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Bithynie

La Bithynie (en grec ancien : ΒÎčΞύΜÎčα / BithĂœnia) est une rĂ©gion historique de l'Asie mineure situĂ©e sur la cĂŽte nord, entre le dĂ©troit du Bosphore, la Propontide, le Pont-Euxin, la Paphlagonie, et bornĂ©e au sud par la Galatie et la Phrygie.

La Bithynie dans l'Asie mineure antique.

Les villes principales de Bithynie sont NicomĂ©die et NicĂ©e, qui se disputent le titre de capitale selon l'Ă©poque, ainsi qu'HĂ©raclĂ©e du Pont (actuelle Karadeniz Ereğli), Pruse (actuelle Bursa) et ChalcĂ©doine (actuelle Kadıköy).

Elle est actuellement située en Turquie.

Bithynie et thĂšmes byzantins vers 842.

La Bithynie entre indépendance et grands empires

Selon HĂ©rodote et XĂ©nophon dans l’Anabase[1], les Bithyniens et les Thyniens, fondateurs du pays, sont des tribus thraces. Ils forment d’abord un État indĂ©pendant avant d’ĂȘtre annexĂ©s par CrĂ©sus, roi de Lydie. Ils passent ensuite sous domination perse, oĂč la Bithynie est incluse dans la satrapie de Phrygie. Avant Alexandre le Grand, la Bithynie, dĂ©jĂ  profondĂ©ment hellĂ©nisĂ©e, retrouve son indĂ©pendance. NicomĂšde Ier est le premier roi de cette seconde pĂ©riode d’indĂ©pendance. Durant son long rĂšgne, de 278/243 av. J.-C., le royaume connaĂźt la prospĂ©ritĂ© et jouit d’une position respectĂ©e parmi les petits royaumes d’Asie mineure. Le jeune CĂ©sar reçoit de Rome la mission de demander au roi NicomĂšde IV le renfort de sa flotte. SuĂ©tone se fait Ă  ce propos l’écho d’une rumeur sur la rĂ©putation de CĂ©sar « Sa rĂ©putation, Ă  l'Ă©gard des mƓurs, ne fut jamais entachĂ©e que par son intimitĂ© avec NicomĂšde, mais cela lui valut un dĂ©shonneur grave et durable, qui l'exposait aux insultes de tous. Je ne citerai pas les vers biens connus de Calvus Liciniusː Tour ce que possĂšdent la Bythynie et l'amant de CĂ©sar » [2]. Il aurait servi d’échanson Ă  la cour du roi et aurait partagĂ© sa couche[3]. Cette suspicion, qui peut n’ĂȘtre qu’une lourde et classique plaisanterie de soldats le brocardant du surnom de « reine de Bithynie »[4], suit CĂ©sar depuis les commentaires dĂ©sobligeants de ses adversaires politiques, jusqu’à son triomphe final. NicomĂšde IV est renversĂ© par son voisin Mithridate VI, souverain du royaume pontique. RestaurĂ© sur le trĂŽne par la RĂ©publique romaine, NicomĂšde IV lĂšgue par testament son royaume Ă  Rome en 74 av. J.-C. ; la Bithynie devient alors province romaine. Bien que sise en Thrace, Byzance dĂ©pend alors, par pĂ©riodes, de la province de Bithynie, notamment durant le mandat de gouverneur de Pline le Jeune.

Liste des rois de Bithynie

Drachme du royaume de Bithynie à l'effigie d'Héraclée pontique.
La province romaine de Bithynie et du Pont, vers 120.

Bithyniens célÚbres

Le plus cĂ©lĂšbre Bithynien est probablement AntinoĂŒs, l’amant de l’empereur romain Hadrien. Denys d'HĂ©raclĂ©e est Ă©galement liĂ© Ă  la rĂ©gion, ainsi que l’impĂ©ratrice Cornelia Salonina, Ă©pouse de l’empereur Gallien, qui en serait originaire. Le rhĂ©teur Dion de Pruse, connu pour ses nombreux discours, est un autre Bithynien cĂ©lĂšbre. Sainte HĂ©lĂšne, mĂšre de l'empereur romain Constantin Ier le Grand (306-337), est Ă©galement originaire de Bithynie : elle est nĂ©e Ă  Drepanum vers 248-249.

La création de la province romaine

En 74 av. J.-C., le roi NicomĂšde IV de Bithynie meurt sans hĂ©ritier mĂąle lĂ©gitime ; il lĂšgue alors son royaume au SĂ©nat romain, son alliĂ© depuis les guerres mithridatiques. Le SĂ©nat accepte les legs de NicomĂšde IV et charge le gouverneur d’Asie (Iunius Iuncus) d’organiser la nouvelle province devenue romaine. Les problĂšmes de succession en Bithynie reprĂ©sentent une opportunitĂ© pour Mithridate VI d’envahir la nouvelle province romaine, alors que la population l’accueille tel un libĂ©rateur au dĂ©but de l’annĂ©e 73 av. J.-C.

Une autre chronologie est proposĂ©e par l’historien François de CallataĂż grĂące aux arguments numismatiques : les derniĂšres Ă©missions de NicomĂšde pour 75/74 av. J.-C. et 74/73 av. J.-C. seraient posthumes. Mithridate, de son cĂŽtĂ©, frappa soudainement de nombreuses sĂ©ries dans l’hiver 76/75 av. J.-C. La mort de NicomĂšde interviendrait donc dans l’hiver 76/75. Dans cette autre chronologie, on consacre l’ensemble de l’annĂ©e 75 av. J.-C. Ă  Rome et Ă  l’examen du testament de NicomĂšde et des procĂ©dures de contestations organisĂ©es par Mithridate. Concernant la Bithynie, elle aurait Ă©tĂ© provincialisĂ©e dans l’hiver 75/74 av. J.-C. et confiĂ©e Ă  Iuncus, qui cumulait la province d’Asie et de Bithynie avant de transmettre cette derniĂšre Ă  Aurelius Cotta[5]. François de CallataĂż place le dĂ©but de la guerre contre Mithridate (menĂ©e par Lucullus) au dĂ©but de l’annĂ©e 74 av. J.-C. au lieu d’initialement, au dĂ©but de l’annĂ©e 73.

Si on s'en tient Ă  la premiĂšre chronologie, de nombreux Romains, qui n'avaient pas oubliĂ© les massacres perpĂ©trĂ©s en 88 av lors de la PremiĂšre guerre de Mithridate menĂ©e par Sylla contre Mithridate, se rĂ©fugiĂšrent dans ChalcĂ©doine (une citĂ© de Bithynie), Ă  l'entrĂ©e mĂ©ridionale du Bosphore. Le proconsul Aurelius Cotta, nommĂ© en 73 av. J.-C. comme premier gouverneur de la province de Bithynie, Ă©choue Ă  rĂ©sister Ă  Mithridate tandis que le proconsul de Cilicie, Lucius Lucinus Lucullus (un des plus riches de Rome), pendant ce temps, avait rĂ©cupĂ©rĂ© les lĂ©gions de Servilius Isauricus en Cilicie. Lucullus rĂ©ussit Ă  maĂźtriser Mithridate et le contraint Ă  lever le siĂšge de Cyzique (une citĂ© de Mysie). Lucullus Ă©crase l’armĂ©e de Mithridate et rĂ©ussit Ă  rĂ©occuper la Bithynie. En 72 av. J.-C., Lucullus bat la flotte pontique grĂące Ă  sa flotte improvisĂ©e et oblige Mithridate Ă  regagner ses États par la mer. Lucullus envahit aussitĂŽt le royaume du Pont en passant par Amisos, une citĂ© ravagĂ©e par le passage des armĂ©es. AprĂšs l’hiver 72-71 av. J.-C., Lucullus et ses troupes se font battre par la cavalerie adverse mais il se maintient dans les montagnes Ă  la frontiĂšre avec la Cappadoce qui l’approvisionne. Mithridate dĂ©cide alors de replier ses troupes et lĂšve le camp pour aller en ArmĂ©nie chez son gendre Tigrane II d'ArmĂ©nie qui n’avait jamais rĂ©pondu Ă  ses appels Ă  l’aide. Lucullus qui ne prĂ©fĂšre pas poursuivre Mithridate, dĂ©cide d’occuper stratĂ©giquement les terres du Pont.

AprĂšs ĂȘtre reparti dans la province d’Asie, il met en place en place des rĂ©formes administratives qui le rendent populaire auprĂšs du peuple, des troupes militaires et des financiers romains. DĂ©but 70 av. J.-C., Lucullus se rend au Pont pour rĂ©duire les derniĂšres rĂ©sistances oĂč il prend les deux capitales Sinope et Amaseia. Ainsi, dĂšs que l’ordre est rĂ©tabli, Lucullus invite le SĂ©nat Ă  envoyer sa commission d’organisation pour organiser la nouvelle province du Pont. Au terme de trois annĂ©es de guerre, Lucullus avait le contrĂŽle sur quatre provinces : l’Asie, la Bithynie, la Cilicie et le Pont. De plus, il avait renvoyĂ© Mithridate du royaume du Pont ainsi qu’envahit l’ArmĂ©nie qui appartenait Ă  Tigrane dĂšs 69 av. J.-C.

Pour ce qui est des dĂ©tails de la provincialisation de la Bithynie, ils sont plus ou moins inconnus. L’organisation a dĂ» ĂȘtre trĂšs sommaire, dans la mesure oĂč un an au maximum s’est Ă©coulĂ© entre la transformation de la rĂ©gion en province et le dĂ©but de la guerre. Il semblerait que Iuncus ait soumis Ă  l’impĂŽt provincial toutes les citĂ©s de l’ancien royaume, sauf HĂ©raclĂ©e qui Ă©tait une citĂ© indĂ©pendante. On sait que la Bithynie fut rĂ©unie avec la province de l’Asie pour former un seul espace douanier.

À la fin de l’annĂ©e 68 av. J.-C., Lucullus est victime d’une coalition d’intĂ©rĂȘts rĂ©unissant PompĂ©e, les publicains et une partie du SĂ©nat autour de CicĂ©ron, et la consĂ©quence fut la non-prorogation de son commandement extraordinaire. Il est dĂ©mis d’abord de la province de la Cilicie puis de celle d’Asie ainsi que de ses lĂ©gions puis il abandonna ses commandements sur la Bithynie et sur le Pont (rĂ©occupĂ© par Mithridate). GrĂące Ă  la Lex Gabinia de janvier 67 av. J.-C. contre la piraterie et la Lex Manilia de janvier 66 av. J.-C. sur la poursuite de la guerre contre Mithridate, PompĂ©e devient le grand commandant de l’Asie et l’Orient romain Ă  la place de Lucullus. PompĂ©e en 63 av. J.-C., apprend le suicide de Mithridate pendant qu’il est en Syrie.

La rĂ©organisation administrative de l’Asie est achevĂ©e par PompĂ©e entre 64 et 62 av. J.-C. PompĂ©e remania l’organisation des trois provinces d’Asie, de Cilicie et de Bithynie. La Lex Pompeia rĂ©git la rĂ©organisation de la Bithynie en nouvelle province de Bithynie-Pont. Cette loi est perçue comme une exception dans l’histoire de la provincialisation romaine car elle interfĂšre directement avec les institutions grecques qui rĂ©gulaient la Bithynie avant l’arrivĂ©e des Romains. Il est probable que le texte se divisait en plusieurs rubriques Ă©numĂ©rant les rĂ©formes institutionnelles locales, identifiant les diffĂ©rentes entitĂ©s administratives, fixant les limites des territoires, reconnaissant les privilĂšges de chaque communautĂ©. PompĂ©e, aprĂšs avoir ajoutĂ© la Bithynie au royaume du Pont, procĂ©da au redĂ©coupage du territoire entre les citĂ©s : onze citĂ©s pontiques viennent s’ajouter aux huit citĂ©s bithyniennes. La Lex Pompeia est une des rares initiatives institutionnelles romaines dans une province. On peut la considĂ©rer comme un cas particulier car les Romains la plupart du temps n’interviennent pas dans les institutions civiques des territoires qu’ils provincialisent, ainsi, la Bithynie est une exception. En gĂ©nĂ©ral, quand les Romains organisent une province, ils prennent une loi fondamentale (la lex Sempronia de Asia pour l’Asie par exemple) et dĂ©finissent les citĂ©s libres, les frontiĂšres et les taxes. La Lex Pompeia quant Ă  elle, modifie les institutions de la Bithynie par le biais de rĂ©formes inspirĂ©es du modĂšle oligarchique romain : rĂ©duction de la dĂ©mocratie pour donner plus de pouvoir aux notables, crĂ©ation de censures locales, imposition d’un cens pour les candidats aux magistratures, formation de Conseils permanents et non plus tournants, imposition de rĂšgles gĂ©nĂ©rales relatives Ă  la gestion des citoyennetĂ©s locales qui allaient Ă  l’encontre de la tradition grecque... Tout cela dans un but favorisant l’ordre et limitant la pression populaire. Mais pourquoi spĂ©cifiquement en Bithynie ? Mithridate a rĂ©ussi Ă  rallier de trĂšs nombreuses rĂ©gions grecques et la Bithynie Ă©tait pro-Mithridate lors des guerres mithridatiques donc on peut voir la lex Pompeia comme une punition romaine afin de limiter les pressions dĂ©mocratiques en s’appuyant sur les notables normalement davantage conservateurs. On peut donc affirmer que le non-interventionnisme romain relĂšve d’une question de pragmatisme, les formes de domination s’adaptant au contexte local de chaque province.

À la fin des annĂ©es 60 av. J.-C., on compte alors trois provinces romaines en Anatolie : l’Asie, la Bithynie et Pont, la Cilicie.

La Bithynie province byzantine

Saint Abraham y fut Ă©vĂȘque de Cratea (aujourd’hui Guerede en Turquie) au Ve siĂšcle.

Pendant l’AntiquitĂ© tardive et tout le Moyen Âge, de nombreux monastĂšres furent fondĂ©s en Bithynie et s’y maintinrent. Le pays Ă©tait aussi une province maritime, avec des chantiers navals trĂšs actifs qui contribuĂšrent au dĂ©boisement de la rĂ©gion (l’art de la charpenterie de marine en bois s’est transmis jusqu’à nos jours, par exemple Ă  Chromna, aujourd’hui KurucaƟile). Il est intĂ©grĂ© aux thĂšmes byzantins des Optimates et des Bucellaires.

La Bithynie resta byzantine jusqu’en 1328 lorsqu’elle est conquise par les Ottomans, la population devenant ensuite petit Ă  petit turque et musulmane (les derniers Grecs sont expulsĂ©s en 1923 selon les dispositions du traitĂ© de Lausanne). La Bithynie Ă©tait une province de l'Empire ottoman jusqu'Ă  l'effondrement de ce dernier en 1923.

Notes et références

  1. Xénophon, Anabase [détail des éditions] [lire en ligne], Livre VI, ch. II.
  2. SuétoneVie de 12 Césarsː Le Dieux Julius Livre de Poche n° 718 Paris 1973 (ISBN 225300326-3) p. 42.
  3. Robert Étienne, Jules CĂ©sar, Fayard, , p. 43.
  4. Suétone, Vies des douze Césars - César, 2 et 49.
  5. Henri-Louis Fernoux 2004, p. 120-121.

Voir aussi

Bibliographie

  • Henri-Louis Fernoux, Notables et Ă©lites des citĂ©s de Bithynie aux Ă©poques hellĂ©nistique et romaine (IIIe s. av.-IIIes. ap. J.-C.) : Essai d'histoire sociale, Lyon, Maison de l'Orient et de la MĂ©diterranĂ©e Jean Pouilloux, coll. « de la Maison de l'Orient mĂ©diterranĂ©en / SĂ©rie Ă©pigraphique, 31 », , 602 p. (lire en ligne)
  • Henri-Louis Fernoux, Bernard Legras, Jean-Baptiste Yon, CitĂ©s et royaumes de l’Orient mĂ©diterranĂ©en. 323-55 av. J.-C., Paris, Armand Colin, 2003.
  • Édouard Will, Histoire politique du monde hellĂ©nistique 323-30 av. J.-C., nouvelle Ă©dition, Paris, Le Seuil, 2003.
  • Maurice Sartre, L’Asie mineure et l’Anatolie d’Alexandre Ă  DioclĂ©tien (IVe siĂšcle av. J.-C./IIIe siĂšcle), Paris, Armand Colin, 1995.

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