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TĂ©trarchie

La TĂ©trarchie est le systĂšme de gouvernement de l’Empire romain mis en place par DioclĂ©tien en 285, Ă  la fin du IIIe siĂšcle, pour faire face aux invasions barbares. Il consiste en la division de la direction de l'empire entre, d'une part deux empereurs — les augustes —, d'autre part deux lieutenants (successeurs dĂ©signĂ©s des augustes) — les cĂ©sars.

Il ne faut pas confondre les tétrarques de l'Empire romain avec ceux de Judée, mentionnés dans l'évangile de Luc, qui font référence à un titre issu de la division en quatre du royaume d'Hérode, en l'an 4 aprÚs Jésus-Christ.

Étymologie

Le terme « TĂ©trarchie » vient du grec ancien Ï„Î”Ï„ÏÎ±ÏÏ‡ÎŻÎ± / tetrarkhĂ­a signifiant « gouvernement des quatre », par adjonction de la quantitĂ© τέσσαρΔς / tĂ©ssares « quatre » au substantif áŒ€ÏÏ‡ÎŻÎ± / arkhĂ­a « gouvernement ».

Le systĂšme politique

Carte montrant la répartition de l'Empire romain entre les quatre tétrarques.

Sous la pression des invasions barbares, l’Empire romain connaĂźt une grave crise tout au long du IIIe siĂšcle. Les empereurs ayant de plus en plus de mal Ă  repousser les envahisseurs, l’armĂ©e, parallĂšlement Ă  l'accroissement de ses effectifs, prend une place croissante dans l’État, dĂ©signant et renversant les empereurs. Des guerres civiles s’ajoutent aux guerres Ă©trangĂšres, les lĂ©gions d’une rĂ©gion dĂ©signant un gĂ©nĂ©ral populaire empereur, dans l’espoir d'obtenir la prime attribuĂ©e par les nouveaux empereurs Ă  leurs troupes : le donativum. Il arrive en outre que certaines parties de l’empire fassent sĂ©cession (voir Empire des Gaules).

ArrivĂ© au pouvoir en Ă©tant dĂ©signĂ© nouvel auguste par ses troupes le , puis en Ă©liminant ses concurrents NumĂ©rien et Carin, DioclĂ©tien dĂ©cide d’instaurer un nouveau systĂšme. Pour ne plus ĂȘtre seul Ă  gouverner tout l’empire, il nomme Maximien cĂ©sar en 285, avec charge de dĂ©fendre la partie occidentale de l’empire. La rĂ©partition territoriale se fait naturellement en fonction de la langue administrative — la partie orientale de l’empire (Balkans et GrĂšce en Europe, Proche-Orient, Égypte) utilise traditionnellement le grec, tandis que la partie occidentale (Italie, Gaules, Espagnes, Nord de l’Afrique, cours supĂ©rieur du Danube), utilise le latin.

Cependant, l’empire n’est pas divisĂ©, et DioclĂ©tien garde toute autoritĂ© sur son cĂ©sar, ainsi que sur l’ensemble de l’empire et des lĂ©gions. Maximien ne bĂ©nĂ©ficie que d’une dĂ©lĂ©gation de pouvoir. NĂ©anmoins, ce dernier est bientĂŽt Ă©levĂ© au rang d’auguste, Ă©galant DioclĂ©tien en titulature.

Comme de nombreux empereurs, DioclĂ©tien se choisit un dieu protecteur, en l'occurrence Jupiter. Maximien, lui, se place sous la protection d'Hercule. DioclĂ©tien est l’empereur « jovien » qui organise le monde et assure sa continuitĂ©, aidĂ© de son cĂ©sar. Maximien est l'empereur « herculĂ©en » qui combat les ennemis et rĂ©tablit l’ordre du monde. Les deux empereurs sont honorĂ©s comme des dieux.

DioclĂ©tien considĂšre l’imperium comme une fonction, et non comme un pouvoir personnel Ă  vie. C’est un conservateur : il veut restaurer les valeurs qui ont fait de Rome une puissance hĂ©gĂ©monique pendant trois siĂšcles ; il prĂŽne le retour aux traditions, la fin de la transmission familiale de la dignitĂ© impĂ©riale et la vĂ©nĂ©ration des dieux traditionnels de Rome, contre toutes les religions venues d’Orient qui dĂ©stabilisent l’Empire, dont le christianisme.

En mars 293[1], satisfait du fonctionnement de ce duumvirat, DioclĂ©tien dĂ©veloppe le systĂšme. Chaque auguste se choisit un nouveau cĂ©sar, chargĂ© dans un premier temps de le seconder dans sa partie d’empire, puis, de lui succĂ©der. En ce qui concerne l’expĂ©rience et la qualification de la personne sĂ©lectionnĂ©e, des rĂšgles sĂ©vĂšres sont fixĂ©es — parmi lesquelles l'interdiction de choisir un fils comme cĂ©sar. C'est ainsi que naĂźt la tĂ©trarchie.

Les deux premiers césars, tous deux généraux, sont GalÚre, choisi par Dioclétien, et Constance Chlore, choisi par Maximien.

Histoire de la TĂ©trarchie

Les TĂ©trarques (vers 305 ap. J.-C.). Porphyre. Basilique Saint-Marc de Venise.

DominĂ©e par DioclĂ©tien, la premiĂšre tĂ©trarchie fonctionne parfaitement. Elle est le rĂ©sultat d’une approche pragmatique de l’imperium par DioclĂ©tien : l’Empire doit faire face Ă  trop de menaces pour ĂȘtre tenu par un seul homme. La tĂ©trarchie n’est pas un systĂšme politique a priori, mais bien le rĂ©sultat d’une expĂ©rience convaincante.

Vingt ans aprĂšs leur prise de pouvoir, quand DioclĂ©tien et Maximien prennent leur retraite au cours d’un fabuleux triomphe, leurs cĂ©sars respectifs, GalĂšre et Constance Chlore, les remplacent comme augustes et deux cĂ©sars leur sont Ă  leur tour adjoints — respectivement Maximin DaĂŻa et SĂ©vĂšre. Mais c’est bien DioclĂ©tien qui oblige Maximien Ă  abandonner le pouvoir pour redevenir un simple particulier, car ce dernier au fond refuse cette dĂ©cision. AprĂšs le dĂ©part de DioclĂ©tien, le systĂšme s’affaisse et l’ancien « jovien » doit rĂ©intervenir plusieurs fois pour rĂ©tablir l’ordre.

En outre, le systĂšme est perturbĂ© par la mort de Constance Chlore en 306. Constantin Ier et Maxence prennent d’eux-mĂȘmes le pouvoir, l’un en Bretagne, l’autre Ă  Rome, en violation de toutes les rĂšgles : c’est un retour Ă  la transmission familiale. TrĂšs vite, tous les deux se dĂ©clarent augustes. Profitant de la dĂ©faite de SĂ©vĂšre face Ă  Maxence, alors qu’il tente de rĂ©cupĂ©rer la zone de l’empire qui lui est dĂ©volue, Maximien reprend son titre d’auguste et fait exĂ©cuter SĂ©vĂšre. GalĂšre, malade, dĂ©signe alors Licinius pour remplacer le cĂ©sar Ă©liminĂ©. Enfin, Domitius Alexander se fait proclamer en Afrique du Nord. À un moment, il y a donc sept empereurs Ă  la fois, tous revendiquant le titre d’auguste.

Par la suite, en Occident, Maxence Ă©limine Domitius Alexander, puis, Maximien Hercule est tuĂ©, et enfin, Maxence est vaincu lors de la cĂ©lĂšbre bataille du pont Milvius par Constantin Ier. Pendant ce temps, en Orient, aprĂšs la mort de GalĂšre, Licinius affronte Maximin DaĂŻa et finit par l’abattre. En 324, Constantin Ier vient Ă  bout de Licinius.

Échec et adaptation de la tĂ©trarchie

Seul auguste Ă  partir de 324, Constantin perpĂ©tue Ă  son avantage le systĂšme collĂ©gial et divin de la tĂ©trarchie en le combinant au principe dynastique — les « anciens » cĂ©sars devenant simultanĂ©ment augustes. Le dernier vivant, Constance II, s’adjoint Ă  son tour des cĂ©sars Ă©troitement surveillĂ©s : Gallus, puis Julien.

Ainsi dĂ©valuĂ©, le titre de cĂ©sar n'est plus que rarement dĂ©cernĂ© et l’Empire revient Ă  la collĂ©gialitĂ© de deux augustes liĂ©s par la parentĂ©.

Voir les tétrarques

De nos jours on peut admirer une copie de la statue en porphyre des tétrarques enchùssée dans un angle extérieur de la basilique Saint-Marc de Venise, fruit du pillage de Constantinople par les Vénitiens aprÚs la IVe croisade. L'originale est à l'intérieur de la basilique à l'étage. Les personnages se tiennent deux par deux avec un peu de raideur, mais la statue est un précieux document historique sur le costume militaire romain du début du IVe siÚcle.

Tableau récapitulatif

Notes explicatives du tableau récapitulatif
  1. DioclĂ©tien est d'abord un usurpateur romain. À la suite de l'assassinat d'un des deux frĂšres empereurs lĂ©gitimes, NumĂ©rien, en 284, DioclĂ©tien est proclamĂ© empereur par ses troupes. Bien qu'il soit vaincu par les forces de l'empereur Carin en mars 285, ce dernier est tuĂ© par un de ses officiers, ce qui assure le pouvoir Ă  DioclĂ©tien malgrĂ© sa dĂ©faite militaire. Il se retrouve seul maĂźtre de l'Empire romain.
  2. DioclĂ©tien promeut Maximien Hercule, un compagnon d'armes et ami, CĂ©sar dĂšs 285, puis l'Ă©lĂšve au rang d'Auguste l'annĂ©e suivante, lui confiant la partie occidentale de l'Empire et gardant sous son gouvernement l'Orient. DioclĂ©tien est Primus Augustus, c'est-Ă -dire « premier Auguste » (il a la prĂ©sĂ©ance sur son collĂšgue). Ce duumvirat perdure jusqu'en 293 oĂč il se meut en une tĂ©trarchie.
  3. Carausius est chargé par l'empereur Maximien Hercule d'aller défendre les cÎtes de l'Atlantique contre les Saxons et les Francs : mais, prévoyant une disgrùce, il débarque dans la Bretagne et s'y fait proclamer empereur par les légions en 286. II se maintient six ans dans cette province ; au bout de ce temps, il est assassiné par Allectus, un de ses officiers, vers 293.
  4. En 293, DioclĂ©tien, sentant que l'accent doit ĂȘtre mis sur les problĂšmes civiques et militaires et pour assurer la dĂ©fense et l'administration de l'Empire, renforce la division du pouvoir en nommant deux « empereurs auxiliaires ». Ces deux collaborateurs supplĂ©mentaires, gĂ©nĂ©raux sortis du rang, sont promus Ă  la dignitĂ© de CĂ©sars, placĂ©s en dessous de chaque empereur principal, qui se rĂ©servent le titre d’Augustes. DioclĂ©tien s'associe son gendre GalĂšre et attache Ă  Maximien Hercule son prĂ©fet du prĂ©toire Constance Chlore. C'est la premiĂšre tĂ©trarchie, qui dure jusqu'Ă  l'abdication des deux Augustes en 305.
  5. Allectus assassine son chef l'usurpateur Carausius pour prendre la pourpre à son tour en 293. Lui aussi se maintient en Bretagne mais les forces de Constance Chlore débarquent en 296 et vainquent les troupes d'Allectus.
  6. En juillet 296, Domitius Domitianus se rebelle en Égypte contre l'empereur DioclĂ©tien, et sa rĂ©forme fiscale. Il prend le contrĂŽle d'Alexandrie, puis toute l'Égypte se rebelle Ă  son tour. Il se proclame empereur mais DioclĂ©tien se lance personnellement Ă  la reconquĂȘte. Il finit par remporter la victoire en faisant le siĂšge de la ville pendant de longs mois.
  7. Dioclétien et Maximien Hercule abdiquent volontairement en 305 en faveur de leurs Césars : GalÚre, en Orient, qui s'associe Maximin II comme César, et Constance Chlore (le nouvel Primus Augustus), en Occident, qui prend SévÚre comme César. C'est le début de la deuxiÚme tétrarchie qui ne dure qu'un an, avec la mort de Constance Chlore remplacé par SévÚre en Occident.
  8. À la suite Ă  la mort de Constance Chlore, SĂ©vĂšre devient Auguste en Occident (aprĂšs y avoir Ă©tĂ© CĂ©sar). Il officie aux cĂŽtĂ©s de GalĂšre (le nouvel Primus Augustus) en Orient : c'est la troisiĂšme tĂ©trarchie. Cependant, il n'a pas de CĂ©sar au dĂ©but de son rĂšgne, mais Constantin Ier se proclame Auguste dĂšs la mort de son pĂšre avant d'ĂȘtre reconnu CĂ©sar en Occident par GalĂšre.
  9. À la suite de la mort de l'empereur Constance Chlore et au fait que Constantin Ier se proclame Auguste, le fils de Maximien Hercule, Maxence, fait de mĂȘme, en s’appuyant sur le mĂ©contentement de Rome. Il reçoit le soutien des prĂ©toriens et du SĂ©nat, qui le proclament Auguste, qui ont jusque lĂ  fait et dĂ©fait tous les empereurs romains. Les tĂ©trarques, c'est-Ă -dire DioclĂ©tien (Auguste honoraire, sans pouvoir) et surtout GalĂšre (Primus Augustus), le dĂ©clare Ă  plusieurs reprises « usurpateur ». Il s'associe dans un premier temps Ă  son pĂšre (Auguste honoraire mais dĂ©clarĂ© « usurpateur ») puis un temps Ă  Constantin Ier (qui se proclame Ă  nouveau Auguste en 307, et est donc usurpateur mais aussi officiellement CĂ©sar). Maxence est vaincu en 312 par Constantin, devenu lĂ©gitime depuis 310.
  10. Maximien Hercule abdique en l'an 305 en mĂȘme temps que DioclĂ©tien. Mais il reprend bientĂŽt le pouvoir vers 307 avec l'aide de son fils Maxence, qui, lui-mĂȘme, vient de se faire proclamer Auguste. Mais trahissant tour Ă  tour son fils et son gendre (Constantin) auprĂšs duquel il se rĂ©fugie en 309, il meurt assassinĂ© en 310.
  11. À la suite du mauvais fonctionnement de la tĂ©trarchie, Domitius Alexander se proclame empereur en Afrique vers 308/309. Il possĂšde le contrĂŽle de l'approvisionnement en blĂ© et peut ainsi menacer Rome de famine. Sa rĂ©volte est liquidĂ©e au printemps 310 par les troupes de Maxence.
  12. À la mort de SĂ©vĂšre en 307, la tĂ©trarchie s'Ă©croule alors. GalĂšre reste alors le seul Auguste lĂ©gitime, ayant toujours pour CĂ©sar Maximin II DaĂŻa. En Occident, Constantin Ier se proclame Ă  nouveau empereur, mais n'est pas reconnu Auguste par GalĂšre. AprĂšs la rĂ©union de Carnuntum avec DioclĂ©tien, GalĂšre prĂ©fĂšre nommer un de ses compagnons, Licinius, empereur en Occident en 308. Constantin Ier est officiellement son CĂ©sar, mais se nomme lui-mĂȘme Auguste, Ă©tant Ă  la fois un Auguste usurpateur et un CĂ©sar lĂ©gitime. Cet Ă©tat de fait, ressemblant encore Ă  la tĂ©trarchie (deux Augustes, deux CĂ©sars dont un usurpateur) reste ainsi jusqu'en 310. Maxence, dĂ©clarĂ© « usurpateur » comme son pĂšre, gouverne toujours Rome, soutenu par la garde prĂ©torienne et le SĂ©nat.
  13. En 310, GalĂšre cĂšde le titre d’Auguste Ă  son CĂ©sar, Maximin II DaĂŻa en Orient, et Ă  Constantin Ier en Occident. Licinius reste quant Ă  lui Auguste mais gouverne dorĂ©navant la partie orientale de l'Empire. Il y a quatre empereurs lĂ©gitimes, ainsi que Maxence Ă  Rome. Commence alors une lutte de pouvoir entre ces hommes.
  14. GalĂšre meurt en 311 d'une longue maladie, laissant face Ă  face Maximin II DaĂŻa et Licinius en Orient et Constantin Ier et Maxence en Occident.
  15. Constantin Ier élimine alors Maxence en 312 et devient le seul empereur légitime en Occident. Licinius parvient à éliminer Maximin II Daïa en Orient et les deux derniers empereurs s'entendent dans un premier temps, puis luttent l'un contre l'autre durant prÚs d'une décennie.
  16. Licinius élimine à son tour Maximin II Daïa en 313 et devient le seul empereur légitime en Orient. Il s'entend alors avec Constantin Ier, et se partagent l'Empire. Licinius reste en Orient et Constantin Ier en Occident. Mais les deux derniers empereurs survivants des ruines de la tétrarchie ne tardent pas à lutter l'un contre l'autre durant prÚs d'une décennie.
  17. Licinius est une premiÚre fois vaincu, puis une seconde fois définitivement en 324. Constantin Ier devient alors le seul maßtre de l'Empire romain.

Références

Voir aussi

Articles connexes

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