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Domus aurea

La Domus aurea ou Maison dorée est un immense palais impérial de la Rome antique, construit pour Néron, qui couvrait une partie importante de Rome intra muros sur plusieurs dizaines d'hectares. Elle doit son nom aux feuilles d'or destinées à rehausser certains motifs du décor des fresques. Elle comportait plusieurs bâtiments distincts, de vastes jardins, un lac artificiel, mais aussi une salle de banquet qui tournait sur elle-même. Après la mort de Néron, l'espace occupé fut rendu aux Romains et le Colisée fut édifié sur l'emplacement du lac asséché. Ensevelie pendant des siècles, la Domus aurea fut en partie redécouverte à la Renaissance.

Domus aurea
Image illustrative de l’article Domus aurea
Statue d'une muse dans la Domus Aurea.

Lieu de construction Regio III Isis et Serapis
Oppius
Date de construction 65 apr. J.-C.
Ordonné par Néron
Type de bâtiment Palais impérial, domus
Le plan de Rome ci-dessous est intemporel.
Carte de la Rome antique montrant la localisation de Domus aurea.
Domus aurea

CoordonnĂ©es 41° 53′ 29″ nord, 12° 29′ 43″ est
Liste des monuments de la Rome antique

Diverses fouilles modernes et de longs travaux de restauration ont permis en 1999 de rouvrir son accès aux visites publiques, après une vingtaine d'années de fermeture. De nouvelles dégradations ont entraîné une nouvelle fermeture en .

Ă€ l'automne 2009, un communiquĂ© de presse du CNRS affirme que l'Ă©quipe de Françoise Villedieu a retrouvĂ©, lors de fouilles rĂ©alisĂ©es sur le site de la Vigna Barberini sur le Palatin, un Ă©lĂ©ment central des sources littĂ©raires, la cenatio rotunda[1], la salle Ă  manger ronde, avec son plafond en forme de voĂ»te cĂ©leste, qui tournait perpĂ©tuellement sur elle-mĂŞme pour s'adapter au mouvement de la terre. La base de l'Ă©difice mesure 16 mètres de diamètre. Elle est constituĂ©e d'un mur d'enceinte de plus de deux mètres d'Ă©paisseur avec, en son centre, un pilier de quatre mètres surmontĂ© de huit arcs en plein cintre qui le rattachent au pourtour. Cette structure est rĂ©pĂ©tĂ©e pour former un second niveau Ă  l'Ă©tage supĂ©rieur. Une partie de l'Ă©difice dĂ©couverte par les fouilles laisse entrevoir le mĂ©canisme permettant Ă  la plate-forme de tourner grâce Ă  une force hydraulique[2].

Le , le plafond d'une des galeries souterraines (chambre 15) s'est effondré sur une dizaine de mètres[3] - [4].

La construction de la Domus aurea

À partir de l'an 65, après l'incendie de Rome, l’empereur Néron confie à deux architectes, Severus et Celer (Tacite, Annales, XV, 42), la construction d’un somptueux palais qui doit s’étendre du mont Palatin au mont Cælius, partie avancée de l'Esquilin, là où l'incendie a laissé de la place. Constitué de vastes appartements et de salles d’apparat, l’ensemble comprend en outre des bains, des maisons de campagne, des cryptoportiques et des jardins où se dressent des colonnades qui se reflètent dans des nymphées. Plus de cent cinquante pièces y ont été mises au jour.

Suétone, quoiqu’il n'ait pu l'avoir vue personnellement, car il écrit sous Hadrien, en donne une description riche en superlatifs :

« [NĂ©ron] se fit bâtir une maison qui s’étendait du Palatin Ă  l’Esquilin, et l’appela d’abord Domus Transitoria (le Passage), puis un incendie l’ayant dĂ©truite, il la reconstruisit sous le nom de Domus aurea (maison dorĂ©e). […] Dans son vestibule on avait pu dresser une statue colossale de NĂ©ron, haute de 120 pieds ; la demeure Ă©tait si vaste qu’elle renfermait des portiques Ă  trois sĂ©ries de colonnes, longs de mille pas, une pièce d’eau semblable Ă  la mer, entourĂ©e de maisons formant comme des villes, et par surcroĂ®t une Ă©tendue de campagne oĂą se voyaient des cultures, des vignobles, des pâturages et des forĂŞts, contenant une multitude d’animaux domestiques et sauvages. Dans le reste de l’édifice tout Ă©tait couvert de dorures, rehaussĂ© de pierres prĂ©cieuses et de nacre. Le plafond des salles Ă  manger Ă©tait fait de tablettes d’ivoire mobiles et percĂ©es de trous afin qu’on pĂ»t rĂ©pandre sur les convives des fleurs ou des parfums. La principale salle Ă©tait ronde et tournait continuellement sur elle-mĂŞme, alternant jour et nuit comme l’univers. Dans les salles de bains coulaient les eaux de la mer et celles d’Albula[5]. »

Tacite confirme cette description :

« Les pierres précieuses et l’or […] étonnaient moins que les champs, des étangs et comme on le voit dans les campagnes désertes, des forêts, là des espaces ouverts, des perspectives[6] »

Pour la dĂ©coration des nombreuses salles, Pline l'Ancien mentionne le peintre de fresque Fabullus, qui associe avec talent le chromatisme des fresques aux effets fastueux du stuc dorĂ©[7]. Le dĂ©cor de ces fresques montre, entre autres, des dauphins et des chevaux marins ; dans la salle du sphinx (en italien, « sala della fringe Â»), on peut voir une scène dans laquelle le dieu Pan et un homme armĂ© d'une Ă©pĂ©e et d'un bouclier combattent une panthère ; cette salle doit son nom Ă  un sphinx accroupi sur un piĂ©destal, au milieu d'un dĂ©cor sur fond blanc ornĂ© de carrĂ©s aux extrĂ©mitĂ©s rouges, de lignes jaune ocre et de bandeaux dorĂ©s Ă  la feuille d'or ponctuĂ©s de motifs floraux[8].

Une révolution architecturale

La construction de la Domus transitoria et de la Domus aurea voit l'introduction dans le monde romain d’innovations architecturales et artistiques remarquables :

  • multiplication des salles de banquets en voĂ»te et des coupoles ;
  • La « Cenatio rotunda »[9], une crĂ©ation peu commune possĂ©dant une tour ronde de 20 mètres de haut avec sa coupole de 13 mètres de diamètre, ouverte en son sommet par un oculus et supportĂ©e par huit piliers (prĂ©figurant l'architecture du PanthĂ©on de Rome) et sur un plateau tournant Ă  360 degrĂ©s grâce Ă  des sphères en bronze avec aux extrĂ©mitĂ©s des ailettes, tout ceci alimentĂ© par un mĂ©canisme ingĂ©nieux de roue Ă  aubes (connu des Grecs), un plancher offrant une vue rotative sur le parc et l'atrium du palais ainsi que sur la plus grande partie de la ville : le Capitole, le Forum, le Palatin et les collines de Rome[10] ;

« Praecipua cenationum rotunda, quae perpetuo diebus ac noctibus vice mundi circumageretur »

— Suétone, Vie des douze Césars, Livre VI

« La principale pièce était ronde, et jour et nuit elle tournait sans relâche pour imiter le mouvement du monde[11] »

  • fontaines d'intĂ©rieur monumentales (nymphĂ©es) diffusant la fraĂ®cheur et des reflets lumineux dansant dans les salles ;
  • premières mosaĂŻques placĂ©es pour la première fois dans le monde antique sur des parois verticales ou des voĂ»tes, technique qui se gĂ©nĂ©ralisa après NĂ©ron et se perpĂ©tua pendant des siècles ;
  • fresques murales d'inspiration fantastique, reprĂ©sentant des architectures en trompe-l'Ĺ“il, prĂ©figuration des derniers styles de peinture pompĂ©iens.

Les bâtiments de la Domus aurea atteignaient un gigantisme inĂ©galĂ© et extraordinaire : les fouilles du XXe siècle rĂ©alisĂ©es sur les pentes de l’Oppius ont permis de dĂ©gager un ensemble monumental de 240 m de long (longueur d’origine estimĂ©e Ă  370 m), construit en briques et en bĂ©ton, comportant près de 200 pièces (environ 150 ont Ă©tĂ© dĂ©gagĂ©es). Les voĂ»tes intĂ©rieures atteignaient 10 m de hauteur. Aucune installation nĂ©cessaire Ă  l’habitation (cuisines, latrines) n’a Ă©tĂ© repĂ©rĂ©e, ce qui laisse supposer que cette partie du palais adossĂ©e Ă  la colline Ă©tait plus un dĂ©cor ou un vaste espace de reprĂ©sentation et de divertissement, qu’une rĂ©sidence impĂ©riale ; NĂ©ron n'a sans doute jamais profitĂ© de cet immense palais, puisqu'il est mort en 68, quatre ans Ă  peine après le dĂ©but des travaux[8].

La disparition de la domus aurea

Plan de la Domus aurea et des thermes de Trajan et de Titus.

L’accaparement d’une telle surface urbaine fut peu appréciée des habitants de Rome, et Suétone rapporte cette plaisanterie qui circula à Rome :

« Rome deviendra sa maison. Citoyens, émigrez à Véies[12],
Si cette maudite maison n’englobe pas jusqu’à Véies[13]. »

Othon, un des successeurs de NĂ©ron, fit voter par le SĂ©nat en 69 un crĂ©dit de 50 millions de sesterces pour terminer les travaux de la Domus aurea[14].

Mais après 69, l'espace occupé fut rendu au public romain et progressivement réaménagé : Vespasien créa dans la partie nord-ouest un vaste jardin public, le Forum de la Paix, et construisit sur l'emplacement du lac de Néron asséché l'amphithéâtre Flavien — du nom de la dynastie de son constructeur — qui prit ultérieurement le nom de Colisée (Colosseum), en référence à la statue colossale de Néron, édifiée à cet endroit et transformée par la suite en statue d’Hélios. La partie de la Domus aurea adossée au mont Oppius fut ensevelie sous les remblais lors de l'édification des thermes de Trajan ; sur l’emplacement du vestibule de la Domus aurea, Hadrien fit construire, à partir de 121, le vaste temple de Vénus et de Rome, entre le « Colisée » et le Forum romain.

Ainsi remblayée, la Domus aurea disparut aux yeux des Romains, mais se trouva involontairement protégée.

La redécouverte de la Domus aurea

À la fin du XVe siècle, un jeune Romain tomba dans un trou sur les pentes de l’Oppius et se retrouva dans une sorte de grotte couverte de peintures surprenantes. D’autres jeunes artistes explorèrent à leur tour ces salles étonnantes. Les fresques ainsi découvertes inspirèrent un nouveau style de décoration plein de fantaisie, que l’on baptisa « grotesques ». Les célèbres artistes Domenico Ghirlandaio, Raphaël et Michel-Ange, descendus à leur tour, eurent la révélation de ce qu’était l’art antique oublié. On pense que Raphaël en tira une partie de son inspiration pour la décoration des fameuses Loges de Raphaël dans le palais du Vatican.

D’autres visiteurs célèbres y laissèrent leur signature, comme le marquis de Sade, Giacomo Casanova et le peintre Filippino Lippi. Ces visites firent malheureusement pénétrer l’humidité dans les salles jusque-là protégées, et provoquèrent un lent processus de dégradation des fresques.

Galerie

  • Plan gĂ©nĂ©ral de la Domus Aurea.
    Plan général de la Domus Aurea.
  • Domus Aurea sur l'Oppius.
    Domus Aurea sur l'Oppius.
  • Localisation des thermes de Titus et de Trajan, et de la Domus aurea, en rouge.
    Localisation des thermes de Titus et de Trajan, et de la Domus aurea, en rouge.
  • Fresque de la Domus aurea.
    Fresque de la Domus aurea.
  • Les thermes de Trajan au-dessus des vestiges de la domus aurea.
    Les thermes de Trajan au-dessus des vestiges de la domus aurea.

Documentaire

  • La folie de NĂ©ron. Dans la sĂ©rie « EnquĂŞtes archĂ©ologiques », France, 2016, 26 min. RĂ©alisation : Nathalie Laville, Agnès Molia[15].

Notes et références

  1. Communiqué de presse du CNRS.
  2. Françoise Villedieu, Centre Camille-Jullian (CNRS/Univ. Aix-Marseille), L’incroyable salle à manger tournante de Néron, 2014, CNRS Image.
  3. (it) Domus Aurea, cede parte del soffitto, La Repubblica, 30 mars 2010.
  4. .
  5. Suétone, Vie de Néron, 31.
  6. Tacite, Annales, XV, 42.
  7. Pline l'Ancien, Histoire naturelle [détail des éditions] [lire en ligne], XXXVI, 111.
  8. Vincent Bordenave, « Une pièce cachée découverte par hasard dans le palais éphémère de Néron », sur lefigaro.fr, .
  9. « Cenatio Rotunda : la folie d’un empereur » (consulté le )
  10. Mariella Coste, « Néron empereur des banquets à découvrir à Marseille », sur francetvinfo.fr, France 3 Provence-Alpes-Côte d'Azur, (consulté le ).
  11. Lire en ligne.
  12. Véies, ancienne cité, à une quinzaine de kilomètres de Rome.
  13. Suétone, Vie de Néron, 39.
  14. Suétone, Vie d'Othon.
  15. « arte.tv/guide/fr/061733-002-A/… »(Archive.org • Wikiwix • Archive.is • Google • Que faire ?).

Voir aussi

Cenatio rotunda, salle Ă  manger de NĂ©ron dans la Domus Aurea

Articles connexes

Bibliographie

  • Yves Perrin, La Domus Aurea et l'idĂ©ologie nĂ©ronienne - Le système palatial en Orient, en Grèce et Ă  Rome, Strasbourg, 1987, p. 358-381.
  • Bernard Andreae, L’art de l’ancienne Rome, 1973, Ă©ditions d’Art AndrĂ© Mazenod.

Liens externes

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