Bataille de Manzikert
La bataille de Manzikert (en turc : Malazgirt Meydan Muharebesi ; en grec moderne : ÎÎŹÏη ÏÎżÏ ÎαΜÏζÎčÎșÎÏÏ) eut lieu le . LâarmĂ©e byzantine de lâempereur Romain IV DiogĂšne y fut mise en dĂ©route par celle du sultan seldjoukide Alp Arslan prĂšs de la ville de Manzikert (ou Mantzikert), actuellement Malazgirt, en Turquie, au nord du lac de Van. Cette dĂ©faite fragilisa considĂ©rablement l'Empire byzantin dans la rĂ©gion.
Date | |
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Lieu | Manzikert ou Mantzikert ou Malazgirt, Arménie médiévale |
Issue | Victoire seldjoukide décisive |
Empire byzantin | Sultanat seldjoukide |
Romain IV Nicéphore Bryenne Théodore AlyatÚs Andronic Doukas | Alp Arslan Soundaq |
Guerres byzantino-seldjoukides
Batailles
CoordonnĂ©es | 39° 08âČ 41âł nord, 42° 32âČ 21âł est |
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La bataille est le point culminant des tensions grandissantes entre l'Empire byzantin, qui est parvenu au faĂźte de sa puissance au milieu du XIe siĂšcle aprĂšs d'importantes conquĂȘtes en Orient, et les Seldjoukides qui sont devenus la force dominante du monde musulman. Les Byzantins, fragilisĂ©s par des querelles internes persistantes aprĂšs l'extinction de la dynastie macĂ©donienne, comptent sur Romain IV DiogĂšne pour stabiliser la frontiĂšre orientale soumise aux raids des Turcs. Le gĂ©nĂ©ral, devenu empereur en 1068, mobilise un effort militaire important et mĂšne plusieurs campagnes sans grands succĂšs.
Finalement, en 1071, il regroupe une grande armĂ©e dans l'espoir de remporter une victoire dĂ©cisive, capable tant de sanctuariser les provinces orientales que de lĂ©gitimer son pouvoir encore rĂ©cent. En face, le sultan Alp Arslan ne souhaite pas vĂ©ritablement une guerre Ă grande Ă©chelle contre les Byzantins et est ouvert Ă une trĂȘve mais, quand il apprend l'offensive de Romain IV, il se porte Ă sa rencontre.
L'affrontement, incertain dans son déroulement exact, se déroule prÚs de l'importante forteresse de Mantzikert, tout juste reconquise par les Byzantins. Romain IV, qui a envoyé une part notable de son armée mener des opérations dans les alentours, décide de combattre l'armée d'Alp Arslan. Néanmoins, lùché par une partie de ses troupes, notamment celles d'Andronic Doukas, et fragilisé par une tactique sûrement trop téméraire, il est vaincu et surtout fait prisonnier par le Sultan.
Si cette bataille a souvent Ă©tĂ© vue comme un tournant dĂ©cisif dans l'histoire du Moyen-Orient mĂ©diĂ©val, puisqu'elle ouvre sur la conquĂȘte de l'Anatolie par les Turcs, elle n'est pas une catastrophe militaire. Les Byzantins souffrent de pertes rĂ©duites et Romain IV est rapidement libĂ©rĂ© au prix d'un accord relativement clĂ©ment. Seulement, sa capture a suffi Ă mettre Ă bas une lĂ©gitimitĂ© encore fragile et quand il tente de revenir Ă Constantinople, il se heurte Ă un coup d'Ătat menĂ© par les Doukas qui l'obligent Ă cĂ©der le trĂŽne. Ainsi, c'est bien en ouvrant un nouveau chapitre dans les guerres civiles byzantines du XIe siĂšcle que la bataille de Mantzikert entraĂźne l'effondrement de l'Orient byzantin, plus que par son rĂ©sultat militaire direct.
Sources
Les sources qui nous renseignent sur la bataille de Mantzikert sont principalement byzantines. Parmi elles, la chronique de Michel AttaleiatĂšs occupe une importance notable car il accompagne l'armĂ©e en campagne, en tant que logothĂšte de l'armĂ©e. Il a notamment pu assister aux Ă©changes entre les gĂ©nĂ©raux et son discours, s'il est favorable Ă Romain IV, ne tourne pas non plus au panĂ©gyrique. En effet, il critique certains de ses choix, d'autant plus qu'il s'est fait le partisan d'autres orientations que Romain n'a pas suivies. Dans l'ensemble, si certains historiens estiment que son parti pris peut entacher la vĂ©racitĂ© de son propos, il reste souvent considĂ©rĂ© comme la source la plus fiable[5]. Michel Psellos est l'autre grand historien de la pĂ©riode mais il est fondamentalement hostile Ă Romain IV puisqu'il participe au complot qui le renverse. Surtout, il ne livre que peu de dĂ©tails sur la bataille en elle-mĂȘme. NicĂ©phore Bryenne est le fils du gĂ©nĂ©ral homonyme qui participe Ă la bataille. S'il s'appuie beaucoup pour sa chronique sur Michel Psellos, il a pu bĂ©nĂ©ficier des Ă©clairages de son pĂšre Ă propos du dĂ©roulement de la bataille. Des sources ultĂ©rieures s'attardent aussi sur la bataille comme les textes de Matthieu d'Ădesse, dont l'exactitude souffre de la distance temporelle avec l'Ă©vĂ©nement et sont souvent empreintes d'hostilitĂ© envers les Byzantins, coupables selon eux d'avoir voulu leur imposer le chalcĂ©donien et donc victimes de la colĂšre divine. Plus, la partie de la chronique de Michel le Syrien Ă propos de la bataille est largement erronĂ©e. Les sources musulmanes et turques sont aussi mobilisĂ©es mais aucun texte contemporain ne dĂ©crit la bataille. Le plus ancien, celui d'Al-Qalanisi, est particuliĂšrement bref. Les autres sources musulmanes sont souvent en partie romancĂ©es et racontent que l'empereur est capturĂ© par un esclave qui a failli ĂȘtre exclu de son armĂ©e et qui pourrait ĂȘtre d'origine byzantine[6].
Le contexte
La bataille de Mantzikert sâinscrit dans la montĂ©e en puissance des Turcs. Quelques dĂ©cennies auparavant, ils se sont emparĂ©s de Bagdad et sont devenus la principale puissance militaire du monde musulman, sâopposant notamment aux Fatimides dâĂgypte. Dans le mĂȘme temps, des troupes turques lancent rĂ©guliĂšrement des raids sur les possessions les plus orientales de lâEmpire byzantin. Ce dernier est alors Ă lâapogĂ©e de sa puissance depuis le VIIe siĂšcle et a rĂ©cemment mis la main sur des provinces armĂ©niennes dans la rĂ©gion du lac de Van. Il est redevenu une puissance militaire de premier ordre, susceptible notamment de mettre au pas les Ă©mirats musulmans frontaliers de Syrie, comme les Hamdanides dâAlep.
Dans un premier temps, les sultans turcs ne cherchent pas vĂ©ritablement Ă conquĂ©rir des terres byzantines mais voient dans ces raids une occasion de pillages et donc de butins. En outre, lâEmpire byzantin connaĂźt des difficultĂ©s intĂ©rieures du fait de lâextinction de la dynastie macĂ©donienne entre la mort de Basile II et celle de ThĂ©odora, derniĂšre reprĂ©sentante de cette famille en 1056. DĂšs lors quâaucun prĂ©tendant lĂ©gitime ne peut Ă©merger, les rivalitĂ©s sâaffirment entre les grandes familles impĂ©riales, dĂ©sireuses de sâemparer du pouvoir suprĂȘme. Ces querelles, qui tournent parfois Ă la guerre civile, dĂ©tournent lâarmĂ©e de la dĂ©fense des frontiĂšres, assaillies en Orient mais aussi en Occident, par les PetchĂ©nĂšgues â autre peuple turc â dans les Balkans ou les Normands en Italie.
En 1067, Constantin X Doukas sâĂ©teint. ReprĂ©sentant de la puissante famille des Doukas, il espĂšre Ă©tablir une nouvelle dynastie, incarnĂ©e par ses enfants, dont le futur Michel VII. NĂ©anmoins, ce dernier ne semble pas avoir lâenvergure pour gouverner et la rĂ©gence passe de facto Ă sa mĂšre, Eudocie Makrembolitissa. NĂ©anmoins, les principales autoritĂ©s byzantines (le SĂ©nat, lâarmĂ©e, le patriarche) sâaccordent sur la nĂ©cessitĂ© dâune autoritĂ© forte sur le trĂŽne impĂ©rial pour combattre les menaces pressantes aux frontiĂšres de lâEmpire. Le choix se porte sur Romain DiogĂšne, gĂ©nĂ©ral rĂ©putĂ©, qui Ă©pouse Eudocie, laquelle est dĂ©liĂ©e du serment fait Ă son mari de ne pas se remarier.
DâemblĂ©e, la prioritĂ© du nouvel empereur est de combattre les Turcs. Il rĂ©organise lâarmĂ©e et tente de rĂ©tablir les contingents locaux, issus des thĂšmes, les provinces de lâEmpire et qui ont Ă©tĂ© dĂ©laissĂ©s depuis plusieurs dĂ©cennies. Il compte sâappuyer avant tout sur des forces indigĂšnes plutĂŽt que sur des mercenaires indisciplinĂ©s et coĂ»teux. En outre, il voit dans cette guerre lâoccasion dâaffirmer sa lĂ©gitimitĂ© face Ă ses concurrents, notamment les Doukas. En 1068 et 1070, il mĂšne plusieurs campagnes, parfois en personne, jusquâaux confins orientaux de son Empire. En dĂ©pit de quelques succĂšs, il ne remporte pas de victoires dĂ©cisives. En face, les Turcs sont des troupes mobiles, qui opĂšrent des raids parfois profonds mais sont difficiles Ă intercepter. En outre, leurs razzias finissent par appauvrir gravement les provinces armĂ©niennes[7].
Deux stratĂ©gies s'opposent alors parmi les gĂ©nĂ©raux de l'Empire. Certains plaident pour l'abandon des terres les plus Ă l'est, en particulier les provinces armĂ©niennes acquises le plus rĂ©cemment, pour se concentrer sur la dĂ©fense du cĆur de l'Anatolie. D'autres, principalement d'origine armĂ©nienne, estiment au contraire qu'il faut assurer l'intĂ©gritĂ© de l'ensemble du territoire impĂ©rial.
Du cĂŽtĂ© des Seldjoukides, Alp Arslan nâa pas de projet de conquĂȘte contre lâempire byzantin. Son objectif principal est la destruction du califat fatimide du Caire. Il prolonge ainsi la politique de son prĂ©dĂ©cesseur, Toghrul-Beg, visant Ă assurer la dĂ©fense du califat abbasside, dont le sultan tient la consĂ©cration de son pouvoir, et de lâorthodoxie sunnite[8]. En 1070, câest contre les Fatimides dâĂgypte quâil mĂšne son armĂ©e et dâabord en Syrie contre lâĂ©mir dâAlep, vassal de ces derniers.
Forces en présence
Du cĂŽtĂ© des Byzantins, Romain IV mobilise une trĂšs grande armĂ©e, parmi les plus importantes de l'histoire byzantine rĂ©cente[9] car il souhaite obtenir un succĂšs d'ampleur. Les estimations varient et restent nĂ©cessairement en partie imprĂ©cises. Celles issues des sources mĂ©diĂ©vales sont gĂ©nĂ©ralement largement exagĂ©rĂ©es, puisqu'elles vont jusqu'Ă 40 000 hommes. L'ensemble de l'armĂ©e byzantine, qui pourrait compter autour de 100 000 hommes, n'est Ă©videmment pas mobilisĂ©e[10]. Des troupes restent en garnison pour dĂ©fendre les frontiĂšres, y compris en Syrie oĂč le dux d'Antioche conserve une force substantielle qui ne rejoint pas Romain[11]. Enfin, les mercenaires de Robert Crispin restent en retrait et leur chef est confinĂ© Ă Abydos[12]. En outre, sur la totalitĂ© de l'armĂ©e prĂ©sente durant la campagne, plusieurs contingents ne participent pas Ă la bataille proprement dite car ils sont envoyĂ©s aux alentours de Mantzikert pour remplir diffĂ©rentes fonctions (Ă©clairage, dĂ©fense de positions clĂ©s etc.). Dans tous les cas, l'armĂ©e mobilisĂ©e pour la campagne va probablement 40 000 Ă 60 000[9] hommes, ce qui reprĂ©sente une force de grande importance pour l'Ă©poque, sachant qu'il faut probablement y rajouter la cohorte de non-combattants qui accompagnent toute armĂ©e en campagne et qui pourrait en l'occurrence comprendre autour de 20 000 hommes[13]. Elle comprend des troupes Ă©trangĂšres, dont un contingent d'Ouzes, parfois qualifiĂ©s de Scythes par les sources Ă©trangĂšres. Les ArmĂ©niens composent aussi une part substantielle de l'armĂ©e. Les troupes de la partie europĂ©enne de l'Empire sont prĂ©sentes et sont commandĂ©es par NicĂ©phore Bryenne, de mĂȘme qu'une bonne partie de celles d'Orient, mĂȘme si seules les tagmata de Cappadoce sont citĂ©es. Romain peut aussi s'appuyer sur des contingents d'Ă©lite, dont une partie de la garde varangienne ou l'unitĂ© des Scholes. Par consĂ©quent, les mercenaires sont peu nombreux puisque les Ouzes et les ArmĂ©niens habitent au sein de l'Empire. C'est lĂ une des caractĂ©ristiques fortes de la politique militaire de Romain de se reposer prioritairement sur des troupes indigĂšnes[14]. NĂ©anmoins, des contingents petchĂ©nĂšgues et francs (autour de 500), sous la conduite de Roussel de Bailleul font partie de l'expĂ©dition, ainsi qu'une unitĂ© de Germains, les Nemitzoi. Enfin, il semble que l'armĂ©e byzantine soit accompagnĂ©e d'importantes armes de siĂšge[13].
Au-delà de Romain IV qui fait campagne en personne, l'armée byzantine comprend plusieurs généraux d'importance dont Nicéphore Bryenne, parmi les commandants militaires les plus réputés de l'époque au sein de l'Empire. Andronic Doukas est aussi l'un des principaux. Il appartient à la famille des Doukas, globalement défavorable à Romain qui, à leurs yeux, prend la place de Michel Doukas, le fils de l'impératrice Eudocie Makrembolitissa. Nicéphore Basilakios est dux de Théodosiopolis et rejoint l'armée de Romain IV quand elle arrive en Orient tandis que Roussel de Bailleul est le commandant du puissant corps de mercenaires francs et normands, que les Byzantins peinent réguliÚrement à contrÎler. Joseph TarchaniotÚs est un autre général réputé. Enfin, un général moins connu, Théodore AlyatÚs, fait aussi partie de l'état-major. C'est un Cappadocien proche de l'empereur[15]. En revanche, Romain écarte certains commandants connus mais dont la loyauté n'est pas garantie, à l'image de Nicéphore BotaniatÚs.
La connaissance de l'armée seldjoukide est plus réduite du fait du manque de sources. Elle est dirigée en personne par le sultan. Il s'agit donc d'une force importante et non de simples groupes de pillards. Elle est principalement composée d'archers à cheval, dans la lignée des forces nomades et est donc caractérisée par sa grande mobilité et sa capacité à évoluer en unités autonomes les unes des autres[HA 1]. Quant à ses effectifs exacts, ils sont difficiles à évaluer, si ce n'est que les Byzantins disposent d'une importante supériorité numérique, ce qui situerait l'armée turque autour des 15 000 hommes.
La campagne de Manzikert
Romain prĂ©pare son expĂ©dition pendant lâhiver 1070-1071. Au printemps, il rĂ©unit son armĂ©e et progresse Ă travers lâAsie Mineure par Sebasteia (Sivas) jusquâĂ Theodosioupolis (Erzurum) oĂč il arrive fin juin. La progression ne se fait pas en toute sĂ©rĂ©nitĂ© car des soldats byzantins, notamment des Nemitzoi, se rendent coupables de pillages auprĂšs de la population civile et sont sĂ©vĂšrement chĂątiĂ©s[16]. Ă ThĂ©odosiopolis, Romain achĂšve la concentration de ses forces et ordonne aux hommes de se munir de suffisamment de ravitaillement pour deux mois de campagne, conscient que les pillages incessants des Turcs ont appauvri la rĂ©gion de Manzikert[11]. Dans le mĂȘme temps, il poursuit son activitĂ© diplomatique auprĂšs d'Alp Arslan, pour le convaincre d'abandonner ses visĂ©es agressives contre l'Empire. Selon plusieurs historiens comme Paul Markham, c'est une manĆuvre de Romain pour distraire le sultan du thĂ©Ăątre byzantin et l'inciter Ă se porter sur d'autres fronts, en particulier contre les Fatimides. Ainsi, en persuadant son adversaire qu'il dĂ©sire la paix, Romain peut espĂ©rer le prendre par surprise et reprendre plus aisĂ©ment les positions perdues en ArmĂ©nie. C'est une rĂ©ussite car son ambassade envoyĂ©e en fĂ©vrier obtient la conclusion d'une trĂȘve alors mĂȘme qu'Alp Arslan assiĂšge Ădesse. Elle prĂ©voit notamment la restitution de la citĂ© de Manzikert en Ă©change du retour de HiĂ©rapolis sous le giron seldjoukide. C'est la preuve que le sultan turc ne souhaite pas un conflit de grande envergure contre les Byzantins et il consent Ă se retirer et se porte en Syrie pour investir Alep, une ville tenue par les Fatimides[17] - [18].
Mais deux mois plus tard, en mai, le sultan reçoit une deuxiĂšme ambassade de Romain qui, cette fois-ci, exige la restitution des forteresses prises en ArmĂ©nie, dont Manzikert, en Ă©change de la forteresse de HiĂ©rapolis (Manbij en Syrie), sous la menace dâune guerre en cas dâĂ©chec des nĂ©gociations. Au mĂȘme moment, le sultan apprend lâarrivĂ©e de lâarmĂ©e byzantine en ArmĂ©nie. ConsidĂ©rant cette avance comme une menace dâinvasion imminente, il lĂšve le siĂšge dâAlep et se dirige en toute hĂąte vers lâEst mais sans que les Byzantins n'aient rĂ©ellement conscience de l'importance de l'armĂ©e qui se rapprochent d'eux[19].
Une fois arrivĂ©e Ă ThĂ©odosioupolis, Romain IV commence Ă viser plusieurs positions clĂ©s de la rĂ©gion du Vaspourakan, autour du lac de Van. Son objectif principal est la forteresse de Mantzikert, tout juste conquise par les Turcs mais il envoie aussi les mercenaires petchĂ©nĂšgues, puis francs, dirigĂ©s par Roussel de Bailleul, dans les environs de Khliat, autre position stratĂ©gique sur le lac. Ces deux citĂ©s sont primordiales pour assurer la dĂ©fense des provinces extĂ©rieures de l'Empire, en verrouillant la rĂ©gion du haut Euphrate[20]. Ensuite, il se dirige en personne devant Mantzikert. LĂ , il envoie un autre contingent, particuliĂšrement important et comprenant des effectifs expĂ©rimentĂ©s, soutenir les mercenaires Ă Khliat. C'est le gĂ©nĂ©ral Joseph TarchaniotĂšs qui commande cette force, qui va cruellement manquer Ă Romain IV. En effet, ce dernier estime avoir largement les troupes suffisantes pour prendre Mantzikert, ce qu'il fait grĂące Ă l'action des soldats armĂ©niens, qui agissent semble-t-il sans en rĂ©fĂ©rer Ă l'Ă©tat-major impĂ©rial. Quant Ă TarchaniotĂšs, il prĂ©fĂšre battre en retraite vers l'ouest[21]. AttaleiatĂšs laisse entendre qu'il a fui le combat mais rien ne permet d'ĂȘtre certain qu'il a effectivement Ă©tĂ© en contact avec les troupes d'Alp Arslan et qu'il a optĂ© pour le repli[22].
à ce stade, l'armée impériale est donc amputée d'unités importantes. Néanmoins, Romain IV dispose de troupes encore solides, notamment les mercenaires ouzes, souvent qualifiés de Scythes dans les sources, mais aussi les Arméniens, particuliÚrement nombreux, ainsi que des effectifs bulgares. Quant aux troupes ethniquement byzantines, il s'agit des tagmata d'Occident de Nicéphore Bryenne et probablement des tagmata d'Orient, dont seul celui de Cappadoce est mentionné. Enfin, Andronic Doukas dirige le corps d'élite des archontes. Aucune source ne donne de chiffres crédibles et Jean-Claude Cheynet estime qu'il pourrait avoir eu jusqu'à 60 000 hommes autour de lui, partant du principe que Nicéphore Bryenne dirige prÚs de 15 000 hommes, soit le quart de l'armée puisqu'il compose le flanc gauche.
Quoi qu'il en soit, une fois la ville de Mantzikert conquise, Romain IV a écho de l'avancée d'une armée turque. Son camp est alors disposé juste à l'extérieur de Mantzikert, sur les rives d'un petit affluent du Murat Su. Le théùtre des opérations est une région plutÎt montagneuse avec une sorte de steppe rocailleuse autour de Mantzikert, bien connue des Turcs qui y lancent réguliÚrement des raids alors que l'état-major byzantin, y compris Romain IV, a sûrement une connaissance plus réduite du terrain[HA 2].
La bataille
Le 24 aoĂ»t, Alp Arslan est dĂ©sormais tout proche de l'armĂ©e de Romain IV et des premiers accrochages sont relatĂ©s. C'est d'abord le corps d'armĂ©e de NicĂ©phore Bryenne qui s'avance mais il se rend rapidement compte que c'est l'avant-garde de l'armĂ©e du sultan qui arrive et non de simples bandes turcomanes, ce qui le contraint Ă battre en retraite. Toutefois, les renforts de cavalerie dirigĂ©s par NicĂ©phore BasilakĂšs tombent dans une embuscade aprĂšs s'ĂȘtre aventurĂ©s imprudemment Ă la poursuite d'Ă©lĂ©ments ennemis feignant une retraite, et le gĂ©nĂ©ral byzantin est fait prisonnier[21] - [HA 3]. Quand NicĂ©phore Bryenne arrive pour le secourir, il est dĂ©jĂ trop tard et les Turcs se sont retirĂ©s. De nouveau, il est contraint de faire face Ă des opĂ©rations de harcĂšlement qui compliquent sa retraite mais il rĂ©ussit Ă manĆuvrer suffisamment habilement, Ă l'aide de contre-attaques, pour faire fuir l'adversaire sans que celui-ci ne soit parvenu Ă l'encercler. Il s'agit lĂ d'un sĂ©rieux avertissement pour les Byzantins et NicĂ©phore Bryenne semble mĂȘme avoir Ă©tĂ© blessĂ© par des archers turcs au cours de la journĂ©e. Romain IV prend conscience du danger et dĂ©cide de se porter lui-mĂȘme en avant des Turcs. Seulement, ces derniers ont de nouveau quittĂ© le champ de bataille et quand la soirĂ©e arrive, l'empereur doit se rĂ©signer Ă attendre le lendemain[HA 4]. La mobilitĂ© des Seldjoukides constituent bien le principal dĂ©fi pour les Byzantins, comme lors des prĂ©cĂ©dentes campagnes. Ils ne parviennent que rarement Ă les surprendre et Ă les intercepter, subissant le plus souvent leurs actions. Ainsi, dans la nuit, un raid est menĂ© contre le contingent des Ouzes, particuliĂšrement exposĂ©, qui est pris par surprise. Cet assaut suffit Ă susciter la panique dans le camp byzantin, mĂȘme si les hommes d'Alp Arslan se retirent presque aussi vite qu'ils sont arrivĂ©s.
Le 25 aoĂ»t, un engagement oppose deux dĂ©tachements byzantins et turcs, alors que ces derniers tentent de prendre le contrĂŽle de la rive opposĂ©e au camp impĂ©rial, sans succĂšs. En dĂ©pit de ce modeste succĂšs, la position byzantine est fragilisĂ©e par la dĂ©sertion de la plupart des Ouzes. Le mĂȘme jour, l'empereur reçoit une ambassade en provenance de Bagdad, envoyĂ©e par le calife en personne mais Romain Ă©met de telles conditions Ă toute trĂȘve qu'aucun accord n'est possible. Il est envisageable qu'il ait soupçonnĂ© une ruse d'Alp Arslan pour gagner du temps et, dans tous les cas, il semble suffisamment confiant dans ses forces pour aller au combat[HA 5] - [23].
C'est le 26 aoĂ»t qu'intervient la bataille principale. L'heure est tardive quand l'affrontement s'annonce. L'armĂ©e byzantine est rĂ©partie comme suit : Romain IV dirige le centre avec les rĂ©giments impĂ©riaux autour de lui, dont un corps de la garde varangienne et un grand nombre de soldats armĂ©niens ; Ă gauche, NicĂ©phore Bryenne commande les troupes d'Occident, et, Ă droite, ThĂ©odore AlyatĂšs les troupes d'Orient. Enfin, Andronic Doukas a la charge de l'arriĂšre-garde, tandis que des unitĂ©s de mercenaires ouzes et petchĂ©nĂšgues sont sĂ»rement positionnĂ©es sur les flancs. HarcelĂ©s par les Seldjoukides qui opĂšrent avec une grande mobilitĂ© et des armes de jet, Romain IV progresse imprudemment quand il se rend compte qu'il s'est trop Ă©loignĂ© de son camp et des autres corps d'armĂ©e. Lorsqu'il dĂ©cide d'un regroupement, les Seldjoukides passent Ă l'attaque et, selon Bryenne, dispersent d'abord l'aile droite. Par la suite, Andronic Doukas, plutĂŽt que de porter secours Ă l'empereur, dĂ©cide de battre en retraite, ce qui contribue Ă semer la panique dans les rangs byzantins, peut-ĂȘtre exacerbĂ©e par la dĂ©cision de Romain de revenir en arriĂšre. Enfin, l'aile gauche semble aussi mise Ă rude Ă©preuve et contrainte au repli. Romain IV se retrouve alors isolĂ© et encerclĂ©. Le rĂ©cit de la bataille, s'il peut ĂȘtre tracĂ© dans les grandes lignes, reste en partie mystĂ©rieux dans son dĂ©roulement exact. Alors que Michel AttaleiatĂšs laisse Ă penser qu'il n'y a pas rĂ©ellement eu de bataille Ă grande Ă©chelle, NicĂ©phore Bryenne dresse un tableau plus classique de l'affrontement. Les historiens, notamment Jean-Claude Cheynet, tendent Ă suivre AttaleiatĂšs qui peut prĂ©tendre Ă une rĂ©elle proximitĂ© avec l'Ă©vĂ©nement[24].
Si les récits divergent quelque peu, un fait capital est incontournable. L'empereur est bel et bien capturé. Les circonstances exactes de sa reddition font l'objet de précisions variables. AttaleiatÚs attribue sa capture à une blessure à la main, alors que Nicéphore Bryenne insiste sur sa capture aprÚs la mort de son cheval. Les sources musulmanes mettent l'accent sur le rÎle d'un simple soldat (un ghulam) dans la capture de l'empereur[25].
Les tactiques mises en Ćuvre
Les turcs seldjoukides pratiquaient le combat traditionnel des peuples de la steppe, fait de harcĂšlements, de fuites simulĂ©es afin de rompre la cohĂ©sion de lâennemi pour lâentraĂźner dans des embuscades. Câest cette tactique que le sultan seldjoukide va imposer Ă son adversaire Ă Manzikert comme le dĂ©crit notamment NicĂ©phore Bryenne (petit-fils homonyme du NicĂ©phore Bryenne de la bataille et Ă©poux dâAnne ComnĂšne).
Face Ă elle, lâarmĂ©e byzantine avait dĂ©veloppĂ© depuis des siĂšcles une tactique propre Ă contrer cette forme de guerre. Elle reposait avant tout sur le maintien de la cohĂ©sion des troupes rĂ©parties en corps qui se soutiennent mutuellement et qui forment une vĂ©ritable forteresse mobile contre laquelle des cavaliers lĂ©gers sont impuissants tant quâelle reste unie. Romain IV DiogĂšne, en gĂ©nĂ©ral expĂ©rimentĂ© ne devait pas lâignorer. Mais au matin du , la cohĂ©sion de son armĂ©e a dĂ©jĂ Ă©tĂ© largement Ă©branlĂ©e.
Cette rupture de la cohĂ©sion de lâarmĂ©e byzantine aggravĂ©e par la trahison dâAndronic Doukas, commandant lâarriĂšre-garde, conduit l'armĂ©e byzantine Ă sa dĂ©route.
Les pertes
Longtemps, la bataille de Mantzikert a Ă©tĂ© considĂ©rĂ©e comme un affrontement dĂ©cisif lors duquel l'armĂ©e byzantine souffre de pertes importantes, ce qui expliquerait l'effondrement rapide de la dĂ©fense de l'Asie Mineure et sa conquĂȘte subsĂ©quente par les Seldjoukides. Pourtant, si la capture de l'empereur constitue un grave revers pour les Byzantins, ils semblent avoir souffert de pertes limitĂ©es sur le strict plan militaire. En effet, une bonne partie des troupes engagĂ©es par Romain IV dans la campagne ne sont pas partie prenante de l'affrontement, en premier lieu le contingent de Joseph TarchaniotĂšs, apparemment fort de plusieurs milliers d'hommes au moins. En outre, plusieurs corps d'armĂ©e prĂ©sents autour de Romain IV souffrent de pertes limitĂ©es, comme l'arriĂšre-garde commandĂ©e par Andronic Doukas qui se retire sans combattre ou les troupes de NicĂ©phore Bryenne, apparemment peu engagĂ©es et que l'on retrouve quelques annĂ©es plus tard dans les Balkans contre les PetchĂ©nĂšgues. Enfin, mĂȘme les forces d'AttalyatĂšs ont probablement pu se replier en ordre puisqu'une partie d'entre elles se regroupent autour de l'empereur quand celui-ci est libĂ©rĂ©[27] - [HA 6]. Ce sont surtout les troupes directement proches de l'empereur qui souffrent le plus, soit qu'elles aient Ă©tĂ© tuĂ©es, soient qu'elles aient Ă©tĂ© constituĂ©es prisonniers. La faiblesse de ces pertes peut s'expliquer par l'heure avancĂ©e de l'affrontement qui favorise une retraite sous couvert de la nuit, tandis que des soldats byzantins ont probablement trouvĂ© refuge dans la forteresse de Mantzikert, tout juste reprise[28]. Enfin, les troupes turques ont sĂ»rement prĂ©fĂ©rĂ© jeter leur dĂ©volu sur le pillage des richesses du camp impĂ©rial. En l'occurrence, les pertes matĂ©rielles et financiĂšres sont effectivement lourdes pour l'Empire[29] - [HA 7].
La suite des Ă©vĂ©nements confirme que l'appareil militaire byzantin est plutĂŽt solide puisque Romain IV s'appuie rapidement sur des troupes substantielles issues des rĂ©gions les plus orientales de l'Empire et qui tentent de soutenir sa reconquĂȘte du trĂŽne. Ainsi, John Markham chiffre les pertes Ă 8 000 hommes, un nombre certes important mais loin de constituer un dĂ©sastre[30]. Jean-Claude Cheynet est encore plus optimiste car il rappelle qu'une bonne part des prisonniers sont libĂ©rĂ©s. Il se risque Ă une approximation de 5 Ă 10 % de pertes par rapport Ă l'effectif complĂštement mobilisĂ© pour la campagne, soit moins de 8 000 hommes. Selon lui, « l'armĂ©e de Romain a donc Ă©tĂ© plus dispersĂ©e que dĂ©truite »[31].
En dĂ©finitive, si la capture de l'empereur est Ă©videmment une perte terrible pour les Byzantins, peu de personnages de haut rang sont mentionnĂ©s dans les pertes. On peut citer lâepi ton deeseon LĂ©on et le protoasĂ©krĂštĂšs Eustratios ChoirosphaktĂšs qui sont tuĂ©s, tandis que Basile MalĂ©sĂšs, logothĂšte des eaux, est capturĂ©[32]. NicĂ©phore BasilakĂšs peut aussi ĂȘtre ajoutĂ© Ă cette courte liste, puisqu'il a Ă©tĂ© fait prisonnier un peu avant la bataille.
Conséquences
Sur l'empire grec
Une fois l'accord conclu entre Alp Arslan et Romain IV, ce dernier peut se rendre en terre byzantine reprendre son trÎne. Seulement, les Doukas ne sont pas restés inactifs. Ils ont mis à profit la détention et l'absence de l'empereur pour mettre la main sur l'Empire[33]. Le césar et chef de famille Jean Doukas se rend à Constantinople dÚs qu'il apprend la défaite et décide de rétablir les droits de Michel VII Doukas comme seul dirigeant de l'Empire. Il semble avoir contraint l'impératrice Eudocie Makrembolitissa à signer l'acte de destitution de Romain IV, alors que l'impératrice ignore encore le sort de son mari et il mobilise une armée dÚs qu'il est mis au courant du retour de son adversaire[34].
Romain IV est rapidement en mesure de rassembler une force substantielle Ă ses cĂŽtĂ©s mais est vaincu une premiĂšre fois par les Doukas, contraint Ă hiverner en Cilicie puis convaincu de se rendre au printemps 1072, avant d'ĂȘtre aveuglĂ©, exilĂ© et de dĂ©cĂ©der des suites de ses blessures. Ces Ă©vĂ©nements ont au moins autant d'importance que la bataille en elle-mĂȘme[35]. La chute de Romain IV rend caduc le traitĂ© conclu avec Alp Arslan et les Seldjoukides se sentent libres de reprendre leurs raids. Du cĂŽtĂ© des Byzantins, le rĂšgne de Michel VII est fragile, l'empereur lui-mĂȘme est rĂ©putĂ© faible et sans rĂ©elle capacitĂ© Ă gouverner l'Empire. C'est la porte ouverte aux rĂ©bellions et aux complots et l'armĂ©e byzantine, quoique toujours puissante, se consacre bientĂŽt plus Ă des affrontements fratricides qu'Ă la dĂ©fense de la frontiĂšre orientale assaillie. La rĂ©volte de NicĂ©phore BotaniatĂšs en 1077-1078 est l'archĂ©type de ces soulĂšvements qui mobilisent une part importante de l'armĂ©e et, au-delĂ , conduisent au recrutement des mercenaires turcs qui ne tardent pas Ă profiter de l'occasion pour s'installer de plus en plus loin vers l'ouest. Ainsi, Ă l'avĂšnement d'Alexis Ier ComnĂšne en 1081, qui parvient Ă stabiliser l'Empire et Ă conserver le pouvoir jusqu'en 1118, la quasi-totalitĂ© de l'Anatolie a Ă©tĂ© conquise presque sans combattre par les Turcs. Seuls des gouverneurs locaux ont parfois su opposer une rĂ©sistance plus ou moins Ă©phĂ©mĂšre mais, abandonnĂ©s par le pouvoir central, ont tous fini par cĂ©der. Ces pertes territoriales, l'Empire byzantin ne parvient jamais Ă s'en remettre complĂštement en dĂ©pit des efforts de la dynastie des ComnĂšnes et un Ătat turc, le sultanat de Roum s'installe dans la durĂ©e autour d'Iconium, formant la matrice de la Turquie moderne.
Sur l'empire arabe
MĂȘme si les Seljouk se prĂ©tendent vassaux du calife de Bagdad, celui-ci n'a plus guĂšre qu'une suzerainetĂ© formelle ; l'empire arabe perd en fait le pouvoir en Syrie et en Palestine, entre autres. Un raid Ă©gyptien se rĂ©empare de JĂ©rusalem en 1099, mais pour quelques mois seulement, avant l'arrivĂ©e des croisĂ©s. Un siĂšcle plus tard, quand les croisĂ©s sont repoussĂ©s par Saladin (qui est lui-mĂȘme un Kurde), il agit comme gĂ©nĂ©ral au service des Seljouk de Damas.
DĂ©clenchement des croisades
Les Seljouk prennent possession d'une grande partie de l'Asie mineure. Ils interrompent les routes de pÚlerinage qui traditionnellement menaient les chrétiens d'Europe vers Jérusalem, qu'antérieurement les Arabes n'interdisaient pas. En réaction contre le pouvoir turc Seljouk, la papauté lance la premiÚre croisade afin de rouvrir ces routes de pÚlerinage ; elle s'empare de Jérusalem en 1099.
Analyse stratégique
La bataille a fait l'objet de multiples analyses et, si son déroulement exact est imprécis, les causes de la victoire turque sont relativement bien appréhendées. Elles tiennent principalement à l'importante division des forces du cÎté des Byzantins, puisque Romain IV envoie de nombreux contingents mener des actions dans la région du lac de Van, qui sont autant de renforts précieux qui ne sont pas à sa disposition lors de l'affrontement. Sûrement a-t-il négligé la menace de l'armée d'Alp Arslan dont il n'a pas mesuré l'importance. Plus largement, le renseignement a manqué du cÎté des Byzantins et ce n'est que le 24 août qu'ils réalisent l'ampleur de la menace. Le rÎle de Joseph TarchaniotÚs a beaucoup été débattu car il est proche de la route qu'emprunte Alp Arslan. Pour autant, il ne prévient ni ne rejoint Romain IV. Néanmoins, il est difficile de mesurer la responsabilité exacte du général byzantin, qui pourrait ne pas avoir eu les moyens d'intervenir. Le rÎle d'Andronic Doukas semble plus clair dans le déroulement des événements car son repli contribue à la débùcle byzantine et il pourrait s'agir d'un acte de trahison envers un empereur mésestimé des Doukas[HA 8].
Postérité
Du fait de son rĂŽle, rĂ©el ou supposĂ©, dans l'invasion de l'Anatolie par les Seldjoukides, la bataille de Manzikert a joui d'une trĂšs grande postĂ©ritĂ©, en particulier dans le monde turco-musulman oĂč elle demeure considĂ©rĂ©e comme un acte fondateur de la Turquie. Les rĂ©fĂ©rences Ă la bataille font partie de la mĂ©moire historique turque, Ă l'image de la prise de Constantinople en 1453, comme en tĂ©moignent les nombreuses cĂ©lĂ©brations qui accompagnent la date du 26 aoĂ»t, anniversaire de l'Ă©vĂ©nement[36] - [37]. DiffĂ©rents symboles tĂ©moignent de la portĂ©e de l'Ă©vĂ©nement et de sa rĂ©sonnnance dans le monde turc. Ainsi, la MosquĂ©e de Ăamlıca, la plus grande de Turquie, inaugurĂ©e en 2019 Ă Istanbul dispose de quatre minarets d'une hauteur de 107,1 mĂštres, faisant directement Ă©cho Ă la date de la bataille (1071)[38].
Notes
- (en) John Haldon, The Byzantine Wars, The History Press, (ISBN 978 0 7524 9652 8)
- « The terrain over which the battle [âŠ] where needed, act independently »
- « Whatever the reason for this loss [âŠ] a significant disadvantage to the Romans »
- « On the morning after the occupation [âŠ] but he himself was captured »
- « The emperor now realized [âŠ] to withdraw to his camp »
- « Next Morning, 25 August [âŠ] if he could bring them to battle »
- « Although the imperial army had dissolved [âŠ] news of the emperor's death in the battle »
- « The reasons for these relatively light [âŠ] after the emperor's release »
- « It was at this point [âŠ] the remaining divisions to abandon the field »
- Haldon 2001, p. 173.
- Jean-Claude Cheynet, Mantzikert: un désastre militaire?, Bruxelles, Revue internationale des études byzantines, , p. 426
- Haldon 2001, p. 172.
- Haldon 2001, p. 180.
- Sur les débats à propos de la présence effective de Michel AttaliatÚs lors de la bataille, voir Vratimos 2013, p. 829-840, qui estime qu'il est vraisemblablement resté à l'intérieur du camp le jour de l'affrontement dont il n'aurait donc pas été un témoin direct.
- Voir notamment Cahen 1934, p. 613-642.
- Jean-Claude Cheynet, Mantzikert: un désastre militaire?, Bruxelles, Revue internationale des études byzantines, , p. 417-418
- Roux 1984, p. 153.
- Cheynet 1980, p. 426.
- Jean-Claude Cheynet, « Les effectifs de l'armĂ©e byzantine aux Xe-XIIe siĂšcles », Cahiers de civilisation mĂ©diĂ©vale, vol. 152,â (lire en ligne), p. 332-333.
- Cheynet 1980, p. 422.
- Cheynet 1980, p. 421.
- Nicolle 2013, p. 40.
- Cheynet 1980, p. 424-425.
- Nicolle 2013, p. 21-22.
- Vratimos 2019, p. 534.
- Markham 2005, p. 7.
- Nicolle 2013, p. 34-35.
- Kaldellis 2017, p. 248.
- Nicolle 2013, p. 30.
- Markham 2005, p. 8.
- Cheynet 1980, p. 423.
- Kaldellis 2017, p. 247.
- Cheynet 1980, p. 427.
- Nicolle 2013, p. 82.
- Ăoban, R. V. (2020). The Manzikert Battle and Sultan Alp Arslan with European Perspective in the 15st Century in the Miniatures of Giovanni Boccaccio's "De Casibus Virorum Illustrium"s 226 and 232. French Manuscripts in BibliothĂšque Nationale de France. S. Karakaya ve V. Baydar (Ed.), in 2nd International MuĆ Symposium Articles Book (p. 48-64). MuĆ: MuĆ Alparslan University. Source
- Cheynet 1980, p. 228.
- Cheynet 1980, p. 429-430.
- Nicolle 2013, p. 83.
- Markham 2005, p. 9-10.
- Cheynet 1980, p. 430-431.
- Nicoletta DuyĂ©, « Un haut fonctionnaire byzantin du XIe siĂšcle : Basile MalĂ©sĂšs », Revue des Ă©tudes byzantines, vol. 30,â (lire en ligne), p. 167-168.
- Kaldellis 2017, p. 248-249.
- Kaldellis 2017, p. 249.
- Kaldellis 2017, p. 249-251.
- GeneviĂšve-LĂ©a Raso, « La quĂȘte identitaire de l'Etat turc : Etats, nations, nationalismes de 1839 Ă nos jours », UniversitĂ© CĂŽte d'Azur, , p. 335.
- Marianne Kerdat, « Que s'est-il passĂ© lors de la bataille de Manzikert, le 26 aoĂ»t 1071 ? », Le Petit journal,â (lire en ligne)
- Louis Vasseur, « Inauguration de la plus grande mosquée de Turquie », Le Petit journal, (consulté le )
Voir aussi
Articles connexes
Bibliographie
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- Nicéphore Bryenne, Histoire, éd. P. Gautier, Bruxelles, 1975, p. 111-119
- John Julius Norwich : Histoire de Byzance (trad. de l'anglais), Paris, Perrin, coll. « Tempus », (réimpr. 2002), 506 p. (ISBN 2-262-01890-1),
- (en) John Haldon, The Byzantine Wars : battles and campaigns of the Byzantine era, Stroud/Charleston, Tempus, , 160 p. (ISBN 0-7524-1795-9), p. 112-127
- Jean-Paul Roux, Histoire des Turcs : deux mille ans du Pacifique à la Méditerranée, Paris, Fayard, , 389 p. (ISBN 2-213-01491-4)
Ătudes
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- Jean-Claude Cheynet, « Manzikert : un dĂ©sastre militaire ? », Byzantion, vol. 50,â , p. 410-438 (lire en ligne)
- Ătienne Copeaux, Espaces et temps de la nation turque. Analyse d'une historiographie nationaliste 1931-1993, Paris, 1997, p. 190-230.
- Ătienne Copeaux, « Les prĂ©dĂ©cesseurs mĂ©diĂ©vaux d'AtatĂŒrk. Bilge kaghan et le sultan Alp Arslan », dans Figures mythiques des mondes musulmans, Revue des mondes musulmans et de la MĂ©diterranĂ©e, , 217-243 p. (ISBN 2-7449-0130-X, lire en ligne)
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- (en) Paul Markham, « The Battle of Mantzikert: Military Disaster of Political Faluire ? », De Re Militari - The Society for Medieval Military History,â , p. 1-34 (lire en ligne)* (en) David Nicolle, Manzikert 1071 : the Breaking of Byzantium, Bloomsburry Publishing, (ISBN 9781780965048)
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- (en) Antonios Vratimos, « Joseph Tarchaneiotes and the Battle of Mantzikert (1071) », Al-Masaq,â , p. 156-168
- (en) Antonios Vratimos, « Romanos IV Diogenes' Attitude towards his Troops », Mediterranean Journal of Humanities, vol. IX/2,â , p. 529-537
- (en) Antonios Vratimos, « Revisiting the Role of the Armenians in the Battle of Mantzikert », Reti Medievali Rivista, vol. 21,â , p. 73-89
- (tr) Ăoban, R. V. (2020). The Manzikert Battle and Sultan Alp Arslan with European Perspective in the 15st Century in the Miniatures of Giovanni Boccaccio's "De Casibus Virorum Illustrium"s 226 and 232. French Manuscripts in BibliothĂšque Nationale de France. S. Karakaya ve V. Baydar (Ed.), in 2nd International MuĆ Symposium Articles Book (p. 48â64). MuĆ: MuĆ Alparslan University. Source