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Basileus

Basileus (en grec ancien : ΒασÎčλΔύς / BasileĂșs) signifie « roi ». Le terme est attestĂ© dans la GrĂšce antique Ă  l’époque mycĂ©nienne et utilisĂ© depuis HomĂšre. Il a dĂ©signĂ© entre autres les empereurs romains pour les Grecs et un certain nombre de souverains d'origine macĂ©donienne Ă  l'Ă©poque hellĂ©nistique. Il est aussi le titre des empereurs byzantins (dans l'Empire romain d'Orient). C'est l'origine Ă©tymologique du prĂ©nom Basile.

Étymologie

L'Ă©tymologie du mot reste peu claire. Si le mot est originellement grec, il pourrait dĂ©river de ÎČÎ±ÏƒÎŻÏ‚ / basĂ­s (« base »). Mais cette origine est douteuse ; la plupart des linguistes supposent que c'est un mot adoptĂ© par les Grecs Ă  l'Ăąge du bronze Ă  partir d'un autre substrat linguistique de MĂ©diterranĂ©e orientale, peut-ĂȘtre thrace ou anatolien. On pourrait aussi supposer un lien Ă©ventuel avec le terme arabo-persan wazir "vizir".

GrĂšce antique

Une piĂšce d'argent du roi sĂ©leucide Antiochos Ier SĂŽter. L'inscription grecque indique ΒΑΣΙΛΕΩΣ ΑΝ΀ΙΟΧΟ΄ (roi Antiochos).

La premiĂšre utilisation connue du mot se retrouve sur des tablettes d'argile cuites dĂ©couvertes dans les fouilles de palais mycĂ©niens ayant subi la destruction par le feu, qui a cuit les tablettes et permis leur conservation. Les tablettes sont datĂ©es du XIIIe siĂšcle au XIIe siĂšcle av. J.-C. et Ă©crites en linĂ©aire B. Le terme « basileus » (qa-si-re-u) Ă©tait primitivement utilisĂ© pour des nobles ou hauts fonctionnaires qui Ă©taient les superviseurs de districts dans les États mycĂ©niens[1]. Les fonctions et positions exactes d'un qasireu sont peu connues et restent sujettes Ă  discussion[1].

Le souverain grec est dĂ©signĂ© comme ÏÎŹÎœÎ±ÎŸ / wĂĄnax (wa-na-ka en linĂ©aire B) dont le pendant fĂ©minin est ÏÎŹÎœÎ±ÏƒÏƒÎ± / wĂĄnassa (wa-na-sa en linĂ©aire B). Le titre — qui deviendra ጄΜαΟ / ĂĄnax plus tardivement, de mĂȘme pour le fĂ©minin, qui deviendra ጄΜασσα / ĂĄnassa — est la plupart du temps traduit par « haut-roi » et signifie « qui exerce la suzerainetĂ© sur d'autres rois ». Le wanax exerce donc le pouvoir sur plusieurs « basileis » locaux, et selon certains auteurs, cela ferait de cette organisation une sociĂ©tĂ© de type proto-fĂ©odale de l'Ăąge du bronze. La signification du mot s'Ă©tend plus tard au sens de roi comme l'attestent les Ă©crits d'HomĂšre dans lesquels Agamemnon et Priam portent ce titre. Le mot dĂ©signe donc le roi de la citĂ© aux Ăąges obscurs et au dĂ©but de l'Ă©poque archaĂŻque, Ă©poque oĂč les citĂ©s grecques Ă©taient des monarchies, avant la chute de celles-ci, Ă  partir du milieu du VIIIe siĂšcle av. J.-C..

Les rois achĂ©mĂ©nides de Perse Ă©taient aussi nommĂ©s Megas Basileus (Grand roi) ou Basileus BasileĂŽn, traduction du persan ShĂąhanshĂąh (Roi des rois). L'utilisation du terme « basileus » Ă©tait limitĂ©e Ă  quelques États grecs qui n'avaient jamais aboli la transmission du pouvoir royal par hĂ©rĂ©ditĂ©. Ainsi Ă©taient nommĂ©s les rois de Sparte, ceux de MacĂ©doine et d'Épire et d'autres rois des tribus barbares de Thrace et d'Illyrie.

Le terme est aussi utilisĂ© Ă  AthĂšnes pendant la pĂ©riode classique pour dĂ©signer l'un des archontes, le sens ici n'est que symbolique pour la fonction de prĂȘtre. Dans les autres citĂ©s-États, le terme n'est jamais utilisĂ©. Un souverain prenait plutĂŽt le titre de tyran ou d'archonte.

Le titre a Ă©tĂ© portĂ© par Alexandre le Grand et ses successeurs grecs en Égypte, MĂ©sopotamie et MacĂ©doine. Le pendant fĂ©minin est ÎČÎ±ÏƒÎŻÎ»Îčσσα / basĂ­lissa et dĂ©signe une reine rĂ©gnante comme ClĂ©opĂątre ou une reine consort.

Contexte

L’annĂ©e 306-305 signa, selon Plutarque, « l’annĂ©e des rois »[2]. Les diadoques Antigonides se proclamĂšrent rois Ă  l'issue d’une victoire Ă  la Bataille de Salamine de Chypre (306 av. J.-C.). Les autres diadoques (PtolĂ©mĂ©e Ier, SĂ©leucos Ier, Lysimaque) firent de mĂȘme. Des souverains, aprĂšs les diadoques, se proclamĂšrent rois, eux-aussi, comme Mithridate Ier du Pont en 296, Agathocle de Syracuse en 305 et Attale Ier de Pergame vers 240. Ils portĂšrent le titre de "basileus", tous en raison de quelques succĂšs militaires ou parce qu’ils ont su rester indĂ©pendants. Les conceptions de la victoire se fondaient sur les mythes de conquĂȘtes du pouvoir (PĂ©lops, Ulysse, ƒdipe, ThĂ©sĂ©e). Pour appuyer leurs qualitĂ©s de vainqueurs, les rois se laissaient confĂ©rer des Ă©pithĂštes qu’ils exprimaient comme : "Nicator", "NicĂ©phore", "Le Grand", "Le Sauveur" 
. Ces titres ont Ă©tĂ© durablement Ă©tablis par les diadoques. La nature royale, associĂ©e au titre, reposait sur l’hĂ©rĂ©ditĂ© de ces mĂȘmes diadoques.

La nature royale

Le "Basileus" Ă©tait un monarque Ă  l’époque hellĂ©nistique. Il recouvrait un caractĂšre divin, surhumain. Il Ă©tait une reproduction de l’image d'un dieu sur terre. Il Ă©tait Ă  la fois crĂ©ateur et artisan de "l'Etat" qui n’existerait pas sans lui. Pour ce faire, il jouissait d’un pouvoir absolu car le monarque disposait d’un pouvoir sans partage, il incarnait physiquement l’État. Par exemple, la divinisation du monarque s’observait par le culte qu’on lui vouait et les Ă©piclĂšses de la titulature officielle. DĂšs lors, le roi Ă©tait la source du pouvoir qu’il devait exercer dans le but de rĂ©aliser le "bien". La justice Ă©tait un des outils de son autoritĂ©. En d’autres termes, bien qu’il ait Ă©tĂ© absolu, le roi vivait pour le bien de son peuple. Le Basileus Ă©tait considĂ©rĂ© "bienfaiteur", "BoĂšthos" (Secourable) ou "SĂŽter" (Sauveur). NĂ©anmoins, outre cette divinisation, le roi n’incarnait ni n'imposait une religion d’État.

Le Basileus Ă©tait le dĂ©tenteur du pouvoir militaire. Les premiers rois (Diadoques) Ă©taient des gĂ©nĂ©raux victorieux, leur constance au combat affirmait leurs vertus (au sens romain). On retrouvait des Ă©piclĂšses comme "Callinicos" (le Glorieux Vainqueur). Bien qu’il soit absolu, une dĂ©lĂ©gation du pouvoir Ă©tait exercĂ©e par le roi au sein d’un personnel large, notamment pour resserrer les liens de fidĂ©litĂ© Ă  la cour et contrĂŽler les grands du royaume.

La victoire rĂ©vĂ©lait les qualitĂ©s et attributs du roi ou du futur roi. Au fil du temps, les basileus se succĂ©dant, ont eu le souci de mythifier et diviniser leur personne. Par exemple, selon Diodore de Sicile, Agathocle de Syracuse , montra trĂšs tĂŽt une force surnaturelle il se distingua Ă  la guerre par ses actes hĂ©roĂŻques en sauvant ses compagnons d’armes plus d’une fois. Il y avait une image bicĂ©phale du roi, celle d’un roi hĂ©roĂŻque Ă  la destinĂ©e miraculeuse.

La nature royale avait un caractĂšre hĂ©rĂ©ditaire. L’adoption permettait de renforcer la continuitĂ© familiale afin de se doter d’une descendance. La majoritĂ© dĂ©pendait des royaumes (chez les sĂ©leucides la majoritĂ© Ă©tait Ă  18 ans, chez les lagides, Ă  16 ans). La rĂšgle de primogĂ©niture ne s’appliquait pas chez les sĂ©leucides ni chez les lagides. Tous les fils nĂ©s du mĂȘme pĂšre pouvaient accĂ©der au pouvoir. Mais ceux-ci n'avaient pas les mĂȘmes chances d'y accĂ©der. En effet, le roi pouvait dĂ©signer son fils prĂ©fĂ©rĂ© en tant que successeur de son vivant.

La victoire (Niké) qualification royale

Le roi Ă©tait d’abord et obligatoirement un guerrier vainqueur. La victoire (NikĂ©) rĂ©vĂ©lait la nature royale et la marque d’une protection divine. Elle Ă©tait un Ă©lĂ©ment charismatique du souverain. La conquĂȘte fondait le droit de propriĂ©tĂ© lorsqu’il Ă©tait Ă©tabli, le territoire Ă©tant traitĂ© comme un patrimoine dont on hĂ©rite, qu’on dĂ©fendait contre les revendications « ennemies ».

Le basileus au combat

Le basileus exerçait la fonction guerriĂšre en personne. Il Ă©tait Ă©duquĂ© en vue de la guerre dĂšs l’enfance. Comme Alexandre le Grand, le roi devait ĂȘtre bon stratĂšge, il combattait en personne, il tenait Ă  partager, avec ses soldats, les rigueurs de la vie militaire. Avant l’affrontement, le basileus en bon gĂ©nĂ©ral, allait reconnaĂźtre les lieux et prĂ©parer sa tactique. Avant la bataille, il passait en revue les troupes et haranguaient celles-ci. Le roi rappelait la gloire de son ancĂȘtre et faisait miroiter l’espoir du butin Ă  ses troupes. Pendant le combat, le roi, Ă©tait entourĂ© de sa garde, il se tenait au centre de son armĂ©e pour ĂȘtre prĂȘt Ă  intervenir aux lieux qui flĂ©chissaient.

Le basileus "protecteur, libérateur et sauveur"

"Miraculeux, fort et victorieux" le roi Ă©tait tenu de dĂ©fendre efficacement les peuples. Il dĂ©fendait Ă©galement les villes des attaques de ses ennemies. Les villes, les citĂ©s, le basileus pouvait les "libĂ©rer" en les arrachant Ă  ses concurrents. Le thĂšme de la "libertĂ© des grecques" Ă©tait un thĂšme moteur durant toute l'Ă©poque hellĂ©nistique. La « libertĂ© des grecques » devait ĂȘtre accordĂ©e et garantie par le roi. En retour, les citĂ©s qualifiaient les rois en d’innombrables dĂ©crets, signant les prĂ©mices du culte du souverain.

Par "libĂ©ration" des citĂ©s, il fallait gĂ©nĂ©ralement entendre une restauration des anciens rĂ©gimes. Cette "libĂ©ration" restituait les institutions qui avait Ă©tĂ© modifiĂ©es par les "protecteurs" prĂ©cĂ©dents. La "libĂ©ration" des citĂ©s pouvait Ă©galement rimer avec une autonomie au sein du royaume. Le roi avait pour mission de faire revivre un passĂ© tenu pour excellent. Le basileus, vainqueur du moment, se fĂ©licitait de la restauration d’un rĂ©gime. Il devait restaurer la paix et garantir la prospĂ©ritĂ©. En temps de guerre, si la protection royale Ă©tait dĂ©faillante, les citĂ©s Ă©taient offertes Ă  la merci de l’ennemie.

La dĂ©faite Ă©tait "honteuse", il y a « dĂ©faite et dĂ©faite ». Si elle ne remettait pas en cause la totalitĂ© de son territoire, la dĂ©faite n’était qu’une offense que le basileus pouvait combler en remportant d'autres victoires. Elle Ă©tait souvent l’effet d’un "manque de calcul et pouvait ĂȘtre le rĂ©sultat d’une conduite irrationnelle" selon Polybe. Si la dĂ©faite remettait la totalitĂ© de son territoire en jeu, il valait mieux, selon ce dernier, se "suicider que de survivre Ă  une catastrophe irrĂ©parable". La mort au combat devait grandir l’image du roi.

Le territoire

La possession d’un territoire n’était pas forcement la condition sine qua non vecteur de la royautĂ©. Cependant, la possession, l’exploitation, la dĂ©fense et l’agrandissement d’un territoire Ă©taient indispensables Ă  l’exercice de la royautĂ©. Il s'agissait des devoirs du roi.

Le butin

Si la guerre victorieuse était condition de prestige et de puissance, elle était aussi pourvoyeuse de butin. Le roi, comme dans l'Iliade, en prenait sa part privilégiée. Le basileus faisait offrande, aux temples, des prémices de son butin, particuliÚrement aux sanctuaires panhelléniques de Delphes, d'Olympie et de Délos.

Le savoir

Le « bon roi » possĂ©dait le savoir et une capacitĂ© de rĂ©flexion rationnelle, qu’on songe au « philosophe roi » de Platon et Ă  cette affirmation d'Aristote : « l’ĂȘtre qui, grĂące Ă  son intelligence est capable de prĂ©voir, est chef par nature et maitre par nature » [3].

Le DiadĂšme

Depuis la GrĂšce antique, le diadĂšme Ă©tait l’antique parure du vainqueur athlĂ©tique. Le diadĂšme Ă©tait devenu l’insigne du pouvoir qu’un roi lĂ©guait en mourant Ă  celui qu’il dĂ©signait comme son successeur. Durant toute la pĂ©riode hellĂ©nistique, le diadĂšme symbolisait la nature du basileus et en particulier sa nature "victorieuse" et "conquĂ©rante" par essence.

Ensuite, le terme de basileus se réfÚre à n'importe quel roi d'une zone hellénophone au sein de l'Empire romain, comme Hérode en Judée.

Constantinople

BanniÚre des Paléologues : les quatre lettres reflÚtent la devise Basileus Basileon Basileuon Basileusin (« Roi des rois, régnant sur les rois »).

À l'Ă©poque byzantine, le basileus est l'empereur. HĂ©raclius adopta ce terme pour remplacer le titre latin d’Augustus (Augustos en traduction grecque) en 629 : il prit alors le sens d’« empereur ». Il est utilisĂ© comme titre officiel Ă  partir de Justinien II, alors que le grec remplace progressivement le latin sur les piĂšces de monnaie et dans les documents officiels.

Quand les Romains conquirent la Méditerranée, le titre impérial « CÊsar Augustus » fut initialement traduit par « Kaisar Sebastos » (« vénérable César ») et plus tard hellénisé en « Kaisar Augoustos ». « Imperator » (« ayant tout pouvoir »), un autre titre impérial, fut traduit en « autokrator ». « BASILEUS » fut gravé sur la monnaie byzantine en écriture latine (à la place de « C.IMP. » pour « CÊsar Imperator »). C'est seulement plus tard que l'écriture grecque fut utilisée.

Le titre de « basileus » devient l'objet d'une grande controverse quand Charlemagne fut, lui aussi, couronnĂ© « empereur des Romains » par le pape, car le roi franc ne descendait pas des empereurs romains et n'avait pas Ă©tĂ© adoubĂ© empereur d'Occident par celui d'Orient, conformĂ©ment Ă  la lĂ©galitĂ© romaine. Aux yeux de l'impĂ©ratrice IrĂšne, rĂ©gente de son fils Constantin VI, Charlemagne avait donc usurpĂ© ce titre et n'avait de lĂ©gitimitĂ© que comme roi des Francs, et non comme « empereur des Romains », titre rĂ©servĂ© aux souverains byzantins (« ΒασÎčλΔáœșς Î±áœÏ„ÎżÎșÏÎŹÏ„Ï‰Ï Ï„áż¶Îœ áżŹÏ‰ÎŒÎ±ÎŻÏ‰Îœ »). Charlemagne proposa nĂ©anmoins le mariage Ă  IrĂšne, mais elle refusa ; elle-mĂȘme utilisait le terme de « basileus » plutĂŽt que « basilissa » (« impĂ©ratrice ») et ne reconnut pas le titre impĂ©rial de Charlemagne.

Conception divine

Le basileus Léon VI le Sage, servant et lieutenant de Dieu, se prosterne devant le Christ pantocrator (mosaïque de la basilique Sainte-Sophie de Constantinople : les médaillons figurent l'archange Gabriel et Marie).
Le symbole de David, abondamment utilisé par les basilei : ce roi biblique est couronné sur un bouclier entouré de son armée et couronné selon la volonté de Dieu (Psautier de Paris).

Le basileus, servant et lieutenant de Dieu

« Basileus » est un titre et une charge qui, comme dans toute la chrĂ©tientĂ© orientale (tsars, rois, voĂŻvodes ou hospodars) ne sont initialement pas transmissibles hĂ©rĂ©ditairement, mĂȘme si des dynasties rĂ©ussissent parfois Ă  conserver le trĂŽne sur plusieurs gĂ©nĂ©rations. Symbole du caractĂšre essentiellement Ă©phĂ©mĂšre de leur pouvoir, les empereurs byzantins se voient remettre l'« akakia » lors de leur intronisation : une bourse de soie pourpre pleine de poussiĂšre qui leur rappelait qu'ils n'Ă©taient que des hommes, destinĂ©s Ă  redevenir poussiĂšre. L’empereur tire sa lĂ©gitimitĂ© de la volontĂ© de Dieu, et non de son prĂ©dĂ©cesseur. Jean II considĂ©rera ainsi que la « charge de l’Empire lui avait Ă©tĂ© confiĂ©e par Dieu ». Cette intervention divine est d’autant plus nette lorsque l’Empereur est un usurpateur : tel est ainsi le cas de NicĂ©phore Ier et de Basile Ier, auxquels « Dieu a concĂ©dĂ© de rĂ©gner sur les chrĂ©tiens pour la gĂ©nĂ©ration prĂ©sente ».

En tant qu’individu, le basileus n’est qu’un « servant et lieutenant de Dieu » (áŒÏÎłÎ±ÏƒÏ„áœžÏ‚ Îșα᜶ Î»ÎżÏ‡Î±ÎłáœžÏ‚ Ï„ÎżáżŠ ΘΔοῊ) et tous ses actes dĂ©pendent Ă©troitement de la volontĂ© divine. Cette conception se rencontre essentiellement dans les opĂ©rations militaires : Alexis Ier ComnĂšne et Jean II ComnĂšne estiment ainsi que l’armĂ©e est placĂ©e « sous Dieu, gĂ©nĂ©ral en chef, et moi, son sous-ordre » : une campagne militaire ne peut donc ĂȘtre engagĂ©e que si elle prend le chemin voulu par Dieu. Cette conception implique nĂ©cessairement que n’importe qui puisse ĂȘtre Ă©lu par Dieu pour monter sur le trĂŽne impĂ©rial : Justin Ier, Michel II, Basile Ier, Michel IV ou Michel V, tous hommes du peuple, furent considĂ©rĂ©s comme choisis parmi le peuple pour rĂ©gner sur l’Empire.

Cette conception de la fonction impĂ©riale a deux consĂ©quences : tant que le basileus a les faveurs de Dieu (c'est-Ă -dire : sait lire ses desseins), se rĂ©volter contre l’Empereur est une rĂ©volte contre Dieu et le rĂ©voltĂ© est un ennemi de Dieu (ÎžÎ”ÎżÎŒÎŹÏ‡ÎżÏ‚), voire un sacrilĂšge (ÎșÎ±ÎžÎżÏƒÎŻÏ‰ÏƒÎčς, terme employĂ© par Michel AttaleiatĂšs lors de la rĂ©volte de Constantin Doukas contre NicĂ©phore Ier) ; mais si le basileus perd, s’il est « aveugle » face aux desseins de Dieu, alors c’est lui qui devient un ennemi de Dieu, et c’est le rĂ©voltĂ© qui devient un « servant et lieutenant » du Seigneur. Dans les controverses christologiques et religieuses de l’Empire, comme celle entre les « iconoclastes » et les « orthodoxes », chaque parti est persuadĂ© d’ĂȘtre « dans la LumiĂšre » et de lutter contre l’aveuglement de ses adversaires, qui, eux, sont « dans l’ObscuritĂ© ». Dans ces conditions, l’Empereur peut tout faire dans les limites de la volontĂ© divine et ses victoires sont celles d’un soldat de Dieu ; s’il est vaincu, c’est qu’il n’avait pas su voir la volontĂ© divine (et c’est pourquoi, plus d’une fois, les vaincus furent physiquement aveuglĂ©s avant d’ĂȘtre contraints de se faire moines, comme Romain IV DiogĂšne)[4].

Les symboles du pouvoir

L’Empereur est entourĂ©, sur terre, d’un dĂ©corum symbolisant l’origine divine de sa fonction et imposant l’idĂ©e de sa puissance sacrĂ©e Ă  quiconque est introduit en sa prĂ©sence. Il est l’image terrestre du monde divin, tel que le conçoivent les Byzantins. Ce thĂšme de l’Empereur-sacrĂ© est utilisĂ© Ă  la cour de LĂ©on VI, d’Alexis Ier et d’Alexis III. Il en va de mĂȘme de Romain IV qui, lors de sa traversĂ©e de l’Asie centrale, est regardĂ© par ses soldats comme Ă©tant « l’égal de Dieu ».

Le symbole le plus important du pouvoir impĂ©rial demeure cependant la pourpre : l’Empereur est revĂȘtu de pourpre, et en particulier chaussĂ© de bottes pourpres, les kampagia, qui sont par excellence le signe du pouvoir impĂ©rial : tant que l’Empereur les porte, il peut prĂ©tendre Ă  l’Empire (ainsi, Basile II refuse-t-il de recevoir la soumission de Bardas SklĂšros tant qu’il ne s’en est pas dĂ©pouillĂ©). Seul l’Empereur, dĂ©lĂ©guĂ© de Dieu, peut user de la pourpre impĂ©riale (vĂȘtements, diadĂšmes, chausses).

Un autre symbole du pouvoir est la monnaie, le nomisma d’or ou le millarision d’argent, qui sont revĂȘtus d’une valeur sacrĂ©e au point que le seul fait de les jeter Ă  terre et de les fouler constituent une offense faite Ă  l’Empereur.

Autorité légale

L’Empire n’est pas pour autant une thĂ©ocratie, car c’est la Loi qui le gouverne, et qui s’impose Ă©galement au basileus, Ă©lu de Dieu, mais soumis aussi au respect de la loi : Ă©tant la loi personnifiĂ©e, il ne peut pas, sans se nier lui-mĂȘme, tomber dans des excĂšs tyranniques. Il est ainsi, dira KĂ©kaumĂ©nos, soumis aux lois qui garantissent la piĂ©tĂ©.

La plus importante des lois auxquelles est soumis le basileus est la loi de succession au trĂŽne : mĂȘme si tout vient de Dieu, le Byzantin reste persuadĂ© qu’une prise de pouvoir violente n’est pas lĂ©gale. Isaac Ier ComnĂšne en vient ainsi Ă  abdiquer, rongĂ© par le remords d’avoir pris le pouvoir contrairement aux lois.

Les lois de succession, mĂȘme non Ă©crites, constituent « les droits communs de l’Empire romain » que le basileus peut interprĂ©ter, et aux carences desquelles il peut supplĂ©er par des dĂ©cisions personnelles prises conformĂ©ment aux coutumes grecques.

Il n’en demeure pas moins que le trĂŽne apparaĂźt comme un bien commun impĂ©rial, initialement non hĂ©rĂ©ditaire et dont l’Empereur ne doit pas disposer Ă  sa volontĂ© : ainsi par exemple, la dĂ©cision de Constantin IX de choisir lui-mĂȘme son successeur, autant que le serment imposĂ© par Constantin X Ă  son Ă©pouse de ne jamais se remarier, sont regardĂ©s, notamment par l’autoritĂ© ecclĂ©siastique, comme illĂ©gaux et ne tendant pas au bien commun. De la mĂȘme maniĂšre, l’attribution des fonctions de l’État ne peut procĂ©der de la fantaisie impĂ©riale.

Principe dynastique

Le principe dynastique, Ă  savoir la transmission hĂ©rĂ©ditaire du pouvoir impĂ©rial, n’existait pas initialement : il s’impose progressivement Ă  partir du IXe siĂšcle.

Les impĂ©ratrices rĂ©gnantes accouchent dans une salle spĂ©ciale du Palais SacrĂ©, la salle pourpre ou porphyra et l’enfant naĂźt ainsi porphyrogĂ©nĂšte : c'est une prĂ©somption qu’il deviendra hĂ©ritier du trĂŽne.

Le droit dynastique s’impose finalement avec la dynastie macĂ©donienne : pour assurer sa succession, Basile Ier associe au trĂŽne ses enfants Constantin, LĂ©on et Alexandre, inaugurant ainsi une pratique qui se perpĂ©tuera.

Son fils aĂźnĂ©, Alexandre III, stĂ©rile, meurt sans enfant. LĂ©on VI, son successeur, contracte trois mariages sans pouvoir engendrer d’hĂ©ritier successible : il doit alors, en violation du Code civil qu’il a lui-mĂȘme Ă©dictĂ©, contracter une quatriĂšme union d’oĂč naĂźt un fils, Constantin, que l’impĂ©ratrice ZoĂ© prend soin de faire naĂźtre dans la porphyra.

Devenu empereur, Constantin VII verra sa bĂątardise lĂ©gale s’effacer avec le statut de porphyrogĂ©nĂšte, destinĂ© Ă  le diffĂ©rencier de son beau-pĂšre, l’empereur associĂ© Romain Ier LĂ©capĂšne : si celui-ci parvient Ă  associer ses propres fils au trĂŽne, il ne parvient cependant pas Ă  Ă©carter Constantin de la succession. La destitution des LĂ©capĂšne pĂšre et fils Ă©tablit clairement l’attachement des Byzantins Ă  la transmission hĂ©rĂ©ditaire du trĂŽne : l’hĂ©ritier lĂ©gitime est le fils de LĂ©on VI, nonobstant les circonstances de sa conception.

De mĂȘme, Romain II le MacĂ©donien associe-t-il ses deux fils, Basile II et Constantin VIII au trĂŽne : bien qu’usurpateurs, NicĂ©phore II Phokas et Jean Ier TzimiskĂšs ne peuvent les Ă©carter du trĂŽne.

Cet attachement des Byzantins au principe de la légitimité conduira le peuple, à la mort de Zoé puis de son époux Constantin IX, à tirer de son couvent la derniÚre fille de Constantin VIII, Théodora afin de la proclamer basileia.

Références

  1. Brigitte Le Guen (dir.), Marie-Cécilia d'Ercole et Julien Zurbach, Naissance de la GrÚce : De Minos à Solon. 3200 à 510 avant notre Úre, Paris, Belin, coll. « Mondes anciens », , 686 p. (ISBN 978-2-7011-6492-2), chap. 3 (« Le monde mycénien »), p. 169.
  2. Plutarque (trad. de FLACELIERE.R, CHAMBRY.E), "Vies de Thésée" dans Vies ParallÚles, Paris, CUF, chapitre 1, pp. 17-18
  3. Aristote (trad. Traduction française : Jean-François CHAMPAGNE, revue et corrigée par M. HOEFER.), « ARISTOTE, POLITIQUE. LIVRE I » (consulté le )
  4. Alain Ducellier, Le Drame de Byzance : idéal et échec d'une société chrétienne, Hachette Littérature, collection Pluriel, 1998. (ISBN 978-2012788480) (Critique de la Revue des études byzantines).

Voir aussi

Manuels

  • Catherine Grandjean, GeneviĂšve Hoffman, Laurent Capdetrey et Jean-Yves Carrez-Maratray, « CaractĂšres des royautĂ©s et des citĂ©s », dans Le monde hellĂ©nistique, Malakoff, Armand Colin, , 2e Ă©d., p. 61-98.

Ouvrages généraux

  • Jean Delorme, « Le monarque idĂ©al » dans : V-L. TapĂ© (dir.), Le monde hellĂ©nistique (323-133 avant J.-C), Ă©vĂšnements et institutions coll. « Regards sur l’histoire », Sedes, Paris 1975, pp. 355-359.
  • Claire PrĂ©aux, « Le Roi » ; dans Le Monde HellĂ©nistique : La GrĂšce et l’Orient 323-146 av. J-C., Tome 1, Chap. 1, PUF, Paris 1997, pp. 181-201.

Études spĂ©cialisĂ©es

  • Pierre Cabanes, « Le monde hellĂ©nistique de la mort d’Alexandre Ă  la Paix d’ApamĂ©e (323-188) » coll. « Points », Paris, 1995
  • Pierre Carlier, « Les basileis homĂ©rique sont-ils des rois ? », KtĂšma : civilisations de l'Orient, de la GrĂšce et de Rome antiques, vol. Hommage Ă  Edmond FrĂ©zouls – III, no 21,‎ , p. 5-22. (lire en ligne)
  • Pierre Carlier, « La royautĂ© en GrĂšce avant Alexandre » dans Études et travaux publiĂ©s par le groupe de recherche d'histoire romaine de l'UniversitĂ© des sciences humaines de Strasbourg, AECR, Strasbourg, 1984.

Articles connexes

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