Favori
Un favori (de lâItalien favorito[1] : qui plaĂźt le plus ; fĂ©m : une favorite) est la personne qui tient le premier rang dans les bonnes grĂąces de quelquâun.
Présentation
Rois, reines, personnages de haut rang avaient souvent leur favori, personne de confiance, ami intime, maĂźtresse ou amant, souvent comblĂ© de faveurs, dont lâinfluence politique Ă©tait plus ou moins importante.
Ă lâorigine, le favori est celui qui a su capter la faveur dâun prince et prendre de lâascendant sur sa volontĂ©, le plus souvent par la flatterie. Lâabus quâil fait ordinairement de son influence pour accroĂźtre ses richesses et augmenter son pouvoir personnel, lâinsolence dâun orgueil qui tend de plus en plus Ă dominer ont eu pour rĂ©sultat que les favoris les plus cĂ©lĂšbres ont presque tous trouvĂ© une fin violente ou misĂ©rable[2]. Certains au contraire rĂ©ussissent Ă sâemparer du pouvoir et Ă Ă©vincer le monarque. Le nombre de favoris est variable selon les souverains et les Ă©poques. On trouve parmi eux des hommes et des femmes de toutes conditions. Certains monarques, tel Charles VII, n'ont pu gouverner sans eux. Cela leur est en gĂ©nĂ©ral reprochĂ© par leurs contemporains, qui y voient la marque d'une absence de volontĂ©. L'allĂ©gation d'homosexualitĂ© est colportĂ©e par des libellistes dans plusieurs cas (en France par exemple pour Henri III et Louis XIII, en Grande-Bretagne pour Jacques Ier et pour la reine Anne, par exemple).
Ă la mort du Cardinal Mazarin le 9 mars 1661, la premiĂšre dĂ©cision de Louis XIV est de supprimer le poste de Premier ministre et de prendre personnellement le contrĂŽle du gouvernement. Cette volontĂ© du souverain de gouverner seul met fin Ă lâĂąge dâor des favoris en France.
Favoris célÚbres
Parmi les favoris royaux, lâHistoire a retenu les noms suivants :
Antiquité
- HĂ©phaestion (356 av. J.-C., - 324 av J.-C.), gĂ©nĂ©ral macĂ©donien, favori dâAlexandre le Grand
- Bagoas, eunuque devenu le favori dâArtaxerxĂšs III. En -338, il fait assassiner le roi et tous ses fils Ă lâexception dâArsĂšs, quâil place sur le trĂŽne.
- SĂ©jan (20 av. J.-C. - 31 ap. J.-C), favori de TibĂšre, condamnĂ© par le sĂ©nat pour avoir voulu se substituer Ă lâempereur
- AntinoĂŒs, favori et amant de lâempereur Hadrien Ă partir de 123. Il meurt vers lâĂąge de 20 ans noyĂ© dans le Nil. Les Ăgyptiens divinisent alors le jeune homme, voyant dans les noyĂ©s du Nil les serviteurs dâOsiris.
- Cléandre, favori de l'empereur Commode, exécuté vers 190.
- Flavius Eutropius (mort en 399), eunuque favori dâArcadius, brisĂ© par lâimpĂ©ratrice Eudoxie
- Sporus, favori de l'empereur romain Néron, qui l'a épousé
Moyen Ăge
- Basile Ier (811-886), issu dâune famille de paysans armĂ©niens, devenu favori de lâempereur byzantin Michel III. TrĂšs proche de lâempereur, il pousse celui-ci Ă Ă©liminer son oncle maternel, Bardas, en 866. Michel III le nomme alors coempereur, avant de se faire lui-mĂȘme assassiner par Basile un an plus tard. Basile fonde ainsi la dynastie macĂ©donienne sous laquelle lâEmpire byzantin atteint son apogĂ©e.
- Haganon, Ă©levĂ© en 918 au titre de comte par Charles III le Simple, qui en fait son principal conseiller et favori. Il se retrouve au centre dâune rĂ©volte des seigneurs qui sâopposent au roi.
- Hugues de Beauvais, favori et comte du roi Robert II le Pieux, assassiné sur ordre de la reine Constance en 1008.
- Ibn Ammar (1031-1086), favori du sultan Abbad III, qui le tuera de ses propres mains
- Pierre de La Broce (1230-1278), favori du roi Philippe III le Hardi. TombĂ© en disgrĂące, il est condamnĂ© Ă ĂȘtre pendu sans procĂšs.
- Enguerrand de Marigny (vers 1260-1315), favori, chambellan et ministre du roi Philippe IV le Bel. La mort du roi marque le signal de la rĂ©action contre sa politique, et on se retourne contre son favori, arrĂȘtĂ© sur lâordre de Louis X le Hutin. Lâaccusateur principal Ă son procĂšs est son propre frĂšre cadet, lâĂ©vĂȘque Jean de Marigny. Il est condamnĂ© Ă mort et exĂ©cutĂ© au gibet de Montfaucon, quâil avait lui-mĂȘme fait construire. Son corps y reste exhibĂ© pendant deux ans.
- Pierre Gaveston (1284-1312), favori et possible amant du roi Ădouard II d'Angleterre. Il meurt assassinĂ©.
- Hugues le Despenser (vers 1290-1326), second favori et possible amant du roi Ădouard II dâAngleterre. Reconnu coupable de haute trahison, il est condamnĂ© au chĂątiment hanged, drawn and quartered.
- Giraud Gayte (fin du XIIIe siĂšcle-1322), trĂ©sorier de Philippe V le Long. AccusĂ© de concussion Ă lâavĂšnement de Charles IV, il est assassinĂ© sous la torture au palais du Louvre.
- Gui VI de La Trémoille (1346-1397), favori du duc Philippe le Hardi
- Pierre II de Giac (1377-1427), favori du roi Charles VII de France, succédant à Pierre Frotier, autre favori. Il est assassiné sur ordre du connétable Arthur de Richemont.
- Tanneguy du Chastel (1369-1449), autre favori de Charles VII pour lâavoir sauvĂ© de la rĂ©volte des cabochiens, partage le pouvoir avec Jean Louvet, lui aussi favori.
- Ălvaro de Luna (1390-1453), favori du roi Jean II de Castille. Il est dĂ©chu, jugĂ© et condamnĂ© Ă mort par la volontĂ© dâIsabelle de Portugal, seconde Ă©pouse du roi, jalouse de son influence.
- Charles de Melun (1420-1468), favori du roi Louis XI. Accusé de trahison, il est décapité.
Ăpoque moderne
- Le cardinal Wolsey (vers 1473-1530) devient malgrĂ© ses origines modestes la figure principale dans les affaires de lâĂtat pendant de nombreuses annĂ©es sous le rĂšgne dâHenri VIII d'Angleterre avant de tomber en disgrĂące.
- Guillaume Gouffier de Bonnivet (1488-1525) et Claude d'Annebault (1495-1552) comptent parmi les favoris de François Ier.
- Robert Dudley (1532-1588), favori de la reine Ălisabeth Ire dâAngleterre pendant 30 ans
- Robert Devereux (1565-1601), second favori dâĂlisabeth Ire dâAngleterre. Reconnu coupable de complot, il est dĂ©capitĂ© Ă la hache.
- Les Mignons, favoris des rois de France au XVIe siĂšcle et principalement dâHenri III.
- Le duc de Lerma (1552-1625), premier valido, titre semi-officiel des favoris des rois d'Espagne. Favori de Philippe III d'Espagne, il dirige le pays pendant vingt ans avant de tomber en disgrĂące. Il est remplacĂ© par son fils le duc dâUceda, lui-mĂȘme remplacĂ© par le comte dâOlivares (1587 - 1645), qui dirige Ă son tour le pays pendant vingt ans.
- Le duc de Buckingham (1592-1628), favori du roi Jacques Ier d'Angleterre et de son fils Charles Ier. Il meurt assassiné par John Felton.
- Charles d'Albert (1578-1621), favori de Louis XIII, participe avec dâautres proches du roi Ă lâexĂ©cution de Concino Concini en 1617.
- Cinq-Mars (1620-1642), autre favori de Louis XIII. Impliqué dans un complot, il est décapité. Le marquis de Toiras et le duc de Saint-Simon comptent eux aussi parmi les favoris du souverain.
- Philippe de Lorraine (1643-1702), favori du duc Philippe d'Orléans, frÚre du roi Louis XIV
- Gian Rinaldo Monaldeschi, Ă©cuyer et favori de Christine de SuĂšde. On la soupçonne dâĂȘtre Ă lâorigine de son assassinat, commis en 1657.
- Johann Friedrich Struensee (1737-1772), mĂ©decin du roi schizophrĂšne Christian VII de Danemark, puis conseiller dâĂtat. Amant de la reine, il est accusĂ© de complot et dĂ©capitĂ©.
- Grigori Potemkine (1739-1791), favori et amant de Catherine II de Russie, qui eut pour autre favori Platon Alexandrovitch Zoubov.
- Manuel Godoy (1767-1851), favori de Charles IV d'Espagne et lâamant de sa femme Marie Louise de Bourbon-Parme.
XXe siĂšcle
- Raspoutine (1869-1916), mystique et guérisseur russe. Il a été le confident d'Alexandra Feodorovna, épouse de l'empereur Nicolas II, ce qui lui a permis d'exercer une forte influence au sein de la cour impériale russe, jusqu'à son assassinat à Petrograd dans la nuit du 16 décembre 1916
Favorites
La favorite est lâamie intime, la confidente de la souveraine, ou la maĂźtresse du roi[3]. Dans ce dernier cas, plus quâune simple maĂźtresse royale, elle jouit de la faveur et de la confiance du souverain et, par lĂ mĂȘme, exerce une influence sur la politique, les Ă©vĂšnements et les hommes.
- Jeanne de Kent, comtesse de Salisbury (1328-1385), favorite du roi Ădouard III d'Angleterre. Elle fait accidentellement tomber sa jarretiĂšre Ă un bal Ă Calais. Le roi rĂ©pond Ă la foule qui sourit en attachant la jarretiĂšre Ă son propre genou[4] en prononçant ces mots : « Messires, honi soit qui mal y pense ! Tel qui s'en rit aujourd'hui s'honorera de la porter demain, car ce ruban sera mis en tel honneur que les railleurs le chercheront avec empressement »[5]. Il crĂ©e ainsi l'ordre de la JarretiĂšre, qui est le plus Ă©levĂ© des ordres de chevalerie britanniques, le
- Sarah Churchill (1660-1744), favorite de la reine Anne de Grande-Bretagne.
- Marie-Anne de La Trémoille (1642-1722), camarera mayor de Marie-Louise Gabrielle de Savoie, premiÚre épouse du roi Philippe V d'Espagne.
- Marie-Françoise-Catherine de Beauvau-Craon, marquise de Boufflers (1711-1787), favorite de Stanislas Leszczynski, duc de Lorraine.
- Madame de Pompadour (1721-1764), favorite de Louis XV.
- La princesse de Lamballe (1749-1792). Comptant parmi les derniers soutiens de la reine Marie-Antoinette pendant la RĂ©volution française, elle est dĂ©capitĂ©e et sa tĂȘte promenĂ©e au bout dâune pique jusquâĂ la tour du Temple, servant alors de prison Ă la famille royale.
- La duchesse de Polignac (1749-1793). Elle est nĂ©e le mĂȘme jour et la mĂȘme annĂ©e que la princesse de Lamballe, quâelle remplace comme favorite auprĂšs de Marie-Antoinette.
- Louise d'EsparbĂšs de Lussan (1764-1804), favorite de Charles X.
Notes et références
- Du latin : favor.
- Encyclopédie Larousse du XXe siÚcle, Paris, 1932.
- Voir la liste des maĂźtresses des rois de France.
- (en) May McKisack, The Fourteenth Century : 1307â1399, Oxford, Oxford University Press, , 598 p. (ISBN 0-19-821712-9).
- Jean-Paul Roig, Citations historiques expliquées. Des origines à nos jours (présentation en ligne).
Bibliographie
Moyen Ăge
- Philippe Contamine, « Pouvoir et vie de cour dans la France du XVIe siĂšcle : les mignons », Comptes rendus de l'AcadĂ©mie des inscriptions et belles-lettres, Paris, De Boccard « fascicule 2, comptes rendus des sĂ©ances de l'annĂ©e 1994, avril-juin »,â , p. 541-554 (lire en ligne).
- Thierry Dutour, « Faveur du prince, immoralitĂ© politique et supĂ©rioritĂ© sociale dans le royaume de France Ă la fin du Moyen Ăge (XIIIeâââXVe siĂšcles) », dans Jacqueline Hoareau-Dodinau, Guillaume MĂ©tairie, Pascal Texier (dir.), Le prince et la norme. Ce que lĂ©gifĂ©rer veut dire, « Cahiers de l'Institut d'anthropologie juridique » no 17, Presses universitaires de Limoges (PULIM), 2007, p. 421-435.
- Thierry Dutour, « Les affaires de favoris dans le royaume de France Ă la fin du Moyen Ăge (XIIIeâââXVe siĂšcles) », dans Luc Boltanski, Ălisabeth Claverie, Nicolas Offenstadt, StĂ©phane Van Damme (dir.), Affaires, scandales et grandes causes. De Socrate Ă Pinochet, Paris, Stock, « Les essais », 2007.
- (en) Klaus Oschema, « The Cruel End of the Favourite. Clandestine Death and Public Retaliation at Late Medieval Courts in Europe », dans Karl-Heinz Spiess et Immo Warntjes, éd., Death at court, Wiesbaden, Harrassowitz, (ISBN 9783447067607, lire en ligne), p. 171-195.
Ăpoque moderne
- RaphaĂ«l Carrasco, L'Espagne au temps des validos 1598-1645, . Toulouse, Presses de lâUniversitĂ© du Mirail, 2009, 212 p., prĂ©sentation en ligne.
- Nicolas Le Roux, « Le point d'honneur, la faveur et le sacrifice : recherches sur le duel des mignons d'Henri III », Histoire, Ă©conomie et sociĂ©tĂ©, no 4, 16e annĂ©e,â , p. 579-595 (lire en ligne).
- Nicolas Le Roux, « Courtisans et favoris : l'entourage du prince et les mĂ©canismes du pouvoir dans la France des guerres de Religion », Histoire, Ă©conomie et sociĂ©tĂ©, no 3, 17e annĂ©e,â , p. 377-387 (lire en ligne).
- Nicolas Le Roux, La faveur du Roi : mignons et courtisans au temps des derniers Valois, Seyssel, Champ Vallon, coll. « Ăpoques », , 805 p. (ISBN 2-87673-311-0, prĂ©sentation en ligne), [prĂ©sentation en ligne]RĂ©Ă©dition : Nicolas Le Roux, La faveur du Roi : mignons et courtisans au temps des derniers Valois, Seyssel, Champ Vallon, coll. « Les classiques de Champ Vallon », , 2e Ă©d. (1re Ă©d. 2001), 805 p. (ISBN 978-2-87673-907-9, prĂ©sentation en ligne).
- Jean-François Solnon, Histoire des favoris, Perrin, , 448 p.