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NĂ©ron

NĂ©ron (latin : Imperator Nero Claudius Caesar Augustus Germanicus, grec ancien : ΝέρωΜ [NĂ©rƍn]), nĂ© Lucius Domitius Ahenobarbus le Ă  Antium et mort le [1] Ă  Rome, est empereur romain du 13 octobre 54 jusqu'Ă  sa mort. Il est le cinquiĂšme et dernier empereur romain de la dynastie julio-claudienne.

NĂ©ron
Empereur romain
Image illustrative de l’article NĂ©ron
Buste en marbre de Néron, vers 55-59, Musée archéologique national de Cagliari
RĂšgne
-
(13 ans, 7 mois et 26 jours)
PĂ©riode Julio-Claudiens
Précédé par Claude
Usurpé par Vindex puis Galba (68)
Suivi de Galba
Biographie
Nom de naissance Lucius Domitius Ahenobarbus
Naissance - Antium (Italie)
DĂ©cĂšs [1] (Ă  30 ans) - Rome
PĂšre Cnaeus Domitius Ahenobarbus
MĂšre Agrippine la Jeune
Épouse (1) Claudia Octavia (53 - 62)
(2) Poppée (62 - 65)
(3) Statilia Messalina (66 - 68)
Descendance Claudia Augusta (de Poppée)

Né du mariage entre Cnaeus Domitius Ahenobarbus et Agrippine la Jeune, il accÚde au trÎne aprÚs la mort de son oncle Claude, qui l'avait adopté et nommé successeur au détriment de son propre fils, Britannicus. Rapidement, il ordonne l'exécution des personnes pouvant lui faire de l'ombre, dont sa propre mÚre Agrippine.

Au pouvoir, Néron se concentre sur le commerce et la diplomatie. Son rÚgne est marqué par d'importants succÚs militaires face à l'Empire parthe. Il doit également affronter en 60 la révolte des Bretons. En 64, le grand incendie de Rome sert de prétexte à la persécution des chrétiens en les désignant comme responsables de la catastrophe.

Un coup d'État impliquant plusieurs gouverneurs influents a lieu en 68. AcculĂ©, NĂ©ron est dĂ©possĂ©dĂ© de son pouvoir et se suicide assistĂ© de son scribe Épaphrodite.

Le rÚgne de Néron est généralement associé à la cruauté et à l'extravagance. Il est entouré d'une légende noire et vivement critiqué pour sa gestion de l'incendie de Rome. Il est aussi un homme d'une ambition démesurée, ayant lutté de toutes ses forces contre l'immense conjuration politique dressée contre lui[2]. La grande majorité des sources antiques, comme Suétone, Tacite et Dion Cassius le décrivent défavorablement, bien qu'il est parfois relevé sa popularité supposée en Orient.

Sources sur NĂ©ron

Les sources primaires concernant NĂ©ron doivent ĂȘtre lues avec prĂ©caution. Sa vie a Ă©tĂ© rapportĂ©e par l'historiographe SuĂ©tone dans son Ɠuvre De vita duodecim Caesarum libri (La Vie des douze CĂ©sars) et par Tacite dans les Annales, Ɠuvres toutes deux Ă©crites une quarantaine d'annĂ©es aprĂšs la mort de NĂ©ron. Le fait que ces deux auteurs appartiennent aux ordres supĂ©rieurs de la sociĂ©tĂ© romaine – Tacite avec le rang de sĂ©nateur et SuĂ©tone avec le titre de chevalier – a conduit certains historiens Ă  considĂ©rer leur description des Ă©vĂ©nements du rĂšgne de NĂ©ron avec prudence, dans la mesure oĂč l'on sait que NĂ©ron persĂ©cuta les sĂ©nateurs romains Ă  partir des annĂ©es 65-66 Ă  la suite de la dĂ©couverte de deux conspirations. Certains rĂ©cits exaltĂ©s du rĂšgne de NĂ©ron pourraient ĂȘtre discutables. Cependant, par leurs fonctions, les deux auteurs avaient un accĂšs privilĂ©giĂ© aux archives impĂ©riales, SuĂ©tone notamment, nĂ© dans les annĂ©es qui suivent la mort de NĂ©ron et qui a Ă©tĂ© archiviste d'Hadrien.

Il faut aussi prendre en considĂ©ration que les textes des historiens Ă©taient retranscrits par des copistes. Avec l'avĂšnement du christianisme dans l'Empire romain, qui devient religion d'État au IVe siĂšcle, les copies sont surtout effectuĂ©es par des moines chrĂ©tiens. Avec les siĂšcles, les ouvrages de Tacite et de SuĂ©tone ont pu subir des altĂ©rations. Par exemple, les historiens s'interrogent depuis longtemps sur le rĂŽle des chrĂ©tiens, qui n'Ă©taient peut-ĂȘtre mĂȘme pas citĂ©s dans les textes originaux, et seraient apparus au IVe siĂšcle, ajoutĂ©s par des copistes Ă©troitement liĂ©s au pouvoir impĂ©rial. Par consĂ©quent, le rĂŽle des sĂ©nateurs et de la curie romaine aurait pu ĂȘtre minimisĂ©, d'autant plus que nous ne possĂ©dons pas les manuscrits originaux de ces ouvrages, dont une grande partie des textes sont perdus[3].

Généalogie

Ascendance

Famille

Parents

NĂ© Ă  Antium, NĂ©ron est le fils unique de Cnaeus Domitius Ahenobarbus et d'Agrippine la Jeune, sƓur de Caligula. Son pĂšre adoptif est Claude, prĂ©dĂ©cesseur de NĂ©ron en tant qu'empereur.

Grands-parents paternels

Grands-parents maternels

Naissance sous Caligula

Lucius Domitius Ahenobarbus est nĂ© le . Rien ne le prĂ©destinait alors Ă  devenir maĂźtre de l'empire. Son oncle maternel Caligula venait de commencer Ă  rĂ©gner le de cette annĂ©e, Ă  24 ans. Ses prĂ©dĂ©cesseurs, Auguste et TibĂšre, avaient vĂ©cu respectivement jusqu'Ă  75 et 77 ans. Caligula est donc l'oncle de NĂ©ron, ce dernier n'aurait pu prĂ©tendre au trĂŽne que dans le cas oĂč Caligula n'aurait pas eu d'hĂ©ritier mĂąle. NĂ©ron porte le nom de ses ancĂȘtres de la gens des Domitii. Les prĂ©noms dans la gens Domitii Ă©taient donnĂ©s, toujours les mĂȘmes, par succession de trois en trois. On trouve ainsi trois Caius de suite, puis trois Lucius de suite, etc. NĂ©ron Ă©tait donc un Lucius Domitius Ahenobarbus comme beaucoup de ses ancĂȘtres avant lui. Agrippine, quatriĂšme Ă©pouse de Claude, va rĂ©ussir Ă  Ă©vincer Britannicus de la succession directe et lĂ©gitime au titre d'empereur. Son fils NĂ©ron (nĂ© de son prĂ©cĂ©dent mariage avec Cnaeus Domitius Ahenobarbus, connu Ă  Rome pour sa violence et ses actes de cruautĂ©) sera adoptĂ© et reconnu par Claude comme son hĂ©ritier et successeur. Ce tour de force rĂ©ussi, il ne restait plus Ă  Agrippine qu'Ă  se « dĂ©barrasser » de Claude en le faisant assassiner.

La relation particuliĂšrement Ă©troite de Caligula avec ses trois sƓurs Julia Drusilla, Julia Livilla et Agrippine fit scandale au dĂ©but de son rĂšgne. Toutes trois — reprĂ©sentĂ©es avec leur frĂšre sur les piĂšces de monnaie de l'Ă©poque — semblent avoir obtenu sa faveur, et y ont sans doute gagnĂ© de l’influence. Les Ă©crits de Flavius JosĂšphe, SuĂ©tone, Dion Cassius rapportent qu’elles avaient des relations incestueuses avec leur frĂšre.

Lucius devenait ainsi le fils d'une femme influente et cĂ©lĂšbre. Mais elle pouvait perdre rapidement l’influence qu'elle avait sur son frĂšre. Caligula n'avait toujours pas d’enfant. Ses parents mĂąles les plus proches Ă©taient alors ses beaux-frĂšres Marcus Æmilius Lepidus (le mari de Drusilla), Marcus Vinicius (le mari de Livilla) et Cnaeus Domitius Ahenobarbus (le mari d'Agrippine). Ils Ă©taient les hĂ©ritiers probables en cas de dĂ©cĂšs prĂ©maturĂ© de Caligula. Pourtant, aprĂšs le dĂ©cĂšs de sa femme, Lepidus semblait avoir perdu toute chance, mais pas toute ambition, de succĂ©der Ă  son beau-frĂšre.

Conspirations

En , Caligula partit rejoindre ses lĂ©gions en campagne contre les tribus germaniques. La campagne dut ĂȘtre repoussĂ©e Ă  l'annĂ©e suivante par crainte d'une conspiration contre l'empereur. Lepidus avait rĂ©ussi Ă  devenir l'amant d'Agrippine et de Livilla, recherchant leur aide pour gagner le trĂŽne. Il fut pour cela immĂ©diatement exĂ©cutĂ©. Caligula ordonna Ă©galement l'exĂ©cution de Cnaeus Cornelius Lentulus Gaetulicus, le populaire lĂ©gat de Germanie supĂ©rieure, et son remplacement par Servius Sulpicius Galba. Pourtant, on ne sait toujours pas s'il Ă©tait liĂ© Ă  la conspiration de Lepidus. Agrippine et Livilla furent relĂ©guĂ©es aux Îles Pontines. Lucius fut sans doute sĂ©parĂ© de sa mĂšre Ă  cette Ă©poque, et confiĂ© Ă  une tante, Domitia.

Le pÚre de Lucius mourut d'hydropisie en 40. Lucius était maintenant orphelin et son destin devenait incertain sous le rÚgne d'un Caligula de plus en plus fantasque. La chance lui sourit l'année suivante : le , Caligula, son épouse CÊsonia Milonia, et leur fille Julia Drusilla furent assassinés par une conspiration menée par Cassius Chaerea. L'oncle de Caligula, Claude, devint le quatriÚme empereur romain, grùce à l'aide de la garde prétorienne, et rappela Agrippine et Livilla d'exil.

Agrippine se remaria rapidement au riche Caius Sallustius Crispus Passienus. Son mari mourut entre 44 et 47, et Agrippine fut suspectée de l'avoir empoisonné pour hériter de son immense fortune. Lucius était le seul héritier de sa mÚre, devenue riche.

Adoption par Claude

NĂ©ron avec ses noms d'adoption Claudius Drusus Germanicus.

Lucius, Ă  dix ans, avait trĂšs peu de chances d'occuper le trĂŽne. Claude, ĂągĂ© de 57 ans Ă  cette Ă©poque, avait rĂ©gnĂ© plus longtemps, et sans doute plus efficacement que son prĂ©dĂ©cesseur. Claude s'Ă©tait dĂ©jĂ  mariĂ© trois fois. Il avait Ă©pousĂ© Plautia Urgulanilla et Ælia PĂŠtina quand il Ă©tait simple citoyen. Empereur, il s'Ă©tait mariĂ© Ă  Valeria Messalina. Le couple avait deux enfants, Britannicus (nĂ© en 41) et Octavie (nĂ©e en 40). Messaline n'avait que 25 ans et pouvait lui donner d'autres hĂ©ritiers.

Pourtant, Messaline fut exĂ©cutĂ©e en 48, accusĂ©e de conspiration contre son Ă©poux. L'ambitieuse Agrippine projeta rapidement de remplacer sa tante par alliance. Le , elle devint la quatriĂšme femme de Claude, Tiberius Claudius Nero Caesar Drusus. Le mariage dura cinq ans. La mĂȘme annĂ©e, Agrippine fait rompre les fiançailles d'Octavie et de Lucius Junius Silanus et la fait fiancer avec NĂ©ron.

Début 50, le Sénat romain offrit à Agrippine le titre honorifique d'Augusta, que Livie (14-29) avait été la seule à porter avant elle. Le , Lucius fut officiellement adopté par Claude sous le nom de Nero Claudius Caesar Drusus. Néron était plus ùgé que Britannicus, son frÚre adoptif, et cette adoption fit de lui l'héritier officiel du trÎne.

Claude honora son fils adoptif de plusieurs maniĂšres. NĂ©ron fut Ă©mancipĂ© en 51, Ă  14 ans. Il fut nommĂ© proconsul, entra au SĂ©nat, y fit son premier discours, apparut publiquement en compagnie de Claude, et fut reprĂ©sentĂ© sur les piĂšces de monnaie. En 53, il Ă©pousa sa sƓur adoptive, Octavie.

Au pouvoir

Les premiÚres années de l'empereur

SĂ©nĂšque, double hermĂšs de SĂ©nĂšque et Socrate du IIIe siĂšcle, d'aprĂšs un original du Ier siĂšcle, Antikensammlung de Berlin.

Lorsque Claude meurt empoisonnĂ© le , NĂ©ron est rapidement nommĂ© empereur Ă  sa place. Il n'a alors que 17 ans. Les historiens s'accordent Ă  considĂ©rer que SĂ©nĂšque joue le rĂŽle de figure de proue au dĂ©but de son rĂšgne. Les dĂ©cisions importantes sont probablement laissĂ©es entre les mains, plus capables, de sa mĂšre Agrippine la Jeune — qui pourrait avoir empoisonnĂ© Claude —, de son tuteur SĂ©nĂšque, et du prĂ©fet du prĂ©toire Sextus Afranius Burrus. DĂšs le dĂ©but de son rĂšgne, NĂ©ron cherche Ă  obtenir les faveurs de l'armĂ©e et de la plĂšbe par diverses primes[4].

Les cinq premiĂšres annĂ©es du rĂšgne de NĂ©ron sont connues comme des exemples de bonne administration, suscitant mĂȘme l'Ă©mission d'une sĂ©rie de piĂšces de monnaie cĂ©lĂ©brant le quinquennium Neronis.

Les affaires de l'empire sont traitĂ©es avec efficacitĂ© et le SĂ©nat bĂ©nĂ©ficie d'une influence renouvelĂ©e dans les affaires de l'État. De surcroĂźt, NĂ©ron n'hĂ©site pas Ă  dĂ©penser de l'argent pour obtenir la faveur des sĂ©nateurs. Le peuple n'est pas oubliĂ© et chaque citoyen reçoit 400 sesterces Ă  l'avĂšnement de l'empereur, en plus de distributions supplĂ©mentaires de blĂ©. Sa passion du thĂ©Ăątre et des jeux contribuent Ă©galement Ă  sa popularitĂ©[5].

Les problÚmes doivent pourtant bientÎt surgir de la vie personnelle de Néron et de la rivalité croissante entre Agrippine et les deux conseillers. SénÚque entend jouer le rÎle principal auprÚs du jeune empereur et le pousse à la rébellion contre sa mÚre[6]. Tout le monde sait que Néron est déçu de son mariage et trompe Octavie. En 55, il prend pour maßtresse Claudia Acte, une ancienne esclave. Agrippine tente d'intervenir en faveur d'Octavie et exige de son fils le renvoi d'Acte. Burrus et SénÚque, pour leur part, choisissent de soutenir leur protégé et favorisent cette liaison qui permet de créer une rivale à l'impératrice[6].

Agrippine et Néron. Aureus frappé en 54 aprÚs J.C., atelier de Lugdunum. Les premiÚres monnaies frappées en 54-55 montrent qu'Agrippine exerce concrÚtement le pouvoir[6].

Néron résiste à l'intervention de sa mÚre dans ses affaires personnelles. Le fils légitime de Claude, Britannicus, est alors ùgé de treize ans ; il est toujours légalement mineur, et sous la responsabilité de Néron, mais il approche de l'ùge de la majorité et demeure légalement aussi légitime que Néron pour succéder à Claude[7]. Aussi, reste-il pour Néron une menace permanente. Mais le jeune homme meurt brutalement aux alentours du [8], peu avant ou aprÚs qu'il puisse prendre la toge virile[7]. Les sources antiques accusent Néron d'empoisonnement : Suétone, à l'instar de Tacite[9], accuse Néron d'avoir eu recours aux services de l'empoisonneuse Locuste[10]. Cependant, les symptÎmes tels qu'ils sont décrits[11] incitent une partie de la recherche contemporaine à pencher plutÎt pour une crise d'épilepsie[7] ; cette maladie, dont il est attesté que le jeune homme souffrait, a pu provoquer une rupture d'anévrisme[12].

AprÚs la mort de Britannicus, Néron prive sa mÚre de sa garde personnelle et l'envoie vivre dans la maison d'Antonia. Ainsi, Agrippine est-elle persona non grata au palais. Elle est bientÎt dénoncée par deux ennemies, et Néron, qui la craint toujours, donne l'ordre au cours de ce dßner de l'assassiner. Mais Burrus et SénÚque veulent éviter un matricide et Agrippine parvient à convaincre Néron de son innocence[6]. Le pouvoir d'Agrippine décline rapidement, tandis que Burrus et SénÚque deviennent les deux hommes les plus influents de Rome.

Une série de scandales

Poppée, Musée archéologique national de Madrid.

Alors que ses conseillers s'occupent des affaires de l'État, NĂ©ron s'entoure d'un cercle de favoris. Les historiens romains rapportent des nuits de dĂ©bauche et de violence, alors que les affaires politiques sont nĂ©gligĂ©es. Othon (Marcus Salvius Otho) est au nombre de ces nouveaux favoris. À tous points de vue, Othon est aussi dĂ©bauchĂ© que l'empereur, dont il devient aussi intime qu'un frĂšre. SuĂ©tone rapporte que certains auteurs — qu'il ne nomme pas — considĂšrent mĂȘme qu'ils sont amants[13]. C'est par l'intermĂ©diaire d'Othon, que NĂ©ron aurait fait connaissance de PoppĂ©e (Poppaea Sabina), dĂ©crite comme une femme d'une grande beautĂ©, pleine de charme et d'intelligence, dont il tombe passionnĂ©ment amoureux. L'empereur oblige alors celle-ci Ă  divorcer de son mari — l'ancien prĂ©fet du prĂ©toire, Rufrius Crispinus — et Ă  Ă©pouser son favori. De nombreuses sources[14] relatent les rumeurs d'un triangle amoureux entre NĂ©ron, PoppĂ©e et Othon. Cependant, ce dernier est bientĂŽt chassĂ© de l'entourage impĂ©rial et envoyĂ© en Lusitanie comme gouverneur[15].

En 58, PoppĂ©e assure sa position de favorite de NĂ©ron et lui rĂ©clame le mariage. NĂ©anmoins, cette union ne peut avoir lieu. En effet, l'empereur sait que, pour des raisons politiques, Agrippine lui refusera le divorce avec Octavie, et que SĂ©nĂšque ne le soutiendra pas dans cette entreprise. Redoutant toujours sa mĂšre — bien que celle-ci fĂ»t Ă©loignĂ©e —, il la fait tuer dans la nuit du 19 au 20 mars 59. Comprenant la catastrophe que reprĂ©sente ce matricide sur le plan politique, SĂ©nĂšque tente de convaincre le SĂ©nat qu'Agrippine mettait sur pied une conspiration contre son fils. MalgrĂ© les efforts du philosophe, la rĂ©putation de l'empereur est irrĂ©mĂ©diablement entachĂ©e. Des graffitis Ă  Rome comparent NĂ©ron Ă  Oreste ou AlcmĂ©on et certains mettent des sacs en cuir sur les statues de l'empereur pour rappeler le supplice rĂ©servĂ© aux matricides : la noyade[16]. En dĂ©pit de ce mĂ©contentement marginal, NĂ©ron obtient que le jour de naissance de sa mĂšre soit dĂ©clarĂ© jour nĂ©faste et que sa mĂ©moire soit condamnĂ©e[16].

C'est Ă  partir de cette Ă©poque que l'empereur commence Ă  se produire sur la scĂšne, d'abord Ă  Naples, puis Ă  Rome oĂč les mĂ©tiers du spectacle sont encore considĂ©rĂ©s comme une forme de prostitution. Il joue les rĂŽles d'homme, comme ceux de femme, chante au thĂ©Ăątre durant plusieurs jours et Ă©limine les acteurs qu'il considĂšre comme ses concurrents. Il adore Ă©galement les courses de chars. Il apprend le mĂ©tier de cocher et participe bientĂŽt Ă  des courses au cirque Maxime. Les affaires de l'État l'indiffĂšrent au plus haut point[17].

NĂ©ron introduit une nouveautĂ©, les Neronia — des concours de poĂ©sie, de musique et d'Ă©preuves sportives, Ă  la maniĂšre des Jeux Olympiques. Il s'attire de fait les grĂąces du peuple, mais est parfois regardĂ© d'un mauvais Ɠil par les Ă©lites romaines qui, Ă  la maniĂšre des sĂ©nateurs, ne supportent pas vraiment de devoir participer Ă  des jeux aux cĂŽtĂ©s de roturiers[18]. Il organise des banquets somptueux au cours desquels il s'amuse Ă  tourner le mariage en dĂ©rision, Ă  jouer la fiancĂ©e de son affranchi, Ă  multiplier les dĂ©bauches. Cette image d'une hypersexualitĂ© dĂ©pravĂ©e que prĂ©sentent les sources semble assez conforme Ă  la « vision histrionique » de la vie de l'empereur[19].

Le tournant suivant est l'année 62, pour plusieurs raisons.

La premiĂšre est un changement parmi ses conseillers. Burrus meurt et SĂ©nĂšque demande Ă  NĂ©ron la permission de se retirer des affaires publiques. Leur remplaçant aux postes de prĂ©fet du prĂ©toire et de conseiller est Tigellin. Ce dernier a Ă©tĂ© banni par Caligula en 39, accusĂ© d'adultĂšre avec Ă  la fois Agrippine et Livilla. RappelĂ© d'exil par Claude, il a rĂ©ussi Ă  devenir un proche de NĂ©ron — et peut-ĂȘtre son amant. Avec PoppĂ©e, il aurait une plus grande influence que SĂ©nĂšque n'en a jamais eu sur l'empereur. Une thĂ©orie suggĂšre que pendant ces quatre ans (58-62), PoppĂ©e tente d'Ă©loigner NĂ©ron de ses conseillers et de ses amis ; si cela est vrai, ce qui arrive plus tard Ă  Burrus et SĂ©nĂšque pourrait ne pas ĂȘtre le fruit du hasard. Le deuxiĂšme Ă©vĂ©nement important de l'annĂ©e est le divorce de l'empereur. Alors ĂągĂ© alors de 25 ans, NĂ©ron a rĂ©gnĂ© huit ans et n'a pas encore d'hĂ©ritier. Quand PoppĂ©e tombe enceinte, NĂ©ron dĂ©cide d'Ă©pouser sa maĂźtresse, mais son mariage avec Octavie doit d'abord ĂȘtre annulĂ©. L'empereur commence par accuser son Ă©pouse d'adultĂšre. Cependant, NĂ©ron a la rĂ©putation d'ĂȘtre infidĂšle, alors qu'Octavie est connue pour ĂȘtre un parangon de vertu. Il faut des tĂ©moignages contre elle ; toutefois, en torturant ses esclaves on ne parvient qu'Ă  obtenir la cĂ©lĂšbre dĂ©claration de l'une d'elles, Pythias, selon laquelle la vulve d'Octavie est plus propre que la bouche de Tigellin. NĂ©ron finit par obtenir le divorce pour cause d'infertilitĂ©, ce qui lui permet d'Ă©pouser PoppĂ©e et d'attendre qu'elle donne naissance Ă  un hĂ©ritier. Il ordonne ensuite l'exĂ©cution d'Octavie. On lui ouvre les veines le . Sa mort provoque des Ă©meutes publiques Ă  Rome.

Un des effets rapides de la nomination de Tigellin est la promulgation d'une série de lois contre les trahisons ; de nombreuses peines capitales sont alors exécutées.

Au cours de cette année, Néron fait exécuter deux des membres restants de sa famille :

Le grand incendie de Rome

NĂ©ron (aprĂšs 64), GlyptothĂšque de Munich.

Début 63, Poppée donne naissance à une fille : Claudia Augusta. Néron célÚbre l'événement, mais l'enfant meurt quatre mois plus tard : Néron n'a toujours pas d'héritier.

Le , Ă©clate le grand incendie de Rome. Le feu se dĂ©clenche dans les boutiques des environs du Cirque Maxime. L'incendie fait rage durant six jours et s'Ă©teint de lui-mĂȘme faute de matĂ©riaux Ă  brĂ»ler. Seules quatre rĂ©gions sur quatorze ont Ă©chappĂ© au feu[20]. Une rumeur circule alors, selon laquelle NĂ©ron aurait jouĂ© de la lyre et chantĂ© au sommet du Quirinal, pendant que la ville brĂ»lait[21].

En réalité, pendant l'incendie, Néron, est en vacances dans sa ville natale, Antium. Alerté, il revient en toute hùte et prend en charge les secours et le ravitaillement[20]. Les récits décrivent un empereur ouvrant ses palais pour offrir un toit aux sans-abris et organisant des distributions de nourriture pour éviter la famine parmi les survivants.

Si l'empereur n'a pas commandité l'incendie de Rome, il considÚre celui-ci comme une occasion de remodeler la Ville selon ses propres critÚres esthétiques. Il finance d'ailleurs une grande partie des travaux de reconstruction sur ses deniers personnels. Les rues sont élargies, les points d'eau, augmentés. Point d'orgue de cette reconstruction, le nouveau palais de Néron, la Maison dorée, Domus aurea, un énorme complexe palatial s'étendant sur presque tout le mont Palatin et une partie de l'Esquilin[20]. La construction attise une nouvelle fois la haine des Sénateurs qui ont été expulsés de leurs parcelles[22].

Mais NĂ©ron perd toute chance de redorer sa rĂ©putation en rendant trop vite publics ses projets de reconstruction de Rome dans un style monumental. La population dĂ©sorientĂ©e cherche des boucs Ă©missaires, et bientĂŽt des rumeurs tiennent l'empereur pour responsable de l'incendie. Selon SuĂ©tone, on lui prĂȘte l'intention d'immortaliser son nom en renommant Rome Neropolis[23]. Pour NĂ©ron, il est indispensable d'offrir un autre objet Ă  cette suspicion. Il choisit donc pour cible une secte juive — celle des chrĂ©tiens[24] — et ordonne que ses adeptes soient jetĂ©s aux lions dans les arĂšnes, pendant que d'autres sont crucifiĂ©s en grand nombre et brĂ»lĂ©s vifs comme des torches. Des historiens rĂ©cents font remarquer qu'Ă  l'Ă©poque de l'incendie, la distinction entre les chrĂ©tiens et les Juifs n'est pas si nette Ă  Rome, et qu'il est probable que NĂ©ron fait exĂ©cuter les chrĂ©tiens, non pas en tant que responsables de l'incendie, mais pour les punir de leur prosĂ©lytisme. En effet, comme les chrĂ©tiens de cette Ă©poque surveillent encore les signes de la fin des temps, il est trĂšs probable qu'ils se sont servis de l'incendie de Rome pour recruter, ce qui est contraire au droit romain[25]. En tout Ă©tat de cause, la persĂ©cution des chrĂ©tiens n'est qu'une diversion pour apaiser la colĂšre du peuple[22].

Aujourd'hui encore, on ignore la cause de cet incendie. Bien que les anciennes sources — et les lettrĂ©s — attribuent la responsabilitĂ© de l'incendie Ă  NĂ©ron, les Ă©tudes rĂ©centes tendent Ă  l'innocenter[26].

NĂ©ron, l'artiste et le veuf

En 65, Néron est impliqué dans un autre scandale, pris plus au sérieux par le peuple de cette époque qu'il ne le serait de nos jours : pour un empereur romain, en effet, il est considéré comme dégradant d'apparaßtre comme un amuseur public, jouant la comédie, chantant et jouant de la lyre.

DĂ©testĂ© par de nombreux citoyens et pourvu d'une liste d'ennemis politiques s'allongeant de jour en jour, NĂ©ron commence Ă  mesurer sa solitude quand, en 65, il dĂ©couvre la conjuration de Pison (du nom de Gaius Calpurnius Piso, qui tente de prendre sa place) et l'implication de proches dans le complot. La conjuration rĂ©unit une cinquantaine de personnes au moins[27]. Les conspirateurs sont condamnĂ©s. Parmi eux, plusieurs anciens amis du pouvoir nĂ©ronien — SĂ©nĂšque, PĂ©trone et Lucain — doivent se suicider. De plus, NĂ©ron ordonne que Cnaeus Domitius Corbulo, gĂ©nĂ©ral populaire et valeureux, se suicide en raison de vagues soupçons de trahison. Cette dĂ©cision pousse les commandeurs militaires, Ă  Rome et dans les provinces, Ă  envisager l'organisation d'une rĂ©volution.

En 65 Ă©galement, PoppĂ©e — alors enceinte — meurt d'un coup de pied portĂ© au ventre par NĂ©ron, si l'on en croit Tacite et SuĂ©tone, et ce, malgrĂ© la passion qu'il semble lui vouer. L'empereur tente d'abord de se remarier avec Claudia Antonia, fille de Claude et d'Ælia PĂŠtina (sa demi-sƓur par adoption). Comme celle-ci refuse, NĂ©ron la fait tuer, sous prĂ©texte qu'elle aurait fomentĂ© un complot (elle Ă©tait sa derniĂšre proche parente). L'empereur se tourne alors vers son ancienne maĂźtresse, Statilia Messalina, qu'il Ă©pouse en . DĂšs le mois de septembre, NĂ©ron quitte sa jeune Ă©pouse pour un voyage en GrĂšce de plus d'un an. Il y sĂ©journe en 66, oĂč il distrait ses hĂŽtes par des spectacles artistiques (les Ă©crits de SuĂ©tone[28] rapportent que l'empereur empĂȘche quiconque de sortir de l'amphithĂ©Ăątre lorsqu'il dĂ©clame ses propres textes, et que certains spectateurs doivent se faire passer pour morts pour s'Ă©chapper, tant ils sont las d'Ă©couter et d'applaudir)[29], alors qu'Ă  Rome, le prĂ©fet du prĂ©toire Nymphidius Sabinus cherche Ă  obtenir le soutien des gardes prĂ©toriens et des sĂ©nateurs.

Suicide

La conjuration de Pison ne modifie en rien le comportement de NĂ©ron. L'empereur est maintenant dĂ©testĂ©, non seulement de l’aristocratie, mais Ă©galement du peuple. Ses statues sont profanĂ©es. Son goĂ»t du luxe a vidĂ© les caisses de l’État et, pour les remplir, il augmente les impĂŽts, intensifie les spoliations et retarde le paiement de la solde des militaires[30].

De retour à Rome aprÚs sa tournée, Néron trouve une atmosphÚre glaciale. Vindex, gouverneur de la Gaule lyonnaise, se révolte. En réaction, l'empereur ordonne l'élimination de tout suspect. C'est ainsi que Galba, gouverneur d'Hispanie (Espagne), et autrefois, fidÚle serviteur, est l'un de ces « nobles dangereux ». Néron ordonne donc son exécution. N'ayant pas le choix, Galba jure fidélité au Sénat et au Peuple de Rome, en ne reconnaissant plus le pouvoir de Néron.

Lucius Clodius Macer, lĂ©gat de la lĂ©gion III Augusta en Afrique, se rĂ©volte Ă  son tour et cesse d'envoyer du blĂ© Ă  Rome. Nymphidius Sabinus corrompt la garde impĂ©riale, qui se retourne contre NĂ©ron sur la promesse d'une rĂ©compense financiĂšre de Galba. Il convainc l’empereur qu’il est abandonnĂ© de tous. NĂ©ron se rĂ©fugie alors dans la maison de campagne de Phaon, son fidĂšle affranchi. Selon SuĂ©tone, peu avant de mourir, il rĂ©pĂšte : « Quel grand artiste pĂ©rit avec moi ! » (« Qualis artifex pereo »)[31] et cite un vers de l'Iliade[32] (« Le galop des coursiers rapides rĂ©sonne Ă  mes oreilles »). Il apprend qu'il a Ă©tĂ© dĂ©clarĂ© ennemi public[33]. En entendant les cavaliers venus se saisir de lui, il se poignarde Ă  la gorge le , aidĂ© de son secrĂ©taire Épaphrodite. Églogue et Alexandrie, ses nourrices, ainsi qu’AktĂ©[34], sa concubine, rĂ©unissent 200 000 sesterces pour rĂ©aliser son incinĂ©ration et ensevelir ses cendres dans un mausolĂ©e sur le Pincio, qui se trouve aujourd'hui dans la villa BorghĂšse[35]. Personne ne viole sa tombe[36].

Avec sa mort, la dynastie julio-claudienne prend fin. Le Sénat vote sa damnatio memoriae, maudissant sa mémoire. Plusieurs guerres civiles s'ensuivent lors de l'année 69, année des quatre empereurs.

En 68, un imposteur essaie de se faire passer pour lui Ă  KĂœthnos ; amateur de chansons et de lyre, il tente de lever une armĂ©e, mais est finalement tuĂ©. En 80, apparaĂźt un second NĂ©ron, soutenu par le roi parthe Artaban III, puis un troisiĂšme en 88, Ă©galement en Orient, que Rome rĂ©ussit avec difficultĂ© Ă  se faire livrer. Bien plus tard, Augustin Ă©crit au sujet de la survie de NĂ©ron. Dans un autre sens, des polĂ©mistes juifs et chrĂ©tiens considĂšrent comme un « NĂ©ron de retour » tout empereur persĂ©cuteur de leur culte ; les seconds assimilent plus spĂ©cifiquement cette catĂ©gorie d'empereur Ă  l'AntĂ©christ[37].

Points de vue historiques Ă  propos de NĂ©ron

À l'Ă©poque moderne, en Occident, NĂ©ron est considĂ©rĂ© par beaucoup comme le symbole de ce que la Rome antique enfanta de plus monstrueux. Cette conception s'appuie sur les textes de SuĂ©tone — frĂ©quemment colporteur de ragots — et de Tacite, augmentĂ©s des attaques des auteurs chrĂ©tiens (Tertullien, repris par EusĂšbe de CĂ©sarĂ©e et d'autres), et couronnĂ©s par des Ɠuvres de fiction comme le film Quo vadis. Outre les assassinats familiaux, les « monstruositĂ©s » montĂ©es en Ă©pingle sont l'incendie de Rome et la persĂ©cution des chrĂ©tiens. Cependant, la culpabilitĂ© rĂ©elle de NĂ©ron dans le grand incendie de Rome est une accusation Ă  laquelle certains historiens comme Guy Achard ou Claude Aziza[38] ne croient plus guĂšre. De plus, aucune loi anti-chrĂ©tienne n'est promulguĂ©e sous son rĂšgne de maniĂšre officielle : il y a bien des persĂ©cutions, mais uniquement localisĂ©es Ă  Rome.

À la dĂ©charge de NĂ©ron, on peut indiquer qu'il se trouvait Ă  Antium lors de l'incendie de Rome en 64. En outre, les collections auxquelles il tenait ont brĂ»lĂ©[39]. La persĂ©cution des chrĂ©tiens a peut-ĂȘtre Ă©tĂ© par la suite un choix politique pour calmer la plĂšbe romaine qui avait besoin de coupables.

Guy Achard porte un jugement plus mesurĂ© sur NĂ©ron. Il constate que sous son rĂšgne, l'empire est bien administrĂ©, que les campagnes militaires sont victorieuses, et que l'empereur inaugure une sorte de thĂ©ocratie ludique qui a tout pour sĂ©duire une large partie du peuple. Claude Aziza montre comment la rĂ©forme monĂ©taire revalorisant le denier profite aux milieux d'affaires, et combien la politique Ă©trangĂšre est favorable aux rĂ©gions orientales de l'Empire (hellĂ©nisation de l'Empire, conclusion d'une paix avec les Parthes, ennemis hĂ©rĂ©ditaires), NĂ©ron donnant en outre une impulsion importante aux Ă©volutions artistiques, dans le domaine de l'architecture et des arts dĂ©coratifs (voir la Domus aurea). Ainsi, sa grande popularitĂ© auprĂšs du peuple de son temps prend, dĂšs sa mort, la forme du mythe du « retour de NĂ©ron » : cachĂ© chez les Parthes, il est censĂ© rĂ©apparaĂźtre Ă  la tĂȘte d'une armĂ©e pour vaincre les conspirateurs et rentrer victorieux Ă  Rome. Ce mythe est stimulĂ© par l'attente messianique juive et chrĂ©tienne de l'Ă©poque et par l'apparition de diffĂ©rents faux NĂ©ron[40].

Noms et titres

Noms successifs

  • 37, naĂźt LVCIVS‱DOMITIVS‱AHENOBARBVS.
  • 50, adoption par Claude : NERO‱CLAVDIVS‱CAESAR‱DRVSVS‱GERMANICVS.
  • 66, changement de nom : IMPERATOR‱NERO‱CLAVDIVS‱CAESAR‱AVGVSTVS‱GERMANICVS.

Titres et magistratures

Titulature Ă  sa mort

Quand il se suicida en 68, sa titulature Ă©tait :

IMPERATOR‱NERO‱CLAVDIVS‱CAESAR‱AVGVSTVS‱GERMANICVS, PONTIFEX‱MAXIMVS, TRIBVNICIA‱POTESTATE‱XIV, IMPERATOR‱XII, CONSVL‱V, PATER‱PATRIAE.

Caractéristiques physiques et représentations artistiques dans l'Antiquité

NĂ©ron est le seul empereur dont l'image publique Ă©volue au fil des ans, dans la statuaire et la numismatique. Moins soucieux que d'autres empereurs d'offrir une reprĂ©sentation idĂ©alisĂ©e, il assume de montrer ce qu'il est vraiment — qu'il s'empĂąte et vieillit avec les annĂ©es — et ne cherche pas Ă  fixer dans le marbre une image inaltĂ©rable[42]. Ses premiers portraits, qui datent de l'adolescence, montrent qu'il a hĂ©ritĂ© de l'Ă©lĂ©gance des Julien et de la finesse de leurs traits. Jouant de la propagande augustĂ©enne, SĂ©nĂšque le compare alors Ă  Apollon. MĂȘme SuĂ©tone lui reconnaĂźt une rĂ©elle beautĂ©, quoique sans grĂące[42].

NĂ©ron se distingue surtout par sa rousseur. Des taches de son lui parsĂšment le corps. Sa peau a tendance Ă  rougir pour virer au pourpre, notamment sous le coup d'une Ă©motion. Ses yeux sont bleu pĂąle — couleur qui semble peu apprĂ©ciĂ©e, car on considĂšre alors qu'il faut se mĂ©fier des gens aux yeux « glauques ». Il est probablement myope, si l'on en juge par ses tentatives pour ajuster sa vue[43].

Amateur de bonne chĂšre, il prend du poids peu aprĂšs son avĂšnement. Les portraits de ses derniĂšres annĂ©es le montrent bouffi. Ses cheveux, qu'il laisse pousser dans la nuque, lui donnent une allure effĂ©minĂ©e, jugĂ©e ridicule. Plus encore, il dĂ©laisse souvent la toge, pour se vĂȘtir d'une robe de chambre, telle que celle que revĂȘtent les comĂ©diens entre les reprĂ©sentations[5].

NĂ©ron figurĂ© dans les Ɠuvres modernes

Peter Ustinov dans le rĂŽle de NĂ©ron dans le film Quo vadis de Mervyn LeRoy (1951).

Peinture

Théùtre

Opéra

Néron est le personnage de plusieurs opéras :

Littérature

Filmographie

Bande dessinée

  • Le personnage fĂ©tiche de Marc Sleen s'appelle NĂ©ron. Le rapport avec NĂ©ron s'explicite dans l'album L'empereur rouge en 1956.
  • En 1986, Celtil de Philippe Masson dĂ©crit les derniers jours d'un NĂ©ron que seuls intĂ©ressent les arts.
  • La sĂ©rie Murena, crĂ©Ă©e en 1997 par Dufaux et Delaby, montre bien la montĂ©e vers le pouvoir de NĂ©ron aprĂšs les assassinats successifs de l'Empereur Claude (son pĂšre adoptif), puis de Britannicus (le fils de Claude), puis de sa mĂšre Agrippine.
  • En 2000, Alcibiade Didascaux chez les Romains. Tome II : L'Empire de Clanet et Clapat : la parodie de la vie de NĂ©ron.
  • La sĂ©rie Requiem, chevalier vampire crĂ©Ă©e en 2000 par Olivier Ledroit et Pat Mills, met en scĂšne NĂ©ron. Il est devenu vampire sur « RĂ©surrection » et est le bras droit et fils adoptif de Dracula.
  • En 2011, le double album La Centurie des Convertis, de Bruno CĂ©sard, illustrĂ© par Ana Luiza Koehler et Ricardo VenĂąncio met en scĂšne un NĂ©ron classique tout droit issu du pĂ©plum Quo vadis imaginant des jeux du cirque inĂ©dits pour la mise Ă  mort de la premiĂšre communautĂ© de chrĂ©tiens romains et d'un groupe de soldats convertis qui la protĂšge.
  • Le manga Pline, Ă©crit Ă  partir de 2014 (et non terminĂ© Ă  ce jour) par Mari Yamazaki et dessinĂ© en collaboration avec Miki Tori. Il a pour thĂšme la vie du naturaliste romain Pline l'Ancien, auteur de l'Histoire naturelle. NĂ©ron y est souvent reprĂ©sentĂ©.

Informatique

  • Nero est un logiciel de gravure de disques optiques. Son nom complet, Nero Burning ROM, est basĂ© sur un jeu de mots ayant une double signification. La premiĂšre, Burning ROM, fait rĂ©fĂ©rence en anglais Ă  la gravure de ROM, donc de CD, de DVD et de Blu-ray, alors que la seconde, Nero Burning ROM, fait rĂ©fĂ©rence Ă  NĂ©ron dont on dit qu'il a mis le feu Ă  Rome. Le jeu de mots est soulignĂ© par le logo de l'application : le ColisĂ©e en flammes — mĂȘme si ce dĂ©tail est anachronique, le ColisĂ©e ayant Ă©tĂ© bĂąti aprĂšs le grand incendie de Rome.

Jeux vidéo

Notes et références

  1. La date de naissance de NĂ©ron est dĂ©duite de SuĂ©tone, Vie des douze CĂ©sars, Vie de NĂ©ron 6. Sa date de mort est incertaine, car Galba semble ĂȘtre dĂ©clarĂ© empereur avant la mort de NĂ©ron. La date du est calculĂ©e Ă  partir des Chroniques de JĂ©rĂŽme de Stridon qui donne un rĂšgne de 13 ans, 7 mois et 28 jours et est gĂ©nĂ©ralement celle acceptĂ©e. De leur cĂŽtĂ©, Dion Cassius, Histoire romaine LXII.3 et Flavius JosĂšphe, Guerre des Juifs IV, donnent un rĂšgne de 13 ans et 8 mois ce qui amĂšne Ă  la date du .
  2. Pierre Grimal, Histoire de Rome, Paris, Mille et une nuits, 2003, p. 143.
  3. Michel Ballard, Antiquité et traduction : le christianisme, épicentre de traduction et de pouvoir, p. 77
  4. 2 000 ans d'histoire, France Inter, .
  5. Girod 2019, p. 223.
  6. Girod 2019, p. 226.
  7. Virginie Girod, Agrippine : Sexe, crimes et pouvoir dans la Rome Impériale, Tallandier, , 304 p. (ISBN 979-10-210-0499-3, lire en ligne), pt126.
  8. Pierre Grimal donne seulement « avant le » et non pas précisément le 11 (Tacite, index p. 1027. Se référant à Tacite, l'historienne Barbara Levick indique simplement que la mort de Britannicus s'est produite aprÚs les Saturnales de 54 (Claude, p. 105, InFolio, 2002. L'historienne britannique Miriam T. Griffin donne elle, sans autre précision ni justification, le . Néron, p. 81. Max Gallo donne aussi le 12, Les Romains II, Néron, p. 155.
  9. Annales, XIII, 15-16.
  10. La vie des Douze CĂ©sars, NĂ©ron, XXXIII.
  11. (en) Anthony A. Barrett, Elaine Fantham et John C. Yardley, The Emperor Nero : A Guide to the Ancient Sources, Princeton University Press, , 336 p. (ISBN 978-1-4008-8110-9, lire en ligne), p. 43.
  12. Olivier Devillers, Tacite et les sources des Annales : enquĂȘtes sur la mĂ©thode historique, Peeters Publishers, , 339 p. (ISBN 978-90-429-1333-2, lire en ligne), p. 137.
  13. Suétone, Othon, II,3.
  14. Plutarque Galba 19.2-20.2 ; Suétone Othon 3.1-2; Tacite deux versions : Histoires 1.13.3-4; Annales 13.45-46 ; et Dion Cassius 61.11.2-4.
  15. Girod 2019, p. 230.
  16. Girod 2019, p. 233.
  17. Girod 2019, p. 234-236.
  18. National Geographic (Histoire). Rome, maĂźtre du monde.
  19. Girod 2019, p. 237-239.
  20. Girod 2019, p. 241.
  21. Tacite, Ann. XV ; Suétone, Néron XXXVIII ; Dion Cassius, R.H. LXII.
  22. Girod 2019, p. 242.
  23. Suétone, Néron, 55.
  24. Lors du Ier siĂšcle, le christianisme s'inscrit toujours dans le judaĂŻsme. La sĂ©paration s’accĂ©lĂ©re au tournant du Ier siĂšcle.
  25. Marie-Françoise Baslez, « Néron le persécuteur ? » dans AprÚs Jésus. L'invention du christianisme, sous la dir. de Roselyne Dupont-Roc et Antoine Guggenheim, Albin Michel, 2020, p. 138.
  26. FranceTélévisions Culturebox.
  27. Girod 2019, p. 244.
  28. Suétone, Néron, 23.
  29. Cf. p. 60 in Nero, Edward Champlin, Belknap Press of Harvard University Press, 2003.
  30. Girod 2019, p. 245.
  31. Suétone, « Néron », in La vie des douze César, 49, 1.
  32. L'Iliade, X, 535.
  33. Girod 2019, p. 248.
  34. Elle est l'héroïne, en 1838, du premier roman historique d'Alexandre Dumas, Acté, réédité par Arléa en 2006.
  35. Suétone, Vie de Néron, traduction de la Bibliotheca Classica Selecta.
  36. Girod 2019, p. 250.
  37. Maurice Sartre, « Néron ressuscité ? », L'Histoire, no 473-474, juillet-, p. 33.
  38. Achard 1995, p. 64-68.
  39. Achard 1995, p. 66.
  40. Albert Earl Pappano, The False Neros, The Classical Journal, vol. 32, 1937, pp. 143-145.
  41. Depeyrot 2006, p. 194.
  42. Girod 2019, p. 222.
  43. Girod 2019, p. 222-223.
  44. « L'Antéchrist », p. 124.

Bibliographie

Sources latines

Ouvrages spécialisés

  • (en) Thorsten Opper, Nero : The Man Behind the Myth, British Museum Press, (ISBN 978-0-7141-2290-8).
  • Catherine Salles, NĂ©ron, Paris, Perrin, coll. « Biographie », , 212 p. (ISBN 9782262068240).
  • (en) John F. Drinkwater, Nero : Emperor and Court, Cambridge University Press, (ISBN 978-1-108-58179-0).
  • (en) Shadi Bartsch, Kirk Freudenburg et Cedric Littlewood, The Cambridge Companion to the Age of Nero, Cambridge University Press, (ISBN 978-1-107-05220-8).
  • Virginie Girod, Agrippine, sexe, crimes et pouvoir dans le Rome impĂ©riale, Paris, Tallandier, , 300 p. (ISBN 979-10-210-0491-7).
  • (en) Anthony A. Barrett, Elaine Fantham et John C. Yardley, The Emperor Nero : A Guide to the Ancient Sources, Princeton University Press, (ISBN 978-1-4008-8110-9).
  • Donatien Grau, NĂ©ron en Occident : Une figure de l'histoire, Paris, Gallimard, coll. « BibliothĂšque des idĂ©es », , 407 p., 23 cm (ISBN 978-2-07-014367-2).
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  • Claude Aziza, NĂ©ron : Le mal-aimĂ© de l'Histoire, Paris, Gallimard, coll. « DĂ©couvertes Gallimard / Histoire » (no 493), (ISBN 978-2-07-031927-5).
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  • Pierre Grimal, Le procĂšs de NĂ©ron, Paris, De Fallois, (ISBN 2877062252).
  • Guy Achard, NĂ©ron, Paris, Presses universitaires de France, coll. « Que sais-je ? », , 128 p. (ISBN 978-2-13-047286-5).
  • Jean-Michel Croisille, NĂ©ron a tuĂ© Agrippine, Complexe, coll. « La MĂ©moire des siĂšcles », (ISBN 978-2-87027-506-1).
  • Eugen Cizek, NĂ©ron, Paris, Fayard, (ISBN 978-2-213-01131-8).
  • Eugen Cizek, L'Ă©poque de NĂ©ron et ses controverses idĂ©ologiques, Leyde, E. J. Brill, coll. « Roma Aeterna » (no IV), (ISBN 978-90-04-02559-2)

Articles spécialisés

  • Donatien Grau, « NĂ©ron, une figure de l’histoire », Commentaire, vol. 3, no 151,‎ , p. 573-578 (lire en ligne).
  • Erhard Gryzbek et Marta Sordi, « L’"Edit de Nazareth" et la politique de NĂ©ron Ă  l'Ă©gard des chrĂ©tiens », Zeitschrift fĂŒr Papyrologie und Epigraphik, vol. 120,‎ , p. 279–291 (ISSN 0084-5388, lire en ligne, consultĂ© le ).

Ouvrages généralistes

  • Virginie Girod, La vĂ©ritable histoire des douze CĂ©sars, Paris, Perrin, , 412 p. (ISBN 978-2-262-07438-8)
  • Patrice Faure, Nicolas Tran et Catherine Virlouvet, Rome, CitĂ© universelle : De CĂ©sar Ă  Caracalla Ă  ThĂ©odoric, 70 av. J.-C.-212 apr. J.-C., Belin, coll. « Mondes anciens », (ISBN 978-2-7011-6496-0), chap. III (« Une "maison pleine de de CĂ©sars" : le pouvoir romain de 14 Ă  70 »), p. 184-198
  • Georges Depeyrot, La monnaie romaine : 211 av. J.-C. - 476 apr. J.-C., Paris, Errance, , 212 p. (ISBN 2-87772-330-5).

Essais

  • Alain Rodier, La vĂ©ritable histoire de NĂ©ron, Paris, Les Belles-Lettres, (ISBN 9782251040158).
  • JoĂ«l Schmidt, NĂ©ron : Monstre sanguinaire ou poĂšte visionnaire ?, Paris, Larousse, (ISBN 9782035850553).
  • Alain Decaux, La rĂ©volution de la croix : NĂ©ron et les chrĂ©tiens, Paris, Perrin, (ISBN 978-2-262-02610-3).
  • RĂ©gis Martin, Les douze CĂ©sars, du mythe Ă  la rĂ©alitĂ©, Paris, Perrin, (1re Ă©d. 1991) (ISBN 978-2-262-02637-0).
  • Max Gallo, Les Romains, NĂ©ron, le rĂšgne de l'AntĂ©christ, Paris, Fayard, (ISBN 9782213628585).

Colloques de la société internationale d'études néroniennes

Vidéographie

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

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