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Empereur romain

Un empereur romain est le principal dirigeant de l'Empire romain, depuis la fin de la République romaine avec Auguste (en ) jusqu'à la chute des empires et principautés issues de la décomposition de l'empire byzantin.

Dans la pĂ©riode antique, le terme ne dĂ©finit pas de fonction prĂ©cise et lĂ©gale mais plutĂŽt un conglomĂ©rat de pouvoirs, initialement liĂ©s Ă  des fonctions de la pĂ©riode rĂ©publicaine ; cette accumulation de pouvoirs a Ă©voluĂ© au fil des siĂšcles. Le titre d'« empereur », rĂ©sultant d'un concept assez moderne, n'Ă©tait pas utilisĂ© par les Romains avec le mĂȘme sens : si un homme Ă©tait « empereur proclamĂ© », il Ă©tait souvent appelĂ© « Auguste », « CĂ©sar » ou « Imperator » pour les militaires (dont est dĂ©rivĂ© le terme empereur), alors que le titre est aujourd'hui utilisĂ© pour rĂ©sumer la position tenue par les individus dĂ©tenteurs du pouvoir dans l'Empire romain.

Comme l'Ă©crit Paul Veyne : « Le rĂŽle d'empereur romain Ă©tait d'une ambiguĂŻtĂ© Ă  rendre fou [
]. Un CĂ©sar devait avoir quatre langages : celui d'un chef dont le pouvoir civil est de type militaire et qui donne des ordres ; celui d'un ĂȘtre supĂ©rieur (mais sans ĂȘtre un dieu vivant) vers lequel monte un culte de la personnalitĂ© ; celui d'un membre du grand conseil d'Empire, le SĂ©nat, oĂč il n'est que le premier parmi ses pairs, qui n'en tremblent pas moins pour leur tĂȘte ; celui du premier magistrat de l'Empire qui communique avec ses citoyens et s'explique devant eux »[1]. Il est un simple mandataire de la collectivitĂ©, chargĂ© par elle de diriger la rĂ©publique[2].

Les empereurs romains refusaient d'ĂȘtre considĂ©rĂ©s comme des rois, prĂ©fĂ©rant l'idĂ©e d'apparaĂźtre comme des reprĂ©sentants de la RĂ©publique. Le premier empereur, Auguste, Ă©vite toute association avec le terme de monarque, clamant que ses pouvoirs sont authentiquement rĂ©publicains, et avec la pĂ©riode du principat (-), les institutions rĂ©publicaines (sĂ©nat et magistratures) sont conservĂ©es, et l'empereur est considĂ©rĂ© primus inter pares, « premier entre ses pairs », bien que les pouvoirs soient de fait concentrĂ©s dans leurs mains. Avec DioclĂ©tien, qui amorce le dominat (285-476), ces institutions sont abandonnĂ©es, et les empereurs deviennent des « monarques », bien que le contraste avec les « rois » soit maintenu, et deviennent dominus et deus, « maĂźtre et dieu ». Au sein de l'Empire romain d'Orient, les empereurs Ă  partir d’HĂ©raclius adoptent le titre de Basileus (« roi » en grec), mais qui est rĂ©servĂ© aux empereurs « romains », alors que les autres rois sont appelĂ©s Rigas.

En plus de leur fonction pontificale (Pontifex Maximus), les empereurs avaient un statut divin, initialement aprÚs leur mort, et, depuis le dominat, à partir de leur accession au pouvoir. Lorsque le christianisme prévaut sur le paganisme, le statut religieux des empereurs change, pour devenir lieutenant du Christ sur Terre.

Fonctions et pouvoirs des empereurs romains

Les origines du pouvoir impérial

Le pouvoir impérial est une délégation, une mission confiée à un individu théoriquement choisi ou accepté par le peuple romain et le Sénat. Les Césars successifs sont ainsi présentés comme « une chaßne perpétuelle de délégations »[3].

Tout citoyen dévoué appartenant à la noblesse sénatoriale des « clarissimes » peut prétendre au pouvoir pour assurer le salut commun. Des lois non écrites écartent les Grecs et plus tard les Germains.

Pour l'historien Jean BĂ©ranger, les empereurs romains sont de grands « patriotes » qui assument les affaires publiques, les transmettent tout naturellement Ă  leur hĂ©ritier prĂ©somptif, ou encore les conquiĂšrent de haute lutte[4]. L’empereur n’est donc pas un roi hĂ©rĂ©ditaire. Parfois, les empereurs adoptent la personne destinĂ©e Ă  leur succĂ©der. Parfois, la succession est hĂ©rĂ©ditaire. Mais dans ce cas, le nouvel empereur, ne succĂšde Ă  son pĂšre dans son poste que s’il en a reçu expressĂ©ment l’investiture[5]. En cas de crise, un gĂ©nĂ©ral portĂ© en triomphe par ses soldats peut par les armes accĂ©der au pouvoir suprĂȘme, c'est le cas pendant la crise du troisiĂšme siĂšcle.

Jusqu’à la fin de l’Empire byzantin, l'idĂ©e que le trĂŽne n’était la propriĂ©tĂ© de personne, ni d’un individu ni d’une dynastie, a survĂ©cu. La consĂ©quence d'un tel systĂšme est le risque de guerre civile Ă  chaque changement de rĂšgne. Les pĂ©riodes oĂč la succession s'est effectuĂ©e de maniĂšre paisible, comme sous les Antonins, ont Ă©tĂ© des exceptions[2]. Le SĂ©nat et le peuple sont pĂ©nĂ©trĂ©s par la crainte d’une guerre civile Ă  chaque succession. Ils acceptent donc avec empressement l'idĂ©e qu’un descendant du prince rĂ©gnant prenne la suite de son pĂšre. Un des devoirs de tout empereur est de prĂ©parer la transmission pacifique de son trĂŽne. Le choix le plus logique est, mĂȘme aux yeux des Romains, de dĂ©signer son fils ou d’en adopter un. Au Ier siĂšcle, aprĂšs l'assassinat de NĂ©ron, Galba adopte en hĂąte Pison, Othon se prĂ©pare Ă  adopter son neveu et Vitellius prĂ©sente son enfant Ă  ses soldats. Quand l’empereur rĂ©gnant parvient Ă  transmettre sans problĂšme son pouvoir Ă  son successeur, cela est considĂ©rĂ© comme l’achĂšvement d’un rĂšgne rĂ©ussi[6]. En fait, l’hĂ©rĂ©ditĂ© du trĂŽne n’est pas un principe de droit public, mais une pratique aristocratique admise par l’opinion romaine.

Aux IIIe et IVe siĂšcles, les empereurs sont crĂ©Ă©s par un nouveau groupe, l’état-major d'une armĂ©e. Il choisit le nouvel empereur, ensuite avalisĂ© par le SĂ©nat. Le rang impĂ©rial est devenu, aux yeux des militaires, le grade le plus Ă©levĂ© dans la hiĂ©rarchie des officiers[2].

Imperator

Le terme français empereur provient du mot latin imperator, lequel appartient Ă  la famille de imperare (commander) ou imperium (commandement, pouvoir). Le mot imperator dĂ©signe un gĂ©nĂ©ral victorieux ayant Ă©tĂ© acclamĂ© par ses troupes et ayant ainsi eu droit au triomphe, accordĂ© par le SĂ©nat. Cependant, aprĂšs le triomphe, en mĂȘme temps que son imperium (pouvoir de commander les troupes), il devait dĂ©poser Ă©galement son titre.

Jules CĂ©sar est le premier dirigeant romain Ă  porter ce titre, suivi par Auguste, premier empereur. Le titre d'imperator tombe ensuite en dĂ©suĂ©tude avant de refaire surface sous le rĂšgne de NĂ©ron ; il est ensuite portĂ© comme prĂŠnomen par tous les empereurs romains. De lĂ  dĂ©coule le fait que le titre imperator devient essentiellement portĂ© par l'empereur. Les gĂ©nĂ©raux victorieux, mĂȘme acclamĂ©s par leurs soldats, voient souvent cette acclamation ĂȘtre ajoutĂ©e Ă  la liste de celles de l'empereur.

Les Romains abrĂ©geaient le terme imperator en IMP, et ce terme apparaissait gĂ©nĂ©ralement deux fois dans la titulature d'un empereur. La premiĂšre fois donc en tant que prĂ©nom (prĂŠnomen), et la seconde fois en tant que titre, suivi du nombre de fois oĂč l'empereur avait Ă©tĂ©, personnellement ou par ses gĂ©nĂ©raux, acclamĂ© (l'accession Ă  l'Empire comptant pour une acclamation).

Des pouvoirs immenses

GrĂące Ă  l'imperium, l'empereur, tout-puissant, exerce un pouvoir sans partage et en toute impunitĂ©. L’imperium est la puissance absolue et complĂšte d’un officier sur le champ de bataille. Il a droit de vie et de mort sur ses hommes.

Cette puissance, initialement divisĂ©e entre plusieurs magistrats, est placĂ©e durant la pĂ©riode impĂ©riale dans les mains d'un seul homme. L'empereur dĂ©cide de la paix et de la guerre, lĂšve les impĂŽts et est le maĂźtre des dĂ©penses publiques. En sa qualitĂ© de Pontifex maximus, il est le maĂźtre des cultes publics et du droit religieux. Aucun autre pouvoir ne limite le sien. Chaque nouvel empereur a un rĂŽle aussi indĂ©terminĂ© qu’immense. L’empereur peut lĂ©gifĂ©rer directement par un Ă©dit ou un simple rescrit ayant la valeur d'une loi votĂ©e par le SĂ©nat, car tout ce que l'empereur dĂ©cide est lĂ©gal. Il ne consulte le SĂ©nat qu’à sa propre convenance, pour valider ses choix[2].

L'empereur a droit de vie et de mort sur tous ses sujets. Il peut mĂȘme faire exĂ©cuter un sĂ©nateur sans jugement, car la vie de tout homme est Ă  sa merci. L'empereur dĂ©tient donc seul le pouvoir vĂ©ritable, tout en affectant d’ĂȘtre un serviteur responsable de l’État. Cette ambivalence Ă©tait l’essence mĂȘme du cĂ©sarisme[7]. De fait, le cĂ©rĂ©monial, le culte impĂ©rial et le caractĂšre sacrĂ© des images impĂ©riales crĂ©ent un fossĂ© entre les empereurs et le reste des hommes. De plus, aux yeux du peuple, l'empereur n’est pas un mandataire, mais un maĂźtre, un ĂȘtre supĂ©rieur par nature Ă  ses sujets[2].

Un personnage « sacré »

Pour les Orientaux et une partie des populations hellĂ©nisĂ©es, l’empereur est un monarque, un basileus. Le lien de ce roi avec ses sujets se manifeste dans le serment d’attachement Ă  la personne du souverain. Chaque annĂ©e tous les habitants de l’Empire prĂȘtent serment Ă  l’empereur. Chaque sujet jure d’embrasser en toutes choses la cause du prince et de sa famille, de les dĂ©fendre au prix de sa vie et de celle de ses enfants, d’ĂȘtre l’ennemi des ennemis de l'empereur et de dĂ©noncer toute action, volontĂ© ou parole qui leur seraient hostiles[2]. Le culte impĂ©rial renforce encore le sentiment monarchique et le caractĂšre divin du prince.

En plus de leur fonction pontificale (Pontifex Maximus), les empereurs ont un statut divin, initialement aprĂšs leur mort, et, depuis le dominat, Ă  partir de leur accession au pouvoir. Cette sacralisation ne leur Ă©vite pas d'ĂȘtre rĂ©guliĂšrement exposĂ©s Ă  des morts violentes par assassinat (souvent en lien avec les troubles politiques qui marquent les guerres de succession), par suicide ou lors d'un combat[8].

L'évolution du pouvoir impérial

Le principat

Une fois au pouvoir, Octave Ă©vite de prendre les titres de roi et de dictateur, fatals Ă  CĂ©sar ; cependant, tout en conservant les apparences de la rĂ©publique, il concentre dans ses mains de plus en plus de fonctions rĂ©publicaines : il fut treize fois consul, et reçoit les pouvoirs de censeur et de tribun de la plĂšbe sans avoir exercĂ© ces magistratures. De 31 Ă  , il prĂ©pare la stabilisation du rĂ©gime nouveau dont il est le fondateur : le principat. Lors de la sĂ©ance du SĂ©nat de janvier , la res publica est en apparence restaurĂ©e par ses soins et rendue au SĂ©nat et au peuple. En fait, le SĂ©nat ne conserve que l'administration de quelques provinces sans lĂ©gion. Octave, qui reçoit peu aprĂšs le titre d'Auguste, garde ses immenses pouvoirs et se voit confier l'administration des provinces frontiĂšres et donc le commandement des armĂ©es[9]. Le nom d'Augustus souligne son caractĂšre sacrĂ© et divin, et confĂšre Ă  ses dĂ©cisions un poids considĂ©rable quoique sans fondement institutionnel. En , il reçoit la puissance tribunicienne complĂšte et Ă  vie, base civile de son pouvoir, et un imperium proconsulaire maius (plus grand que celui des proconsuls des provinces sĂ©natoriales). En , il reçoit le titre de PĂšre de la patrie, qui place sous sa protection l'ensemble du peuple romain. Partout il est le « premier », le princeps, donnant ainsi le nom du rĂ©gime qu'il a fondĂ© : le principat. Auguste intervient dans l'Ă©lection des magistrats grĂące au droit de recommandation. Il peut choisir les nouveaux sĂ©nateurs et nommer Ă  tous les Ă©chelons des fonctionnaires. Il dirige la diplomatie et la politique extĂ©rieure. Enfin, l'empereur dispose de moyens financiers considĂ©rables, grĂące Ă  sa fortune personnelle en partie hĂ©ritĂ©e de CĂ©sar, aux revenus de l'Égypte, son domaine privĂ©, et Ă  certains impĂŽts qui alimentent les caisses impĂ©riales[9]. En mĂȘme temps, il crĂ©a d’autres fonctions (prĂ©fets, lĂ©gats des provinces impĂ©riales, 
) dont les titulaires dĂ©pendaient entiĂšrement de lui.

De plus, Octave se fit décerner par le Sénat romain les titres d'Imperator, d'Auguste et de Princeps senatus (le premier à parler au Sénat).

Les premiers successeurs d’Auguste (Julio-Claudiens, Flaviens, Antonins) reprirent cette fiction d’un gouvernement au nom du SĂ©nat et du peuple romain (SPQR = Senatus PopulusQue Romanus), tout en concentrant de plus en plus de pouvoir personnel. Les mots « Imperator » et « Augustus » devinrent des titres portĂ©s par chaque empereur.

La RĂ©publique romaine continuait fictivement, avec ses magistrats, mais ceux-ci Ă©taient tous dĂ©signĂ©s par l’empereur avant d'ĂȘtre Ă©lus. Le SĂ©nat, composĂ© de membres eux aussi choisis par les empereurs, confirmait le titre des nouveaux empereurs, qui provenaient d’ailleurs de ses rangs, et accordait l’apothĂ©ose aux « bons » empereurs ; ces derniers accĂ©daient alors au rang de dieu et devenaient l'objet d'un culte officiel. Inversement, le SĂ©nat vouait Ă  l'oubli les empereurs dĂ©testĂ©s, en dĂ©crĂ©tant leur damnatio memoriĂŠ.

Les empereurs gardaient un cĂŽtĂ© populaire, en s’immergeant parfois dans le peuple romain : Auguste interpellait des spectateurs du cirque depuis sa loge impĂ©riale ; NĂ©ron, Trajan, Hadrien frĂ©quentaient les bains publics, comme le note SuĂ©tone.

Le principat connaĂźt son apogĂ©e sous les rĂšgnes de Trajan et d'Hadrien. Cette pĂ©riode reste assimilĂ©e Ă  un Ăąge d'or, oĂč rĂšgnent la paix et la prospĂ©ritĂ©, la fameuse Pax Romana.

La dictature militaire

Cependant, cette paix est plus fragile qu'il n'y paraßt : l'un des derniers Antonins, l'empereur Marc AurÚle, passe la plus grande partie de sa vie à guerroyer aux frontiÚres. Son fils et successeur, Commode, se discrédite par ses excentricités et sa cruauté. Son assassinat en 192 provoque la crise qui couvait depuis longtemps déjà.

À partir de 193, les lĂ©gions, qui avaient dĂ©jĂ  jouĂ© un rĂŽle crucial lors de la premiĂšre annĂ©e des quatre empereurs (69), deviennent toutes-puissantes dans la dĂ©signation des empereurs. L’empereur prend toutefois soin de faire ratifier son Ă©lĂ©vation par le SĂ©nat, et maintient ainsi la fiction du rĂ©gime d’Auguste. Mais aprĂšs cette crise, l'Empire est devenu un Empire militaire. Dans un cĂ©lĂšbre portrait, Caracalla n’a plus le visage serein d’un membre de la bonne sociĂ©tĂ©. On lit sur son visage une mission, celle d’un gardien aux aguets qui veille sur l’Empire. L’Empire comprend dĂ©sormais un empereur, le berger, des soldats, les chiens de garde, et le troupeau, dont les deux prĂ©cĂ©dents ont la garde. Le SĂ©nat est lui oubliĂ©[2].

Ces « empereurs-soldats » vivent, néanmoins, sous la coupe continuelle de leurs armées qui les éliminent au moindre facteur de mécontentement (défaite, baisse de soldes, autre compétiteur jugé plus attrayant). Ainsi, de tous les empereurs romains de 235 jusqu'à 285, Claude II le Gothique, en succombant à une épidémie en 270, est l'unique empereur à ne pas mourir assassiné par ses soldats.

AprĂšs 268, les empereurs n’appartiennent plus Ă  l’ancien ordre sĂ©natorial (Ă  l’exception de Tacite entre 275 et 276). Ils sont pour la plupart des militaires montĂ©s en grade (empereurs illyriens) qui n’ont pratiquement pas frĂ©quentĂ© la ville de Rome et son SĂ©nat. C'est nĂ©cessaire car ils sont toujours sur la brĂšche, toujours aux frontiĂšres pour rĂ©primer un soulĂšvement ou une incursion barbare. Ils sauvent l’Empire pendant la crise du troisiĂšme siĂšcle. Les fonctions de gĂ©nĂ©ral en chef et de chef de guerre victorieux que tient traditionnellement l'empereur sont renforcĂ©es dans ces pĂ©riodes de guerres incessantes. À cĂŽtĂ© des qualificatifs habituels comme felix, on associe de plus en plus le terme invictus. En effet, un empereur vainqueur peut espĂ©rer la fidĂ©litĂ© de ses sujets et de ses troupes. En cas de dĂ©faite militaire, des concurrents apparaissent parmi les autres gĂ©nĂ©raux. Les empereurs essaient cependant de trouver une lĂ©gitimitĂ© en transformant le culte impĂ©rial. AurĂ©lien est considĂ©rĂ© comme un dieu sur terre. Sur ses monnaies, on peut trouver l'inscription deus et dominus natus. L'empereur est donc divinisĂ© de son vivant.

Le dominat

Pour faire face, l’Empire romain a besoin d’un pouvoir efficace, donc fort et dĂ©multipliĂ©. DioclĂ©tien (qui rĂšgne de 284 Ă  305) achĂšve de transformer le principat moribond en une monarchie Ă  l’orientale. L’empereur se sacralise, prend les titres de Dominus et Deus (Seigneur et Dieu). Une construction idĂ©ologique a peu Ă  peu assimilĂ© les empereurs Ă  des divinitĂ©s vivantes et justifie ainsi leur pouvoir absolu. Ce rĂ©gime impĂ©rial nouveau est appelĂ© dominat.

Pour DioclĂ©tien, l’autoritĂ© impĂ©riale est de nature divine[10]. DioclĂ©tien et GalĂšre, son fils adoptif, se prĂ©tendent descendants de Jupiter. Ils prennent le surnom de Jovien, son collĂšgue Maximien ainsi que son co-cĂ©sar Constance Chlore celui d'Herculien. Cette sacralisation du pouvoir impĂ©rial a aussi pour but d’enlever toute lĂ©gitimitĂ© aux usurpateurs Ă©ventuels puisque seul l’empereur est Ă©lu des dieux, et que seul son successeur est lĂ©gitime. DioclĂ©tien conserve aussi la notion de pouvoir impĂ©rial collĂ©gial hĂ©ritĂ©e des heures sombres de l'anarchie militaire, et la systĂ©matise sous le nom de TĂ©trarchie. Dans ce rĂ©gime, le pouvoir Ă©tait partagĂ© d'une part entre deux pĂŽles gĂ©ographiques, Orient et Occident, et d'autre part au sein de chaque pĂŽle, entre un empereur titulaire dit Auguste et un adjoint et successeur dĂ©signĂ© dit CĂ©sar. Cette organisation, trop thĂ©orique car elle supposait implicitement une bonne entente entre les diffĂ©rents co-empereurs, ne dura guĂšre au-delĂ  de DioclĂ©tien lui-mĂȘme (les autres tĂ©trarques n'avaient pas son sens du devoir —- il est le seul empereur Ă  avoir abdiquĂ© volontairement).

Constantin Ier reprend le titre de Dominus. Du fait de sa conversion[11], il ne cherche pas Ă  affirmer une filiation divine. Il prĂ©tend plutĂŽt avoir Ă©tĂ© investi par le Dieu des chrĂ©tiens pour gouverner l’Empire. Constantin affirme qu’il est le reprĂ©sentant de Dieu sur la terre. En son intelligence se reflĂšte l’intelligence suprĂȘme[12]. Il s’entoure d’un faste incroyable pour exalter la grandeur de la fonction impĂ©riale. Le principe dynastique mis en place par Constantin a pour consĂ©quence un affaiblissement du pouvoir impĂ©rial. En effet, Ă  plusieurs reprises, des enfants sont arrivĂ©s au pouvoir Ă  la mort de leur pĂšre. C’est le cas de Gratien et de Valentinien II, d’Arcadius et d’Honorius, de ThĂ©odose II et de Valentinien III en 423. Les mĂšres de ces jeunes empereurs occupent alors un rĂŽle politique important ainsi que certains prĂ©fets du prĂ©toire.

En Occident, le pouvoir spirituel s’engage vers une autonomie plus grande face au pouvoir politique. Ambroise pose les bases de la thĂ©orie mĂ©diĂ©vale de la sĂ©paration des deux pouvoirs[13] esquissant mĂȘme l’idĂ©e d’une subordination du pouvoir politique au pouvoir spirituel. Il contraint ainsi ThĂ©odose Ă  faire pĂ©nitence et Ă  marcher pieds nus dans la cendre pour expier le massacre de dix mille personnes aprĂšs la rĂ©volte de Thessalonique en 390[14]. En Orient, les empereurs naviguent entre cĂ©saropapisme et subordination au pouvoir spirituel. Ainsi, en 450, l’empereur Marcien est couronnĂ© empereur par l’évĂȘque de Constantinople Anatolius. Son successeur LĂ©on fait de mĂȘme. C’est donc l’évĂȘque qui au nom de Dieu fait le souverain.

Les successeurs des empereurs romains

Le basileus

En 476, Odoacre, roi des HĂ©rules, dĂ©pose Romulus Augustule, l'empereur de la partie occidentale de l'Empire. Mais loin de dĂ©sirer s'emparer du trĂŽne impĂ©rial, il envoie au dirigeant byzantin ZĂ©non les insignes de la charge, ainsi qu'une soumission Ă  l'autoritĂ© du seul Auguste restant. Cela tĂ©moigne de l'immense prestige que conservait encore l'Empire romain, mĂȘme amputĂ© de sa partie occidentale. Non seulement Odoacre se plaça sous l'autoritĂ© symbolique de ZĂ©non, mais on retrouve ce phĂ©nomĂšne ailleurs : chez les Francs, Clovis voulut aussi se rattacher au souvenir de l'Urbs, et fut ainsi trĂšs honorĂ© de se voir confier les insignes consulaires, terme dĂ©suet recouvrant une fonction disparue, mais qui gardait par sa simple romanitĂ© un immense prestige.

DĂ©positaire de l'autoritĂ© de Rome, et de son prestige, l'Empire romain dans sa partie orientale eut toujours un immense prestige au fil des siĂšcles. Chez les Grecs, l'empereur a toujours Ă©tĂ© appelĂ© basileus, c’est-Ă -dire roi, car pour les Grecs la royautĂ© n'avait pas la connotation pĂ©jorative qu'elle revĂȘtait chez les Romains. En 629, l’empereur HĂ©raclius prit le titre de basileus, abandonnant les prĂ©cĂ©dents titres latins, mais se considĂ©rant toujours comme empereur des Romains.

Le titre de basileus disparaĂźt dĂ©finitivement avec la chute de Constantinople en 1453, mĂȘme si les Russes se sont parfois considĂ©rĂ©s comme hĂ©ritiers de Byzance (Sophie PalĂ©ologue Ă©pousa Ivan III, grand-prince de Moscou, et quelques annĂ©es plus tard Ivan IV de Russie prend le titre de Tsar, ce qui marque clairement la filiation avec Constantinople).

La résurgence du titre impérial en Occident

Il fallut attendre plus de trois siĂšcles avant qu’un prince en Occident ne reprenne le titre d'empereur : Charlemagne en l'an 800 fut couronnĂ© par le Pape LĂ©on III. Ce couronnement fut considĂ©rĂ© comme une usurpation par le pouvoir de Byzance.

Sa couronne se transmettra dans le Saint-Empire romain germanique, hĂ©ritier de l'Empire. L'empereur des Français NapolĂ©on Ier s'inspire Ă©galement de l'Empire romain. Si l'Empire allemand des Hohenzollern se considĂ©rera un tant soit peu comme une entitĂ© originale, il n'en sera pas ainsi du TroisiĂšme Reich nazi qui avait l'ambition de durer 1 000 ans comme l'Empire romain.

Les dynasties impériales romaines

Julio-Claudiens

Flaviens

Antonins


SĂ©vĂšres

Constantiniens

Valentiniens

Théodosiens

Titres et statuts

Bien que les titres et statuts suivants soient les plus communs, tous les empereurs romains ne les utilisaient pas, et tous n'ont pas Ă©tĂ© utilisĂ©s au cours de la mĂȘme pĂ©riode de l'Histoire.

Titre latin Abréviation latine Autre typographie Traduction en français Signification
AugustusAVG.Î‘áœ”ÎłÎżÏ…ÏƒÏ„ÎżÏ‚ ou ΣΔÎČαστόςAuguste, majestueux ou vĂ©nĂ©rableCognomen honorifique rĂ©servĂ© Ă  l'empereur
AutokratorÎ‘áœÏ„ÎżÎșÏÎŹÏ„Ï‰ÏSouverainTitre grec Ă©quivalent Ă  celui d'empereur dans le sens commandant en chef
BasileusΒασÎčλΔύςRoiUtilisĂ© dans l'empire d'Orient Ă  partir d'Heraclius
CĂŠsarCAES.Nobilissimus CĂŠsar ou ÎšÎ±ÎŻÏƒÎ±ÏCĂ©sarInitialement Ă©quivalent Ă  Auguste, dĂ©signe ensuite l'hĂ©ritier prĂ©somptif de la couronne

Notes et références

  1. Paul Veyne, Quand notre monde est devenu chrétien (312-394), Paris, Albin Michel, coll. « BibliothÚque Albin Michel Idées », , 319 p. (ISBN 978-2-226-17609-7), p. 24.
  2. Paul Veyne, « Qu’était-ce qu’un empereur romain ? : Dieu parce qu’empereur », Revue internationale des sciences humaines, Presses Universitaires de France, no 199,‎ 2002-2003, p. 3-25 (ISBN 9782130526728, DOI 10.3917/dio.199.0003, lire en ligne).
  3. Gilbert Dagron, Empereur et prĂȘtre, sur le « cĂ©saropapisme » byzantin, Paris, Gallimard, coll. « BibliothĂšque des Histoires », , 435 p. (ISBN 978-2-07-074204-2), p. 72.
  4. J. BĂ©ranger, Recherches sur l’aspect idĂ©ologique du principat, BĂąle, 1953, p. 72.
  5. Dagron, p. 70.
  6. Dagron, p. 42-43.
  7. (en) Andrew Wallace-Hadrill, « Civilis princeps : between citizen and king », The Journal of Roman Studies, Society for the Promotion of Roman Studies, vol. 72,‎ , p. 32-48 (DOI 10.2307/299114, lire en ligne).
  8. John Scheid relÚve, de à 395, 30 morts de cause naturelle, 9 au combat, 40 assassinés le plus souvent au cours des premiers mois de leur rÚgne. Cf John Scheid, Nicolas Guillerat, Infographie de la Rome antique, Passés Composés, , p. 87.
  9. Paul Petit, Yann Le Bohec, « Le Haut Empire », EncyclopÊdia Universalis, DVD, 2007.
  10. Michel Christol et Daniel Nony, Des origines de Rome aux invasions barbares, Hachette, 1974, réédition 2003, p. 212.
  11. Yves ModĂ©ran, « La conversion de Constantin et la christianisation de l’empire romain », Historiens & GĂ©ographes, no 426,‎ , p. 61-72 (lire en ligne).
  12. Charles Diehl, Histoire de l’Empire Byzantin, P., Picard, 1920, 1;2 dans .
  13. Christol et Nony, p. 233.
  14. Christianisme et stoĂŻcisme, X-Passion, 2001.

Voir aussi

Bibliographie

  • Gilbert Dagron, Empereur et prĂȘtre, sur le « cĂ©saropapisme » byzantin, Paris, Gallimard, coll. « BibliothĂšque des Histoires », , 435 p. (ISBN 978-2-07-074204-2).
  • Christian Goudineau, Les Empereurs de Rome d'Auguste Ă  la TĂ©trarchie, Errance, 2004.
  • (en) Fergus Millar, The Emperor in the Roman World (31 B.C. - 337 A.D.), Ithaca/New York, 1977.
  • JĂ©rĂŽme Sella, Tenir le loup par les oreilles. Prendre le pouvoir et le conserver dans la Rome impĂ©riale des premiers siĂšcles, Champ Vallon, 2020.
  • Jean-Paul Thuillier, Les empereur de la Rome Antique, Ă©ditions Errance, 1996.
  • Paul Veyne, « Qu’était-ce qu’un empereur romain ? : Dieu parce qu’empereur », Revue internationale des sciences humaines, Presses Universitaires de France, no 199,‎ 2002-2003, p. 3-25 (ISBN 9782130526728, DOI 10.3917/dio.199.0003, lire en ligne).
  • François Zosso, Christian Zingg, Les Empereurs romains, Éditions Errance, 2009.

Articles connexes

Liens externes

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