Eudocie Makrembolitissa
Eudocie Makrembolitissa (en grec byzantin : ÎÏ ÎŽÎżÎșία ÎαÎșÏΔΌÎČολίÏÎčÏÏα ; 1021/1037 - â 1096) fut la seconde Ă©pouse de l'empereur byzantin Constantin X Doukas. Ă la mort de celui-ci en 1067, elle devint rĂ©gente et Ă©pousa l'annĂ©e suivante le gĂ©nĂ©ral Romain DiogĂšne qui devint co-empereur (Romain IV DiogĂšne). Lorsque ce dernier fut capturĂ© par le sultan Alp Arslan, Michel Psellos et Jean Doukas organisĂšrent un coup d'Ătat qui renversa Romain IV, proclama Michel VII Doukas empereur et relĂ©gua l'impĂ©ratrice-mĂšre dans un couvent. Michel VII fut Ă son tour renversĂ© par NicĂ©phore BotaniatĂšs qui songea Ă Ă©pouser Eudocie, mais porta finalement son choix sur l'impĂ©ratrice Marie d'Alanie, Ă©pouse de son prĂ©dĂ©cesseur. Eudocie dut se retirer Ă nouveau dans un couvent oĂč elle mourut.
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Impératrice consort (d) |
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Naissance | |
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DĂ©cĂšs |
ou |
Activités |
Ăcrivaine, souveraine, religieuse chrĂ©tienne |
Famille | |
Conjoints |
Romain IV DiogĂšne (aprĂšs ) Constantin X |
Enfants |
Michel VII Doukas Anne Doukaïna (d) Andronic Doukas Theodora Doukaina Selvo (en) Constance Doukas Zoé Doukaïna (d) Léon DiogÚne Nicéphore DiogÚne |
Biographie
Eudocie Makrembolitissa Ă©tait la fille de Jean MakrembolitĂšs et dâune personne dont le nom est inconnu mais qui Ă©tait la sĆur du patriarche Michel CĂ©rulaire. Elle Ă©tait Ă©galement cousine de Constantin CĂ©rulaire. Selon Michel Psellos, elle Ă©tait « de noble naissance, dâĂąme gĂ©nĂ©reuse et de figure fort belle »[1].
Elle avait Ă©pousĂ© avant 1050 Constantin Doukas (nĂ© en 1006, mort en 1067) qui devait devenir empereur sous le nom de Constantin X en 1059 et Ă©tait devenue bassilissa (impĂ©ratrice)[2]. Le couple eut sept enfants dont lâun mourut en bas Ăąge et deux, Constance et ZoĂ©, naquirent aprĂšs que Constantin fut devenu empereur. Au dĂ©cĂšs de son Ă©poux, le , Eudocie assuma la rĂ©gence au nom du coempereur Michel (rejoint par ses frĂšres Constance en 1060 et Andronic en 1068). Bien que Michel VII ait atteint lâĂąge lĂ©gal pour rĂ©gner seul, sa faiblesse de caractĂšre inspirait dĂ©jĂ des craintes[3] - [N 1] ; sa mĂšre continua Ă administrer lâempire en tant que basillissa, conseillĂ©e par le cĂ©sar Jean Doukas, frĂšre de Constantin X, et le premier conseiller de lâempereur dĂ©funt, Michel Psellos[4] - [5].
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Câest probablement pour prĂ©server les droits au trĂŽne de son fils aĂźnĂ© que Constantin X avait fait prĂȘter serment Ă son Ă©pouse devant le patriarche, le synode et le sĂ©nat de ne jamais se remarier. Toutefois, la sĂ©curitĂ© de lâempire Ă©tait en jeu : dâune part, les Turcs seldjoukides sâĂ©taient emparĂ©s de CĂ©sarĂ©e et avaient pillĂ© la rĂ©gion dâAntioche, menaçant lâensemble des possessions byzantines en Anatolie, dâautre part, les derniers empereurs et, particuliĂšrement, Constantin X, avaient laissĂ© lâarmĂ©e byzantine, autrefois puissante, se dĂ©grader[6].
RĂ©alisant Ă quel point elle avait besoin dâun militaire capable de redresser lâarmĂ©e et de faire face aux invasions turques[7], elle parvint Ă convaincre le patriarche Jean Xiphilinos de la dĂ©lier de son serment et de se prononcer publiquement en faveur dâun deuxiĂšme mariage pour le salut de lâĂtat[2][8] - [9].
Or, justement, le gĂ©nĂ©ral Romain DiogĂšne, alors gouverneur de Sardica, se trouvait en prison, accusĂ© dâavoir voulu usurper le trĂŽne aux dĂ©pens de Michel et Constance[8]. Issu dâune ancienne famille de lâaristocratie militaire alliĂ©e Ă la plupart des autres grandes familles dâAsie Mineure, grand propriĂ©taire terrien en Cappadoce, Romain DiogĂšne avait commencĂ© sa carriĂšre sur la frontiĂšre danubienne et avait rapidement gravi les Ă©chelons de la hiĂ©rarchie militaire avant de devenir gouverneur de Sardica[10]. Elle fit alors venir Romain DiogĂšne qui attendait de comparaitre devant elle pour le prononcĂ© de la sentence et lâinforma que non seulement il Ă©tait libre, mais encore quâelle dĂ©sirait lâĂ©pouser et en faire le protecteur de Michel et Constance[3] - [11] - [12]. Le mariage eut lieu le et Romain DiogĂšne fut immĂ©diatement proclamĂ© coempereur sous le nom de Romain IV. Deux hĂ©ritiers mĂąles naquirent de cette union en rapide succession : LĂ©on en 1069 et NicĂ©phore en 1070[3].
De 1068 Ă 1071, Romain IV conduisit une sĂ©rie dâopĂ©rations militaires qui rĂ©ussirent Ă contenir les Turcs, mais non Ă les repousser hors des frontiĂšres. Sur le plan intĂ©rieur, lâempereur prit une sĂ©rie de mesures qui contribuĂšrent Ă le rendre impopulaire. Il ne semble pas que lâimpĂ©ratrice ait Ă©tĂ© trĂšs heureuse auprĂšs de cet Ă©poux qui passait le plus clair de son temps Ă la guerre et lâĂ©loignait de plus en plus du pouvoir[12].
Aussi, lorsque celui-ci fut capturĂ© par le sultan Alp Arslan lors de la bataille de Manzikert (), Eudocie reprit le pouvoir en compagnie de Michel VII[13] sous le regard attentif du cĂ©sar Jean Doukas et de Michel Psellos, prĂ©cepteur de Michel VII[4]. Alp Arslan ne garda toutefois Romain IV prisonnier que le temps de nĂ©gocier un traitĂ© de paix dont lâune des clauses Ă©tait le paiement dâune rançon de 1 500 000 nomismata payables immĂ©diatement et de 360 000 nomismata payables annuellement[14]. Un peu plus dâune semaine aprĂšs sa capture, Romain put reprendre le chemin de Constantinople. Mais lorsque lâon apprit dans la capitale que lâempereur nâĂ©tait pas mort et que de surcroit il avait lâintention de reprendre le trĂŽne, Jean Doukas dĂ©pĂȘcha une armĂ©e qui força Romain Ă se retirer dans la forteresse de Tyropoion et de lĂ Ă Adana en Cilicie. Une seconde tentative sous le commandement dâAndronic Doukas rĂ©ussit Ă le capturer lâannĂ©e suivante. Sur le chemin du retour, lâex-empereur fut aveuglĂ© sur ordre de Jean Doukas et exilĂ© dans lâile de Proti sur la mer de Marmara[15] - [16].
Ă Constantinople, la confusion rĂ©gnait. Si on sâentendait sur le fait que Romain ne devait pas reprendre le trĂŽne, on ne sâaccordait pas sur la personne devant lui succĂ©der. Certains auraient voulu voir Eudocie reprendre le pouvoir, dâautres favorisaient Michel, peut-ĂȘtre avec ses frĂšres comme coempereurs. D'autres enfin penchaient en faveur de Jean Doukas. Ce fut celui-ci qui prit la dĂ©cision finale, non toutefois en sa propre faveur. Ses partisans Ă©tant trop peu nombreux, il fit le pari de soutenir le parti de Michel VII, jeune homme mallĂ©able quâil pourrait aisĂ©ment contrĂŽler une fois sa mĂšre Ă©loignĂ©e. La garde varĂšgue lui Ă©tant acquise, il divisa celle-ci en deux groupes. Le premier, occupant le palais impĂ©rial, proclama Michel empereur, pendant que le deuxiĂšme sâemparait des appartements de lâimpĂ©ratrice et arrĂȘtait celle-ci. LâimpĂ©ratrice fut ainsi contrainte de se retirer dans un couvent quâelle avait fondĂ© prĂšs de lâHellespont en lâhonneur de la ThĂ©otokos. Le mĂȘme sort attendait la belle-sĆur de lâancien empereur Isaac ComnĂšne. Michel VII fut officiellement couronnĂ© Ă Sainte-Sophie par le patriarche ; la famille Doukas avait repris le pouvoir[17] - [18].
Le rĂšgne de Michel VII ne dura que quelques annĂ©es (1071-1078) et fut dĂ©sastreux tant sur le plan intĂ©rieur quâextĂ©rieur[19]. En 1078, il fut contraint dâabdiquer et de laisser le trĂŽne Ă son frĂšre Constance qui le transmit immĂ©diatement Ă NicĂ©phore III BotaniatĂšs, jusque-lĂ stratĂšge du thĂšme des Anatoliques. DĂ©sireux de se donner une certaine lĂ©gitimitĂ©, NicĂ©phore fit revenir Eudocie dâexil et offrit de lâĂ©pouser. Ce plan se heurta toutefois Ă lâopposition du cĂ©sar Jean Doukas, toujours hostile Ă la noblesse militaire, et NicĂ©phore Ă©pousa plutĂŽt lâimpĂ©ratrice Marie, la femme de son prĂ©dĂ©cesseur, bien que ce dernier fĂ»t encore en vie[20].
Eudocie se retira alors Ă nouveau et câest comme religieuse quâelle mourut peu de temps aprĂšs lâaccession au pouvoir dâAlexis Ier en 1081.
LâĂ©crivaine
On a attribuĂ© Ă Eudocie un recueil historique et mythologique intitulĂ© ጞÏÎœÎčÎŹ (Collection ou Champ de violettes). Il est prĂ©facĂ© dâune adresse à « son Ă©poux, Romain DiogĂšne » et lâĆuvre est dĂ©crite comme une « collection gĂ©nĂ©alogique de dieux, de hĂ©ros et dâhĂ©roĂŻnes, ainsi que de fables se rapportant Ă eux, compilĂ©e Ă partir des anciens et contenant diverses notes provenant de diffĂ©rents philosophes ». Le recueil est maintenant considĂ©rĂ© comme une compilation du XVIe siĂšcle, faussement attribuĂ©e Ă Eudocie et dĂ» Ă un contrefacteur, Constantin Palaeocappa, vers 1540, qui aurait puisĂ© dans DiogĂšne LaĂ«rce et la Souda[21].
Progéniture
De son premier mariage avec Constantin X Doukas, Eudocie eut six enfants :
- Michel VII Doukas, né vers 1050, mort vers 1090, empereur byzantin du au ;
- Andronic Doukas, né vers 1057, date de la mort inconnue mais av. 1077, coempereur de 1068 à 1077 ;
- Constance Doukas, né en 1060, mort en 1081, coempereur de 1060 à 1078 ;
- Anne Doukaina, religieuse ;
- Théodora Doukaina, qui épousa Domenico Selvo, doge de Venise ;
- ZoĂ© Doukaina, qui Ă©pousa Adrien ComnĂšne, frĂšre de lâempereur Alexis Ier ComnĂšne[22].
De son second mariage avec Romain IV DiogĂšne, Eudocie eut :
- Nicéphore DiogÚne (né vers 1069/1072, mort aprÚs 1094) : gouverneur de Chypre sous Alexis Ier, contre qui il se rebella, à la suite de quoi il fut aveuglé et exilé en 1094 ;
- LĂ©on DiogĂšne (nĂ© vers 1068/1070, mort en 1087) : selon Anne ComnĂšne, il fut fait coempereur pendant le rĂšgne de son pĂšre[23] ; gĂ©nĂ©ral dâarmĂ©e sous Alexis Ier, il mourut lors de la campagne contre les PetchĂ©nĂšgues en 1087.
Notes et références
Notes
- Ostrogorsky qualifie ainsi Michel VII : « [âŠ] Un rat de bibliothĂšque Ă©tranger Ă la vie, moralement et physiquement engourdi avant le temps » (Ostrogorsky 1983, p. 367).
Références
- Psellos, « Constantin X », para VI.
- Brand et Cutler 1991.
- Shepard 2008, p. 608.
- Ostrogorsky 1983, p. 366.
- Psellos, « Constantin X », para XXVII et « Eudocie (1067) », para I et II.
- Finlay 1854, p. 32.
- Psellos, « Eudocie (1067)», para. IV et V.
- Norwich 1994, p. 344.
- Treadgold 1997, p. 601.
- Kazhdan 1991, vol. 3, « Romanos IV Diogenes », p. 1807.
- Treadgold 1997, p. 600-601.
- Psellos, « Lâempire de Romain DiogĂšne », para X et XIV.
- Chisholm 1911, p. 881-882.
- Treadgold 1997, p. 603.
- Treadgold 1997, p. 604.
- Norwich 1994, p. 354.
- Norwich 1994, p. 355-356.
- Psellos, « Lâempire de Romain DiogĂšne », para XXIV, XXVII, XXX.
- Ostrogorsky 1983, p. 368-369.
- Ostrogorsky 1983, p. 371.
- Dorandi 2013, « (ii) Arsenius and ps.-Eudocia ».
- Psellos, « Constantin X », para XX, note 1.
- ComnĂšne, IX, 6.
Voir aussi
Sources primaires
- Anne ComnĂšne (trad. du grec ancien), LâAlexiade, Paris, Les Belles Lettres, , 306 p. (ISBN 978-2-251-32219-3).
- Michel Psellos, Chronographie, vol. 2, Paris, Les Belles Lettres, , « Eudocie (1067)- Romain IV (1067-1071) ».
- Jean Zonaras, Histoire des Romains, Create Space, , 128 p. (ISBN 978-1-5116-9256-4).
Sources secondaires
- Louis Bréhier, Vie et mort de Byzance, Paris, Albin Michel, coll. « L'évolution de l'humanité », , 632 p. (ISBN 2-226-05719-6).
- (en) Tiziano Dorandi (dir.), Diogenes Laertius : Lives of Eminent Philosophers, Cambridge, Cambridge University Press, , 952 p. (ISBN 978-0-521-88681-9 et 0-521-88681-3).
- (en) George Finlay, History of the Byzantine and Greek Empires from 1057â1453, vol. 2, William Blackwood & Sons, .
- Charles M. Brand, Anthony Cutler, s.v. Eudokia Makrembolitissa in (en) Alexander Kazhdan (dir.), Oxford Dictionary of Byzantium, t. 1, New York et Oxford, Oxford University Press, , 1re Ă©d., 3 tom. (ISBN 978-0-19-504652-6 et 0-19-504652-8, LCCN 90023208), p. 739-740.
- Bernard Leib, « Jean Doukas, CĂ©sar et Moine. Son jeu politique Ă Byzance de 1067 Ă 1081 », Analecta Bollandiana (MĂ©langes Peteers II), t. 68,â , p. 163-180.
- (en) John Julius Norwich, Byzantium : The Apogee, New York, Alfred A. Knopf, , 389 p. (ISBN 978-0-394-53779-5).
- Georges Ostrogorsky (trad. de l'allemand), Histoire de lâĂtat byzantin, Paris, Payot, , 649 p. (ISBN 2-228-07061-0).
- (en) Jonathan Shepard (dir.), The Cambridge History of the Byzantine Empire, c. 500-1492, Cambridge, Cambridge University Press, , 1207 p. (ISBN 978-0-521-83231-1).
- (en) Warren Treadgold, A History of the Byzantine State and Society, Stanford, University of Stanford Press, , 1019 p. (ISBN 978-0-8047-2630-6, lire en ligne).
- (en) « Eudocia Macrembolitissa », dans EncyclopÊdia Britannica, 1911 [Macrembolitissa
(en) Lire en ligne sur Wikisource].