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Mari (Syrie)

Mari (en arabe : mārÄ«, Ù…Ù€Ù€Ű§Ű±ÙŠ) est une ancienne citĂ© mĂ©sopotamienne, dont l'emplacement se trouve sur le site actuel de Tell Hariri (en arabe : tall al-áž„arÄ«rÄ«, ŰȘل Ű§Ù„Ű­Ű±ÙŠŰ±ÙŠ), situĂ© Ă  l'extrĂȘme sud-est de la Syrie sur le moyen Euphrate, Ă  11 kilomĂštres d'Abou Kamal et Ă  une dizaine de kilomĂštres de la frontiĂšre irakienne.

Mari
Tell Hariri
Image illustrative de l’article Mari (Syrie)
Ziggourat ou haute-terrasse de Mari (prĂšs du palais)
Localisation
Pays Drapeau de la Syrie Syrie
Gouvernorat Deir ez-Zor
CoordonnĂ©es 34° 33â€Č 04″ nord, 40° 53â€Č 18″ est
Superficie 110 ha
GĂ©olocalisation sur la carte : Syrie
(Voir situation sur carte : Syrie)
Mari
Mari
GĂ©olocalisation sur la carte : Irak
(Voir situation sur carte : Irak)
Mari
Mari
Histoire
Époque IIIe et IIe millĂ©naires av. J.-C.

Située dans cette vallée, Mari fut une importante cité au IIIe millénaire av. J.-C., contemporaine de la civilisation sumérienne, capitale d'un des plus puissants royaumes du Proche-Orient. Ses fouilles ont permis de reconstituer le développement rapide et les mutations qu'elle a connu durant son existence, jusqu'à sa destruction vers 1760 av. J.-C. par les troupes babyloniennes de Hammurabi qui entraßne son abandon. Elle est notamment connue pour son splendide palais du IIe millénaire av. J.-C. et grùce aux fouilles archéologiques entreprises depuis 1933, jusqu'à leur interruption aprÚs 2010 en raison de la guerre civile syrienne. DÚs les premiÚres fouilles, ce palais a également livré des milliers de tablettes provenant des archives royales, datées des derniÚres décennies d'existence de la ville, qui constituent un des plus importants corpus de sources pour la connaissance de la Syrie et de la Mésopotamie antiques.

Situation

En aval de Deir ez-Zor, l'Euphrate poursuit un parcours sinueux dans une vallée large comme un delta. La steppe a été irriguée depuis l'Antiquité avec des digues et des canaux, permettant l'entretien, la fourniture en eau et donc la mise en culture intensive, d'un damier de terres alluviales fertile.

L’Euphrate coule en zone aride, les prĂ©cipitations sont infĂ©rieures Ă  150 mm, alors que 250 mm sont nĂ©cessaires Ă  une agriculture sĂšche. Aucune culture n’était possible dans la vallĂ©e sans l’amĂ©nagement d’un rĂ©seau d’irrigation Ă©laborĂ©.

Redécouverte et fouilles

Au dĂ©but du mois d'aoĂ»t 1933, un bĂ©douin, en creusant la terre au sommet d'une colline, le tell Hariri, pour dĂ©terrer une pierre et inhumer un des siens, trouve la statue acĂ©phale d'un personnage aux mains jointes avec une inscription en cunĂ©iforme. Il se prĂ©sente au lieutenant français Cabane, inspecteur-adjoint de la rĂ©gion Abou-KĂ©mal, qui prĂ©vient la direction des AntiquitĂ©s Ă  Beyrouth, laquelle alerte le musĂ©e du Louvre dont le conservateur en chef RenĂ© Dussaud propose un archĂ©ologue pour aller Ă©tudier le site, le conservateur du DĂ©partement des AntiquitĂ©s orientales AndrĂ© Parrot[1]. Il est justement disponible avec son Ă©quipe depuis l'arrĂȘt des fouilles des sites irakiens de Girsu et de Larsa, dont le musĂ©e vient de cesser le financement car l'Irak avait dĂ©cidĂ© d'arrĂȘter de laisser les pays occidentaux emporter chez eux une partie des trouvailles effectuĂ©es par leurs archĂ©ologues. Les archĂ©ologues français peuvent alors se rabattre sur la Syrie voisine, qui est sous mandat français et ne pose donc pas le mĂȘme type de conditions, et dont les sites antiques ont Ă©tĂ© trĂšs peu fouillĂ©s (un autre site antique majeur, Ras Shamra, l'antique Ugarit, vient Ă  peine d'ĂȘtre redĂ©couvert)[2].

Le 23 janvier 1934, les premiÚres statues sortent de terre : l'une d'elles dans le temple d'Ishtar porte l'inscription « Lamgi-Mari, roi de Mari, grand issakku, dédie sa statue à la déesse Istar », cette découverte épigraphique permettant d'identifier le site de Tell Hariri comme l'antique Mari[3].

La fondation et la ville I (v. 2900-2550)

Les premiers niveaux d'occupation semblent remonter au début du IIIe millénaire, mais cette période est mal connue car elle est recouverte par les niveaux plus récents.

Une ville nouvelle

La découverte de la Ville I lors des fouilles dirigées par J.-C. Margueron a conduit à une nouvelle lecture de la fondation de Mari par ce dernier, qui se produit vers 2900 av. J.-C. Selon cette analyse, il s'agit d'une ville nouvelle, créée à partir de rien par un pouvoir politique afin de contrÎler des axes commerciaux[4] - [5] - [6] :

« La Ville I rĂ©sulte d’une opĂ©ration d’une ampleur exceptionnelle : la fondation ex nihilo d’une ville nouvelle dans la vallĂ©e de l’Euphrate syrien, pour contrĂŽler les Ă©changes et en tirer profit, sur un axe majeur de circulation – d’abord fluvial puis aussi terrestre – entre l’Anatolie et la MĂ©sopotamie mĂ©ridionale[7]. »

La ville est situĂ©e en retrait par rapport au fleuve, sans doute pour Ă©viter les risques d'inondations. Une digue entoure la citĂ©, pour limiter encore plus ce risque. Un canal permet son approvisionnement en eau et l'accĂšs au port de la ville. La citĂ© est dĂ©fendue par un rempart circulaire de 1 300 mĂštres de diamĂštre. Hormis quelques maisons, rien ne subsiste de cette Ă©poque. On a cependant retrouvĂ© des objets en bronze de trĂšs bonne facture, attestant d'une pratique dĂ©veloppĂ©e de la mĂ©tallurgie Ă  Mari.

L'Ă©quipe de fouilles du site a identifiĂ© sur le terrain trois anciens canaux principaux qu'elle attribue Ă©galement Ă  cette Ă©poque, qui accompagnent la fondation de la ville : un canal d'alimentation de la ville, qui passe Ă  l'intĂ©rieur de celle-ci et sert notamment Ă  fournir un accĂšs Ă  l'eau Ă  ses habitants (aucun puits n'a Ă©tĂ© identifiĂ© sur le site) ; un canal d'irrigation sur la rive droite de l'Euphrate, qui alimente la campagne entourant la ville (l'agriculture Ă©tant impossible sans apport artificiel d'eau en raison de l'ariditĂ© de la rĂ©gion) ; un canal de transport sur la rive gauche (connu actuellement sous le nom de Nahr Dawrin), partant du Khabur et longeant l'Euphrate sur plus de 120 km de long, qui sert Ă  raccourcir et faciliter le transport fluvial dans la rĂ©gion[8] - [9]. Il est impossible de dater mĂȘme vaguement le creusement de ces trois canaux, aussi cette reconstitution ne s'appuie sur aucune preuve dĂ©terminante. Elle rĂ©sulte d'une dĂ©duction « logique »[10] : « la fondation de Mari est subordonnĂ©e Ă  la rĂ©alisation de ce rĂ©seau, volontairement installĂ© pour rĂ©pondre Ă  une organisation basĂ©e sur les Ă©changes[11]. » Sans ces Ă©lĂ©ments la fondation de Mari dans ce lieu ne serait pas justifiĂ©e et donc inexplicable. Et d'un autre cĂŽtĂ© Mari est le seul centre politique qui ait existĂ© dans la rĂ©gion par le passĂ© et qui serait en mesure d'entreprendre ces amĂ©nagements. Ces propositions ont Ă©tĂ© contestĂ©es, et d'autres dates, postĂ©rieures Ă  l'existence de Mari, ont Ă©tĂ© proposĂ©es pour le creusement de ces canaux qui n'apparaissent pas clairement dans les sources Ă©crites antiques[12].

La ville II et le royaume archaĂŻque (v. 2550-2300)

L'intendant Ebih-Il, dignitaire du royaume de Mari, v. 2400 av. J.-C., musée du Louvre

La ville connaßt un affaiblissement à la fin de la période I pour une raison inconnue. Elle redevient une métropole importante au milieu du IIIe millénaire. L'urbanisme de la ville est bien connu pour cette période.

Un royaume puissant

Mari et les principaux sites de la Syrie et de la Haute Mésopotamie au IIIe millénaire av. J.-C.
En brun, extension du royaume de Mari de -2500 à -2290, à l'est du royaume d'Ebla, en bleu, lequel sera connu ultérieurement sous le nom de Yamkhad.

Mari est fondée autour de 3000 avant notre Úre. Les premiÚres mentions historiques de Mari apparaissent dans les textes d'Ebla, et datent du XXIVe siÚcle. Les souverains éblaïtes sont alors tributaires des Mariotes, avant de s'en défaire, ce qui témoigne de la puissance de Mari (confirmée sur place par l'archéologie). Elle apparaßt alors dans la liste royale sumérienne. Cette période faste se finit avec la prise de la cité par le premier souverain d'Akkad, Sargon vers 2330[13].

Les temples et la vie religieuse

Un temple dĂ©diĂ© Ă  Ishtar a Ă©tĂ© exhumĂ© dans la partie ouest du tell principal. Plusieurs temples sont regroupĂ©s vers le centre du tell : ils sont dĂ©diĂ©s Ă  Ninhursag, Shamash, Ninni-zaza, Ishtarat et peut-ĂȘtre Dagan, et le « Massif rouge », une haute terrasse soutenant un temple. Juste Ă  cĂŽtĂ©, se situe un bĂątiment dit « enceinte sacrĂ©e » (Ă  l'emplacement du futur grand palais royal), constituĂ© d'un ensemble de petites piĂšces entourant un espace central. On n'a en revanche pas retrouvĂ© le temple d'Itur-MĂȘr, la divinitĂ© tutĂ©laire de Mari.

Le palais présargonide

À proximitĂ© se trouve un palais datant du milieu du IIIe millĂ©naire (« palais prĂ©sargonide »), recouvert par le grand palais royal du IIe millĂ©naire. Quelques habitations de la mĂȘme Ă©poque ont Ă©tĂ© fouillĂ©es Ă  proximitĂ© de ces Ă©difices. On a aussi retrouvĂ© des statues de belle facture, et quelques objets prĂ©cieux pour la pĂ©riode prĂ©cĂ©dent l'invasion akkadienne.

Les débuts de la ville III et l'époque des Ơakkanakku (v. 2300-1810)

La dynastie des ĆĄakkanakku

Avec l'effondrement de l'Empire d'Akkad au XXIIIe siÚcle av. J.-C., Mari recouvre son indépendance. Les gouverneurs installés par les rois d'Akkad conservent le pouvoir, et la titulature sumérienne. Ils se nomment ƠAGIN (sumérien), ou ƥakkanakku (akkadien), ce qui correspond à l'ancienne charge de gouverneur militaire. Les rois d'Ur III, qui dominent la Mésopotamie, pour un siÚcle, à partir de la fin du XXIIe siÚcle av. J.-C., n'entravent pas l'indépendance de Mari. L'histoire de cette période est mal connue en raison de la rareté des sources écrites. Mais les sources archéologiques témoignent de la prospérité que connaßt la ville à cette époque. La dynastie des ƥakkanakku s'effondre probablement dans le courant du XXIe siÚcle av. J.-C.. La période couvrant le XXe siÚcle av. J.-C. est obscure. La ville paraßt avoir vécu une période difficile. Trois de ces ƥakkanakku sont connus au travers de statues retrouvées sur le site, notamment Ishtup-ilum, Idi-ilum et Puzur-Ishtar dont les statues sont exposées respectivement au musée national d'Alep (Syrie), au musée du Louvre à Paris (France) et au musée archéologique d'Istanbul (Turquie).

La refondation et la ville III

À l'Ă©poque des ĆĄakkanakku, un grand rempart en briques crues entoure la citĂ©.

Le palais royal

La ville subit de grandes rĂ©novations. Le grand palais royal est rebĂąti selon un nouveau plan, seule l’Enceinte sacrĂ©e subsistant de l'Ă©poque prĂ©cĂ©dente. Un second palais a Ă©tĂ© bĂąti, pour servir de rĂ©sidences Ă  des membres de la famille royale, ou au roi lui-mĂȘme. Au sous-sol, deux grands hypogĂ©es devaient abriter les tombes de la famille royale, mais ils ont Ă©tĂ© pillĂ©s.

Les temples

Certains temples sont rénovés. Un nouveau temple, dit « temple aux lions », est bùti, associé à une haute terrasse.

Mari et son royaume Ă  l'Ă©poque amorrite (v. 1810-1760)

Yahdun-Lim

Disque inscrit portant une inscription commémorant la victoire de Yakhdun-Lßm contre les Benjaminites et son expédition jusqu'à la Méditerranée, Musée du Louvre

Yahdun-LĂźm est le premier roi de Mari de la pĂ©riode amorrite que l'on connaisse bien. De son pĂšre Yaggid-LĂźm, on ne sait pas grand chose, mais il semble avoir rĂ©gnĂ© Ă  Suprum, ville situĂ©e Ă  proximitĂ© de Mari mais sur l'autre rive de l'Euphrate. Il rĂšgne de 1810 Ă  1794. Sa premiĂšre entreprise est d'Ă©tendre son royaume vers l'ouest, oĂč il soumet Terqa et Tuttul. Puis il se tourne vers le triangle du Khabur, au nord, oĂč au mĂȘme moment le roi Samsi-Addu d'Ekallatum cherche Ă  s'implanter, et qu'il bat. Il se brouille ensuite avec le roi d'Alep, en prĂ©fĂ©rant l'alliance d'Eshnunna Ă  la sienne, et celui-ci soutient en reprĂ©sailles une rĂ©volte des nomades Benjaminites. Le rĂšgne de Yahdun-LĂźm s'achĂšve par un coup d'État donnant le pouvoir Ă  son fils SĂ»mĂ»-Yamam.

Samsi-Addu et Yasmah-Addu

Cette pĂ©riode trouble s'achĂšve en 1792 par l'invasion du royaume de Mari par Samsi-Addu. Ce dernier choisit finalement de laisser Mari ĂȘtre la capitale d'un royaume, en y plaçant vers 1782 son fils Yasmah-Addu sur le trĂŽne, tout en gardant la prĂ©Ă©minence, en contrĂŽlant sa politique internationale. Samsi-Addu entretient des rapports tendus avec le roi Sumu-epuh d'Alep, du fait de son alliance avec l'ennemi de ce dernier, le roi de Qatna, dont la fille a Ă©pousĂ© Yasmah-Addu. Le roi d'Alep apporte son soutien Ă  Zimri-Lim, chef de la tribu Ă  laquelle appartenait Yahdun-Lim, ainsi qu'Ă  d'autres rois chassĂ©s par Samsi-Addu. La fin de rĂšgne de ce dernier est marquĂ© par des rĂ©voltes, et sa mort en 1775 entraine l'effondrement de sa construction politique. Yasmah-Addu ne tient que quelques mois de plus Ă  Mari, dont s'empare Zimri-Lim.

Zimri-Lim et la chute de Mari

Une fois montĂ© sur le trĂŽne, Zimri-Lim doit choisir entre ĂȘtre le vassal d'Eshnunna, comme Yahdun-Lim auparavant, ou celui d'Alep, qui l'avait protĂ©gĂ© pendant ses annĂ©es d'exil. Il choisit ce-dernier, et se retrouve donc en conflit avec Eshnunna qui suscite Ă  son tour une rĂ©volte des Benjaminites. Zimri-Lim rĂ©ussit Ă  triompher de cette Ă©preuve et renforce ainsi son pouvoir, s'imposant comme l'un des grands rois du Proche-Orient. La suite de son rĂšgne consiste Ă  asseoir le rĂŽle de premier plan de Mari dans le concert international. Il choisit de s'allier au roi d'Élam quand celui-ci attaque Eshnunna. Une fois cette ville tombĂ©e, le roi Ă©lamite choisit cependant de continuer vers le sud et le nord de la MĂ©sopotamie, menaçant les positions de Mari dans la rĂ©gion du Khabur. Zimri-Lim s'allie alors avec le roi Hammurabi de Babylone, qui a lui aussi soutenu le roi Ă©lamite avant de s'en mordre les doigts. Les deux parviennent Ă  susciter une coalition contre l'Élam, qui rĂ©ussit Ă  renvoyer l'assaillant chez lui.

Fort de ce succĂšs, Zimri-Lim renforce son emprise sur la Haute MĂ©sopotamie, mais la situation instable de la rĂ©gion lui impose d'y intervenir directement. Son alliance avec le roi de Babylone se retourne contre lui : il aide ce dernier Ă  prendre la ville de Larsa, ce qui en fait le roi le plus puissant de Basse MĂ©sopotamie et lui permet de lorgner vers le nord, oĂč il menace les positions de Mari. La suite des Ă©vĂšnements est mal connue, mais elle aboutit Ă  un conflit entre les deux anciens alliĂ©s et Mari est prise par les armĂ©es babyloniennes en 1761 av. J.-C. Elle est dĂ©truite en 1759.

Les archives royales de Mari

Tablette des archives du palais royal de Mari, rĂšgne de ZimrĂź-LĂźm

GrĂące aux archives retrouvĂ©es dans le palais royal, l'administration du royaume de Mari est bien connue, mĂȘme si certains aspects restent obscurs.

Les tablettes cunéiformes de Mari ont été écrites en akkadien[14].

Les archives royales ont livrĂ© quelque 25 000 tablettes. Plus de 3 000 d'entre elles sont des lettres, le reste inclut des textes administratifs, Ă©conomiques et judiciaires[15].

Le palais royal

Cour intérieure du palais royal de Mari
Déesse au vase jaillissant, de musée national d'Alep.

Le palais royal de Mari est un vaste Ă©difice de plus de 2,5 hectares. Hormis son extrĂ©mitĂ© sud-ouest disparue Ă  cause de l'Ă©rosion, la majeure partie de l'Ă©difice a pu ĂȘtre explorĂ©e. L'entrĂ©e se fait par une unitĂ© situĂ©e au nord-est, qui comprend la porte d'accĂšs principale au palais, et un peu plus Ă  l'est une seconde porte qui semble servir pour faire rentrer les chars et les biens destinĂ©s aux magasins. L'unitĂ© du nord-est est consacrĂ©e Ă  l'intendance. Deux grandes cours organisent l'Ă©difice : la plus vaste, la cour du bĂątiment aux peintures (ou cour 131) Ă  l'est, et la cour du palmier (ou cour 106) Ă  l'ouest. La premiĂšre est nommĂ©e ainsi parce qu'elle ouvre sur une petite chapelle peinte, consacrĂ©e Ă  la dĂ©esse Eshtar. La seconde est nommĂ©e ainsi parce qu'un palmier se trouvait en son centre. Elle organise le secteur de la maison du roi Ă  proprement parler : sur son cĂŽtĂ© sud s'ouvre un vestibule (papahum) qui conduit Ă  la salle du trĂŽne. Les appartements royaux se situaient Ă  l'Ă©tage, accessible par des escaliers dont les bases ont Ă©tĂ© prĂ©servĂ©es, et devaient surplomber les deux cours sur leurs cĂŽtĂ©s sud. Cela explique la prĂ©sence de cuisines, magasins et piĂšces d'habitation des domestiques qui se trouvent dans la partie sud de l'Ă©difice. La partie situĂ©e Ă  l'ouest de la cour du palmier semble consacrĂ©e Ă  des espaces de rĂ©ception, et l'unitĂ© situĂ©e au nord est la maison des femmes ou harem. Dans la partie sud-est de l'Ă©difice se trouve un sanctuaire, dĂ©diĂ© Ă  la « Dame du palais » (Belet-ekallim), qui s'inscrit dans la continuitĂ© de l'Enceinte sacrĂ©e des phases prĂ©cĂ©dentes[16].

L'organisation administrative

À la tĂȘte du royaume se trouve le roi (ĆĄarrum). Il dispose d'une administration centrale composĂ©e par son entourage. Le plus important dignitaire est le vizir (ĆĄukkallum). Le ĆĄandabakku a pour rĂŽle de contrĂŽler l'Ă©conomie du royaume. Un conseil (piriĆĄtum, « secret »), assiste le souverain dans sa prise de dĂ©cisions. En plus de sa fonction de « roi de Mari », Zimri-Lim est Ă©galement le « roi du pays bĂ©douin », c'est-Ă -dire qu'il est le chef des tribus amorrites des Bensimalites.

Le royaume de Mari est divisĂ© en quatre provinces, autour des villes de Mari, Terqa, SaggarĂątum et QattunĂąn (en), et le territoire de Suhum (en), qui disposait d'un statut Ă  part. À la tĂȘte de la province se trouve un gouverneur (ĆĄapitum). L'intendant (abu bÄ«tim) et le responsable des domaines (ĆĄa sikkatim) sont chargĂ©s de la gestion du domaine du palais. Les tribus nomades bensimalites Ă©taient contrĂŽlĂ©es par le chef des pĂątures (merhĆ«m). L'administration du royaume de Mari est assez bien connue grĂące Ă  l'abondante documentation retrouvĂ©e lors des fouilles. Le rĂŽle des gouverneurs est abondamment documentĂ© dans ces documents Ă©pistolaires[17].

La guerre et l'armée

L'armĂ©e de Mari est bien connue par rapport aux autres armĂ©es de son temps. À la base, elle reprend les divisions instituĂ©es par le royaume d'Ur III. Les soldats (rēdĂ») sont regroupĂ©s par unitĂ©s de dix (eĆĄirtum), commandĂ©es par un chef (waklum). Cinq eĆĄirtĆ« (soit environ cinquante soldats) forment une unitĂ© dont le nom est inconnu, dirigĂ©e par un « lieutenant » (laputtum). Dix eĆĄirtĆ« forment une « section » (pirsum) d'environ cent hommes, dirigĂ©e par un « capitaine » (rab pirsim). Deux ou trois sections forment une « division » (lÄ«tum) de deux cents Ă  trois cents soldats, que commande un « gĂ©nĂ©ral » (rabi amurrim). Puis un corps d'armĂ©e d'environ mille soldats, ummānum, est commandĂ© par un « chef d'armĂ©e » (Ăąlik pān áčŁÄbim), qui est un grand dignitaire du royaume. DiffĂ©rents types d'unitĂ©s existent, selon leur affectation. Il y a ainsi des garnisons urbaines (sāb birtim), une garde du palais (sāb bāb ekallim), des troupes du gĂ©nie (sāb tupĆĄikkānim) et des corps expĂ©ditionnaires, certains constituĂ©s par des ethnies spĂ©cifiques.

La ville de Mari et la vie urbaine

Le systĂšme dĂ©fensif de la ville est renforcĂ© au dĂ©but de l'Ă©poque amorrite, sans doute sous Yahdun-Lim qui revendique de tels travaux dans une inscription. Le double rempart de l'Ă©poque prĂ©cĂ©dente semble prĂ©servĂ© et consolidĂ©, au moins sur le rempart extĂ©rieur dont la face intĂ©rieure est dotĂ©e d'un remblai, ce qui pourrait ĂȘtre une maniĂšre de prĂ©venir le travail de sape lors de siĂšges[18].

Pour le reste la ville se présente toujours suivant les traits généraux de l'époque des Ơakkanakku, les principaux monuments restant en place, avec quelques ajouts comme de grandes résidences situées dans le secteur palatial[19]. Les prospections et fouilles qui ont eu lieu dans le « quartier sud », proche de la muraille intérieure, y ont identifié un important bastion, ainsi qu'une grande résidence[20].

La population de la ville de Mari est difficile Ă  estimer, mais cette ville n'est probablement pas densĂ©ment peuplĂ©e. L'habitat et les constructions devaient surtout ĂȘtre concentrĂ©es dans la partie centrale, autour du centre monumental qui comprenait aussi les rĂ©sidences des Ă©lites. Les textes Ă©voquent une division en quartiers (bābtum), dĂ©signent leurs habitants comme des « fils de la ville » (dumu-meĆĄ ālim), dont le statut exact n'est pas bien compris, aussi les marchands qui vivent dans le quartier commercial (karĆ«m) et les artisans qui occupent des bĂątiments leur servant Ă  la fois de lieu de vie et d'espaces de travail[21].

L'espace situĂ© entre les murailles (kidum, l'« extĂ©rieur ») ne semble pas avoir Ă©tĂ© une zone urbaine Ă  proprement parler, un espace d'horticulture pĂ©riurbaine, mĂȘlant espaces cultivĂ©s et maisons[21].

Campagnes et pratiques agricoles

Au-delĂ  de Mari et des autres villes du royaumes s'Ă©tendaient des espaces cultivĂ©s, oĂč l'habitat Ă©tait organisĂ© autour de bourgs et de villages. Leur nombre est indĂ©terminĂ© : les prospections au sol ont identifiĂ© 27 sites pour la pĂ©riode, mais les textes indiquant au moins 86 noms de lieux pouvant avoir Ă©tĂ© des villages. Les textes indiquent de plus la prĂ©sence de fermes isolĂ©es (dimtum) et d'un habitat dispersĂ©[22]. Les textes semblent indiquer que les districts centraux du royaume, autour de Mari, de Terqa et de Saggaratum, sont densĂ©ment occupĂ©es, le district de la capitale Ă©tant sans doute le plus peuplĂ©. D'une maniĂšre gĂ©nĂ©rale la prĂ©sence de canaux d'irrigation permettait la fixation de villages et un peuplement plus important, et les alvĂ©oles permettent un dĂ©veloppement plus important de l'agriculture et de l'habitat, tandis que les resserrements de la vallĂ©e empĂȘchent un peuplement important. Certaines zones font l'objet d'une mise en valeur Ă  cette pĂ©riode, comme le secteur de l'actuelle Deir ez-Zor, qui fait l'objet de travaux d'irrigation et d'amĂ©nagement sous Yahdun-Lim, qui y construit une ville Ă  son nom (Dur-Yahdun-Lim, « Fort Yahdun-Lim »). Les zones non irriguĂ©es sont moins peuplĂ©es. Le district de Qattunan semble surtout avoir Ă©tĂ© une zone d'Ă©levage, mais des travaux d'irrigation y ont lieu au dĂ©but du rĂšgne de Zimri-Lim[23].

L'espace cultivĂ© est parcouru par des canaux d'irrigation, indispensables au dĂ©veloppement d'une agriculture importante dans cette rĂ©gion de climat aride. Les textes fournissent des indications assez prĂ©cises sur leur aspect et leur organisation, leur entretien faisant l'objet des prĂ©occupations des administrateurs locaux. Dans les fonds de vallĂ©e humides, une agriculture non irriguĂ©e semble pouvoir ĂȘtre pratiquĂ©e[24]. La principale production sont des cĂ©rĂ©ales, avant tout l'orge, mais aussi du blĂ© amidonnier et peut-ĂȘtre une sorte de froment. Le sĂ©same, qui sert Ă  produire de l'huile, est aussi cultivĂ© dans les champs. Les jardins et vergers fournissaient divers fruits et lĂ©gumes. La cueillette, notamment celle des champignons du dĂ©sert ou de salicorne dans les zones humides, fournissait des complĂ©ments[25]. De nombreux espaces sauvages subsistent en plus de la steppe : des zones boisĂ©es, oĂč poussent notamment des peupliers, parfois mis en valeur pour le compte du palais qui avait de forts besoins en bois, et les espaces humides des fonds de vallĂ©e non mis en valeur oĂč se dĂ©veloppent des roseaux[26].

L'organisation de la production agricole est essentiellement documentĂ©e du point de vue du palais et de son domaine : les terres dĂ©pendant de la maison du roi sont essentiellement gĂ©rĂ©e de façon directe, plutĂŽt que par la location. Les domaines royaux Ă©taient confiĂ©s Ă  des intendants, qui dirigeaient les Ă©quipes d'exploitants agricoles, qui sont d'extraction sociale basse sans pour autant ĂȘtre de condition servile. Une partie des terres du palais Ă©tait rangĂ©e dans la catĂ©gorie des champs alimentaires, dont la production servait Ă  rĂ©munĂ©rer un serviteur du roi (administrateurs, soldats). Les plus hauts dignitaires se voyaient confier de vĂ©ritables domaines avec leurs exploitants et les autres moyens de mise en valeur. Ils restaient cependant la propriĂ©tĂ© du palais, Ă  qui ils devaient ĂȘtre restituĂ©s lorsque le service de la personne pour son compte se terminait. S'observent nĂ©anmoins des cas de patrimonialisation de ces terres, dans le cas des hauts dignitaires, les domaines Ă©tant transmis Ă  leurs hĂ©ritiers aprĂšs leur mort. La propriĂ©tĂ© privĂ©e est peu documentĂ©e car elle est en dehors du cadre palatial : les notables disposaient de domaines en propre Ă  cĂŽtĂ© de ceux que leur concĂ©dait le palais, mais les particuliers (muĆĄkēnum) avaient Ă©galement leurs propres terres, peut-ĂȘtre dĂ©tenues sous une forme collective[27].

« À mon Seigneur (Samsi-Addu), dis ceci : ainsi parle Yasmah-Addu, ton serviteur.
Au sujet de Tuttul, auparavant, lorsque La’um, MaĆĄum et MaĆĄiya s’étaient rendus chez mon Seigneur, mon Seigneur leur avait donnĂ© la mission suivante : « Donnez en totalitĂ© les eaux du Balih Ă  Tuttul pour qu’on y cultive une vaste emblavure. À áčąerda, le territoire est exigu et Ă©loignĂ©. Le grain qui, Ă  prĂ©sent, se trouve en ce lieu, qui le prendra ? Au lieu de áčąerda, on doit cultiver les champs de la campagne de Tuttul. » VoilĂ  ce que mon Seigneur leur avait donnĂ© comme mission. De fait, une vaste emblavure est cultivĂ©e Ă  Tuttul. Mais, Ili-uri, allant Ă  Zalpah, a interrompu le cours des eaux du Balih, et a chassĂ© les responsables des cultures que j’avais installĂ©s en cet endroit. Alors, je lui ai Ă©crit et il a rĂ©pondu de cette façon : « Est-il pensable que je fasse cela sans l’aval de mon supĂ©rieur IĆĄkur-lu-til ? C’est IĆĄkur-lu-til qui m’a donnĂ© des ordres et j’ai interrompu le cours des eaux. » VoilĂ  ce qu’il m’a rĂ©pondu. Peut-il exister une riviĂšre sur laquelle deux hommes aient autoritĂ© ? Maintenant que l’on a lĂ -bas interrompu les eaux du Balih, que peu(ven)t faire sans eau (les gens de) Tuttul ? En outre, mon Seigneur le sait, depuis toujours Zalpah dĂ©pend de Tuttul. À prĂ©sent, pourquoi (les gens de) Zalpah le conteste(nt)-il(s) ? Il faut que mon Seigneur envoie des instructions en bonne et due forme Ă  IĆĄkur-lu-til pour que (les gens de) Zalpah ne le conteste(nt) pas. Ils donneront en totalitĂ© les eaux du Balih Ă  Tuttul (et) les champs de la campagne de Tuttul seront tous mis en culture.»

La mise en valeur de terres et les problématiques de partage de l'eau d'irrigation[28].

« Dis à mon Seigneur (Zimri-Lim) : ainsi parle Ibal-pi-El, ton serviteur.
Une tablette est arrivĂ©e Ă  Addu-naáčŁir de chez lui, disant: “Le champ de Dur-Yahdun-Lim que l'on t'avait donnĂ© lorsque ton Seigneur est revenu d'Andarig, on l'a (re)pris et on l'a donnĂ© Ă  Mut-Salim. Par contre, le champ que ton Seigneur t'avait promis, au moment oĂč tu es parti, on ne l'a pas donnĂ©.” VoilĂ  le message qu'on lui a envoyĂ© de chez lui! Il s'est mis Ă  pleurnicher comme un bĂ©bĂ©, disant: “Jusqu'Ă  ce que j'aie la jouissance du champ de fonction que mon Seigneur avait dit au gouverneur de m'attribuer, on ne doit pas me reprendre mon champ, vu que lorsque mon Seigneur est revenu d'Andarig, j'avais dĂ©posĂ© mon prĂ©sent devant lui et obtenu ce champ de mon Seigneur. Pour l'heure, alors que je suis en garnison ici dans la forteresse de mon Seigneur, lĂ -bas, on a repris mon champ pour le donner Ă  quelqu'un d'autre!” VoilĂ  ce qu'Addu-naáčŁir ne cesse de pleurnicher depuis le jour oĂč il a appris ce qu'il en Ă©tait de son champ. J'ai Ă©crit Ă  mon Seigneur la peine d'un serviteur de mon Seigneur, dont j'ai Ă©tĂ© informĂ©. »

Querelle sur la concession d'un champ du palais[29].

Nomadisme et « Bédouins »

« Dis à [Yasmah-Addu], ainsi parle Ha[mmi-iƥtamar], ton frÚre.
Voici, je le constate, vous, ce que mes frĂšres et moi-mĂȘme disons, vous ne l’écoutez pas. On dirait que c’est la haine qui me fait parler, alors que, moi, je parle avec sincĂ©ritĂ©. C’est vous qui dites : « Hammi-iĆĄtamar nous hait fortement pour nous dire de telles choses. » Avant mon dĂ©part, j’ai parlĂ© en ces termes : « Tu dois venir avec moi ! Zimri-Lim a dĂ©cidĂ© de faire route » et, toi, tu envisages de manger, de boire et de dormir mais pas d’aller avec moi. Rester inactif et couchĂ© ne te fait pas rougir. Moi, je te jure que je ne suis jamais restĂ© toute une journĂ©e sans bouger Ă  la maison ! Jusqu’à ce que je sorte Ă  l’extĂ©rieur pour m’aĂ©rer, j’ai un sentiment d’étouffement. Tu places ta confiance lĂ  oĂč il ne faut pas, disant : « J’ai donnĂ© de l’argent Ă  mon clan. » Qu’est-ce que cet argent Ă  toi que tu as donnĂ© ? Cet argent Ă  toi que tu as donnĂ©, moi, je sais tout ce qu’il en est. Hier, ton clan au complet s’est rĂ©uni au Camp ; celui qui t’aime disait : « Écris-lui de venir ! » et celui qui ne t’aime pas : « Ce n’est pas la peine qu’il vienne ! » Or si je n’étais pas venu en personne, (amis et ennemis) ne formeraient-ils pas qu’un ? Dis-moi pourquoi j’aurais besoin de te calomnier ? Peut-ĂȘtre que jamais vent chaud ou froid n’a fouettĂ© ton visage ! Tu es indigne de ta race ! LĂ  prĂ©cisĂ©ment oĂč pĂšre et mĂšre ont contemplĂ© tes traits aprĂšs que tu es tombĂ© du sexe de ta mĂšre, tu ne frĂ©quentes que sexe de femme. Tu n’as pas la moindre (autre) expĂ©rience. Au contraire, regarde-moi : jusqu’à prĂ©sent, j’ai failli pĂ©rir et me suis sauvĂ© de la mort. Au milieu de la ville d’Ahuna, Ă  dix reprises, j’ai rĂ©ussi Ă  me sortir d’une Ă©meute. Pourquoi maintenant ne pas me tenir pour un Dumuzi ? Au comput de l’annĂ©e, on le tue ; Ă  chaque
 il revient au temple d’Annunitum. Moi-mĂȘme, voici comment j’ai toujours procĂ©dĂ© : sur le grain que j’ai fait, je n’ai pas fait de rĂ©serves mais
 Je me trouve arrivĂ© chez les UprapĂ©ens et les (autres) Benjaminites. Voici ce que tu dis : « YanáčŁib-Dagan ira avec toi comme mon reprĂ©sentant personnel. » Quand YanáčŁib-Dagan est venu avec moi, c’était dĂ©jĂ  un vieillard et maintenant il traverserait les rĂ©gions steppiques et il effectuerait un travail quelconquepour toi ? Et quant Ă  ce que tu dis sans cesse : « J’ai donnĂ© de l’argent », moi, j’ai donnĂ© en abondance de l’argent et de la farine et Ă  moi
 l’argent
 (Lacune d’une ligne.) Maintenant, Ă©coute ma prĂ©sente tablette ! Si le roi est en retard pour partir en expĂ©dition, argent, farine et tout ce que tu possĂšdes, prends-le, je t’en prie, et Ă©tant donnĂ© que moi prĂ©sentement je me trouve ici, rejoins-moi chez moi. »

Lettre d'un roi benjaminite ventant les valeurs bédouines[30].

« Dis à mon Seigneur (Zimri-Lim) : ainsi parle Yaqqim-Addu, ton serviteur.
J’avais envoyĂ© deux hommes de MiĆĄul Ă  l’assemblĂ©e des Benjaminites afin de recueillir des informations Ă  leur propos. C’était avant le moment que mon Seigneur remporte la victoire sur les troupes d’EĆĄnunna ; l’un des deux hommes que j’avais envoyĂ©s Ă©tait revenu me dire ceci : « Ils se prĂ©parent Ă  aller aux Bords-de-l’Euphrate pour razzier, se disant : ”Tandis que le roi est dans son camp, allons razzier les Bords-de-l’Euphrate et donnons-lui du tracas !” VoilĂ  ce que les Benjaminites avaient dĂ©cidĂ© ; aprĂšs l’annonce que mon Seigneur avait remportĂ© la victoire sur le prince d’EĆĄnunna, ils se dirent : ”Maintenant que le roi a remportĂ© la victoire sur le prince d’EĆĄnunna, et qu’ils se relĂąchent, allons razzier et rendons service au prince d’EĆĄnunna !” Ils se prĂ©paraient Ă  agir de la sorte, lorsqu’un homme se leva dans leur assemblĂ©e, qui leur dit : ”Toute la population ainsi que le grain des villages des Bensim’alites ça a Ă©tĂ© rassemblĂ© dans les places fortes ; si vous faites une razzia, que prendrez-vous ? Si vous faites une razzia, vous (ne) prendrez (que) des moutons et des bƓufs ; par contre, le roi Zimri-Lim viendra et ses soldats
” VoilĂ  ce qu’il leur a dit. Eux qui se prĂ©paraient Ă  faire un raid se sont arrĂȘtĂ©s et afin de s’informer sur le fond de l’affaire, ils ont envoyĂ© des espions en disant : ”Pas question ! allez donc voir (d’abord) si toute la population, ainsi que le grain des villages, est (rĂ©ellement) rassemblĂ©e dans les places fortes.” » Le bruit m’étant parvenu qu’ils avaient envoyĂ© des espions Ă  eux, je fis aussitĂŽt des signaux de feu et j’écrivis Ă  Sammetar Ă  Mari, afin que le pays soit mis en Ă©tat d’alerte. Les espions, l’ayant vu, repartirent et leur firent le rapport suivant : « Les Bords-de-l’Euphrate sont en Ă©tat d’alerte : toute la population, ainsi que le grain, ça se trouve rassemblĂ©. » Comme ils leur avaient fait ce rapport, (les Benjaminites) ont entrepris de fortifier la ville d’Abattum. Aussi, afin de pouvoir prendre une dĂ©cision en ce qui les concerne, j’ai envoyĂ© deux voyageurs (?) ; je les ai envoyĂ©s aprĂšs les avoir fait embarquer. DĂšs que ces hommes me rejoindront, j’écrirai Ă  mon Seigneur les nouvelles qu’ils me rapporteront. »

La menace des raids benjaminites sous le rĂšgne de Zimri-Lim[31].

Relations diplomatiques

Les textes mis au jour Ă  Mari fournissent une documentation abondante sur les relations internationales du XVIIIe siĂšcle av. J.-C., de la mĂȘme maniĂšre que les lettres d'Amarna pour le XIVe siĂšcle av. J.-C. Elles renvoient Ă  l'existence d'un systĂšme diplomatique reposant sur un ensemble de normes qui permettent de rĂ©guler les rapports entre royaumes[32].

Un principe hiĂ©rarchique rĂ©git les rapports internationaux : un groupe de grands rois, dont les souverains de Mari font partie, dirigent des rois de second rang, qui sont en gĂ©nĂ©ral le vassal d'un roi des premiers. Cela s'exprime dans la terminologie comme un rapport entre « seigneur » et « serviteur », mais aussi suivant la mĂ©taphore de la famille : dans leurs lettres, les premiers se considĂšrent comme les « pĂšres » des seconds, qui sont leurs « fils ». Des souverains de mĂȘme rang se considĂšre comme « frĂšres ». Ces positions changent en fonction des Ă©volutions des rapports de force, et par exemple Zimri-Lim a dĂ» faire ses preuves au dĂ©but de son rĂšgne et remporter plusieurs conflits pour s'imposer comme roi de premier rang[33].

En temps de paix, les diffĂ©rentes cours s'Ă©changent des messages et des prĂ©sents[34]. Les agents de ces relations sont des messagers, qui ont une sorte de fonction d'ambassadeur non permanent. En principe les Ă©changes de cadeaux reposent sur la rĂ©ciprocitĂ© : un roi doit offrir des cadeaux de la mĂȘme valeur que ceux qu'il reçoit, et une entorse Ă  ce principe peut ĂȘtre vue comme un affront. Les rois se portent aussi des appuis militaires, en dĂ©tachant une partie de leurs troupes chez leurs alliĂ©s, ou, quand il s'agit de vassaux, chez leur suzerain. Des alliances matrimoniales consolident les rapports entre cours, quand elles sont alliĂ©es ou en rapport de vassalitĂ©, et aussi quand elles concluent la paix Ă  l'issue d'un conflit. Deux mariages de rois de Mari sont bien documentĂ©s : celui de Yasmah-Addu avec une princesse de Qatna (nommĂ©e Beltum dans les tablettes de ce rĂšgne, sans doute identique Ă  Dam-hurasi qui est connue comme Ă©tant une Ă©pouse de Zimri-Lim qui a repris le harem du roi prĂ©cĂ©dent aprĂšs l'avoir vaincu) ; celui de Zimri-Lim avec une princesse d'Alep, Shibtu. Les unions s'accompagnent de la constitution d'une dot pour l'Ă©pouse et de divers prĂ©sents de l'Ă©poux pour sa nouvelle belle-famille. Zimri-Lim a aussi pratiquĂ© une politique matrimoniale trĂšs active, donnant plusieurs de ses sƓurs et filles en mariage Ă  ses vassaux[35].

Les alliances diplomatiques ont Ă©galement pu ĂȘtre Ă©tudiĂ©es grĂące Ă  la documentation provenant de Mari, appuyĂ©e par celle de sites de la mĂȘme pĂ©riode (notamment Tell Leilan). Il s'agit de « serments par les dieux » dans lesquels un roi s'engage envers un autre, qu'il s'agisse d'un vassal jurant sa loyautĂ© Ă  son suzerain, d'un alliĂ© jurant de prĂȘter main-forte Ă  son « frĂšre » contre un troisiĂšme roi, ou de deux anciens ennemis se promettant de ne plus s'attaquer. Certains des textes jurĂ©s lors des serments ont Ă©tĂ© couchĂ©s par Ă©crit (quatre sont connus concernant Zimri-Lim), et nous sont parvenu ; il ne s'agit pas de textes de traitĂ©s de paix Ă  proprement parler. Des rituels accompagnent ces serments : quand les rois se retrouvent au mĂȘme endroit pour prĂȘter serment, ils sacrifient un Ăąnon ; s'ils concluent leur alliance Ă  distance l'un de l'autre, la cĂ©rĂ©monie a alors le nom de « toucher de gorge » (s'enduire de sang ?)[36] - [37].

« Nous sommes entrĂ©s pour le repas devant Hammu-rabi. Nous sommes entrĂ©s dans la cour du palais. Zimri-Addu, moi-mĂȘme et Yarim-Addu, nous trois seuls, on nous a revĂȘtus d’habits et les YamhadĂ©ens qui sont entrĂ©s avec nous, on les en a vĂȘtus tous. Comme il avait vĂȘtu tous les YamhadĂ©ens alors qu’il ne l’avait pas fait pour les secrĂ©taires, serviteurs de mon Seigneur, moi j’ai dit Ă  Sin-bel-aplim Ă  leur propos : « Pourquoi cette sĂ©grĂ©gation de ta part envers nous, comme si nous Ă©tions des fils de truie ? Nous, de qui donc sommes-nous les serviteurs et les secrĂ©taires, de qui (le sont-ils) ? Nous tous, nous sommes serviteurs d’un roi de premier rang. Pourquoi faites-vous ĂȘtre Ă©trangĂšres la droite avec la gauche ? »
VoilĂ  ce que j’ai dit vivement Ă  Sin-bel-aplim. Moi-mĂȘme je me suis pris de bec avec Sin-bel-aplim et les secrĂ©taires, serviteurs de mon Seigneur, se sont fĂąchĂ©s et sont sortis de la cour du palais. On a dit l’affaire Ă  Hammu-rabi et par la suite on les a vĂȘtus d’habits. Une fois qu’ils furent vĂȘtus, áčŹab-eli-mĂątim et Sin-bel-aplim m’ont fait des reproches et m’ont tenu ce langage : « Voici ce que (te) dit Hammu-rabi : ”Tu ne cesses, dĂšs potron-minet, de me chercher noise. As-tu donc la charge d’ĂȘtre le censeur de mon palais concernant les habits ? Je vĂȘts qui me plaĂźt et ne vĂȘts point qui me dĂ©plaĂźt. Je ne vĂȘtirai pas une autre fois de (simples) messagers Ă  l’occasion d’un repas !” » »

Des messagers de Mari traités avec peu d'égards à la cour de Babylone[38]

« Par Ć amaĆĄ du [Ciel], Atamrum fils de Warad-Sin, roi d’Andarig, a jurĂ© :
« (Je jure qu’)Ă  partir de ce jour, tant que je vivrai, contre Zimri-Lim fils de Yahdun-Lim, roi de Mari et du pays des BĂ©douins, (contre) sa [ville], son armĂ©e et son pays, je ne commettrai [pas] de mĂ©fait, [et qu’envers] Zimri-Lim fils de Yahdun-Lim, (11) [roi de Mari et du pays des] BĂ©douins, [je ne pĂšcherai en aucune maniĂšre(?)]. (
) (Je jure que 
) que j’ai Ă©crit Ă  Zimri-Lim fils de Yahdun-Lim, roi de Mari et du pays des BĂ©douins, je ne (le) lui ai absolument pas Ă©crit par mensonge ni malveillance et que c’est vraiment sans arriĂšre-pensĂ©e que je (le) lui ai Ă©crit. Les bonnes paroles qu’à Zimri-Lim fils de Yahdun-Lim, roi de Mari et du pays des HanĂ©ens, j’ai jurĂ©es, je les lui conserverai scrupuleusement avec une complĂšte sincĂ©ritĂ©. »

Protocole du serment prĂȘtĂ© par Atamrum d'Andarig envers Zimri-Lim de Mari[39].

« Dis Ă  IĆĄme-Dagan : ainsi parle IĆĄhi-Addu, ton frĂšre.
Voici une affaire dont on ne devrait pas parler mais, en rĂ©alitĂ©, il faut que j’en parle et que je soulage mon cƓur ! Tu te comportes en roi souverain, toi ! Tu m’as rĂ©clamĂ© les 2 chevaux que tu voulais et je te les ai fait envoyer. Or c’est 20 mines d’étain que, toi, tu m’as fait porter. Tu ne dois certes pas avoir de dĂ©sir sans m’en parler tout uniment ! Cependant, tu m’as fait porter lĂ  bien peu d’étain ! Si au moins tu ne me faisais rien porter ! J’en atteste le dieu de mon pĂšre, mĂȘme si mon cƓur s’en fĂ»t offusquĂ© — le prix de ces chevaux maintenant chez toi, chez nous, Ă  Qaáč­na, est de 600 sicles (d’argent), leur valeur — voilĂ  que, toi, tu m’as fait porter 20 mines d’étain. Celui qui l’apprendra, que dira-t-il ? Ne se moquera-t-il pas de nous ? Cette maison-ci est ta maison. Que manque-t-il dans la tienne ? Un frĂšre ne donne-t-il pas Ă  un frĂšre ce qu’il dĂ©sire ? Si au moins tu ne me faisais pas porter d’étain, mon cƓur n’aurait pas eu Ă  s’offusquer ! Ce n’est pas toi le roi souverain ! Pourquoi as-tu fait cela ? Cette maison-ci est ta maison ! »

Récriminations d'un roi envers un autre à propos de cadeaux envoyés[40].

« Or nous, tes serviteurs, nous sommes en complĂšte intelligence. Il n'y a personne qui soit en dĂ©saccord. Cette maison-ci depuis toujours est ta maison. La frange-sissiktum de cette maison-ci est liĂ©e Ă  ta frange-sissiktum. PrĂ©sentement, notre seigneur a fait prĂȘter un serment par les dieux Ă  ses serviteurs en ces termes: “Installez l'hĂ©ritier sur le trĂŽne!" À prĂ©sent, nous venons d'installer l'hĂ©ritier, ton fils, sur le trĂŽne. Il faut que ta main soit placĂ©e sur ton fils. Nous tiendrons le pan de ton habit. Donne une jeune fille, ta fille, au jeune garçon, ton fils, afin que cette maison soit ta maison exactement comme auparavant. »

L'importance politique des mariages diplomatiques : les Anciens d'une ville demandent une fille de Zimri-Lim pour leur jeune roi[41].

La vie religieuse Ă  l'Ă©poque amorrite

Statue de lion, cuivre, IIe millĂ©naire dĂ©couvert Ă  Mari dans le Temple des Lions (la tĂȘte de la statue a Ă©tĂ© en partie Ă©crasĂ©e lors de la destruction du site, ce qui explique son aspect actuel). ConservĂ© au musĂ©e du Louvre
Brique de fondation commémorant la reconstruction du temple de Shamash à Mari par Yahdun-Lim. Musée du Louvre.

L'archéologie indique que le temple des lions et le temple de Ninhursag de l'époque des Ơakkanakku restent en usage sans modification notable, tandis que le temple de Shamash connaßt d'importants travaux, datés du rÚgne de Yahdun-Lim, qui commémore ces travaux par une longue inscription découverte inscrite sur des briques de l'édifice. Il suit le plan ancien de l'édifice, mais il érige une grande terrasse cultuelle au nord-ouest du bùtiment, le « Massif à Redans »[42].

Les textes fournissent des indications sur les principales divinitĂ©s vĂ©nĂ©rĂ©es Ă  Mari : Shamash y figure en bonne place, de mĂȘme que la divinitĂ© tutĂ©laire de la ville, Itur-Mer, ainsi que la dĂ©esse Eshtar (dĂ©nomination locale d'Ishtar)[43] dont la fĂȘte semble ĂȘtre la principale cĂ©lĂ©bration religieuse de la ville Ă  cette Ă©poque, connue notamment par un texte rituel[44]. Les autres divinitĂ©s majeures du royaume, associĂ©es Ă  la souverainetĂ©, sont Dagan de Terqa, dont le sanctuaire est le plus important de la rĂ©gion (Dagan dispose Ă©galement d'un important sanctuaire Ă  Tuttul), et Eshtar de Der (ou Diritum), qui semble avoir le rĂŽle de dĂ©esse protectrice de la dynastie de Zimri-Lim, qui participe annuellement Ă  sa grande fĂȘte, en prĂ©sence de ses principaux vassaux, et y commĂ©more ses ancĂȘtres[45].

Une des particularitĂ©s du culte de la rĂ©gion de Mari, et plus largement de la Syrie, est le fait que les dieux y sont reprĂ©sentĂ©s non seulement sous la forme de statues, mais aussi sous celle de pierres, des bĂ©tyles, qui renvoient peut-ĂȘtre plus particuliĂšrement aux traditions bĂ©douines. Peut-ĂȘtre faut-il y voir une origine de la non-reprĂ©sentation de la divinitĂ© sous forme humaine qui se trouve plus tard dans l'IsraĂ«l antique[46].

Les textes du palais royal indiquent également que le roi est en communication permanente avec le monde divin, en accord avec l'idéologie de l'époque qui s'appuie sur le principe de l'élection divine. Le roi et ses serviteurs recourent donc à la divination, en sollicitant l'avis des dieux avant de prendre des décisions, qui couvrent tous les domaines de leur activité : questions militaires et diplomatiques évidemment, conduite du culte, nomination d'un fonctionnaire, et également pour décider du moment opportun pour partir en déplacement, etc. Ils emploient pour cela de façon préférentielle l'extiscipine et l'hépatoscopie, qui consistent à rechercher les messages divins dans les entrailles ou le foie d'un agneau. D'autres formes de divination sont attestées par les textes mais bien moins documentées, notamment celles impliquant des oiseaux[47] - [48].

Dans d'autres situations les dieux s'adressent au roi de leur propre initiative, par le biais d'un mĂ©dium, en gĂ©nĂ©ral une personne associĂ©e Ă  leur temple : ils transmettent leur message soit par le biais d'un rĂȘve, soit par le biais d'une prophĂ©tie proclamĂ©e Ă  voix haute. La documentation de Mari fournit ainsi un corpus de textes important sur le prophĂ©tisme, qui se retrouve par la suite en Assyrie et dans l'IsraĂ«l antique[49] - [50].

Une autre pratique relevant de la communication avec le divin qui apparaĂźt dans plusieurs documents de Mari est l'ordalie fluviale : lorsqu'un litige oppose deux personnes ou deux groupes et qu'il ne peut ĂȘtre tranchĂ© faute de preuve dĂ©cisive, il arrive que les parties s'en remettent Ă  l'avis du dieu-fleuve de la ville de Hit (au sud-est du royaume, partagĂ©e avec Babylone Ă  l'Ă©poque de Zimri-Lim), et se soumettent Ă  une Ă©preuve qui implique de plonger dans le fleuve (ses modalitĂ©s exactes ne sont pas comprises), et qu'il faut rĂ©ussir pour prouver qu'on est dans son bon droit (l'Ă©chec pouvant entraĂźner la mort du participant). Cela ne concerne manifestement que des cas graves, et le roi suit ces affaires de prĂšs[51] - [52].

« Dis à Yasmah-Addu : ainsi parle Samsß-Addu, ton pÚre.
Il y a Ă  Tuttul 14 bƓufs Ă  l’engrais, 42 bƓufs trans-humants, 26 ovins mĂąles Ă  l’engrais, 2 chĂšvres Ă  l’engrais, que l’on a gavĂ©s. Écris Ă  Tuttul. Il faut qu’on embarque bovins et ovins et qu’on (les) envoie en aval pour le rite de dĂ©ploration de Dagan. »

Préparatifs pour l'expédition de bovins à sacrifier au dieu Dagan[53]

« Dis à mon Seigneur (Zimri-Lim) : ainsi (parle) Asqudum, ton serviteur.
J’ai pris les prĂ©sages pour le salut des messagers. Ils ne sont pas bons. Derechef, je les prendrai pour eux. Lorsque les prĂ©sages seront devenus sains, je les expĂ©dierai. D’autre part, au sujet des patrouilleurs du district d’IkĆĄud-appa-ĆĄu et de Habdu-ma-Dagan, en rien les patrouilleurs ne sont encore installĂ©s. Et il ne cesse d’arriver dans les sacrifices de mon Seigneur, toute une sĂ©rie d’organes atrophiĂ©s. Mon Seigneur le sait. On montre de la nĂ©gligence envers les patrouilleurs. Or, les prĂ©sages par extispicine concernant le salut du district oĂč ils sont, ne sont pas bons »

Rapport d'un devin sur des présages défavorables[54].

« Le rĂ©pondant (prophĂšte) d’Addu d’Alep est venu Ă  moi en prĂ©sence d’Abu-halim et m’a dit ceci : « Rapporte Ă  ton maĂźtre ces propos (du dieu) : ”Ne suis-je pas Addu d’Alep qui t’ai Ă©levĂ© sur mon bas-ventre et qui t’ai fait revenir sur le trĂŽne de la maison de ton pĂšre ? (Cependant) je ne te rĂ©clame rien. Lorsqu’un plaignant ou une plaignante feront appel Ă  toi, tiens-toi debout et rends-leur justice. C’est la (seule) chose que je te demande. (Si) tu fais ce que je t’ai indiquĂ© et que tu prĂȘtes attention Ă  ma parole, alors je te livrerai le pays de son orient Ă  son ponant et un pays Ă  toi populeux.” » VoilĂ  ce que le prophĂšte d’Addu d’Alep m’a dit en prĂ©sence d’Abu-halim. Mon Seigneur est informĂ© ! »

Un serviteur de Zimri-Lim lui rapporte une prophétie du dieu Addu d'Alep à son intention[55].

Dis Ă  mon Seigneur (Zimri-Lim) : ainsi (parle) Meptum, ton serviteur.
En ce qui concerne les gens qui devaient plonger pour Ć ubram et Haya-Sumu (deux rois opposĂ©s sur un litige territorial) que mon Seigneur m’avait envoyĂ©s, j’ai envoyĂ© avec ce groupe des prud’hommes de confiance. Pour commencer, ils ont fait plonger une femme et elle, de sortir. AprĂšs elle, ils ont fait plonger un vieux. (En nageant) sur une distance de 80 (mesures) en plein milieu du Dieu, il a rĂ©ussi puis est sorti. AprĂšs lui, on a fait descendre une deuxiĂšme femme, et, elle, de sortir. AprĂšs elle, une troisiĂšme femme, le fleuve (l’)a « Ă©pousĂ©e » (elle s'est noyĂ©e). Étant donnĂ© que le vieux (n’)avait prouvĂ© de droits (que) sur une longueur de 80 (mesures) et que le fleuve a « Ă©pousĂ©e » la troisiĂšme femme, les gens de Haya-Sumu ont refusĂ© que les trois derniĂšres femmes soient soumises Ă  la plongĂ©e. Ils ont convenu : « Ville et terre ne sont pas nĂŽtres ». Le vieux, tombant aux pieds des gens de Ć ubram, dit : « Les femmes qui restent, ne les faites pas plonger, de peur qu’elles ne meurent ! Nous voulons bien produire une tablette de non-revendication au sujet de la ville et de la terre, si bien que nul ne revendique pour la suite des temps et que ville et terre soient Ă  Ć ubram ». Par devant les prud’hommes, les « domestiques » babyloniens et les Anciens de la ville, on leur a fait rĂ©diger une tablette de non-revendication. J’envoie donc maintenant ces gens qui devaient plonger chez mon Seigneur pour qu’il puisse les interroger

Le compte-rendu d'une ordalie fluviale[41].

Les derniĂšres phases d'habitation

AprÚs sa destruction par Hammurabi, Mari sort de l'histoire de la Mésopotamie. Elle n'est plus qu'une petite bourgade sans importance, à la suite des déplacements des routes commerciales, qui évitent dÚs lors le Moyen Euphrate (et l'axe de l'Euphrate en général), qui devient dÚs lors une région de second plan du Moyen-Orient. Mari continue néanmoins à abriter une petite communauté, mentionnée dans quelques textes de la seconde moitié du IIe millénaire jusqu'à l'Úre séleucide, aprÚs quoi le site est définitivement abandonné.

Situation actuelle

À la suite du dĂ©clenchement de la guerre civile syrienne, les fouilles sont arrĂȘtĂ©es et subissent un pillage Ă  grande Ă©chelle. Un rapport officiel rĂ©vĂšle que les pillards se concentrent sur le palais royal, les bains publics, les temples d'Ishtar et de Dagan[56] - [57].

En 2018, aprÚs cinq années passées sous le contrÎle de milices terroristes, d'importants dégùts sont constatés sur le site de Mari. Plusieurs photographies publiées par la Direction des antiquités et des musées (DGAM) de Syrie sont reprises par de nombreux médias à travers le monde. Ce qui restait du palais royal a notamment été détruit par les pilleurs à la recherche de trésors à revendre[58] - [59].

Notes et références

  1. Charles François Jean, Six campagnes de fouilles à Mari, 1933-1939, Castermann, , p. 3
  2. AgnÚs Benoit, Art et archéologie : les civilisations du Proche-Orient ancien, Paris, RMN, coll. « Manuels de l'école du Louvre », , p. 567-568
  3. André Parrot, Mari, Ides et calendes, , p. 122
  4. Margueron 2013, p. 517-520.
  5. Margueron 2004, p. 63-67.
  6. Jean-Claude Margueron, « Planifier une ville nouvelle », sur Archéologie.culture.fr - Mari, non daté (consulté le ).
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Bibliographie

Introductions

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SynthÚses sur les fouilles archéologiques

  • AndrĂ© Parrot, Mari, capitale fabuleuse, Paris, Payot, , 217 p. (ISBN 2228114502 et 978-2-228-11450-9)
  • Jean-Claude Margueron, Mari : mĂ©tropole de l'Euphrate au IIIe et au dĂ©but du IIe millĂ©naire av. J.-C., Paris, Picard, , 576 p. (ISBN 2708407236)
  • Pascal Butterlin, « Cinq campagnes Ă  Mari : nouvelles perspectives sur l’histoire de la mĂ©tropole du Moyen Euphrate », Comptes rendus des sĂ©ances de l'AcadĂ©mie des Inscriptions et Belles-Lettres, vol. 154, no 1,‎ , p. 171-210 (lire en ligne)

Études sur Mari

  • Jean-Marie Durand, Documents Ă©pistolaires du palais de Mari, 3 tomes, Cerf, coll. « LittĂ©ratures anciennes du Proche-Orient », 1997-2000
  • Nele Ziegler et Dominique Charpin, Mari et le Proche-Orient Ă  l’époque amorrite, Essai d’histoire politique, Antony, SEPOA, (lire en ligne)
  • « Tell Hariri / Mari », dans Jacques Briend et Claude Tassin (dir.), SupplĂ©ment au Dictionnaire de la Bible, vol. 14, Letouzey & AnĂ©, , 463 p. (ISBN 2706302526, lire en ligne), col. 213-456
  • Jean-Marie Durand, « La religion Ă  l'Ă©poque amorrite d'aprĂšs les archives de Mari », dans Gregorio del Olmo Lete (dir.), Mythologie et religion des sĂ©mites occidentaux : Volume I. Ébla, Mari, Louvain, Peeters, coll. « Orientalia Lovaniensia Analecta », , p. 161-716
  • Syria SupplĂ©ment II : Mari, ni Est, ni Ouest, vol. 2, Beyrouth, Presses de l'Institut français du Proche-Orient,
  • Sophie Cluzan et Pascal Butterlin (dir.), VouĂ©s Ă  Ishtar : Syrie, janvier 1934, AndrĂ© Parrot dĂ©couvre Mari, Beyrouth, Presses de l'Institut français du Proche-Orient, , 311 p. (ISBN 2351593944)

MĂ©sopotamie et Syrie antiques

  • Syrie : MĂ©moire et Civilisation, Paris, Flammarion et l'Institut du monde arabe, , 487 p. (ISBN 2080124250)
  • Francis JoannĂšs (dir.), Dictionnaire de la civilisation mĂ©sopotamienne, Paris, Robert Laffont, coll. « Bouquins », , 1020 p. (ISBN 2221092074)
  • (en) Peter M. M. G. Akkermans et Glenn M. Schwartz, The Archaeology of Syria : From Complex Hunter-Gatherers to Early Urban Societies (c.16,000-300 BC), Cambridge, Cambridge University Press, , 486 p. (ISBN 0521792304)
  • Martin Sauvage (dir.), Atlas historique du Proche-Orient ancien, Paris, Les Belles Lettres, , 207 p. (ISBN 2251451137)
  • (en) Ilya Arkhipov, « The Middle East after the Fall of Ur: From Assur to the Levant », dans Karen Radner, Nadine Moeller et Daniel T. Potts (dir.), The Oxford History of the Ancient Near East, Volume 2: From the End of the Third Millennium BC to the Fall of Babylon, New York, Oxford University Press, , 976 p. (ISBN 0190687576), p. 310-407

Voir aussi

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