Nicée
NicĂ©e (en grec ÎÎŻÎșαÎčα) est une citĂ© du nord-ouest de lâAnatolie fondĂ©e vers , tour Ă tour hellĂ©nistique, byzantine et ottomane, correspondant Ă la ville turque actuelle dâÄ°znik. Elle est surtout connue comme ayant Ă©tĂ© le siĂšge des premier et deuxiĂšme conciles de NicĂ©e, respectivement en 325 et 787 (les premier et septiĂšme conciles des dĂ©buts de lâĂglise chrĂ©tienne), le lieu oĂč fut rĂ©digĂ© le symbole de NicĂ©e (datant du premier concile) et la capitale de lâempire de NicĂ©e aprĂšs la conquĂȘte de Constantinople par la quatriĂšme croisade en 1204 jusquâĂ ce que cette derniĂšre soit reprise par les grecs en 1261.
Nicée actuelle İznik | |||
Vestiges de la porte de Constantinople à Nicée. | |||
Localisation | |||
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Pays | Turquie | ||
Province | Bursa | ||
RĂ©gion antique | Bithynie | ||
CoordonnĂ©es | 40° 26âČ nord, 29° 43âČ est | ||
GĂ©olocalisation sur la carte : Turquie
GĂ©olocalisation sur la carte : province de Bursa
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Histoire | |||
c. | Fondation | ||
ConquĂȘte romaine | |||
325 | Premier concile de Nicée | ||
787 | DeuxiÚme concile de Nicée | ||
1081-1097 | Capitale du sultanat de Roum | ||
1204-1261 | Capitale de l'empire de Nicée | ||
1331 | ConquĂȘte ottomane | ||
La ville ancienne est situĂ©e dans le pĂ©rimĂštre de la ville actuelle dâÄ°znik Ă lâextrĂ©mitĂ© est du lac Ascanion (aujourdâhui lac d'Ä°znik), entourĂ© de collines au nord et au sud. Elle est entourĂ©e sur tous les cĂŽtĂ©s par un mur de plus de trois kilomĂštres de longueur et de dix mĂštres de hauteur. Un double fossĂ© longe ce mur sur le cĂŽtĂ© terrestre ; plus de cent tours permettent la surveillance du mur. Des portes massives percĂ©es sur la portion terrestre des murs constituaient les seuls moyens dâaccĂšs Ă la ville. De nos jours, ce mur a Ă©tĂ© percĂ© Ă de nombreux endroits pour permettre la circulation, mais une grande partie des fortifications originales a Ă©tĂ© conservĂ©e et constitue une attraction touristique apprĂ©ciable.
La muraille ouest de la ville longe le lac, interdisant ainsi tout siĂšge naval mais permettant un approvisionnement de la ville. Le lac est suffisamment vaste pour ne pas ĂȘtre lâobjet de blocus naval et la ville suffisamment Ă©tendue pour rendre difficile toute tentative dâatteindre le port grĂące Ă des engins de siĂšge montĂ©s sur le rivage.
Histoire
PĂ©riode archaĂŻque
Selon la lĂ©gende, la ville aurait Ă©tĂ© fondĂ©e par le dieu Dionysos ou le demi-dieu HĂ©raclĂšs et nommĂ©e dâaprĂšs la nymphe NicĂ©e dont lâeffigie se retrouvait sur les piĂšces de monnaie de la ville[1].
Selon une autre tradition, la ville aurait Ă©tĂ© bĂątie par des BĂ©otiens et se serait appelĂ©e AngorĂȘ (ÎÎœÎłÎșÏÏη) ou HĂ©licorĂȘ (ÎλÎčÎșÏÏη) ; une autre thĂ©orie, moins rĂ©pandue, voudrait quâelle ait Ă©tĂ© fondĂ©e par des soldats dâAlexandre le Grand originaires de NicĂ©e en Locride, prĂšs des Thermopyles[1]. Quoi quâil en soit, la premiĂšre colonie grecque sur ce site fut probablement dĂ©truite par les Mysiens et rebĂątie par Antigone Ier, lâun des successeurs dâAlexandre (appelĂ©s diadoques) vers . et renommĂ©e Antigoneia (ÎÎœÏÎčÎłÎżÎœÎ”ÎŻÎ±). On sait quâAntigone Ier Ă©tablit des colons bĂ©otiens dans le voisinage, ce qui donne ainsi plus de poids Ă la tradition selon laquelle la ville aurait Ă©tĂ© fondĂ©e par ceux-ci. AprĂšs la dĂ©faite dâAntigone Ier et sa mort lors de la bataille d'Ipsos en 301 av. J.-C., la ville fut prise par Lysimaque qui la rebaptisa NicĂ©e (ÎÎŻÎșαÎčα, aussi transcrit comme Nikaia ou NicĂŠa) en mĂ©moire de sa femme NicĂŠa qui venait de mourir[1].
Peu avant 280 av. J.-C., la ville fut conquise par la dynastie locale des rois de Bithynie. Ce fut le dĂ©but de sa montĂ©e en importance comme rĂ©sidence royale, en mĂȘme temps que de la rivalitĂ© qui devait lâopposer Ă NicomĂ©die. La dispute entre les deux villes pour obtenir le titre de capitale (metropolis) de la Bithynie devait durer deux siĂšcles et la trente-huitiĂšme oraison de Dion Chrysostome fut spĂ©cifiquement composĂ©e pour mettre un terme Ă la controverse[2] - [3].
PĂ©riode romaine
NicĂ©e fut conquise par Rome en . Elle demeura un des centres urbains les plus importants dâAsie Mineure tout au long de la pĂ©riode romaine, continuant sa compĂ©tition traditionnelle avec NicomĂ©die comme siĂšge de la rĂ©sidence du gouverneur romain de Bithynie et du Pont[4] - [2]. Le gĂ©ographe Strabon la dĂ©crit comme bĂątie selon la coutume hellĂšne avec une grande rĂ©gularitĂ©[5]. Elle avait la forme dâun carrĂ© mesurant 16 stades de circonfĂ©rence, c'est-Ă -dire 0,7 km Ă 0,7 km, couvrant donc une superficie de 50 ha ou 0,5 kmÂČ. Elle avait quatre portes et ses rues sâentrecroisaient Ă angle droit conformĂ©ment aux plans dâHippodamos de Milet, permettant, Ă partir dâun monument situĂ© au centre-ville, dâapercevoir les quatre portes[3] - [6]. Ce monument Ă©tait situĂ© au gymnasium, lequel fut dĂ©truit par le feu mais reconstruit par Pline le Jeune qui y fut gouverneur au dĂ©but du IIe siĂšcle. Pline fait du reste frĂ©quemment mention de NicĂ©e et de ses monuments dans ses Ă©crits[3].
Dans le cadre des grands voyages entrepris pour mieux intĂ©grer les provinces Ă lâEmpire, lâempereur Hadrien visita la ville en 123 ap. J.-C., aprĂšs quâelle eut Ă©tĂ© gravement endommagĂ©e par un tremblement de terre, et en fit commencer la reconstruction. La nouvelle ville Ă©tait entourĂ©e dâun mur polygonal de plus de trois kilomĂštres de longueur. Elle ne devait ĂȘtre achevĂ©e quâau IIIe siĂšcle et ses nouvelles murailles ne la sauvĂšrent pas des attaques des Goths en 258[2] - [6]. Les nombreuses piĂšces de monnaie de NicĂ©e encore existantes tĂ©moignent de lâintĂ©rĂȘt portĂ© Ă la citĂ© par les empereurs romains ainsi que de la fidĂ©litĂ© des citoyens envers ces derniers. Nombre de ces piĂšces commĂ©morent les grandes festivitĂ©s qui y Ă©taient cĂ©lĂ©brĂ©es en lâhonneur des dieux et de lâempereur comme Ă Olympie, Isthmie, Dionysies, Delphes, Philadelphie, etc.[3] - [7].
PĂ©riode byzantine
SituĂ©e Ă quelque 100 kilomĂštres de Constantinople, NicĂ©e, au IVe siĂšcle, Ă©tait devenue une citĂ© prospĂšre ainsi quâun important centre administratif et militaire en voie de christianisation. On y produisait suffisamment de textile pour en exporter ; elle Ă©tait Ă©galement un centre de production de verrerie et dâobjets de mĂ©tal[8]. Avec NicomĂ©die, elle formait « la grande banlieue asiatique de Constantinople[9] ». Elle Ă©tait situĂ©e sur la grande voie commerciale et militaire qui reliait Constantinople et, Ă partir dâIconium (aujourdâhui Konya), soit la vallĂ©e de lâEuphrate via lâancienne route des Indes, soit lâArmĂ©nie via CĂ©sarĂ©e de Cappadoce : deux routes vitales pour lâĂ©conomie de lâEmpire romain d'Orient[10]. En 325, lâempereur Constantin y convoqua le premier concile ĆcumĂ©nique[11]. La citĂ© donna son nom au symbole de la foi qui y fut adoptĂ© au concile de 325[12] - [11], toujours en vigueur tel quel dans les Ăglises orthodoxes, et Ă©galement intĂ©grĂ©, avec lâajout des 14 conciles ultĂ©rieurs, dans la thĂ©ologie de lâĂglise catholique[13].
NicĂ©e maintint son importance tout au long du IVe siĂšcle et fut tĂ©moin de la proclamation de lâempereur Valens (364) et de la rĂ©volte manquĂ©e de Procope (365). Au cours de cette mĂȘme pĂ©riode lâĂ©vĂȘchĂ© de NicĂ©e se sĂ©para de celui de NicomĂ©die et fut Ă©levĂ© au rang dâarchevĂȘchĂ©, son titulaire prenant le titre de « mĂ©tropolite ». La ville, dĂ©vastĂ©e par deux tremblements de terre dâenvergure en 363 et 368, connaĂźt un fort dĂ©clin : beaucoup de ses grands Ă©difices publics, nĂ©gligĂ©s, tombĂšrent en ruines et durent ĂȘtre restaurĂ©s au VIe siĂšcle par lâempereur Justinien[11]. Marcien (nĂ© vers 395, empereur en 450, mort en 457) y convoqua un nouveau concile qui se rĂ©unit le , mais fut dĂ©placĂ© presque immĂ©diatement vers ChalcĂ©doine, plus proche de Constantinople, sans doute pour que lâempereur puisse y assister en personne malgrĂ© la pression que faisaient peser les Huns dâAttila sur la frontiĂšre du Danube[14].
Par la suite, la ville nâest plus mentionnĂ©e dans les sources jusquâau dĂ©but du VIIIe siĂšcle. En 715, lâempereur Anastase II sây rĂ©fugia aprĂšs avoir Ă©tĂ© dĂ©posĂ©. NicĂ©e rĂ©sista avec succĂšs aux attaques des califes omeyyades en 716 et en 727[15] - [16]. Un nouveau tremblement de terre eut lieu en 740. La ville fut tĂ©moin de la rĂ©volte dâArtabasde en 741/742 et fut le siĂšge du septiĂšme concile ĆcumĂ©nique qui condamna lâiconoclasme en 787[17] - [18] - [19]. Au cours du mĂȘme siĂšcle, la ville devint la capitale du thĂšme de lâOpsikion.
Au IXe siĂšcle, lâempereur Michel III, dans la lutte acharnĂ©e quâil menait contre les Arabes, fit reconstruire ses fortifications[20]. En raison de sa proximitĂ© avec Constantinople, NicĂ©e devint le point de dĂ©part de rebellions au Xe siĂšcle et XIe siĂšcle, comme celle de Bardas SklĂšros (978)[21]. Celles-ci furent facilement maĂźtrisĂ©es, mais Ă la suite de la rĂ©bellion de NicĂ©phore Melissenos, qui sâĂ©tait proclamĂ© empereur Ă NicĂ©e et avait appelĂ© le sultan seldjoukide Soliman Ă son aide, la ville finit par tomber aux mains des Turcs seldjoukides en 1081, dix ans aprĂšs la chute de la majeure partie de lâAnatolie aux mains des Turcs[22] - [23] - [24]. Les Seldjoukides firent de NicĂ©e la capitale de leurs possessions dâAsie Mineure jusquâen 1097 lorsquâelle fut reprise par les Byzantins avec lâaide de la premiĂšre croisade au prix dâun long siĂšge[25] - [26].
Comme pour le reste de lâEmpire, NicĂ©e connut au XIIe siĂšcle un siĂšcle de stabilitĂ© relative et de prospĂ©ritĂ© : la population sâĂ©tablissait alors Ă entre 30 000 et 100 000 habitants[27] - [28]. Les empereurs ComnĂšnes (Alexis, Jean et Manuel) conduisirent de nombreuses campagnes pour raffermir la prĂ©sence byzantine en Asie Mineure. Dâimportantes fortifications furent construites, spĂ©cialement sous Jean et Manuel, qui aidĂšrent Ă protĂ©ger Ă la fois la ville et ses campagnes fertiles, convoitĂ©es par les Ă©mirs turcs. Plusieurs bases militaires et colonies existaient Ă©galement dans la rĂ©gion, par exemple prĂšs de Rhyndakos en Bithynie oĂč lâempereur Jean passa toute une annĂ©e Ă entraĂźner ses soldats en vue de campagnes en Asie Mineure[29].
AprĂšs la chute de Constantinople aux mains de la quatriĂšme croisade en 1204, lâEmpire de NicĂ©e fut lâun des Ătats grecs survivants. Lorsque les croisĂ©s crĂ©Ăšrent un nouvel empire « latin » dans la capitale aprĂšs avoir dĂ©posĂ© lâempereur Alexis III Ange, son gendre ThĂ©odore Laskaris quitta Constantinople pour lâAsie Mineure oĂč, en 1206, il s'Ă©tablit Ă NicĂ©e oĂč il fut couronnĂ© empereur en 1208[30]. AprĂšs des dĂ©buts difficiles, le jeune empire prit bientĂŽt son essor : au printemps 1211, ThĂ©odore rĂ©ussit Ă vaincre les forces du sultan seldjoukide auprĂšs duquel sâĂ©tait rĂ©fugiĂ© Alexis III ; le sultan pĂ©rit au cours de la bataille alors quâAlexis III finit ses jours dans une prison de NicĂ©e[31].
Sur le plan religieux, le patriarche de Constantinople, Jean X Kamateros, rĂ©fugiĂ© en Thrace, dĂ©clina lâinvitation de ThĂ©odore Laskaris de venir sâĂ©tablir Ă NicĂ©e. Mais dĂšs son dĂ©cĂšs en 1206, le synode de NicĂ©e Ă©lut patriarche le savant Michel Autoreianos qui reprit le titre de patriarche ĆcumĂ©nique et procĂ©da au couronnement de ThĂ©odore en 1208[32]. Lorsque les Serbes demandĂšrent leur autonomie ecclĂ©siastique, câest au patriarche de NicĂ©e quâils sâadressĂšrent, le reconnaissant ainsi comme primat de lâĂglise orthodoxe[33], de sorte quâen 1332, Jean III et son patriarche Germain II purent sâadresser au pape comme reprĂ©sentants lĂ©gitimes des chrĂ©tiens orientaux[34]. Toutefois, la ville de NicĂ©e fut bientĂŽt dĂ©laissĂ©e comme rĂ©sidence principale des empereurs qui lui prĂ©fĂ©raient Nymphaion et MagnĂ©sie sur le MĂ©andre. Jean III Doukas VatatzĂšs (1222-1254) rĂ©ussit Ă faire de lâĂ©tat grec de NicĂ©e, pourtant coincĂ© entre les « latins » au nord-ouest et les musulmans au sud-est, une puissance respectĂ©e. Il rĂ©ussit non seulement Ă reprendre pied dans les Balkans et Ă se rendre maĂźtre de lâempire de Thessalonique, mais aussi Ă nouer des relations tant avec la papautĂ© quâavec lâEmpire latin[35].
Peu aprĂšs la fondation de lâempire de NicĂ©e, la ville devint non seulement un point de ralliement pour la reconquĂȘte de Constantinople Ă lâinstar des deux autres Ătats grecs successeurs (le despotat dâĂpire et lâempire de TrĂ©bizonde) mais aussi un centre dâintense activitĂ© intellectuelle. Si bien que Georges de Chypre (1241-1290), qui sâĂ©tait rĂ©fugiĂ© Ă NicĂ©e et deviendra patriarche de Constantinople aprĂšs la reconquĂȘte, dira dâelle quâelle « ressemblait Ă lâancienne AthĂšnes par lâabondance de ses Ă©rudits » et qu'elle Ă©tait une « source de connaissance aussi merveilleuse quâintensĂ©ment aimĂ©e[36] ». ThĂ©odore Ier y attira de nombreux lettrĂ©s du monde grec tombĂ© aux mains des Latins. Nombre dâintellectuels sây rĂ©fugiĂšrent, comme lâĂ©crivain NicĂ©tas ChoniatĂšs, lâĂ©rudit NicĂ©phore BlemmydĂšs, et lâhistorien Georges AkropolitĂšs. En 1234 sây tint une rĂ©union avec les reprĂ©sentants du pape GrĂ©goire IX (qui fut transfĂ©rĂ©e par la suite Ă Nymphaeion) dans le but de nĂ©gocier la rĂ©union des deux Ăglises sĂ©parĂ©es depuis 1054[37].
AprĂšs la reconquĂȘte de Constantinople par les Grecs, NicĂ©e perdit de son importance. De plus, la politique de Michel VIII PalĂ©ologue, qui dĂ©laissait la frontiĂšre anatolienne, occasionna de graves rĂ©bellions en 1262 et 1265, alors que la panique sâinsinuait en ville, nourrie par les rumeurs au sujet dâune attaque mongole imminente. Cette rĂ©bellion de paysans bien armĂ©s se doubla de la rivalitĂ© opposant lâempereur Michel VIII PalĂ©ologue et le patriarche ArsĂšne Autorianos, partisan de la famille des Lascaris[38]. Lâempereur Andronic II visita la ville en 1290 et prit soin de restaurer ses dĂ©fenses, mais lâEmpire sâavĂ©ra incapable de freiner lâexpansion ottomane dans la rĂ©gion[11]. Aussi, lorsque lâempereur Andronic III et Jean CantacuzĂšne furent dĂ©faits Ă PĂ©lĂ©kanon le , seules quelques villes comme NicĂ©e, NicomĂ©die, Brousse, Sardes et Philadelphie continuĂšrent de dĂ©pendre des Byzantins[39]. Il devint rapidement impossible de les dĂ©fendre et NicĂ©e dut se rendre aux Ottomans aprĂšs un siĂšge de trois ans, le [40] - [41].
PĂ©riode ottomane
La ville fut donc conquise et intĂ©grĂ©e Ă lâEmpire ottoman qui, aprĂšs la conquĂȘte de NicomĂ©die, sâĂ©tendait sur la presque totalitĂ© de la Bithynie et de lâAsie Mineure. Soumis Ă cette nouvelle puissance et Ă sa lĂ©gislation musulmane, les habitants sây intĂ©grĂšrent : nombreux furent ceux qui se convertirent Ă lâislam et passĂšrent au turc pour Ă©chapper au statut de roumis et Ă la double-capitation imposĂ©e aux non-musulmans, en dĂ©pit des protestations du patriarche de Constantinople qui leur adressa vainement des admonestations en 1339 et 1340[42]. Les villes de Bithynie reprirent le rĂŽle important qui avait jadis Ă©tĂ© le leur dans le commerce international : les deux industries majeures de NicĂ©e, le textile et la cĂ©ramique, en furent ravivĂ©es[43]. Orhan , le deuxiĂšme sultan ottoman, envoya mĂȘme une caravane Ă Constantinople pour y vendre les icĂŽnes, manuscrits et reliques quâil avait enlevĂ©s aux Ă©glises de NicĂ©e[44]. Un grand nombre dâĂ©difices publics furent dĂ©truits et leurs matĂ©riaux utilisĂ©s par les Ottomans pour la construction de mosquĂ©es et autres Ă©difices. AprĂšs la chute de Constantinople en 1453, NicĂ©e perdit Ă nouveau son importance, mais retrouva une nouvelle vitalitĂ© au XVIIe siĂšcle en devenant un centre de production de faĂŻence et porcelaine.
- Plat d'Iznik, British Museum.
Les vestiges
Dans lâun de ses poĂšmes, NicĂ©phore BlemmydĂšs (1197-vers 1269) dĂ©crit ainsi la ville : « NicĂ©e, une ville aux larges avenues, remplie de gens, fiĂšre de ce quâelle contient, constitue la marque par excellence de la bienveillance impĂ©riale[45]. »
Les anciennes murailles ainsi que leurs tours et portes sont relativement bien conservĂ©es. Elles sâĂ©tendent sur plus de trois kilomĂštres, Ă©tant dâune Ă©paisseur de 5 Ă 7 mĂštres Ă la base et dâune hauteur de 10 Ă 13 mĂštres. Elles sont percĂ©es de quatre larges portes et de deux plus petites. Sauf Ă quelques endroits, elles sont faites de dalles romaines et de blocs de pierre Ă©quarris joints par un ciment trĂšs Ă©pais. Des colonnes et autres fragments de ruines ou dâĂ©difices plus anciens y sont intĂ©grĂ©s çà et lĂ . Comme ceux de Constantinople, les murs semblent avoir Ă©tĂ© Ă©difiĂ©s au IVe siĂšcle. Quelques tours portent des inscriptions grecques[46].
Les ruines des temples antiques, Ă©glises, synagogues, mosquĂ©es, bains, marchĂ©s couverts et villas, dispersĂ©es Ă travers les jardins et immeubles modernes, occupant une grande partie de lâespace autrefois Ă lâintĂ©rieur des fortifications romaines et byzantines, tĂ©moignent de ce que lâendroit eut, pendant la pĂ©riode ottomane, une importance certaine, quoique moindre que pendant la pĂ©riode byzantine[47]. Lâancien centre-ville ottoman semble avoir Ă©tĂ© entiĂšrement construit avec les dĂ©bris de lâancienne NicĂ©e, et les murs en ruine des anciennes mosquĂ©es et bains publics (thermes devenus « bains turcs ») sont pleins de fragments des anciens temples et Ă©glises greco-romains. Au nord-ouest de la ville, deux digues sâavancent dans le lac, formant un port. Toutefois, le lac sâest considĂ©rablement envasĂ© Ă cet endroit et lâancien port est dĂ©sormais un marĂ©cage. Hors des murs de la ville, on peut aussi voir les ruines dâun ancien aqueduc[46].
LâĂ©glise de la Dormition Ă©tait la principale Ă©glise grecque orthodoxe de NicĂ©e et lâune des Ă©glises byzantines dâAsie Mineure dont lâarchitecture Ă©tait la plus impressionnante. OrnĂ©e dâun dĂŽme et dotĂ©e dâune nef ayant la forme dâune croix Ă lâabside allongĂ©e, elle datait possiblement de la fin du VIe siĂšcle. Son bĂȘma, oĂč se trouvaient lâautel et le trĂŽne patriarcal, Ă©tait dĂ©corĂ© de fines mosaĂŻques, dĂ©truites par les iconoclastes mais restaurĂ©es au IXe siĂšcle. BombardĂ©e en 1922 lors du conflit grĂ©co-turc consĂ©cutif Ă la PremiĂšre Guerre mondiale, il nâen reste plus aujourdâhui que les bases des murs, le pavement et quelques Ă©lĂ©ments de marbre[48] - [49].
LâĂ©glise Sainte-Sophie de NicĂ©e, site du concile de 787, musĂ©e Ă lâĂ©poque de Mustafa Kemal AtatĂŒrk, est redevenue mosquĂ©e en novembre 2011, neuf ans avant la basilique Ayasofya d'Istanbul.
Des fouilles archĂ©ologiques sont en cours dans les fourneaux ottomans oĂč Ă©taient produites les faĂŻences de NicĂ©e.
Tradition chrétienne
Le concile de NicĂ©e a Ă©tabli que les clercs doivent toujours ĂȘtre attachĂ©s Ă une Ăglise (canon 15). Plus tard, le concile de ChalcĂ©doine (451) pose lâinterdiction dâordonner un clerc, y compris un Ă©vĂȘque, sans lui confier un lieu Ă desservir (canon 6). Dans lâesprit de ces conciles anciens, il sâagit dâune communautĂ© rĂ©elle de chrĂ©tiens et non dâun titre. Entre-temps, Ă mesure que lâĂgypte, le Proche-Orient et lâAnatolie passaient sous juridiction musulmane et perdaient leurs communautĂ©s chrĂ©tiennes, est apparue dans les Ăglises issues de la Pentarchie (Ăglise catholique romaine et Ăglises orthodoxes canoniques) la tradition des siĂšges titulaires (Ă©piscopaux ou archiĂ©piscopaux) : des titres accordĂ©s Ă certains prĂ©lats qui, sans avoir de juridiction territoriale sur des diocĂšses actuels, occupent des fonctions dans le gouvernement de leur Ăglise, pour lesquelles ils sont consacrĂ©s Ă©vĂȘques. La nomination dâĂ©vĂȘques ou archevĂȘques « titulaires » est strictement du ressort du Saint-SiĂšge dans lâĂglise catholique romaine et des Patriarches (surtout celui de Constantinople) dans les Ăglises orthodoxes, mais la pertinence thĂ©ologique de ces Ă©vĂȘques sans charge pastorale rĂ©elle suscite des dĂ©bats et beaucoup de ces siĂšges, dont NicĂ©e, sont dĂ©sormais vacants[50].
Dans lâĂglise catholique romaine, ceux auxquels ce titre est accordĂ©, autrefois appelĂ©s Ă©vĂȘques in partibus, pour in partibus infidelium (« en pays des infidĂšles »), par rĂ©fĂ©rence Ă dâanciens diocĂšses disparus au cours de lâhistoire, sont depuis LĂ©on XIII (1882) dĂ©nommĂ©s « Ă©vĂȘques titulaires ». Tout Ă©vĂȘque, mĂȘme si contraint Ă la dĂ©mission, reste « Ă©vĂȘque d'un lieu particulier » ; il lui est alors donnĂ© le titre d'un siĂšge titulaire. Ainsi, lâarchevĂȘchĂ© catholique de NicĂ©e constitue un « siĂšge titulaire » vacant depuis le dĂ©cĂšs de son dernier titulaire en 1976[51].
Dans les Ăglises orthodoxes, particuliĂšrement celle de GrĂšce, les siĂšges titulaires correspondent aux anciens Ă©vĂȘchĂ©s ou archevĂȘchĂ©s de lâEmpire byzantin restĂ©s sans fidĂšles en raison du passage des habitants de ces territoires Ă lâislam et de lâexpulsion des chrĂ©tiens au fil des siĂšcles (notamment au moment du TraitĂ© de Lausanne de 1923) : NicĂ©e est ainsi siĂšge titulaire pour le patriarcat ĆcumĂ©nique de Constantinople. Le titulaire de 2001 Ă 2010 Ă©tait lâancien archevĂȘque de CarĂ©lie et de toute la Finlande, le mĂ©tropolite John Rinne (en).
Personnalités liées à Nicée
- Hipparque de Nicée (IIe siÚcle av. J.-C.), astronome, géographe et mathématicien grec.
- Cassius Dio (vers 165-vers 229), historien romain d'expression grecque.
- Sporos de Nicée (vers 240-vers 300), mathématicien et astronome grec.
- Georges PachymĂšre (1242-vers 1310), historien byzantin.
Notes et références
- (en) Cet article est partiellement ou en totalitĂ© issu de lâarticle de WikipĂ©dia en anglais intitulĂ© « Nicaea » (voir la liste des auteurs).
- Stefanidou (2003), chap. 2 : « Foundation, other names ».
- Stefanidou (2003), chap. 3 : « History ».
- Dictionary of Greek and Roman Geography (1854) : « NicÊ ».
- Morrisson (2004), p. 305.
- Strabon, XII. 565 et sq.
- Stefanidou (2003), chap. 5 : « Culture ».
- Voir à ce sujet Petit, « La politique des empereurs », 1974, pp. 265-273..
- Treadgold (1995), pp. 139-141. - Morrisson (2004), p. 371.
- Bréhier (1969), p. 11.
- Bréhier (1969), p. 15. - Cheynet (2007), p. 406.
- Kazhdan 1991, t. 2, p. 1463-1464, article « NicÊa ».
- Treadgold (1997), pp. 42-43.
- Adolf von Harnack (trad. EugÚne Choisy, postface Kurt Kowak), Histoire des dogmes, Paris, Cerf, coll. « Patrimoines. Christianisme », , 2e éd., 495 p. (ISBN 978-2-204-04956-6, OCLC 409065439, BNF 35616019).
- Treadgold (1997), p. 98. - Morrisson (2004), p. 69.
- Cheynet (2007), p. 13.
- Treadgold (1995), pp. 344-348.
- Treadgold (1997), pp. 420-421.
- Ostrogorsky (1983), p. 207.
- Cheynet (2007), p. 17.
- Ostrogorsky (1983), p. 255.
- Bréhier (1969), pp. 179 et 222 ; Ostrogorsky (1983), p. 323.
- Cheynet (2007), p. 49.
- Bréhier (1969), pp. 237 et 239.
- Ostrogorsky (1983), p. 371.
- Treadgold (1997), pp. 614-622 passim.
- Bréhier (1969), pp. 255 et sq.
- Treadgold (1997), p. 702.
- Laiou (2011), pp. 80-82, 96, 99.
- Cheynet (2007), pp. 438-440.
- Bréhier (1969), pp. 304 et sq.
- Laiou, La puissance grandissante de lâempire de NicĂ©e (1230-1259), 2011, pp. 9-11.
- Laiou (2011), p. 203.
- Cheynet (2007), p. 470.
- Pour toute cette période, voir Georg Ostrogorsky (1983), pp. 448-454 et Treadgold (1997), pp. 821-827.
- Sur la montĂ©e de lâempire de NicĂ©e, voir Treadgold (1997), pp. 723-730.
- Patrologia GrÊca, CXLII, 21, cité par Vassiliev (1952), p. 548.
- Vassiliev (1952), p. 543.
- Laiou (2011), p. 18.
- Treadgold (1997), p. 761.
- Nicol (2005), p. 195.
- Laiou (2011), p. 27.
- Laiou (2011), p. 215.
- Laiou (2011), p. 100, 104.
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Annexes
Bibliographie
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Articles connexes
Liens externes
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