Claude (empereur romain)
Claude, né le à Lugdunum (Lyon) et mort le à Rome, est le quatriÚme empereur romain, régnant de 41 à 54 apr. J.-C.
Claude | |
Empereur romain | |
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Buste de Claude portant la couronne civique, Marbre, Ćuvre romaine,entre 41 et 54 apr. J.-C. Naples, musĂ©e archĂ©ologique national de Naples. | |
RĂšgne | |
â (13 ans, 8 mois et 19 jours) |
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PĂ©riode | Julio-Claudiens |
Précédé par | Caligula |
Suivi de | NĂ©ron |
Biographie | |
Nom de naissance | Tiberius Claudius Drusus |
Naissance | Lugdunum |
DĂ©cĂšs | (Ă 63 ans) Rome |
Inhumation | Mausolée d'Auguste |
PĂšre | Nero Claudius Drusus |
MĂšre | Antonia la Jeune |
Fratrie | Germanicus, Livilla |
Ăpouse |
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Descendance |
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Adoption | NĂ©ron |
NĂ© en Gaule, fils de Drusus et d'Antonia la Jeune (fille de Marc Antoine et d'Octavie), il est le premier empereur nĂ© hors d'Italie. Enfant mĂ©prisĂ© en raison de ses dĂ©ficiences physiques, il est le mal-aimĂ© de la famille impĂ©riale et devient un adulte Ă lâĂ©locution et Ă la dĂ©marche mal assurĂ©es, tenu Ă lâĂ©cart de toute activitĂ© publique. Seul reprĂ©sentant adulte de la dynastie julio-claudienne aprĂšs lâassassinat de Caligula en 41 apr. J.-C., il est proclamĂ© empereur par les prĂ©toriens, quâil comble en retour dâune gratification considĂ©rable (un donativum), inaugurant ainsi une dĂ©pendance dangereuse.
DĂ©pourvu d'expĂ©rience politique mais cultivĂ©, Claude se montre un administrateur capable. Il s'intĂ©resse aux affaires publiques, travaille avec le SĂ©nat sur les lois et prĂ©side les procĂšs. Son administration de l'Empire renforce la centralisation en organisant des bureaux dirigĂ©s par ses affranchis. Il agrandit l'Empire en annexant de nouveaux territoires, les futures provinces de Lycie, MaurĂ©tanie, Norique et Thrace. En 43, il entame la conquĂȘte de la Bretagne, ce qui lui vaut, ainsi qu'Ă son fils, le surnom de Britannicus.
Ouvert Ă la promotion des provinciaux, il Ă©tend la citoyennetĂ© romaine Ă de nombreuses citĂ©s dans les provinces, notamment en Gaule oĂč il est nĂ©. Sensible aux demandes des notables gaulois, il obtient en 48 du SĂ©nat que ceux-ci puissent accĂ©der aux magistratures publiques de Rome et donc au SĂ©nat mĂȘme. Censeur, il renouvelle les effectifs de cette institution, Ă©liminant ceux qui ne remplissent plus les conditions pour y siĂ©ger, ce qui lui aliĂšne une partie de la noblesse en place.
Sa vie privée est peu heureuse : Messaline, sa troisiÚme épouse, lui donne deux enfants, Octavie et Britannicus, mais son inconduite, ou son ambition politique, pousse Claude à la faire exécuter. En quatriÚmes noces, il épouse sa niÚce Agrippine la Jeune, qui lui fait adopter Néron. Claude meurt en 54, empoisonné à l'instigation d'Agrippine selon l'avis de la plupart des historiens. Néron lui succÚde.
Les faiblesses physiques de Claude et lâinfluence prĂȘtĂ©e Ă ses femmes et Ă ses affranchis le font mĂ©priser par les auteurs antiques, point de vue repris par les historiens jusqu'au XIXe siĂšcle. Depuis, les avis les plus rĂ©cents nuancent ces jugements nĂ©gatifs et rĂ©Ă©valuent l'importance de cet empereur pour le considĂ©rer en continuateur notable de l'Ćuvre de ses prĂ©dĂ©cesseurs.
Sources antiques littéraires et historiographie
Claude a été trÚs sévÚrement décrit par son contemporain SénÚque, pour des raisons personnelles, puis par les historiens antiques postérieurs qui ont construit une image fortement dévalorisée de l'empereur, présenté comme faible de corps et d'esprit et manipulé par son entourage. Cette vision ne change qu'à partir du XIXe siÚcle pour connaßtre une position nettement valorisante. Deux inflexions historiographiques ont eu lieu ensuite, une durant les années 1930 et une durant les années 1990. La premiÚre revalorise fortement l'aspect centralisateur et bureaucratique, position largement nuancée durant les années 1990 qui voient à l'occasion de deux colloques de nombreux travaux fournir une analyse plus détaillée de sa vie et de son rÚgne[1] - [2].
Le biais des sources littéraires antiques
Les sources antiques présentent Claude de façon négative, au mieux considéré comme un imbécile marqué de tares physiques et jouet de ses épouses et de ses affranchis[A 1], au pire comme un tyran indigne, aussi cruel que son prédécesseur Caligula[3] - [4].
SĂ©nĂšque, familier de la famille de Germanicus, le frĂšre de Claude, et de la cour impĂ©riale, est exilĂ© par Claude en Corse en 41, Ă l'instigation de Messaline[A 2], et n'en revient qu'en 49, grĂące Ă Agrippine. Contemporain de Claude mais hostile[A 3], il exprime son ressentiment aprĂšs les funĂ©railles de Claude dans un pamphlet, l'Apocoloquintose (du grec áŒÏÎżÎșολοÎșÏΜΞÏÏÎčÏ Â« citrouillification »), catalogue caricatural des tares et des dĂ©ficiences physiques du dĂ©funt. D'autres dĂ©tails sur le physique de Claude, et aussi sur ses travaux et sa politique Ă l'Ă©gard des mĂ©decins figurent dans l'Histoire naturelle de Pline l'Ancien, qui appartient Ă la gĂ©nĂ©ration suivante[5].
La vision négative des historiens antiques
Les historiens du second siĂšcle, Tacite, SuĂ©tone et Dion Cassius, sont les sources les plus abondantes disponibles. Ils ont façonnĂ© la vision nĂ©gative de Claude[6]. Les Annales de Tacite, son dernier ouvrage (probablement composĂ© sous Trajan), suivent l'ordre chronologique annĂ©e par annĂ©e et s'Ă©tendent de la mort d'Auguste Ă celle de NĂ©ron, avec une importante lacune entre les annĂ©es 38 Ă 47 (les livres VII Ă X et le dĂ©but du livre XI, perdus) qui correspond au rĂšgne de Caligula et Ă la premiĂšre moitiĂ© du rĂšgne de Claude. SuĂ©tone est un biographe, qui regroupe les Ă©vĂ©nements sans prĂ©occupation de la chronologie et Ă©tudie la personnalitĂ© de chaque empereur dans la Vie des douze CĂ©sars. Sa Vie de Claude, combinant points positifs et nĂ©gatifs, le situe un peu Ă part, entre les « mauvais » empereurs TibĂšre, Galba et Domitien et les « bons » princes avec quelques dĂ©fauts, tels Jules CĂ©sar et Vespasien[7]. SuĂ©tone, et Tacite encore plus, considĂšrent Claude comme indigne de rĂ©gner[8]. Enfin, Dion Cassius consacre au rĂšgne de Claude le soixantiĂšme livre de son Histoire romaine, ce qui compense la lacune des Annales de Tacite. Toutefois, aprĂšs lâannĂ©e 47, cette histoire nâest parvenue Ă lâĂ©poque moderne que par des extraits transcrits par lâintermĂ©diaire dâabrĂ©viateurs byzantins, et peut donc ĂȘtre lacunaire[9].
La progressive réhabilitation du rÚgne de Claude
Le portrait nĂ©gatif de Claude dĂ©peint par les auteurs antiques est intĂ©grĂ© sans aucun recul par les premiers auteurs modernes comme Edward Gibbon dans leur prĂ©sentation de la « dĂ©cadence romaine ». Cette dĂ©prĂ©ciation est la cause d'un manque d'intĂ©rĂȘt des historiens de l'art pour l'Ă©tude de l'iconographie de l'empereur. Le premier relevĂ© exhaustif n'arrive qu'en 1938 avec les travaux de Meriwether Stuart, et les analyses critiques durant les annĂ©es 1980[10]. Les premiĂšres nuances aux jugements dĂ©prĂ©ciatifs sans cesse repris surviennent avec les premiĂšres Ă©tudes numismatiques, Ă©pigraphiques et papyrologiques au cours du XIXe siĂšcle[4].
La rĂ©habilitation commence en 1932 avec les travaux d'Arnaldo Momigliano qui met en Ă©vidence le soin et l'Ă©quitĂ© apportĂ©s par Claude Ă l'administration de l'Empire[11]. Cet auteur est portĂ© par le contexte intellectuel des grands travaux et de la planification de l'Italie mussolinienne. Sa biographie[12] insiste donc sur un Claude rĂ©formateur, bureaucrate et centralisateur. Cette vision rencontre un Ă©cho favorable aux Ătats-Unis en plein New Deal de Roosevelt, puis Vincenzo Scramuzza publie en 1940 The Emperor Claudius[13] avec une approche similaire[14].
Dans son bilan historiographique[14], Anne-Claire Michel expose que « les historiens d'aprĂšs-guerre et surtout des annĂ©es 1990 ont nuancĂ© cette valorisation excessive et rĂ©Ă©valuent la contribution de l'empereur Ă l'histoire du principat. Dans cet objectif, deux colloques internationaux sont organisĂ©s au dĂ©but des annĂ©es 1990 : l'un en France[15] et l'autre en Allemagne[16] ». Ils marquent le 2000e anniversaire de la naissance de Claude et redĂ©finissent le portrait de cet empereur autrefois marquĂ© dâune rĂ©putation dâincapable[17]. Cette coopĂ©ration scientifique entre historiens et archĂ©ologues a pour ambition d'analyser si le principat claudien constitue un tournant dans l'histoire impĂ©riale. Les conclusions tirĂ©es de ces recherches et rĂ©flexions sont claires, les annĂ©es 41 Ă 54 s'inscrivent dans la continuitĂ© des rĂšgnes prĂ©cĂ©dents, notamment des ambitions augustĂ©ennes, et prouvent l'acceptation du nouveau rĂ©gime par le peuple romain[14]. Ă la mĂȘme Ă©poque Barbara Levick publie une biographie nuançant dĂ©finitivement plusieurs poncifs de la vie de Claude, que ce soit sur son arrivĂ©e au pouvoir, qui n'est pas due au seul hasard, ou sur son Ćuvre centralisatrice[18].
Durant les années 2000, plusieurs historiens continuent de s'intéresser à l'empereur et à son rÚgne et enrichissent encore les connaissances que l'on a de Claude. Annalisa Tortoriello[19] et Pierangelo Buongiorno[20] complÚtent ainsi nos connaissances de la politique impériale ; Donato Fasolini[21] établit en 2006 un outil de travail bibliographique complet sur Claude ; Josiah Osgood[22] réalise une synthÚse historiographique du principat et une étude de la diffusion de son image dans les provinces[18].
L'historiographie de la fin du XXe siÚcle établit que les sources littéraires antiques jugent les empereurs essentiellement en fonction de leurs relations avec le Sénat. Ainsi, le caractÚre populaire d'une grande partie des décisions de Claude et sa défiance envers cette institution aprÚs de nombreux complots expliquent l'insistance et le parti-pris de nombre d'auteurs[23]. Ce portrait négatif s'inscrit plus largement dans le rejet par la majorité des élites intellectuelles de la nouvelle forme de gouvernement mise en place par Auguste, qui avait conservé les formes républicaines, et constamment renforcée par ses successeurs qui s'éloignent progressivement du prince collaborant étroitement avec le Sénat[24]. Une vision historiographique plus récente considÚre cette interprétation comme exagérée, et voit dans les écrits de Tacite et Suétone la volonté de mettre en valeur les qualités des premiers Antonins, par contraste avec les Julio-Claudiens[25], et plus particuliÚrement pour le couple Claude-Messaline, dont les défauts sont opposés aux exemplaires époux Trajan et Plotine[26].
Origines et jeunesse
Claude fait partie de la troisiĂšme gĂ©nĂ©ration des Julio-Claudiens. Dernier enfant de Drusus lâancien et Antonia la Jeune, il naĂźt Ă Lugdunum en 10 av. J.-C. Son pĂšre dĂ©cĂšde l'annĂ©e suivante et il est Ă©levĂ© avec sĂ©vĂ©ritĂ© par sa mĂšre et sa grand-mĂšre[27]. Les auteurs anciens le dĂ©crivent comme un peu attardĂ© et affligĂ© de tares physiques[28], qui motivent une relative mise Ă l'Ă©cart des cĂ©rĂ©monies publiques par sa famille. Ses problĂšmes physiques ont Ă©tĂ© diversement diagnostiquĂ©s par les auteurs contemporains, tandis qu'il montre de rĂ©elles capacitĂ©s intellectuelles durant ses Ă©tudes[27].
Origine
Claude appartient par son grand-pĂšre Tiberius Claudius Nero Ă lâillustre gens patricienne des Claudii. Ce dernier a Ă©pousĂ© Livie[29], et en a deux garçons, TibĂšre et Drusus lâancien[29], avant que lâempereur Auguste n'oblige Livie, enceinte de Drusus, Ă divorcer et Ă lâĂ©pouser. Ils n'ont aucun enfant[29], malgrĂ© la rumeur selon laquelle Drusus aurait Ă©tĂ© le fils illĂ©gitime d'Auguste[A 4]. Plus tard, Auguste renforce ses liens avec les Claudii en mariant Drusus Ă sa niĂšce Antonia la Jeune, fille de Marc Antoine et d'Octavie la Jeune. Drusus et Antonia ont comme enfants Germanicus, Livilla et Claude, et peut-ĂȘtre deux autres enfants morts trĂšs jeunes[30].
Claude est donc de la troisiÚme génération de la famille impériale julio-claudienne, selon des alliances compliquées entre les deux familles.
Enfance
Tandis que son mari Drusus dirige les armĂ©es romaines au-delĂ du Rhin, Antonia met au monde Claude le , Ă Lugdunum (Lyon), oĂč Auguste a Ă©tabli ses quartiers[31]. Il prend le nom de Tiberius Claudius Nero[32].
En 9 av. J.-C., son pĂšre Drusus meurt lors de ses campagnes en Germanie, la jambe brisĂ©e aprĂšs une chute de cheval. Lors de ses funĂ©railles publiques, le SĂ©nat lui dĂ©cerne Ă titre posthume le surnom de Germanicus (vainqueur des Germains), transmissible Ă ses fils[33]. Claude, ĂągĂ© alors d'un an, est Ă©levĂ© par sa mĂšre Antonia qui se retire Ă la campagne et reste veuve. Elle qualifie cet enfant maladif d'avorton et voit en lui un Ă©talon de stupiditĂ©[34]. Il semble qu'elle ait fini par le confier Ă sa grand-mĂšre Livie[A 5]. Livie ne se montre pas moins dure, elle lui envoie souvent des lettres de reproches courtes et sĂšches[A 6]. Il est mal considĂ©rĂ© par sa famille, d'autant plus que son frĂšre Germanicus a toutes les qualitĂ©s qu'il n'a pas[A 7]. Il est confiĂ© Ă la surveillance d'un « responsable de bĂȘtes de somme », chargĂ© de le chĂątier sĂ©vĂšrement au moindre prĂ©texte[A 8] - [35].
ProblÚmes de santé, pathologies envisagées
Le rejet familial est causĂ© par la faiblesse du jeune Claude. DĂšs le dĂ©but de sa biographie, SuĂ©tone indique que Claude subit diverses maladies persistant durant toute son enfance et sa jeunesse. SĂ©nĂšque met en scĂšne la dĂ©esse FiĂšvre qui vit nombre d'annĂ©es avec lui[A 9]. Dion Cassius Ă©voque un Claude Ă©levĂ© dans la maladie dĂšs lâenfance, affectĂ© par un tremblement de la tĂȘte et des mains[A 5]. Les deux premiers auteurs fournissent lâessentiel des dĂ©tails physiques connus. Pour SuĂ©tone, Claude a les genoux faibles, le faisant tituber, sa tĂȘte chancelle perpĂ©tuellement. Il a un rire dĂ©sagrĂ©able. Lorsqu'il est emportĂ© par la colĂšre, il bĂ©gaye, sa bouche Ă©cume et ses narines coulent, son visage apparait hideusement dĂ©formĂ©[A 10]. Dans lâApocoloquintose, SĂ©nĂšque, qui lâa cĂŽtoyĂ©, confirme ou prĂ©cise plusieurs symptĂŽmes : Claude « remue la tĂȘte sans arrĂȘt ; il traĂźne le pied droit ⊠rĂ©pond avec des sons brouillĂ©s et une voix indistincte »[A 11]. SĂ©nĂšque fait aussi allusion Ă une possible surditĂ©[A 12] et Ă©voque une main flasque[A 9]. SuĂ©tone et Dion Cassius le disent aussi apathique, lent d'esprit et s'embrouillant facilement[A 13] - [A 5].
NĂ©anmoins, Claude ne semble souffrir d'aucune infirmitĂ© dans ses moments de calme[A 10]. RĂ©gis Martin synthĂ©tise en constatant un caractĂšre serein au repos, pouvant alterner avec une sĂ©rie de tics lors des mouvements et sous le coup d'Ă©motion[36]. On constate alors une faiblesse des jambes pouvant entrainer la claudication, des hochements de tĂȘte incontrĂŽlĂ©s, des troubles de lâĂ©locution, avec parfois des Ă©coulements du nez et de la bouche, une tendance Ă la surditĂ©. En revanche, les accusations de dĂ©bilitĂ© dâesprit ne peuvent ĂȘtre prises en compte face aux qualitĂ©s intellectuelles de Claude attestĂ©es par sa culture[37].
Divers diagnostics sur ces dĂ©ficiences physiques observĂ©es dĂšs lâenfance sont proposĂ©s. LâhypothĂšse dâune naissance prĂ©maturĂ©e, envisagĂ©e en 1916 par l'AmĂ©ricain Thomas de Coursey-Ruth, dĂ©duite des qualifications de la mĂšre de Claude (avorton simplement Ă©bauchĂ©), nâest pas retenue[38]. Avant la Seconde Guerre mondiale, la poliomyĂ©lite (alors appelĂ©e « paralysie infantile ») en est souvent considĂ©rĂ©e comme la cause. C'est ainsi lâidĂ©e retenue par Robert Graves dans son roman Moi, Claude, publiĂ© en 1934. Selon George Burden et Ali Murad, un certain nombre de troubles observĂ©s chez Claude suggĂšrent qu'il est atteint de la maladie de Gilles de La Tourette[39] - [40]. Cependant la poliomyĂ©lite ou la maladie de la Tourette n'expliquent pas tous les symptĂŽmes prĂ©cĂ©demment dĂ©crits, et les thĂ©ories rĂ©centes mettent plutĂŽt en cause une infirmitĂ© motrice cĂ©rĂ©brale, dĂ©crite par Ernestine Leon[41], accompagnĂ©e de spasmes[42] - [43]. Le docteur Mirko Grmek signale une pathologie neurologique qui recoupe lâensemble des symptĂŽmes de Claude, la maladie de Little (ou diplĂ©gie spastique), qui apparaĂźt chez les nourrissons victimes dâun accouchement difficile, accompagnĂ© dâune insuffisance de dĂ©bit sanguin gĂ©nĂ©ratrice de lĂ©sions cĂ©rĂ©brales plus ou moins Ă©tendues. Les rĂ©percussions peuvent ĂȘtre des troubles de la dĂ©marche, provoquant le croisement spastique des jambes « en ciseau », des troubles de lâĂ©locution tels quâune voix saccadĂ©e et des mouvements incontrĂŽlĂ©s du visage et des membres supĂ©rieurs, tout en prĂ©servant une intelligence normale[44].
Adolescence
En 6 apr. J.-C., Germanicus et Claude prĂ©sident les jeux funĂ©raires en lâhonneur de leur pĂšre dĂ©funt. Pour prĂ©venir les moqueries du public que pourrait provoquer la vue de ses tics, Claude y assiste la tĂȘte dissimulĂ©e sous un capuchon [A 8] - [45]. La prise de la toge virile entre quinze et dix-sept ans est un rite de passage pour un jeune Romain, qui marque sa sortie de lâenfance. En raison de lâĂ©tat de santĂ© de Claude, la famille organise la cĂ©rĂ©monie dans la clandestinitĂ©, en le faisant porter en litiĂšre au Capitole au milieu de la nuit, sans aucune solennitĂ©[A 8].
Claude s'applique à ses études, mais sans éveiller de considération chez sa mÚre Antonia ni sa grand-mÚre Livie[A 6]. En 7, on engage Tite-Live pour lui inculquer l'histoire, assisté par Sulpicius Flavius et par le philosophe Athénodore. L'adolescent étudie la rhétorique et rédige dans une « apologie de Cicéron » la défense de son style contre les critiques d'Asinius Gallus[A 14]. Selon une missive envoyée à Livie, Auguste est surpris de la clarté avec laquelle Claude prononce un discours en privé, lui qui s'exprime avec confusion[A 15] - [46].
Claude commence une histoire romaine, en deux livres, partant de la mort de Jules CĂ©sar et couvrant les guerres civiles romaines et le second triumvirat. La relecture et les reproches que font sa mĂšre et sa grand-mĂšre lui indiquent quâil ne peut raconter cette pĂ©riode avec sincĂ©ritĂ©. Quand, plus tard, Claude reprend la rĂ©daction de lâhistoire romaine, il part de la pĂ©riode de paix aprĂšs les guerres civiles[A 14] - [47].
Le mariage du jeune Claude est arrangĂ© par son entourage[48]. Ainsi, de la mĂȘme façon que Germanicus a Ă©tĂ© mariĂ© Ă Agrippine l'AĂźnĂ©e, petite-fille d'Auguste, Claude est promis Ă Aemilia Lepida, arriĂšre-petite-fille dâAuguste, alliances consanguines qui resserrent les lignĂ©es des Julii et des Claudii et renforcent leur prestige[29]. Mais ces fiançailles sont rompues aprĂšs la conspiration des parents de celle-ci contre Auguste. Une seconde fiancĂ©e, Livia Medullina, descendante de lâillustre Camille, meurt de maladie le jour prĂ©vu pour le mariage[A 16]. Vers 9 apr. J.-C., Claude, alors ĂągĂ© de 18 ans, est mariĂ© Ă Plautia Urgulanilla, fille de Plautius Silvanus, un protĂ©gĂ© de Livie. En 12 apr. J.-C., Plautia lui donne un fils, Drusus, qui meurt Ă l'adolescence.
Ăge adulte
Les analyses historiques construisent deux visions opposĂ©es de Claude avant son avĂšnement : suivant une lecture littĂ©raliste de SuĂ©tone, il est trĂšs tĂŽt jugĂ© inapte au rĂŽle d'empereur par Auguste et TibĂšre ; Ă©cartĂ© durant des annĂ©es de toute fonction publique, et longtemps isolĂ©, il ne doit son accession Ă lâEmpire quâĂ la mort de ses nombreux concurrents et aux espoirs tardifs qu'une partie du SĂ©nat et des forces prĂ©toriennes mettent en lui[49].
Selon un point de vue plus favorable, on ne peut affirmer l'exclusion de Claude, privĂ© de toute importance dynastique avant son avĂšnement. Contrairement Ă l'impression laissĂ©e par SuĂ©tone, il apparaĂźt dĂšs le principat d'Auguste comme un membre Ă part entiĂšre de la Domus Augusta, la nĂ©buleuse de filiations naturelles ou adoptives et dâalliances matrimoniales organisĂ©e autour de la parentĂ© dâAuguste. Deux Ă©lĂ©ments sont pris en considĂ©ration dans cette approche : lâinclusion de Claude dans les stratĂ©gies matrimoniales et sa prĂ©sence dans la statuaire impĂ©riale officielle, qui constitue une source alternative aux Ă©crits dĂ©prĂ©ciatifs de SuĂ©tone[50].
Place de Claude dans la Domus Augusta
En 4 apr. J.-C., aprĂšs la mort de ses petits-fils Caius et Lucius Cesar, Auguste organise une nouvelle fois sa succession en resserrant les liens entre sa lignĂ©e, les Julii, et la famille des Claudii, issue de Livie : il adopte comme ses fils son dernier petit-fils Agrippa Postumus et son beau-fils TibĂšre, et lâoblige Ă adopter Ă son tour son neveu Germanicus, ce qui laisse Claude hors de la lignĂ©e successorale directe[51].
En 12 apr. J.-C., Germanicus reçoit le consulat et prĂ©side les Ludi Martiales. Ă lâoccasion de cet Ă©vĂ©nement, Auguste rĂ©pond Ă Livie dans une lettre citĂ©e par SuĂ©tone sur lâattitude Ă adopter envers Claude, une fois pour toutes. AprĂšs en avoir discutĂ© avec TibĂšre, il informe Livie et Antonia quâil ne veut pas que Claude soit dans la loge impĂ©riale, car il attirerait les regards et les moqueries qui rejailliraient sur sa famille. Il admet toutefois qu'il participe Ă la prĂ©paration du repas des prĂȘtres, Ă condition que son beau-frĂšre Silvanus le guide et le surveille[A 15] - [52]. Barbara Levick voit dans cette lettre la dĂ©cision officielle dâexclure Claude de tout Ă©vĂ©nement public, et donc de la succession impĂ©riale[53]. Selon Pierre Renucci, Claude peut faire quelques apparitions publiques, en Ă©tant encadrĂ© par des parents ou des amis, mais constate quâil ne fera rien de plus[54]. FrĂ©dĂ©ric Hurlet est plus nuancĂ©, et note quâil est normal quâAuguste se soucie de soigner les apparences, mais quâil exprime dans cette lettre et dâautres plus bienveillantes son dĂ©sir de former le jeune Claude en lui donnant des exemples Ă imiter[55].
Les lettres dâAuguste transcrites par SuĂ©tone ont beau laisser entendre que lâempereur tient Claude Ă lâĂ©cart, lâaffirmation officielle de son appartenance Ă la Domus Augusta est attestĂ©e par les groupes de statues reprĂ©sentant les membres de la dynastie impĂ©riale[56]. Le plus remarquĂ© est le groupe qui ornait la porte de la ville de Pavie. Si lâarche, les statues et les dĂ©dicaces ont disparu, lâinscription dâune sĂ©rie de dĂ©dicaces a Ă©tĂ© maladroitement transcrite au XIe siĂšcle et reconstituĂ©e par Theodor Mommsen[A 17]. DatĂ©es des annĂ©es 7 et 8 apr. J.-C., elles nomment Auguste et Livie et toute leur descendance masculine Ă cette date : Ă droite dâAuguste quatre noms, TibĂšre, Germanicus et leurs fils respectifs Drusus le Jeune et Nero Cesar ; Ă gauche de Livie quatre autres noms, les princes dĂ©cĂ©dĂ©s Caius et Lucius Cesar, avec Drusus CĂ©sar, second fils de Germanicus, et enfin Claude. Plusieurs spĂ©cialistes ont Ă©mis lâhypothĂšse de lâajout postĂ©rieur du nom de Claude car sa prĂ©sence contredit la marginalisation insinuĂ©e par SuĂ©tone, mais FrĂ©dĂ©ric Hurlet rĂ©fute cette possibilitĂ© car elle induirait dâimpossibles irrĂ©gularitĂ©s dans la disposition des dĂ©dicaces[57].
La succession dâAuguste
Auguste meurt en 14 apr. J.-C. Son testament distribue sa fortune Ă TibĂšre et Livie au premier rang, puis Ă Drusus le Jeune, Germanicus et ses trois fils au second rang, et relĂšgue Claude comme hĂ©ritier de troisiĂšme rang, avec divers parents et amis[53], avec un legs particulier de 800 000 sesterces[A 18] - [N 1]. Quoique ce testament nâait quâune valeur privĂ©e, il correspond au schĂ©ma de succession politique prĂ©parĂ© par Auguste, en lâabsence de toute rĂšgle officielle de transmission du pouvoir[58].
Quel que soit le dĂ©dain de la famille impĂ©riale soulignĂ© par SuĂ©tone, il semble avĂ©rĂ© que Claude recueille en ces circonstances une certaine estime publique. Les chevaliers choisissent Claude pour conduire leur dĂ©lĂ©gation et discuter les modalitĂ©s de leur participation au cortĂšge funĂšbre dâAuguste, tandis que les sĂ©nateurs l'ajoutent au collĂšge des prĂȘtres crĂ©Ă© pour le culte d'Auguste, les Sodales Augustales [A 19], en compagnie de TibĂšre, Germanicus et Drusus le Jeune[A 20]. FrĂ©dĂ©ric Hurlet remarque que Claude est alors considĂ©rĂ© comme un des hĂ©ritiers spirituels d'Auguste, au mĂȘme plan que ses trois parents[59]. Toutefois, les fonctions sacerdotales, seul rĂŽle officiel accordĂ© Ă Claude, ne sont que des dignitĂ©s mineures octroyĂ©es Ă tout jeune aristocrate de haut rang[54].
Sous le rĂšgne de TibĂšre
AprĂšs la mort d'Auguste, Claude sollicite son oncle TibĂšre pour obtenir les mĂȘmes honneurs que son frĂšre Germanicus. Selon Levick, TibĂšre maintient lâexclusion convenue avec Auguste, et rĂ©pond en n'accordant Ă Claude que les ornements consulaires [60]. Claude insiste, TibĂšre lui retourne un mot disant qu'il lui envoie quarante aurei pour les Sigillaires, fĂȘte oĂč l'on offre des menus cadeaux aux enfants[A 21] - [61]. Quand les sĂ©nateurs proposent que Claude participe Ă leurs dĂ©bats, TibĂšre refuse encore[A 19].
En apr. J.-C., Germanicus dĂ©cĂšde soudainement en Orient. Lâurne contenant ses cendres est rapportĂ©e en Italie pour organiser ses funĂ©railles publiques, probablement en apr. J.-C. Le cortĂšge funĂšbre est accueilli Ă Terracine, Ă 100 km de Rome, par Claude et son cousin Drusus le Jeune accompagnĂ©s des consuls, des sĂ©nateurs et de citoyens, tandis que ni Antonia la Jeune, mĂšre du dĂ©funt, ni TibĂšre, son pĂšre adoptif, ne se dĂ©placent[62] - [61]. Parmi les monuments Ă©difiĂ©s par un dĂ©cret du SĂ©nat en l'honneur de Germanicus, on connaĂźt prĂ©cisĂ©ment la statuaire d'un arc Ă l'entrĂ©e du cirque Flaminius, grĂące Ă l'inscription de la Tabula Siarensis[A 22] : outre Germanicus sur un char y figurent ses parents, son frĂšre Claude et sa sĆur Livilla, et ses enfants, Ă l'exclusion de TibĂšre et de la descendance de ce dernier. Levick affirme que Claude est Ă une place humiliante, entre la sĆur de Germanicus et ses enfants[63], jugement que Hurlet considĂšre comme abusif dans la mesure oĂč la disposition prĂ©cise des statues est inconnue[64].
Germanicus laisse une veuve, Agrippine l'AĂźnĂ©e, et six enfants, dont trois fils qui sâopposent comme hĂ©ritiers prĂ©somptifs Ă Drusus le Jeune, fils de TibĂšre et Ă©poux de Livilla, sĆur de Germanicus et de Claude. Les rivalitĂ©s durant les annĂ©es suivantes entre les deux branches familiales sont aggravĂ©es par les intrigues de lâambitieux prĂ©fet du prĂ©toire SĂ©jan, ancien proche de Germanicus, homme de confiance de lâempereur et dĂ©testĂ© par Drusus le Jeune. SĂ©jan se rapproche de la Domus Augusta par la promesse en 20 dâun mariage entre sa fille et Drusus, fils de Claude[A 23] - [65]. Le mariage nâa toutefois pas lieu, car le jeune homme meurt avant, Ă©touffĂ© par une poire quâil jouait Ă rattraper au vol avec sa bouche[A 24] - [66].
En 23, le fils de TibĂšre Drusus le Jeune (Drusus II) meurt, empoisonnĂ© par SĂ©jan avec la complicitĂ© de Livilla, forfait seulement rĂ©vĂ©lĂ© des annĂ©es plus tard[67] - [68]. Cette disparition ne laisse dans la ligne de succession que les deux fils en bas Ăąge quâil a eus de Livilla, et les trois fils de Germanicus, deux adolescents, Nero et Drusus III, et Caius encore enfant. TibĂšre a entamĂ© la promotion de Nero et de Drusus III, en leur faisant octroyer la questure cinq ans avant lâĂąge lĂ©gal, et en mariant Nero Ă la fille du dĂ©funt Drusus II[69] - [70]. Mais Claude est pour la premiĂšre fois le seul parent adulte du vieux TibĂšre, ce qui ferait de lui un hĂ©ritier potentiel. Câest probablement de ce moment que date la rĂ©flexion de sa sĆur Livilla qui, ayant entendu dire quâil serait un jour empereur, dĂ©plore publiquement quâun tel malheur et quâune telle honte soient rĂ©servĂ©s au peuple romain[A 6]. Selon FrĂ©dĂ©ric Hurlet, la rancĆur de Livilla ne traduit pas lâincapacitĂ© de son frĂšre comme le suggĂšre SuĂ©tone, mais se comprend mieux par la crainte que Claude Ă©vince ses fils[65].
Vers 24, Claude rĂ©pudie Plautia Urgulanilla, sous lâaccusation de dĂ©bauche et dâadultĂšre, et lui renvoie sa fille, un bĂ©bĂ© de quelques mois, considĂ©rĂ©e comme illĂ©gitime[71] - [72]. Il se remarie peu aprĂšs, la mĂȘme annĂ©e ou certainement avant 28 ou 30, avec Ălia PĂŠtina, fille dâun ancien consul et liĂ©e Ă la famille de SĂ©jan, dont il a une fille, Claudia Antonia[73]. Claude apparaĂźt trĂšs rarement dans les annĂ©es 23 Ă 30, comme neutralisĂ© par cette alliance[73], tandis que SĂ©jan et Livilla Ă©liminent Agrippine l'AĂźnĂ©e et ses fils Nero et Drusus. Leurs complots sont dĂ©noncĂ©s Ă TibĂšre en 31 : SĂ©jan est alors exĂ©cutĂ©, Livilla disparait et est frappĂ©e de damnatio memoriae[74]. Claude reprend ses distances en divorçant dâĂlia PĂŠtina, devenue embarrassante par ses liens de parentĂ© avec SĂ©jan[71].
Travaux Ă©rudits
Durant toute sa vie, Claude est un auteur prolifique. Selon l'historien Arnaldo Momigliano, c'est durant le rĂšgne de TibĂšre â lequel correspond au sommet de la production littĂ©raire de Claude â que parler de la Rome rĂ©publicaine devient « politiquement incorrect »[75]. Si Velleius Paterculus, qui mĂ©nage Octave et TibĂšre et flatte SĂ©jan, est publiĂ©, Aulus Cremutius Cordus est en revanche condamnĂ© en 25 apr. J.-C., accusĂ© d'avoir composĂ© des annales louant les assassins de CĂ©sar, Brutus et Cassius[A 25].
Les jeunes se tournent vers l'histoire impĂ©riale plus rĂ©cente, ou vers des sujets antiques peu connus. Claude est Ă cette Ă©poque l'un des rares savants Ă s'intĂ©resser Ă ces deux domaines. Parmi ses Ćuvres, en plus de son Histoire du rĂšgne d'Auguste â Ă©crite en quarante-et-un livres en latin[76], probablement un par annĂ©e sur la pĂ©riode situĂ©e entre 27 av. J.-C. Ă 14 apr. J.-C.[77] â, dont la premiĂšre version en deux livres lui avait causĂ© des dĂ©boires[A 14], on compte une Histoire des TyrrhĂ©niens (nom grec des Ătrusques) en vingt volumes et une Histoire de Carthage en huit volumes, toutes deux en grec[78]. Ces Histoires, commencĂ©es sous l'Ă©gide de Tite-Live, sont probablement achevĂ©es avant la proclamation de Claude[77]. Arnaldo Momigliano, qui pourtant rĂ©habilite le gouvernement de Claude, dĂ©daigne ces Ćuvres historiques et les classe au rang de compilations pĂ©dantes d'auteurs antĂ©rieurs.
Jacques Heurgon le contredit en 1954 en affirmant le sĂ©rieux de l'intĂ©rĂȘt Ă©truscologique de Claude. En effet, son mariage pendant quinze ans avec Plautia Urgulanilla, issue d'une puissante famille toscane, a dĂ» lui ouvrir l'accĂšs Ă la culture Ă©trusque[79]. On le constate lorsqu'il soutient devant le SĂ©nat le maintien du collĂšge des haruspices, car « il ne fallait pas laisser pĂ©rir le plus ancien des arts cultivĂ©s en Italie »[A 26]. Et dans son discours sur les sĂ©nateurs gaulois, il donne des dĂ©tails des rois Ă©trusques de Rome sensiblement diffĂ©rents de ceux de Tite-Live[80].
Enfin, il rédige son autobiographie en huit volumes, que Suétone juge dénuée d'esprit[A 14]. En outre, dans les discours qui ont survécu, Claude critique sévÚrement ses prédécesseurs ainsi que les membres de sa famille[A 27].
Aucun de ces travaux n'a survĂ©cu. SuĂ©tone Ă©numĂšre les ouvrages de Claude, mais ne semble puiser que dans son autobiographie pour rapporter la sĂ©vĂ©ritĂ© qu'il subit dans son enfance[81]. Claude est aussi la source de quelques passages de lâHistoire naturelle de Pline l'Ancien[82] sur la gĂ©ographie et l'histoire naturelle[77].
Claude a proposĂ© d'autre part une rĂ©forme de l'alphabet latin[76] en y ajoutant trois nouvelles lettres, dont deux sont l'Ă©quivalent des lettres modernes : le V (le digamma inversum âČ), consonne que lâĂ©criture latine ne distingue pas de la voyelle U [u], le Y [w] (le sonus medius) et une troisiĂšme (l'antisigma) transcrivant les sons PS [pÍĄs] et BS [bÍĄs]. Il publie avant son avĂšnement un Ă©crit les proposant et les institue de maniĂšre officielle durant sa censure[A 14], mais ses lettres ne perdurent pas aprĂšs son rĂšgne[A 28].
Loisirs décriés
Mis Ă l'Ă©cart, Claude ne se consacre pas seulement aux loisirs intellectuels. Selon SuĂ©tone, il s'entoure de gens abjects et sâadonne Ă lâivrognerie et aux jeux[A 21] - [83] - [84]. Amateur passionnĂ© de jeu de dĂ©s, que SĂ©nĂšque caricature en le figurant secouant un cornet trouĂ©[A 29], il Ă©crit mĂȘme un traitĂ© sur ce jeu, perdu comme ses autres Ă©crits[85].
Il frĂ©quente les banquets avec une goinfrerie sans mesure, buvant et mangeant jusquâĂ sombrer dans la torpeur[A 30] - [A 31]. Aurelius Victor Ă©voque un Claude « honteusement soumis Ă son ventre »[A 32]. Aux yeux des historiens romains, ces excĂšs sont le signe dâune absence dâĂ©ducation, dâun dĂ©faut de maĂźtrise de soi et dâune soumission Ă ses sens â dĂ©fauts caractĂ©ristiques dâun tyran[86]. Il Ă©prouve parfois des douleurs stomacales si vives quâil parle de se suicider[A 33]. LĂ encore, plusieurs interprĂ©tations mĂ©dicales sont possibles : pancrĂ©atite chronique, liĂ©e Ă lâabus Ă©thylique et trĂšs douloureuse, ulcĂšre gastro-duodĂ©nal ou dyspepsie stomacale[87]. Dans son Apocoloquintose, SĂ©nĂšque fait aussi une allusion caricaturale aux flatulences et Ă la goutte affectant Claude[A 34] â les flatulences pouvant coĂŻncider avec la dyspepsie, et la goutte (une hyperuricĂ©mie, en terminologie moderne) constituant une pathologie vraisemblable, vu les excĂšs alimentaires du sujet[88].
Succession de TibĂšre
TibĂšre meurt le . Tacite affirme quâil a hĂ©sitĂ© sur le choix de son successeur, entre ses petits-fils adoptif et naturel â respectivement, Caligula, un jeune homme inexpĂ©rimentĂ©, et Tiberius Gemellus, encore un enfant â, et quâil a mĂȘme pensĂ© Ă Claude, dâĂąge plus mĂ»r et dĂ©sireux de faire le Bien, mais dont la « faiblesse mentale » (« imminuta mens ») constituait un obstacle[A 35]. Son testament dĂ©signe comme cohĂ©ritiers Caligula et Gemellus, Ă Ă©galitĂ©[A 36]. Caligula prend les devants avec l'aide du prĂ©fet du prĂ©toire Macron, qui le fait acclamer avant dâĂȘtre confirmĂ© par le SĂ©nat[89]. Peu aprĂšs, il Ă©limine Tiberius Gemellus en lâaccusant dâune prĂ©tendue tentative dâempoisonnement[A 37].
Le testament de TibĂšre place Claude en hĂ©ritier de troisiĂšme ligne, comme lâavait fait Auguste[60], avec tout de mĂȘme un legs de deux millions de sesterces[N 2], et le recommande, lui et dâautres parents, aux armĂ©es, au SĂ©nat et au peuple romain[A 38].
SĂ©nateur sous Caligula
AussitĂŽt proclamĂ© empereur, Caligula multiplie les manifestations de piĂ©tĂ© filiale, cĂ©lĂšbre des cĂ©rĂ©monies funĂšbres en lâhonneur de TibĂšre et de ses parents dĂ©funts Germanicus et Agrippine l'AĂźnĂ©e, accorde des titres Ă sa grand-mĂšre Antonia la Jeune. Se nommant lui-mĂȘme consul suffect, il prend son oncle Claude comme collĂšgue durant deux mois[A 39] - [A 40], du 1er juillet au 31 aoĂ»t[90], ce qui le fait enfin entrer au SĂ©nat[A 41]. MĂȘme si cette promotion est le plus grand honneur possible pour Claude, elle est tardive â il a 46 ans â et ne suffit pas Ă lui accorder l'influence qu'il pouvait espĂ©rer[91]. De plus, il ne donne pas toute satisfaction dans ses fonctions, car Caligula lâaccuse de nĂ©gligence dans le suivi de lâinstallation de statues dĂ©diĂ©es Ă ses dĂ©funts frĂšres Nero et Drusus[92] - [A 42].
SuĂ©tone rapporte lâattitude changeante de Caligula envers Claude : il le laisse prĂ©sider quelques spectacles Ă sa place, ce qui lui permet dâĂȘtre acclamĂ© comme « oncle de lâempereur » ou « frĂšre de Germanicus »[93]. Mais lorsque Claude fait partie dâune dĂ©lĂ©gation envoyĂ©e en Germanie par le SĂ©nat pour fĂ©liciter lâempereur dâavoir Ă©chappĂ© Ă un complot, Caligula sâindigne quâon lui envoie son oncle comme Ă un enfant Ă rĂ©genter[A 43] - [94].
En , un incendie ravage le quartier des Aemiliana, qu'on situe dans la banlieue de Rome. D'aprÚs Suétone, Claude, réfugié pendant deux jours dans un bùtiment public, engage tous les moyens possibles pour combattre le feu, envoyant des soldats et ses esclaves, appelant les magistrats de la plÚbe de tous les quartiers, et récompensant sur le champ l'aide des pompiers volontaires[A 44]. AprÚs la destruction de sa demeure dans l'incendie, le Sénat vote sa reconstruction sur fonds publics[A 19] - [95].
Claude est alors un homme mĂ»r, Ă la taille bien faite et Ă©lancĂ©e, dont les cheveux blancs ajoutent Ă la gentillesse naturelle de son visage, donnant, selon SuĂ©tone, grandeur et dignitas Ă son ĂȘtre entier[A 10]. Il Ă©pouse Messaline, une petite-niĂšce dâAuguste beaucoup plus jeune que lui et qui lui donne aussitĂŽt deux enfants, Octavie et Britannicus[71].
En lâabsence de sources antiques, on ignore tout de Messaline avant quâelle soit impĂ©ratrice, sauf son ascendance : par son pĂšre Marcus Valerius Messalla Barbatus et par sa mĂšre Domitia Lepida Minor, elle est une arriĂšre-petite-fille dâOctavie la Jeune, qui est la sĆur dâAuguste, et aussi la grand-mĂšre de Claude[96]. En revanche, la date de naissance de la mariĂ©e[97], son Ăąge, la date de cette union et surtout sa raison sont toutes conjecturales[98]. Les seuls points de repĂšre chronologiques connus sont : 12 ans comme Ăąge minimum lĂ©gal de mariage dâune Romaine et la mise au monde de Britannicus vingt jours aprĂšs la proclamation de Claude selon SuĂ©tone, soit le [A 45]. Tous les historiens sâaccordent pour situer le mariage sous Caligula, peu avant 41 selon Ronald Syme, peut-ĂȘtre lors du consulat de Claude en 37 pour C. Ehrhardt, ou encore en 38 ou au dĂ©but de 39 pour Levick[99] pour placer la naissance dâOctavie un an ou deux avant celle de son frĂšre, en 39 ou dĂ©but 40[100].
Messaline, fortunĂ©e et dâune lignĂ©e prestigieuse, est un des meilleurs partis du moment, capable de renflouer Claude. Pour certains historiens, Caligula la neutralise en la mariant Ă Claude et Ă©vite ainsi de lĂ©gitimer un autre aristocrate, capable dâĂȘtre un prĂ©tendant potentiel[101]. Barbara Levick fait aussi remarquer que la famille de Messaline, et surtout sa tante Claudia Pulchra, ont fidĂšlement soutenu Agrippine l'AĂźnĂ©e sous TibĂšre, malgrĂ© les poursuites encourues. La prestigieuse alliance avec la famille impĂ©riale serait alors une sorte de rĂ©compense[102].
Selon SuĂ©tone, la promotion de Claude comme sĂ©nateur ne lui vaut pas plus de respect Ă la cour impĂ©riale : on le ridiculise lorsquâil sâendort, comme souvent Ă la fin des repas, en le bombardant de noyaux ou en le faisant rĂ©veiller sous le fouet des bouffons. Au SĂ©nat, quoiquâil soit rĂšglementairement intĂ©grĂ© au groupe des anciens consuls, on ne lui donne la parole quâen dernier. Enfin, il est presque ruinĂ© lorsquâon lui impose son adhĂ©sion Ă un collĂšge de prĂȘtres, qui lâoblige Ă payer huit millions de sesterces[A 46].
Plusieurs inscriptions honorifiques datĂ©es d'entre 37 et 41 montrent au contraire que Claude connaĂźt un certain prestige dans les provinces, comme celle sur une base de statue prĂšs du temple de Rome et dâAuguste de Pola en Illyrie[A 47], Ă Alexandrie de Troade en Asie, dĂ©diĂ© par un chevalier devenu duumvir de cette colonie[A 48] - [103]. Une autre inscription Ă Lugdunum, prĂšs du temple municipal, associe Caligula Ă une princesse impĂ©riale et Ă Claude, elle pourrait dater du sĂ©jour de Caligula en Gaule Ă la fin de l'Ă©tĂ© 39 ou plus vraisemblablement en 40[A 49] - [104].
Les événements de janvier 41 et la prise du pouvoir
AprĂšs plus de trois ans de rĂšgne, le mĂ©contentement contre Caligula est tel que nombreux sont ceux qui souhaitent sa disparition, et quelques-uns vont oser passer Ă lâacte[105].
Dans la rivalitĂ© entre les prĂ©tendants Ă la succession, Claude trouve « malgrĂ© lui » le soutien efficace des forces armĂ©es stationnĂ©es Ă Rome, tandis que le SĂ©nat, assemblĂ©e vĂ©nĂ©rable mais impuissante, est incapable de restaurer un rĂ©gime dâapparence rĂ©publicaine[106] et doit entĂ©riner la proclamation du nouvel empereur[107].
Le meurtre de Caligula
Caligula est assassinĂ© le . La narration de son meurtre par Flavius JosĂšphe est la plus dĂ©taillĂ©e[A 50] et est antĂ©rieure Ă celle de SuĂ©tone : Caligula quitte vers midi une reprĂ©sentation de thĂ©Ăątre, accompagnĂ© de Claude, de son beau-frĂšre Marcus Vinicius, de Valerius Asiaticus et dâune escorte de trois tribuns du prĂ©toire, dont Cassius Chaerea et Cornelius Sabinus. Dans un passage menant au palais, Claude, Vinicius et Asiaticus quittent Caligula, donnant, volontairement ou non, lâopportunitĂ© Ă Cassius Chaerea et Sabinus de frapper Ă mort Caligula[108] - [109].
Sa femme CÊsonia et sa fille Julia sont aussi tuées pendant l'opération. Lorsque les Germains de la garde personnelle de Caligula apprennent sa mort, ils tuent au hasard trois sénateurs présents sur les lieux du meurtre[110] - [A 51].
Lorsque Claude apprend le meurtre de son neveu, il s'Ă©loigne, ignorant si les meurtriers n'en ont pas aprĂšs lui [111], en allant sur une terrasse[110]. Il y est dĂ©couvert par un soldat et ses compagnons qui mettent Claude en sĂ©curitĂ© en le portant en litiĂšre jusqu'au camp de la garde prĂ©torienne, laissant croire qu'il est mort[112]. Selon Renucci, qui reprend la cĂ©lĂšbre narration de SuĂ©tone[A 52], Claude Ă©chappe ainsi de peu Ă un destin funeste : il aurait pu ĂȘtre tuĂ© par les loyalistes le considĂ©rant comme comploteur ou par les meurtriers voulant Ă©liminer toute la dynastie[113]. Castorio considĂšre cette scĂšne dâanthologie dâun Claude apeurĂ©, dĂ©couvert par hasard et proclamĂ© malgrĂ© lui empereur, comme une caricature peu crĂ©dible :
Caligula sâĂ©tait fait trop dâennemis pour que lâacte de Chaerea soit une initiative isolĂ©e[105]. Flavius JosĂšphe donne le nom dâun conjurĂ©, Calliste, affranchi de Caligula, riche et influent, mais qui redoutait lâarbitraire de son maĂźtre et servait Claude secrĂštement[A 53]. Castorio estime que Calliste nâaurait pas pris le risque dâun complot, sans avoir lâassurance de la protection de Claude en cas de succĂšs[114]. Enfin, Castorio nâexclut pas que cet avĂšnement de Claude, « par hasard », soit un rĂ©cit forgĂ© a posteriori, qui offre lâavantage dâexonĂ©rer Claude dâune participation au complot, quitte Ă passer pour couard et ridicule[106]. Mais si certains historiens[115] ont supposĂ© une participation directe de Claude Ă la conjuration, ou son acceptation tacite, en l'Ă©tat actuel de nos connaissances, rien ne permet de valider ces hypothĂšses[116].
Le SĂ©nat et Claude
Immédiatement, les consuls Cn. Sentius Saturninus et Q. Pomponius Secundus réunissent le Sénat et, avec des cohortes urbaines, prennent le contrÎle du Capitole et du forum[A 52] -
Certains historiens, se fondant sur Flavius JosĂšphe
Les assassins de Caligula n'ont pas prévu de remplaçant. Plusieurs noms circulent : le beau-frÚre de Caligula, Marcus Vinicius, Lucius Annius Vinicianus ou encore Valerius Asiaticus
Quoi qu'il en soit, la garde prĂ©torienne acclame Claude empereur dĂšs le soir du 24, ou au dĂ©but du 25. Le SĂ©nat ne peut qu'avaliser. Claude promet un donativum de 15 000 sesterces selon SuĂ©tone[N 3] ou 5 000 drachmes selon JosĂšphe (soit 20 000 sesterces) Ă chaque prĂ©torien[111] - [121]. Cette somme, dix fois supĂ©rieure Ă ce qu'avait consenti son prĂ©dĂ©cesseur, persuade les derniers partisans du SĂ©nat de se rallier Ă lui. L'assemblĂ©e tente une derniĂšre manĆuvre en envoyant Cassius Chaerea, un des officiers qui ont tuĂ© Caligula, mais il est reçu par des prĂ©toriens hurlant au nouvel empereur et sortant les glaives. Claude rĂ©pond via Agrippa qu'il n'avait pas souhaitĂ© le pouvoir, mais qu'il le conservait, aprĂšs avoir Ă©tĂ© nommĂ© par les gardes. Il ajoute qu'il gouvernera avec le SĂ©nat[122].
En dĂ©finitive, l'Ă©pisode tragique de l'assassinat de Caligula et de lâavĂšnement de Claude renforce le principe impĂ©rial, en dĂ©montrant que, mĂȘme en vacance de cette autoritĂ©, le SĂ©nat ne parvient pas Ă rĂ©tablir la RĂ©publique. L'armĂ©e et le peuple ont pris parti pour le rĂ©gime impĂ©rial[123].
RĂšgne
PremiĂšres mesures
DÚs son avÚnement, Claude s'emploie à rassurer, à restaurer sa réputation et à asseoir sa légitimité. Il annonce par édit que ses colÚres seront courtes et inoffensives et il réfute sa prétendue stupidité en affirmant qu'il feignait, pour échapper aux menaces de Caligula[A 60] - [107].
Claude dĂ©crĂšte immĂ©diatement une amnistie gĂ©nĂ©rale[A 61], seul Cassius Chaerea est exĂ©cutĂ©, car on ne peut impunĂ©ment assassiner un empereur. Son complice le tribun Cornelius Sabinus est amnistiĂ©, mais il se suicide par solidaritĂ©[124]. Claude fait dĂ©truire les poisons trouvĂ©s dans l'appartement de Caligula et brĂ»ler tous ses dossiers compromettants[A 62] - [125], mais refuse que sa mĂ©moire soit condamnĂ©e par une damnatio memoriae et que le jour de sa mort soit notĂ© comme un jour de fĂȘte[126]. Il rappelle les exilĂ©s du rĂšgne prĂ©cĂ©dent, dont ses niĂšces Agrippine la Jeune et Julia Livilla[127].
Claude n'a pas autant de lĂ©gitimitĂ© que ses prĂ©dĂ©cesseurs, car il ne descend d'Auguste ni par le sang ni par l'adoption ; il insiste donc, dĂšs sa proclamation, sur son appartenance Ă la domus Augusta, la maison d'Auguste[128]. Il promet de gouverner en prenant exemple sur Auguste[A 61]. Il s'appelle maintenant Tiberius Claudius Caesar Augustus Germanicus[129] : il adopte le nom d'Auguste comme ses prĂ©dĂ©cesseurs au dĂ©but de leur rĂšgne, et le cognomen de « CĂ©sar » qui devient Ă cette occasion un titre alors qu'il avait Ă©tĂ© transmis jusqu'Ă Caligula uniquement par filiation naturelle ou adoption[129]. C'est probablement le SĂ©nat qui est Ă l'initiative de cette transformation[130]. Par contre, il refuse de prendre comme prĂ©nom le titre d'Imperator[A 61], trop connotĂ© militairement (« commandant victorieux »)[131]. Il conserve le surnom honorifique de Germanicus, lien avec son dĂ©funt frĂšre hĂ©roĂŻque, et utilise frĂ©quemment l'expression « fils de Drusus » (filius Drusi) dans ses titres pour rappeler son pĂšre exemplaire et s'approprier sa popularitĂ©. Il dĂ©ifie sa grand-mĂšre paternelle Livie, l'Ă©pouse du divin Auguste, et accorde Ă sa dĂ©funte mĂšre Antonia la Jeune le titre d'Augusta[A 61] - [126]. Enfin, il attend trente jours avant de venir accepter les honneurs et les titres dus Ă l'empereur, de mĂȘme que celui de PĂšre de la patrie qu'il ne prendra qu'un an plus tard[132].
Quelques jours aprĂšs l'avĂšnement de son mari, le 12 fĂ©vrier, Messaline met au monde un hĂ©ritier impĂ©rial, que Claude nomme Tiberius Claudius Germanicus, le futur Britannicus[133]. La mĂȘme annĂ©e 41, le couple impĂ©rial complĂšte les alliances familiales : Claude marie sa fille aĂźnĂ©e Claudia Antonia Ă PompĂ©e Magnus, illustre descendant de PompĂ©e, fiance sa seconde fille Claudia Octavia, encore enfant, Ă Junius Silanus et leur fait dĂ©cerner les premiers honneurs du vigintivirat[A 63].
De son cĂŽtĂ©, Messaline accuse dâadultĂšre Julia Livilla, sĆur de Caligula, et son amant prĂ©sumĂ© SĂ©nĂšque. RenvoyĂ©e en exil, Julia Livilla meurt ou est exĂ©cutĂ©e peu aprĂšs[A 2] - [127]. Les historiens modernes admettent que Messaline ait pu redouter lâimportance de Julia Livilla, prĂ©cĂ©demment accusĂ©e de complot et exilĂ©e, et de surcroĂźt Ă©pouse de Marcus Vinicius, envisagĂ© par le SĂ©nat comme successeur possible de Caligula[134].
Relations avec le SĂ©nat
Claude s'impose au Sénat tout en affaiblissant considérablement son autorité, et de nombreux sénateurs en ont certainement éprouvé du ressentiment. Claude, en bon politique, le comprend et assure la puissante institution de son respect tout en sévissant impitoyablement lorsqu'un complot est démasqué[135].
Collaboration
Ă lâinverse de Caligula, Claude s'applique Ă mĂ©nager les sĂ©nateurs, en leur tĂ©moignant les marques de courtoisie dues Ă leur rang. Par exemple, pendant les sessions rĂ©guliĂšres, l'empereur est assis parmi lâassemblĂ©e du SĂ©nat, parlant lorsque vient son tour et se levant pour sâadresser Ă lâassemblĂ©e, bien que la position debout prolongĂ©e lui soit difficile. Lors de la prĂ©sentation dâune loi, il est assis sur le banc rĂ©servĂ© aux tribuns dans son rĂŽle de porteur de la puissance tribunitienne (Ă©tant patricien, l'empereur ne peut pas officiellement ĂȘtre tribun de la plĂšbe mais ce pouvoir a Ă©tĂ© accordĂ© aux empereurs prĂ©cĂ©dents)[136]. SuĂ©tone, faute de lâĂ©pingler pour son manque de civilitĂ©, insinue quâil en montre trop[A 64] - [131].
NĂ©anmoins, Claude reste prudent et, aprĂšs avoir sollicitĂ© lâaccord du SĂ©nat, se fait accompagner dans la curie dâune escorte de protection formĂ©e du prĂ©fet du prĂ©toire et de tribuns militaires[A 65].
D'aprĂšs un extrait de discours retrouvĂ© sur un fragment de papyrus, Claude encourage les sĂ©nateurs Ă dĂ©battre des projets de loi[137]. Claude sĂ©vit aussi contre lâabsentĂ©isme au SĂ©nat[138], au point que, selon Dion Cassius, plusieurs sĂ©nateurs sĂ©vĂšrement punis de leur absence se suicident[A 66], Ă©pisode dĂ©pourvu de prĂ©cision, dont on ne sait la part de rĂ©alitĂ© ou de mĂ©disance[139].
En 45, pour couper court aux absences, Claude retire au Sénat le droit de délivrer des congés, et se le fait attribuer exclusivement[A 67] - [140].
Complots et représailles
NĂ©anmoins, des menaces Ă©manent rapidement dâune partie du SĂ©nat. ExĂ©cutions et suicides de sĂ©nateurs vont se succĂ©der, pour des complots ou des suspicions impĂ©riales, rapportĂ©s par SuĂ©tone, Dion Cassius et Tacite. Ceux-ci les expliquent par le caractĂšre peureux de Claude, redoutant un assassinat et jouet des intrigues dâune Messaline perverse, soutenue par ses affranchis. Ces historiens justifient les accusations formulĂ©es par Messaline par sa jalousie contre les rivales possibles, son aviditĂ© pour les biens de ses victimes ou sa volontĂ© de domination sexuelle, parfois mĂȘme les deux. Lâattitude des historiens modernes varie du respect des grands auteurs antiques, oĂč tout est vrai, Ă la circonspection qui tente de dĂ©mĂȘler le vrai du faux pour rĂ©interprĂ©ter lâHistoire, jusquâĂ lâhypercritique, qui nie toute certitude historique sur la prĂ©sentation nĂ©gative des intentions de Claude et de son entourage[141]. Parmi les thĂ©ories interprĂ©tant les motivations impĂ©riales, Levick considĂšre que le couple impĂ©rial se concilie les rivaux potentiels, et attend quâils soient vulnĂ©rables pour les Ă©liminer si le danger persiste[142]. Renucci partage cette vision : Tacite et les autres historiens ne doivent pas ĂȘtre lus au premier degrĂ©, mais sous-entendent beaucoup plus quâils nâexpriment. Pour lui, Claude nâhĂ©site pas Ă Ă©liminer ceux quâil craint, quitte Ă tenter de les endormir dans un premier temps par divers honneurs et alliances pour les Ă©liminer quand lâoccasion se prĂ©sente[143].
Peu de temps aprĂšs la proclamation de Claude, en 42, SuĂ©tone et Dion Cassius citent une premiĂšre exĂ©cution de sĂ©nateur, celle dâAppius Silanus, lĂ©gat en Espagne puis Ă©poux en secondes noces de Domitia Lepida, la mĂšre de Messaline. Selon Dion Cassius, il aurait offensĂ© Messaline en refusant dâĂȘtre son amant. Tout en Ă©mettant des rĂ©serves, SuĂ©tone expose avec une machination rocambolesque : en exploitant la peur de Claude, Messaline puis lâaffranchi Narcisse prĂ©tendent avoir rĂȘvĂ© de son assassinat par Appius Silanus, et obtiennent sa mise Ă mort dĂšs quâil se prĂ©sente au palais[A 68] - [A 69] - [144]. Des historiens modernes doutent de ce rĂ©cit, trop conforme Ă lâimage dâune Messaline criminelle et frustrĂ©e et dâun Claude peureux manipulĂ© par son entourage. Pour Levick[145], suivie par Renucci, Claude nâest ni stupide ni innocent et câest lui lâinspirateur dâune Ă©limination prĂ©ventive de Silanus, aprĂšs lâavoir attirĂ© Ă la cour impĂ©riale[146]. Dâautres supposent un complot de Silanus, dĂ©couvert Ă temps[111].
Peu aprĂšs, Scribonianus, lĂ©gat de Dalmatie, se rĂ©volte, incitĂ© par le sĂ©nateur Vinicianus, citĂ© en 41 comme successeur possible de Caligula et craignant de le payer de sa vie. Mal prĂ©parĂ©e, peut-ĂȘtre improvisĂ©e Ă la suite de lâexĂ©cution dâAppius Silanus, la tentative est un Ă©chec, les soldats refusent de suivre Scribonianus qui se suicide ou est tuĂ©[147]. Caecina Paetus, membre de la conspiration, est arrĂȘtĂ© en Dalmatie et transfĂ©rĂ© Ă Rome. Son Ă©pouse Arria lâencourage au suicide en se poignardant elle-mĂȘme[A 70]. Selon Dion Cassius, les mises en accusation se font au SĂ©nat, en prĂ©sence de Claude, et un grand nombre de conspirateurs, des sĂ©nateurs dont Vinicianus et des chevaliers, prĂ©fĂšrent le suicide Ă la dĂ©lation et la torture orchestrĂ©es selon Dion Cassius par Messaline et Narcisse[A 71]. - [124].
Mais, contrairement aux poursuites menĂ©es sous TibĂšre, les enfants des conjurĂ©s sont Ă©pargnĂ©s[147]. Cette sĂ©dition avortĂ©e montre la fidĂ©litĂ© de lâarmĂ©e Ă Claude, confirmĂ©e durant tout son rĂšgne. AprĂšs cette alerte, il fait voter par le SĂ©nat le titre de Claudia Pia Fidelis pour rĂ©compenser les lĂ©gions de Dalmatie qui ont refusĂ© de marcher contre lui[A 72], une façon dâappeler les sĂ©nateurs Ă tĂ©moigner de leur soutien Ă lâempereur[148].
Ăpurations dynastiques
Dion Cassius situe lors des annĂ©es 46 et 47 apr. J.-C. une sĂ©rie dâĂ©liminations dans la famille impĂ©riale, visant les gendres de Claude et lâentourage des sĆurs de Caligula, Agrippine la Jeune et Julia Livilla. En 46, selon Dion Cassius, Messaline empoisonne Marcus Vinicius, ex-beau-frĂšre de Caligula, qui aurait refusĂ© dâĂȘtre son amant. Dion indique aussi quâil Ă©tait suspectĂ© de vouloir venger la mort de son Ă©pouse Julia Livilla[A 73] - [149]. Une tentative dâassassinat du fils dâAgrippine, le petit Domitius Ahenobarbus, futur NĂ©ron, aussi imputĂ©e Ă Messaline, est qualifiĂ©e de fable par SuĂ©tone[150].
En 46 ou en 47, le gendre de Claude, PompĂ©e Magnus est exĂ©cutĂ© pour des motifs que ni SuĂ©tone ni Dion Cassius nâindiquent[A 74] - [A 75], mais que les historiens modernes supposent ĂȘtre la volontĂ© de Messaline, et peut-ĂȘtre celle de Claude, dâĂ©liminer une possible concurrence de leur fils Britannicus. LâexĂ©cution simultanĂ©e du pĂšre de PompĂ©e Crassus Frugi et de sa mĂšre, nâest Ă©voquĂ©e que par SĂ©nĂšque, qui en fait porter la responsabilitĂ© Ă Claude[151] - [152]. Claudia Antonia est remariĂ©e au demi-frĂšre de Messaline, Faustus Sylla, un gendre moins problĂ©matique[153].
Derniers complots
En 46, Asinius Gallus, petit-fils de l'orateur Asinius Pollio et frÚre utérin de Drusus II, et Statilius Corvinus, ancien consul, montent une révolution de palais avec des affranchis et des esclaves de Claude[A 76]. Asinius Gallus est seulement exilé[A 73]. Les sources antiques sont laconiques, le sort de Corvinus et celui des autres complices sont inconnus[154].
En 47, est mis en accusation Decimus Valerius Asiaticus, richissime sĂ©nateur originaire de Vienne, trĂšs influent en Gaule, deux fois consul. Lâaccusation dâadultĂšre masque dâautres motifs. Tacite accuse Messaline de convoiter ses jardins, motif conventionnel, puis expose des soupçons plus inquiĂ©tants : Asiaticus pourrait soulever les Gaules et lâarmĂ©e de Germanie. De plus Asiaticus Ă©tait prĂ©sent lors du meurtre de Caligula et aurait Ă©tĂ© Ă©voquĂ© pour sa succession. ArrĂȘtĂ© avant son supposĂ© dĂ©part pour la Germanie, il comparait devant Claude, qui ne lui laisse que le choix de son mode de mort. Il sâouvre donc les veines dans ses jardins[A 77]. Pour Renucci, Asiaticus pourrait ĂȘtre un des derniers Ă payer de sa vie son implication dans lâassassinat de Caligula[155]. Un an aprĂšs, dans son discours sur lâadmission des Gaulois, Claude le qualifie sans le nommer de « brigand » (latro) et de « prodige de palestre »[156].
Lâampleur de cette succession de purges nâest pas prĂ©cisĂ©ment connue, mais selon SuĂ©tone et SĂ©nĂšque, Claude durant son rĂšgne aurait poussĂ© au suicide ou fait exĂ©cuter trente-cinq sĂ©nateurs et plus de trois cents chevaliers[A 78] - [A 79]. Parmi ces victimes, dix-huit sont identifiĂ©es nommĂ©ment, et seulement deux sont morts aprĂšs 47. Renucci situe donc la plupart des Ă©liminations comme une suite de la prise du pouvoir en 41, et suppose quâune faction dure des opposants Ă Caligula nâa pas ralliĂ© son successeur[154].
Conclure par lâĂ©numĂ©ration de ces affaires Ă un rĂšgne de terreur est hasardeux, et leur dĂ©compte (dix-huit suicides individuels ou groupĂ©s provoquĂ©s sur treize ans) parait faible en regard des autres rĂšgnes (52 cas sous TibĂšre en 23 ans, 15 sous Caligula en 4 ans, 42 sous NĂ©ron en quatorze ans), sachant que cette comparaison doit ĂȘtre prise avec prĂ©caution car les indications des auteurs antiques sont lacunaires et sĂ©lectives[139].
Renouvellement du SĂ©nat
En 47 et 48 apr. J.-C., Claude exerce la censure avec Lucius Vitellius. Cette fonction, tombĂ©e en dĂ©suĂ©tude aprĂšs Auguste, lui permet de renouveler les effectifs du SĂ©nat, de lâordre sĂ©natorial et de lâordre Ă©questre rassemblant les chevaliers, tout en respectant les apparences rĂ©publicaines[A 44]. Il dĂ©met du SĂ©nat de nombreux sĂ©nateurs qui ne rĂ©pondent plus aux qualitĂ©s morales ou aux conditions financiĂšres attendues, mais selon une mĂ©thode dĂ©jĂ pratiquĂ©e par Auguste, il les avertit individuellement Ă lâavance et leur permet de dĂ©missionner sans humiliation publique[A 80] - [157]. Dans le mĂȘme temps, il fait voter pour les provinciaux titulaires de la citoyennetĂ© romaine le droit dâĂȘtre candidats aux magistratures du cursus honorum, ce qui les fait entrer au SĂ©nat Ă lâissue de leur mandat. La Table claudienne gravĂ©e Ă Lugdunum conserve son discours sur l'admission de sĂ©nateurs gaulois. Il complĂšte les rangs du SĂ©nat par lâinscription des nouveaux magistrats, et pour atteindre lâeffectif de six cents, inaugure une nouvelle pratique, l'adlectio : il inscrit dâoffice des chevaliers rĂ©pondant aux conditions de fortune et d'honorabilitĂ©, sans quâil leur soit nĂ©cessaire dâavoir exercĂ© au prĂ©alable la questure[158].
Il pallie lâextinction des lignĂ©es patriciennes en accordant cette qualitĂ© aux sĂ©nateurs les plus anciens, ou Ă ceux dont les parents sâĂ©taient illustrĂ©s[A 80].
Claude et l'Empire
AprĂšs les dĂ©sordres de Caligula, Claude veut restaurer l'Ătat romain, en dĂ©veloppant sa centralisation. SecondĂ© par des affranchis compĂ©tents, il renforce l'administration Ă©bauchĂ©e par Auguste, surveille le gouvernement des provinces en limitant les abus et garantit la paix romaine par l'annexion de plusieurs royaumes clients. Plus qu'Auguste, il s'intĂ©resse aux provinciaux et diffuse gĂ©nĂ©reusement la citoyennetĂ© romaine[159].
Monnayage et propagande impériale
Le monnayage est un puissant instrument de propagande pour les empereurs romains, qui touche facilement les millions d'habitants de l'Empire[160]. Claude l'utilise pour ses frappes en or (aureus), en argent (denier), et en quantités considérables pour les petites espÚces en laiton (sesterce) et en bronze (as et ses sous-multiples). Les frappes de laiton et de bronze de l'atelier de Rome sont complétées en Occident par les émissions effectuées dans les camps militaires et par les imitations produites par des officines locales tolérées par les autorités[161]. Par leur abondance, ces émissions, officielles et imitées, se substituent aux anciennes monnaies gauloises et espagnoles, provoquent la fermeture des petits ateliers monétaires encore actifs dans quelques municipes provinciaux et alimentent le petit commerce en Gaule, en Germanie et en Bretagne[162].
On peut distinguer quatre thĂšmes dans les monnaies de Claude[163] :
- l'exaltation de certains membres de sa famille, afin de réaffirmer sa légitimité
- l'idée de Victoire, associée à l'empereur
- l'exemple d'Auguste
- les valeurs liées à la personne et à la politique de Claude
DÚs les premiÚres émissions en 41/42 apr. J.-C., l'empereur est figuré avec son pÚre Drusus ou sa mÚre Antonia la Jeune sur des séries en or, en argent ou en bronze, émises à Rome et à Lugdunum. Son fils Britannicus apparaßt dÚs sa naissance en 41 sur des monnaies avec l'inscription Spes Augusta (« Espoir Auguste »)[164]. D'autres frappes de sesterces à partir de 42/43 montrent son frÚre Germanicus puis l'épouse de ce dernier Agrippine l'Aßnée. Enfin, des bronzes frappés à Rome en 42 montrent les fondateurs de la lignée impériale, Auguste et au revers Livie que Claude vient de faire diviniser[165].
- Revers du sesterce précédent, Claude assis sur un siÚge curule, des armes déposées à ses pieds.
- Livie sur un trÎne, titrée DIVA AVGVSTA.
- Dupondius, Antonia la Jeune ANTONIA AVGVSTA, env. 41-50, RIC Claudius 92planche_
X ,_Fig._3_249-0">[166].
En revanche, aucune monnaie nâest Ă©mise Ă lâeffigie de Messaline Ă Rome ou Ă Lugdunum. De nombreuses citĂ©s de la partie orientale de lâEmpire qui bĂ©nĂ©ficient de leur indĂ©pendance monĂ©taire frappent des monnaies qui exaltent la fĂ©conditĂ© de Messaline, mĂšre de lâhĂ©ritier prĂ©somptif de lâempereur. NicĂ©e, NicomĂ©die la figurent portant des Ă©pis de blĂ©, attribut de DĂ©mĂ©ter, dĂ©esse de la fertilitĂ©[167]. Une Ă©mission dâAlexandrie la montre prĂ©sentant dans sa main ouverte deux personnages miniatures, ses deux enfants. FrappĂ© Ă CĂ©sarĂ©e de Cappadoce, le portrait de Messaline porte au revers Octavie et Britannicus se tenant par les mains accompagnĂ©s de leur demi-sĆur Claudia Antonia[167].
Dans l'affirmation de la légitimité de Claude, plus étonnantes sont les monnaies qui rappellent sa proclamation par les militaires[168] L'une montre dÚs 41-42, avec de nombreuses frappes ultérieures, l'empereur associé aux gardes prétoriennes. Une seconde avec la légende PRAETOR(iani) RECEPT(i) fait voir l'empereur et un soldat se serrant la main[169]. Il est probable, selon Levick et Campbell, que ces monnayages récompensent les prétoriens ayant proclamé Claude empereur[170], mais ces types sont ensuite réutilisés[171] :
- Claude en toge serrant la main d'un prétorien porteur d'enseigne, légende PRAETOR RECEPT.
- Caserne de la Garde prétorienne, surmontée de l'étendard militaire et de la Fides ; légende IMPER RECEPT.
La Victoire est une condition obligĂ©e pour la reconnaissance du pouvoir. Or Claude Ă son avĂšnement ne peut vanter aucun exploit militaire personnel ou de ses gĂ©nĂ©raux. Il cĂ©lĂšbre donc ceux de son pĂšre par des Ă©missions au profil de Drusus avec au revers un arc de triomphe, une statue Ă©questre entre deux trophĂ©es et l'inscription DE GERMANIS. Ă partir de 46 et jusqu'en 51, Claude cĂ©lĂšbre sa conquĂȘte de la Bretagne avec des monnaies au revers identique, et la mention DE BRITANN(is)[172].
- Aureus à l'effigie de Drusus, arc de triomphe surmonté d'un cavalier entre deux trophées, avec la légende DE GERM(anis).
- Aureus, arc de triomphe surmonté d'un cavalier entre deux trophées, avec la légende DE BRITANN(is).
- Denier à l'effigie de Claude, 54. Revers : Carpentum à droite tiré par quatre chevaux ; sur le char orné de bas-reliefs, deux Victoires et un quadrige.
Des sĂ©ries monĂ©taires Ă©mises pour les mĂ©rites d'Auguste sont reproduites par Claude : la figuration d'une couronne en feuilles de chĂȘne avec la lĂ©gende OB CIVES SERVATOS reprĂ©sente la couronne civique accordĂ©e au dĂ©fenseur des citoyens romains, Auguste autrefois, Claude Ă prĂ©sent qui l'a placĂ©e au toit de sa maison[A 81]. Autre reprise de monnaies augustĂ©ennes, les piĂšces de l'atelier monĂ©taire de Lugdunum montrant l'autel du sanctuaire fĂ©dĂ©ral des Trois Gaules et lĂ©gendĂ©es ROM ET AVG, connues par un rare quadrans[173]. Elles rappellent le lieu et le jour de naissance de Claude, qui coĂŻncident avec le jour de consĂ©cration de cet autel[174].
Des allégories liées à la politique de Claude apparaissent sur les monnaies du début de son rÚgne en 41/42. les monnaies LIBERTAS frappées à Rome montrant une femme tenant à la main un pileus (bonnet de l'affranchissement) annonce non pas la liberté au sens moderne mais la fin de la tyrannie du rÚgne précédent, et son absence sous Claude. Une autre allégorie est remarquable car aucune monnaie ne l'a fait apparaßtre avant, et elle n'est reprise par aucun des successeurs de Claude : CONSTANTIA, émise en or, en argent et en bronze, montre une femme debout tenant une torche et une corne d'abondance, ou debout et casquée, tenant un long sceptre, ou encore assise sur une chaise curule, levant la main droite à hauteur de son visage. Aucun culte de cette vertu divinisée n'existe à Rome, et cette allégorie est visiblement personnellement liée à Claude. Il semble hasardeux de rattacher la CONSTANTIA à un événement précis du rÚgne, elle renvoie plutÎt à une notion stoïcienne de cohérence de conduite et de fidélité à ses engagements, une affirmation officielle de programme de bon gouvernement[175].
- As de bronze, LIBERTAS AVGVSTA, la Liberté Auguste.
- Bronze, CONSTANTIA AVGVSTI la Constance debout en armes.
- Argent, CONSTANTIA AVGVSTI, la Constance d'Auguste, assise.
La centralisation du pouvoir
Pas plus sous la RĂ©publique que sous lâEmpire, le SĂ©nat ne dispose de capacitĂ©s opĂ©rationnelles pour administrer lâEmpire : seulement un trĂ©sor, lâAerarium, aux moyens financiers limitĂ©s, pas de personnel administratif ou technique ni de bureaux, hormis des archives[176]. Sous la RĂ©publique, les magistrats et les gouverneurs de provinces se faisaient assister par leur personnel, esclaves et affranchis, tandis que des questeurs gĂ©raient leur trĂ©sorerie[177] - [178]. Auguste organisa la gestion des provinces impĂ©riales quâil administrait par ses lĂ©gats et celle de ses domaines privĂ©s sur ce modĂšle, avec les affranchis et les esclaves de sa maison, la domus Augusta. Il crĂ©a pour gĂ©rer les revenus perçus une caisse impĂ©riale, le fiscus, parallĂšle Ă lâAerarium. Claude hĂ©rite de cette administration embryonnaire et la dĂ©veloppe en spĂ©cialisant des bureaux, placĂ©s chacun sous lâautoritĂ© dâun affranchi de la domus Augusta[179].
Le service le plus important est celui des finances (a rationibus), qui gĂšre le trĂ©sor de la maison impĂ©riale (le fiscus), en relation avec les fisci provinciaux[180]. Il est confiĂ© Ă Pallas, prĂ©cĂ©demment homme de confiance dâAntonia la Jeune, la mĂšre de Claude[A 82] - [181]. Le service de la correspondance administrative (ab epistulis), probablement crĂ©Ă© par Auguste en relation avec la poste impĂ©riale[180], est dirigĂ© par Narcisse, ancien esclave de Caligula[A 83]. Narcisse est lâhomme de confiance de Claude, et parfois son porte-parole, par exemple en 43 pour apaiser une lĂ©gion rĂ©calcitrante lors de la campagne de Bretagne[182].
Claude, qui exerce activement son rĂŽle judiciaire, crĂ©e un service traitant les causes Ă©voquĂ©es en appel Ă l'empereur (a cognitibus) et les requĂȘtes (ab libellis), confiĂ© Ă Calliste, ancien affranchi de Caligula. Un dernier service (a studiis) sâoccupe des questions diverses, des recherches documentaires et de la rĂ©daction des documents et des discours officiels[180]. Il est gĂ©rĂ© par Polybe[A 83], qui est exĂ©cutĂ© en 47 pour des raisons obscures, sur une accusation de Messaline dâaprĂšs Dion Cassius[A 84]. Son poste est repris par Calliste.
Cette organisation ne fait pas une distinction nette entre les revenus privĂ©s de lâempereur et ceux de lâĂtat[N 4], ce qui explique quâelle donne un poids important au personnel de la maison dâAuguste[183]. La responsabilitĂ© Ă©levĂ©e de ces hommes, de rang social infĂ©rieur et grecs de surcroit, joue dans l'image nĂ©gative transmise par les historiens qui rĂ©pĂštent tous que Claude est soumis Ă leur influence[184]. De surcroit, lâĂ©norme richesse de plusieurs dâentre eux leur vaut une rĂ©putation de corruption. Dion Cassius affirme quâils vendaient le titre de citoyen romain au prix fort dâabord, puis Ă vil prix, les charges militaires et celles de procurateur et de gouverneur, et mĂȘme les denrĂ©es alimentaires, crĂ©ant une pĂ©nurie[A 85] - [185]. Pline l'Ancien constate que Pallas, Narcisse et Calliste Ă©taient plus riches que Crassus, l'homme le plus riche de l'Ă©poque rĂ©publicaine aprĂšs Sylla avec des biens estimĂ©s Ă deux cents millions de sesterces[A 86].
Toutefois, ces mĂȘmes sources accusatrices admettent que ces affranchis Ă©taient loyaux envers Claude[A 87]. Enfin SuĂ©tone leur reconnaĂźt mĂȘme une certaine efficacitĂ©[186] - [11].
L'expansion de l'Empire
- L'Empire Ă l'avĂšnement de Claude.
- Annexion de royaumes clients.
- ConquĂȘtes armĂ©es.
Sous le rĂšgne de Claude, l'Empire connaĂźt une nouvelle expansion, celle-ci ayant Ă©tĂ© limitĂ©e depuis l'Ă©poque d'Auguste. Des territoires dĂ©jĂ sous protectorat romain sont annexĂ©s : le Norique, la JudĂ©e aprĂšs le dĂ©cĂšs de son dernier roi HĂ©rode Agrippa Ier en 42, la Pamphylie et la Lycie en 43, Ă la suite dâune rĂ©volte locale et du meurtre de citoyens romains[A 88] - [187]. AprĂšs lâassassinat par Caligula du roi de MaurĂ©tanie PtolĂ©mĂ©e, et lâinsurrection dâun de ses affranchis, Ădemon en 40, lâagitation de tribus maures se poursuit en 42 et 43[188]. En 43, lâancien royaume est divisĂ© en deux provinces, MaurĂ©tanie cĂ©sarienne et MaurĂ©tanie tingitane[A 89] - [189].
La Britannia (actuelle Grande-Bretagne) est une cible allĂ©chante par sa richesse, dĂ©jĂ reconnue par les commerçants romains. La conquĂȘte, envisagĂ©e par Caligula, est entamĂ©e par Claude en 43. Il envoie Aulus Plautius Ă la tĂȘte de quatre lĂ©gions, prenant prĂ©texte de l'appel Ă l'aide d'un alliĂ© local en difficultĂ©[A 90]. Claude lui-mĂȘme se rend dans l'Ăźle avec ses gendres pendant une quinzaine de jours recueillir la victoire[A 91] - [189].
Ă lâautomne 43 et avant son retour Ă Rome, le SĂ©nat lui accorde un triomphe et lâĂ©dification dâun arc de triomphe Ă Rome et dâun autre Ă Boulogne-sur-Mer. Le SĂ©nat lui donne Ă©galement le titre honorifique de « Britannicus » quâil n'accepte que pour son fils, et n'utilise pas lui-mĂȘme. Le triomphe de Claude est cĂ©lĂ©brĂ© en 44, une cĂ©rĂ©monie que Rome nâavait pas connue depuis celui de Germanicus en 17. Messaline suit le char triomphal en carpentum, avec plusieurs gĂ©nĂ©raux vĂȘtus des ornements triomphaux[A 90] - [191]. Lâusage dâun carpentum est un honneur exceptionnel accordĂ© Ă Messaline, car circuler dans cette voiture attelĂ©e Ă deux roues est le privilĂšge des Vestales, qui nâa Ă©tĂ© accordĂ© avant quâĂ Livie[192].
Claude a enfin une gloire militaire comme ses parents, et a rĂ©ussi lĂ oĂč Jules CĂ©sar lui-mĂȘme avait Ă©chouĂ©, soumettre les Bretons et lâOcĂ©an[193]. Il renouvelle ce triomphe en instaurant une fĂȘte annuelle qui le commĂ©more[A 92]. En 47, il dĂ©file au cĂŽtĂ© dâAulus Plautius, qui reçoit une ovation. En 51, il cĂ©lĂšbre la capture du chef breton Caratacos en reconstituant au Champ de Mars la prise dâassaut dâune ville bretonne[194].
En 46, les Romains interviennent en Thrace, dont l'assassinat du roi RhĂ©mĂ©talcĂšs III par son Ă©pouse est suivi d'une rĂ©volte contre la tutelle romaine. Les tĂ©moignages historiques sur le conflit sont tardifs et rĂ©duits Ă quelques passages chez EusĂšbe de CĂ©sarĂ©e et Georges le Syncelle. Le royaume conquis est divisĂ© en deux, le nord est rattachĂ© Ă la MĂ©sie et une nouvelle province de Thrace est crĂ©Ă©e[195]. Cette annexion reporte la frontiĂšre sur le Danube et sĂ©curise les provinces impĂ©riales de MacĂ©doine et dâAchaĂŻe, dont Claude remet le contrĂŽle au SĂ©nat[A 93].
Sur le front du Rhin, Claude reste sur la stratĂ©gie dĂ©fensive prĂ©conisĂ©e par Auguste et suivie par TibĂšre, dâautant plus que plusieurs lĂ©gions basĂ©es dans les provinces rhĂ©nanes sont dĂ©sormais engagĂ©es en Bretagne. Les peuples germaniques tentent parfois des incursions de pillage dans lâEmpire, suivies de reprĂ©sailles romaines. En 47, le lĂ©gat de Germanie infĂ©rieure Corbulon chasse les pirates basĂ©s Ă lâembouchure du Rhin, ramĂšne les Frisons dans un vague protectorat romain, et intervient contre les Chauques. Claude lui dĂ©cerne les ornements triomphaux, conclusion honorifique assortie de lâordre de ne pas prolonger sa campagne militaire au-delĂ du Rhin[A 94] - [196]. Corbulon occupe alors ses troupes au creusement dâun canal entre le Rhin et la Meuse[196]. Des amĂ©nagements complĂštent lâorganisation stratĂ©gique du secteur rhĂ©nan. Claude fait achever la traversĂ©e des Alpes par le col du Brenner, reliant l'Italie Ă la Germanie et mettant ainsi la derniĂšre touche Ă des chantiers entamĂ©s par son pĂšre Drusus[197].
Gouvernement des provinces
Claude fait preuve, Ă lâĂ©gard des provinciaux, dâune ouverture dâesprit et dâune bienveillance que lâon constate dans son cĂ©lĂšbre discours sur lâouverture du SĂ©nat aux notables gaulois et aussi par des mesures ignorĂ©es des auteurs antiques et ponctuellement tracĂ©es par diverses sources Ă©pigraphiques. Lâhistorien Gilbert Charles-Picard estime que cette attitude novatrice vient de la double culture grecque et latine de Claude, parfaitement bilingue, et de son Ă©rudition historique qui lui inspire une sympathie pour les peuples vaincus[198].
Ă partir des sources littĂ©raires et de quelques inscriptions Ă©pigraphiques, un certain nombre de gouverneurs de provinces ont Ă©tĂ© identifiĂ©s par les historiens, un Ă©chantillon qui ne couvre que trĂšs partiellement lâEmpire. On constate nĂ©anmoins que peu de gouverneurs nommĂ©s par Caligula sont maintenus sous Claude, et que ces derniers sont des hommes de confiance de Claude ou de ses amis. Si quelques gouverneurs sont des hommes nouveaux, un grand nombre sont des sĂ©nateurs issus de la vieille noblesse romaine. Dans les provinces impĂ©riales qui dĂ©pendent de lâempereur, les gouverneurs compĂ©tents sont maintenus en poste quatre ou cinq ans, et parfois rĂ©compensĂ©s des ornements triomphaux, tandis que les gouverneurs de provinces sĂ©natoriales nâexercent quâun an, sauf quelques exceptions comme pour Galba[A 95] proconsul dâAfrique pendant deux ans pour rĂ©tablir lâordre, ou d'autres en AchaĂŻe et en CrĂšte[199] - [200].
Claude veille Ă limiter les abus des gouverneurs. Pour lutter contre ceux qui tardent trop Ă rejoindre leur poste, il impose que tout nouveau gouverneur quitte Rome avant le premier avril pour gagner sa province[A 96] - [138]. Il interdit aussi aux gouverneurs dâenchaĂźner deux mandats Ă la suite, pratique destinĂ©e Ă esquiver les poursuites judiciaires Ă Rome. Cette mesure permet aux administrĂ©s quâils auraient lĂ©sĂ©s de les mettre en accusation Ă lâissue de leur affectation[A 92]. De mĂȘme, les lĂ©gats qui accompagnent les gouverneurs doivent rester Ă Rome un certain temps avant de repartir pour une autre mission, le temps qu'une accusation puisse ĂȘtre formulĂ©e contre eux[201] - [202].
Claude tranche aussi la question de la responsabilitĂ© des contentieux fiscaux dans les provinces quâelles soient impĂ©riales ou sĂ©natoriales : la collecte des revenus alimentant la caisse impĂ©riale, le fiscus Ă©tait assurĂ©e par des procurateurs nommĂ©s par lâempereur, tandis que le traitement des litiges relevait en principe du gouverneur de la province. En 53, Claude attribue aux procurateurs du fisc le droit de juger des litiges et fait ratifier ce transfert dâautoritĂ© judiciaire par le SĂ©nat[A 64]. Cette mesure est critiquĂ©e par Tacite, qui constate lâĂ©rosion du pouvoir judiciaire appartenant autrefois aux prĂ©teurs donc aux sĂ©nateurs, au bĂ©nĂ©fice des chevaliers et des affranchis de lâempereur[A 97] - [203].
Claude tente de remĂ©dier aux abus dâusage de la poste impĂ©riale par des personnes nây ayant pas droit, le cursus publicus, dont la charge pesait lourdement sur les citĂ©s[197] comme lâindique lâinscription de Tegea en AchaĂŻe[A 98] - [204].
Diffusion de la citoyenneté romaine
Claude effectue un recensement en 48 qui dénombre 5 984 072 citoyens romains[A 80], soit une augmentation de prÚs d'un million depuis celui mené à la mort d'Auguste.
Claude témoigne d'une remarquable ouverture pour la concession de la citoyenneté romaine : il naturalise à titre individuel de nombreux Orientaux[205]. La création de colonies romaines ou la promotion de cités latines au statut de colonies naturalise collectivement leurs résidents libres. Ces colonies sont parfois issues de communautés préexistantes, en particulier de celles qui comprenaient des élites parvenant à rallier la population à la cause romaine. En reconnaissance, ces cités insÚrent le nom de Claude dans leur toponyme[206] : Lugdunum devient la Colonia copia Claudia Augusta Lugudunum, Cologne la Colonia Claudia Ara Agrippinensium[205].
La naturalisation par la promotion militaire est une autre voie ouverte par Claude. En droit, la citoyennetĂ© est requise pour lâenrĂŽlement des lĂ©gionnaires, mais le recrutement local fait entrer dans lâarmĂ©e de nombreux pĂ©rĂ©grins, provinciaux dĂ©pourvus du droit de citĂ©, comme lĂ©gionnaires avec un droit de citĂ© fictif ou comme auxiliaires. Claude gĂ©nĂ©ralise lâaccord de citoyennetĂ© en la dĂ©cernant par diplĂŽme militaire en fin de service pour le soldat auxiliaire, pour sa concubine et leurs enfants[207].
Cette gĂ©nĂ©rositĂ© envers les provinciaux suscite lâagacement de sĂ©nateurs, comme SĂ©nĂšque qui prĂ©tend que Claude « voulait voir en toge tous les Grecs, les Gaulois, les Espagnols et les Bretons »[A 99]. Claude se montre pourtant rigoureux et exige que les nouveaux citoyens connaissent le latin[208]. Dans les cas individuels dâusurpation de la citoyennetĂ©, Claude peut dâaprĂšs SuĂ©tone se montrer sĂ©vĂšre et faire dĂ©capiter des contrevenants, ou ramener Ă leur condition d'esclave les affranchis usurpant le rang de chevalier[A 100].
Le pragmatisme de Claude apparaĂźt dans l'Ă©dit conservĂ© par la Tabula Clesiana[A 101], par lequel il trouve une solution rĂ©aliste Ă la situation des Anaunes (it), une tribu voisine de Trente. Un envoyĂ© de Claude avait dĂ©couvert que beaucoup d'habitants avaient obtenu la citoyennetĂ© romaine abusivement. AprĂšs enquĂȘte, et plutĂŽt que de sĂ©vir, l'empereur dĂ©clare qu'Ă partir de ce jour ils seraient considĂ©rĂ©s comme dĂ©tenant la pleine citoyennetĂ© : les priver de leur statut illĂ©galement acquis aurait Ă©tĂ© source de problĂšmes plus graves que l'entorse Ă la rĂšgle[204].
Extension du pomerium
En 49 apr. J.-C., Claude Ă©tend le pĂ©rimĂštre urbain de Rome (le pomerium) et inclut l'Aventin[A 102]. Il suit une coutume ancienne qui veut que l'agrandissement du territoire soumis aux Romains autorise l'extension des limites de la ville de Rome, justifiĂ©e pour Claude par la conquĂȘte de la Bretagne[A 103]. Toutefois, si l'on suit SĂ©nĂšque, ce droit n'est valable que pour les annexions rĂ©alisĂ©es en Italie[A 104], ce qui met en doute la lĂ©gitimitĂ© de l'agrandissement de Claude[209] - [210].
Activités judiciaires
Comme ses prĂ©dĂ©cesseurs, Claude dĂ©tient lâimperium, qui lui donne le droit de juger, et la puissance tribunitienne, qui fait de lui le destinataire des appels de citoyens condamnĂ©s. Contrairement Ă ses prĂ©dĂ©cesseurs, Claude exerce assidĂ»ment ses attributions. Il siĂšge au forum du matin au soir, quelquefois mĂȘme lors des dates religieuses ou des jours de fĂȘte, traditionnellement chĂŽmĂ©s[A 105] - [211]. Il juge un grand nombre d'affaires, personnellement ou en compagnie dâun consul ou dâun prĂ©teur[A 106]. SuĂ©tone admet la qualitĂ© de certains de ses jugements, mais, comme Ă son habitude, conclut nĂ©gativement[7] (« dans ses sentences, [âŠ] tour Ă tour circonspect et perspicace, ou Ă©tourdi et prĂ©cipitĂ©, quelquefois dâune lĂ©gĂšretĂ© qui ressemblait Ă de la folie ») et illustre ses avis dâexemples tournant le plus souvent Claude en ridicule[A 107] - [212].
Outre son activitĂ© personnelle de juge, Claude prend plusieurs mesures pour amĂ©liorer le fonctionnement judiciaire et rĂ©duire l'encombrement des tribunaux de Rome, face aux multiples abus juridiques et Ă lâinflation du volume dâaffaires. Pour limiter lâĂ©tirement en longueur des procĂ©dures judiciaires, il oblige les juges Ă clore leurs affaires avant la vacance des tribunaux[213] - [138]. Il augmente la capacitĂ© de ces derniers en Ă©tendant la durĂ©e de session Ă lâensemble de lâannĂ©e[A 67] - [211]. Pour lutter contre les manĆuvres dilatoires des plaignants â lesquels sâabsentent aprĂšs avoir portĂ© leur accusation, tandis qu'ils obligent lâaccusĂ© Ă demeurer Ă Rome et allongent la procĂ©dure â, Claude impose Ă ces derniers de rester, eux aussi, Ă Rome pendant le traitement de leurs affaires, et enjoint aux juges de rendre une sentence en leur dĂ©faveur en cas dâabsence non justifiĂ©e[211].
Pierre Renucci explique lâencombrement des tribunaux par lâemballement sous TibĂšre des procĂšs en maiestas â dĂ©clenchĂ©s Ă lâorigine Ă lâencontre du Peuple romain, puis contre la personne ou lâimage de lâempereur[214]. La rĂ©compense lĂ©gale attribuĂ©e aux accusateurs â le quart des biens du condamnĂ© â incite Ă la dĂ©lation pour des motifs mĂȘme futiles : propos dâivrogne ou plaisanteries inconsidĂ©rĂ©es[A 108] - [214]. Sans revenir sur les dispositions lĂ©gales de la mise en accusation, Claude met un coup dâarrĂȘt aux procĂšs de maiestas en se dĂ©fiant des calomniateurs[A 109] - [214].
Claude arbitre Ă©galement les diffĂ©rends qui lui sont soumis depuis les provinces, comme l'affaire d'Alexandrie. Au dĂ©but de son rĂšgne en effet, les Grecs et les Juifs d'Alexandrie lui envoient chacun une ambassade Ă la suite d'Ă©meutes opposant les deux communautĂ©s. En rĂ©ponse, Claude fait exĂ©cuter deux agitateurs grecs d'Alexandrie et rĂ©dige une Lettre aux Alexandrins, dans laquelle il refuse de prendre parti entre les diffĂ©rents responsables des soulĂšvements, mais prĂ©vient qu'il sera implacable vis-Ă -vis de ceux qui les dĂ©clencheraient Ă nouveau. Il rĂ©affirme les droits des Juifs dans cette ville[215], mais leur interdit dans le mĂȘme temps d'y continuer l'envoi de colons en masse. D'aprĂšs JosĂšphe, il reconnaĂźt ensuite les droits et libertĂ©s de tous les Juifs de l'empire[216].
Production législative
Ă l'inverse de son action judiciaire, ses rĂ©alisations lĂ©gislatives ont Ă©tĂ© louĂ©es par les auteurs antiques. Claude Ćuvre Ă la restauration des mĆurs, souhaitant faire coĂŻncider le rang avec la richesse, l'honorabilitĂ© et le prestige. Ainsi, dans les spectacles, les sĂ©nateurs et les chevaliers retrouvent des places privilĂ©giĂ©es[218].
Claude prend de trÚs nombreux édits sur des sujets les plus divers, dont Suétone cite un florilÚge, dont certains dérisoires, tel que l'autorisation des flatulences au cours des banquets, un on-dit colporté au conditionnel par Suétone, mais néanmoins abondamment cité[A 110] - [87].
Plus sĂ©rieusement, Claude traduit en plusieurs lois lâĂ©volution des mĆurs de son temps en faveur de lâamĂ©lioration du sort des esclaves et lâĂ©mancipation des femmes[219]. Un dĂ©cret restĂ© cĂ©lĂšbre traitait du statut des esclaves malades ; en effet jusque-lĂ les maĂźtres abandonnaient Ă la mort les esclaves malades au temple d'Esculape dans lâĂźle TibĂ©rine et les rĂ©cupĂ©raient s'ils survivaient. Claude dĂ©cide que les esclaves guĂ©ris seront considĂ©rĂ©s comme affranchis[A 111] et que les maĂźtres qui choisiraient de tuer leurs esclaves plutĂŽt que de prendre ce risque seraient poursuivis pour meurtre[A 100] - [220] - [221]. Pour la premiĂšre fois dans lâAntiquitĂ©, la mise Ă mort dâun esclave malade par son maĂźtre est assimilĂ©e Ă un crime[222].
Dâautres dĂ©crets Ă retenir concernent le droit des femmes : Claude supprime, pour les Ă©pouses, la tutelle dâun membre de leur famille dâorigine, dispense qui nâexistait que pour les mĂšres de plus de trois enfants[A 112]. Un autre dĂ©cret rĂ©pare une injustice du droit successoral en plaçant la mĂšre mariĂ©e sine manu au nombre des hĂ©ritiers de son enfant, lorsquâil dĂ©cĂšde sans avoir fait de testament[A 113] - [223].
ParallÚlement à ces décisions émancipatrices, Claude renforce les prérogatives du Pater familias, que ce soit sur les biens de sa famille ou en renforçant plus généralement son autorité[219].
Ravitaillement de Rome
DĂšs le dĂ©but de son rĂšgne marquĂ© par une disette Ă Rome, Claude est injuriĂ© par la foule du forum et bombardĂ© de croĂ»tons de pain. Il faut savoir quâĂ Rome, quelque 200 000 citoyens pauvres reçoivent gratuitement une allocation en blĂ©, fournie par lâĂtat romain, en grande partie importĂ©e des provinces, et matĂ©riellement assurĂ©e par les soins de lâempereur. Claude dĂ©cide aussitĂŽt des mesures dâencouragement pour faire arriver le blĂ© Ă Rome, mĂȘme pendant lâhiver, saison des tempĂȘtes et dâarrĂȘt de la navigation : il promet de prendre en charge les pertes causĂ©es par les naufrages, devenant ainsi lâassureur des vaisseaux des nĂ©gociants. Les armateurs de navires de commerce obtiennent des privilĂšges juridiques, comme la citoyennetĂ© et l'exemption des pĂ©nalitĂ©s frappant les cĂ©libataires et les couples sans enfants selon la loi Papia-Poppea[A 114] - [224].
Claude redĂ©finit aussi les responsabilitĂ©s de lâapprovisionnement : il confie les opĂ©rations de distribution Ă la population Ă un procurateur dit ad Miniciam, du nom du portique de Rome oĂč elle est effectuĂ©e[225]. L'administration portuaire d'Ostie et le transport du blĂ© jusquâĂ Rome Ă©taient sous la responsabilitĂ© du questeur, magistrat dĂ©butant et en poste pour un an seulement. Claude lui substitue un procurateur quâil nomme et maintient selon ses compĂ©tences[A 115] - [226]. Enfin, Claude nâhĂ©site pas Ă se dĂ©placer lui-mĂȘme pour surveiller les arrivĂ©es de blĂ© Ă Ostie[A 116].
Constructions publiques
Mis Ă part la rĂ©fection du thĂ©Ăątre de PompĂ©e et lâamĂ©nagement de barriĂšres en marbre au Circus Maximus[A 117], Claude lance ou poursuit de grands chantiers dâamĂ©nagement destinĂ©s Ă amĂ©liorer lâapprovisionnement de Rome. Ces travaux dont le financement nâest possible que grĂące aux finances impĂ©riales vont durer des annĂ©es[227] et laisser des ouvrages que Pline l'Ancien qualifie de « merveilles que rien ne surpasse » (« invicta miracula »)[A 118].
Claude assure le ravitaillement en eau de Rome en restaurant en 45 lâAqua Virgo, endommagĂ© sous Caligula ; Il poursuit la construction de deux aqueducs, lâAqua Claudia, qui avait Ă©tĂ© commencĂ© sous Caligula, et lâAqua Anio Novus[197]. Ces deux ouvrages, longs respectivement de soixante-neuf kilomĂštres et de quatre-vingt-sept kilomĂštres, atteignent la Ville en 52, en se rejoignant Ă la Porta Maggiore[228]. La restauration et la construction de ces deux aqueducs coĂ»tent 350 000 000 de sesterces[A 119] - [229], plus que tout autre ouvrage Ă©vergĂ©tique connu par l'Ă©pigraphie[230], et s'Ă©tendent sur quatorze annĂ©es[231].
Par ailleurs à Rome il fait creuser un canal navigable sur le Tibre qui mÚne à Portus, son nouveau port, situé à trois kilomÚtres au nord d'Ostie. Ce port est bùti en demi-cercle autour de deux brise-lames, un phare occupant sa bouche[A 120].
Claude souhaite aussi augmenter la surface arable en Italie. Il reprend le projet de Jules CĂ©sar d'assĂ©cher le lac Fucin[A 121], en le vidant par un canal de plus de cinq kilomĂštres dĂ©rivant jusquâau Liris[232]. Le chantier de creusement dure onze ans, sous la supervision de Narcisse[A 122] - [233]. Les travaux sâachĂšvent avec le percement des tunnels de Claude jusquâĂ la cuvette du lac, mais la vidange attendue est un Ă©chec : lâĂ©missaire de vidange est plus haut que le fond du lac et ne le vide pas complĂštement, gĂąchant lâinauguration organisĂ©e par Claude[A 123] - [234] - [N 5].
Pratiques religieuses
Claude se montre conservateur de la religion officielle, et fait dĂ©crĂ©ter que les pontifes veillent Ă ce que ne se perde pas la connaissance des rites anciens conservĂ©s par les haruspices Ă©trusques[A 26]. Il rĂ©habilite des pratiques dĂ©suĂštes, comme faire rĂ©citer la formule des fĂ©tiaux lors des traitĂ©s avec les rois Ă©trangers[A 64]. Lui-mĂȘme, en tant que pontifex maximus, sâapplique Ă conjurer les mauvais prĂ©sages, en faisant annoncer des fĂȘtes si la terre a tremblĂ© Ă Rome, ou en faisant rĂ©citer des priĂšres propitiatoires quâil dicte au peuple depuis la tribune des Rostres, si un oiseau de mauvais augure a Ă©tĂ© vu au Capitole[A 124]. Toutefois, il Ă©vite les excĂšs de formalisme religieux, et met un frein Ă la rĂ©pĂ©tition excessive des cĂ©lĂ©brations en cas de dĂ©faut dans le dĂ©roulement des prescriptions rituelles. Il dĂ©crĂšte quâune cĂ©lĂ©bration qui sâest mal dĂ©roulĂ©e ne peut ĂȘtre rĂ©itĂ©rĂ©e quâune seule fois, ce qui met fin aux abus suscitĂ©s par les entrepreneurs de spectacle qui tirent profit de ces multiplications, et mĂȘme, les provoquent[A 125].
Il refuse la requĂȘte des Grecs dâAlexandrie qui souhaitent lui dĂ©dier un temple, en argumentant que seuls les dieux peuvent choisir de nouveaux dieux. Il rĂ©tablit des jours de fĂȘte tombĂ©s en dĂ©suĂ©tude et annule nombre de cĂ©lĂ©brations Ă©trangĂšres instituĂ©es par son prĂ©dĂ©cesseur Caligula.
Dans la Ville, Claude se prĂ©occupe de la diffusion des cultes Ă mystĂšres, venus d'Orient, et recherche des Ă©quivalents romains. Par exemple, il veut implanter Ă Rome les MystĂšres d'Ăleusis[A 64], associĂ©s au culte de DĂ©mĂ©ter[235].
Comme Auguste et TibĂšre, Claude est plutĂŽt hostile aux religions Ă©trangĂšres. Il interdit le druidisme[A 64]. Il expulse de Rome les astrologues et les Juifs, Ă cause de troubles que SuĂ©tone attribue « Ă l'instigation d'un certain Chrestus »[A 64] - [235]. Les autres auteurs antiques recoupent plus ou moins cette disposition. Les Actes des ApĂŽtres Ă©voquent incidemment ce dĂ©cret dâĂ©loignement[A 126], tandis que Flavius JosĂšphe ne le mentionne pas. Dion Cassius en minimise la portĂ©e : « Les Juifs Ă©tant de nouveau devenus trop nombreux pour qu'on pĂ»t, attendu leur multitude, les expulser de Rome sans occasionner des troubles, il ne les chassa pas, mais il leur dĂ©fendit de s'assembler pour vivre selon les coutumes de leurs pĂšres. »[A 125]. Les motivations et les tenants des actions de Claude vis-Ă -vis des Juifs restent obscurs Ă l'heure actuelle. Il semble avoir agi essentiellement pour maintenir l'ordre public Ă Rome, troublĂ© par des heurts entre membres de la communautĂ©. En 41, il fait fermer les synagogues[A 127], et en 49, expulse plusieurs personnalitĂ©s juives. SuĂ©tone[A 100] laisse penser que ces incidents sont dĂ©clenchĂ©s par les chrĂ©tiens[236]. En revanche, Levick estime extravagante l'hypothĂšse selon laquelle Claude serait l'auteur du « dĂ©cret de CĂ©sar », punissant les atteintes aux sĂ©pultures[237] - [238].
Claude est opposĂ© aux conversions, quelle que soit la religion, y compris dans les rĂ©gions oĂč il accorde aux habitants la libertĂ© de croyance. Les rĂ©sultats de tous ces efforts ont Ă©tĂ© reconnus, et mĂȘme SĂ©nĂšque, qui pourtant mĂ©prise les vieilles pratiques superstitieuses[A 128], dĂ©fend Claude dans sa satire lâApocoloquintose[A 129].
Jeux
Les spectacles, jeux du cirque et reprĂ©sentations thĂ©Ăątrales, tiennent une grande place dans la vie publique Ă Rome, organisĂ©s lors des cĂ©rĂ©monies religieuses ou des fĂȘtes, autant dâoccasions de rencontre entre lâempereur et sa population[239].
DâaprĂšs SuĂ©tone et Dion Cassius, Claude se passionne pour les jeux de lâamphithĂ©Ăątre. Ils en font un ĂȘtre cruel, assoiffĂ© de sang, jouissant des spectacles des gladiateurs et plus encore indigne amateur des mĂ©diocres spectacles de midi, consacrĂ©s aux mises Ă mort de condamnĂ©s[A 130] - [A 131]. La cruautĂ© est un des vices que les auteurs antiques soulignent pour forger un personnage de tyran[240], mais les assertions de SuĂ©tone reprises par Dion Cassius entrent en contradiction avec les Ă©crits de SĂ©nĂšque. Celui-ci condamne clairement ces meurtres mis en scĂšne[A 132]. Or dans son Apocoloquintose qui charge Claude de tous les dĂ©fauts, SĂ©nĂšque ne fait aucune allusion Ă une attirance pour les spectacles sanglants, dâoĂč le doute de Renucci sur cette cruautĂ© rapportĂ©e par SuĂ©tone : rĂ©alitĂ© ou ragot ?[241].
SuĂ©tone est plus crĂ©dible lorsquâil dĂ©peint lâattitude de Claude lors des spectacles quâil donne : il interpelle familiĂšrement les spectateurs, fait circuler des tablettes portant ses commentaires, lance des plaisanteries et encourage les rĂ©actions du public[A 117], entretenant ainsi sa popularitĂ© auprĂšs de la foule romaine[242].
Parmi les jeux que Claude donne personnellement, deux sont exceptionnels par leur ampleur et leur rareté : les jeux séculaires et la naumachie du lac Fucin.
Les jeux sĂ©culaires de 47 marquent le 800e anniversaire de la fondation de Rome. Comme Auguste en avait organisĂ© aussi en 17 av. J.-C., SuĂ©tone ironise sur ce caractĂšre sĂ©culaire, et la formule dâannonce de « jeux que nul nâa vus », puisque certains spectateurs ont assistĂ© aux prĂ©cĂ©dents[A 117]. Toutefois, AndrĂ© Piganiol souligne que les deux jeux ne sont pas comparables, car Claude crĂ©e un nouveau type de cĂ©lĂ©bration, les anniversaires de Rome, diffĂ©rents des jeux dâAuguste, expiatoires des troubles dâun siĂšcle achevĂ© et annonciateurs du siĂšcle nouveau[243]. Lors dâune des cĂ©rĂ©monies, les jeunes nobles accomplissent Ă cheval des Ă©volutions complexes, et les applaudissements de la foule les plus nourris sont pour le jeune Domitius Ahenobarbus, fils dâAgrippine la Jeune, dernier descendant de Germanicus et petit-neveu de Claude, au dĂ©triment de son fils Britannicus[A 133], ce qui ne peut quâinquiĂ©ter lâimpĂ©ratrice Messaline[244].
Une autre reprĂ©sentation dâexception est organisĂ©e en 52, pour lâinauguration de la dĂ©rivation du lac Fucin : une naumachie, une bataille navale opposant deux flottes et des milliers de condamnĂ©s, un spectacle que seuls CĂ©sar et Auguste avaient montrĂ© auparavant. La narration de SuĂ©tone contient la seule citation connue de la formule cĂ©lĂšbre Morituri te salutant. Et toujours selon SuĂ©tone, Claude se ridiculise en entrant dans une colĂšre mĂ©morable lorsque les figurants refusent de combattre, croyant avoir Ă©tĂ© graciĂ©s[A 117] - [245].
Claude et Lyon
Des indices épigraphiques ténus permettent d'attribuer à Claude quelques réalisations monumentales dans sa ville natale, comme les thermes de la rue des Farges (50 à 60 apr. J.-C.). Au XVIIIe siÚcle, la découverte de tuyaux de plomb à son nom sur la colline de FourviÚre laisse penser qu'il est à l'origine de l'aqueduc du Gier, jusqu'à ce qu'une autre inscription permette de rattacher l'édifice à Hadrien[246]. Cependant, Claude a bien fait construire un aqueduc, celui de la Brévenne ou celui de l'Yzeron. Par ailleurs, deux fontaines ont été édifiées sous son rÚgne, celle du site du Verbe Incarné et celle de Choulans[247].
Vie privée de l'empereur
Les anecdotes collectĂ©es par SuĂ©tone et Dion Cassius pour dĂ©prĂ©cier la vie privĂ©e de Claude devenu empereur abondent, et changent dâĂ©chelle : ses excĂšs de table rassemblent jusquâĂ six cents convives[A 134]. Plus scandaleux encore, allĂ©chĂ© par une odeur de cuisine, Claude abandonne le tribunal oĂč il siĂšge pour sâinviter au repas de la confrĂ©rie des Saliens[A 135], se rĂ©vĂ©lant ainsi lâesclave de ses appĂ©tits au dĂ©triment de son rĂŽle judiciaire[86].
Messaline
Les auteurs antiques forgent pour la postĂ©ritĂ© lâimage dâun empereur peureux, facilement manipulĂ© par ses affranchis et son Ă©pouse[A 136] - [A 137] - [248]. La rĂ©putation quâils donnent Ă Messaline est encore pire. La satire de JuvĂ©nal dĂ©crivant Messaline quittant le palais impĂ©rial pour se prostituer dans les bas-quartiers en fait la figure de la concupiscence fĂ©minine incontrĂŽlĂ©e et illimitĂ©e[A 138] - [249]. Outre les Ă©liminations physiques dont les historiens rendent responsable sa jalousie et son aviditĂ©, ils lui prĂȘtent de multiples amants, quâelle choisit elle-mĂȘme dans toutes les classes sociales. Les hommes qui refusent de se soumettre Ă ses dĂ©sirs sont contraints par la ruse ou la force [250]. Claude est dĂ©peint comme le vieillard imbĂ©cile des comĂ©dies[251], trompĂ© Ă son insu, parfois mĂȘme avec sa complicitĂ© involontaire, comme lorsque Messaline le prie dâordonner au mime Mnester de faire ce quâelle lui demandera[A 139].
Son dernier amant, le sĂ©nateur Caius Silius, est la cause de sa fin en 47. RĂ©sumĂ© en quelques lignes par les abrĂ©viateurs de Dion Cassius[A 140], mentionnĂ© par SuĂ©tone, cet Ă©pisode est longuement mis en scĂšne par Tacite[252], qui utilise son art rhĂ©torique pour mĂȘler les Ă©lĂ©ments factuels avec des traits de comĂ©die[253] et des sous-entendus moralisants et politiques[254]. AprĂšs les jeux sĂ©culaires de 47, Messaline sâĂ©prend du sĂ©nateur Caius Silius, de parents proches de Germanicus, qualifiĂ© par Tacite de « plus beau des jeunes Romains », quâelle oblige Ă se sĂ©parer de son Ă©pouse. Toujours selon Tacite, Silius cĂšde Ă Messaline, sĂ»r que son refus lui vaudrait la mort et espĂ©rant aussi de larges rĂ©compenses pour son acceptation, ce quâil obtient : sans discrĂ©tion, Messaline frĂ©quente assidĂ»ment la demeure de Silius et y transfĂšre mĂȘme du mobilier, des esclaves et des affranchis en provenance de la maison impĂ©riale[A 141] - [255].
La liaison des amants culmine par leur mariage officiel, une prise de risque que Tacite qualifie de fabuleuse[A 142], tout en Ă©tant comme les autres historiens persuadĂ© de son authenticitĂ©[244]. Tandis que Dion Cassius affirme que Messaline eut le dĂ©sir dâavoir plusieurs Ă©poux, Tacite attribue lâidĂ©e de ce mariage Ă Silius, prĂ©fĂ©rant le risque Ă lâattente, disposĂ© Ă maintenir les pouvoirs de Messaline et Ă adopter son fils Britannicus. Profitant que Claude sĂ©journe Ă Ostie pour superviser les arrivĂ©es de blĂ©, Messaline demeure Ă Rome[A 116]. Son union avec Silius est cĂ©lĂ©brĂ©e dans les rĂšgles, selon une date annoncĂ©e dâavance, avec un contrat prĂ©alablement signĂ© devant tĂ©moins, cĂ©rĂ©monie avec prise des auspices, sacrifice aux dieux et banquet nuptial[256]. SuĂ©tone est le seul Ă rĂ©vĂ©ler une manipulation Ă la limite du vraisemblable : Claude signe aussi le contrat de mariage, car on lui fait croire Ă un mariage simulĂ©, destinĂ© Ă dĂ©tourner un pĂ©ril qui lâaurait menacĂ© dâaprĂšs les prĂ©sages[A 74]. Pour Castorio, cet Ă©lĂ©ment quâignorent Tacite et Dion Cassius nâest quâune rumeur sans fondement historique, participant Ă lâimage dâimbĂ©cillitĂ© de Claude[257]. Quoi quâil en soit, les spĂ©cialistes du droit romain considĂšrent que le mariage de Messaline, dĂ»ment cĂ©lĂ©brĂ©, a pour effet la rĂ©pudiation de Claude[258].
Au lieu de se rendre maĂźtres de Rome, les mariĂ©s mĂšnent dans leurs jardins une fĂȘte des vendanges qui tourne Ă la bacchanale, Ă©pisode invraisemblable du rĂ©cit de Tacite[259]. La riposte est organisĂ©e par les affranchis Calliste, Narcisse et Pallas. Convaincus que ce mariage va faire de Silius le nouvel empereur, ils redoutent de ne plus bĂ©nĂ©ficier de la mĂȘme complaisance quâavec Claude. Autre raison, en faisant condamner Ă mort Polybe, un des leurs, Messaline a rompu leurs liens de complicitĂ©[A 143] - [260]. Il leur faut donc Ă©liminer Messaline en empĂȘchant toute entrevue avec Claude, quâelle pourrait amadouer. Aux dires de Tacite, seul Narcisse agit, les deux autres restent passifs, Pallas par lĂąchetĂ©, Calliste par prudence[261]. Narcisse va Ă Ostie, fait informer Claude du remariage de Messaline, et ramĂšne Ă Rome son maĂźtre paniquĂ©. Ils se dirigent vers la caserne des prĂ©toriens, mais, semble-t-il par mĂ©fiance envers un des prĂ©fets du prĂ©toire, Claude confie les pleins pouvoirs militaires Ă Narcisse, pour un jour. AprĂšs quelques mots adressĂ©s aux soldats sur son infortune, Claude rentre au palais et prĂ©side un tribunal improvisĂ©. ArrĂȘtĂ© sur le forum, Caius Silius prie quâon hĂąte sa mort. Dâautres anciens amants de Messaline sont exĂ©cutĂ©s, y compris Mnester, qui proteste quâil nâavait fait quâobĂ©ir Ă lâordre de Claude[262]. La rĂ©pression frappe aussi le prĂ©fet des vigiles et un chef dâĂ©cole de gladiateurs, ce qui indiquerait des complicitĂ©s armĂ©es, quoique de faible valeur combative face aux prĂ©toriens[263]. Enfin, Claude dĂźne copieusement ; bientĂŽt gavĂ©, il perd colĂšre et luciditĂ©, et demande Messaline. Narcisse prend alors lâinitiative dâenvoyer des soldats tuer Messaline dans les jardins quâelle avait pris Ă Valerius Asiaticus[A 142] - [263]. Ensuite, le SĂ©nat dĂ©cide la damnatio memoriae de Messaline, par la destruction de ses statues et le martelage de son nom sur les inscriptions[264].
Si Tacite appuie son scĂ©nario sur la folle libido de Messaline et la passivitĂ© fataliste de Silius, face Ă lâaveuglement et la faiblesse de Claude compensĂ©s par la rĂ©activitĂ© de son affranchi, une version longtemps acceptĂ©e[265], certains historiens modernes rejettent ces stĂ©rĂ©otypes et rĂ©interprĂštent le dĂ©roulement des faits. Ainsi en 1934, Arnaldo Momigliano voit Caius Silius comme le meneur dâune rĂ©volution sĂ©natoriale[266] - [267], complot acceptĂ© par Messaline, qui se sent menacĂ©e par la montĂ©e de popularitĂ© du fils dâAgrippine[268]. Une rĂ©vision originale a Ă©tĂ© proposĂ©e en 1956 par Jean Colin, qui refuse de voir un complot ou un mariage rĂ©el nouĂ© entre Messaline et Silius. Comme le dĂ©crit Tacite, tandis que Claude est Ă Ostie, ils cĂ©lĂšbrent la fĂȘte des vendanges, durant laquelle, selon Colin, Messaline suit un rituel dâinitiation bachique, similaire Ă une cĂ©rĂ©monie de mariage. Narcisse aurait alors prĂ©sentĂ© Ă Claude cette initiation comme un vĂ©ritable mariage menaçant son pouvoir et obtenu lâĂ©limination de Messaline et de Silius[269]. Castorio remarque que cette thĂšse ingĂ©nieuse requiert un Claude grossiĂšrement dupĂ©, caricature que les historiens nâadmettent plus[270]. Mais force est de constater que malgrĂ© plus de cinquante ans de recherches sur des Ă©crits lacunaires et biaisĂ©s, les historiens nâont pu proposer une reconstitution admissible par une majoritĂ© de leurs confrĂšres[271].
Agrippine
La disparition de Messaline suscite de nouvelles ambitions matrimoniales dans la maison impĂ©riale, chaque affranchi a sa candidate : Pallas soutient Agrippine la Jeune, derniĂšre enfant vivant de Germanicus, Calliste est pour Lollia Paulina, fille de consul et sans enfant, enfin Narcisse propose un remariage avec Ălia PĂŠtina, autrefois rĂ©pudiĂ©e par Claude mais irrĂ©prochable[A 144]. Claude penche pour Agrippine, mais Ă©pouser sa niĂšce est assimilĂ© Ă un inceste et interdit par la coutume romaine. Mais Claude obtient sans difficultĂ© du SĂ©nat une nouvelle loi lâautorisant Ă Ă©pouser Agrippine, « dans lâintĂ©rĂȘt supĂ©rieur de lâĂtat »[A 16] - [272].
SitĂŽt impĂ©ratrice, Agrippine obtient des honneurs que n'avait pas reçus Messaline : elle reçoit le titre d'Augusta et des monnaies sont Ă©mises avec son portrait ainsi que d'autres montrant le jeune NĂ©ron[165]. Elle fait lever lâexil de SĂ©nĂšque et lui confie lâĂ©ducation de son fils. Elle fait rompre les fiançailles dâOctavie avec Lucius Silanus, en le faisant accuser dâinceste avec sa propre sĆur, puis fiance NĂ©ron Ă Octavie[A 145]. Enfin, elle Ă©limine sa rivale Lollia Paulina en lâaccusant dâavoir consultĂ© des mages sur le mariage de Claude. Ce dernier la fait exiler par le SĂ©nat pour ce projet dangereux, puis elle est contrainte au suicide[A 146] - [273]. Enfin en 50, prĂ©textant les exemples dâAuguste et de TibĂšre qui avaient prĂ©parĂ© leur succession sur deux jeunes hĂ©ritiers, Agrippine fait adopter son fils par Claude, le jeune Domitius Ahenobarbus devient Claudius NĂ©ron, frĂšre de Britannicus et son aĂźnĂ© de trois ans[A 147]. En 53, NĂ©ron Ă©pouse Octavie et fait Ă seize ans sa premiĂšre prestation au SĂ©nat, en prononçant un discours Ă©rudit en faveur de lâexemption dâimpĂŽts de Troie, citĂ© ancĂȘtre des Romains, puis un autre en faveur des Ăźles de Rhodes, pour leur accorder lâautonomie interne[A 148] - [A 64]. En 54, Agrippine renforce encore sa position en faisant condamner la grand-mĂšre maternelle de Britannicus Domitia Lepida quâelle trouve trop familiĂšre avec NĂ©ron, en lâaccusant dâavoir pratiquĂ© des envoutements et crĂ©Ă© des troubles en Calabre avec ses esclaves[A 149] - [274].
Possessions de Claude
Claude hérite de Caligula de nombreuses propriétés au sein et autour de Rome, dont de nombreux horti (jardins) regroupés dans trois quartiers de la capitale, au nord, à l'est et sur la rive droite du Tibre. Au nord, sur et entre les pentes du Pincio et du Quirinal, se déploient les horti Sallustiani, trÚs proches du centre de Rome. à l'est, sur l'Esquilin, Claude possÚde plusieurs domaines dont les horti Maecenatis ; on y trouve non loin les horti Maiani et Asiniani. Le long du Tibre se trouvent les horti Agrippinae[275].
Claude prend également possession du Domus Augustana situé au sud-ouest du Palatin, construit en plusieurs fois et aux contours mal connus. Le centre de cet ensemble comprend la Maison d'Auguste proprement dite, un temple d'Apollon, un quadriportique, deux bibliothÚques et plusieurs éléments architecturaux trÚs mal connus : la maison de TibÚre, un temple de Magna Mater, un Aedes caesarum et des Ludi palatini. Les constructions ultérieures, notamment sous les Flaviens, ont trÚs largement détruit les bùtiments précédents[276].
Lorsqu'il hérite de cet ensemble, Claude procÚde à deux actions symboliques pour, à travers ces bùtiments, renforcer sa légitimité. Quand il est gratifié par le Sénat de la couronne navale, il l'expose sur le faßte de sa maison, aux cÎtés de la couronne civique reçue par Auguste. Par ailleurs, en 49, il redéfinit le pomerium romuléen, notamment sur le Palatin, pour se référer comme Auguste aux mythes fondateurs de Rome[277].
Durant son rÚgne, Claude entreprend plusieurs modifications du palais impérial. Il fait surmonter le cryptoportique central d'un étage, au sol imperméabilisé avec un jardin et un bassin en marbre. Dans la Domus Tiberium, il crée un triclinium d'été au décor luxueux dans le IVe style pompéien[278]. Selon des travaux récents[279], les bains de Livie auraient été entamés sous Claude[280].
Mort
DâaprĂšs SuĂ©tone et Tacite, dans les mois prĂ©cĂ©dant sa mort, Claude regrette son mariage avec Agrippine et lâadoption de NĂ©ron ; il se lamente ouvertement de ses Ă©pouses « impudiques, mais non impunies » et envisage de donner sa toge virile Ă Britannicus, quoiquâil nâait pas encore lâĂąge[A 150] - [A 151]. Si Dion Cassius affirme que Claude veut Ă©liminer Agrippine et dĂ©signer Britannicus comme son successeur[A 31], les autres auteurs sont moins clairs sur les intentions de Claude[281]. Il a soixante-quatre ans et sa santĂ© sâest dĂ©gradĂ©e. DâaprĂšs SuĂ©tone, il sent que sa fin est proche, fait son testament et recommande aux sĂ©nateurs de prendre soin de ses fils[A 152] - [282].
Empoisonnement
Claude meurt le matin du , aprĂšs un festin terminĂ© dans lâivresse et la somnolence, suivi dâun coma douloureux durant la nuit. Tous les auteurs antiques qui parlent de la mort de Claude Ă©voquent la thĂšse de lâempoisonnement avec un plat de champignons. Tacite, SuĂ©tone et Dion Cassius accusent Agrippine dâen ĂȘtre lâinstigatrice, tandis que Flavius JosĂšphe fait Ă©tat de rumeurs apparues rapidement[A 153]. SĂ©nĂšque, protĂ©gĂ© dâAgrippine, fait bien sĂ»r exception et parle dâune « mort naturelle »[A 154] - [283].
Mais quelques dĂ©tails sur les circonstances du dĂ©cĂšs varient. SuĂ©tone exploite diverses sources, et constate que Claude meurt Ă Rome, lors du repas traditionnel des sodales augustales, ou bien pendant un banquet au Palais[A 155]. Lâeffet du poison est dĂ©crit par SuĂ©tone selon les deux versions quâil a recueillies : soit le poison est ingĂ©rĂ© en une seule fois, provoquant lâhĂ©bĂ©tude et la perte de parole, puis la mort de l'empereur aprĂšs une longue agonie, soit Claude connaĂźt un rĂ©pit, rejette une partie de son repas par des vomissements et par une diarrhĂ©e, avant de recevoir une nouvelle dose empoisonnĂ©e[A 155]. Si Dion Cassius rapporte un empoisonnement en une seule tentative, Tacite ne retient que la seconde version, au moyen dâune plume introduite dans le gosier de l'empereur par le mĂ©decin XĂ©nophon â prĂ©tendument pour aider Claude Ă vomir â et enduite dâun poison violent[A 156]. Ce dernier dĂ©tail est douteux, car on ne connaĂźt pas de poison antique capable dâagir par contact direct avec les muqueuses[284].
La mort de Claude est un Ă©pisode des plus discutĂ©s[285]. Certains auteurs modernes doutent de l'empoisonnement de Claude et parlent de folie ou de vieillesse. Ferrero attribue sa mort Ă une gastro-entĂ©rite[286]. Scramuzza rappelle que câest un lieu commun de faire de chaque empereur la victime d'un acte criminel, mais admet la thĂšse de lâempoisonnement[287]. Levick Ă©met lâhypothĂšse dâune mort causĂ©e par les tensions engendrĂ©es par le conflit de succession avec Agrippine, mais conclut que le dĂ©roulement des faits rend l'assassinat plus probable[288]. MĂ©dicalement, plusieurs dĂ©tails fournis par les auteurs antiques â lâincapacitĂ© dâĂ©locution, mais la persistance de la sensibilitĂ© Ă la douleur, la diarrhĂ©e, lâĂ©tat semi-comateux â sont cohĂ©rents avec des symptĂŽmes dâempoisonnement[284]. D'autres auteurs soulignent toutefois qu'il pourrait s'agir d'une intoxication alimentaire ou d'un empoisonnement accidentel[289], d'une crise de malaria[290] ou d'un infarctus[291]. Sâil reste difficile de se prononcer avec certitude sur les causes du dĂ©cĂšs de Claude, Eugen Cizek relĂšve une anomalie significative dans la circulaire impĂ©riale annonçant lâavĂšnement de NĂ©ron : elle nâĂ©voque que trĂšs briĂšvement la mort de Claude, ce qui est contraire Ă tous les usages[292].
Apothéose et postérité
Le lendemain de la mort de Claude, Agrippine consigne Britannicus dans ses appartements et présente Néron aux prétoriens : le futur empereur leur promet un donativum équivalent à celui qu'avait donné son pÚre. Puis il prononce un discours devant le Sénat, qui lui décerne les titres impériaux et décrÚte l'apothéose de Claude[A 157] - [293].
Apothéose
Claude est ainsi le premier empereur divinisé aprÚs Auguste[294]. Cette divinisation est commémorée par un monnayage[295]. Agrippine fait édifier un temple dédié à son culte, le Temple du Divin Claude, sur une immense terrasse aménagée sur le CÊlius. Néron abolit ce culte aprÚs la mort d'Agrippine et transforme ce temple en nymphée dominant la Domus aurea. Vespasien restaure le temple et rétablit le culte du divin Claude[A 158] - [A 159].
- Aureus de Néron : Char de Claude divinisé tiré par quatre éléphants.
- Denier de Néron : Char de Claude divinisé tiré par quatre éléphants.
- Statue de Claude en Jupiter, 37-54 apr. J.-C., Musées du Vatican.
- Statue d'Agrippine en prĂȘtresse du culte de Claude.
La divinisation de Claude est célébrée dans plusieurs provinces, mais son culte ne dure pas, sauf dans quelques cités qui lui doivent une faveur particuliÚre, telle Asseria (en) en Dalmatie[A 160] - [296].
Selon Levick, les hommes de lettres ignorent complÚtement cette divinisation, en jouent ou s'en moquent, tel Gallion, le frÚre de SénÚque, qui déclare que Claude est tiré au ciel avec un crochet, comme les criminels qui sont jetés au Tibre[296]. Dion Cassius rapporte que Néron, Agrippine et Gallion plaisantent par la suite sur cette mort et cette apothéose, déclarant que les champignons sont bien un mets des dieux, puisque Claude est devenu dieu grùce à eux[A 161]. SénÚque à son tour renchérit par une satire parodiant l'apothéose de Claude, l'Apocoloquintose[297].
Ayant des raisons de le haĂŻr, SĂ©nĂšque, devenu le prĂ©cepteur de NĂ©ron, mĂšne la rĂ©action contre la mĂ©moire de Claude[298]. Il compose le discours d'investiture au SĂ©nat de NĂ©ron, Ă©numĂ©rant une liste d'Ă©checs politiques attribuĂ©s Ă Claude, permettant de montrer aux sĂ©nateurs soucieux de leurs prĂ©rogatives que NĂ©ron tient compte des fautes de son prĂ©dĂ©cesseur. Ce texte a le mĂȘme but que la premiĂšre Bucolique, rĂ©digĂ©e par Calpurnius Siculus : annoncer un nouvel Ăąge d'or oĂč le SĂ©nat aurait pleinement sa place dans la conduite de l'Ătat[299]. SĂ©nĂšque, avec De Clementia participe Ă©galement Ă cette opĂ©ration littĂ©raire et politique[300] - [301]. Dans l'Apocoloquintose, il met en scĂšne une sĂ©rie de condamnations successives que subit Claude et qui sont autant de remises en cause de sa lĂ©gitimitĂ© politique, de sa politique d'octroi de la citoyennetĂ© romaine et d'ouverture du SĂ©nat aux Ă©lites provinciales[297].
Postérité
Futur successeur de Néron, Vespasien voit en Claude un prédécesseur de valeur. En effet, le fondateur de la dynastie des Flaviens a commencé sa carriÚre politique avec Claude en 51 et comme lui, se trouve en manque de légitimité, et se sent proche du peuple[302]. Lorsque Vespasien promulgue la Lex de imperio Vespasiani, il place Claude aux cÎtés d'Auguste et de TibÚre pour légitimer ses actions. Ainsi, à Brescia, Claude est-il représenté avec Auguste, dans les monuments du Capitole de Vespasien[303].
Son fils Titus, Ă©levĂ© aux cĂŽtĂ©s de Britannicus, entretient la mĂ©moire de ce dernier, et par extension, celle de Claude. Comme son pĂšre, il reprend le culte de Claude et achĂšve son temple aux dĂ©pens de la Maison dorĂ©e de NĂ©ron. Vespasien et Titus mĂšnent une politique d'inspiration proche de celle de Claude, et renforcent une partie de la lĂ©gislation claudienne, concernant le prĂȘt aux mineurs, les liaisons entre femmes libres et esclaves, la dĂ©molition des bĂątiments[A 162]. Ils rĂ©parent Ă©galement lâAqua Claudia[304] - [305].
Claude et les arts
Durant son rÚgne, l'empereur dispose d'une diffusion de son image en proportion de son statut, et donc d'une égale ampleur que ses prédécesseurs. En revanche, l'analyse cette collection de portraits a longtemps souffert de sa réputation trÚs négative. Ce n'est qu'à la fin du XXe siÚcle que les spécialistes ont entrepris de réévaluer la production artistique qui lui est dédiée, à l'égal des autres empereurs romains.
Les portraits de Claude dans l'antiquité
Les descriptions littĂ©raires de l'empereur Ă©tant unanimement nĂ©gatives, les historiens de l'art ont longtemps nĂ©gligĂ© l'Ă©tude des portraits de Claude. AprĂšs les recherches pionniĂšres de Meriwether Stuart en 1938[306], il faut attendre les annĂ©es 1980 pour que de nouveaux travaux dĂ©passent les idĂ©es prĂ©conçues. Et encore, il semble qu'en 2018, « l'importance des tĂ©moignages figurĂ©s, dont la richesse et la variĂ©tĂ© sont surprenantes, semble toujours ĂȘtre sous-estimĂ©e ». Ainsi, Claude est-il le dernier Julio-Claudien a ne pas avoir fait l'objet d'un volume de la collection Das römische Herrscherbild â un volume est cependant en prĂ©paration en 2018 sous la direction d'Anne-Kathrein Massner[307].
Les monnaies â source d'information majeure pour l'Ă©tude du portrait impĂ©rial â reprĂ©sentent une physionomie trĂšs caractĂ©risĂ©e : calotte crĂąnienne volumineuse, cou puissant, oreilles dĂ©collĂ©es, paupiĂšres tombantes et lĂšvres charnues. Ceci permet par la suite d'identifier Claude dans la statuaire[307]. Par ailleurs, la tĂȘte de l'empereur est trĂšs rĂ©guliĂšrement surmontĂ©e d'une corona civica, indiquant que son avĂšnement a Ă©vitĂ© une guerre civile ; aprĂšs Auguste, Claude est le plus rĂ©guliĂšrement couronnĂ© dans la statuaire et la glyptique de tous les empereurs julio-claudiens[308].
Le consensus scientifique en 2018 reconnaĂźt au portait de Claude trois types officiels qui se succĂšdent chronologiquement, mĂȘme si leurs durĂ©es respectives sont toujours l'objet de dĂ©bats[309].
- Le premier type est celui de l'avÚnement, dit aussi « type Cassel », du nom du lieu de conservation de l'exemplaire le plus représentatif. La représentation est trÚs juvénile pour une personne de son ùge. L'hypothÚse souvent avancée est qu'il existerait une représentation officielle datant d'avant sa prise du pouvoir, mais il n'en reste aucune preuve. L'allure du type Cassel est typique des portraits augustéens, notamment des portraits d'avÚnement de TibÚre[308].
- Le second type, qui supplante rapidement le premier, bénéficie d'une trÚs large diffusion, ce dÚs 43. Cette représentation tranche fortement avec l'iconographie de Caligula et plus largement avec la représentation classique impériale, pour produire le portrait réaliste d'un homme d'ùge mûr avec une allure à la fois bienveillante et déterminée[308].
- Un dernier type est crĂ©Ă© Ă la fin du rĂšgne, dont la tĂȘte de sĂ©rie est l'effigie de Segusio. Claude est reprĂ©sentĂ© plus vieilli, avec une frange frontale plus symĂ©trique. Ce portrait se rapproche des premiers de NĂ©ron, et a donc pu ĂȘtre crĂ©Ă© en 50, lors de l'adoption de ce dernier[310].
- Type Cassel, dit « de l'avÚnement » - Musée archéologique Theo-Desplans, Vaison-la-Romaine.
- Type classique - Museo archeologico e dâarte della Maremma, Grosseto.
- Type classique - Musée de la Via Ostiense, Rome.
- Vers 50 - Musée Pio-Clementino, Vatican.
Claude dans la peinture moderne et contemporaine
Claude est un sujet exploitĂ© de temps Ă autre dans la peinture classique, toujours en reprenant sans distance les textes des auteurs antiques, et le reprĂ©sentant donc largement Ă son dĂ©savantage, par exemple chez Lawrence Alma-Tadema en 1871. UltĂ©rieurement, le sujet du grand prix de Rome de 1886 est le mĂȘme extrait de SuĂ©tone narrant le passage de Claude dissimulĂ© derriĂšre une tenture. Charles Lebayle remporte ce prix[311]. La vie de Claude est Ă©galement source d'inspiration dans le tableau de 1870 de Lematte, La Mort de Messaline[312].
Claude au cinéma et à la télévision
Claude a bien moins intĂ©ressĂ© les scĂ©naristes et cinĂ©astes que d'autres empereurs tels NĂ©ron ou Caligula. « Le personnage de Claude est en effet doublement victime du portrait fĂ©roce de SuĂ©tone : trop bouffon pour ĂȘtre tragique, pas assez monstrueux pour ĂȘtre Ă©difiant, Claude a Ă©tĂ© longtemps cantonnĂ© au rĂŽle de faire-valoir de son entourage »[313].
Son personnage est interprĂ©tĂ© par l'acteur Derek Jacobi dans Moi Claude empereur (1976), une mini-sĂ©rie Ă succĂšs de la BBC, centrĂ©e autour de la vie de l'empereur Claude â tirĂ©e des livres I Claudius et Claudius the God de Robert Graves[314] - [315] â que le cinĂ©aste Josef von Sternberg avait aussi tentĂ© de porter Ă l'Ă©cran en 1937 sous le titre I, Claudius.
Généalogie
Ascendance
8. Tiberius Claudius Nero (-105-????) | ||||||||||||||||
4. Tiberius NĂ©ron (-85 Ă Rome â -33 Ă Rome | ||||||||||||||||
18. Claudius | ||||||||||||||||
9. Claudia | ||||||||||||||||
2. Nero Claudius Drusus (11/04/-38 Ă Rome â 14/09/-9) | ||||||||||||||||
20. Appius Claudius Pulcher Lentulus | ||||||||||||||||
10. Marcus Livius Drusus Claudianus (-92 Ă Rome â -42 Ă Philippes) | ||||||||||||||||
5. Livie (30/01/-58 Ă Rome â 29/09/29 Ă Rome) | ||||||||||||||||
22. Marcus Aufidius Lurco | ||||||||||||||||
11. Aufidia | ||||||||||||||||
1. Claude (01/10/-10 Ă Lyon â 13/10/54 Ă Rome) | ||||||||||||||||
24. Marcus Antonius Orator (-147--87) | ||||||||||||||||
12. Marcus Antonius Creticus (????--71) | ||||||||||||||||
25. Octavie | ||||||||||||||||
6. Marc Antoine (14/01/-83 Ă Rome â 01/08/-30 Ă Alexandrie) | ||||||||||||||||
26. Lucius Julius Caesar (-135--87 Ă Rome) | ||||||||||||||||
13. Julia Caesaris (-104--39) | ||||||||||||||||
27. Fulvia | ||||||||||||||||
3. Antonia la Jeune (31/01/-36 Ă AthĂšnes â 01/05/37 Ă Rome) | ||||||||||||||||
28. Caius Octavius | ||||||||||||||||
14. Caius Octavius Thurinus (-100--59) | ||||||||||||||||
7. Octavie la Jeune (-69--11) | ||||||||||||||||
30. Marcus Atius Balbus (-105 Ă Ariccia â -52) | ||||||||||||||||
15. Atia Balba Caesonia (-85 Ă Rome â -43 Ă Rome) | ||||||||||||||||
31. Julia Caesaris Minor (-101--51) | ||||||||||||||||
Famille
Noms et titres
Noms successifs
- 10 av. J.-C., nĂ© TIBERIVSâąCLAVDIVSâąDRVSVS
- 4 apr. J.-C., adoption de son frĂšre aĂźnĂ© Germanicus : TIBERIVSâąCLAVDIVSâąNEROâąGERMANICVS
- 41 apr. J.-C., acclamĂ© imperator : TIBERIVSâąCLAVDIVSâąCĂSARâąAVGVSTVSâąGERMANICVS
Titres et magistratures
- Consul en 37 (suffect), 42, 43, 47, 51
- Détient la puissance tribunicienne à partir de 41 (renouvelée le 25 janvier tous les ans)
- Pontifex maximus en 41
- Pater patriae en 42
- Salué 27 fois imperator, un record
Titulature Ă sa mort
Ă sa mort en 54 apr. J.-C., Claude avait la titulature suivante :
- TIBERIVSâąCLAVDIVSâąCĂSARâąAVGVSTVSâąGERMANICVS, PONTIFEXâąMAXIMVS, TRIBVNICIĂâąPOTESTATEâąXIV, CONSVLâąV, IMPERATORâąXXVII, PATERâąPATRIĂ
Un temple était dédié à Claude à Camulodunum (Colchester), premiÚre capitale et premiÚre colonie romaine de la province de Bretagne[A 163].
Expositions
- Claude, un empereur au destin singulier, du 2018 au , musĂ©e des Beaux-Arts de Lyon, environ 170 Ćuvres, catalogue[316].
Notes
- MalgrĂ© la prĂ©sentation misĂ©rabiliste de SuĂ©tone, 800 000 sesterces reprĂ©sentent deux fois la fortune minimale pour ĂȘtre membre de lâordre Ă©questre.
- Deux millions de sesterces reprĂ©sentent deux fois la fortune minimale pour appartenir Ă lâordre sĂ©natorial.
- Pour une solde de prétorien à deux deniers par jour, cette prime représente cinq années de solde.
- DâaprĂšs Tacite, Annales, XIII, 4, la diffĂ©renciation entre la gestion de la Maison impĂ©riale et la « RĂ©publique » ne semble ĂȘtre faite quâĂ partir de NĂ©ron[183].
- L'assĂšchement du lac Fucin ne fut rĂ©alisĂ© quâau XIXe siĂšcle par le prince Alessandro Raffaele Torlonia, qui fit tripler la taille du tunnel claudien originel.
Références
Références antiques
- Suétone 1990, Cl.,29 ; Dion Cassius, Histoire romaine, LX, 2, 8.
- Dion Cassius, Histoire romaine, LX, 8.
- Tacite, Annales, XII, 8.
- Suétone 1990, Cl.,1.
- Dion Cassius, Histoires romaines, LX, 2.
- Suétone 1990, Cl.,3.
- Suétone 1990, Cl.,3,1-2.
- Suétone 1990, Cl.,2.
- SĂ©nĂšque, Apocoloquintose, 6.
- Suétone 1990, Cl.,30.
- SĂ©nĂšque, Apocoloquintose, 5.
- SĂ©nĂšque, Apocoloquintose, 12, 1.
- Suétone 1990, Cl., 35, 36, 37, 39, 40.
- Suétone 1990, Cl.,41.
- Suétone 1990, Cl.,4.
- Suétone 1990, Cl.,26.
- Inscription reconstituée par T. Mommsen, référencée CIL V, 6416.
- Suétone, Auguste, 101 ; Claude, 4.
- Suétone 1990, Cl.,6.
- Tacite, Annales, I, 54.
- Suétone 1990, Cl.,5.
- Inscription référencée CIL VI, 40348.
- Tacite, Annales, III, 29.
- Suétone 1990, Cl.,27.
- Tacite, Annales, IV, 35.
- Tacite, Annales, XI, 15.
- Cf. Par exemple, la lettre de Claude aux habitants de Trente, dans laquelle il parle de l'« isolement obstinĂ© » de TibĂšre. Voir aussi Flavius JosĂšphe, AntiquitĂ©s judaĂŻques, XIX, oĂč un Ă©dit de Claude mentionne la folie et le manque de jugement de Caligula.
- Tacite, Annales, XI, 13-14.
- SĂ©nĂšque, Apocoloquintose, 14, 5.
- Suétone 1990, Cl.,8 et 33.
- Dion Cassius, Histoire romaine, LX, 34.
- Aurelius Victor, 4, 1.
- Suétone 1990, Cl.,31.
- SĂ©nĂšque, Apocoloquintose, 13, 3.
- Tacite, Annales, VI, 46.
- Suétone, TibÚre, 74 ; Caius, 14.
- Suétone, Caius, 29 et 33.
- Suétone 1990, Cl., 6.
- Suétone 1990, Cal., 15.
- Suétone 1990, Cl., 7.
- Dion Cassius, Histoire romaine, LIX, 6.
- Suétone 1990, Cl.,9.
- Suétone 1990, Cl.,9,4.
- Suétone 1990, Cl.,16.
- SuĂ©tone, Claude, 27, mais SuĂ©tone se contredit dans la mĂȘme phrase en situant lâĂ©vĂ©nement sous le second consulat de Claude, en 42 ; Dion Cassius, LX, 33 donne aussi 42, tandis que Tacite, Annales, XIII, 15 permet de dĂ©duire une naissance en 41.
- Suétone 1990, Cl.,8 et 9.
- CIL V, 24.
- Inscription CIL III, 00381.
- Inscription AE 1980, 638.
- Flavius JosÚphe, Antiquités judaïques, XIX, 1.
- Aurelius Victor, Livre des CĂ©sars, 3, 16 ; Orose, Histoires contre les paĂŻens, 7, 1, 3 ; Flavius Josephe, Guerre des juifs, 2, 205.
- Suétone 1990, Cl.,10.
- Flavius JosÚphe, Antiquités judaïques, XIX, 64-67.
-
LX ,_1-172" class="mw-reference-text">Dion Cassius 1970-1987, LX, 1. -
XIX -175" class="mw-reference-text">JosĂšphe 1993, XIX. - Flavius JosĂšphe, Guerre des Juifs, II, 204â233.
-
XIX ,_236-177" class="mw-reference-text">JosĂšphe 1993, XIX, 236. -
XIX ,_251-179" class="mw-reference-text">JosÚphe 1993, XIX, 251. - Suétone 1990, Gal., 7.
- Suétone 1990, Cl.,38.
- Suétone 1990, Cl.,11.
- Dion Cassius, Histoire romaine, LIX, 26 et LX, 4.
- Dion Cassius, Histoire romaine, LX, 5.
- Suétone 1990, Cl.,25.
- Suétone 1990, Cl.,12.
- Dion Cassius, Histoire romaine, XL, 11, 8.
- Suétone 1990, Cl.,23.
- Suétone 1990, Cl.,37.
- Dion Cassius, Histoire romaine, XL, 14.
- CélÚbre scÚne rapportée par Pline le Jeune, Lettres, III, 16 et Martial, I, 13.
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- Les propositions de naissance de Messaline varient entre avant 20 jusquâaprĂšs 26 ; Castorio 2015, p. 370, note 10, donne des propositions de date de treize auteurs diffĂ©rents.
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- planche_
X ,_Fig._3-249" class="mw-reference-text">Claude Briand-Ponsard et Frédéric Hurlet 2016, planche X, Fig. 3. - Castorio 2015, p. 81.
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- (en) T.P. Wiseman, « Calpurnius Siculus and the Claudian civil war », JRS, no 67,â , p. 57-67.
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- (it) F. Zevi, « Claudio e Nerone. Ulisse a Baia e nella domus aurea », dans Ulisse, il mito e la memoria. Roma, Palazzo delle esposizioni, 22 febbaio - 2 settembre 1996, Rome, Progetti museali, , p. 316-331.
Ćuvres de fiction
- Robert Graves, Moi, Claude, roman, trad. de Suzanne Rémond-Pairault, Plon, 1939, réédition par Gallimard, 1978.
- Robert Graves, Le Dieu Claude, dont a été tirée la série télévisée.
- David Gibbins, Le Dernier Ăvangile, roman, Ăditions First, 2008, (ISBN 2754005625).
Filmographie
- Moi Claude empereur, série télévisée de la BBC (1976), d'aprÚs le roman de Robert Graves, avec Derek Jacobi.
Voir aussi
Articles connexes
Liens externes
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