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Nicéphore Bryenne (1062-1137)

NicĂ©phore Bryenne (en grec, ΝÎčÎșÎ·Ï†ÎżÏÎżÏ‚ ΒρυέΜΜÎčÎżÏ‚) est un gĂ©nĂ©ral, homme d’État et historien byzantin nĂ© en 1062 et mort en 1137. Il sert l'empereur Alexis Ier jusqu’à ce que la maladie l’oblige Ă  revenir Ă  Constantinople oĂč, Ă  la demande de l’impĂ©ratrice IrĂšne, il occupe ses loisirs Ă  Ă©crire une histoire de la maison des ComnĂšne axĂ©e sur Alexis Ier ; mais la mort l'empĂȘche de terminer son Ɠuvre. ConservĂ© sous le titre de MatĂ©riel pour une histoire, son texte est repris et complĂ©tĂ© dans l’Alexiade par son Ă©pouse Anne ComnĂšne, la fille de l’empereur Alexis.

Nicéphore Bryenne
Fonction
StratĂšge
Biographie
Naissance
DĂ©cĂšs
Activités
Conjoint
Anne ComnĂšne (Ă  partir de )
Enfant
Alexis Bryenne (d)
Autres informations
Conflit

Biographie

NĂ© en 1062 Ă  Orestias (Andrinople, aujourd’hui Edirne), NicĂ©phore Bryenne est issu d'une famille de la haute aristocratie. Son arriĂšre-grand-pĂšre s’était distinguĂ© dans la lutte contre les PetchĂ©nĂšgues et les Turcs seldjoukides sous Constantin IX. Son grand-pĂšre, Ă©galement gĂ©nĂ©ral et prĂ©nommĂ© NicĂ©phore[N 1], participa Ă  la bataille de Manzikert sous Michel VII et devint presque cĂ©sar, mais il se rebella en 1077. DĂ©fait l’annĂ©e suivante par le jeune Alexis ComnĂšne, ses biens furent confisquĂ©s (mais rendus par la suite) et lui-mĂȘme fut aveuglĂ©. RalliĂ© par la suite Ă  Alexis, celui-ci nomma son fils Jean (le pĂšre de NicĂ©phore Bryenne) duc de Dyrrachium[1].

Une fois devenu empereur, Alexis semble s’ĂȘtre pris d’amitiĂ© pour le jeune NicĂ©phore, dont il fit l’un de ses gĂ©nĂ©raux en plus de lui donner sa fille Anne en mariage (1096 ?). Il l’éleva Ă©galement Ă  la dignitĂ© de cĂ©sar et de panhypersebastos, l’une des nouvelles dignitĂ©s qu’il venait de crĂ©er[2]. Anne ComnĂšne avait alors un peu plus de douze ans ; le couple eut trois fils et deux filles[3]. Anne dĂ©crit ainsi son Ă©poux :

« Mon Ă©poux lĂ©gitime Ă©tait le cĂ©sar NicĂ©phore Bryenne, un descendant de la maison des Bryenne, un homme qui surpassait de loin ses contemporains par son incroyable beautĂ©, son intelligence supĂ©rieure et la prĂ©cision de son discours. Le regarder ou l’écouter Ă©tait un pur dĂ©lice[4]. »

Et au Livre VII :

« Et ce cĂ©sar, qui Ă©tait un expert des choses militaires n’avait pas non plus nĂ©gligĂ© les Lettres, mais au contraire avait lu tous les livres et s’était initiĂ© Ă  toutes les branches du savoir dont il avait tirĂ© toute la sagesse de notre temps et des autres temps[5]. »

L’annĂ©e suivant son mariage, il fut chargĂ© de faire une dĂ©monstration de force devant les croisĂ©s le Vendredi saint 1097, alors que Godefroy de Bouillon et ses hommes tentaient de mettre le feu Ă  la porte prĂšs du palais impĂ©rial de Constantinople. Le Vendredi Saint Ă©tait une journĂ©e sacrĂ©e pour les Byzantins qui ne pouvaient se battre ce jour-lĂ . Aussi, avec ses archers, il parvint Ă  repousser les croisĂ©s tout en respectant la saintetĂ© du jour en tirant immĂ©diatement devant ou derriĂšre les attaquants et en feignant une sortie. Le jour suivant, Godefroy accepta de prĂȘter serment de vassalitĂ© Ă  Alexis[6].

Accompagnant l’empereur dans la campagne contre BohĂ©mond de Tarente qui s’était rĂ©fugiĂ© Ă  Dyrrachium, il fit partie d’une petit groupe de soldats chargĂ©s de bloquer les dĂ©filĂ©s qui entouraient la ville et assista probablement Ă  la signature du traitĂ© de Devol (1108)[7]. Il fit Ă©galement partie de la campagne contre les PetchĂ©nĂšgues de 1115 lorsqu’il aida Alexis Ă  « convertir les Bogomiles ». Il devait jouer un rĂŽle plus important lors de la bataille de PhilomĂ©lion (1116) oĂč l’aile droite de l’armĂ©e impĂ©riale qu’il commandait dut venir au secours des autres pour assurer la victoire contre le sultan de Roum Malik Shah[8].

AprĂšs la mort d’Alexis, NicĂ©phore Bryenne refusa de participer Ă  la conjuration ourdie par l’impĂ©ratrice IrĂšne et sa propre Ă©pouse, Anne ComnĂšne, visant Ă  priver Jean II de la couronne impĂ©riale Ă  son propre profit ou au profit d’Anne auprĂšs de laquelle il aurait jouĂ© le rĂŽle de prince consort, Ă  l’instar de ZoĂ© et ThĂ©odora au siĂšcle prĂ©cĂ©dent[N 2]. Peut-ĂȘtre agit-il ainsi par esprit de loyautĂ© envers Jean II, avec qui il sembla ĂȘtre en excellents termes et qu’il accompagna dans la campagne de Syrie qui devait lui ĂȘtre fatale ; ou peut-ĂȘtre Ă©tait-il persuadĂ© que les temps avaient changĂ© et qu’une telle conspiration contre l’hĂ©ritier lĂ©gitime mĂąle n’avait aucune chance de succĂšs[9]. DĂ©jĂ  malade avant de partir pour la Syrie, son Ă©tat de santĂ© se dĂ©grada alors qu’il traversait la Pamphylie, la Lydie puis la Bithynie. De lĂ , il dut rentrer Ă  Constantinople oĂč la tumeur qui l’affectait causa sa mort en 1137[10].

ƒuvre

Style et intention de l’auteur

NicĂ©phore Bryenne est connu pour son ouvrage MatĂ©riel pour l’Histoire ou MatĂ©riaux pour servir l’Histoire (Ύλη ÎŻÏƒÏ„ÎżÏÎŻÎ±Ï‚), rĂ©digĂ© Ă  la demande de l’impĂ©ratrice IrĂšne afin d’illustrer l’ascension de la famille des ComnĂšnes et de justifier le fait qu’elle se soit emparĂ©e du trĂŽne que lui disputait la famille des Doukas[4]. Curieusement, l’empereur Alexis lui-mĂȘme avait refusĂ© que l’on Ă©crivĂźt le rĂ©cit de sa vie, considĂ©rant celle-ci comme une succession d’épreuves trop douloureuses Ă  se remĂ©morer[11]. Bien que la premiĂšre date mentionnĂ©e soit celle de 1059, le rĂ©cit commence vĂ©ritablement avec le rĂšgne de Romain DiogĂšne, NicĂ©phore espĂ©rant se concentrer sur le rĂšgne d’Alexis[12]. Sa santĂ© se dĂ©gradant, il ne put aller plus loin que le milieu du rĂšgne de NicĂ©phore III BotaniatĂšs (1079).

Contrairement au style complexe de son Ă©pouse, rempli de mots rares, de rĂ©fĂ©rences Ă  l’AntiquitĂ© grecque et de proverbes, celui de NicĂ©phore Bryenne est d’une simplicitĂ© militaire qui rappelle XĂ©nophon. Il est Ă©galement plus conventionnel, se pliant aux usages du temps. C’est ainsi que NicĂ©phore explique la modestie du titre MatĂ©riel pour une histoire par la nĂ©cessitĂ© pour quiconque voudrait relater les faits et gestes de l’empereur de possĂ©der Ă  la fois « le gĂ©nie de Thucydide » et « l’éloquence de DĂ©mosthĂšne ». Une autre raison qui justifierait ce titre est l’emprunt presque textuel de plusieurs passages de la Chronographie de Psellos[N 3] et du Synopsis de SkylitzĂšs[N 4] - [13]. De la mĂȘme façon, et comme le fait ultĂ©rieurement Anne ComnĂšne elle-mĂȘme, il utilise souvent des termes archaĂŻques pour dĂ©crire divers endroits : « Galatie et Laconie » pour le thĂšme de l’Anatolie, « Asie » pour le thĂšme thracĂ©sien, « Odrysae » pour la Thrace et « Orestias » pour Andrinople[14].

Le texte original a disparu, mais il fut retrouvĂ© sous forme de copie par P. Poussines dans un manuscrit de Toulouse, aujourd’hui lui aussi disparu, le Tolosanus deperditus, et dont il donna une editio princeps en 1661. Toutefois, Poussines « corrigea » le texte qu’il jugeait mauvais. Le texte fut rĂ©Ă©ditĂ© Ă  Venise en 1729, puis Ă  Bonn en 1836. Plus rĂ©cemment (1975), Paul Gauthier a tentĂ© de retracer le texte original en comparant le texte de Poussines aux emprunts faits par Anne ComnĂšne, Psellos et SkylitĂšs[15].

Contenu

  • PrĂ©face : considĂ©rĂ©e comme non authentique, sauf pour l’avant-propos final qui contient le titre de l’Ɠuvre.
  • Livre I : bref rĂ©sumĂ© de l’histoire de la famille ComnĂšne commençant avec Manuel, grand-pĂšre d’Alexis contemporain de Basile II (976-1025). Premiers affrontements entre les Romains conduits par l’empereur Romain DiogĂšne et les Turcs conduits par Alp Arslan ; bataille de Manzikert (1071), captivitĂ© et mort de l’empereur ().
  • Livre II : Ă©vĂšnements en Anatolie durant le rĂšgne de Michel VII marquĂ© par les rĂ©bellions en Orient aprĂšs la mort de Romain DiogĂšne, notamment la rĂ©volte d’Ursel.
  • Livre III : les difficultĂ©s en Occident ; la domination byzantine est Ă©branlĂ©e en Thrace, en MacĂ©doine et dans l’ancien Empire bulgare ; prouesses et mariage d’Alexis ComnĂšne ; rĂ©volte du grand-pĂšre de NicĂ©phore Bryenne jusqu’à l'avĂšnement de NicĂ©phore BotaniatĂšs en 1078.
  • Livre IV : succĂšs d’Alexis dans sa campagne contre NicĂ©phore Bryenne l’Ancien et NicĂ©phore Basilaces. L’Ɠuvre se termine sur l’échec de l’empereur face Ă  la rĂ©bellion de NicĂ©phore MĂ©lissĂšne en 1080[15] - [16].

Sources et jugements

Le texte parvenu jusqu’à aujourd'hui se terminant peu de temps aprĂšs la naissance de l’auteur, NicĂ©phore Bryenne n’a pu avoir connaissance des faits relatĂ©s. Toutefois, nombre de ses contemporains ont pu le renseigner sur divers aspects de cette pĂ©riode, comme l’impĂ©ratrice IrĂšne qu’il appelle « sa trĂšs sage intelligence et comprĂ©hension[17] », nombre de membres des familles Doukas et Bryenne, sans compter l’empereur Alexis lui-mĂȘme qu’il accompagna frĂ©quemment Ă  la guerre[N 5].

Sauf les Ɠuvres dĂ©jĂ  mentionnĂ©es de Psellos et de ScylitzĂšs, Bryenne ne semble pas avoir utilisĂ© d’autres sources Ă©crites[18].

Si l’Ɠuvre semble quelque peu biaisĂ©e en faveur de Jean Doukas et de Bryenne l’Ancien[19], elle demeure particuliĂšrement utile pour comprendre la vie de la cour Ă  cette Ă©poque, ainsi que la politique intĂ©rieure et extĂ©rieure de l’empire, en particulier le danger croissant que reprĂ©sentaient les Turcs pour Byzance[20]. Selon le Oxford Dictionary of Byzantium, le rĂŽle important donnĂ© Ă  l’histoire d’amour entre Alexis et IrĂšne ainsi que les obstacles dont ils eurent Ă  triompher auraient servi de prĂ©curseurs au style de la romance qui devait se dĂ©velopper par aprĂšs[21].

Notes et références

Notes

  1. Selon une ancienne coutume byzantine, on donnait au fils premier nĂ© le prĂ©nom de son grand-pĂšre ; toutefois, certains historiens croient que NicĂ©phore le Jeune aurait Ă©tĂ© le fils plutĂŽt que le petit-fils de NicĂ©phore l’Ancien ; voir Norwich 1996, p. 64, note 1.
  2. Voir Ă  ce sujet Ostrogorsky 1977, chap. V, « Le rĂ©gime de la noblesse civile (1025-1081) Â».
  3. Comparer Bryenne, I.5, et Psellos, Chronographie, VIIa, 16.
  4. Comparer Bryenne, I. 7-10, et ScylitzĂšs, p. 442-447.
  5. Voir par exemple, les tentatives d’Alexis pour verser la rançon du mercenaire Roussel, Bryenne II, 22-25.

Références

  1. Treadgold 2013, p. 344.
  2. ComnĂšne 1928, III, 4, para. 2.
  3. Treadgold 2013, p. 345.
  4. ComnÚne 1928, Préface, 3.
  5. ComnĂšne 1928, VII, 2.
  6. ComnĂšne 1928, X, 9, para. 2.
  7. ComnĂšne 1928, XIII, 7.
  8. ComnĂšne 1928, XV, 4-6.
  9. Herrin 2007, p. 234.
  10. ComnÚne 1928, Préface, 3, 4e para.
  11. ComnĂšne 1928, XV, 11.
  12. ComnÚne 1928, Préface, 3.2.
  13. Treadgold 2013, p. 347.
  14. Treadgold 2013, p. 352.
  15. Mossay 1977, p. 384-386.
  16. Treadgold 2013, p. 348.
  17. Bryenne, Préface.
  18. Treadgold 2013, p. 349.
  19. Treadgold 2013, p. 347-348.
  20. Vasiliev 1952, p. 489.
  21. Kazhdan 1991, « Bryennios, Nikephoros the Younger », vol. 1, p. 331.

Bibliographie

Sources primaires

  • (en) Nicephoras Bryennios (trad. Henri GrĂ©goire), « Materials for a History », Byzantion, nos 23 et 25-27,‎ 1953 et 1955-57, p. 469-530 et 881-925.
  • (en) Anne ComnĂšne (trad. Elizabeth A. S. Dawes), The Alexiade, Londres, Routledge, (lire en ligne).
  • Paul Gauthier, NicĂ©phore Bryennos : Histoire, Bruxelles, Byzantion, coll. « Corpus Fontium Historiae Byzantinae » (no IX), .
  • E. Meineke, Bonn Corpus Scriptorum Hist. Byz., 1836.
  • Jacques Paul Migne, Patrologia Graeca, cxxvii.
  • P. Possinus, Édition princeps, 1661.

Sources secondaires

  • (en) Judith Herrin, Byzantium : The Surprising Life of a Medieval Empire, Londres, Allen Lane, , 391 p. (ISBN 978-0-7139-9997-6).
  • (en) Alexander Kazhdan (dir.), Oxford Dictionary of Byzantium, New York et Oxford, Oxford University Press, , 1re Ă©d., 3 tom. (ISBN 978-0-19-504652-6 et 0-19-504652-8, LCCN 90023208).
  • (de) K. Krumbacher, Geschichte der byzantinischen Litteratur von Justinian bis zum Ende des oströmisches Reiches (527-1453), Munich, (rĂ©impr. 1897).
  • Justin Mossay, « Revue du livre de Paul Gauthier », L’AntiquitĂ© classique, no 46,‎ , p. 384-387.
  • (en) Leonora Neville, « A History of the Caesar John Doukas in Nikephoros Bryennos’ Material for History? », Byzantine and Modern Greek Studies, no 32,‎ , p. 168-188.
  • (en) Leonora Neville, Heroes and Romans in Twelfth-Century Byzantium : The Material for History of Nikephoros Bryennos, Cambridge & New York, Cambridge University Press, , 243 p. (ISBN 978-1-107-00945-5 et 1-107-00945-6, lire en ligne).
  • (en) John Norwich, Byzantium, The Decline and Fall, New York, Alfred A. Knopf, (ISBN 0-679-41650-1).
  • Georges Ostrogorsky (trad. de l'allemand), Histoire de l’État byzantin, Paris, Payot, , 649 p. (ISBN 2-228-07061-0).
  • (de) Hans Seger, Byzantinische Historiker des 10. und 11. Jahrhunderts. I. Nikephorios Bryennios, Munich, J. Lindauer, .
  • (en) Warren Treadgold, The Middle Byzantine Historians, Londres, Pallgrave Macmillan, , 546 p. (ISBN 978-1-137-28085-5).
  • (en) A. A. Vasiliev, History of the Byzantine Empire, Madison, University of Wisconsin Press, (ISBN 0-299-80926-9).

Articles connexes

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