Hellénisme
HellĂ©nisme, en français, est un mot polysĂ©mique, qui dĂ©signe des notions diffĂ©rentes selon les domaines, en particulier ceux de l'histoire et de la linguistique. Dans le premier domaine, le mot renvoie Ă l'ensemble de la civilisation de la GrĂšce antique et aussi Ă son extension Ă des rĂ©gions non grecques[1]. Dans le deuxiĂšme, on entend par hellĂ©nisme une tournure spĂ©cifique Ă la langue grecque ou un mot dâorigine grecque dans une autre langue[1].
Associés à ce substantif, on trouve le verbe helléniser (et son substantif hellénisation) ainsi que le substantif helléniste. Le verbe et son dérivé véhiculent l'idée de transmission ou d'adoption de la culture et de la civilisation de la GrÚce antique[2] - [3]. Quant à l'helléniste, il s'agit d'une personne qui connaßt la langue grecque (ancienne ou moderne) et qui s'occupe de philologie et de littérature grecque[4] - [5]. On trouve encore le terme hellénisant, substantif qui s'applique à un savant dont le champ d'études est un aspect de la GrÚce, en particulier de la GrÚce antique[5].
Ătymologie
En français, hellĂ©nisme apparaĂźt Ă la fin du XVIe siĂšcle. Il est crĂ©Ă© Ă partir du mot en grec ancien áŒÎ»Î»Î”ÎœÎčÏÎŒÏÏ / hellĂȘnĂsmos / signifiant « 1. emploi correct de la langue grecque / 2. imitation de la langue grecque ou des mĆurs grecques / 3. mĆurs ou religion des Grecs »[6]. Il est employĂ© au sens de « tour empruntĂ© au grec » (1704), puis de « inclination pour la civilisation grecque » (1829)[1].
En histoire, il est introduit par l'historien Johann Gustav Droysen dans Geschichte des Hellenismus vers le milieu du XIXe siĂšcle qui l'utilise comme un concept politique[7] pour dĂ©finir cet espace-temps oĂč le grec devint une langue de communication et un vecteur dâinfluence culturelle. Le terme « hellĂ©nistique », inspirĂ© par le verbe grec áŒÎ»Î»Î·ÎœÎŻÎ¶Î”ÎčÎœ / hellĂȘnĂzein : « vivre comme les Grecs », a Ă©tĂ© crĂ©Ă© par lâhistorien allemand Johann Gustav Droysen dans Geschichte des Hellenismus (1836 et 1843) pour dĂ©finir cet espace-temps oĂč le grec devint une langue de communication et un vecteur dâinfluence culturelle.
DĂ©limitation temporelle
Si l'on considĂšre l'aspect politique de l'hellĂ©nisme, la pĂ©riode Ă laquelle s'applique cette notion n'est pas trĂšs claire: on ne sait trop si elle commence avec l'accession au trĂŽne d'Alexandre le Grand en 336 av. J.-C., ou avec sa mort (323 av. J.-C.). La fin n'est pas plus prĂ©cise: est-ce la bataille d'Actium en 31 av. J.-C. ou la mort d'Auguste (14 apr. J.-C.)[7] ? En revanche, il semble acquis que la victoire de Philippe II, le pĂšre d'Alexandre, Ă ChĂ©ronĂ©e en 338 av. J.-C. ainsi que les conquĂȘtes d'Alexandre marquent un tournant dans l'histoire politique de la GrĂšce antique[7].
Domaines
En 1932 déjà , l'historien Henri Peyre relevait que le concept d'hellénisme est une notion vague[8].
En histoire, hellĂ©nisme renvoie Ă lâensemble de la civilisation grecque ancienne. Il peut aussi dĂ©signer plus spĂ©cifiquement la religion grecque antique[1]. Le terme hellĂ©nisation renvoie quant Ă lui Ă la diffusion et Ă l'adoption d'Ă©lĂ©ments de la culture grecque, particuliĂšrement Ă la pĂ©riode antique, dans l'Empire romain par exemple.
En linguistique, un hellĂ©nisme est une tournure spĂ©cifique Ă la langue grecque ou dâorigine grecque dans une autre langue ;
Dans le domaine de l'Ă©ducation classique, le terme renvoie Ă lâ« inclination pour la civilisation grecque » (Boiste), lâĂ©tude de la langue grecque et celle de la culture de la GrĂšce antique, par des lettrĂ©s ou des historiens et historiennes tels que Guillaume BudĂ© (1468-1540), Ărasme (1469?-1536), Jean Dorat (1508-1588), Pierre de Fermat (1601-1665), JosuĂ© Barnes (1654-1712), Giacomo Lamberti (1758-1815), AndrĂ© ChĂ©nier (1762-1794), Johann Gustav Droysen (1808-1884), Ămile Egger (1813-1885), Alexis Pierron (1814-1878), Anatole Bailly (1833-1911), Ăloi Ragon (1853-1908), Victor Magnien (1879-1952), Victor Fontoynont (1880-1958), AndrĂ© Bonnard (1888-1959), Jean-Pierre Vernant (1914-2007), Nicole Loraux (1943-2003), Jacqueline de Romilly (1913-2010) ou Pauline Schmitt-Pantel (1947-) pour nâen citer que quelques-uns et quelques-unes.
Précision
Quels que soient les liens entre ces trois domaines, il ne faut pas confondre « hellĂ©nisme » avec hellĂ©nique (qui relĂšve du monde grec) ou avec hellĂ©nistique, qui qualifie une pĂ©riode â de la conquĂȘte macĂ©donienne jusquâĂ ClĂ©opĂątre et Ă la conquĂȘte romaine de la GrĂšce â et un espace â les territoires de lâempire dâAlexandre le Grand, avec des pĂŽles de diffusion de la culture hellĂ©nique comme Alexandrie, Antioche, Pergame ou Bactres.
Autres utilisations
Lâexpression « hellĂ©nisme » est aussi parfois utilisĂ©e au sujet de :
- divers aspects de la civilisation humaine présentés comme des « inventions des Grecs » (démocratie, politique, science, histoire ou philosophie)[9] ;
- racines grecques des dĂ©nominations de la classification scientifique (noms dâĂ©lĂ©ments chimiques, de minĂ©raux, dâespĂšces biologiques)[10] ;
- la civilisation byzantine[11] ;
- la construction identitaire de la GrÚce moderne à partir des années 1820[12] ;
- la « Grande Idée », idéologie politique moderne[13] ;
- la religion néo-hellénique moderne[14] ;
- la diaspora grecque moderne[15].
Notes et références
- « Hellénisme », sur cnrtl.fr (consulté le )
- « Helléniser », sur cnrtl.fr (consulté le )
- « Hellénisation », sur cnrt.fr (consulté le )
- « Helléniste », sur cnrtl.fr (consulté le )
- Le Nouveau Petit Robert de la langue française, Paris, Ăd. Le Robert, 2007, p. 1224.
- Anatole Bailly, Dictionnaire Grec - Français, Paris, Hachette, 1938, p. 648b [lire en ligne (page consultée le 21 mars 2022)] Repris sur cnrtl.fr s.v. Hellénisme .
- Suzanne Saïd, Monique Trédé, Alain Le Boulluec, , Paris, PUF, coll. « Quadrige Manuels », 2019 [4e éd. mise à jour], 724 p. (ISBN 978-2-130-82079-6), p. 279-291
- CitĂ© dans Christophe Corbier, « Contribution Ă une histoire du concept dâhellĂ©nisme de Chateaubriand Ă ThĂ©odore Reinach », Cahiers balkaniques, 2020, n° 47, § 1, p. 225. [lire en ligne (page consultĂ©e le 21 mars 2022)]
- Fernand Braudel, La MĂ©diterranĂ©e, t. I LâEspace et l'Histoire, Arts et mĂ©tiers graphiques, Paris, 1977 ; rĂ©Ă©d. en poche, Champs, Flammarion, 1985 et t. II Les Hommes et lâHĂ©ritage, Arts et mĂ©tiers graphiques, Paris 1978 ; rĂ©Ă©d. en poche, Champs, Flammarion, 1986
- Jean-François-Marie Bertet-Dupiney de Vorepierre, Dictionnaire français illustré et encyclopédie universelle, t. II : G-Z, Michel Lévy FrÚres, Libraires, Paris, 1864, p. 1175
- Averil Cameron, The Byzantines, ed. Wiley-Blackwell, Chichester 1970, (ISBN 978-1-4051-9833-2), p. 49-55.
- Anna Tabaki, Les LumiÚres néo-helléniques : un essai de définition et de périodisation, in : Les LumiÚres en Europe, [European Science Foundation] Concepts et Symboles du Dix-huitiÚme SiÚcle Européen, Berliner Wissenschafts Verlag, 2003, p. 45-56.
- JoĂ«lle DalĂšgre, Grecs et Ottomans 1453-1923 : de la chute de Constantinople Ă la disparition de l'Empire ottoman, L'Harmattan, Paris 2002, (ISBN 2747521621) et Marc Terrades, Le Drame de l'hellĂ©nisme : Ăon DragoĂșmis (1878-920) et la question nationale en GrĂšce au dĂ©but du XXe siĂšcle, L'Harmattan, coll. « Ătudes grecques », 2005, (ISBN 2-7475-7788-0).
- Timothy Jay Alexander, Beginners Guide to Hellenismos, 2008.
- Georgios Anagnostou, Contours de l'ethnicité blanche. Ethnographie populaire et fabrication des passés utilisables en Amérique grecque, Ohio University Press, AthÚnes, Ohio 2009, (ISBN 9780821443613).
Voir aussi
Ouvrages
- Christophe Corbier, « Contribution Ă une histoire du concept dâhellĂ©nisme de Chateaubriand Ă ThĂ©odore Reinach », Cahiers balkaniques, no 47,â , p. 225-257 (lire en ligne)
- François LefÚvre, Histoire du monde grec antique, Paris, Livre de Poche, coll. « Références », , 632 p. (ISBN 978-2-253-11373-7), p. 357-480
- (en) Peter Thonemann, The Hellenistic Age. A Very Short Introduction, Oxford, Oxford University Press, , 152 p. (ISBN 978-0-198-74604-1)
Articles
- Michel Bruneau, « LâHellĂ©nisme. Un paradoxe ethno-gĂ©ographique de la longue durĂ©e », GĂ©ographie et cultures, no 2,â , p. 1-25 (lire en ligne)
- Michel Bruneau, « HellĂ©nisme, Hellinismos : nation sans territoire ou idĂ©ologie ? », GĂ©ocarrefour, vol. 77, no 4 « La GrĂšce aujourd'hui »,â , p. 319-328 (lire en ligne)
- Louis Robert, « De Delphes Ă l'Oxus, inscriptions grecques nouvelles de la Bactriane », Comptes rendus des sĂ©ances de l'AcadĂ©mie des Inscriptions et Belles-Lettres, vol. 112, no 3,â , p. 416-457 (lire en ligne)