs historiens comme Procope de CĂ©sarĂ©e (voir sous « Histoire ») qui relatĂšrent ses expĂ©ditions.

  • Pierre le Patrice, nĂ© vers 500, mort vers 500-565. Avocat et diplomate originaire d’Illyrie, on lui doit une Histoire de l’Empire romain qui va de la mort de Jules CĂ©sar en 44 Ă  la mort de Constance II en 361 ainsi qu’une histoire de la fonction de magister officiorum Ă  partir de sa crĂ©ation sous Constantin le Grand jusqu’à Justinien, dĂ©crivant entre autres les diverses cĂ©rĂ©monies impĂ©riales qui seront reprises par Constantin VII PorphyrogĂ©nĂšte dans son De Ceremoniis[28].
  • Agathias (dit Le Scholastique), nĂ© vers 532, mort vers 580. Originaire d’Asie mineure, il fut d’abord fonctionnaire Ă  Smyrne avant de devenir un avocat renommĂ© Ă  Constantinople. Il est l’auteur de courts poĂšmes et Ă©pigrammes, mais est surtout connu pour son Histoire de Justinien qui continue l’Ɠuvre de Procope de CĂ©sarĂ©e et retrace les activitĂ©s de l’empereur de 552 Ă  558[29].
  • Jean d’ÉphĂšse (aussi appelĂ© Jean d’Asie ou Jean d’Amida), nĂ© vers 507, mort aprĂšs 585. ÉvĂȘque monophysite et Ă©crivain religieux de langue syriaque, il est l’auteur des Vies des bienheureux orientaux, ensemble de 58 brĂšves biographies de moines et d'ascĂštes de MĂ©sopotamie, ainsi que d’une Histoire ecclĂ©siastique couvrant la pĂ©riode allant de Jules CĂ©sar Ă  585 interrompue sans doute par son dĂ©cĂšs[30].
  • Agathias de Myrina. NĂ© vers 530, mort entre 582 et 594. Avocat, poĂšte et historien.

PĂ©riode sombre (VIIe et VIIIe siĂšcles)

SuccĂšde Ă  cette riche pĂ©riode, une autre relativement sombre oĂč seuls quelques thĂ©ologiens demeurent actifs (Maxime le Confesseur et Germanos I Ă  Constantinople, Jean DamascĂšne en Syrie). C’est une Ă©poque troublĂ©e tant sur le plan intĂ©rieur (succession de plusieurs empereurs) qu’extĂ©rieur (invasions), oĂč la vie urbaine et l’éducation dĂ©clinent et avec elles l’utilisation de la langue et du style classiques. C’est aussi la pĂ©riode de l’iconoclasme oĂč de nombreuses Ɠuvres artistiques et littĂ©raires sont dĂ©truites[1] - [15]. La plupart des Ă©crivains de la dynastie d’HĂ©raclius viennent des provinces d’Orient dont certaines sont dĂ©jĂ  sous contrĂŽle musulman. Au sein de l’empire, c’est la pĂ©riode de l’iconoclasme qui produisit une littĂ©rature religieuse abondante, mais dont seuls nous sont parvenus les textes des auteurs opposĂ©s Ă  ce mouvement. La pĂ©riode produisit peu de vĂ©ritables historiens, mais plusieurs chroniqueurs qui nous permettent de bien comprendre la pĂ©riode.

Quelques auteurs

  • Georges de Pisidie. Voir sous « PoĂ©sie profane ».
  • Jean d’Antioche (chroniqueur). On semble confondre sous ce nom deux auteurs, l’un ayant vĂ©cu au VIIe siĂšcle qui a Ă©crit une Histoire du monde allant d’Adam Ă  610, l’autre ayant vĂ©cu au Xe siĂšcle. Il est pratiquement impossible de dĂ©partager les textes appartenant Ă  l’un et Ă  l’autre[31].
  • Maxime le Confesseur, nĂ© 580, mort en 662, moine et thĂ©ologien. Il fut asekretis (secrĂ©taire impĂ©rial) Ă  la cour d’HĂ©raclius. Il dĂ©fendit l’orthodoxie lors de la querelle du monothĂ©lisme et fut accusĂ© par Constance II de trahison. Auteur religieux prolifique, influencĂ© par les « PĂšres de Cappadoce » (voir ci-haut), il fut le vĂ©ritable crĂ©ateur du mysticisme byzantin[32].
  • Sophrone de JĂ©rusalem. Voir sous « Hagiographie ».
  • AndrĂ© de CrĂšte (hymnographe), nĂ© vers 660, mort vraisemblablement en 740. Natif de Damas, il vĂ©cut en Syrie et en Palestine aprĂšs la conquĂȘte par les Arabes avant de devenir Ă©vĂȘque de CrĂšte. Il composa de nombreux hymnes religieux dont le Grand Canon, encore lu dans les Ă©glises orthodoxes durant le carĂȘme. Il est considĂ©rĂ© comme le crĂ©ateur de ce genre qui remplaça le kontakion (voir sous « PoĂ©sie religieuse »)[33].
  • NicĂ©phore Ier de Constantinople, nĂ© vers 758, mort en 828, thĂ©ologien et historien. Il Ă©crivit plusieurs livres pour dĂ©fendre les icĂŽnes. Son Historia Syntomos (Breviarum) dĂ©crit les Ă©vĂšnements de 602 Ă  769 ; son Chronographikon constitue une liste des souverains depuis la crĂ©ation du monde jusqu’en 829[34].

Renouveau littéraire (IXe et Xe siÚcles)

ThĂ©odore le Studite d'aprĂšs une mosaĂŻque du XIe siĂšcle
Saint Théodore le Studite d'aprÚs une mosaïque du monastÚre Nea Moni de Chios (XIe siÚcle)

Sur le plan littĂ©raire, ce que l’on a appelĂ© la « renaissance macĂ©donienne » se distingue moins par sa crĂ©ativitĂ© que par sa volontĂ© de rassembler, de copier et de structurer la culture hellĂ©nico-chrĂ©tienne de l’antiquitĂ© tardive. À cette fin, on compila et on structura ce qui s’était dĂ©jĂ  fait. Ce fut l’époque des manuels, que ce soit de la hiĂ©rarchie bureaucratique (taktika), de la stratĂ©gie ou des tactiques militaires (strategika), du droit romain (basilika) ou des rĂšgles Ă  suivre par les corporations de la capitale (Le livre de l’éparque). Constantin VII PorphyrogĂ©nĂšte et sa cour donnĂšrent le ton avec des traitĂ©s comme le De thematibus, le De administrando imperio et le De ceremoniis[35].

Le IXe siĂšcle fut dominĂ© par des moines et des ecclĂ©siastiques comme ThĂ©ophane le Confesseur, ThĂ©odore le Studite et Georges Hamartolos. Ils furent remplacĂ©s au siĂšcle suivant par des fonctionnaires civils et ecclĂ©siastiques qui assemblĂšrent et publiĂšrent les textes des vieux maĂźtres comme Platon, HomĂšre et Aristote. Aux hĂ©ros excentriques des siĂšcles prĂ©cĂ©dents s’ajoutent des personnages plus rĂ©els comme Philaretos le gĂ©nĂ©reux, riche aristocrate qui donna presque toute sa fortune aux pauvres ou des moines et religieuses se soumettant avec obĂ©issance Ă  la discipline monastique comme ThĂ©odora de Thessalonique ou IrĂšne de Chrysobalanton.

La seule vĂ©ritable nouveautĂ© est le remplacement de l’écriture onciale, basĂ©e sur la majuscule et l’ancienne cursive romaine utilisĂ©e du IIIe au VIIIe siĂšcle par la minuscule caroline. Toutefois, la langue populaire demeura proscrite et de nombreuses vies de saints furent rĂ©Ă©crites dans un langage aussi archaĂŻsant que pompeux[1] - [8].

Quelques auteurs

  • Constantin CĂ©phalas (dates de naissance et de dĂ©cĂšs inconnues), compilateur, ayant travaillĂ© Ă  l'anthologie grecque.
  • Georges le Syncelle (date de naissance inconnue, mort aprĂšs 810), ecclĂ©siastique et chroniqueur byzantin. Moine, il fut appelĂ© Ă  servir de syncelle (secrĂ©taire privĂ©) au patriarche Taraise de Constantinople. Au dĂ©cĂšs de celui-ci il se retira dans un monastĂšre oĂč il Ă©crivit son Extrait de Chronographie (Ekloge chronographias), qui embrasse des Ă©vĂ©nements du monde depuis Adam et Ève jusqu'au dĂ©but du rĂšgne de DioclĂ©tien[36].
  • ThĂ©ophane le Confesseur. Voir sous « Histoire ».
  • Georges le Moine (ou Georges HarmatĂŽlos) (dates de naissance et de mort inconnues), chroniqueur. Il a laissĂ© une chronique universelle en quatre livres, racontant l'histoire du monde depuis la CrĂ©ation jusqu'en l'an 842, centrĂ©e principalement sur les Ă©vĂšnements religieux[37].
  • Jean DamascĂšne. Voir sous « PoĂ©sie religieuse ».
  • ThĂ©odore le Studite. Voir sous « PoĂ©sie religieuse ».
  • Cassienne de Constantinople, nĂ©e entre 800 et 810, morte entre 843 et 867. Elle fut pressentie comme Ă©pouse possible de l’empereur ThĂ©ophile qui lui prĂ©fĂ©ra ThĂ©odora. Devenue religieuse, elle fonda un couvent Ă  Constantinople et composa (ou fit composer) de nombreux hymnes liturgiques[38].
  • Photius. Voir sous « RhĂ©torique ».
  • Jean VII le Grammairien, nĂ© Ă  la fin du VIIIe s., mort aprĂšs 867. Originaire de Constantinople, il fut d’abord iconodoule avant de se faire iconoclaste. Il fut choisi par l’empereur LĂ©on V pour compiler un florilĂšge de textes devant servir Ă  condamner le culte des images lors du concile de Constantinople en 815 et est surtout connu comme un orateur de renom. Il fut dĂ©posĂ© lors du retour des images[39].
  • LĂ©on VI le Sage, nĂ© en 866, mort en 912, empereur et Ă©lĂšve de Photius. Il Ă©crivit de nombreux sermons, hymnes liturgiques et autres. Il protĂ©gea et encouragea les gens de lettres, si bien que « le palais impĂ©rial se transformait de temps Ă  autre en une nouvelle acadĂ©mie ou lycĂ©e[40].
  • Constantin VII PorphyrogĂ©nĂšte, nĂ© en 905, mort en 959. Empereur, il fut le centre d’une intense activitĂ© littĂ©raire Ă  laquelle il participa personnellement en composant des Ɠuvres historiques, politiques et hagiographiques comme le De administrando imperii, le De Ceremonis, le De Thematibus et la Vita Basilii[41].
  • Souda (?). On ne connait pas l’identitĂ© de l’auteur ou des auteurs que recouvre ce nom. Le Lexicon, dit « de Souda », fut composĂ© possiblement Ă  la fin du IXe siĂšcle et fut remaniĂ© Ă  de nombreuses reprises dans les siĂšcles qui suivirent. Il comprenait environ 30 000 entrĂ©es et constituait une « compilation de compilations » (Lemerle) reprĂ©sentant le savoir universel de l’époque[42].
  • ArĂ©thas de CĂ©sarĂ©e, nĂ© vers 860, mort en 893, prĂ©lat considĂ©rĂ© comme l’un des plus grands philologues et humanistes byzantins, auteur de Commentaires sur l’Apocalypse basĂ©s sur AndrĂ© de CĂ©sarĂ©e, de Notes sur Platon, Lucien et EusĂšbe ainsi que d’une abondante correspondance sur les questions politiques et religieuses de son temps[43].
  • Nicholas Ier Mystikos, nĂ© en 852, mort en 924, patriarche de Constantinople. Il a laissĂ© 150 lettres qui sont une excellente source de renseignements sur l’histoire et les relations ecclĂ©siastiques entre Byzance et le sud de l’Italie, avec la Bulgarie et la rĂ©gion du Caucase, ainsi que divers ouvrages canoniques[44].
  • LĂ©on le Diacre, nĂ© en 950, mort vers 992, historien. Son Histoire couvre la pĂ©riode de 959 Ă  976 (expĂ©ditions de Basile II contre les Bulgares et guerres de Sviatoslav de la Rous’ contre les Grecs[45].
  • Jean GĂ©omĂštre (ou Jean KyriotĂšs). Voir sous « PoĂ©sie profane »

La Pré-Renaissance (XIe et XIIe siÚcles)

Dans cette pĂ©riode se fait jour une rĂ©action contre l’encyclopĂ©disme de la pĂ©riode prĂ©cĂ©dente. Un nouveau type d’écrivain Ă©merge qui n’est ni moine, ni fonctionnaire, mais plutĂŽt un intellectuel, voire un poĂšte professionnel, conscient de son talent et dĂ©sireux de faire connaitre son expĂ©rience personnelle dans des romans d’aventure ou d’amour oĂč les personnages ne sont plus des caractĂšres extrĂȘmes, mais peuvent allier en eux les qualitĂ©s du hĂ©ros et les dĂ©fauts de l’anti-hĂ©ros (Psellos, NicĂ©tas Choniates). Toutefois, la tradition demeure utilisĂ©e non seulement comme source, mais aussi comme moyen d’interprĂ©ter la rĂ©alitĂ© (Eusthate de Thessalonique).

La langue vernaculaire fait une timide entrĂ©e en littĂ©rature de mĂȘme qu’un certain humour, alors que des genres plus sĂ©rieux comme l’hagiographie sont abandonnĂ©s au profit de la satire.

Quelques auteurs

  • Christophe de MytilĂšne, nĂ© vers 1000, mort aprĂšs 1050, haut fonctionnaire et poĂšte, qui a laissĂ© une collection de 150 poĂšmes, souvent satiriques, sur divers sujets : l’araignĂ©e, les maris trompĂ©s, les pseudo-intellectuels. Il a Ă©galement rĂ©digĂ© quatre calendriers de saints commĂ©morant tous les saints et les fĂȘtes de la liturgie orthodoxe[46].
  • Anne ComnĂšne. Voir sous « Histoire ».
  • Michel Psellos. Voir sous « RhĂ©torique ».
  • Michel AttaleiatĂšs, nĂ© vers 1022, mort aprĂšs 1085, haut fonctionnaire (juge) et historien. Son Histoire, couvrant la pĂ©riode 1034 Ă  1079/1080, oppose la gloire de la Rome antique au dĂ©clin politique et militaire de Byzance en son temps. Il a aussi laissĂ© un traitĂ© de loi, court et de style simple, visant Ă  rendre celle-ci accessible Ă  tous[47].
  • NicĂ©phore Bryenne (1062-1137), nĂ© vers 1064, mort vers 1136, militaire et historien. Fils du gĂ©nĂ©ral du mĂȘme nom et Ă©poux d’Anne ComnĂšne, il a laissĂ© un ouvrage inachevĂ©, MatĂ©riel pour une Histoire, sorte de chronique des grandes familles de son temps, expliquant en style simple la montĂ©e de la famille ComnĂšne (1070-1079)[48].
  • Jean Cinnamus, nĂ© vers 1143, mort aprĂšs 1185, secrĂ©taire impĂ©rial et historien. Il Ă©crivit une Histoire couvrant les rĂšgnes de Jean II et Manuel ComnĂšne (1118-1176) qui est une continuation de l’Ɠuvre d’Anne ComnĂšne[49].
  • Michel ChoniatĂšs et NicĂ©tas ChoniatĂšs, dits Acominati, deux frĂšres originaires de Chonae en Asie mineure. Michel (vers 1140-1220) fut Ă©vĂȘque d’AthĂšnes. Il a laissĂ© une vaste sĂ©lection de sermons, discours, poĂšmes et lettres dans lesquelles il dĂ©plore la pauvretĂ© intellectuelle d’AthĂšnes Ă  son Ă©poque. NicĂ©tas (vers 1155-1215/1216) fut haut fonctionnaire et historien. Il a Ă©crit une Histoire de l’Empire romain d’Orient qui va du rĂšgne de Manuel Ă  la prise de Constantinople par les croisĂ©s[50].
  • Eustathe de Thessalonique. Voir sous « Hagiographie ».
  • ThĂ©ophylacte d'Ohrid, nĂ© vers 1050, mort aprĂšs 1126, archevĂȘque d’Acrida (Ohrid) en Bulgarie, alors sous contrĂŽle byzantin. D’abord tuteur du jeune Constantin Doukas, il rĂ©digea vers 1085 un Miroir des Princes traçant le portrait de l’empereur idĂ©al. Il fut ensuite nommĂ© archevĂȘque d’Ohrid oĂč il se consacra pendant vingt ans Ă  Ă©duquer ses fidĂšles dont il dĂ©plorait la rudesse. Il rĂ©digea Ă©galement de nombreux commentaires sur les Écritures Ă  l’intention de ses fidĂšles[51].
  • Jean TzĂ©tzĂšs. Voir sous « Hagiographie ».
  • ThĂ©odore Prodrome. Voir sous « Pamphlets et satires ».
  • Constantin StilbĂšs, actif Ă  la fin du XIIe et au dĂ©but du XIIIe siĂšcles, prĂ©lat (mĂ©tropolite de Cyzique), rhĂ©toricien et poĂšte. Son Ɠuvre comprend des discours dont un panĂ©gyrique de l’empereur Isaac II l’Ange et un MĂ©moire contre l’Église latine, contenant Ă  la fois des griefs de nature thĂ©ologique et des protestations contre les forfaits des croisĂ©s lors de la prise de Constantinople[52].

De l’occupation latine à l’occupation turque (XIIIe et XVe siùcles)

Jean VI CantacuzÚne présidant un synode
Jean VI CantacuzÚne présidant un synode. Il terminera ses jours en exil à Mistra. Traités théologiques de Jean VI CantacuzÚne, BNF Gr.1242.

La pĂ©riode qui va de la prise de Constantinople par les CroisĂ©s (1204) Ă  celle de la conquĂȘte par les Turcs (1453) est une pĂ©riode de dĂ©couragement : on ne croit plus en l’assistance divine pour assurer la victoire de l’orthodoxie sur les barbares. Il naĂźt alors une conception tragique de l’histoire (Laonicos Chalcondyle) dans laquelle le hĂ©ros peut ĂȘtre dĂ©fait (Jean VI CantacuzĂšne).

Par ailleurs, les contacts avec l’Occident se font plus nombreux. Avec la crĂ©ation des États latins apparaĂźt une littĂ©rature chevaleresque que racontent des chroniques comme la Chronique de MorĂ©e ou la Chronique de Tocco. Certains Ă©crivains, surtout ceux qui ont acceptĂ© le catholicisme romain, commencent Ă  traduire les auteurs latins en grec. D’autres, comme PlĂ©thon ou Bessarion, Ă©migrent en Italie oĂč ils reçoivent un accueil chaleureux d’hellĂšnophiles comme le Calabrais Barlaam et enseignent le grec tout en encourageant les traductions des anciens auteurs en latin.

Convaincus de leur supĂ©rioritĂ© intellectuelle sur l’avance militaire et Ă©conomique de l’Occident, ils tiennent davantage au langage archaĂŻsant des classiques. À l’opposĂ©, la langue vernaculaire, qui avait fait son apparition Ă  la pĂ©riode prĂ©cĂ©dente, s’affirme, bien qu’encore timidement, dans des romances poĂ©tiques ou dans l’hagiographie qui connaĂźt une nouvelle popularitĂ©[15].

Quelques auteurs

  • NicĂ©phore BlemmydĂšs, nĂ© en 1197, mort vers 1269, thĂ©ologien et philosophe. D’abord directeur de l’école impĂ©riale de NicĂ©e, il se fait moine et, grĂące Ă  sa vaste Ă©rudition, dĂ©fend Ă©nergiquement la position orthodoxe au cours des dĂ©bats avec les Latins, Ă©crivant dans ce but nombre de traitĂ©s thĂ©ologiques. il est aussi l’auteur d’un manuel de philosophie aristotĂ©licienne, de deux autobiographies, d’un manuel de gĂ©ographie et d’un traitĂ© politique, la Statue impĂ©riale (ÎČασÎčλÎčÎșός ÎŹÎœÎŽÏÎčÎŹÏ‚) qui trace le portrait de l’empereur parfait[53].
  • ThĂ©odore II Lascaris, nĂ© en 1221, mort en 1258, empereur byzantin Ă  NicĂ©e. Grand intellectuel, il fut fortement influencĂ© par NicĂ©phore BlemmydĂšs qui Ă©crivit pour lui la Statue impĂ©riale. Il Ă©crivit plusieurs traitĂ©s sur des sujets philosophiques et religieux ainsi que des piĂšces de rhĂ©torique comme l’enkomion (louange) pour la ville de NicĂ©e. Son abondante correspondance dĂ©montre ses vastes connaissances des sciences naturelles et des mathĂ©matiques[54].
  • Georges Acropolite, nĂ© en 1217, mort en 1282, historien, diplomate et haut fonctionnaire de Jean VatatzĂšs. Sa Chronique est une continuation de l’ouvrage de NicĂ©tas ChoniatĂšs et trace l’histoire de l’empire depuis la prise de Constantinople par les Latins jusqu’à la reprise de la capitale par Michel VIII. Ambassadeur auprĂšs de GrĂ©goire X au deuxiĂšme concile de Lyon, il composa deux traitĂ©s sur la procession du saint Esprit[55].
  • Nicolas MĂ©saritĂšs, nĂ© vers 1163, mort aprĂšs 1214, ecclĂ©siastique et Ă©crivain. Il appartient Ă  l’école qui veut dĂ©finir de nouveaux critĂšres esthĂ©tiques. Il est l’auteur d’une ekphrasis (description) de l’église des Saints-ApĂŽtres oĂč Ă©taient inhumĂ©s les empereurs byzantins et qui fut dĂ©truite par les Turcs en 1453[56].
  • Jean Apokaukos, nĂ© vers 1155, mort en 1233, ecclĂ©siastique et thĂ©ologien. Il joua un rĂŽle important dans les luttes d’influence entre les Églises du despotat d’Épire et le patriarcat ƓcumĂ©nique rĂ©fugiĂ© Ă  NicĂ©e. Son abondante correspondance nous fait dĂ©couvrir l’histoire sociale et juridique de cette pĂ©riode[57].
  • Maxime Planude, nĂ© vers 1260, mort en 1305, philologue et grammairien, cĂ©lĂšbre pour la nouvelle Ă©dition qu'il donna de l'Anthologie grecque, il est, avec Thomas Magistros, DĂ©mĂ©trios Triclinios, Manuel Moschopoulos, ThĂ©odora Raoulaina et Jean ZaridĂšs, l'un des grands savants de l'Ă©poque d'Andronic II.
  • GĂ©miste PlĂ©thon. Voir sous « RhĂ©torique ».
  • Jean VI CantacuzĂšne, nĂ© vers 1295, mort en 1383, empereur byzantin. AprĂšs son abdication en 1354, Jean CantacuzĂšne se fit moine au couvent Saint-Georges-des-Manganes. Il consacre la fin de sa vie Ă  la rĂ©daction de ses MĂ©moires couvrant la pĂ©riode 1320 Ă  1356[58].
  • Georges PachymĂšre. Voir sous « Histoire ».
  • NicĂ©phore Calliste Xanthopoulos, nĂ© avant 1256, mort vers 1335, moine et historien. Il est surtout connu pour son Histoire ecclĂ©siastique dont nous ne possĂ©dons que les livres allant de la naissance du Christ au VIIe siĂšcle[59]
  • NicĂ©phore GrĂ©goras, nĂ© vers 1290, mort en 1360, historien, philosophe, savant et humaniste. AprĂšs des annĂ©es d’enseignement, il participa activement aux querelles entourant l’hĂ©sychasme. Esprit universel, il Ă©crivit sur pratiquement tous les sujets de son temps. Son Ɠuvre la plus importante est son Histoire romaine, couvrant la pĂ©riode allant de 1204 Ă  1359. Sa Correspondance comprend 161 lettres adressĂ©es Ă  des contemporains Ă©minents[60].
  • Georges SphrantzĂšs. Voir sous « Histoire ».
  • (PrĂ©nom inconnu) Doukas, nĂ© vers 1400, mort aprĂšs 1462, historien. Il a Ă©crit une Histoire de l’Empire d’Orient qui va de 1341 (avĂšnement de Jean V) Ă  1462 (conquĂȘte de Lesbos par les Turcs) dans laquelle il insiste sur l’immoralitĂ© du sultan Mehmet II, voit la chute de Constantinople comme une punition divine et appuie l’union avec Rome[61].
  • Laonicos Chalcondyle (ou Chalcocondyles), nĂ© vers 1423, mort vers 1490, historien. Il a Ă©crit une Histoire en dix volumes qui couvre la pĂ©riode de 1298 Ă  1463 dans laquelle il s’attarde moins sur la dynastie des PalĂ©ologues que sur les Ottomans et leurs souverains[62].

La question de l’union des Églises d’Orient et d’Occident ainsi que celle de l’hĂ©sychasme produisirent, sous les PalĂ©ologues, une intense activitĂ© littĂ©raire. Seuls les Ă©crivains les plus reprĂ©sentatifs sont mentionnĂ©s ci-aprĂšs.

  • DĂ©mĂ©trios Kydones, nĂ© vers 1320, mort vers 1397, thĂ©ologien, traducteur et haut fonctionnaire, il fut partisan de la rĂ©conciliation avec Rome. Il traduisit en grec bon nombre d’auteurs latins comme saint Augustin et saint Thomas. Il est l’auteur de six textes rhĂ©toriques et polĂ©miques appelĂ©s Apologies, de discours d’exhortation aux Byzantins pour qu’ils s’unissent contre les Turcs et d’une abondante correspondance avec des personnalitĂ©s Ă©minentes de son temps[63].
  • Basilius Bessarion (ou Jean Bessarion), nĂ© en 1403, mort en 1472, patriarche latin de Constantinople et cardinal. D’abord higoumĂšne du monastĂšre Saint-Basile, il accompagna Jean VIII au concile de Florence. DĂ©fendant d’abord la position grecque, il Ă©volua et finit par plaider la rĂ©conciliation des deux Églises. Converti au catholicisme, il fut fait cardinal par EugĂšne IV. Ses Ă©crits firent revivre en Italie le gout de la philosophie platonicienne[64].
  • GrĂ©goire Palamas, nĂ© en 1296, mort en 1359, moine, thĂ©ologien et archevĂȘque de Thessalonique. Durant les pourparlers sur l’union des Églises, il Ă©crivit un traitĂ© rĂ©solument hostile Ă  tout compromis avec les Latins. Dans les annĂ©es 1326/1327 il entra en conflit avec un moine italien, Barlaam le Calabrais, ce qui le conduisit Ă  Ă©crire de nombreux ouvrages dĂ©fendant l’hĂ©sychasme[65].
  • Nicolas Cabasilas. Voir sous « Pamphlets et satires ».
  • Gemiste PlĂ©thon. Voir sous « RhĂ©torique ».
  • GrĂ©goire II de Chypre. Voir sous « Hagiographie ».
  • ThĂ©odore MĂ©tochitĂšs, nĂ© en 1270, mort en 1332, homme politique, Ă©crivain et philosophe. Esprit universel, MĂ©tochitĂšs a laissĂ© une Ɠuvre qui touche Ă  tous les domaines connus de son temps et reflĂ©tant son gout pour l’AntiquitĂ© classique. En prose, il Ă©crivit des discours, des commentaires sur la philosophie d’Aristote, des ouvrages d’astronomie et des textes hagiographiques. On lui doit Ă©galement 20 poĂšmes dont trois oraisons funĂšbres[66].
  • NicĂ©phore GrĂ©goras. Voir sous « RhĂ©torique ».
  • Constantin HarmĂ©nopoulos, juriste et juge Ă  Thessalonique. On lui doit l’Exabiblos, la derniĂšre grande compilation de droit civil et criminel byzantin comprenant en annexe un Droit agraire. Cette compilation servit de code juridique aux chrĂ©tiens orthodoxes vivant dans l’Empire turc. Il est aussi l’auteur d’un droit canon intitulĂ© Epitome canonum[67].
  • Manuel PhilĂšs. Voir sous « PoĂ©sie profane ».
  • ThĂ©odore MĂ©litĂ©niotĂšs, nĂ© vers 1320, mort en 1393, religieux et savant. Il est l’auteur d’un traitĂ© intitulĂ© Trois livres d’astronomie, l’un des ouvrages scientifiques le plus complet de l’époque byzantine, d’un long poĂšme intitulĂ© Sur la tempĂ©rance et de Commentaires sur les Évangiles en trois livres[68].

Les genres littéraires

Nombreux sont les Ă©crivains byzantins qui sont en fait des esprits universels ayant touchĂ© Ă  plus d’un genre littĂ©raire. Si certains sont davantage connus pour une Ɠuvre se classant dans l’une ou l’autre des genres Ă©numĂ©rĂ©s ci-aprĂšs ils peuvent avoir Ă©crit des Ɠuvres appartenant Ă  d’autres genres littĂ©raires[N 3].

La rhétorique

Tel que dĂ©jĂ  mentionnĂ©, la littĂ©rature byzantine Ă©tait davantage faite pour ĂȘtre dĂ©clamĂ©e Ă  voix haute plus que pour ĂȘtre lue. D’oĂč l’importance de la rhĂ©torique, « codification de la mĂ©thode, des procĂ©dĂ©s observĂ©s chez les grands orateurs, pour Ă©mouvoir et convaincre leurs auditeurs, en s’adressant Ă  leurs sentiments et Ă  leur jugement »[69]. Avec la philosophie, elle formait l’une des principales composantes de l’éducation de tout jeune se destinant Ă  une charge publique.

Les modĂšles le plus souvent imitĂ©s demeurĂšrent longtemps DĂ©mosthĂšne et Ailos Aristeides. Des recueils de discours comme ceux d’HermogĂšne de Tarse (161-180 ap. J.-C.) sur les genres de styles et les catĂ©gories d’arguments ou des traitĂ©s comme ceux attribuĂ©s Ă  MĂ©nandre servaient de rĂšgles qu’il fallait imiter (mimesis) tant en ce qui concernait le style que le contenu[70]. CodifiĂ©es par l’un des plus cĂ©lĂšbres rhĂ©teurs paĂŻens de l’antiquitĂ©, Libanius d’Antioche (314-391), ces rĂšgles furent modifiĂ©es au Ve siĂšcle lors de la crĂ©ation d’une Ă©cole de rhĂ©torique chrĂ©tienne Ă  Gaza. Procope, son fondateur, s’appliqua Ă  remplacer les exemples tirĂ©s de la mythologie paĂŻenne par des exemples tirĂ©s des Saintes Écritures[71].

On peut distinguer dans ces longs discours au style ampoulĂ©, aux longues phrases redondantes, qui ont en grande partie valu sa triste rĂ©putation Ă  la littĂ©rature byzantine, cinq grandes catĂ©gories : les panĂ©gyriques impĂ©riaux (enkomion / έγÎșώΌÎčÎżÎœ) ou discours stĂ©rĂ©otypĂ©s Ă  la gloire des empereurs ; les oraisons funĂšbres (epitaphios logos / έπÎčÏ„ÎŹÏ†ÎčÎżÏ‚ Î»ÏŒÎłÎżÏ‚), tout aussi stĂ©rĂ©otypĂ©es, qui constituent moins un rĂ©sumĂ© la vie de l’empereur, du patriarche ou du dignitaire dĂ©funt qu’un catalogue de ses vertus et de ses exploits ; les traitĂ©s parĂ©nĂ©tiques retraçant les devoirs des souverains ; les descriptions (ጔÎșφρασÎčς), exercices de style sur les sujets les plus divers proposĂ©s par les maitres Ă  leurs Ă©lĂšves ; l’art Ă©pistolaire, soumis Ă  des modĂšles stricts, que ce soit pour des remerciements, des requĂȘtes ou mĂȘme les Ă©dits impĂ©riaux et chrysobules[72].

Quelques auteurs

À cause de son importance, la rhĂ©torique est prĂ©sente dans tous les autres genres que ce soit l’historiographie, l’hagiographie, la poĂ©sie ou l’épistolographie. Tous les grands auteurs furent ainsi Ă  divers niveaux des rhĂ©teurs. Parmi les grands noms qui Ă©mergent, citons Ă  travers les siĂšcles :

  • Photios (ΊώτÎčÎżÏ‚ / PhÎżtios ; IXe siĂšcle). Patriarche de Constantinople, Ă©rudit et historien. NĂ© dans une famille noble de la capitale, Photios (souvent nommĂ© sous la forme latine de Photius) acquit trĂšs jeune une vaste culture. Il devint rapidement enseignant, organisant des sĂ©ances de lecture Ă  partir d’anciens manuscrits pour ses disciples et amis, et Ă©crivant son « Lexique ». Vers 850, il fut nommĂ© prĂŽtoasĂškrĂštis, c'est-Ă -dire chef de la chancellerie impĂ©riale[N 4]. Quoique laĂŻc, il fut nommĂ© par Bardas patriarche de Constantinople. DestituĂ© une premiĂšre fois, il fut confirmĂ© dans ses fonctions par un synode en 880. Ami de l’empereur Basile Ier, il fut Ă  nouveau destituĂ© par son successeur, LĂ©on Ier et mourut en exil.
    • La BibliothĂšque (ΒÎčÎČλÎčοΞΟÎșη) ou Myriobiblion (ΜυρÎčÎżÎČÎŻÎČλÎčÎżÎœ), collection de 280 notices sur des textes littĂ©raires de genres variĂ©s ;
    • Lexique : compilation de plusieurs lexiques antĂ©rieurs, les plus anciens remontant Ă  l'Ă©poque romaine (Harpocration, DiogĂ©nien d'HĂ©raclĂ©e, Ælius Dionysius
);
    • Amphilochia : rĂ©ponses Ă  324 questions posĂ©es par l'un de ses disciples favoris, l'Ă©vĂȘque Amphiloque de Cyzique, sur des sujets d'exĂ©gĂšse biblique, de thĂ©ologie, plus rarement de philosophie et de grammaire ;
    • Une collection de 83 discours et homĂ©lies ;
    • Deux traitĂ©s dogmatiques contre la thĂ©ologie latine ;
    • Lettres : 299 connues (deux conservĂ©es seulement en armĂ©nien), datant surtout des deux patriarcats et de l'Ă©poque intermĂ©diaire, certaines constituant de vĂ©ritables traitĂ©s[73].
  • Michel (nom de moine) Psellos (ΜÎčÏ‡Î±ÎźÎ» ΚΔλλός ; XIe siĂšcle). Intellectuel et Ă©crivain. Issu d’une famille modeste, sa mĂšre lui fit nĂ©anmoins donner une excellente Ă©ducation. Il dut toutefois interrompre celle-ci pour travailler comme fonctionnaire en Anatolie. SecrĂ©taire d’un juge civil, il devint lui-mĂȘme juge Ă  Philadelphie. AppelĂ© Ă  la cour comme secrĂ©taire d’un tribunal impĂ©rial, il gravit rapidement les Ă©chelons et devint, sous Constantin IX, l’un des principaux personnages de l’empire. Philosophe de la cour, il reçut le titre de hypatos ton philosophon ou consul des philosophes. D’une incroyable Ă©rudition, son savoir englobait la philosophie, la rhĂ©torique, la gĂ©omĂ©trie, la thĂ©ologie, la mĂ©decine, l’histoire, etc.
    • La Chronographie, Histoire d'un siĂšcle de Byzance, 976-1077 ; Psellos s’y rĂ©vĂšle historien. L’Ɠuvre embrasse douze rĂšgnes impĂ©riaux de Basile II Ă  la chute de Michel VII. C’est l’une des plus importantes de l’historiographie byzantine.
    • L’Éloge de Michel CĂ©rullaire ;
    • L’ÉpĂźtre sur la ChrysopĂ©e, opuscules et extraits sur l'alchimie, la mĂ©tĂ©orologie et la dĂ©monologie ;
    • Les Oracles chaldaĂŻques, exposition sommaire et concise des croyances des anciens ChaldĂ©ens[74].
  • NicĂ©phore GrĂ©goras (ΝÎčÎșÎ·Ï†ÏŒÏÎżÏ‚ Î“ÏÎ·ÎłÎżÏáŸ¶Ï‚ ; fin du XIIIe - XIVe siĂšcle). Historien, philosophe, savant et humaniste byzantin. Orphelin dĂšs sa jeunesse, GrĂ©goras fut Ă©levĂ© par son oncle Jean, mĂ©tropolite d’HĂ©raclĂ©e du Pont. TrĂšs tĂŽt, GrĂ©goras fit la connaissance de ThĂ©odore MĂ©tochite qui le prĂ©senta Ă  l’empereur Andronic II. Partisan de Jean CantacuzĂšne pendant la guerre civile de 1341-1347, il prit la tĂȘte des ennemis de l’hĂ©sychasme. CondamnĂ© et anathĂ©matisĂ©, il fut enfermĂ© dans le monastĂšre du Saint-Sauveur-en-Chora. LibĂ©rĂ© aprĂšs la chute de CantacuzĂšne, il termina sa vie en rĂ©sidence surveillĂ©e, Ă©crivant beaucoup et demeurant constamment en butte aux attaques des partisans de Palamas.
    • Rhomanike Historia. 37 volumes couvrant la pĂ©riode 1204 Ă  1359.
    • Vies de saints : CaulĂ©an, Michel le Syncelle, Éloge de Saint DĂ©mĂ©trius, Martyre de Codrat d’Antioche, vie de Jean d’HĂ©raclĂ©e (son oncle).
    • Exercices de rhĂ©torique de jeunesse (Î ÏÎżÎłÏ…ÎŒÎœÎŹÏƒÎŒÎ±Ï„Î±) de divers genres : dĂ©clamation - Discours des dĂ©putĂ©s de PlatĂ©es devant les LacĂ©dĂ©moniens et les ThĂ©bains, Ă©loge - Éloge de l'amandier, rĂ©futation, RĂ©futation de ceux qui prĂ©tendent qu'il n'y a pas d'humilitĂ© chez l'homme.
    • Dialogues philosophiques comme le PhilomathĂšs et le Florentios .
    • Astronomie : Calcul de l’éclipse de soleil du 16 juillet 1330 d'aprĂšs les tables faciles de ThĂ©on d'Alexandrie.
    • Correspondance : 161 lettres, dont certaines adressĂ©es Ă  des contemporains connus (ThĂ©odore MĂ©tochite, Andronic II, Jean CantacuzĂšne
)[75].
  • GĂ©miste PlĂ©thon (ΓΔΌÎčστός Î Î»ÎźÎžÏ‰Îœ ; XIVe et XVe siĂšcles) : Philosophe nĂ©oplatonicien.
    Gémiste Pléthon, l'un des penseurs les plus originaux de son temps
    Gémiste Pléthon fut l'un des penseurs les plus originaux de son temps.
    AprĂšs des Ă©tudes au sein de l'Ă©cole platonicienne de Constantinople, il se rendit Ă  Andrinople oĂč enseignaient chrĂ©tiens, juifs et musulmans. Revenu enseigner Ă  Constantinople, ses cours sur Platon firent scandale et lui valurent d’ĂȘtre exilĂ© Ă  Mistra, devenu un important centre intellectuel dans le despotat de MorĂ©e. Il y dĂ©veloppa le concept d’une filiation entre les Byzantins et les Grecs de l’AntiquitĂ© et rĂ©digea un vaste plan de rĂ©formes politiques, Ă©conomiques, sociales et militaires basĂ©es sur les textes de Platon. Membre de la dĂ©lĂ©gation byzantine au concile de Florence (1437-1439), il y donna de nombreuses confĂ©rences qui firent revivre la pensĂ©e platonicienne en Europe de l’Ouest. De retour Ă  Mistra, il fut nommĂ© au SĂ©nat et devint magistrat de la ville. Il passa ses derniĂšres annĂ©es Ă  enseigner, Ă  Ă©crire et Ă  poursuivre la lutte qui l’opposait Ă  Gennade II Scholarios, patriarche de Constantinople et dĂ©fenseur d’Aristote.
    • Adresse au despote ThĂ©odore (II PalĂ©ologue) et Adresse Ă  Manuel (II), datant de 1415 et de 1418 dans lesquelles il Ă©labore son plan de rĂ©formes politiques, Ă©conomiques et sociales.
    • De Differentiis ou En quoi Aristote se diffĂ©rencie de Platon, Ă©tude du concept de la divinitĂ© chez Aristote et Platon.
    • Le TraitĂ© des lois, compilation des croyances Ă©sotĂ©riques de PlĂ©thon.
    • RĂ©sumĂ© des doctrines de Zoroastre et de Platon.
    • Oracles magiques des mages disciples de Zoroastre et Commentaire sur ces Oracles.
    • Prolegomena Artis Rhetoricae.
    • Oraison FunĂšbre pour ClĂ©opa ; Oraison FunĂšbre pour HĂ©lĂšne.
    • Du destin.
    • Des vertus[76].
  • Gennade II Scholarios (Î“Î”ÏŽÏÎłÎčÎżÏ‚ ÎšÎżÏ…ÏÏ„Î­ÏƒÎčÎżÏ‚ ÎŁÏ‡ÎżÎ»ÎŹÏÎčÎżÏ‚ ; Ve siĂšcle) : ThĂ©ologien et patriarche de Constantinople. Scholarios enseigna d’abord la logique et la physique Ă  Constantinople avant d’ĂȘtre nommĂ© sĂ©nateur et krites katholikos (juge de la Cour suprĂȘme en matiĂšre civile et ecclĂ©siastique sous les PalĂ©ologues). Il participa au concile de Florence oĂč il dĂ©fendit la position unioniste. Toutefois, Ă  son retour, il devint un opposant farouche de l’Union et prit la tĂȘte du mouvement anti-unioniste, ce qui lui valut d’ĂȘtre dĂ©posĂ© et de devoir entrer dans un monastĂšre. CapturĂ© par les Turcs lors de la chute de Constantinople, il servit trois fois comme patriarche, tentant de trouver un terrain d’accommodement avec les nouvelles autoritĂ©s. Parlant latin et grand admirateur de ce qui se passait en Occident, il traduisit et commenta saint Thomas d’Aquin. Il dĂ©fendit Ă©galement Aristote contre PlĂ©thon.
  • Son Ɠuvre (Scholarios fut un auteur prolifique (100 Ă  120 ouvrages), mais une bonne partie de ses textes demeurĂšrent manuscrits et ne furent jamais publiĂ©s.)
    • Discours et lettres prononcĂ©s pendant le Concile de Florence.
    • ƒuvres polĂ©miques contre les Latins sur la procession du Saint-Esprit et le refus d’inclure le Filioque dans le Credo.
    • Divers sermons et discours : panĂ©gyrique de Marcus Eugenicus.
    • TraitĂ©s philosophiques : À la dĂ©fense d’Aristote (antilepseis hyper Aristotelous).
    • DĂ©fense de la foi : Ekthesis tes pisteos ton orthodoxon christianon, mieux connu sous le titre Homologia tou Gennadiou) destinĂ© Ă  MĂ©hĂ©met II ; Dialogue avec deux Turcs sur la divinitĂ© du Christ; Dialogue entre un chrĂ©tien et un juif; ProphĂ©ties au sujet du Christ; Au sujet de notre Dieu, Un en Trois, contre les athĂ©es et les polythĂ©istes[77].

L’histoire

L’histoire et les chroniques sont deux genres dans lequel excellĂšrent les Byzantins. De Jean Malalas (Ve – VIe siĂšcles) Ă  SphrantzĂšs (1401-1478), chaque siĂšcle a produit un historien, chroniqueur ou biographe. Procope, Agathias, Pierre le Patrice, MĂ©nandre le Protecteur et ThĂ©ophylacte Simocatta reprirent chacun l’histoire lĂ  oĂč leur prĂ©dĂ©cesseur l’avait laissĂ©e. AprĂšs une pĂ©riode creuse correspondant Ă  l’ñge noir de l’empire pendant laquelle les chroniqueurs remplaceront les historiens, on assiste avec Joseph Genesius au Xe siĂšcle Ă  une renaissance du genre. Il fut suivi par SymĂ©on le LogothĂšte et LĂ©on le Diacre, puis vinrent au XIe siĂšcle Michel Psellos, Michel Attaleiates et Jean SkylitzĂšs. Le XIIe siĂšcle fut celui d’Anne ComnĂšne, de Jean Cinnamus et de Nicetas Choniates. Leur succĂ©dĂšrent Georges AcropolitĂšs et Georges PachymĂšre au XIIIe siĂšcle, NicĂ©phore GrĂ©goras et l’empereur Jean CantacuzĂšne au XIVe. Enfin Georges SphrantzĂšs, Laonicos Chalkondyle et Critobule d'Imbros tĂ©moignĂšrent de la fin de l’empire[78].

Les historiens byzantins demeurĂšrent attachĂ©s aux modĂšles antiques comme Thucydide, XĂ©nophon et Polybe dont ils cherchĂšrent Ă  reproduire la langue et les procĂ©dĂ©s de composition. Si certains choisirent d’imiter un seul modĂšle (le gĂ©nĂ©ral NicĂ©phore Bryenne fut l’émule de XĂ©nophon par la prĂ©cision de son vocabulaire militaire, le philosophe NicĂ©phore GrĂ©goras prit Platon comme modĂšle), la majoritĂ© choisirent quelques auteurs dont il rĂ©sulte un style « en mosaĂŻque », typiquement byzantin. L’histoire qu’ils racontent est avant tout celle des empereurs et des guerres dans lesquelles ils ont Ă©tĂ© impliquĂ©s. Comme les historiens de l’antiquitĂ©, ils se livrent d’abord Ă  une description des traits physiques de l’empereur avant de procĂ©der Ă  une Ă©tude psychologique de son caractĂšre et de raconter ses exploits[79].

Nicétas ChoniatÚs travaillant à sa chronique
Nicétas ChoniatÚs travaillant à sa Chronique (d'aprÚs une miniature byzantine du XIe siÚcle.

Toutefois, ils en divergĂšrent de deux façons. PremiĂšrement, ceux qui Ă©crivent ne sont pas toujours des Ă©crivains professionnels, mais souvent des hommes d’action pourvus d’une excellente Ă©ducation qui ont le souci d’ĂȘtre vĂ©ridiques et sincĂšres. Ce sont des juristes comme Procope, Evagrius ou Michel Attaleiates, des hommes d’État comme Jean Cinnamus, Georges PachymĂšre, Laonicus Chalcondyles, des gĂ©nĂ©raux et diplomates comme NicĂ©phore Bryenne, Georges Acropolites, Georges PhrantzĂšs et mĂȘme des tĂȘtes couronnĂ©es comme Constantin PorpyrogĂ©nĂšte, Anne ComnĂšne, Jean VI CantacuzĂšne. DeuxiĂšmement, ce sont des Ă©crivains chrĂ©tiens qui crĂ©ent deux genres nouveaux : l’Histoire de l’Église et la Chronique universelle. Genre d’histoire universelle, la chronique universelle a pour but fait de l’histoire des HĂ©breux le centre de l’histoire universelle et tente d’établir un synchronisme avec l’histoire des autres nations[79] - [78] - [80].

Les chroniqueurs pour leur part prĂ©sentent une importante diffĂ©rence avec les historiens. Contrairement Ă  ces derniers, les chroniqueurs Ă©crivent pour un public beaucoup plus large. S’appuyant gĂ©nĂ©ralement sur un fond antĂ©rieur qu’elles modifient, les chroniques mettent l’accent sur le merveilleux qu’elles interprĂštent selon un point de vue chrĂ©tien. Leurs descriptions laissent peu de place Ă  la nuance et leur vocabulaire est beaucoup plus prĂšs du peuple. Probablement d’origine orientale, les chroniques atteignirent leur zĂ©nith au IXe siĂšcle, pĂ©riode oĂč l’on trouve peu d’historiens traditionnels, pour disparaĂźtre presque complĂštement au XIIe siĂšcle. Les trois plus grands reprĂ©sentants furent Jean Malalas, ThĂ©ophane le Confesseur et Jean Zonaras[80].

Quelques auteurs
  • Jean Malalas (áŒžÏ‰ÎŹÎœÎœÎ·Ï‚ ÎœÎ±Î»ÎŹÎ»Î±Ï‚ ; Ve - VIe siĂšcle). Chroniqueur. Syrien d’Antioche, probablement fonctionnaire, il fut l’auteur de la plus ancienne chronique byzantine conservĂ©e. Il a eu une profonde influence, non seulement sur les chroniques byzantines ultĂ©rieures, mais Ă©galement sur le dĂ©veloppement des chroniques slaves et orientales. Écrite dans une langue populaire manifestement pour un public peu instruit, sa Chronique n’a de valeur historique que pour le dernier livre dĂ©crivant le rĂšgne de Justinien au VIe siĂšcle. Ce livre semble toutefois avoir Ă©tĂ© Ă©crit aprĂšs le reste de l’Ɠuvre ou avoir Ă©tĂ© ajoutĂ© par quelqu’un d’autre.
  • Son Ɠuvre
    • Chronique. Une histoire en dix-huit livres qui retrace l’histoire du monde de la CrĂ©ation au rĂšgne de Justinien[81].
  • Procope de CĂ©sarĂ©e (Î ÏÎżÎșόπÎčÎżÏ‚ ΚαÎčσαρΔύς ; VIe siĂšcle) Historien byzantin nĂ© en Palestine. Son Ɠuvre est principalement consacrĂ©e aux divers aspects du rĂšgne de Justinien. Il passa la plus grande partie de sa vie Ă  Constantinople mais accompagna BĂ©lisaire dans ses campagnes. À ce titre, il s’occupa de la rĂ©daction des ordres du jour, des formations de combat, des correspondances et des rapports au basileus qui nous donnent de nombreuses indications sur la gĂ©ographie, l’ethnographie et les systĂšmes politiques des peuples avec lesquels il a Ă©tĂ© en contact : Vandales, Goths, Francs, Syriens, Arabes, ArmĂ©niens, Perses et qu’il dĂ©crit dans son Ɠuvre la plus importante : Les Guerres. Excellent observateur lorsqu’il dĂ©crit ce qui se passe Ă  l’extĂ©rieur, il peut s’avĂ©rer trĂšs partial lorsqu’il dĂ©crit la vie politique au sein de l’empire. Son Histoire secrĂšte est un pamphlet oĂč perce sa colĂšre et sa dĂ©ception contre la politique impĂ©riale et peut-ĂȘtre aussi la dĂ©faveur dans laquelle il fut tenu, reflet sans doute de celle de BĂ©lisaire lui-mĂȘme. Sa langue est trĂšs classique, mais on y perçoit dĂ©jĂ  la dĂ©gradation de la staxe antique.
  • Son Ɠuvre :
    • Histoires ou Discours sur les Guerres (áŒčÏƒÏ„ÎżÏÎŻÎ±Îč / ou ᜙πáœČρ Ï„áż¶Îœ Ï€ÎżÎ»Î­ÎŒÏ‰Îœ Î»ÏŒÎłÎżÎč). RĂ©cit en huit livres des guerres de BĂ©lisaire contre les Perses, les Vandales et les Goths.
    • Sur les monuments (ΠΔρ᜶ ÎșτÎčÏƒÎŒÎŹÏ„Ï‰Îœ, De Ædificiis). TraitĂ© en six livres des monuments construits dans l’empire sur l’ordre de Justinien, classĂ©s par ordre gĂ©ographique.
    • Histoire SecrĂšte (ገΜέÎșÎŽÎżÏ„Î±, Historia arcana). Publication, probablement posthume, pamphlet ordurier contre Justinien, ThĂ©odora et les autres grands de l’empire. Son authenticitĂ© a quelques fois Ă©tĂ© mise en doute[82].
Théophane le Confesseur
Théophane le Confesseur (v. 758/760-817/818).
  • ThĂ©ophane le Confesseur (Î˜Î”ÎżÏ†ÎŹÎœÎ·Ï‚ ᜁ áœ‰ÎŒÎżÎ»ÎżÎłÎ·Ï„ÎźÏ‚ ; VIIIe – IXe siĂšcles). NĂ© Ă  Constantinople dans une famille aristocratique, il fut mariĂ© Ă  l’ñge de douze ans, mais persuada son Ă©pouse de mener une vie de chastetĂ©. Ils se sĂ©parĂšrent en 799 pour entrer chacun de son cĂŽtĂ© en religion. ThĂ©ophane se retira d’abord au monastĂšre de Polychronius avant de fonder son monastĂšre sur l’üle de Calonymus. Il retourna Ă  son premier monastĂšre comme abbĂ© et participa Ă  ce titre au deuxiĂšme concile de NicĂ©e oĂč il dĂ©fendit la vĂ©nĂ©ration des icĂŽnes. EmprisonnĂ© par l’empereur iconoclaste LĂ©on V d'ArmĂ©nie, il finit par ĂȘtre exilĂ© dans l’üle de Samothrace oĂč il mourut en 817.
  • Son Ɠuvre :
    • Chronographie. Histoire de l’Empire romain, puis byzantin, de DioclĂ©tien en 284 Ă  la mort de Michel Ier en 813. En dĂ©pit des erreurs que contiennent ses tables chronologiques, elle constitue une source presque unique sur l'histoire de Byzance pour les VIIe et VIIIe siĂšcles et le dĂ©but de la crise iconoclaste[83].
  • Jean SkylitzĂšs (en grec byzantin áŒžÏ‰ÎŹÎœÎœÎ·Ï‚ ᜁ ÎŁÎșÏ…Î»ÎŻÏ„Î¶Î·Ï‚, naquit vers 1040 probablement dans le thĂšme des ThrakĂ©siens, en Asie mineure. Il dut quitter relativement tĂŽt sa province d’origine pour recevoir une bonne Ă©ducation, car il fit carriĂšre Ă  Constantinople dans la magistrature, faisant partie de ces « hommes nouveaux » que Constantin X promut en Ă©levant des citoyens ordinaires Ă  des rangs auxquels ils ne pouvaient jusqu’alors prĂ©tendre. Dans la prĂ©face de son « Synopsis Historion », SkylitzĂšs affirme avoir dĂ©tenu le rang de kouropalates (curopalate) et avoir exercĂ© la fonction de « drongaire de la garde », titre qui, aux environs de 1030, se rĂ©fĂ©rait au juge en chef du plus important tribunal de Constantinople. Il occupa Ă©galement le poste d’éparque (prĂ©fet) de Constantinople avec rang de « proĂšdre ». Il se retira probablement de la fonction publique entre 1092 et 1094 pour se consacrer Ă  ses travaux littĂ©raire. Il est mort au dĂ©but du XIIe siĂšcle. SkylitzĂšs se dĂ©crit lui-mĂȘme comme rĂ©sumant les « Histoires » rĂ©digĂ©es par divers prĂ©dĂ©cesseurs, rĂ©sumant ou paraphrasant ceux-ci et rapportant leurs jugements sur les personnages impliquĂ©s. Si on peut lui reprocher un manque d’originalitĂ©, le grand mĂ©rite de cette façon de procĂ©der est de porter Ă  notre connaissance sans y apporter de changements majeurs un grand nombre d’Ɠuvres dont plusieurs ne sont pas autrement parvenues jusqu’à nous, constituant ainsi la source la plus complĂšte que nous possĂ©dions sur ces deux siĂšcles et demi.
  • Son Ɠuvre :
    • « Synopsis Historion ». Dans cette chronique, SkylitzĂšs a voulu rĂ©diger non pas une simple chronique comme la « Chronographie » de Psellos, ou un panĂ©gyrique tendancieux comme la « Vie de Basile » de Genesios, mais une histoire gĂ©nĂ©rale couvrant la pĂ©riode allant de la mort de NicĂ©phore Ier en 811 Ă  la destitution de Michel VI en 1057.
    • « Skylitzes continuatus » ou « ÉpitomĂ© des Histoires » (ጘπÎčÏ„ÎżÎŒáœŽ áŒ±ÏƒÏ„ÎżÏÎŻÎ±Ï‚). Cette deuxiĂšme version du « Synopsis Historion » aurait Ă©tĂ© complĂ©tĂ©e aprĂšs 1101 et parut vraisemblablement en 1105. Contrairement Ă  la premiĂšre, elle emprunte beaucoup Ă  l’« Histoire » de Michel Attaleiates et Ă  la « Chronographie » de Psellos et poursuit le fil des Ă©vĂšnements jusqu’en 1079/1080[84].
  • Jean Zonaras (áŒžÏ‰ÎŹÎœÎœÎ·Ï‚ ΖωΜαρ៶ς ; fin du XIe, mort vers 1160). Chroniqueur, canoniste et thĂ©ologien byzantin. Fils de bonne famille il exerça des fonctions militaires (megas droungarios tĂšs viglas) et civiles (protasekretaris) sous Alexis Ier. AprĂšs avoir servi comme chef de la garde personnelle de l’empereur, il se retira en 1118 au monastĂšre de Sainte-Glykeria oĂč il Ă©crivit une chronique de l’histoire universelle depuis la crĂ©ation du monde jusqu’en 1118. Canoniste de renom et thĂ©ologien, il rĂ©digea des cmmentaires sur les constitutions apostoliques et les pĂšres de l'Église.
  • Son Ɠuvre :
    • EpitomĂ© historion (ጘπÎčÏ„ÎżÎŒáœŽ áŒ±ÏƒÏ„ÎżÏÎčáż¶Îœ), chronique de l’histoire du monde de la CrĂ©ation Ă  1118.
    • Commentaires estimĂ©s sur les Canons des apĂŽtres, des conciles, et sur les Epures canoniques des papes.
    • Divers traitĂ©s ou discours dans le Jus grƓco-romanum.
    • Hymne en l'honneur de la Vierge mĂšre de Dieu, dans laquelle il montre son attachement Ă  la doctrine orthodoxe de la procession du Saint-Esprit.
    • Lexique[85].
  • Anne ComnĂšne (ΆΜΜα ÎšÎżÎŒÎœÎ·ÎœÎź ; XIe – XIIe siĂšcles). Historienne, fille de l'empereur byzantin Alexis Ier ComnĂšne et d'IrĂšne Doukas. D’abord fiancĂ©e Ă  Constantin Doukas pour crĂ©er des liens entre la dynastie des ComnĂšnes et celle des Doukas qui l’avait prĂ©cĂ©dĂ©e, elle Ă©pousa Ă  la mort de celui-ci NicĂ©phore Bryenne, fils d’un gĂ©nĂ©ral vaincu par Alexis Ier. AprĂšs avoir complotĂ© pour installer son mari sur le trĂŽne, elle fut forcĂ©e par son frĂšre Jean de se retirer au monastĂšre Marie-Pleine-de-GrĂąces oĂč elle mourut religieuse. Intellectuelle, elle avait reçu une formation poussĂ©e en philosophie, rhĂ©torique et mathĂ©matiques. Elle Ă©crivit Ă  la mĂ©moire de son pĂšre une Ɠuvre oĂč elle fit l’apologie d’Alexis Ier Son style est celui du grec attique, rempli de mots rares, d'allusions aux grands auteurs et de rĂ©miniscences classiques ; une paraphrase de l’Alexiade parut en langue vernaculaire.
  • Son Ɠuvre :
    • L’Alexiade. ƒuvre en 15 livres consacrĂ©s principalement aux guerres conduites par Alexis Ier contre les Normands et les Turcs ainsi qu’aux relations du basileus avec les CroisĂ©s[86].
  • Georges PachymĂšres (Î“Î”ÏŽÏÎłÎčÎżÏ‚ ΠαχυΌέρης ; XIIIe – XIVe siĂšcles). Historien et auteur d’Ɠuvres diverses. NĂ© Ă  NicĂ©e oĂč sa famille s’était rĂ©fugiĂ©e aprĂšs la chute de Constantinople aux mains des croisĂ©s, il revint dans cette ville pour y poursuivre ses Ă©tudes de droit avant d’entrer en religion. Il fut premier juge ecclĂ©siastique de Sainte-Sophie (πρωτέÎșÎŽÎčÎșÎżÏ‚) et juge civil (ÎŽÎčÎșαÎčÎżÏ†ÏÎ»Î±ÎŸ) avant d’enseigner Ă  l’école patriarcale. La partie historique de son Ɠuvre est une histoire des rĂšgnes de Michel et d’Andronic PalĂ©ologue qui couvre la pĂ©riode 1260-1308, mettant l’accent sur les controverses religieuses qui divisaient l’empire Ă  ce moment. Son style archaĂŻsant est difficile Ă  comprendre.
  • Son Ɠuvre :
    • Histoire (Î§ÏÎżÎœÎčÎșÎź ÏƒÏ…ÎłÎłÏÎ±Ï†Îź). Écrite en treize volumes, elle couvre les rĂšgnes de Michel et d’Andronic PalĂ©ologue et dĂ©crit avec rĂ©alisme la situation pathĂ©tique de l’empire moribond.
    • 13 Meletai ou exercices de rhĂ©torique sur des thĂšmes de nombreuses fois rebattus de la sophistique.
    • Quadrivium : ouvrage en quatre parties portant sur l’arithmĂ©tique, la musique, la gĂ©omĂ©trie et l’astronomie au Moyen Âge.
    • RĂ©sumĂ© de la philosophie d’Aristote.
    • Une paraphrase du Pseudo-Denys l'ArĂ©opagite.
    • Des poĂšmes.
    • Une autobiographie.
    • Une description de l’Augusteum et de la colonne dressĂ©e par l'empereur Justinien dans l'Ă©glise Sainte Sophie pour commĂ©morer ses victoires sur les Perses[87].
  • Georges SphrantzĂšs (Î“Î”ÏŽÏÎłÎčÎżÏ‚ ÎŠÏÎ±ÎœÏ„Î¶ÎźÏ‚ ; XVe siĂšcle). Homme de cour, diplomate et historien, secrĂ©taire de Manuel II. Il suivit la carriĂšre des honneurs et devint protovestiaire en 1432. PrĂ©fet de Mistra en 1446 et Grand LogothĂšte, il fut fidĂšle jusqu’au bout au dernier empereur de Byzance pour lequel il accomplit plusieurs missions diplomatiques chez les Turcs, en GĂ©orgie, Ă  TrĂ©bizonde, en MorĂ©e et dans les Îles ÉgĂ©e. Fait prisonnier par les Turcs, il parvint Ă  s’enfuir et se rĂ©fugia Ă  Mistra Ă  la cour de Thomas PalĂ©ologue, despote de MorĂ©e. AprĂšs la chute du despotat, il se rĂ©fugia Ă  Corfou oĂč il rĂ©digea ses chroniques. Fait surprenant chez un historien, son style est plutĂŽt populaire et contient de nombreux mots turcs et italiens.
  • Son Ɠuvre :
    • Chronicon Minus. Chronique des Ă©vĂšnements qui se sont dĂ©roulĂ©s de 1413 Ă  1477, basĂ©e sur son journal personnel. On considĂšre de nos jours que la version couvrant l’ensemble de l’histoire de la dynastie des PalĂ©ologue et intitulĂ©e Chronicon Maius est une compilation du XVIe siĂšcle que l’on doit au mĂ©tropolite de Monemvasia, Makarios Melissenos[88].

L’hagiographie

L’hagiographie, c'est-Ă -dire la rĂ©daction de vie de saints dans un but d’édification, apparut trĂšs tĂŽt dans la littĂ©rature byzantine et obĂ©issait dĂ©jĂ  au IVe siĂšcle Ă  un schĂ©ma obligatoire oĂč se reconnaissait l’influence des rhĂ©teurs : se succĂ©daient invariablement titre du livre, parents, naissance et nom du saint, sa consĂ©cration dĂšs la naissance, sa situation de fortune, ses exploits d’ascĂšte, son histoire, les signes prĂ©curseurs de sa mort, ses miracles et une conclusion comportant souvent des comparaisons avec les hĂ©ros de l’Ancien Testament et du Nouveau Testament. Écrites pour la plupart par des moines soucieux de rappeler la mĂ©moire des ascĂštes qui avaient fait la rĂ©putation de leur ordre, elles avaient pour but l’édification des fidĂšles et la crĂ©ation d’un modĂšle de vie chrĂ©tien[N 5]. Dans les premiers siĂšcles, l’accent de ces vies de saints est mis sur le rejet des valeurs propres Ă  la civilisation urbaine ; le saint se retire en gĂ©nĂ©ral dans le dĂ©sert oĂč il mĂšne une vie entiĂšrement soumise Ă  la volontĂ© divine.

Le genre atteint sa plus grande popularitĂ© aux VIe et VIIe siĂšcles. DestinĂ© Ă  un vaste public, les textes utilisent une langue populaire et font une large place au merveilleux. Le plus ancien et le plus important hagiographe est Cyrille de Scythopolis, chroniqueur nĂ© vers 525 dont les sept biographies se distinguent par la fiabilitĂ© de leurs faits et dates. LĂ©ontios de NĂ©apolis qui fut archevĂȘque de Chypre au VIIe siĂšcle a Ă©crit deux vies de saints ; celle de Saint-Jean l’AumĂŽnier se signale par son langage vĂ©ritablement populaire[89].

Comme le reste de l’activitĂ© littĂ©raire, ce genre disparut presque totalement au VIIIe siĂšcle pour rĂ©apparaĂźtre, timidement d’abord au IXe siĂšcle et atteindre une nouvelle popularitĂ© aux Xe et XIe siĂšcles. Mais le genre s’est transformĂ© entre-temps. L’ascĂšte vivant au dĂ©sert cĂšde le pas au fondateur de monastĂšre et le saint rĂ©intĂšgre la vie de la citĂ© oĂč il joue souvent un rĂŽle politique important. Le merveilleux disparaĂźt au profit du mystique. Si l’hagiographie populaire subsiste, on retourne Ă  des formes plus littĂ©raires et le genre se concentre sur la vie monastique. À partir du XIIe siĂšcle, les intellectuels porteront des jugements plus rĂ©servĂ©s sur l’image que l’on associait Ă  ces saints et le genre se fait plus rare[90].

On peut distinguer trois sous-genres d’hagiographie : le martyron ou narration du jugement, de la condamnation et de l’exĂ©cution d’un martyr, la vita, ou biographie d’un(e) saint(e) et l’ apophtegmeta patrum, une collection de paroles profondes prononcĂ©es par des ermites. S’y ajouteront au VIIe siĂšcle les miracles rĂ©alisĂ©s par un saint aprĂšs sa mort[90].

Quelques auteurs
  • Cyrille de Scythopolis. Moine et hagiographe. NĂ© vers 525 Ă  Scythopolis (aujourd’hui BeĂŻsĂąn / BĂȘt ShĂ©Ăąn en IsraĂ«l), Cyrille rencontra saint Sabas qui eut une influence dĂ©cisive sur sa vocation. Il devint moine en 543 et partit pour JĂ©rusalem oĂč il rencontra saint Jean HĂ©sychaste dont il devait Ă©crire la biographie plus tard. En 544, il entra au monastĂšre de Saint-Euthyme oĂč il commença son travail de biographe. En 557, il s’installa au monastĂšre de la Grande Laure de Sabas oĂč il mourut peu aprĂšs. Cyrille Ă©crivit un grand nombre de vie de saints dont Sabas, Abraham, Kyriakos, ThĂ©odosios et ThĂ©ognios. Son but Ă©tait vraisemblablement d’établir un corpus des saints de Palestine et de dĂ©montrer le lien existant entre le dĂ©sert et la saintetĂ©.
  • Son Ɠuvre :
    • Vie des moines de Palestine[91].
  • Sophrone de JĂ©rusalem (ÎŁÏ‰Ï†ÏÏŒÎœÎčÎżÏ‚) Patriarche de JĂ©rusalem.
    Sophrone de JĂ©rusalem
    Sophrone de JĂ©rusalem.
    NĂ© Ă  Damas vers 560, il y enseigna la rhĂ©torique. Devenu moine, il visita nombre de monastĂšres en Égypte, Palestine et Ă  Rome, avant de retourner Ă  JĂ©rusalem et de s’établir au monastĂšre de ThĂ©odose vers 619. AprĂšs avoir dĂ©fendu les positions adoptĂ©es lors du Concile de ChalcĂ©doine, il devint patriarche en 634. Il dut nĂ©gocier la reddition de JĂ©rusalem avec le calife Oumar Ier en 637.
  • Son Ɠuvre :
    • Lettre synodale. Écrite Ă  l’occasion de son Ă©lĂ©vation au patriarcat, elle constitue un exposĂ© de la doctrine de ChalcĂ©doine.
    • Encomium[N 6] des saints Jean anargyre et Cyr d'Alexandrie.
    • Biographie de son ami Jean Eleemon.
    • 23 poĂšmes sur des thĂšmes divers comme le siĂšge de JĂ©rusalem.
    • Sermons Ă  la dĂ©fense du Concile de ChalcĂ©doine et Ă©crits contre le monothĂ©lisme.
    • Divers textes liturgiques dont la BĂ©nĂ©diction de l’eau le jour de l’Épiphanie[92].
  • Ignace le Diacre. Moine et Ă©crivain. NĂ© vers 770. ÉlĂšve et collaborateur du patriarche TarĂšse, Ignace fut ordonnĂ© diacre et devint skeuophylax[N 7]. AprĂšs la dĂ©position de celui-ci, il prit le parti des iconoclastes et devint mĂ©tropolite de NicĂ©e. Il regretta par la suite cette prise de position et se fit moine au Mont Olympe. Son Ɠuvre, d’une rhĂ©torique quelque peu grandiloquente, traduit son attachement aux anciens, notamment Sophocle et Euripide.
  • Son Ɠuvre :
    • Vies de TarĂšse et du patriarche NicĂ©phore Ier.
    • Odes funĂšbres, lettres.
    • De nombreux poĂšmes comme les vers sur Adam (dialogue entre Adam, Ève et le serpent); poĂšmes sur Lazare et l’homme riche[93].
  • SymĂ©on MĂ©taphraste (aussi appelĂ© SymĂ©on le logothĂšte ; ÎŁÏ…ÎŒÎ”áœŒÎœ ᜁ ÎœÎ”Ï„Î±Ï†ÏÎ±ÏƒÏ„ÎźÏ‚). Écrivain et fonctionnaire. NĂ© Ă  Constantinople sous le rĂšgne de LĂ©on VI (886-912). Appartenant Ă  une grande famille aristocratique, il devint haut fonctionnaire sous Constantin VII PorphyrogĂ©nĂšte et servit sous ses trois successeurs. Chef de la chancellerie impĂ©riale sous Romain II LĂ©capĂšne, il fit partie du conseil de rĂ©gence qui gouverna l’empire Ă  la mort de celui-ci. Il rĂ©digea certains Ă©dits de NicĂ©phore Phocas et fut nommĂ© magistros sous Jean Tzimiskes avant de devenir logothĂšte du drome, sorte de ministre des Affaires Ă©trangĂšres. TombĂ© en disgrĂące, il se retira dans un monastĂšre oĂč il Ă©crivit ses principales Ɠuvres religieuses. Il mourut vers 987.
  • Son Ɠuvre :
    • Le mĂ©nologe mĂ©taphrastique. Un mĂ©nologe est une collection de vies de saints disposĂ©es dans l’ordre du calendrier liturgique. Constantin VII, dĂ©sireux de crĂ©er « une culture officielle » avait lancĂ© de vastes entreprises encyclopĂ©diques – historiques, juridiques, grammaticales, etc. Il chargea SymĂ©on de la rĂ©daction du mĂ©nologe Ă  une Ă©poque oĂč les vies de saints n’étaient plus guĂšre lues, leur style portant plutĂŽt Ă  la dĂ©rision qu’à l’édification. SymĂ©on choisit parmi les vies de saints syriaques ou coptes, les plus susceptibles de figurer au mĂ©nologe, les fit traduire, puis les « mĂ©taphrasa », c’est-Ă -dire que, tout en respectant les donnĂ©es historiques, il rajeunit la langue, omettant les mots trop crus ou dĂ©modĂ©s, et donnant Ă  l’ouvrage une dimension littĂ©raire (c’est-Ă -dire rhĂ©torique) qu’elle n’avait pas auparavant. À ces textes, il en ajouta d’autres Ă©crits de sa propre main.
    • SymĂ©on a Ă©galement laissĂ© une « Chronique », quelques lettres, un poĂšme sur la mort de Constantin VII et divers Ă©crits religieux, hymnes et priĂšres toujours utilisĂ©s dans la liturgie orthodoxe[94].
  • Eustathe de Thessalonique (Î•áœÏƒÏ„ÎŹÎžÎčÎżÏ‚ Î˜Î”ÏƒÏƒÎ±Î»ÎżÎœÎŻÎșης). ÉvĂȘque et Ă©rudit. NĂ© vers 1115, il fut Ă©duquĂ© Ă  Constantinople et travailla comme secrĂ©taire avant de devenir diacre de la cathĂ©drale de Sainte-Sophie vers 1156. Il enseigna la grammaire, la rhĂ©torique et la philosophie Ă  l’École patriarcale et fut nommĂ© en 1174/1175 grand sacellaire du patriarcat et maĂźtre des rhĂ©teurs. L’empereur Manuel Ier le nomma Ă©vĂȘque de Myre et mĂ©tropolite de Thessalonique, poste qu’il occupa jusqu’à sa mort en 1195/1196. Il fut tĂ©moin de la chute de Thessalonique en 1185 aux mains de Guillaume II de Sicile. On le considĂ©rait comme l’homme le plus savant de son Ă©poque. Ses Ă©crits dĂ©laissent l’abstraction traditionnelle pour prĂ©senter les faits historiques au moyen de petits dĂ©tails vivants oĂč percent l’ironie et le sarcasme.
  • Son Ɠuvre :
    • Vie de Philotheos d'Opsikion. Contrairement Ă  l'opinion rĂ©pandue Ă  cette Ă©poque, il y soutient que les idĂ©aux de la vie sĂ©culiĂšre peuvent ĂȘtre plus nobles que ceux des ermites.
    • Commentaires sur l’ensemble des poĂšmes homĂ©riques et sur l'Ɠuvre de Denys le PĂ©nĂ©gĂšte ainsi qu’une introduction Ă  Pindare.
    • Histoire : « RĂ©cit de la prise de Thessalonique ».
    • De nombreux discours, sermons et 73 lettres recensĂ©es[95].
  • Jean TzĂ©tzĂšs (Î™Ï‰ÎŹÎœÎœÎ·Ï‚ ΀ζέτζης). PoĂšte et grammairien. NĂ© vers 1110, il vĂ©cut assez pauvrement Ă  Constantinople de son mĂ©tier d’écrivain. ObligĂ© de vendre sa bibliothĂšque pour survivre, il dut par la suite se fier Ă  sa mĂ©moire qui Ă©tait remarquable puisqu’il cite plus de 400 auteurs anciens dans son Ɠuvre. Tout comme son collĂšgue, Prodromos, il fait partie des poĂštes « populaires » de la deuxiĂšme pĂ©riode. On ne lui doit qu’une Ɠuvre hagiographique.
  • Son Ɠuvre :
    • Livre d’histoires, connu sous le nom de Chiliades. Recueil de 12 674 vers rappelant divers faits littĂ©raires, historiques et thĂ©ologiques se distinguant surtout par l’étalage de l’érudition de l’auteur tout en dĂ©crivant de façon rĂ©aliste et humoristique diverses scĂšnes de la vie quotidienne.
    • 107 lettres adressĂ©es Ă  divers personnages, souvent imaginaires,
    • Nombreux commentaires sur HomĂšre (AllĂ©gories sur l’Iliade et l’OdyssĂ©e, ExĂ©gĂšse, Antehomerica, Homerica et Posthomerica).
    • Vie de sainte Lucie, qui semble faire allusion aux guerres menĂ©es contre une coalition de Normands, Hongrois et Russes[96].
  • GrĂ©goire II de Chypre (Î“ÏÎ·ÎłÏŒÏÎčÎżÏ‚ ᜁ ΚύπρÎčÎżÏ‚). Patriarche de Constantinople. NĂ© Ă  Chypre en 1283 dans une famille noble mais appartenant Ă  la classe moyenne. AprĂšs avoir tentĂ© en vain de s’instruire dans une Ă©cole latine de Chypre, dĂ©jĂ  aux mains des croisĂ©s, il se dirigea vers NicĂ©e oĂč il Ă©tudia sous Georges AkropolitĂšs. Il dĂ©mĂ©nagea Ă  Constantinople aprĂšs la reconquĂȘte oĂč il enseigna. Devenu patriarche en 1283, il refusa d’accepter la clause du « filioque » et l’union des Églises occidentale et orientale. Il dut dĂ©missionner en 1289. GrĂ©goire joua un rĂŽle important dans le renouveau du XIIIe siĂšcle et son autobiographie (genre nouveau pour l’époque) nous donne une bonne idĂ©e de la toile de fond culturelle et scolaire de l’époque.
  • Son Ɠuvre :
    • ThĂ©ologie : Tomos pisteos (Livre de la foi) ; rĂ©futation de la position latine sur le Filioque.
    • Autobiographie : Diegesis merike ; rĂ©digĂ©e pour servir de prĂ©face Ă  sa collection de lettres.
    • Hagiographie : Plusieurs vies de saints.
    • Éloges, dĂ©clamations, correspondance[97].

RĂ©cits apocryphes

sLe goĂ»t pour le merveilleux, dĂ©jĂ  notĂ© dans les chroniques et l’hagiographie, conduisit surtout dans les premiers siĂšcles de l’Église chrĂ©tienne, Ă  la production d’Ɠuvres dites apocryphes (ÎŹÏ€ÏŒÎșρυφα, litt. « [livres] cachĂ©s ou rejetĂ©s) qui, tant par leur forme que par leur contenu, ressemblent Ă  des livres de l’Ancien ou du Nouveau Testament, mais ne sont pas reconnus par les Églises comme inspirĂ©s par Dieu. Ils peuvent dĂ©velopper ou imaginer le dĂ©tail de faits contenus dans les Écritures ; certains furent Ă©crits pour justifier l’une ou l’autre des doctrines hĂ©rĂ©tiques qui se multipliĂšrent dans l’Église primitive.

Écrits gĂ©nĂ©ralement en syriaque et en arabe, ils furent ensuite traduits en grec et font partie de la littĂ©rature populaire. Pour le Nouveau Testament, on peut distinguer les Ă©vangiles apocryphes (ProtoĂ©vangile de Jean, Évangile de Thomas, Histoire de Joseph le Charpentier) des actes apocryphes se rapportant Ă  la vie des apĂŽtres (Pseudo-Clementinae qui rapporte les voyages des apĂŽtres Pierre, Paul, AndrĂ©, Jean et Thomas ; l’histoire de l’apĂŽtre ThaddĂ©e).

Ainsi, le ProtoĂ©vangile de Jacques, intitulĂ© au dĂ©part NativitĂ© de Marie, RĂ©vĂ©lation de Jacques ou Évangile de Jacques, fut Ă©crit dans la seconde moitiĂ© du IIe siĂšcle; il traite de la jeunesse de la Vierge Marie, de ses fiançailles avec Joseph et de la naissance de JĂ©sus. Son but Ă©tait sans doute de lutter contre la thĂ©orie selon laquelle Marie aurait conçu JĂ©sus Ă  la suite d'une relation adultĂ©rine avec un soldat romain du nom de PanthĂšre. Les quelque 140 manuscrits en grec existant encore aujourd’hui tĂ©moignent de sa popularitĂ©.

Toutefois, les Ă©crits apocryphes furent davantage populaires dans la littĂ©rature slave, caucasienne et orientale que dans la littĂ©rature byzantine oĂč ils Ă©taient sĂ©vĂšrement jugĂ©s par la hiĂ©rarchie ecclĂ©siastique[98].

Romans en prose

Deux statues
Daphnis et Chloé d'aprÚs une sculpture de Jean-Pierre Cortot (1824), Musée du Louvre.

À cĂŽtĂ© des romans en vers, trĂšs populaires Ă  Byzance, comme Cyprien d’Antioche que l’on doit Ă  l’impĂ©ratrice Eudocie (c. 400-460), on retrouve dĂšs la fin de l’AntiquitĂ©, des romans d’aventures racontant les amours difficiles de jeunes couples en butte Ă  nombre de difficultĂ©s mais parvenant Ă  triompher de l’adversitĂ© grĂące Ă  de puissants protecteurs.

Ainsi, au IIe siĂšcle, Achille Tatius, grec d’Alexandrie, qui se serait converti au christianisme Ă  la fin de sa vie et serait devenu Ă©vĂȘque, Ă©crivit l’Histoire de LeucippĂ© et de Clitophon, l’une de ses nombreuses histoires amoureuses en huit livres. Datant probablement du Ier siĂšcle apr. J.-C. et divisĂ© en huit livres, le roman raconte les aventures d'un couple de jeunes gens originaires de Tyr et de Byzance notamment en Égypte et en Asie Mineure.

HĂ©liodore d'ÉmĂšse , Ă©crivain syrien de langue grecque qui vĂ©cut au IIIe ou IVe siĂšcle, composa Les Éthiopiques ou Les amours de ThĂ©agĂšne et de ChariclĂ©e. DivisĂ© en dix livres, le roman raconte l’histoire d’une princesse Ă©thiopienne, ChariclĂ©e, abandonnĂ©e par sa mĂšre qui, aprĂšs avoir Ă©tĂ© Ă©levĂ©e Ă  Delphes et ĂȘtre devenue prĂȘtresse, rencontre un jeune Thessalien, ThĂ©agĂšne lors des jeux gymniques d’AthĂšnes. Quittant Delphes, les deux jeunes gens s’enfuient par la mer et sont jetĂ©s par une tempĂȘte en Égypte. AprĂšs mille aventures, ils se retrouveront en Éthiopie oĂč l’origine princiĂšre de ChariclĂ©e finira par ĂȘtre reconnue et oĂč les deux jeunes gens finiront par s’épouser.

De la mĂȘme Ă©poque date Daphnis et ChloĂ©, roman de Longus inspirĂ© par la poĂ©sie pastorale. Il dĂ©crit les amours de Daphnis, enfant trouvĂ© et jeune chevrier, et de ChloĂ©, Ă©galement bergĂšre et enfant trouvĂ©e. Épris l’un de l’autre, ils ne pourront voir aboutir leur amour qu’au terme de nombreux rebondissements qui leur permettent de retrouver leurs parents naturels[99].

Barlaam et Joasaph

L’inspiration orientale de ces romans se retrouve dans une Ɠuvre dont ni l’auteur et ni la date ne sont certains, Barlaam et Joasaph. Écrit « pour le bien de l’ñme », le rĂ©cit, dont la trame dĂ©veloppe les principes de la foi chrĂ©tienne et de ses avantages sur le paganisme, raconte comment le prince indien Joasaph est converti par un ermite et comment il parvient par la suite Ă  convertir son propre pĂšre. Il s’agit d’une adaptation chrĂ©tienne de la conversion d'un disciple de Siddhartha Gautama, fils d’un prince puissant et enfermĂ© par celui-ci dans son palais pour qu’il ne soit pas en contact avec les laideurs du monde. Étant parvenu Ă  s’enfuir, Gautama rencontre la vieillesse, la maladie et la mort, expĂ©rience qui, dans le dĂ©sert oĂč il mĂšne une vie d’ascĂšte, lui permet d’atteindre l’illumination.

Enluminure montrant un homme assis discutant avec des hommes debout
Enluminure d'un manuscrit du XIIIe siÚcle montrant Joasaph (ou Josaphat) annonçant son départ.

Plusieurs traits reprĂ©sentĂ©s dans l’histoire comme Le rossignol et le chasseur ou L’homme fuyant la licorne, permettent de croire que la lĂ©gende indienne serait arrivĂ©e en Occident par la Perse et aurait Ă©tĂ© traduite en grec Ă  partir d’une version gĂ©orgienne, exĂ©cutĂ©e par Euthyme, moine d’Iviron.

La popularitĂ© de ce rĂ©cit est attestĂ©e par le fait que Jean VI CantacuzĂšne et plusieurs membres de la dynastie serbe des Nemanja adopteront le prĂ©nom de Joasaph et seront reprĂ©sentĂ©s comme les hĂ©ros de l’histoire Ă  Studenica (Istok) et Gracanica[100].

Pamphlets et satire

Qu’elle soit en vers ou en prose, la satire qui avait joui d’une grande popularitĂ© dans l’AntiquitĂ© classique trouva un nouveau souffle dans la littĂ©rature byzantine du XIe siĂšcle tout en demeurant un genre mineur, qu’elle prenne la forme de parodies ou d’allĂ©gories. Elle n’épargna ni les grands, ni le clergĂ©, ni mĂȘme le basileus. Certains empereurs, comme ThĂ©odore II Lascaris y auront recours pour se moquer de leurs sujets trop obsĂ©quieux[101].

Comme d’autres genres, elle imita rĂ©guliĂšrement les auteurs anciens, en particulier Lucien qui Ă©tait trĂšs admirĂ© Ă  Constantinople. C’est le cas par exemple d’un dialogue, intitulĂ© Philopatris longtemps attribuĂ© Ă  Lucien, mais dont le vĂ©ritable auteur demeure inconnu. Il se prĂ©sente sous la forme d’une discussion sur les mĂ©rites du christianisme et du paganisme entre un paĂŻen converti, Trephon, et son ami Critias encore paĂŻen. L’auteur en profite pour faire allusion Ă  des Ă©vĂšnements qui se sont probablement passĂ©s sous le rĂšgne de NicĂ©phore Phocas (963-969) lequel s’était attaquĂ© aux propriĂ©tĂ©s de l’Église pour financer ses guerres contre les califes fatimides, les Rus' et les Bulgares[102]. Il en va de mĂȘme du Timarion qui date du XIIe siĂšcle et qui dĂ©crit la descente aux enfers d’un certain Timarion que l’on a cru mort, Ă  tort. La description du royaume des morts permet de tracer le portrait des mƓurs de l’époque et de divers personnages comme l’empereur ThĂ©ophile (829-842) et Michel Psellos[103].

Certaines satires utilisent des animaux pour faire le procĂšs de la sociĂ©tĂ©, comme le Poulologos et Synaxarion de l’honorable Ăąne (tous deux en vers), alors que d’autres utilisent des fruits dans le mĂȘme but. Dans le Porikologos, le Raisin est menĂ© devant l’empereur Coing dont les aides sont le protostrator PĂȘche et le cĂ©sar Arachide, etc. ; on y a vu une satire du systĂšme juridique et du cĂ©rĂ©monial de la cour de l’époque. L’Opsarologos, de date et d’auteur inconnus, est Ă©galement une satire du systĂšme juridique dans laquelle le roi Baleine prĂ©side une cour oĂč comparait le Maquereau, accusĂ© de conspiration[104].

Quelques auteurs
  • ThĂ©odore Prodrome (Î˜Î”ÏŒÎŽÎżÏÎżÏ‚ Î ÏÏŒÎŽÏÎżÎŒÎżÏ‚). PoĂšte Ă  la cour d’IrĂšne de Hongrie et de Jean II. NĂ© Ă  Constantinople vers 1100, il mit Ă  la mode le genre panĂ©gyrique crĂ©Ă© par Nicolas KalliklĂšs. Dans son Ɠuvre, il parodie la tragĂ©die classique en se moquant des vicissitudes de la vie quotidienne de son temps. Ayant perdu son poste de poĂšte laurĂ©at Ă  la mort de Jean II, il se retira Ă  l’église des Saints-ApĂŽtres et devint moine sous le nom de Nicolas.
  • Son Ɠuvre :
    • Rodanthe et Dosikles, imitation des Éthiopiques d’HĂ©liodore (voir plus haut), tout en reflĂ©tant les rĂ©alitĂ©s et les aspirations politiques de son propre temps.
    • Katomyomachia (La guerre du chat et de la souris). TraitĂ© burlesque parodiant les tragĂ©dies grecques antiques tout en faisant allusion Ă  des situations de son Ă©poque.
    • Amarantus ou Les amours d’un vieillard. Dialogue satirique[105].
  • Nicolas Cabasilas (ΝÎčÎșÏŒÎ»Î±ÎżÏ‚ ΚαÎČÎŹÏƒÎčλας). ThĂ©ologien laĂŻc, nĂ© en 1322 Ă  Thessalonique, mort en 1397.
    Nicolas Cabasilas
    Nicolas Cabasilas.
    Durant la guerre civile entre Jean V PalĂ©ologue et Jean CantacuzĂšne, il participa Ă  une ambassade auprĂšs de Manuel CantacuzĂšne pour nĂ©gocier la reddition de la ville. Mais les « zĂ©lotes » opposĂ©s Ă  cette reddition provoquĂšrent une rĂ©bellion contre l’aristocratie. Cabasilas Ă©chappa de peu Ă  la mort et parvint Ă  s’enfuir pour se rĂ©fugier Ă  Constantinople. S’étant liĂ© d’amitiĂ© avec GrĂ©goire Palamas il passa un an avec lui au mont Athos. Il se retira de la vie politique lorsque Jean V PalĂ©ologue parvint Ă  dĂ©trĂŽner Jean CantacuzĂšne. LaĂŻc, il continua toujours Ă  entretenir des liens avec de nombreux monastĂšres de la capitale.
  • Son Ɠuvre :
    • Cabasilas est surtout connu pour ses traitĂ©s contre l’usure et l’injustice sociale.
    • La vie en Christ et L’explication de la divine liturgie, ouvrages de piĂ©tĂ©.
    • Nombreuses homĂ©lies et panĂ©gyriques profanes de souverains.
    • Pamphlet contre les Ă©lucubrations de Nicolas GrĂ©goras. SpĂ©cimen de querelle entre deux Ă©rudits dans lequel Cabasilas se moque de son adversaire, de ses nĂ©vralgies, de sa manie de citer pĂȘle-mĂȘle les auteurs anciens, des airs de prophĂšte qu’il se donne en citant les oracles chaldĂ©ens et des appareils astronomiques dont il remplissait sa maison pour se donner des airs savants[106].

Musique et poésie

Tout comme la littĂ©rature en prose Ă©tait destinĂ©e Ă  ĂȘtre dĂ©clamĂ©e davantage qu’à ĂȘtre lue, la poĂ©sie Ă©tait Ă  l’origine chantĂ©e[107]. La musique prĂ©cĂ©dait souvent le texte et ce n’est qu’au IXe siĂšcle que l’on commença Ă  mettre des textes modernes sur des mĂ©lodies anciennes. Cette musique ne privilĂ©giait pas l’harmonie mais la mĂ©lodie et le rythme en s’accompagnant de la flute ou la lyre. Le vers devant se plier Ă  la mĂ©lodie, il en est rĂ©sultĂ© de nombreuses fautes de versification, attribuables souvent toutefois aux copistes ultĂ©rieurs[108].

La poĂ©sie ne servait du reste souvent que de procĂ©dĂ© mnĂ©motechnique commode pour mieux retenir toutes sortes de sujets que ce soit l’histoire, le droit ou l’Écriture Sainte. Il n’est guĂšre surprenant dĂšs lors qu’elle ait fait l’objet de nombreux jugements nĂ©gatifs sur son « manque de souffle poĂ©tique et de toute Ă©motion sincĂšre »[107].

Poésie religieuse

DĂšs ses tout dĂ©buts, l’Église chrĂ©tienne avait incorporĂ© la poĂ©sie dans sa liturgie sous forme d’hymnes ou de courtes strophes (troparia, sing. troparion) qui avaient pour structure le chant alternĂ© (antiphone). Les troparia furent remplacĂ©es Ă  partir du VIe siĂšcle par des poĂšmes rythmĂ©s plus Ă©laborĂ©s, appelĂ©s kontakia (sing. kontakion). Exhortations basĂ©es sur un passage de la Bible ou un Ă©pisode de vie de saint, ceux-ci pouvaient comporter jusqu’à 22 strophes, toutes composĂ©es sur le mĂȘme modĂšle et se terminant par un court refrain (efumnion). Le plus grand compositeur fut sans doute Romain le MĂ©lode. Les troparia, par leurs origines paĂŻennes et leurs structures qui s’intĂ©graient mal Ă  la liturgie furent remplacĂ©s au siĂšcle suivant par des kanones (sing. kanon), chants liturgiques plus amples pouvant comprendre huit ou neuf odes de plusieurs strophes, chacune ayant son propre rythme et forme mĂ©lodique[109]. PlutĂŽt qu’une exhortation, le kanon se voulait un hymne de louange. Les compositeurs les plus rĂ©putĂ©s furent AndrĂ© de CrĂšte, Jean DamascĂšne, ThĂ©odore Studite et Jean Mauropous. MĂȘme si de nouveaux canons furent Ă©crits comme exercices de style aprĂšs le XIe siĂšcle, ils cessĂšrent d’ĂȘtre intĂ©grĂ©s Ă  la liturgie. Bien qu’encore teintĂ©e de rhĂ©torique, la poĂ©sie religieuse se rapprochait davantage de la langue vernaculaire que de la langue officielle. La musique qui accompagnait tant les kontakia que les kanones a disparu[110].

Quelques auteurs
  • Romain le MĂ©lode (áżŹÏ‰ÎŒÎ±ÎœáœžÏ‚ ᜁ ΜΔλωΎός ; VIe siĂšcle), hymnographe et poĂšte byzantin. NĂ© dans une famille juive de Syrie vers 493, il fut ordonnĂ© diacre Ă  Beyrouth avant de s’établir Ă  l’église de la ThĂ©otokos de Constantinople oĂč, dans une apparition, la Vierge lui aurait transmis le don de la poĂ©sie sacrĂ©e. Il aurait composĂ© plus de 1000 kontakia, mais seules 89 sont parvenues jusqu’à nous. Il serait mort vers 555. Ses hymnes reprennent gĂ©nĂ©ralement des histoires de l’Ancien ou du Nouveau Testament ou encore des Ă©pisodes de vies de saints, quoiqu'il lui arrive de traiter de thĂšmes contemporains comme celle « Sur les tremblements de terre et le feu » qui rappelle la rĂ©volte de NikĂš. Contrairement au style adoptĂ© par ses successeurs, le sien est simple et le systĂšme tonique remplace le mĂštre hellĂ©nique.
  • Son Ɠuvre :
    • Acathiste Ă  la MĂšre de Dieu, hymne Ă  la Vierge pour avoir sauvĂ© Constantinople des barbares[111].
  • Jean DamascĂšne (Jean Manssour ou Jean de Damas, dit Jean DamascĂšne ; en grec : Î™Ï‰ÎŹÎœÎœÎ·Ï‚ ΔαΌασÎșÎźÎœÎżÏ‚, en arabe : ŰłŰ±ŰŹÙˆÙ† Ű§Ù„ŰȘŰșÙ„ŰšÙŠ), thĂ©ologien et pĂšre de l’Église.
    Jean DamascĂšne
    Jean DamascĂšne fut avec son frĂšre Comas un hymnographe prolifique.
    Il est nĂ© vers 676 dans une grande famille d’origine arabe de Damas. AprĂšs avoir servi le calife comme ministre, il se retira du monde aprĂšs une dispute avec l’empereur LĂ©on III, favorable aux iconoclastes, et se retira Ă  la laure de saint Sabas en Palestine. Il mourut le 4 dĂ©cembre 749. FrappĂ© d’anathĂšme aprĂšs sa mort, par le concile iconoclaste de HiĂ©reia, il fut mis au rang des docteurs de l’Église catholique par le pape LĂ©on XIII. Son frĂšre, Comas, fut Ă©galement un hymnographe rĂ©putĂ©.
  • Son Ɠuvre :
    • Pege gnoseos (La fontaine de la Connaissance). Cette somme comprend trois parties : une introduction, une rĂ©futation des doctrines hĂ©rĂ©tiques, y compris l’Islam et l’iconoclasme et une exposition de la Foi orthodoxe traitant de Dieu, de la CrĂ©ation, de l’Incarnation, des sacrements, etc.
    • TraitĂ© contre ceux qui dĂ©crient les saintes images. TraitĂ© Ă©crit en rĂ©action Ă  l’édit de LĂ©on III interdisant le culte des images. Jean composa plusieurs ouvrages Ă  la dĂ©fense des icĂŽnes dont il proposa une classification en six groupes[112].
  • ThĂ©odore Studite (ou le Studite, c'est-Ă -dire moine du Stoudion, monastĂšre de Constantinople), thĂ©ologien et rĂ©formateur monastique. NĂ© en 759 dans une famille de trĂšs hauts fonctionnaires (pĂšre sans doute sacellaire, ministre des finances), il reçut une Ă©ducation soignĂ©e. Son oncle, Platon, persuada l’ensemble de la famille d’embrasser la vie religieuse. ThĂ©odore devint son bras droit au nouveau monastĂšre de Sakkoudion qu’il avait fondĂ©. OrdonnĂ© prĂȘtre en 794, il remplaça son oncle comme higoumĂšne du monastĂšre. Il entra en conflit avec plusieurs empereurs successifs sur des motifs divers, que ce soit le mariage illĂ©gitime de l’empereur Constantin VI, la rĂ©habilitation du prĂȘtre Joseph sous NicĂ©phore Ier, ou le rĂ©tablissement de l’iconoclasme sous LĂ©on V. Il devint durant ce conflit l’ñme dirigeante des iconodoules. ExilĂ© Ă  Smymes en Anatolie, il tenta avec un succĂšs trĂšs mitigĂ© d’obtenir du successeur de LĂ©on V le retour Ă  la vĂ©nĂ©ration des images. Il passa ses derniĂšres annĂ©es dans la pĂ©ninsule de Saint-Tryphon prĂšs de ChalcĂ©doine, puis dans l’ile de Prinkipo oĂč il mourut en 826[113].
  • Son Ɠuvre :
    • Petite CatĂ©chĂšse et Grande CatĂ©chĂšse : deux sĂ©ries d'homĂ©lies monastiques.
    • Épigrammes : 124 poĂšmes sur des sujets variĂ©s.
    • Lettres : 560 conservĂ©es, chronologiquement de 796 Ă  826.
    • Oraisons funĂšbres de sa mĂšre ThĂ©octiste et de son oncle Platon.
    • PanĂ©gyrique de saint ThĂ©ophane le Confesseur.
    • Louange de l'apĂŽtre BarthĂ©lĂ©my.
    • Nombreux hymnes liturgiques et homĂ©lies.
    • Testament, en fait instructions pour un supĂ©rieur de monastĂšre[113].
  • Joseph l'Hymnographe (Ίωσᜎφ ό áœ‘ÎŒÎœÎżÎłÏÎŹÏ†ÎżÏ‚), moine et poĂšte religieux.
    Joseph l'Hymnographe
    Joseph l'Hymnographe (v. 816-886).
    NĂ© en Sicile (probablement Ă  Palerme) en vers 816, il dut s’enfuir avec sa famille lorsque les musulmans s’emparĂšrent de l’ile. Établi dans le PĂ©loponnĂšse, il entra au monastĂšre de Tou Latomou oĂč il travailla comme calligraphe. Il attira bientĂŽt l’attention de GrĂ©goire le DĂ©capolite avec qui il partit pour Constantinople. ChargĂ© d’une mission auprĂšs du pape, il fut capturĂ© par des pirates arabes et incarcĂ©rĂ© en CrĂšte. LibĂ©rĂ©, il revint Ă  Constantinople oĂč il fonda le monastĂšre de Saint-BartholomĂ©e. Ayant appuyĂ© le patriarche Ignace, il fut exilĂ© en CrimĂ©e par le cĂ©sar Bardas et par Photius. De retour Ă  Constantinople en 867, il reprit la direction de son monastĂšre avant d’ĂȘtre nommĂ© sacristain (σÎșÎ”Ï…ÎżÏ†ÏÎ»Î±ÎŸ) de Sainte-Sophie.
    Appartenant Ă  l’école du Studite, il contribua Ă  la transformation des canons de paraphrases plus ou moins vagues de l’Ancien Testament en cantiques dotĂ©s d’une unitĂ© de thĂšme, lequel se dĂ©veloppe Ă  travers toutes les odes. Il rĂ©duisit le nombre de strophes du kontakion pour l’harmoniser avec la poĂ©sie acrostiche.
  • Son Ɠuvre :
    • Hymnographe le plus prolifique de Byzance, on lui attribue plus de 1000 canons, soit de 8 000 Ă  9 000 odes. Plusieurs centaines de canons portent le nom « Joseph » en acrostiche dans la neuviĂšme ode. On lui attribue en grande part la mise en forme de la Paraklitiki ou livre liturgique de l’Église grecque contenant les offices liturgiques de tous les jours de la semaine[114].
  • Jean Mauropous (ou Mavropous ; áŒžÏ‰ÎŹÎœÎœÎ·Ï‚ ÎœÎ±Ï…ÏÏŒÏ€ÎżÏ…Ï‚), poĂšte, hymnographe et auteur de lettres et discours. NĂ© en Paphlagonie autour de l’an 1000, il se rendit Ă  Constantinople oĂč il fonda vers 1028 une Ă©cole supĂ©rieure que frĂ©quentĂšrent les grands esprits de l’époque, comme Michel Psellos et NicĂ©tas le Grammairien. RhĂ©toricien de la cour sous Constantin IX, il tomba en disgrĂące peut-ĂȘtre en raison de ses discours oĂč la rhĂ©torique Ă©tait utilisĂ©e comme arme politique et fut nommĂ© mĂ©tropolite d’Euchaita d’oĂč il Ă©crivit de nombreuses lettres Ă  Psellos pour ĂȘtre rappelĂ© d’exil. Pendant cet exil, il se concentra sur des sujets religieux, Ă©crivant de nombreux kanones et vies de saints. De retour Ă  Constantinople, il finit ses jours vers 1070 au monastĂšre de Hagia Petra.
  • Son Ɠuvre :
    • Mauropous rassembla une collection de ses propres Ɠuvres que l’on retrouve dans le manuscrit Vaticano graeco 676. Ce document comprend 99 poĂšmes (Ă©pigrammes, poĂšmes polĂ©miques et autobiographiques, oraisons funĂšbres en vers), 77 lettres et 13 discours dont le contenu est essentiellement religieux.
    • Nombreux canons liturgiques, annonçant le renouveau intellectuel de Byzance au XIe siĂšcle[115].

Poésie profane

Bien que la poĂ©sie en langue populaire ait probablement existĂ© depuis des siĂšcles, c’est la capture de Constantinople par les Latins qui la libĂ©ra des contraintes des formes grammaticales, du contenu lexical et des rĂ©fĂ©rences mythologiques auxquels elle avait Ă©tĂ© soumise et permit Ă  l’imagination et Ă  l’émotion de se manifester. Ainsi, Ă  cĂŽtĂ© de l’épigramme et des panĂ©gyriques officiels qui se maintinrent, la satire et la parodie, la poĂ©sie didactique et exhortative jouirent d’un second souffle alors qu’apparut un genre nouveau, le poĂšme de sollicitation dans lequel le poĂšte se lamente sur son sort et demande aux puissants de l’aider Ă  survivre, et que se renouvelait la poĂ©sie amoureuse des poĂštes alexandrins[116].

Nombreux sont les poĂšmes ou romans en vers postĂ©rieurs Ă  la quatriĂšme croisade qui reprennent par leur sujet le cycle de la Table Ronde. Ainsi, apparait dans une rĂ©gion occupĂ©e par les Français le poĂšme de Belthandros et Chryzantza dont les personnages portent des noms tantĂŽt français, tantĂŽt grecs. Dans le ChĂąteau d’Amour est enfermĂ©e une princesse qui sera dĂ©livrĂ©e par Belthandros[117]. Mais si le poĂšme rappelle un thĂšme de la poĂ©sie provençale, le mariage des deux jeunes gens sera bĂ©ni par le patriarche de Constantinople et le roi des Romains sera reçu par le roi d’Antioche. De la mĂȘme façon, Phorios et Platziaphlora (Flore et Blanchefleur) Ă©crit Ă  la fin du XIVe siĂšcle reprend la version italienne d’une lĂ©gende provençale[118].

À cĂŽtĂ© de cette poĂ©sie chevaleresque se dĂ©veloppent, en langue populaire, Ă  partir du XIIe siĂšcle des poĂšmes de genres variĂ©s : poĂšmes didactiques, satiriques ou lyriques, proverbes, contes, etc. On voit ainsi se dĂ©gager une poĂ©sie qui peut ĂȘtre Ă  l’occasion de contenu assez cru et ressemble davantage Ă  ce qui est produit en langue nationale en Occident qu'Ă  ce qui s’était fait en langue savante grecque[119].

Qu’elle soit chevaleresque ou populaire, la poĂ©sie de l’époque emploie le « vers politique » (Ï€ÎżÎ»ÎčτÎčÎșός ÏƒÏ„ÎŻÎșÎżÏ‚, litt. « vers de la citĂ© », sous-entendu, » vers de mauvaise rĂ©putation ») un vers de 15 syllabes basĂ© sur l’accent portĂ© sur les mots plutĂŽt que sur la longueur des voyelles comme c’était le cas auparavant[N 8]. Chaque vers comporte une cĂ©sure aprĂšs la huitiĂšme syllabe et un accent obligatoire sur la quatorziĂšme syllabe. Ce genre de vers apparut d’abord au VIe siĂšcle et on en retrouve des traces dans certaines kontakia. On le retrouve encore de nos jours dans diverses chansons de folklore grecques[120].

Quelques auteurs
  • Nonnos de Panopolis (ÎÏŒÎœÎœÎżÏ‚), poĂšte grec, nĂ© en Égypte au Ve siĂšcle. On sait trĂšs peu de choses sur sa vie, entre autres s’il s’agissait d’un auteur paĂŻen qui se serait converti au christianisme ou d’un auteur chrĂ©tien qui aurait Ă©tĂ© sĂ©duit par le paganisme.
  • Son Ɠuvre:
    • Dionysiaques. Recueil Ă©pique en deux groupes de 24 chants sur les lĂ©gendes liĂ©es Ă  Dionysos. Écrit selon les lois de la rhĂ©torique en hexamĂštres classiques, ce panĂ©gyrique de Dionysos se veut en rĂ©alitĂ© un hommage Ă  HomĂšre.
    • Metabole meta Ioannou. Une paraphrase de l’évangile selon saint Jean Ă©crite en hexamĂštres dactyliques[121].
  • Georges de Pisidie (Î“Î”ÏŽÏÎłÎčÎżÏ‚ ΠÎčÏƒÎŻÎŽÎ·Ï‚), poĂšte grec, ayant vĂ©cu dans la premiĂšre moitiĂ© du VIIe siĂšcle. AprĂšs avoir quittĂ© sa Pisidie natale, il fut diacre de l’Église de Constantinople, exerçant les fonctions de sacristain (skeuophulax) et d'archiviste (chartophulax) de la basilique de Sainte-Sophie. Contemporain de l’empereur HĂ©raclius, son Ɠuvre porte surtout sur les exploits de celui-ci et sur la foi chrĂ©tienne.
  • Son Ɠuvre :
    • Huit Ɠuvres versifiĂ©es, reprĂ©sentant environ cinq mille vers, et un texte en prose ont Ă©tĂ© conservĂ©s. Son poĂšme sur la crĂ©ation est Ă©crit en vers iambiques de douze syllabes, consistant gĂ©nĂ©ralement en trois paires de pieds comportant chacun une courte suivie d’une longue, vers fortement populaire au Xe siĂšcle avant d’ĂȘtre remplacĂ© par le vers politique[N 9].
    • De expeditione Heraclii imperatoris contra Persas : rĂ©cit de la campagne d'HĂ©raclius contre les Perses en 622.
    • Bellum Avaricum : rĂ©cit du siĂšge de Constantinople par les Avars en 626.
    • Heraclias ou De extremo Chosroae Persarum regis excidio : cĂ©lĂ©bration des hauts faits de l'empereur HĂ©raclius.
    • In sanctam Jesu Christi Dei nostri resurrectionem : exhortation Ă  Flavius Constantin, fils et hĂ©ritier d'HĂ©raclius, pour qu’il marche sur les traces de son pĂšre.
    • Hexaemeron ou Opus sex dierum seu Mundi opificium : le plus long des huit poĂšmes, commentaire en vers des premiers chapitres de la GenĂšse, dĂ©diĂ© au patriarche Serge Ier.
    • De vanitate vitae.
    • Contra impium Severum Antiochiae : dĂ©nonciation du monophysisme.
    • In templum Deiparae Constantinopoli in Blachernissitum : description de l'Ă©glise Sainte-Marie des Blachernes.
    • Encomium in sanctum Anastasium martyrem : Ă©loge en prose de saint Anastase le Perse, soldat de l'armĂ©e du roi ChosroĂšs II, converti au christianisme[122].
  • Jean GĂ©omĂštre ou KyriotĂšs (ÎŠÏ‰ÎŹÎœÎœÎ·Ï‚ ΓΔωΌέτρης), poĂšte, soldat et moine, ayant vĂ©cu dans la deuxiĂšme partie du Xe siĂšcle. L’une des principales figures de la Renaissance macĂ©donienne. Ayant reçu une bonne Ă©ducation, il servit dans l’armĂ©e avant de se faire moine. Ayant vĂ©cu sous les rĂšgnes troublĂ©s de NicĂ©phore II Phocas (emp. 963-969), Jean Ier TzimiskĂšs (emp. 969-976) et les premiĂšres annĂ©es de Basile II (emp. 976-1025), son Ɠuvre contient de nombreuses allusions aux conflits entre Byzance d’une part, les Bulgares et les Rus’ d’autre part de mĂȘme qu’aux rĂ©voltes de Bardas SklĂ©ros et de Bardas Phokas.
  • Son Ɠuvre :
    • Il produisit de nombreux Ă©pigrammes sur les guerres avec les Bulgares et les Rus’ dans lesquels il glorifie NicĂ©phore II, des progymnasmata[N 10], un ekphrasis[N 11] sur le chĂȘne mettant en valeur l’amour d’une mĂšre pour ses enfants, des hymnes et priĂšres en l’honneur de la Vierge et des discours sur GrĂ©goire de Nazianze et saint PantelĂ©on. On lui attribue Ă©galement le Paradeisos, une collection d’épigrammes monastiques[123].
  • Jean Mauropous et ThĂ©odore Prodrome (voir plus haut).
  • Manuel PhilĂšs, poĂšte de la cour sous Andronic II et Andronic III. Ayant des liens avec la famille impĂ©riale, il participa Ă  une ambassade chez les Tatares en 1293 pour nĂ©gocier le mariage de Marie, fille d’Andronic II, au khan de la Horde d’Or. Écrivain prolifique, il composa de nombreux poĂšmes en vers iambiques et en vers politiques.
  • Son Ɠuvre :
    • PoĂšmes sur la faune et la flore dont Sur les caractĂ©ristiques des animaux, deux poĂšmes didactiques sur les vers Ă  soie.
    • PanĂ©gyrique en l’honneur de Jean CantacuzĂšne dans lequel il s’entretient avec des figures mythiques comme la Raison, la Vertu, la VĂ©ritĂ© et la Modestie.
    • Épitaphe en l’honneur de membres de la famille impĂ©riale et de l’aristocratie.
    • Enkomion d’Andronic III.
    • PoĂšmes de sollicitation dans lequel il demande un cheval, une selle, des cĂ©rĂ©ales, un manteau d’hiver, etc.
    • Ekphrasis sur diverses reliques et objets d’art[124].

Digénis Akritas

La seule Ă©popĂ©e appartenant vĂ©ritablement Ă  la littĂ©rature byzantine est celle des Exploits de Basile DigĂ©nis Akritas (habituellement appelĂ©e DigĂ©nis Akritas – ΔÎčÎłÎ”ÎœÎ­ ΆÎșÏÎŻÏ„Î±Ï‚). RĂ©digĂ©e vraisemblablement du XIIe au XVe siĂšcle en vers politiques, elle se prĂ©sente aujourd’hui dans diffĂ©rentes versions qui attestent de nombreuses modifications au cours des ans, consĂ©quence sans doute du fait qu’elle Ă©tait rĂ©citĂ©e par des aĂšdes ambulants lors d’assemblĂ©es de nobles. Il existe six manuscrits grecs et une version slave (Devgenievo Dejanie). Certaines versions sont bien organisĂ©es et reflĂštent la puretĂ© de langue byzantine de l’époque, alors que d’autres sont plus prĂšs de la langue vernaculaire et souffrent de diffĂ©rentes irrĂ©gularitĂ©s sur le plan de la versification.

plaque de métal représentant deux gardes frontaliers
Plaque de métal médiéval représentant deux garde-frontiÚres (akritÚs) inspiré sans doute par l'épopée Digénis Akritas.

L’épopĂ©e a pour sujet les luttes se dĂ©roulant aux frontiĂšres de Cilicie et de Cappadoce aux IXe et Xe siĂšcles entre les gardiens des frontiĂšres (Akritai) d’une part, les Sarrasins d’autre part, auxquels il faut ajouter les ApĂ©lates, bandes de brigands vivant aux dĂ©pens des deux adversaires.

Elle se prĂ©sente sous forme de huit chants divisĂ©s en trois parties qui diffĂšrent tant par le ton que par l’esprit. La premiĂšre partie, qui inclut les trois premiers chants, est consacrĂ©e aux parents de DigĂ©nis Akritas et aux exploits du pĂšre de DigĂ©nis, l’émir d’Édesse qui enlĂšve et Ă©pouse la fille du stratĂšge Andronic Doukas. La deuxiĂšme partie, qui comprend les trois chants suivants, est consacrĂ©e aux exploits de DigĂ©nis qui finit par conquĂ©rir la bien-aimĂ©e Eudokia en dĂ©pit de la rĂ©sistance acharnĂ©e de son futur beau-pĂšre (chant IV). Divers Ă©pisodes distincts composent les chants V (les amours de DigĂ©nis avec une jeune Arabe) et VI (DigĂ©nis se bat contre les ApĂ©lates qui veulent enlever Eudokia laquelle a entre-temps retrouvĂ© son bien-aimĂ©). La troisiĂšme partie (chants VII et VIII) nous montre le couple vivant heureux dans leur palais sur les bords de l’Euphrate oĂč les seuls exploits de DigĂ©nis sont ses exploits Ă  la chasse et sa mort tragique aprĂšs un bain glacĂ© au retour d’une de ces chasses[125].

Chronique de Morée

Il existe une autre Ă©popĂ©e, la Chronique de MorĂ©e ou Livre de la ConquĂȘte (Î§ÏÎżÎœÎčÎșόΜ Ï„ÎżÎ° ÎœÎżÏÎ”ÏŒÏ‚). Mais si celle-ci se situe dans l’espace gĂ©ographique de l’Empire byzantin, il s’agit en fait du rĂ©cit de la conquĂȘte du PĂ©loponnĂšse et de la fondation de la principautĂ© de MorĂ©e Ă©crit par un poĂšte franc au XIVe siĂšcle, lequel se rendant compte de l’hellĂ©nisation progressive des descendants des croisĂ©s veut rappeler Ă  ceux-ci les hauts faits de leurs ancĂȘtres. Elle n’a donc de grec que la langue[N 12] et tient autant de l’histoire que de l’épopĂ©e alors que ses descriptions des mƓurs fĂ©odales Ă  la cour du prince de MorĂ©e lui donnent l’allure d’un poĂšme chevaleresque[126].

La guerre de Troie

On peut Ă©galement mentionner un poĂšme anonyme du XIVe siĂšcle, La Guerre de Troie (ΔÎčÎźÎłÎ·ÏƒÎčς ÎłÎ”ÎœÎ±ÎŒÎ­ÎœÎ· έΜ Î€ÏÎżÎŻÎ±), traduction presque littĂ©rale du Roman de Troie de Benoit de Sainte-Maure. Genre d’Iliade byzantine, ce poĂšme de 1 166 vers politiques non rimĂ©s Ă©crit probablement au XIVe siĂšcle se divise en trois parties, la premiĂšre racontant les Ă©vĂšnements ayant eu lieu avant la guerre se concentre sur l’enfance de Paris, la seconde les Ă©vĂšnements survenus pendant la guerre elle-mĂȘme et porte sur Achille alors que la troisiĂšme raconte les Ă©vĂšnements aprĂšs la guerre et le deuil d’Achille[127].

Le théùtre religieux

Le thĂ©Ăątre tel qu’on le concevait dans l’antiquitĂ© comme forme de divertissement n’a pas survĂ©cu Ă  Byzance oĂč il Ă©tait synonyme d’immoralitĂ© associĂ©e au paganisme. Toutefois quelques piĂšces furent Ă©crites, prĂ©textes Ă  de longues dĂ©clamations qui servirent surtout aux polĂ©miques entre thĂ©ologiens, particuliĂšrement Ă  l’époque de l’iconoclasme. Une seule nous est parvenue : Le Christ Souffrant (ΧρÎčστός Ï€ÎŹÏƒÏ‡Ï‰Îœ) Ă©crite vraisemblablement au Xe ou XIe siĂšcle. RĂ©cit dialoguĂ© de la Passion avec deux demi-chƓurs de GalilĂ©ennes, la piĂšce consiste en 2460 vers dont le tiers sont empruntĂ©s Ă  Euripide, Eschyle et Lycophron. Le rĂŽle principal est tenu par la Vierge qui exprime sa douleur tout au long du chemin de la croix.

Il s’agit toutefois d’un « thĂ©Ăątre savant » qui ne touchait guĂšre le peuple pour qui existait un « thĂ©Ăątre religieux et populaire » un peu semblable aux « mystĂšres » jouĂ©s en Occident. Tout comme eux, il dĂ©rive des homĂ©lies et a pour cadre la liturgie oĂč des interlocuteurs donnent la rĂ©plique au prĂ©dicateur, le tout s’accompagnant de cantiques, de tropes et d’hymnes populaires rythmĂ©s. Certaines fĂȘtes, comme celle du prophĂšte Élie, Ă©taient l’occasion de reconstituer dans diverses Ă©glises des jeux scĂ©niques qui pouvaient durer toute une journĂ©e comme celui des Trois jeunes gens dans la fournaise, mentionnĂ© au Xe siĂšcle et qui se jouait encore Ă  Sainte-Sophie au XVe siĂšcle[128].

Notes et références

Notes

  1. Cette classification est basée sur celle proposée dans Bréhier 1970.
  2. Voir par exemple le jugement que porte l’auteur de l’article sur « La littĂ©rature byzantine » dans Imago Mundi : « Cette pĂ©riode d’environ 1100 annĂ©es n’est qu’une longue dĂ©cadence, une agonie prolongĂ©e de la littĂ©rature grecque, qui, durant les quinze siĂšcles antĂ©rieurs, n’avait presque jamais cessĂ© de jeter de l’éclat » ; pour un jugement plus nuancĂ© et replaçant la littĂ©rature dans son contexte historique, voir Cameron 1970, p. 149-155
  3. La présente classification reprend celle proposée par Louis Bréhier dans « La civilisation byzantine »
  4. Pour les titres mentionnĂ©s dans les pages qui suivent, se rapporter Ă  l’article « Glossaire des titres et fonctions dans l'Empire byzantin »
  5. Il existe toutefois une catĂ©gorie de biographies qui sont de simples panĂ©gyriques Ă©crits longtemps aprĂšs la mort du saint. Purs exercices de rhĂ©torique, elles n’avaient d’autre but que l’acquisition d’un grade universitaire (BrĂ©hier [1970], p. 306.)
  6. L’éloge est un genre littĂ©raire hĂ©ritĂ© de l'AntiquitĂ© qui consiste Ă  vanter les mĂ©rites d'un individu ou d'une institution. Il s'agit d'un discours public ou donnĂ© comme tel, destinĂ© Ă  l'Ă©dification commune des fidĂšles.
  7. Maßtre des cérémonies liturgiques ; c'était un poste trÚs prestigieux.
  8. Ainsi, le pied appelĂ© trochĂ©e Ă©tait formĂ© d’une syllabe longue et d’une brĂšve, alors que l'ĂŻambe consistait en une brĂšve et une longue, le datyle, une longue et deux brĂšves, etc.(BrĂ©hier 1970, p. 318).
  9. En grec : Un vers de 15 syllabes, basĂ© sur l’accent tonique, sans rĂ©fĂ©rence aux syllabes courtes ou longues. Il y a cĂ©sure obligatoire aprĂšs la huitiĂšme syllabe et des accents sur la quatorziĂšme et la sixiĂšme ou la huitiĂšme syllabe.
  10. Les progymnasmata (Ï€ÏÎżÎłÏ…ÎŒÎœÎŹÏƒÎŒÎ±Ï„Î±) sont des exercices de composition destinĂ©s Ă  prĂ©parer les Ă©tudiants Ă  l’exĂ©cution publique de discours.
  11. Les exphrasis (έÎșφρασÎčς) sont des discours descriptifs destinĂ©s Ă  rendre visible l’objet dont il est question.
  12. Il est possible du reste que la version grecque soit la traduction d’un original Ă©crit en français ou en dialecte vĂ©nitien

Références

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  84. Voir Treadgold (2013) pp. 329-339
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