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Numérien

Numérien (Marcus Aurelius Numerianus) est empereur romain d'août 283 à novembre 284. Associé au pouvoir par son père Carus au début de l'année 283, il l'accompagne dans sa campagne contre les Perses Sassanides, et ramène l'armée romaine en Asie mineure après la mort de ce dernier. Il règne en Orient quinze mois, tandis que son frère Carin gouverne l'Occident. Il meurt après quinze mois de règne, en , d'une maladie des yeux qui le contraint à l'isolement. La dissimulation prolongée de son décès par son beau-père rend ce dernier suspect de son assassinat. Sa personnalité et le déroulement de son règne sont mal connus ; les auteurs antiques n'ont transmis que des résumés de sa vie, à l'exception de l’Histoire Auguste, qui donne l'image d'un prince essentiellement doué pour l'éloquence.

Numérien
Empereur romain
Règne
août 283 - novembre 284 (~15 mois)
PĂ©riode Empereurs illyriens
Précédé par Carus
Co-empereur Carin
Suivi de Carin seul
Biographie
Nom de naissance Marcus Aurelius Numerianus
Naissance c. 253
Décès (~31 ans)
Émèse (Syrie)
Père Carus
Fratrie Carin
Épouse fille de Arrius Aper

Sources

Le règne de Numérien est mal documenté par les sources classiques[1]. Les textes antiques relatifs aux empereurs romains de la fin du IIIe siècle ne sont que des abrégés et diverses Histoires du IVe siècle ne donnent que quelques lignes sur Numérien : EutropeIX,_18-20_2-0">[2], Aurelius Victor[3], ainsi que l'Épitomé de Caesaribus qu'on attribue à tort à ce dernier auteur[4]. Festus passe de Carus à Dioclétien en ignorant ses fils Carin et Numérien[5]. Le Chronographe de 354 donne une durée de règne identique pour Carin et Numérien, soit deux ans, onze mois et deux jours[6] - [7]. Au Ve siècle, Paul Orose date la prise de pouvoir de Dioclétien en 1051 Ab Urbe condita (soit 298, ce qui est excessif)VII,_25_8-0">[8], tandis que la Chronique de Jérôme de Stridon date la mort de Numérien de la 266e olympiade (soit 285)[9]. Enfin, l’Histoire nouvelle de Zosime, écrite au début du VIe siècle, est lacunaire sur les règnes de Carus et de ses fils[1], mais la Chronographia de Jean Malalas (VIe siècle) donne une description physique de Numérien et précise qu'il est mort à trente-six ans[10]. L’Histoire Auguste est la seule à produire une biographie plus étoffée de Carus et de ses fils Carin et Numérien ; son auteur déclaré, Flavius Vopiscus, se dit contemporain de Constantin Ier (306-337)CXVII_11-0">[11] et se pose en continuateur de l'historien Suétone et de sa Vie des douze CésarsII,_7_12-0">[12].

Flavius Vopiscus est considéré comme une source documentaire fiable par les premiers historiens modernes. Mais la lecture littérale évolue à partir de 1889, avec la démonstration de Hermann Dessau de l'inexistence de cet auteur et de ses co-auteurs de l’Histoire Auguste, en réalité pseudonymes d'un seul écrivain, plus tardif mais au nom inconnu. Cette thèse a emporté peu à peu l'adhésion des historiens du XXe siècle. Ils reconnaissent que cette œuvre n'est pas entièrement historique et contient une part de fictionXXXIV_13-0">[13]. Le récit historique sert alors de support à la fantaisie, au canular et au burlesque, et multiplie les allusions à l'attention du lecteur cultivé. Les biographies de Carus et de ses fils sont les dernières de l’Histoire Auguste, et le pseudo-Flavius Vopiscus complète le peu d'informations fournies par les abréviateurs par un remplissage de son inventionXLVI_14-0">[14].

monnaie de cuivre corrodée, buste de profil
TĂ©tradrachme de billon Ă  l'effigie de Carus, Ă©mis Ă  Alexandrie.

Palliant l'insuffisance des textes antiques, l'Ă©pigraphie latine fournit quelques Ă©lĂ©ments supplĂ©mentaires, et la numismatique est une source majeure, particulièrement importante pour les quinze mois durant lesquels NumĂ©rien règne seul en Orient[15]. Les Ă©tudes des Ă©missions monĂ©taires de Carus et ses fils dans les collections des musĂ©es, et celle du trĂ©sor de La Venèra, riche de 4 425 aurelianus pour ces règnes, dont 1 361 exemplaires pour l'atelier monĂ©taire de Ticinum (actuellement Pavie en Italie du Nord), fournissent une chronologie des Ă©vĂ©nements et des campagnes militaires entre 282 et 285[16]. Pour les règnes de Carus et de ses fils, les Ă©vĂ©nements sont encore plus prĂ©cisĂ©ment fixĂ©s grâce aux Ă©missions de tĂ©tradrachmes d'Alexandrie d'Égypte[17], qui sont datĂ©es des annĂ©es de règnes impĂ©riaux, comptĂ©s avec un dĂ©but d'annĂ©e alexandrine calĂ© sur le [18].

Biographie

Personnalité

Numérien serait né vers 254, fils de Carus, et le nom de sa mère et celui de son épouse, fille du préfet du prétoire Arrius Aper, sont inconnus[19]. Jean Malalas, seul historien qui fournisse un portrait physique de Numérien, le décrit comme grand, mince, aux cheveux raides, au visage long avec des traits fins, avec une bonne barbe, partiellement grise, un bon nez et des yeux sombres[10].

Aurélius Victor note les qualités d'éloquence de Numérien[3], Eutrope, plus concis, lui prête d'excellentes dispositionsIX,_18_20-0">[20]. L’Histoire Auguste brode sur ces indications avec exagération et fantaisie : elle affirme qu'il présentait des exposées en public dès son enfance, prétend que le Sénat romain fit placer sa statue dans la Bibliothèque Ulpia avec l'inscription « au plus puissant orateur de son temps » et le qualifie de poète remarquable, comparable au célèbre Némésien et surclassant Aurelius Apollinaris. Ce dernier auteur est inventé par l’Histoire Auguste selon Ronald Syme, Robert Penella[21] et André Chastagnol[22]. Les qualités de Numérien que rapportent plusieurs auteurs antiques sont peut-être authentiques, mais elles sont exagérées pour marquer le contraste entre le brillant Numérien et son mauvais frère Carin, qui se vengea des moqueries de ses condisciples d'école[23].

Accès au pouvoir

Son père, le préfet du prétoire Carus, est proclamé empereur par ses troupes durant l'automne 282, tandis que l'empereur légitime Probus est tué lors d'une mutinerie de ses soldats[24]. Comme l'avaient fait plusieurs de ses prédécesseurs, Carus instaure un embryon de dynastie avec un pouvoir collégial associant ses enfants. Toutefois, les fils de Carus sont adultes et peuvent prendre part aux responsabilités, comme cela avait été le cas sous les règnes de Valérien et de Gallien[25]. D'après Aurelius Victor[3], le pseudo Aurelius[4] et EutropeIX,_18-20_2-1">[2], Carus accorde le titre de César à ses deux fils Carin et Numérien simultanément[26]. Les sources numismatiques et épigraphiques corrigent cette vision et prouvent que l'association de ses enfants au pouvoir n'a pas été simultanée : Carus entame son règne seul comme le montrent les émissions monétaires de Ticinum[27] et de Cyzique[28], puis accorde à son fils ainé Carin, qui se trouvait probablement à Rome, les titres de César[29] et de Prince de la jeunesse, titres dévolus au successeur désigné[30], à l'automne 282 selon la chronologie numismatique de Sylviane Estiot[31] - [17].

le , Carus revêt son second consulat[24], en prenant Carin comme collègue. Au début de l'année 283 selon Sylviane Estiot[32], Carus promeut son fils Numérien au rang de Prince de la jeunesse et de César, comme l'illustre une inscription où le nom de Numérien a été ajouté après ceux de Carus et Carin[33] - [34]. Les deux fils de l'Empereur reçoivent le titre d'imperator, ce qui les associe au pouvoir de leur père[35].

  • Carin et NumĂ©rien, fils de Carus, Ă©levĂ©s au rang de CĂ©sar et Prince de la jeunesse
  • monnaie, buste de profil
    Bronze de Carin. Avers, comme NOB(ilissimus) CAES(ar).
  • monnaie, homme debout tenant un globe et un sceptre long
    Bronze de Carin. Revers, comme Prince de la jeunesse PRINCIPI IVVENTVT(is).
  • monnaie, buste de profil
    Bronze de Numérien. Avers, comme NOB(ilissimus) C(aesar).
  • monnaie, homme debout tenant une Ă©pĂ©e et un sceptre
    Bronze de Numérien. Revers, comme Prince de la jeunesse PRINCIPI IVVENTVT(is).

En (ou ), Carus nomme Carin auguste et lui confie la responsabilité de l'Occident, tandis qu'il part en Orient combattre les Perses Sassanides, accompagné de Numérien[36]. Avant la mort de son père, Numérien est associé au pouvoir aux côtés de ce dernier et de son frère, peut-être à l'occasion d'une victoire contre les Perses, et à ce stade du règne « l'Empire fut tenu par un collège de trois princes aux titres égaux »[37]. Carus meurt dans des circonstances indéterminées, vers novembre 283, après s'être emparé de la capitale perse Ctésiphon[38].

Règne seul

Numérien a contracté une infection oculaire, qui le rend photophobe et le cloître dans sa tente. Le préfet du prétoire Arrius Aper, qui est également son beau-père, prend la direction de l’armée. Les soldats impressionnés par la mort soudaine de Carus, ne veulent plus continuer la guerre, et exigent de revenir dans les territoires romains. L’armée fait donc retraite, et revient dans la province d'Asie.

Numérien est trouvé mort dans sa tente. Arrius Aper dissimule sa mort en prétextant que Numérien, souffrant toujours des yeux, ne peut s’exposer à l'extérieur et ne veut voir que lui. Il le fait transporter en litière fermée à Nicomédie. Au bout de quelques jours, l’odeur de putréfaction fait démasquer la supercherie. Arrius Aper est mis en accusation dans la place d’armes du camp, tandis que les soldats proclament empereur le commandant de la garde impériale Dioclès. Dioclès poignarde aussitôt Arrius Aper, sans le laisser s’expliquer[38].

L'Histoire Auguste présente Arrius Aper comme le meurtrier de Numérien. Sa dissimulation le rend suspect, mais l'attitude de Dioclès n'est également pas claire. Mais comme Dioclès succède à Numérien sous le nom de Dioclétien, l'histoire lui donne le beau rôle. Ce dernier sera sur le point de perdre contre Carin lors de la rencontre entre leurs armées en 285, mais son adversaire est assassiné, et Dioclétien reste seul maître de l'Empire romain.

Noms successifs

Antoninien de Numérien
  • Vers 253, naĂ®t Marcus Aurelius Numerianus
  • 283, accède Ă  l'Empire : Imperator Caesar Marcus Aurelius Numerius Numerianus Pius Felix Invictus Augustus Germanicus Maximus Britannicus Maximus Persicus Maximus
  • 284, titulature Ă  sa mort : Imperator Caesar Marcus Aurelius Numerius Numerianus Pius Felix Invictus Augustus Germanicus Maximus Britannicus Maximus Persicus Maximus, Pontifex Maximus, Tribuniciae Potestatis III, Imperator I, Consul II

Notes et références

Notes

    Références

    1. Loriot 1999, 2002, p. 148.
    2. IX,_18-20-2" class="mw-reference-text">Eutrope, Abrégé de l'Histoire romaine, IX, 18-20.
    3. Aurelius Victor, CĂ©sars, 39.
    4. Pseudo-Aurelius Victor, Épitomé de Caesaribus, 38-39.
    5. Festus, Abrégé des hauts faits du peuple romain, 24-25.
    6. Chronographe de 354.
    7. Lafaurie 1966, p. 143.
    8. VII,_25-8" class="mw-reference-text">Paul Orose, Histoires contre les paĂŻens, VII, 25.
    9. JĂ©rĂ´me de Stridon, Chronicon.
    10. Jean Malalas, Chronographia, XII, 303-304.
    11. CXVII-11" class="mw-reference-text">Chastagnol 1994, p. CV et CXVII.
    12. II,_7-12" class="mw-reference-text">Histoire Auguste, Vie de Probus, II, 7.
    13. XXXIV-13" class="mw-reference-text">Chastagnol 1994, p. XXXIV.
    14. XLVI-14" class="mw-reference-text">Chastagnol 1994, p. XLVI.
    15. Estiot 2017, p. 76.
    16. Estiot 2017, p. 75-76.
    17. Estiot 2017, p. 80.
    18. Lafaurie 1966, p. 141.
    19. Zosso et Zingg 1995, p. 113.
    20. IX,_18-20" class="mw-reference-text">Eutrope, Abrégé de l'Histoire romaine, IX, 18.
    21. Penella 1983, p. 274.
    22. Chastagnol 1994, p. 1140.
    23. Penella 1983, p. 275-276.
    24. Christol 1997, p. 185.
    25. Christol 1997, p. 187.
    26. Christol 1997, p. 63.
    27. Estiot 2017, p. 82.
    28. Estiot, Dopierala et Gysen 2007, p. 199.
    29. Inscriptions sur des bornes miliaires de Norique AE 1962, 308, du Pont AE 1977, 789, des Alpes pennines AE 1985, 644 et d'Afrique proconsulaire AE 1923, 16.
    30. Estiot 2017, p. 83.
    31. Estiot, Dopierala et Gysen 2007, p. 200 et 202.
    32. Estiot 2017, p. 80 et 84.
    33. Inscription sur des miliaires de Numidie AE 1967, 585 et de Patras en AchaĂŻe CIL III, 07307.
    34. Christol 1997, p. 63-64.
    35. Christol 1997, p. 187-188.
    36. Christol 1997, p. 61, 65 et 67.
    37. Christol 1997, p. 188.
    38. Petit 1974, p. 457.

    Bibliographie

    (par ordre alphabétique des auteurs)

    Auteurs antiques

    Auteurs modernes (XXe siècle et XXIe siècle)

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    • Michel Christol, L'empire romain du IIIe siècle : Histoire politique 192-325 après J.-C., (ISBN 2-87772-145-0). Ouvrage utilisĂ© pour la rĂ©daction de l'article.
    • Michel Christol, « Dieux et princes sous Carus, Carin et NumĂ©rien », Revue numismatique, 6e sĂ©rie, t. 152,‎ , p. 61-71 (lire en ligne). Ouvrage utilisĂ© pour la rĂ©daction de l'article.
    • Sylviane Estiot, Ed Dopierala et Philippe Gysen, « Une « Ă©mission fantĂ´me » de l'atelier de Cyzique au dĂ©but du règne de Carus », Revue numismatique, 6e sĂ©rie, t. 163,‎ , p. 197-211 (lire en ligne). Ouvrage utilisĂ© pour la rĂ©daction de l'article
    • Sylviane Estiot, « Ă€ propos d’un mĂ©daillon inĂ©dit de l’usurpateur Julien (284- 285 AD) : son règne et son monnayage », Revue numismatique, 6e sĂ©rie, t. 166,‎ , p. 397-418 (lire en ligne). Ouvrage utilisĂ© pour la rĂ©daction de l'article.
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    • Jean Lafaurie, « Chronologie impĂ©riale de 249 Ă  285 », Bulletin de la SociĂ©tĂ© Nationale des Antiquaires de France,‎ , p. 139-154 (lire en ligne). Ouvrage utilisĂ© pour la rĂ©daction de l'article.
    • Lafaurie Jean. Numismatique romaine et mĂ©diĂ©vale. In: École pratique des hautes Ă©tudes. 4e section, Sciences historiques et philologiques. Annuaire 1964-1965. 1964. pp. 207-211.
    • Xavier Loriot, « Problèmes d'historiographie impĂ©riale Ă  la fin du IIIe siècle », Bulletin de la SociĂ©tĂ© Nationale des Antiquaires de France,‎ 1999, 2002, p. 147-154 (lire en ligne). Ouvrage utilisĂ© pour la rĂ©daction de l'article.
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    • Paul Petit, Histoire gĂ©nĂ©rale de l'Empire romain, Seuil, , 800 p. (ISBN 2-02-002677-5). Ouvrage utilisĂ© pour la rĂ©daction de l'article.
    • Alexandra Stefan, « La date de la victoire de DioclĂ©tien sur Carin au "Margus" Ă€ propos de P. Oxy. L 3569 et de CJ 2, 53, 3 », Zeitschrift FĂĽr Papyrologie Und Epigraphik, Dr. Rudolf Habelt GmbH, vol. 198,‎ , p. 271–82 (lire en ligne). Ouvrage utilisĂ© pour la rĂ©daction de l'article.
    • Pierre Wuilleumier, « Carus et NumĂ©rien », Revue des Études Anciennes, t. 47, nos 1-2,‎ , p. 116-121 (lire en ligne). Ouvrage utilisĂ© pour la rĂ©daction de l'article.
    • François Zosso et Christian Zingg, Les Empereurs romains : 27 av. J.-C. - 476 ap. J.-C., Paris, Ă©dition Errance, , 256 p. (ISBN 2-87772-226-0). Ouvrage utilisĂ© pour la rĂ©daction de l'article.

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