Accueil🇫🇷Chercher

Troupes auxiliaires

Les troupes auxiliaires (du latin : auxilia) étaient des unités de l'armée romaine, à l'origine composée de soldats qui n'étaient pas des citoyens romains. Leur but principal était de soutenir les légions romaines dans la bataille, composées exclusivement, en principe - mais pas toujours[1]-, de citoyens romains. Elles se sont battues principalement au cours du Principat de 30 av. J.-C. jusqu'en 284. Leur nombre a fluctué au cours de la période impériale, en augmentant progressivement. En 70, les troupes auxiliaires contenaient le même nombre de soldats d'infanterie que ceux de la légion, et ils fournirent aussi à l'armée romaine de la cavalerie et des troupes spécialisées comme des archers ou de la cavalerie légère, ainsi que d'autres types d'infanterie légère. Au IIe siècle, les troupes auxiliaires représentaient environ les deux tiers de l'armée romaine.

Troupe auxiliaire romaine
Image illustrative de l’article Troupes auxiliaires
Reconstitution moderne d'auxiliaires romains du IIe siècle avec la typique lorica hamata.

Création 509 av. J.-C.
Dissolution 476
Pays Rome antique
Allégeance Mars, dieu de la guerre
Type force armée terrestre
Garnison castrum militaire
Commandant Praefectus sociorum

Les troupes auxiliaires étaient généralement recrutées parmi les pérégrins, c'est-à-dire les habitants des provinces de l'Empire romain qui n'étaient pas des citoyens romains (la grande majorité de la population de l'Empire pendant les Ier et IIe siècles)[2]. Les auxiliaires étaient également recrutés parmi les barbares, nom donné aux habitants des territoires hors de l'empire (on parle aussi de gentiles[3]). Ils avaient alors souvent le statut de dediticii, et pouvaient constituer des régiments complets, jouant souvent le rôle de troupes irrégulières (archers de Palmyre, cavalerie numide...), et qui passaient sous l'influence de Rome à la suite de sortes de négociation avec des chefs barbares vaincus ou affaiblis[4].

Les auxiliaires se sont développés à partir des contingents variés de troupes non italiennes, spécialement dans la cavalerie qui apportait à l'époque républicaine l'appui aux légions, et avec une augmentation de leur nombre à partir de 200 av. J.-C. Le gouvernement de la dynastie julio-claudienne marque la transformation de ces levées temporaires en armées permanentes avec une structure homogène, des équipements et des conditions stables de service, ce qui à la fin de la période amène peu de différences significatives entre les légionnaires et de la majorité des auxiliaires que ce soit au niveau de la formation, de l'équipement ou des capacités militaires.

La plupart des régiments d'auxiliaires étaient stationnés dans une province autre que celle d'où ils étaient originaires. Les noms des régiments de nombreuses unités continuèrent jusqu'à la fin du IVe siècle, mais à cette période, les unités furent modifiées en taille, en structure et en qualité.

Histoire

Les troupes auxiliaires à l'époque républicaine

Les alliĂ©s de Rome (en latin socii) commencèrent très tĂ´t, Ă  jouer un rĂ´le important dans l'histoire de la RĂ©publique romaine lors des campagnes annuelles des guerres Ă  grande Ă©chelle. Les alliĂ©s de Rome Ă©taient obligĂ©s de fournir des contingents Ă©gaux Ă  ceux des lĂ©gionnaires (pour un total de deux lĂ©gions de 4 200/5 000 fantassins chacune), et de trois fois supĂ©rieurs pour la cavalerie (par rapport Ă  la cavalerie romaine), soit environ 900 cavaliers[5]. Ces unitĂ©s militaires sont appelĂ©es aile, parce qu'elles se situaient aux «ailes» lorsque l'armĂ©e romaine se dĂ©ployait sur le champ de bataille[6].

Les grandes capacitĂ©s tactiques d'Hannibal avaient mis en difficultĂ© l'armĂ©e romaine. Ses manĹ“uvres imprĂ©visibles, soudaines, dont les fers de lance Ă©taient principalement les ailes avec la cavalerie carthaginoise et la cavalerie numide, avaient permis de dĂ©truire plusieurs armĂ©es romaines, pourtant bien supĂ©rieures en nombre de soldats, comme ce fut le cas en particulier Ă  la bataille de Cannes, oĂą 50 000 Romains furent tuĂ©s[7]. Ceci conduit Ă  un remaniement des tactiques des lĂ©gions romaines, en particulier concernant le quota de la cavalerie, comme cela s'est produit avec Scipion l'Africain Ă  la bataille de Zama en 202 av. J.-C., oĂą l'armĂ©e romaine (avec l'aide de 4 000 cavaliers numides alliĂ©s, dirigĂ©s par Massinissa) rĂ©ussit Ă  battre les forces carthaginoises d'Hannibal[7]. Ă€ ces contingents de cavalerie, d'autres types de combattants issus de diffĂ©rentes zones mĂ©diterranĂ©ennes furent incorporĂ©s, car elles avaient dĂ©veloppĂ© des mĂ©thodes d'attaque spĂ©cifiques comme c'Ă©tait le cas pour les archers orientaux ou les frondeurs des BalĂ©ares. De plus, contre les unitĂ©s agiles montĂ©es et contre les unitĂ©s d'infanterie lĂ©gère, les lĂ©gionnaires Ă©taient trop lents et trop lourds. La nĂ©cessitĂ© pour les Romains d'avoir des unitĂ©s spĂ©cialisĂ©es dans d'autres modes de combat devint cruciale, en particulier après les guerres puniques.

Depuis l'année 400 av. J.-C., les alliés italiens (socii) fournissaient à l'armée romaine la plupart de sa cavalerie. Toutefois, lorsqu'en 91 av. J.-C., la Guerre sociale éclata, l'alliance militaire entre les peuples italiens se rompit, et la solution adoptée par les autorités romaines fut de convertir tous les socii en citoyens romains au sud du Rubicon, ce qui priva les armées romaines de la majeure partie de la cavalerie et de l'infanterie spécialisée.

Les généraux de la période de la fin de la République, comme Lucullus, Caius Marius, Sylla, Jules César et Pompée, durent recourir à l'aide et au recrutement d'auxilia illégaux, notamment issus de peuples alliés de la République romaine dans les provinces, ou bien à des unités d'autres peuples, comme les Germains, les Gaulois ou les Ibères non vaincus.

Cette situation étant intenable sur le long terme, l'empereur Auguste décida alors d'instituer en corps les auxilia, en cherchant à créer une série d'unités qui fourniraient de l'infanterie spécialisée et de la cavalerie à l'armée romaine. Ces unités furent recrutées parmi les non-citoyens de l'Empire, et en outre, ces unités devaient être plus petites et leurs utilisations plus souples que les légions romaines.

Les forces latines furent organisĂ©es en aile (qui vient du latin ala, alae). Ce nom fut adoptĂ© car les gĂ©nĂ©raux romains disposaient les auxiliaires latins sur les flancs dans la ligne de bataille romaine. Le nombre de soldats d'infanterie inclus dans une aile alliĂ©e, dirigĂ©e par trois praefecti sociorum bĂ©nĂ©ficiant de la citoyennetĂ© romaine, Ă©tait semblable ou lĂ©gèrement supĂ©rieur (4 000–5 000 hommes) Ă  celui d'une lĂ©gion. En outre, le nombre de cavaliers auxiliaires Ă©tait le triple (900 contrairement aux 300 de la lĂ©gion romaine)[8]. Avant que la Guerre sociale n'Ă©clate, les armĂ©es consulaires Ă©taient composĂ©es du mĂŞme nombre d'alae et de lĂ©gionnaires, et la cavalerie Ă©tait fournie Ă  75 % par les alliĂ©s latins. Toutefois, le pourcentage total de la cavalerie Ă©tait encore modeste : une armĂ©e consulaire normale, Ă©tait constituĂ©e de deux lĂ©gions et de deux alae, soit 17 500 fantassins et 2 400 cavaliers (donc environ 12 % de l'effectif total).

Alors que les Romains étaient confrontés aux autres cités-États de la péninsule italienne, leur maigre cavalerie était plus que suffisante, car les ennemis de Rome dans le domaine de la cavalerie étaient également faibles ou inexistants. Cependant, quand Rome fut confrontée à d'autres ennemis plus éloignés, et qui déployaient sur le champ de bataille de puissants contingents de cavalerie, la pénurie de cavalerie romaine entraîna inévitablement des défaites. L'importance de la cavalerie pour les Romains émergea lors de l'invasion de l'Italie par les Gaulois de Brennus et celle du grec Pyrrhus roi d'Épire (en 275 av. J.-C.), l'adoption d'une cavalerie importante dans l'armée romaine se fera de manière décisive dans le cadre de la Deuxième guerre punique (218 à 202 av. J.-C.). Les victoires d'Hannibal aux batailles de Cannes et de La Trébie sont créditées en grande partie à la supériorité de la cavalerie hispanique, gauloise et à celle de la cavalerie numide sur la cavalerie latine[9]. La victoire des Romains à Zama (en 202 av. J.-C.) fut acquise en grande partie grâce à l'appui de la cavalerie qu'apporta le roi Massinissa à l'armée de Scipion. Les Romains avaient un si faible pourcentage des cavaliers latins que leurs homologues numides les surpassaient à proportion de deux contre un[10]. Depuis ce temps, les armées romaines furent toujours accompagnées par un grand nombre de cavaliers non italiens : comme la cavalerie légère numide et plus tard la cavalerie lourde gauloise. Au cours de la Guerre des Gaules (58-51 av. J.-C.), le général Jules César utilisa souvent dans des unités de cavalerie gauloise et de cavalerie germaine[11].

Représentation schématique d'une bataille d'une armée consulaire de type polybienne au IIIe siècle av. J.-C. avec les deux légions au centre et les alliés italiens (Alae Sociorum) sur leurs côtés, et sur les flancs, la cavalerie légionnaire et celle des alliés[12].

Statut des auxiliaires et citoyenneté

Lusius Quietus et ses Maures sur la colonne de Trajan.

Les troupes auxiliaires combattent à l'origine avec leur armement traditionnel et sont moins bien considérées que les légions, qu'elles sont censées soutenir.

  • Le temps de service dans les unitĂ©s auxiliaires Ă©tait de 24 ou 25 ans, contre 20 dans les lĂ©gions.
  • La solde est moindre que celle des lĂ©gionnaires
  • Dans les combats, les troupes auxiliaires sont gĂ©nĂ©ralement engagĂ©es en premier, pour Ă©conomiser les effectifs des lĂ©gions
  • Des tĂ©moignages romains donnent un caractère très brutal aux troupes auxiliaires : soldats prĂ©sentant des tĂŞtes coupĂ©es sur la colonne Trajane, auxiliaires massacrant des captifs dans la Guerre des Juifs de Flavius Josèphe... Tacite mentionne les « huit cohortes de Bataves, auxiliaires de la XIVe lĂ©gion », composĂ©es de barbares qui auraient jouĂ© un grand rĂ´le lors de la guerre civile de 68-69, et qui provoquèrent de nombreux incidents lorsque Vitellius entra Ă  Rome, avec ses soldats « couverts de peaux de bĂŞtes et armĂ©s d'Ă©normes piques »[13]. Ou encore, dans les Annales (IV, 47) : « Ils furent soutenus par une cohorte de Sicambres, que le gĂ©nĂ©ral avait placĂ©e Ă  quelque distance; troupe intrĂ©pide, et non moins effrayante que les Thraces par ses chants guerriers et le fracas de ses armes »[14]. Progressivement, des phĂ©nomènes d'assimilation culturelle amoindrirent ces effets d'altĂ©ritĂ©[15].

Malgré cela, le service comme auxiliaire restait attractif pour les peuples non romains de l'Empire, car il permettait d'acquérir en fin de service le prestigieux titre de citoyen romain. Ce processus n'était cependant pas automatique, et bénéficiait essentiellement aux élites (à l'instar de Lusius Quietus, d'origine maure et qui, après avoir dirigé une vexillatio exclusivement composée de Maures, devint gouverneur de Judée, ou encore de Caius Julius Arminius, le chef des Chérusques)[16]. Le recrutement était ainsi parfois contraint, comme le montrent les révoltes en Mauritanie[16]. Sous l'Empire, la citoyenneté était accordée après 25 ans de service. À certaines périodes, elle était aussi donnée à l'épouse et aux enfants. Le diplôme militaire, composé de deux petites tablettes de bronze identiques et portant la constitution impériale attribuant la citoyenneté au soldat, lui permettait de prouver par la suite sa citoyenneté. Plusieurs centaines de ces diplômes ont été retrouvés, livrant d'importantes informations sur les auxiliaires. Cet avantage du service auxiliaire s'effaça progressivement, après l'Édit de Caracalla (212) généralisant la citoyenneté romaine[17]. Bien avant 212 cependant, il existait quelques unités auxiliaires formées dès le départ uniquement avec des citoyens, les cohortes voluntariorum. De façon générale, après l'édit de Caracalla, les régiments auxiliaires sont presque intégralement formés de citoyens, seuls les troupes de la marine ou certaines unités spéciales, telles celles de la garde prétorienne, demeurent formées d'étrangers. Nombre des citoyens membres de l'armée sont toutefois fraîchement, bien qu'effectivement, romanisés : ils pratiquent ainsi des cultes locaux, écrivent un latin appris, etc. Le commandant de la garnison de Bu Njem, en 212, était ainsi nommé Marcus Portius Iasucthan, mais écrivit un dithyrambique en latin en éloge de la IIIe légion[18].

Carte des peuples germaniques au Ier siècle. De nombreuses tribus furent intégrées dans des régiments auxiliaires.

Lorsque les auxiliaires Ă©taient formĂ©s de barbares, il Ă©tait courant qu'elles proviennent de peuples Ă©trangers dont les chefs s'Ă©taient soumis Ă  Rome, soit par la procĂ©dure de la deditio, soit par l'Ă©tablissement d'alliances (fĹ“dus). Cette première pratique, qui n'Ă©tait pas inconnue sous CĂ©sar et sous les empereurs julio-claudiens (Bataves sus-citĂ©s, Thraces...), se gĂ©nĂ©ralisa ensuite[19]. En 180, lors des guerres marcomanes, l'empereur Commode signe ainsi un traitĂ© de paix avec les Marcomans, selon lesquels ces derniers doivent rĂ©gulièrement cĂ©rĂ©ales, armes et recrues pour l'armĂ©e romaine[20]. Finalement, Rome constitua un rĂ©giment de 13 000 Quades et « un nombre infĂ©rieur de Marcomans », relate Dion Cassius[19]. Quelques annĂ©es auparavant, en 175, sous le règne de Marc Aurèle, la rĂ©volte d'Avidius Cassius avait Ă©tĂ© rĂ©primĂ©e par des rĂ©giments danubiens dirigĂ©s par Marcus Valerius Maximus, qui jouissait du titre de « prĂ©posĂ© aux cavaliers des gentes des Marcomans, Naristae, Quades envoyĂ©s punir la sĂ©dition orientale »[20]. De tels exemples tendent Ă  rendre courante la pratique de constitution de rĂ©giments de barbares[20]. Toujours sous Marc Aurèle, Dion Cassius rapporte qu'un traitĂ© engageant les Sarmates Iazyges (peuple iranien) Ă  fournir 8 000 cavaliers fut imposĂ©. Les Sarmates fournissaient les cavaliers eis symmachian (par alliance), selon l'historien romain[20]. 5 500 d'entre eux auraient Ă©tĂ© envoyĂ©s en Grande-Bretagne[20]. Un numerus equitum Sarmatarum fut ainsi formĂ© en Grande-Bretagne: cette unitĂ© irrĂ©gulière, tant par son statut que ses mĂ©thodes de combat, fut intĂ©grĂ© Ă  la structure rĂ©gulière des rĂ©giments auxiliaires, avec la crĂ©ation d'une ala Sarmatarum[20].

Ainsi, les tribus vaincues étaient parfois déportées en masse vers d'autres régions que leur pays d'origine, avec femmes et enfants, où elles pouvaient constituer un gisement de population sur lequel Rome prélevait les hommes en âge de combattre, afin de former des troupes spécialisées et ethniquement homogènes (cas d'une cohorte syrienne recrutée près d'Emèse et cantonnée en Pannonie, sur la frontière danubienne, ou cas d'un numerus de Maures, recrutés en Afrique du nord et cantonnés dans le camp de Micia, en Dacie ; des Berbères ont été enrôlés dans l'armée romaine dès l'époque de Tacfarinas, au Ier siècle[21])[22]. Cette pratique fut généralisée à partir de Dioclétien et la Tétrarchie, à la fin du IIIe siècle. La déportation de barbares vers l'Empire visait alors vraisemblablement « essentiellement au repeuplement des provinces désertées [sous la double pression de la peste et du début des invasions barbares] bien que le recrutement pour l'armée soit mentionné dans nos sources comme un objectif bien réel, mais secondaire »[23].

On parle alors aussi de « lètes ». On a, par ailleurs, de nombreux exemples de soldats stationnés loin de chez eux, tels ce Maris ibn-Qasith, issu d'un régiment de cavalerie arabe, et mort en Germanie[16].

La différence entre légions, en théorie constituée de citoyens, et auxiliaires, composées de barbares ou/et de pérégrins, s'estompa progressivement : « Grâce à l'onomastique, écrit l'historien Alessandro Barbero, on a même estimé que dès l'époque d'Hadrien, plus de la moitié des troupes composant les régiments auxiliaires étaient en fait des citoyens, pour atteindre la quasi-totalité à l'époque de Marc Aurèle (...) Nul hasard donc à ce qu'on puisse lire, vers le milieu du IIe siècle, sur les diplômes délivrés aux vétérans à la fin de leur service, la formule « Il accorda la citoyenneté romaine à ceux qui ne l'avaient pas encore », signe incontestable que l'enrôlement des citoyens parmi les auxiliaires était considéré comme une chose normale[24]. » Barbero cite encore le cas de ce centurion de la IIIe légion Cyrenaica, lequel dédia une inscription à Jupiter Amon, le dieu de la légion, et au dieu arabe Salm, signant lui-même Flavius Dionysus, remarquable exemple de syncrétisme romano-arabo-hellénique[25].

Importance des auxiliaires

Les troupes auxiliaires constituèrent une partie importante de l'armĂ©e romaine, estimĂ©e Ă  la moitiĂ© des effectifs sous Auguste soit 150 000 hommes , proportion stable au cours des premiers siècles de l'Empire . Certaines provinces n'avaient que des troupes auxiliaires dans leur garnison. Ces provinces Ă©taient dirigĂ©es par des membres de l'ordre Ă©questre. C'Ă©tait le cas par exemple des deux provinces de MaurĂ©tanie, des provinces de Norique et RhĂ©tie avant 165, de certaines provinces de la Dacie romaine.

L'historien Alessandro Barbero invite cependant Ă  relativiser l'importance numĂ©rique des rĂ©giments ethniques Ă©trangers. Citant, par exemple, le traitĂ© de Pseudo-Hygin, du IIe siècle, il montre que si ce dernier cite les nationes, Ă  savoir « 500 PalmyrĂ©niens, 900 GĂ©tules, 700 Daces, 500 Britanniques et 700 Cantabres », en fin de compte, les rĂ©giments ethniques ne reprĂ©sentent que 4 700 hommes sur un total de 37 600 soldats comptabilisĂ©s par le Pseudo-Hygins, une « prĂ©sence pittoresque » qui « ne modifie pas de manière significative la nature de l'armĂ©e romaine »[26].

Les différents types d'unités

Les unités auxiliaires pouvaient être de plusieurs types :

  • la cohorte (cohors) est le type le plus rĂ©pandu. Elle peut ĂŞtre composĂ©e uniquement de fantassins, mais Ă©galement compter des cavaliers, auquel cas elle reçoit le nom de "cohorte cavalière" (cohors equitata). Suivant les effectifs, on distingue deux types de cohortes :
    • la cohorte quingĂ©naire, qui compte un effectif thĂ©orique de cinq cents hommes et est dirigĂ©e par un prĂ©fet.
    • la cohorte milliaire, d'un effectif thĂ©orique de mille hommes Ă  partir du Ier siècle, dirigĂ©e par un tribun militaire.
  • l’aile (ala) unitĂ© de cavalerie. Son effectif est thĂ©oriquement de cinq cents hommes. Elle est dirigĂ©e par un prĂ©fet.
    • Il existe quelques ailes milliaires - moins d'une dizaine -, situĂ©es dans des provinces très exposĂ©es militairement elles peuvent constituer des troupes d'Ă©lite, comme l'ala Ulpia contariorum en Pannonie. Elles sont dirigĂ©es par un prĂ©fet effectuant une quatrième milice Ă©questre, assurance, le plus souvent, d'une future belle carrière de procurateur.
Tombe d'un membre des equites singulares
  • les equites singulares («gardes du corps Ă  cheval») garde privĂ©e de l'empereur, cette unitĂ© est composĂ©e de soldats issus d'une rĂ©gion particulière principalement des rĂ©gions du nord. Ils apparaissent sous Vespasien. Ils sont d'abord 500, puis passent probablement Ă  1000 sous Septime SĂ©vère. Ils sont stationnĂ©s dans les Castra Priora et les Castra Nova ou Severiana, deux casernes Ă  Rome, situĂ©es toutes deux sur le Caelius. Les equites singulares disparaissent sous Gallien (254-268) peut ĂŞtre remplacĂ©s par les protectores.
  • Les numeri n'ont pas de rĂ©partition fixe. Au dĂ©part le terme numeri peut dĂ©signer n'importe quelle unitĂ© de soldats, par la suite il a servi Ă  dĂ©signer des corps auxiliaires qui n'Ă©taient ni des ailes ni des cohortes. Ils sont gĂ©nĂ©ralement commandĂ©s par des prĂ©fets, mais certains sont commandĂ©s par de simples centurions. Il existe deux grands types de numeri :
    • numeri d'exploratores, c'est-Ă -dire de soldats spĂ©cialisĂ©s dans des missions de reconnaissance. Ils se dĂ©veloppent Ă  partir de la fin du deuxième siècle et leurs garnisons se trouvent en gĂ©nĂ©ral sur les frontières mal stabilisĂ©es ou menacĂ©es (Germanie supĂ©rieure, Dacie, MaurĂ©tanie).
    • numeri que l'on appelle « ethniques », qui sont composĂ©s au dĂ©part de soldats de mĂŞme origine. Ces soldats conservent les manières de combattre particulières Ă  leur peuple, ce qui permet Ă  l’armĂ©e romaine d’acquĂ©rir des spĂ©cialisations. Les Numides sont ainsi rĂ©putĂ©s pour leur cavalerie, les PalmyrĂ©niens pour leur archers, les Sarmates pour leur cavalerie lourde (cataphracte). L'accès Ă  la citoyennetĂ© romaine Ă©tait souvent plus difficile pour ces soldats que pour les autres auxiliaires.

Les commandants de ces unités, préfets et tribuns, appartiennent à l’ordre équestre, les officiers subalternes, centurions (unités d’infanterie) et décurions (unités de cavalerie), sont souvent des citoyens romains et le gros des troupes des pérégrins, c'est-à-dire des résidents de l’empire non citoyens. Après l'édit de Caracalla qui accorde à tous les hommes libres de l’empire la citoyenneté romaine, met fin à cette hiérarchie des statuts civiques dans les unités auxiliaires. La succession du commandement de ces unités fut organisée durant le règne de Claude : ce sont les trois milices équestres. Les préfets commandaient d'abord une cohorte auxiliaire, avant de devenir tribuns dans une légion, puis de commander une aile auxiliaire. À la place du tribunat dans une légion (tribunat angusticlave), il était possible, dans sa deuxième milice, d'être tribun d'une cohorte milliaire. Les plus méritants d'entre eux pouvaient accéder au commandement d'une aile milliaire. En revanche les postes de tribun des unités de la garde prétorienne, ainsi que des autres unités de la ville de Rome, n'appartiennent pas à la carrière équestre et sont séparés du cursus des commandants d'unités auxiliaires.

Dénomination des unités

Le nom des unités auxiliaires obéit à des règles complexes et parfois changeantes. Le premier élément est le type d'unité : cohors ou ala, suivi souvent d'un numéro d'ordre (I, II, III, ...), ensuite on trouve parfois le nom de la gens de l'empereur qui a créé l'unité : Flavia ou Iulia, puis le nom d'un peuple ayant formé les effectifs de l'unité primitive : Hamiorum ou Hispanorum, puis un surnom qui met en valeur le caractère de l'unité sagittatorium ou equitata et enfin un surnom lié au règne de l'empereur en cours :Severianum ou Philippiana. Il est rare qu'une unité combine tous ces éléments. Pour les unités les plus anciennes, créées dans les premières décennies de l'empire, l'unité a parfois pris le nom de son premier commandant, ce fut le cas pour l'ala Indiana. Certaines unités peuvent aussi arborer dans leur titulature les mentions des distinctions qui leur ont été accordées : décoration (torquata), concession de la citoyenneté (Civium Romanorum, souvent abrégé C.R.). L'historien Alessandro Barbero souligne qu'on ne peut tirer du seul nom ethnique de certaines unités une preuve de leur composition barbare, dans la mesure où pour certaines, tels les Bataves ou les Mattiaci, on a affaire à des populations romanisées de longue date[27].

Quelques exemples :

  • l’Ala I Flavia Numidica Severiana : Ala I Flavia Numidica est le nom permanent de cette unitĂ©, fondĂ©e par les empereurs de la dynastie flavienne avec des effectifs numides et qui reçut le nom de l’empereur Septime SĂ©vère Severiana.
  • ’Ala I Iuthungorums, ainsi que la Cohors IX Iuthungorum, Ă©voquĂ©s dans la Notitia Dignitatum, pourraient avoir Ă©tĂ© composĂ©s de soldats issus des Juthunges, Ă  la suite du traitĂ© avec l'empereur AurĂ©lien (270-275)[28].
  • l’Ala Firma Catafractaria, recrutĂ©e en Orient et envoyĂ©e en Germanie (constituĂ©e de citoyens romains, d'origine sĂ©mitique)[29].
  • Ala III Vandilorum, cantonnĂ©e en Égypte et provenant vraisemblablement aussi du règne d'AurĂ©lien[28].
  • la Cohors I Syrorum Sagittariorum cohorte d'archers syriens.
  • le numerus equitum Sarmatarum, envoyĂ© en Grande-Bretagne.

Lorsqu'on traduit le nom de ces unités en français, on précède le type d’unité par son numéro d'ordre : on parlera donc de "Première aile flavienne numidique" ou de "Première cohorte de Syriens archers".

Annexes

Notes et références

  1. Alessandro Barbero souligne que « tous les chercheurs qui ont étudié le recrutement de l'armée romaine ont acquis la certitude que, dans de nombreux cas, les critères n'étaient pas aussi rigides et que les recrues recevaient la citoyenneté sans formalité excessive au moment de l'engagement ». Cf. A. Barbero, (2006), Barbares. Immigrés, réfugiés et déportés dans l'Empire romain (éd. Tallandier, 2009 et 2011 pour la version française, p. 40)
  2. En l'an 75, tous les « Italiens » Ă©taient des citoyens romains, et probablement la plupart des habitants de la Gaule et du sud-est sud de l'Hispanie romaine. Dans les provinces frontalières, la proportion Ă©tait beaucoup plus faible, mais avait grandi au fil du temps. D. Mattingly a estimĂ© que le nombre de citoyens romains en Bretagne en 100 Ă©tait d'environ 50 000, soit environ 3 % de la population totale (D. Mattingly, An imperial possession, p. 166-168)
  3. Alessandro Barbero (2006), Barbares. Immigrés, réfugiés et déportés dans l'Empire romain (éd. Tallandier, 2009 et 2011 pour la version française, p. 39)
  4. Alessandro Barbero (2006), Barbares. Immigrés, réfugiés et déportés dans l'Empire romain (éd. Tallandier, 2009 et 2011 pour la version française)
  5. Polybe, Histoires: livre VI, paragraphe 26, 7.
  6. P. Connolly, L'esercito romano, p. 10-11.
  7. K. Dixon & P. Southern, The roman cavalry, p. 21.
  8. Adrian Goldsworthy, Roman Warfare, p. 52.
  9. Adrian Goldsworthy, Roman Warfare, p. 74-75.
  10. Adrian Goldsworthy, Roman Warfare, p. 78-79.
  11. Adrian Goldsworthy, Roman Warfare, p. 126.
  12. A. Goldsworthy, Storia completa dellesercito romano, p. 26-27.
  13. Passage des Histoires de Tacite cité par Alessandro Barbero (2006), Barbares. Immigrés, réfugiés et déportés dans l'Empire romain (éd. Tallandier, 2009 et 2011 pour la version française, chap. I, p. 38-39)
  14. Passage cité par A. Barbero, op. cit., p. 34
  15. Barbero, op. cit..
  16. A. Barbero, op. cit., p. 39-40
  17. On retrouve des diplômes militaires délivrés quelque temps après l'édit, qui disparaissent cependant intégralement quelques dizaines d'années après. Le dernier accordé à un vétéran d'un régiment auxiliaire que nous connaissons date cependant de 203. Ceux, trouvés après, lors du IIIe siècle, sont distribués uniquement à des membres de la marine ou de régiments spéciaux, tels les prétoriens ou la garde germanique, Cf. Alessandro Barbero (2006), Barbares. Immigrés, réfugiés et déportés dans l'Empire romain (éd. Tallandier, 2009 et 2011 pour la version française, p. 66)
  18. Barbero, op. cit., p. 67
  19. Alessandro Barbero, op. cit., p. 38
  20. Alessandro Barbero, op. cit., p. 57-59
  21. A. Barbero, op. cit., p. 43 et conclusion du chap. IV
  22. Cf. A. Barbero, op. cit., notamment conclusion du chap. IV: « Il est vraisemblable que, dans ce cas comme dans d'autres, l'implantation d'une communauté close de vétérans, ethniquement différente de la population locale et originaire d'un régiment auxiliaire, ait favorisé un recrutement au sein de cette même communauté de soldats de remplacement, sans qu'il s'agisse pour autant d'un but poursuivi consciemment par les autorités. »
  23. Barbero, op. cit., chap. VI, p. 91
  24. A. Barbero, op. cit., p. 42
  25. A. Barbero, op. cit., p. 41
  26. A. Barbero, op. cit., p. 46
  27. Barbero, op. cit., p. 103
  28. Barbero op. cit., p. 88
  29. Barbero op. cit., p. 67

Bibliographie

Document utilisé pour la rédaction de l’article : document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.

Sources contemporaines
  • Alessandro Barbero (2006), Barbares. ImmigrĂ©s, rĂ©fugiĂ©s et dĂ©portĂ©s dans l'Empire romain (Ă©d. Tallandier, 2009 et 2011 pour la version française)Document utilisĂ© pour la rĂ©daction de l’article
  • (en) Anthony Birley, Band of Brothers: Garrison Life at Vindolanda., Document utilisĂ© pour la rĂ©daction de l’article
  • (en) G. Burton, The Roman World, J. Wacher ed., Document utilisĂ© pour la rĂ©daction de l’article
  • (en) Brian Campbell, "The Army" in Cambridge Ancient History 2nd Ed Vol XII (The Crisis of Empire 193-337)., Document utilisĂ© pour la rĂ©daction de l’article

Lien externe

  • JoĂ«lle Napoli, « Rome et le recrutement de mercenaires », Revue historique des armĂ©es, no 260,‎ , p. 68-77 (lire en ligne).
Cet article est issu de wikipedia. Text licence: CC BY-SA 4.0, Des conditions supplémentaires peuvent s’appliquer aux fichiers multimédias.