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Préteur

Le préteur (en latin prætor « chef », de præire « marcher devant », selon l'étymologie des Anciens aujourd'hui remise en question[1]) est un magistrat de la Rome antique. Il est de rang sénatorial, peut s'asseoir sur la chaise curule, et porter la toge prétexte. Il est précédé par deux licteurs à l'intérieur de Rome, et six hors du pomerium de l’Urbs. Sous la République, il est élu pour une durée d'un an par les comices centuriates.

Période républicaine

Évolution historique

La fonction de prĂ©teur fut crĂ©Ă©e vers pour allĂ©ger la charge des consuls, en particulier dans le domaine de la justice[2]. Le premier prĂ©teur Ă©lu fut le patricien Spurius Furius, le fils de Marcus Furius Camillus[3]. Égal en pouvoir au consul, auquel il n'a pas de compte Ă  rendre, le prĂ©teur prĂŞtait le mĂŞme serment, le mĂŞme jour, et dĂ©tenait le mĂŞme pouvoir. Le premier plĂ©bĂ©ien Ă©lu prĂ©teur fut Quintus Publilius Philo en chap. 2_4-0">[4]. La prĂ©ture fut ainsi la dernière magistrature Ă  s'ouvrir Ă  la plèbe, après la questure en , la charge de maĂ®tre de cavalerie en , l'Ă©dilitĂ© curule en , la dictature en et la censure en n. 138chap. 2_5-0">[5].

À l'origine, il n'y en avait qu'un seul, le préteur urbain (prætor urbanus), auquel s'est ajouté vers le préteur pérégrin (praetor peregrinus) qui était chargé de rendre la justice dans les affaires impliquant les étrangers (peregrini)[6] - [7]. Cette figure permit le développement du ius gentium, afin de régler les litiges opposant citoyens et étrangers, notamment dans le cadre commercial : ainsi un véritable droit commercial se développa aux côtés du ius civile, applicable uniquement aux litiges entre citoyens romains.

Des préteurs supplémentaires sont créés, à mesure des conquêtes hors de l'Italie, avec le rang de préteur consulaire : en , Rome envoie un troisième préteur pour la Sicile et un quatrième pour la Corse-Sardaigne[8]. En , deux préteurs consulaires sont ajoutés pour administrer les provinces d'Hispanie citérieure et d'Hispanie ultérieure[9]. Sous Sylla, le nombre de préteurs est élevé à 8 et leurs attributions sont modifiées et cantonnées à Rome même. Puis leur nombre passe à 16 sous César[10].

RĂ´les

Le préteur urbain et le préteur pérégrin exercent leur pouvoir à l'intérieur de la ville de Rome, dont ils ne peuvent s'éloigner pendant plus de dix jours. Les autres préteurs ont un rang moins élevé et administrent leur province. Les réformes de Sylla abolissent cette affectation en province et attribuent à tous les préteurs des fonctions judiciaires civiles et criminelles, pour organiser les instances et présider les tribunaux qui siègent à Rome. Ils entrent en charge le même jour que les nouveaux consuls, et doivent par un édit annoncer publiquement de quelle manière ils vont appliquer les règles du droit. À l'issue de leur mandat annuel, ils peuvent se voir confier la propréture d'une province[6].

Quoiqu'ils soient très tôt élus en nombre pair, il n'y a pas de collégialité entre préteurs, à l'inverse du consulat : chaque préteur est maître d'un domaine juridique précis, il n'y a pas de collègue doté d'un pouvoir égal susceptible de procéder aux mêmes actes[6].

Les préteurs ont aussi un rôle religieux, et doivent officier dans des occasions religieuses telles que les sacrifices et les jeux (le prætor urbanus devait superviser les jeux Apollinaires). Ils remplissent d'autres fonctions diverses, comme l'investigation sur les subversions, la désignation de commissionnaires, et la distribution d'aides.

Lors de la vacance du consulat, les préteurs (avant la création des consuls suffects) peuvent remplacer les consuls : on parle alors de préteurs consulaires.

La potestas et l'imperium des préteurs sous la République ne doivent pas être surestimés : ils n'usaient pas de leur jugement personnel dans le traitement des tâches d'État. Contrairement à la plupart des exécutifs actuels, leurs tâches leur étaient assignées directement par décret sénatorial[11], sous l'autorité du Sénat et du Peuple romain (SPQR), et ils pouvaient être accusés de trahison pour non-application des décrets du Sénat.

L'asyndète[12] do, dico, addico[13] - [14] - [15] (en français : je donne, je dis, j’adjuge[16]) résume l'activité judiciaire du préteur[17].

Haut-Empire

Historique

De 8 au dĂ©but du règne d'Auguste, le nombre de prĂ©teurs passe Ă  16 Ă  la fin de son règne, puis il fluctue — quinze sous Tibère et Caligulachap. 2_18-0">[18] ; entre quatorze et dix-huit sous Claudechap. 2_18-1">[18] ; dix-sept de Titus Ă  Nervachap. 2_18-2">[18] — avant de se stabiliser Ă  dix-huitchap. 2_18-3">[18]— nombre qui figure dans le Digeste[19] - [20] - [N 1] —.

En 336, Constantin Ier abandonne la désignation des préteurs et la confie aux sénateurs, et crée un troisième préteur, dit préteur triomphal. C'est désormais l'accession à la préture qui permet l'inscription au Sénat, et non plus la questure[21].

RĂ´le

Les prĂ©teurs sont compĂ©tents pour les procès entre privĂ©s, avec tirage au sort pour l'attribution des diverses juridictions. Ils Ă©tablissent les listes de jurĂ©s chargĂ©s de juger pour leur temps de magistrature, Ă  partir d'une liste gĂ©nĂ©rale Ă©tablie par l'empereur. Quelques charges de prĂ©teurs sont plus spĂ©cialisĂ©es. Entre les règnes d'Auguste et de Claude, deux prĂ©teurs sont chargĂ©s de la gestion du trĂ©sor public (praetores aerarium). Probablement depuis Auguste, un autre prĂ©teur, le praetor hastarius, prĂ©side la cour des centumvirs, chargĂ©s des affaires de successions. Nerva en charge un autre de prĂ©sider les tribunaux chargĂ©s des litiges entre le fisc impĂ©rial et les particulierschap. 2_18-4">[18].

Le rôle juridique des préteurs diminue avec l'abandon progressif des procédures anciennes, et la prépondérance sur celles-ci de la procédure de cognitio impériale. À la fin du IIIe siècle, il ne subsiste que deux préteurs à Rome, le préteur urbain chargé des procès de liberté, relatifs aux affranchissements, et des affaires de successions, et le préteur des tutelles, créé par Marc Aurèle. En dehors de cette activité judiciaire spécialisée et localisée à Rome, la principale activité des préteurs consiste à célébrer des jeux à l'occasion de leur entrée en charge le 1er janvier[22].

Les compétences juridiques des préteurs sont formalisées par la loi de 359[23]. Le préteur est témoin de l'affranchissement d'un esclave par son maître, et juge en cas de contestation (« procès de liberté »). Il est compétent pour attribuer un tuteur à un enfant mineur, ou nommer un curateur pour un fou ou un prodigue, et officialiser la restitution des biens lorsque la tutelle ou la curatelle prend fin. Sont aussi de sa compétence les formalités d'adoption ou d'émancipation d'un fils, les demandes de jouissance d'un héritage, les conflits de successions, les désaccords entre pupille et tuteur. Ces affaires sont réparties entre les deux préteurs, puis les trois[21].

Une autre fonction dévolue aux préteurs est l'organisation et la tenue des jeux, à leur entrée en charge au Ier janvier et pendant sept jours. Ces jeux comprennent des représentations au théâtre, des exhibitions de fauves et des chasses à l'amphithéâtre, des courses de chars au cirque[24] - [25].

Vers 315, Constantin Ier impose de surcroĂ®t que chaque prĂ©teur dĂ©pense une somme minimale en cadeaux distribuĂ©s Ă  ses amis et aux spectateurs : vĂŞtements de soie, objets en ivoire ou en argent, plats en mĂ©tal, mĂ©daillons, pièces de monnaie, etc. Cette somme doit ĂŞtre dĂ©posĂ©e Ă  l'avance pour contrĂ´le, Ă  dĂ©faut le prĂ©teur est condamnĂ© Ă  une amende de 50 000 boisseaux de blĂ©, et la dĂ©pense est assurĂ©e par le fisc, avec obligation de remboursement ultĂ©rieur par le prĂ©teur dĂ©faillant[25]. L'historien Zosime y voit une volontĂ© de ruiner la noblesse, critique qui reflète probablement le mĂ©contentement de l'aristocratie romaine[26].

Fin de la préture

La préture de Rome est mentionnée deux fois au milieu du Ve siècle[27]. Elle se maintient sous Odoacre (-) et Théodoric (-)[27]. Elle est signalée pour la dernière fois par Boèce en [27]. Elle semble avoir été supprimée peu de temps après la mort de Théodoric[27].

Voir aussi

Notes et références

Notes

  1. Le dénombrement des préteurs qui figure dans le Digeste (1, 2, 27-28 et 32) est extrait de l'Enchiridion de Pomponius[19].

Références

  1. A. Ernout et A. Meillet, Dictionnaire Ă©tymologique de la langue latine, Librairie Klincksieck, Paris, 1967, p. 533.
  2. André Piganiol, La conquête romaine, Presses universitaires de France, 1967, p. 194-195.
  3. Jean Béranger, « L'hérédité dynastique dans l'Histoire Auguste : procédé et tradition », Antiquitas,‎ , p. 1-20 — p. 8.
  4. chap. 2-4" class="mw-reference-text">Richard 1978, chap. 2, p. 117.
  5. n. 138chap. 2-5" class="mw-reference-text">Richard 1978, chap. 2, p. 117, n. 138.
  6. Deniaux 2001, p. 94
  7. Pierre Grimal, op.cit. p. 470.
  8. CĂ©beillac-Gervasoni, Chauvot et Martin 2003, p. 103
  9. CĂ©beillac-Gervasoni, Chauvot et Martin 2003, p. 130
  10. André Piganiol, La conquête romaine, Presses universitaires de France, 1967, p. 463 et 556. Jérôme Carcopino, Jules César, Presses universitaires de France, 1968, p. 484.
  11. Sur les sénatus-consultes, voir Pierre Grimal, op.cit. p. 135 à 138.
  12. Anna Orlandini et Paolo Poccetti, « Structures Ă  marqueur zĂ©ro en latin et dans les langues de l'Italie ancienne », dans Marie-JosĂ© BĂ©guelin, Mathieu Avanzi et Gilles Corminboeuf (Ă©d. et av.-prop.), La parataxe, t. 1er : Entre dĂ©pendance et intĂ©gration (actes du colloque international sur la parataxe, tenu Ă  l'universitĂ© de Neuchâtel du au , avec le soutien des universitĂ©s du rĂ©seau BeNeFri, de l'AcadĂ©mie suisse des sciences humaines, du Fonds national suisse de la recherche scientifique, et du projet EncyclopĂ©die grammaticale du français), Berne, P. Lang, coll. « Sciences pour la communication » (no 91), , 1re Ă©d., 1 vol., XVII-485, 14 Ă— 21 cm (ISBN 978-3-0343-0411-5, EAN 9783034304115, OCLC 690177973, DOI 10.3726/978-3-0352-0025-6, SUDOC 145601870, prĂ©sentation en ligne, lire en ligne), sect. 4, chap. 5, p. 461-485.
  13. Macrobe, 1, 16, 16.
  14. Ovide, 1, 47.
  15. Varron, 6, 30.
  16. « Dies nefasti, per quos dies nefas fari praetorem: do, dico, addico », sur Locutio (consulté le )
  17. Jacques-Henri Michel, Le vocabulaire latin des institutions romaines : suivi des fragments de la loi des XII Tables, Bruxelles, Centre de documentation pĂ©dagogique, coll. « Cahiers du CeDoP » (no 68), , 1re Ă©d., 1 vol., 129, 30 cm (ISBN 978-2-930089-65-2, OCLC 494303083, SUDOC 118224182, prĂ©sentation en ligne, lire en ligne), s.v.do, dico, addico, p. 36.
  18. chap. 2-18" class="mw-reference-text">Jacques et Scheid 2010, chap. 2, p. 56.
  19. Lassère 2005, p. 652.
  20. Digeste, 1, 2, 32.
  21. Chastagnol 1994, p. 214
  22. Chastagnol 1994, p. 70
  23. Code théodosien, VI, 4, 16
  24. Code théodosien, VI, 4, 4
  25. Chastagnol 1994, p. 215
  26. Zosime, Histoire nouvelle, II, 38, 3
  27. Chastagnol 1958, p. 252.

Voir aussi

Sources littéraires antiques

Bibliographie

Liens externes

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