Palmyre
Palmyre (en grec ancien : ΠαλΌÏÏα / PalmĂșra) ou Tadmor (en palmyrĂ©nien : đĄ¶đĄŁđĄŹđĄ„𥎠; en arabe : ŰȘŰŻÙ Ű± / tadmur) est une ville antique de Syrie, situĂ©e Ă proximitĂ© d'une oasis du dĂ©sert de Syrie, Ă 210 km au nord-est de Damas et dont les ruines sont adjacentes Ă la ville moderne de Tadmor.
Site de Palmyre *
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Vue générale du site en 2008. | ||
CoordonnĂ©es | 34° 33âČ 15âł nord, 38° 16âČ 00âł est | |
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Pays | Syrie | |
Type | Culturel | |
CritĂšres | (i) (ii) (iv) | |
Superficie | 0,36 ha | |
NumĂ©ro dâidentification |
23 | |
Zone gĂ©ographique | Ătats arabes ** | |
AnnĂ©e dâinscription | 1980 (4e session) | |
Classement en péril | 2013 | |
GĂ©olocalisation sur la carte : Syrie
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* Descriptif officiel UNESCO ** Classification UNESCO |
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Le site est classé patrimoine mondial de l'UNESCO depuis 1980. Il a été classé « en péril » pendant la guerre civile syrienne.
DĂ©couverte et exploration
Relations de voyages et relevés épigraphiques
Au début du XVIIe siÚcle, la Mésopotamie commence à attirer les voyageurs européens, comme Pietro della Valle, qui évitent les environs de Palmyre, alors occupés par des tribus bédouines hostiles[1]. En 1678, une premiÚre expédition de 16 marchands anglais accompagnés de 24 serviteurs, organisée notamment par l'orientaliste et aumÎnier de la Levant Company Robert Huntington, tourne mal. L'émir local craint que les curieux ne révÚlent leurs positions aux Turcs et les contraint à partir aprÚs le paiement d'une rançon. En 1691, une seconde tentative réussit et le pasteur Wiliam Hallifax témoigne de ces observations dans les Philosophical Transactions en 1695[2]. Au cÎté des inscriptions grecques, il reproduit des caractÚres palmyréniens, variante de l'araméen alors indéchiffrable[3]. Palmyre est à l'époque et jusqu'aux premiÚres fouilles d'Herculanum la ville antique la mieux préservée connue[2].
AprÚs un voyage de deux ans en 1751-1752, accompagnés des antiquaires John Bouverie et James Dawkins[4], Robert Wood publie en 1753 The ruins of Palmyra ; otherwise Tedmor in the desert. Cet ouvrage, regroupant des descriptions et des dessins des monuments, connaßt un succÚs notable en Europe. à partir de copies d'inscriptions bilingues plus soignées que celles antérieures, Jean-Jacques Barthélemy déchiffre le palmyrénien et présente le résultat de ses travaux en 1754, devant l'Académie des Inscriptions et des Belles-Lettres[2] - [5].
Campagnes de fouilles
L'étude scientifique du site commence véritablement au début du XXe siÚcle, avec les campagnes allemandes d'Otto Puchstein en 1902, de Theodor Wiegand en 1917 et de Daniel Krencker (en) en 1928. Un bilan de ces recherches est publié en 1933, dans lequel la description des monuments, accompagnée de dessins des coupes architecturales et un compte-rendu des restaurations, fait encore autorité[6] - [7].
En 1929, alors que le territoire est sous mandat français, Henri Seyrig, directeur des AntiquitĂ©s de Syrie et du Liban, initie et supervise la campagne de dĂ©gagement et de restauration du temple de BĂȘl aprĂšs en avoir expulsĂ© les habitants[8]. Robert Amy, architecte DPLG, s'acquitte de cette tĂąche de 1935 Ă 1945, mais s'intĂ©resse Ă©galement Ă la refection des Trois Arcs, ainsi qu'Ă l'Ă©tude de la tour d'Elahbel et de l'hypogĂ©e Iarhai[9]. De 1933 Ă 1935, Daniel Schlumberger dĂ©gage des sanctuaires de la PalmyrĂšne et Ă©tudie le dĂ©veloppement urbain de la ville, Ă©crivant par la suite sur sa fiscalitĂ© et ses cultes[10]. En 1965 et 1967, Robert du Mesnil du Buisson dirige deux campagnes, dont l'un des buts est de chercher des vestiges antĂ©rieurs Ă lâĂ©poque hellĂ©nistique[11]. L'Ă©tude du matĂ©riel archĂ©ologique tirĂ© du sondage du temple de BĂȘl par cet archĂ©ologue rĂ©vĂšle une relation privilĂ©giĂ©e entre l'oasis de Palmyre et la vallĂ©e de l'Oronte au milieu du IIIe millĂ©naire av. J.-C[12]..
De 1959 Ă 1966, Kazimierz Michalowski dĂ©bute les premiĂšres campagnes polonaises et dĂ©couvre des erreurs dans les plans urbains prĂ©cĂ©demment Ă©laborĂ©s. Donnant lieu Ă cinq volumes[13], les recherches portent notamment sur le temple des Enseignes, principia du camp romain, et ses abords[14]. Anna Sadurska lui succĂšde en 1970, puis MichaĆ Gawlikowski Ă partir de 1973, dirigeant les fouilles pendant prĂšs de 40 ans[15]. En mai 2005, câest une Ă©quipe polonaise qui fouillait le temple de Lat, oĂč elle a mis au jour une statue de pierre trĂšs finement dĂ©taillĂ©e de NikĂš (dĂ©esse ailĂ©e de la Victoire).
Histoire
L'origine de Palmyre
Lâhistoire de Palmyre Ă lâĂąge du bronze est mal connue : la ville se dĂ©veloppe sur un tell qui fut au Ier siĂšcle av. J.-C. recouvert par la terrasse du sanctuaire de BÄl[16]. La ville est mentionnĂ©e dans les archives de Mari (XVIIIe siĂšcle av. J.-C.)[17].
Quand les Séleucides prennent le contrÎle de la Syrie en 323 av. J.-C., la ville devient indépendante. Mais de la fin du IVe siÚcle av. J.-C. jusqu'en 41 av. J.-C., la situation de la ville ne nous est pas connue.
Palmyre Ă©tait un point de passage sur une des deux routes (ou pistes) antiques conçues pour faciliter la traversĂ©e du dĂ©sert, menant de Sippar (ou Abu Habbeh (en)) Ă Qatna (en Syrie). Cette route se divisait en plusieurs sous-branches pour finalement aboutir aux ports PhĂ©niciens, Ă Damas, en Palestine, et Ă©galement en Ăgypte[18].
Le ou les auteurs du deuxiÚme livre des Chroniques, dans la Bible, attribuent la construction de Palmyre au roi Salomon : « Il bùtit Thadmor dans le désert[19] ». Il s'agit vraisemblablement d'une confusion, volontaire ou non, avec Tamar, au sud du royaume de Juda et mentionnée dans le livre des Rois[20].
Palmyre gréco-romaine
La ville faisait partie dâun rĂ©seau marchand reliant la Syrie Ă la MĂ©sopotamie et Ă la cĂŽte mĂ©diterranĂ©enne. Le nom de Palmyre est mentionnĂ© pour la premiĂšre fois dans les sources grĂ©co-romaines en 41 av. J.-C., quand Marc Antoine lança ses troupes contre elle, pour leur procurer du butin. En 41 av. J.-C., en effet, les Romains tentĂšrent de piller Palmyre, mais Ă©chouĂšrent, les habitants de la ville sâĂ©tant rĂ©fugiĂ©s avec leurs biens de lâautre cĂŽtĂ© de lâEuphrate. On en dĂ©duit que les PalmyrĂ©niens de cette Ă©poque Ă©taient encore pour lâessentiel des nomades, vivant de lâĂ©levage et du commerce caravanier.
IntĂ©grĂ©e Ă lâEmpire romain sous TibĂšre, en l'an 19, dans le cadre de la province romaine de Syrie, Palmyre entretint d'Ă©troites relations avec la principautĂ© des SampsigĂ©ramides qui s'Ă©tendait autour dâArĂ©thuse et dâĂmĂšse, cette derniĂšre constituant le dĂ©bouchĂ© naturel vers la mer pour le commerce de Palmyre. Dans une inscription provenant du temple de Bel Ă Palmyre, SampsigĂ©ramos II est d'ailleurs dĂ©signĂ© comme « roi suprĂȘme »[21]. Selon Pline l'Ancien, le territoire de Palmyre confinait Ă celui d'ĂmĂšse (aussi appelĂ© « l'ĂmĂ©sĂšne »[22])[23][alpha 1]. Palmyre atteignit ensuite son apogĂ©e sous Hadrien, qui la visita en 129. Ă cette occasion, elle prit le titre dâHadriana Palmyra, Ă©pithĂšte qui traduit habituellement une aide matĂ©rielle puissante de l'empereur, sans qu'il faille y voir l'octroi juridique d'un statut de citĂ© libre[27]. CâĂ©tait une ville splendide, qui se dĂ©veloppa jusque sous les SĂ©vĂšres. En 212, lâempereur Caracalla promut Palmyre et sa voisine ĂmĂšse au statut de colonie romaine[28]. LâarmĂ©e romaine y entretenait une garnison de soldats auxiliaires dans un camp au nord de la ville.
Au cours de la crise du IIIe siĂšcle, Palmyre Ă©chappa aux invasions perses qui ravagĂšrent la Syrie en 252 et 260. AprĂšs 260, ce fut un notable de Palmyre, OdĂ©nat, qui fut chargĂ© par lâempereur Gallien de coordonner la dĂ©fense de lâOrient. Quand sa veuve ZĂ©nobie tenta de prendre le pouvoir comme impĂ©ratrice avec son fils Wahballat, Palmyre se retrouva impliquĂ©e un peu malgrĂ© elle dans une guerre civile romaine. En 272, vaincue par AurĂ©lien Ă Antioche, puis Ă ĂmĂšse, ZĂ©nobie se replie avec ses troupes sur Palmyre, oĂč AurĂ©lien vient la poursuivre. Dans un premier temps, les notables de Palmyre se rallient Ă AurĂ©lien et chassent ZĂ©nobie, qui est arrĂȘtĂ©e. AurĂ©lien laissa Ă Palmyre une petite garnison et rentra en Italie. Ă ce moment Ă©clate dans la citĂ© une rĂ©volte qui tente de remettre le pouvoir Ă Antiochos, pĂšre de ZĂ©nobie. AurĂ©lien revient sur ses pas, mate la rĂ©volte, mais ne semble pas avoir exercĂ© de reprĂ©sailles sur la ville. Le sanctuaire d'HĂ©lios fut cependant pillĂ©[29] ; lâempereur rĂ©quisitionna tout le quartier ouest de la ville pour y installer Ă demeure la Legio I Illyricorum[30].
Au IVe siĂšcle et par la suite, Palmyre n'est plus la prospĂšre citĂ© caravaniĂšre dâautrefois. Câest une ville de garnison, occupĂ©e par la Ire LĂ©gion illyrienne, Ă©tape dâune route militaire reliant la rĂ©gion de Damas Ă lâEuphrate, la Strata Diocletiana. La partie monumentale de la ville fut protĂ©gĂ©e par un rempart qui laissait au dehors tout le quartier sud (entre le wadi et la source Efqa), quartier peut-ĂȘtre abandonnĂ© Ă cette date[30]. Sous Constantin Ier, les forts de la Strata Diocletiana sont pour la plupart abandonnĂ©s, mais Palmyre demeure jusquâau VIe siĂšcle une ville romaine occupĂ©e par lâarmĂ©e, tandis que la steppe tout autour est occupĂ©e par des communautĂ©s de moines monophysites et contrĂŽlĂ©e par les tribus arabes Ghassanides chrĂ©tiennes et alliĂ©es de lâEmpire. Des Ă©glises furent construites, tandis que dâanciens temples paĂŻens comme la cella de Baalshamin ou encore celle du temple de BĂȘl furent convertis en Ă©glises et dĂ©corĂ©s de peintures murales.
Sous Justinien au VIe siĂšcle, lâenceinte fut renforcĂ©e de tours, et les adductions dâeau furent restaurĂ©es. La ville qui, selon Procope de CĂ©sarĂ©e, « Ă©tait devenue depuis longtemps un dĂ©sert », reçut une nouvelle garnison qui constituait le poste avancĂ© de la Syrie contre les invasions des Perses.
L'urbanisme de Palmyre gréco-romaine
Au temps de son apogĂ©e au dĂ©but du IIIe siĂšcle, la ville de Palmyre Ă©tait beaucoup plus Ă©tendue que lâactuel site archĂ©ologique, pourtant trĂšs vaste. La plupart des maisons Ă©taient faites de briques crues, qui nâont guĂšre laissĂ© de vestiges visibles[30].
Les vestiges de la Palmyre hellĂ©nistique ont Ă©tĂ© identifiĂ©s au sud du wÄdi. La ville se dĂ©veloppa dâabord Ă lâemplacement du sanctuaire de Bel puis, quand le grand parvis fut construit au Ier siĂšcle, elle sâĂ©tendit entre le sanctuaire de Bel et la source Efqa au sud-ouest (lĂ oĂč aujourdâhui il nây a plus que les jardins de lâoasis)[31]. Autour de la ville vinrent se fixer des familles arabes dâorigine nomade, chacune autour de son sanctuaire tribal, comme celui de Baalshamin ou, tout Ă lâouest sur la route dâĂmĂšse, celui dâAl-lat[32] - [33]. Au cours du IIe siĂšcle, ces banlieues furent intĂ©grĂ©es au tissu urbain avec la construction du quartier monumental structurĂ© autour de la grande colonnade[34].
Pendant cette pĂ©riode prospĂšre, Palmyre Ă©tait une ville ouverte, dĂ©pourvue de remparts. Il existait un mur (traditionnellement appelĂ© « mur de la douane ») entourant un trĂšs vaste secteur tout autour de la ville, mais ce mur de pierres ou de briques crues selon les secteurs nâavait aucune fonction militaire ou de prestige : câĂ©tait une simple limite administrative, un pĂ©age municipal pour le paiement des taxes fixĂ©es par le texte intitulĂ© « Tarif de Palmyre », promulguĂ© le sous lâempereur Hadrien[35] - [34]. Ă la fin du IIIe siĂšcle, un rempart dĂ©fensif fut construit Ă la hĂąte en rĂ©employant des pierres prĂ©levĂ©es sur des monuments funĂ©raires, et ne protĂ©geant que le quartier monumental, tandis que le reste de la ville Ă©tait sans doute abandonnĂ©[34].
La société palmyrénienne
Ăcrites en grec et en palmyrĂ©nien, les trĂšs nombreuses inscriptions retrouvĂ©es sur place permettent de connaĂźtre lâorganisation de la citĂ© Ă lâĂ©poque romaine[36]. Palmyre adopta les institutions grecques : elle Ă©tait gouvernĂ©e par une boulĂš, assemblĂ©e des principaux propriĂ©taires terriens, et un dĂ©mos (peuple) constituĂ© des citoyens. Les responsabilitĂ©s particuliĂšres Ă©taient confiĂ©es Ă des magistrats pris dans la boulĂš, tels que les archontes, renommĂ©s stratĂšges lors l'accession au statut de colonie romaine[37], ou les agoranomes. Un curateur ou logistĂšs, sorte de contrĂŽleur des finances, Ă©tait chargĂ© d'apurer les comptes civiques, dĂšs avant la crĂ©ation de la colonie de Palmyre.
Ces institutions Ă©taient demeurĂ©es en place jusquâau IVe siĂšcle, y compris, semble-t-il, pendant la crise du IIIe siĂšcle, quand OdĂ©nat fut saluĂ© du titre de resh (en grec « exarque ») de Palmyre : il dut sâagir dâun commandement militaire. Quant au titre de « Roi des rois » portĂ© plus tard par ce mĂȘme OdĂ©nat, et repris par sa veuve ZĂ©nobie et son fils Wahballat, il Ă©tait purement honorifique en rĂ©fĂ©rence aux victoires d'OdĂ©nat sur les Perses[38] et n'a pas eu d'impact sur le fonctionnement de la citĂ©, puisque les inscriptions montrent quâĂ cette Ă©poque, câest toujours la boulĂš et le dĂ©mos qui font les lois[39].
Ă cĂŽtĂ© de ces institutions civiles, les Ă©lites de la citĂ© Ă©taient organisĂ©es en collĂšges de prĂȘtres pour le culte rendu aux principaux dieux. Le plus prestigieux de ces collĂšges Ă©tait celui des prĂȘtres de Bel, prĂ©sidĂ© par le symposiarque (« chef du banquet »).
Les commerçants et les artisans de Palmyre Ă©taient organisĂ©s eux aussi en corporations : on connaĂźt celles des corroyeurs, des orfĂšvres, des tanneurs, des fabricants de radeaux dâoutres (radeaux « pneumatiques » nommĂ©s keleks utilisĂ©s jusquâau IXe siĂšcle pour transporter des marchandises qui descendaient lâEuphrate ou le Tigre)[40]. Palmyre a aussi dĂ©veloppĂ© une activitĂ© florissante de tissage de soie, laine, coton et lin.
- Buste funĂ©raire dâAqmat, fille dâHagagu, descendant de Zebida, descendant de Maâan, fin du IIe siĂšcle, British Museum.
- StĂšle d'Atenatan Gurai (mort en 133). Ny Carlsberg Glyptothek, Copenhague.
- StÚle de la « Beauté de Palmyre » (morte vers 200). Ny Carlsberg Glyptothek, Copenhague.
- Dalle funĂ©raire portant une inscription : « [au mois de] Nisan, lâan [3]08. Ceci est la tombe de ZabdibĂŽl, fils de (...) âAtaraĂčri des BenĂȘ KomrĂȘ, quâil a faite pour lui et ses enfants. » Calcaire, an 4 av. J.-C. MusĂ©e du Louvre. Provenance : Palmyre.
- Inscription palmyrénienne. Musée du Louvre.
- StÚle d'Hairan "le bénéficiaire", Musée de l'Ermitage, Saint Petersbourg
Le commerce caravanier
Palmyre fut du Ier siĂšcle au IIIe siĂšcle la plus grande puissance commerciale du Proche-Orient, prenant le relais de PĂ©tra, la citĂ© caravaniĂšre des NabatĂ©ens. Palmyre exploitait une route caravaniĂšre qui, passant par des caravansĂ©rails dans la steppe, gagnait les bords de lâEuphrate et les longeait jusquâĂ la rĂ©gion de Babylone. De lĂ , ces caravanes gagnaient le royaume de MĂ©sĂšne Ă lâembouchure du Tigre et de lâEuphrate. Des navires partaient de lĂ pour gagner lâInde ou dâautres ports de lâOcĂ©an Indien. Au dĂ©but des annĂ©es 2000, une Ă©quipe de spĂ©lĂ©ologues belges a retrouvĂ© une tablette votive laissĂ©e par un PalmyrĂ©nien nommĂ© Abgar, en 258, sur une grotte de lâĂźle de Socotra, au large de la Somalie et possession du Hadramawt. Un autre exemple de la prĂ©sence palmyrĂšne dans ce royaume sudarabique est l'inscription d'ambassadeurs de Palmyre lors de lâintronisation du roi dans les annĂ©es 210[41].
Les caravanes de Palmyre Ă©taient des entreprises saisonniĂšres et annuelles. Les diffĂ©rents marchands s'associaient pour grouper leurs expĂ©ditions, sous la responsabilitĂ© d'un « synodiarque » ou « chef de caravane », puissant commerçant qui prenait en charge une partie des frais. Si des caravansĂ©rails ont Ă©tĂ© identifiĂ©s par les archĂ©ologues aux sorties de la ville, câest au cĆur du quartier monumental que se trouvait le centre commercial, une place entourĂ©e de boutiques et nommĂ©e « agora » de Palmyre.
Des communautĂ©s de commerçants palmyrĂ©niens expatriĂ©s Ă©taient installĂ©es Ă demeure dans les diffĂ©rentes Ă©tapes de ce rĂ©seau commercial. On connaĂźt, grĂące aux inscriptions, lâexistence de cette diaspora Ă SĂ©leucie du Tigre (au sud de lâactuelle Bagdad) au Ier siĂšcle, puis Ă CtĂ©siphon (capitale des Parthes, face Ă SĂ©leucie), Ă VologĂ©sias, citĂ© commerciale fondĂ©e par les Parthes sans doute non loin du site de Babylone, et surtout Ă Spasinou Charax (ou Charax de MĂ©sĂšne), capitale du royaume de MĂ©sĂšne. LĂ , la communautĂ© palmyrĂ©nienne Ă©tait si implantĂ©e et si influente que des PalmyrĂ©niens pouvaient y occuper des fonctions officielles auprĂšs du roi. Dâautres PalmyrĂ©niens Ă©taient implantĂ©s en Ăgypte sur les bords de la mer Rouge. Enfin, il existait une communautĂ© palmyrĂ©nienne Ă Rome mĂȘme, installĂ©e au IIe siĂšcle dans le quartier du Trastevere.
Ce trafic caravanier s'est poursuivi jusquâaux annĂ©es 260, y compris quand la MĂ©sĂšne et la MĂ©sopotamie Ă©taient sous la domination des Perses Sassanides. Câest aprĂšs lâassassinat dâOdĂ©nat en 267-268, et la tentative de prise du pouvoir par ZĂ©nobie que les caravanes cessent dâĂȘtre attestĂ©es. Beaucoup plus tard au VIe siĂšcle, câest la ville de la Mecque dans le Hedjaz qui prend la succession de Palmyre comme plaque tournante du commerce caravanier.
Les marchandises exotiques dont Palmyre faisait ainsi commerce du Ier au IIIe siĂšcle sont mal connues dans le dĂ©tail. Il est certain quâil sâagissait pour lâessentiel de marchandises prĂ©cieuses, reprĂ©sentant une grande valeur sous un faible volume, comme les tissus de luxe (notamment la soie), les perles, les pierres prĂ©cieuses, les Ă©pices. Les PalmyrĂ©niens eux-mĂȘmes, du moins les plus riches, Ă©taient grands amateurs de ces produits. Les reliefs reprĂ©sentant les riches PalmyrĂ©niens en costume parthe montrent que ces costumes Ă©taient couverts de rangĂ©es de perles, qui ne viennent guĂšre Ă cette Ă©poque que de lâInde ou de lâĂźle de Ceylan. Dâautre part, on a retrouvĂ© dans les tombes de Palmyre des fragments de soieries chinoises du Hunan parfois brodĂ©es de dragons, et du cachemire d'Afghanistan[42].
Les guerriers de Palmyre
Pour protĂ©ger ces caravanes, les PalmyrĂ©niens se faisaient aussi soldats. Le territoire de Palmyre, au nord de la ville, possĂ©dait au IIe siĂšcle de vĂ©ritables haras dans la steppe oĂč lâon Ă©levait des chevaux, Ă des fins qui ne pouvaient ĂȘtre que militaires. La ville elle-mĂȘme avait une garnison de lâarmĂ©e rĂ©guliĂšre romaine, mais les bĂ©douins ou les paysans du territoire de la citĂ© formaient des guerriers montĂ©s sur des chevaux ou des chameaux et combattant Ă la lance ou Ă lâarc.
Ces guerriers PalmyrĂ©en furent enrĂŽlĂ©s dans lâarmĂ©e romaine, surtout Ă lâĂ©poque des SĂ©vĂšres. Certains furent incorporĂ©s Ă lâarmĂ©e rĂ©guliĂšre, comme la XXe cohorte des PalmyrĂ©niens, unitĂ© de cavalerie qui formait la garnison de Doura Europos, au bord de lâEuphrate, sous SĂ©vĂšre Alexandre. Dâautres, servant comme numeri, troupes informelles commandĂ©es par des officiers romains, mais gardant leur Ă©quipement traditionnel, furent basĂ©s sur les bords du Danube ou encore, pour des mĂ©haristes, dans la province de Numidie (en AlgĂ©rie actuelle). Il nâest pas douteux que cette cavalerie palmyrĂ©nienne ait constituĂ© une grande partie des forces militaires d'OdĂ©nat ( - ), puis de la reine ZĂ©nobie[43] - [44] - [45] - [46] - [47].
Les dieux de Palmyre
Selon Jean Starcky, les PalmyrĂ©niens de lâĂ©poque hellĂ©nistique adoraient une divinitĂ© suprĂȘme nommĂ©e BĂŽl (« le Seigneur » en aramĂ©en ). TrĂšs tĂŽt, sous lâinfluence de Babylone, ce dieu suprĂȘme fut dĂ©signĂ© comme Bel, forme babylonienne. Dâautres dieux lui Ă©taient associĂ©s comme AglibĂŽl (dont le nom conserve la forme ancienne) et MalakbĂȘl, littĂ©ralement « lâAnge (malak) du Seigneur (Bel) ». Ce sont lĂ , semble-t-il, les dieux historiques de Palmyre.
Avec lâarrivĂ©e dâautres Syriens ou de nomades arabes de plus en plus nombreux, dâautres dieux vinrent ajouter leurs sanctuaires Ă celui de Bel, voire sây assimilĂšrent. Câest ainsi quâon Ă©leva un temple au dieu solaire syrien Baalshamin (littĂ©ralement « le Seigneur (Baal) des Cieux (shamin) »), qui fut assimilĂ© Ă Bel.
Dâautres Arabes Ă©difiĂšrent Ă lâouest de la ville un sanctuaire Ă la dĂ©esse arabe Al-lat, assimilĂ©e par les Grecs Ă AthĂ©na. Dans ce temple, fouillĂ© par les archĂ©ologues polonais, ont Ă©tĂ© retrouvĂ©es deux statues dâAl-lat : la premiĂšre, du Ier siĂšcle, reprĂ©sente la dĂ©esse comme un lion protĂ©geant une gazelle (voir Lion de Palmyre) ; la seconde, plus rĂ©cente, est tout simplement une statue en marbre dâAthĂ©na, dans le style de Phidias, importĂ©e de GrĂšce.
Au sud du sanctuaire de Bel se trouvait le sanctuaire de NĂ©bo, un dieu dâorigine babylonienne, assimilĂ© par les Grecs Ă Apollon.
Dâautres dieux Ă©taient attestĂ©s Ă Palmyre : Arsou et Azizou, dieux chameliers protecteurs des caravanes, ainsi que le dieu Hammon, dâorigine sans doute Ă©gyptienne.
Le culte le plus important Ă©tait rendu Ă Bel, le dieu protecteur de la citĂ©. Câest Ă lui que fut dĂ©diĂ© lâimmense temple de BĂȘl, entourĂ© de portiques, ornĂ© de dizaines de statues de bienfaiteurs ayant contribuĂ© Ă le construire. Ce sanctuaire, Ă peu prĂšs contemporain du Temple de JĂ©rusalem bĂąti par HĂ©rode Ier le Grand, lui Ă©tait trĂšs comparable, tant pour les dimensions que pour la disposition gĂ©nĂ©rale et le style architectural. Sur lâimmense parvis ouvert sur la ville par des propylĂ©es entourĂ©s de deux tours se trouvaient un bassin, un autel monumental pour les sacrifices, une salle des banquets oĂč se rĂ©unissaient les prĂȘtres de Bel, et surtout la cella monumentale, Ă laquelle sans doute seuls les prĂȘtres pouvaient accĂ©der. Ă lâintĂ©rieur, deux niches surĂ©levĂ©es (lâĂ©quivalent du Saint des Saints) contenaient les statues divines. Concession Ă lâEmpire romain, on y plaça au Ier siĂšcle aussi la statue de Germanicus et de TibĂšre.
Le dieu Ă©tait peut-ĂȘtre aussi prĂ©sent sous la forme dâun bĂ©tyle. Une niche, creusĂ©e dans le mur extĂ©rieur de la cella, abritait sans doute une pierre sacrĂ©e Ă laquelle les pĂšlerins pouvaient ainsi accĂ©der, comme celle de la Kaaba de la Mecque. Un bas-relief reprĂ©sente la procession de la pierre sacrĂ©e (ou est-ce autre chose ?), placĂ©e sur un chameau dans une qubba fermĂ©e par des tentures, et au passage de laquelle les femmes voilent complĂštement leur visage de maniĂšre rituelle.
- La triade palmyrĂ©nienne : de gauche Ă droite, le dieu de la Lune AglibĂŽl, le « Seigneur des Cieux » Baalshamin, et « lâAnge du Seigneur » MalakbĂȘl
- La procession du BĂ©tyle sur un chameau.
Le christianisme Ă Palmyre
Comme dans tout l'Empire, Palmyre n'Ă©chappa pas Ă la diffusion du christianisme y compris dans la pĂ©ninsule arabe elle-mĂȘme : Najran, le royaume d'Himyar au YĂ©men jusqu'Ă la cĂŽte orientale de la pĂ©ninsule sur le Golfe Persique (les sites chrĂ©tiens de Al Qusur, Al Kharg, Akkaz, Jubayl, Al Hinnah, Sir Bani Yas, etc.). Ă partir du premier siĂšcle, il se diffuse vers l'est, en MĂ©sopotamie, selon la tradition chrĂ©tienne avec la conversion du roi d'Edesse, Abgar, puis vers le sud en Irak (Al Anbar, Al Hira) sous juridiction de l'Empire perse sassanide. Par la construction de nombreux monastĂšres tout le long de l'Euphrate, jusqu'Ă Mossul, l'Ăglise d'Orient s'implante durablement. La MĂ©sopotamie deviendra le centre du christianisme nestorien au Ve siĂšcle par l'Ă©tablissement du catholicos de CtĂ©siphon. Signe de l'implantation du christianisme en Transjordanie et en Syrie, l'Ă©vĂȘque de Palmyre est comptĂ© dans la liste de ceux qui participent au concile de NicĂ©e (325).
La ville islamique
Palmyre fut prise au VIIe siĂšcle par les Musulmans, quand elle ouvrit ses portes en 634 Ă Khalid ibn al-Walid. Sous les califes omeyyades, la ville Ă©volue. La construction de boutiques au beau milieu de la grande colonnade transforme cette artĂšre principale en souk, comme dans les autres villes de Syrie. Les califes firent construire dans la steppe aux environs de Palmyre des domaines luxueux, comme Bkhara au sud-est (ancien fort romain transformĂ© en chĂąteau omeyyade), ou le magnifique palais de Hisham Ă Qasr el Heyr el Gharbi, Ă lâouest de la ville. Palmyre elle-mĂȘme eut Ă souffrir des guerres civiles qui aboutirent Ă la fin des Omeyyades.
Au temps des Croisades, Palmyre dĂ©pend des Ă©mirs seldjoukides de Damas, puis passe au pouvoir de lâatabeg bouride Tughtekin, puis de Mohammed fils de Shirkuh, en tant quâĂ©mir de Homs dĂ©pendant de Saladin. C'est quand Palmyre dĂ©pendait des Bourides de Damas quâen 1132 le chambellan Nasir ad-Din transforme le sanctuaire de Bel en forteresse. La cella du temple est transformĂ©e en mosquĂ©e. Au XIIIe siĂšcle, la ville passe sous le contrĂŽle du sultan mamelouk Baybars (le texte dâun dĂ©cret de Baybars relatif aux droits de pĂąturage des habitants de Tadmor a Ă©tĂ© retrouvĂ© gravĂ© sur le mur est de la cella de Bel).
La ville fut pillĂ©e par Tamerlan en 1401, mais semble sâen ĂȘtre relevĂ©e. Au XVe siĂšcle, Ibn Fadlallah al-Omari dĂ©crivit Tadmor en vantant ses « vastes jardins, la prospĂ©ritĂ© de son commerce et ses curieux monuments ». Au XVIe siĂšcle, Fakhr ed-Din al Maany fait construire un chĂąteau fort, le Qalat Ibn Maan, sur la montagne qui domine la ville Ă lâouest. Ă lâĂ©poque ottomane, Palmyre dĂ©cline. Au XVIIe siĂšcle, la ville semblait avoir retrouvĂ© ses dimensions de lâĂąge du fer : ce nâest plus quâun village enfermĂ© dans lâenceinte fortifiĂ©e de lâancien sanctuaire de Bel. Tout le reste a Ă©tĂ© abandonnĂ©.
DĂ©veloppement moderne
Au XIXe siĂšcle, les Ottomans y installent une petite garnison, tandis que les archĂ©ologues venus dâEurope et des Ătats-Unis commencent lâĂ©tude systĂ©matique des ruines et des inscriptions.
AprĂšs la PremiĂšre Guerre mondiale, la Syrie est occupĂ©e par les Français dans le cadre dâun mandat de la SociĂ©tĂ© des Nations. LâarmĂ©e française implante Ă Palmyre une unitĂ© de mĂ©haristes et construit un terrain dâaviation pour le contrĂŽle aĂ©rien de la steppe. Les fouilles archĂ©ologiques sont organisĂ©es sur une grande Ă©chelle : le village qui occupait le sanctuaire de Bel est dĂ©truit et la population relogĂ©e dans une ville moderne construite au nord du site archĂ©ologique, tandis que le temple antique est restaurĂ©. Le nom de Robert du Mesnil du Buisson, directeur de plusieurs missions archĂ©ologiques en Syrie et en Ăgypte entre 1919 et 1939, reste d'ailleurs « attachĂ© Ă une importante mission archĂ©ologique française Ă Palmyre dont il eut la charge[48] ». Lors de la Seconde Guerre mondiale, Palmyre est prise par les Britanniques le , aprĂšs une bataille de treize jours contre les troupes françaises du rĂ©gime de Vichy[49].
Depuis lâindĂ©pendance de la Syrie en 1946, la ville moderne de Tadmor sâest considĂ©rablement dĂ©veloppĂ©e. Le terrain dâaviation est devenu une base militaire, mais le projet d'en faire un aĂ©roport civil pour dĂ©velopper le tourisme nâa jamais Ă©tĂ© menĂ© Ă bien. Sa prison, utilisĂ©e par le rĂ©gime jusqu'en 2015 pour y enfermer des opposants nationaux et Ă©trangers, est rĂ©putĂ©e comme l'une des plus inhumaines au monde, en raison des conditions de dĂ©tention, des actes de torture ou des exĂ©cutions sommaires de prisonniers[50].
Le déminage du site, à partir de 2017, a été mené à bien avec le concours de l'armée russe et du Centre international de déminage humanitaire[51].
Comme dans lâAntiquitĂ©, la ville vit de lâagriculture dans lâoasis, de lâĂ©levage bĂ©douin dans la steppe, tandis que les profits autrefois tirĂ©s du grand commerce sont remplacĂ©s par les revenus non nĂ©gligeables du tourisme.
- Occupation par l'armée britannique pendant la campagne de Syrie (1941).
- Enfant bédouin endormi sur un chapiteau de colonne antique.
- Fauconnier bédouin en 1998.
- La ville moderne de Tadmor en 2010.
Terreur djihadiste et destructions archéologiques
En mai 2015, Palmyre est le thĂ©Ăątre d'une bataille entre le rĂ©gime syrien et les djihadistes de l'Ătat islamique. Des combats ont lieu Ă seulement un kilomĂštre des ruines, avant que l'armĂ©e n'Ă©vacue la ville. La progression de l'Ătat islamique, qui a dĂ©jĂ produit des destructions volontaires de ruines en Irak, notamment Ă Nimroud et Hatra fait alors craindre le pire pour le site de Palmyre[52] - [53] - [54]. Le 21 mai 2015, l'Ătat islamique contrĂŽle la totalitĂ© de la citĂ© antique de Palmyre.
Irina Bokova, directrice-gĂ©nĂ©rale de l'UNESCO, appelle les parties en prĂ©sence en Syrie à « protĂ©ger Palmyre et Ă tout mettre en Ćuvre pour empĂȘcher sa destruction »[55]. Finalement, l'Ătat islamique opte pour un autre registre dans la provocation vis-Ă -vis de lâOccident puisque le thĂ©Ăątre antique de la ville sert dans la mise en scĂšne de l'exĂ©cution de vingt « prisonniers »[56]. Selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme, au moins 280 personnes sont exĂ©cutĂ©es Ă Palmyre en dix mois[57]. Le 29 mai 2015, Abou Leith al-Saoudi, chef des forces de l'Ătat islamique Ă Palmyre dĂ©clare sur une radio syrienne que les statues seront dĂ©truites par les djihadistes, mais que la ville antique sera prĂ©servĂ©e[58] - [59].
Le 10 juin 2015, les hommes de l'Ătat islamique dĂ©truisent plusieurs tombes d'habitants de la ville de Tadmor. Dix jours plus tard, deux mausolĂ©es sont dĂ©truits par les djihadistes ; celui de Mohammad Ben Ali, Ă quatre kilomĂštres au nord de Palmyre, et un mausolĂ©e de Chkaf, celui de Nizar Abou Bahaeddine, vieux de 500 ans et situĂ© dans une oasis, prĂšs du site antique[60]. Le 21 juin 2015, l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH) annonce que les djihadistes de l'Ătat Islamique ont minĂ© le site[61]. Fin juin 2015, les djihadistes dĂ©truisent la statue du Lion d'AthĂ©na, piĂšce unique de trois mĂštres de haut qui avait Ă©tĂ© dĂ©couverte en 1977 par une mission archĂ©ologique polonaise[62]. Le 18 aoĂ»t 2015, l'ancien directeur des AntiquitĂ©s de Palmyre, Khaled al-Asaad, expert de renommĂ©e mondiale du monde antique, est dĂ©capitĂ© par les hommes de Daech[63]. La destruction de vestiges imposants dĂ©marre fin aoĂ»t 2015 avec le temple de Baalshamin[64], celui de BĂȘl[65], puis sept tours funĂ©raires, dont trois qui Ă©taient particuliĂšrement bien conservĂ©es[66]. L'Arc triomphal[67] et un certain nombre de colonnes[68], vestiges pourtant non reliĂ©s au culte, sont dĂ©truits en octobre 2015.
Le chùteau Qalat ibn Maan est également endommagé entre le 21 et le 24 septembre 2015 par des bombardements du régime syrien[69].
- Le Lion d'Athéna en 2010.
- Le temple de Baalshamin en 2010.
- Le temple de BĂȘl en 2010.
- Tours funéraires de Palmyre.
- L'arc triomphal en 2010.
Reprises successives
Le , les forces syriennes, iraniennes, russes et les milices chiites lancent une offensive pour reprendre Tadmor et Palmyre[70]. Le 25 mars, les loyalistes reprennent le chĂąteau[71] - [72]. Le 27 mars, la ville est entiĂšrement reprise[73]. Selon le directeur des antiquitĂ©s et musĂ©es de Syrie (DGAM (en)) Maamoun Abdelkarim[74], 80 % des sites archĂ©ologiques auraient Ă©tĂ© Ă©pargnĂ©s par les djihadistes[75]. Le musĂ©e de Palmyre, quant Ă lui, a Ă©tĂ© entiĂšrement saccagĂ© par les djihadistes avant leur dĂ©part, comme le rĂ©vĂšle Annie Sartre-Fauriat, expert de l'UNESCO pour le patrimoine syrien[76]. Selon Michel Al-Maqdissi, ancien responsable des fouilles et des Ă©tudes archĂ©ologiques de Syrie de 2000 Ă 2012, la reconstruction du Lion d'AthĂ©na et de l'arc triomphal ne poserait pas de problĂšme, puisque tous les Ă©lĂ©ments les constituant sont restĂ©s presque intactes, prĂȘts Ă ĂȘtre remontĂ©s. Pour les temples de Baalshamin et de BĂȘl, l'archĂ©ologue est plus prudent : les pierres ayant totalement explosĂ©, il considĂšre leur reconstruction comme impossible[77].
Le 5 mai 2016, un concert intitulé « PriÚre pour Palmyre, la musique redonne vie aux murs antiques » est donné pour célébrer la libération de la cité antique. L'orchestre du Mariinsky dirigé par Valeri Guerguiev joue du Bach (chaconne, 2e partita), du Prokofiev et du Chtchedrine, avec la participation du violoncelliste Roldouguine. L'assistance est de quatre cents personnes, composée d'une délégation de l'UNESCO, de soldats syriens, irakiens et russes, de dignitaires locaux et des habitants des environs. Il est retransmis en direct à la télévision syrienne et à la télévision russe[78].
Le 1er juin 2016, l'archéologue Hermann Parzinger, président de la Fondation des biens culturels prussiens, la plus grande Fondation culturelle allemande, affirme que des fouilles illégales et des pillages sont commis à Palmyre par des soldats syriens aprÚs leur service[79].
Mais en dĂ©cembre 2016, l'Ătat islamique mĂšne une nouvelle offensive. MalgrĂ© les bombardements de lâaviation russe, l'EI reprend la ville le 11 dĂ©cembre, aprĂšs trois jours de combats[80]. En janvier 2017, l'Ătat islamique dĂ©truit le tĂ©trapyle et endommage la façade du thĂ©Ăątre romain[81].
Le site est repris par les loyalistes début mars 2017[82].
Vu comme symbole de la résilience et de la diversité de la culture syrienne, le Tétrapyle de Palmyre figure dans les armoiries d'un mouvement intercommunautaire syrien créé par des notables de la société syrienne en 2019[83]. L'artiste réfugié syrien George Baylouni a pour sa part réalisé en 2012 un tableau (acrylique sur toile - 149 x 100cm)[84] représentant la reine Zénobie ensanglantée. Le peintre ayant perçu dans un éclair visionnaire - trois ans avant le saccage du site archéologique de Palmyre - un désastre à venir.
Description du site archéologique
Le site archĂ©ologique de Palmyre tĂ©moigne de lâexistence d'« une grande ville qui fut l'un des plus importants foyers culturels du monde antique » : il est qualifiĂ© comme d'une « valeur universelle exceptionnelle » par l'UNESCO[17].
Structure générale
- Camp de Dioclétien (en)
- Temple funéraire
- Grande colonnade
- Colonnade de traverse
- Tetrapyle
- Agora
- Temple de Baalshamin
- Thermes de Dioclétien
- Théùtre romain
- Temple de NabĂ»
- Temple de BĂȘl
- Muraille
Temple de BĂȘl
LâĂ©difice le plus imposant de Palmyre est le temple de BÄl, qui a pu ĂȘtre dĂ©crit comme « le plus important Ă©difice religieux du premier siĂšcle de notre Ăšre au Moyen-Orient »[85]. Le temple principal (dĂ©truit par l'Ătat islamique le 28 aoĂ»t 2015) a Ă©tĂ© consacrĂ© en 32 ap. J.-C. et dĂ©diĂ© Ă BĂȘl, le "seigneur" (auparavant BĂŽl), AglibĂŽl (dieu lune) et IahribĂŽl (dieu de la source Efqa). Il se dressait au centre d'une vaste cour Ă portiques d'ordre corinthien Ă l'intĂ©rieur de laquelle se trouvaient aussi un autel monumental, une salle de banquet, des bassins Ă ablutions et des chapelles pour les divinitĂ©s honorĂ©es dans le sanctuaire aux cĂŽtĂ©s des divinitĂ©s principales. Le portique ouest et lâentrĂ©e (propylĂ©e) datent du IIe siĂšcle. Le temple mesure 205 Ă 210 m. Le temple lui-mĂȘme Ă©tait un parfait exemple architectural de la fusion des cultures de la MĂ©sopotamie (porte sur le long cĂŽtĂ©, niches aux extrĂ©mitĂ©s de la cella, fenĂȘtres, merlons du toit en terrasse auquel on accĂ©dait par des escaliers) et de l'Occident grĂ©co-romain (pĂ©ristyle Ă colonnes cannelĂ©es, ordre ionique et corinthien, sculptures du rĂ©pertoire grĂ©co-romain).
- Temple de BĂȘl : cella, colonnes et merlons (est)
- Porte du temple (ouest)
- Cella du temple de BĂȘl
Arc triomphal et decumanus Ă colonnades
Partant du temple, une rue Ă colonnades, qui correspond Ă lâancien decumanus, conduit au reste de la ville antique. Un arc monumental, datant de Septime SĂ©vĂšre (dĂ©but du IIIe siĂšcle) ouvre la voie triomphale et prĂ©sente de riches dĂ©corations. Il a Ă©tĂ© dĂ©truit par les djihadistes de l'EI Ă l'Ă©tĂ© . Il demeure assez peu d'Ă©lĂ©ments du temple de NabĂ», Ă part son podium, et ce que lâon appelle aujourdâhui les bains de DioclĂ©tien.
La premiĂšre section des fouilles se termine par un monument en grande partie restaurĂ©, appelĂ© tĂ©trapyle (monument à « quatre colonnes »), qui consiste en un soubassement soutenant quatre ensembles de quatre colonnes (une seule de ces colonnes est dâorigine, en granite Ă©gyptien). Il a Ă©tĂ© dĂ©truit par l'Ătat islamique en janvier 2017[81].
- Colonnes et arc triomphal
- Arc triomphal et rue Ă colonnades
- Arc triomphal et colonnade
- TĂ©trapyle
Théùtre et agora
Le thĂ©Ăątre prĂ©sente aujourd'hui neuf rangĂ©es de gradins, mais il devait en comporter seize Ă lâorigine, grĂące Ă lâadjonction dâune structure en bois[86]. Il a Ă©tĂ© datĂ© du dĂ©but du Ier siĂšcle de notre Ăšre. DerriĂšre le thĂ©Ăątre se trouve un petit SĂ©nat, oĂč les notables locaux examinaient les lois et les dĂ©cisions politiques, et ce que lâon nomme « cour du Tarif », Ă cause dâune inscription laissant penser Ă la perception dâun droit de pĂ©age coutumier pour les caravanes. Ă proximitĂ© sâĂ©tend la grande agora (48 Ă 71 m), avec les restes dâune salle de banquet (triclinium). LâentrĂ©e de lâagora Ă©tait dĂ©corĂ©e de statues de Septime SĂ©vĂšre et de sa famille[87].
- Théùtre romain
- Théùtre romain
- L'agora
- Camp de Dioclétien
Camp de Dioclétien
Une rue transversale mÚne au camp de Dioclétien, construit par le gouverneur de Syrie Sosianus HieroclÚs[88], avec le reste de la grande principia centrale (salle abritant les insignes des légions).
Autres vestiges urbains
Les fouilles ont permis de repérer à Palmyre de grandes maisons à péristyle dans les quartiers nord et nord-est de la ville ; on voit au sud-est de la ville antique les vestiges de luxueuses maisons décorées de mosaïques, comme la « Maison d'Achille », avec ses dix-sept piÚces, et celle « de Cassiopée »[89]. Ces mosaïques, de facture trÚs raffinée, présentent des thÚmes de la mythologie grecque : elles ont été réalisées par des artistes originaires d'Antioche, vers la fin du IIIe siÚcle apr. J.-C.[90].
On voit Ă proximitĂ© les vestiges du temple de la dĂ©esse syrienne Al-lat (IIe siĂšcle apr. J.-C.), la porte de Damas et le temple de Baalshamin, Ă©rigĂ© en apr. J.-C. et dĂ©veloppĂ© plus tard sous le rĂšgne dâOdeinat. Un portique menant Ă la cella prĂ©sente de notables vestiges. En outre, on peut distinguer un quatriĂšme temple venant s'insĂ©rer au sein de la zone sud-est du wadi. Ă proximitĂ© du temple de BĂȘl et flanquĂ© de part et d'autre par la Grande Colonnade et la voie antique principale palmyrĂ©enne, le sanctuaire de NabĂ» se prĂ©sente comme un complexe religieux de petite taille et de forme trapĂ©zoĂŻdale. Il a Ă©tĂ© fondĂ© au cours de la seconde moitiĂ© du Ier siĂšcle. De par son architecture, le petit temple demeure en tout point typique des canons stylistiques syriens de l'Ă©poque hellĂ©nistico-romaine[33] - [91] - [92].
- Temple de Baalshamin, détruit en 2015.
Art funéraire
En dehors des murs de leur citĂ©, les PalmyrĂ©niens construisirent de nombreux monuments funĂ©raires, pour la plupart familiaux[93]. Une partie des vestiges forme aujourd'hui la « VallĂ©e des tombeaux », nĂ©cropole qui sâĂ©tend sur une longueur dâun kilomĂštre, avec une sĂ©rie de grandes structures trĂšs richement dĂ©corĂ©es. Les tombeaux sont principalement de trois types : tours funĂ©raires de plusieurs Ă©tages, hypogĂ©es en sous-sol pour les classes moyennes, et temples-tombeaux pour les plus tardifs[94] - [95].
Ces tombes ont Ă©tĂ© creusĂ©es ou construites avec des compartiments (« loculi »)[96] oĂč les morts reposaient Ă©tendus. Dans l'hypogĂ©e des « Trois FrĂšres », le plus beau des tombeaux de Syrie, la riche dĂ©coration utilise en particulier la couleur bleue, coloris le plus difficile Ă obtenir et par consĂ©quent le plus coĂ»teux[97]. Des stĂšles calcaires, avec des bustes des dĂ©funts revĂȘtus du costume grĂ©co-romain, ou perse, sculptĂ©s en haut-relief, scellaient lâouverture rectangulaire des compartiments. Ces reliefs, qui reprĂ©sentent la personnalitĂ© ou lâĂąme du dĂ©funt, sâintĂšgrent Ă la dĂ©coration murale de la chambre funĂ©raire. Sur le couvercle des sarcophages, le personnage sculptĂ© Ă©tendu porte toujours le long pantalon plissĂ© sous la tunique brodĂ©e, caractĂ©ristiques du costume parthe[98] - [95].
Les stĂšles qui reprĂ©sentent des scĂšnes de banquets correspondent au tombeau collectif dâune famille plutĂŽt quâĂ celui d'un individu. Les tombeaux Ă©taient souvent construits par des frĂšres pour eux-mĂȘmes et leurs descendants mĂąles[94] - [95].
- NĂ©cropole de Palmyre
- Entrée de l'hypogée des Trois FrÚres, nécropole sud-ouest.
- Le prĂȘtre Zabdila, mort en 176. MusĂ©e du Louvre.
- Hypogée des Deux FrÚres : intérieur
- Marcus, colon à Bérytos, mort vers 200. Musée du Louvre.
Culture populaire
La ville de Palmyre est le lieu central oĂč se dĂ©roule l'aventure de la bande dessinĂ©e "Magie de Palmyre[99]".
La ville est aussi le titre d'une chanson du groupe Rome[100].
Notes et références
Notes
- Daniel Schlumberger découvrit une borne à Qasr el-Heir el-Gharbi en 1936[24], érigée sous Hadrien (117-138) ou l'un de ses successeurs[25] et portant l'inscription ci-aprÚs reproduite :
- Fin[es]
- inteáč
Hadriano[s] - Palmyrenos
et - [He]áčesenos[26]
Références
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Annexes
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Urbanisme, monuments, vestiges
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Histoire et société
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- Jean-Baptiste Yon, Les notables de Palmyre, ar, , 389 p. (lire en ligne).
Articles connexes
Liens externes
- Ressource relative à la géographie :
- Ressource relative Ă l'architecture :
- Ressource relative aux beaux-arts :
- (en) Grove Art Online
- Notices dans des dictionnaires ou encyclopédies généralistes :
- Palmyre. Mission archéologique italo-syrienne de l'université de Milan