Anastase II (empereur byzantin)
Anastase II (grec : áŒÎœÎ±ÏÏÎŹÏÎčÎżÏ ÎÊč), ou ArtĂ©mios (en grec ÎÏÏÎÎŒÎčÎżÏ), mort le , est un empereur byzantin de 713 Ă 715 durant les annĂ©es de chaos qui sâĂ©tendirent de 695 (fin de la dynastie des HĂ©raclides) Ă 717 (dĂ©but de la dynastie des Isauriens).
Anastase II | |
Empereur byzantin | |
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Anastase II a gardĂ© son nom, ArtĂ©mios, mĂȘme sur sa monnaie ; ce solidus porte la lĂ©gende « APTEMIUS ANASTASIUS ». | |
RĂšgne | |
- | |
PĂ©riode | Usurpateur |
Précédé par | Philippicos |
Suivi de | Théodose III |
Biographie | |
Nom de naissance | Artemios |
DĂ©cĂšs | |
Contexte historique
Entre 695 et 717, plusieurs empereurs se succĂ©dĂšrent sur le trĂŽne entre la dynastie des HĂ©raclides et la dynastie isaurienne. Au cours des six ans que dura son deuxiĂšme rĂšgne, Justinien II (685-695; 705-711), le dernier des HĂ©raclides, donna libre cours Ă sa soif de vengeance sur les ennemis tant Ă lâintĂ©rieur quâĂ lâĂ©tranger qui avaient prĂ©cipitĂ© sa premiĂšre dĂ©position. Les deux usurpateurs LĂ©once et TibĂšre III furent exĂ©cutĂ©s de mĂȘme que nombre dâofficiers militaires et de hauts fonctionnaires civils; pour sa part, le patriarche Callinique qui avait couronnĂ© LĂ©once eut les yeux crevĂ©s[1] - [2]. Justinien comptait Ă©galement se venger de Cherson (aussi translittĂ©rĂ©e comme ChersonĂšse), la ville oĂč il avait dâabord Ă©tĂ© exilĂ© et dont les habitants avaient voulu le livrer Ă TibĂšre III. Il envoya une premiĂšre expĂ©dition contre cette ville dont le gouverneur et ses adjoints furent envoyĂ©s Ă Constantinople pendant que nombre dâhabitants Ă©taient simplement noyĂ©s. Les Khazars vinrent alors au secours des survivants qui acclamĂšrent comme nouvel empereur un aristocrate du nom de Bardanes, exilĂ© Ă Cherson pour sa participation Ă une rĂ©bellion durant le premier rĂšgne de Justinien. Ce dernier ayant envoyĂ© une deuxiĂšme flotte sous le commandement du patrice Mauros pour se rendre maitre de la ville, BardanĂšs fit alliance avec les Khazars si bien que Mauros se retrouva dans l'incapacitĂ© remplir sa mission. Craignant la fureur de Justinien, Mauros changea de camp et retourna Ă Constantinople avec BardanĂšs. Leurs forces parvinrent Ă capturer la capitale pendant une absence de Justinien et BardanĂšs se fit proclamer empereur sous le nom de Philippikos (r. 711-713)[3].
Son court rĂšgne de moins dâune annĂ©e et demie, devait prĂ©sager la crise de lâiconoclasme qui allait bientĂŽt amener lâempire au bord du gouffre. Probablement partisan du monophysisme, Philippikos, acceptait toutefois le compromis du monothĂ©lisme quâil rĂ©ussit Ă imposer Ă un concile purement byzantin, provoquant la fureur de Rome qui voyait le nouvel empereur adhĂ©rer Ă une hĂ©rĂ©sie condamnĂ©e trente ans auparavant par le TroisiĂšme Concile de Constantinople[4] - [5]. Pendant ce temps, les Arabes pĂ©nĂ©traient profondĂ©ment en Anatolie pendant que le khan Tervel, aprĂšs avoir traversĂ© la Thrace arrivait devant les murailles de Constantinople, ravageant les faubourgs extĂ©rieurs. L'empereur nâeut dâautre choix que de rappeler en Europe des troupes du thĂšme de lâOpsikion en Asie mineure[6] - [7].
AvĂšnement
Mais les soldats et officiers de ce thĂšme nâavaient aucun respect pour BardanĂšs quâils considĂ©raient comme un parvenu. Aussi, le 3 juin 713, veille de la PentecĂŽte, Georges Bouraphos, commandant de lâOpsikion alors en Thrace pour Ă©loigner les Bulgares, envoya un dĂ©tachement de ses hommes au Grand Palais oĂč ils surprirent Philippikos Ă lâheure de la sieste, le trainĂšrent Ă lâHippodrome oĂč ils lui crevĂšrent les yeux, le rendant ainsi inapte Ă gouverner[8]. Il est probable que leur but Ă©tait de faire acclamer leur chef, Georges Bouraphos, comme empereur.
Toutefois le contrĂŽle des opĂ©rations leur Ă©chappa et le lendemain, jour de la PentecĂŽte, le SĂ©nat et le peuple rĂ©unis Ă Hagia Sophia acclamĂšrent plutĂŽt un haut fonctionnaire du nom dâArtemios, protoasecretis (chef de chancellerie), comme nouvel empereur. Probablement en rĂ©action contre les manĆuvres des militaires, celui-ci prit comme nom de rĂšgne celui dâAnastase, en hommage Ă cet autre haut fonctionnaire, Anastase Ier (r. 491-518) arrivĂ© au pouvoir de façon impromptue et dont le rĂšgne sâĂ©tait distinguĂ© par la prudence et le rĂ©tablissement des finances publiques [9] - [10] - [11]. Toutefois, il continuera Ă porter son propre nom comme en tĂ©moigne le solidus plus haut portant lâinscription « APTEMIUS ANASTASIUS ».
Politique intérieure
Son premier soin fut de chĂątier ceux qui avaient mis un terme au pouvoir de son prĂ©dĂ©cesseur : il fit aveugler Georges Bouraphos ainsi que lâofficier qui avait aveuglĂ© Philippikos; lâancien empereur fut envoyĂ© dans un monastĂšre de Constantinople et le reste des mutins exilĂ© Ă Thessalonique. Puis il remplaça la plupart des stratĂšges (officiers militaires servant de commandants militaires et civils) des divers thĂšmes, nommant comme stratĂšge des Anatoliques LĂ©on lâIsaurien (le futur LĂ©on III) [9]; Artabasde fut nommĂ© stratĂšge des ArmĂ©niaques et Scholastique exarque de Ravenne.
Puis, pour calmer les esprits, il annula les dĂ©cisions du concile prĂ©sidĂ© par son prĂ©dĂ©cesseur qui avait rĂ©tabli le monothĂ©lisme et reconnut comme orthodoxes les dispositions du TroisiĂšme Concile de Constantinople. La reprĂ©sentation de ce concile qui avait Ă©tĂ© enlevĂ©e du Grand Palais fut remise en place alors quâon dĂ©truisait les images de son prĂ©dĂ©cesseur et de son patriarche Serge[12]. Toutefois, le patriarche Jean VI fut maintenu en poste contre lâassurance quâil adhĂ©rerait dorĂ©navant aux dĂ©cisions du concile et quâil ferait part au pape de son adhĂ©sion Ă la doctrine orthodoxe des deux volontĂ©s du Christ.
GrĂące aux troupes de lâOpsikion qui avaient fait reculer les Bulgares, la frontiĂšre nord de lâempire fut sĂ©curisĂ©e. Cela permit Ă lâempereur de concentrer toute son attention sur les Arabes, les informations relayĂ©es par les agents byzantins Ă©tant Ă lâeffet que le calife Al-WÄlid, aprĂšs avoir conquis en trois ans lâEspagne wisigothe (711-714) planifiait une grande attaque Ă la fois par terre et par mer contre Constantinople[13]. Au printemps 714, alors que le gĂ©nĂ©ral Maslama ben Abd al-Malik, demi-frĂšre du calife, envahissait la rĂ©gion dâAncyre[14], Anastase II envoya une mission Ă Damas pour se renseigner sur lâĂ©tat des prĂ©paratifs; pendant ce temps il fit amasser des stocks de blĂ© dans les greniers publics, ordonna aux habitants de Constantinople de se constituer une rĂ©serve de provision pour trois ans ou de quitter la ville, fit Ă©quiper une flotte et rĂ©parer les murs le long de la mer [15].
DĂ©position
Au dĂ©but 715, Al-WÄlid mourut, mais son successeur, Suleyman, continua les prĂ©paratifs contre Constantinople. Anastase fut averti quâune flotte arabe Ă©tait dĂ©barquĂ©e prĂšs de Phoenix, en Lycie (sud de lâAnatolie), pour y couper du bois destinĂ© Ă la construction navale. Anastase dĂ©cida alors de prendre les devants et dâattaquer la flotte arabe pendant quâelle en Ă©tait encore au stade des prĂ©paratifs[11]. Les forces byzantines au grand complet devaient se rĂ©unir dans lâile de Rhodes sous le commandement du logothĂšte Jean le Diacre. Mais Ă peine arrivĂ©, le contingent de lâOpsikion se rĂ©volta, probablement ulcĂ©rĂ© par le fait quâAnastase avait fait aveugler leur ancien commandant Georges Bouraphos [16]. Elles assassinĂšrent le commandant Jean, dispersĂšrent les forces qui sâĂ©taient regroupĂ©es et retournĂšrent sur le continent Ă Adramyttium dans le thĂšme de Thrace avant de se diriger vers Constantinople[16].
En cours de route, elles trouvĂšrent un percepteur de taxes du nom de ThĂ©odose sur qui, sans que lâon sache les motifs de leur choix, elles sâentendirent pour remplacer Anastase. Celui-ci plutĂŽt que dâaccepter lâhonneur qui lui Ă©tait fait prĂ©fĂ©ra sâenfuir dans les montagnes; il fut cependant rattrapĂ© et forcĂ© Ă la pointe de lâĂ©pĂ©e de se joindre aux troupes[17]. Anastase quitta alors la capitale pour se diriger vers NicĂ©e et y affronter les rebelles. Mais les mutins rĂ©ussirent Ă se rallier les Ostrogoths hellĂ©nisĂ©s Ă©tablis depuis les invasions dans cette rĂ©gion[18] et se dirigĂšrent vers Chrysopolis dâoĂč elles lancĂšrent des attaques navales contre Constantinople. Vers la fin de lâĂ©tĂ©, elles rĂ©ussirent Ă pĂ©nĂ©trer dans la capitale quâelles mirent Ă sac aprĂšs avoir capturĂ© les officiers laissĂ©s sur place par Anastase, lequel demeurait bloquĂ© Ă NicĂ©e. Voyant la partie perdue, Ă la suite de la mĂ©diation du nouveau patriarche de Constantinople, Germain Ier, il accepta dâabdiquer en novembre moyennant promesse dâimmunitĂ© et de se retirer dans un monastĂšre de Thessalonique [19].
Tentative de retour
Le rĂšgne de son successeur, ThĂ©odose III, devait se rĂ©vĂ©ler un peu plus court que le sien. Plusieurs hauts responsables, notamment LĂ©on l'Isaurien, stratĂšge des Anatoliques, et Artabasde, stratĂšge des ArmĂ©niaques, refusĂšrent de le reconnaĂźtre. DĂšs juillet 716, LĂ©on lâIsaurien se proclama empereur avec lâappui dâArtabasde et, se dirigeant vers Constantinople, captura plusieurs proches de ThĂ©odose dont son fils. AprĂšs pourparlers, ThĂ©odose lui cĂ©da la place le 25 mars 717, se retirant comme lâavait fait Anastase dans un monastĂšre avec son fils[19].
Ce fut LĂ©on qui dut, Ă partir de 717, faire face au siĂšge de Constantinople auquel Anastase avait prĂ©parĂ© la ville. Ă nouveau, les puissantes murailles de la ville permirent de rĂ©sister aux assauts, alors que le feu grĂ©geois faisait des ravages dans la flotte arabe. Maslama ben Abd al-Malik qui commandait lâexpĂ©dition dut lever le siĂšge et perdit durant le voyage de retour une bonne partie de sa flotte, certains vaisseaux pĂ©rissant dans une tempĂȘte dans la mer de Marmara, dâautres brulant Ă cause des cendres incandescentes lancĂ©es par un volcan prĂšs de lâile de Thera [20].
Deux ans plus tard, au dĂ©but de 719, Anastase II devait sortir de son monastĂšre et se faire Ă nouveau proclamer empereur Ă Thessalonique avec lâappui des Bulgares qui avaient aidĂ© LĂ©on III en attaquant Ă revers les forces arabes durant le siĂšge mais qui, semble-t-il, sâĂ©taient sentis injustement rĂ©compensĂ©s de leurs efforts. Il avait Ă©galement conservĂ© des appuis parmi les responsables byzantins. Avec une armĂ©e et une flotte bulgare, il se dirigea vers Constantinople. Mais LĂ©on III qui Ă©tait entretemps entrĂ© en nĂ©gociations avec les Bulgares convainquit ceux-ci dâabandonner Anastase alors que celui-ci arrivait Ă HĂ©raclĂ©e de Thrace. Lâempereur dĂ©chu fut capturĂ© et exĂ©cutĂ© le 1er juin. Ses partisans furent destituĂ©s, au nombre desquels se trouvaient le commandant de lâOpsikion dont le poste fut confiĂ© Ă Artabasde devenu entretemps le beau-fils de LĂ©on[20].
Anastase et ThĂ©odose III devaient ĂȘtre les derniers des six empereurs qui se relayĂšrent sur le trĂŽne au cours des vingt ans dâanarchie sĂ©parant la fin de la dynastie des HĂ©raclides et le dĂ©but de la dynastie des Isauriens inaugurĂ©e par LĂ©on III.
Bibliographie
Source primaire
- Liber pontificalis Ecclesiae Romane. Nathalie Desgrugilliers (ed.) « Liber Pontificalis, de Pierre à Sylvestre », éditions Paleo, coll. l'encyclopédie médiévale, 2012 (ISBN 978-2-84909-811-0).
- Théophane. Chroniques.
Sources secondaires
- (fr) Bréhier, Louis. Vie et mort de Byzance. Paris, Albin Michel, 1969 [1946].
- (fr) Cheynet, Jean-Claude. Byzance, lâEmpire romain dâOrient. Paris, Armand Colin, 2012. (ISBN 978-2-200-28153-3).
- (fr) Cheynet, Jean-Claude. Le Monde byzantin, II, LâEmpire byzantin (641-1204). Paris, Presses Universitaires de France, 2007. (ISBN 978-2-130-52007-8).
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Notes et références
Notes
Références
- Ostrogorsky (1983) p. 172
- Treadgold (1995) p. 341
- Ostrogorsky (1983) p. 173
- Ostrogorsky (1983) pp. 181-182
- Kazhdan (1991) « Philippikos », vol. 3, p. 1654
- Ostrogorsky (1983) p. 183
- Norwich (1989) p. 348
- Treadgold (1997) p. 342
- Treadgold (1997) p. 343
- Norwich (1994) p. 348
- Ostrogorsky (1983) p. 182
- Ostrogorsky (1983) p. 181
- Kazhdan (1991) « Anastasios II », vol. 1, p. 87
- Treadgold (1997) pp. 343-344
- Théophane, Chronique, cité par Bréhier (1969) p. 71
- Treadgold (1997) p. 344
- Norwich (1994) p. 349
- Théophane. 385, cité par Ostrogorsky (1983) p. 183
- Treadgold (1997) p. 345
- Treadgold (1997) p. 349
Voir aussi
Liens externes
- Bronwen, Neil. « Anastasius II ( A.D.713-715)â (in) De Imperatoribus Romanis. [en ligne] http://www.roman-emperors.org/anastasii.htm.
- Ressource relative aux beaux-arts :
- (en) British Museum
- Notices dans des dictionnaires ou encyclopédies généralistes :