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Linéaire B

Le linéaire B est un syllabaire utilisé pour l'écriture du mycénien, une forme archaïque du grec ancien.

Linéaire B
Image illustrative de l’article Linéaire B
Tablette mycénienne portant une inscription en linéaire B, relative à la production d'aromates, musée national archéologique d'Athènes
Caractéristiques
Type Syllabaire incluant des signes logographiques additionnels
Langue(s) Mycénien
Historique
Époque 1500 à 1200 av. J.-C.
Système(s) parent(s) Linéaire A (supposé)

Linéaire B

Codage
Unicode U+10000 à U+1007F (signes syllabiques)
U+10080 à U+100FF (signes logographiques)
ISO 15924 Linb

Il se compose d'environ 87 signes. Les nombres sont décimaux, les poids et mesures sont d'inspiration babylonienne. Le linéaire B est complètement oublié dès le début du premier millénaire avant notre ère[1] ; il sera par la suite remplacé par l'alphabet grec, avec lequel il n'a aucun lien[1].

Corpus

Le linéaire B apparaît en Crète à Cnossos aux environs de 1375 av. J.-C. Il y a été découvert, avec le linéaire A, en 1900 par Sir Arthur Evans sur des tablettes d'argile de Cnossos cuites accidentellement par un incendie (3 500 fragments[1]). Des tablettes ont également été retrouvées à Pylos (près de 1 000 fragments[1]), Mycènes, Thèbes (plusieurs centaines de fragments[1]), Tirynthe et Midéa. Le linéaire B se trouve également sur des vases, trouvés à Éleusis, Kreusis, Orchomène, La Canée et au Ménélaion, à Thérapné. Les styles d'écriture permettent d'identifier une centaine de scribes différents à Cnossos, et une cinquantaine à Pylos.

Certains de ces textes étaient sans doute de simples brouillons pour des textes sur des supports périssables, mais d'autres ont été écrits à dessein sur de l'argile[1].

Contexte historique

L'apparition de l'écriture linéaire B en Crète, qui était largement utilisée en Grèce continentale à l'époque mycénienne, et la fin de l'utilisation de l'écriture linéaire A courante dans les sites minoens de Crète correspond à la période minoenne tardive au cours de laquelle de nombreux sites de l'île sont abandonnés. Les témoignages archéologiques changent pour inclure la culture matérielle et une architecture stylistiquement similaire aux formes utilisées sur le continent grec, où l'âge du bronze tardif est communément appelé « mycénien »[2].

Déchiffrement

Tablette mycénienne, traitant d'une commande de laine, musée national archéologique d'Athènes.
Inscription en linéaire B, musée archéologique d'Héraklion (Crète).

Cette écriture fut déchiffrée en 1952 par l'architecte anglais Michael Ventris[3], à partir des travaux initiaux d'Alice Kober.

Jusqu'alors, il était communément admis que le linéaire B transcrivait le minoen, langue supposée dont on ne connaissait rien, et non du grec. Alice Kober remarqua l'existence de variantes pour certains mots. La présence d'un idéogramme accompagnant un groupe de signes se terminant différemment lui fit supposer qu'il s'agissait de deux mots indiquant le même objet mais à un genre différent[4]. Les différences étant faibles, elle supposa une langue flexionnelle et que ces différences correspondaient à une différence de voyelle. Elle construisit un tableau où les signes partageant la même consonne étaient disposés sur les horizontales et ceux ayant une voyelle commune sur les verticales. Les similitudes mises en évidence permettaient de retrouver les sons de tout le syllabaire à partir d'un nombre restreint de valeurs. Elle avait ainsi établi une grille de dix signes avant sa mort, en 1950[5].

Ayant étudié les publications d'Alice Kober, Michael Ventris agrandit considérablement cette grille. Il parvint à identifier les voyelles isolées. De plus, les tablettes trouvées à Pylos et celles trouvées en Crète différaient par l'existence, dans ces dernières, de groupes de signes, mis en évidence par Alice Kober. Ventris supposa qu'il s'agissait des noms de toponymes d'origine crétoise (et non grecs). Il identifia Cnossos (ko-no-so), son port Amnisos (a-mi-ni-so) et quelques autres[6]. Par déduction, et en rectifiant et enrichissant la grille de lecture au fur et à mesure des identifications, il fut alors possible de lire le linéaire B qui s'avéra transcrire un dialecte grec archaïque.

Par la suite, l'helléniste John Chadwick, spécialiste de l'évolution du grec, aida Michael Ventris à continuer le déchiffrement pour aboutir en 1955 à un traité sur le linéaire B : Documents in Mycenaean Greek (Documents en grec mycénien)[7].

Caractères du linéaire B

Le linéaire B comporte près de 200 signes, divisés en signes « syllabiques », ayant probablement une valeur phonétique, et en « logogrammes » ayant eux une valeur sémantique.

Le linéaire B est représenté par la rangée Unicode 10000-1007F pour les syllabiques et 10080-100FF pour les logogrammes.

Ci-dessous, une liste des syllabiques les plus courantes avec leur prononciation supposée, reconstituée d'après le mycénien.


-a -e -i -o -u
𐀀 a 𐀁 e 𐀂 i 𐀃 o 𐀄 u
d- 𐀅 da 𐀆 de 𐀇 di 𐀈 do 𐀉 du
j- 𐀊 ja 𐀋 je 𐀍 jo 𐀎 ju
k- 𐀏 ka 𐀐 ke 𐀑 ki 𐀒 ko 𐀓 ku
m- 𐀔 ma 𐀕 me 𐀖 mi 𐀗 mo 𐀘 mu
n- 𐀙 na 𐀚 ne 𐀛 ni 𐀜 no 𐀝 nu
p- 𐀞 pa 𐀟 pe 𐀠 pi 𐀡 po 𐀢 pu
q- 𐀣 qa 𐀤 qe 𐀥 qi 𐀦 qo
r- 𐀨 ra 𐀩 re 𐀪 ri 𐀫 ro 𐀬 ru
s- 𐀭 sa 𐀮 se 𐀯 si 𐀰 so 𐀱 su
t- 𐀲 ta 𐀳 te 𐀴 ti 𐀵 to 𐀶 tu
w- 𐀷 wa 𐀸 we 𐀹 wi 𐀺 wo
z- 𐀼 za 𐀽 ze 𐀿 zo

Conventions orthographiques

Tous les syllabaires se heurtent à la difficulté de transcrire une voyelle ou une consonne isolée ou deux consonnes qui se suivent. En linéaire B, le problème de la voyelle ne se pose pas, puisqu'il inclut leur notation. Pour les consonnes, il adopte deux solutions :

  1. soit il les omet, comme le « s » final de ko-no-so pour « Cnossos »[8];
  2. soit il répète la voyelle de la syllabe suivante : ko-no pour kno dans « Cnossos » également. Le groupe ko-no peut donc se lire de deux manières.

Bibliographie

  • John Chadwick, Le Déchiffrement du linéaire B, NRF Gallimard, , 242 p..
  • John Chadwick, « Linéaire B et écritures apparentées », dans La Naissance des écritures, Seuil, (ISBN 2-02-033453-4), p. 182-251.
  • Simon Singh, « La barrière de la langue », dans Histoire des codes secrets. De l'Égypte des pharaons à l'ordinateur quantique, JC Lattès, (ISBN 2-7096-2048-0), p. 236-263.
  • Brigitte Le Guen (dir.), Marie-Cécilia d'Ercole et Julien Zurbach, Naissance de la Grèce : De Minos à Solon. 3200 à 510 avant notre ère, Paris, Belin, coll. « Mondes anciens », , 686 p. (ISBN 978-2-7011-6492-2), L'atelier de l'historien, chap. III (« Michael Ventris et John Chadwick : les Mycéniens parlent grec et l'écrivent »).

Notes et références

  1. Brigitte Le Guen (dir.), Marie-Cécilia d'Ercole et Julien Zurbach, Naissance de la Grèce : De Minos à Solon. 3200 à 510 avant notre ère, Paris, Belin, coll. « Mondes anciens », , 686 p. (ISBN 978-2-7011-6492-2), chap. 3 (« Le monde mycénien »), p. 138-143.
  2. (en) Michael Richards, Colin Smith, Olaf Nehlich et al., Finding Mycenaeans in Minoan Crete? Isotope and DNA analysis of human mobility in Bronze Age Crete, PLoS ONE 17(8): e0272144, 10 août 2022, doi.org/10.1371/journal.pone.0272144
  3. Chadwick 1994, p. 199-203.
  4. Chadwick 1994, p. 200.
  5. Singh 2000, p. 250.
  6. Chadwick 1994, p. 200-201.
  7. Chadwick 1994, p. 201-202.
  8. Le fait que de nombreux termes grecs possèdent un « s » final, alors que les finales des termes écrits en linéaire B ne présentent pas une pareille distribution, a durablement renforcé l'hypothèse que le linéaire B transcrivait une autre langue que le grec.

Annexes

Articles connexes

Liens externes

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