Théophane le Confesseur
ThĂ©ophane le Confesseur (en grec : ÎΔοÏÎŹÎœÎ·Ï áœ áœÎŒÎżÎ»ÎżÎłÎ·ÏÎźÏ / TheophĂĄnĂȘs ho HomologĂȘtáșżs ; nĂ© en 759 (selon la biographie rĂ©digĂ©e par MĂ©thode) Ă Constantinople et mort en 817 ou 818 Ă Samothrace) est un aristocrate byzantin, moine, thĂ©ologien et chroniqueur, surtout connu comme lâauteur dâune importante Chronographie. ConsidĂ©rĂ© comme saint tant par lâĂglise catholique que par lâĂglise orthodoxe, on le vĂ©nĂšre le , jour probable de sa mort, et le pour les Ăglises qui utilisent le calendrier julien.
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Biographie
ThĂ©ophane est nĂ© dans une famille iconodule de la riche noblesse de Constantinople. Son pĂšre, Isaac, Ă©tait gouverneur (strategos) des Ăźles de la mer Noire, mais on ignore tout de la famille de sa mĂšre, ThĂ©odora. Son pĂšre mourut alors que ThĂ©ophane nâavait que trois ans. Il fut recueilli Ă la cour impĂ©riale par lâempereur Constantin V Copronyme (741-775) qui veilla Ă son Ă©ducation.
Il fut nommĂ© strator sous LĂ©on IV et Ă©pousa Ă lâĂąge de douze ans la fille dâun ami de lâempereur, Megalo. Cette union matrimoniale faisait de lui lâun des plus riches hĂ©ritiers du pays. Le couple dĂ©cida toutefois de mener une vie de virginitĂ© et, huit ans plus tard, se sĂ©para pour embrasser la vie monastique.
Megalo entra dans un couvent situĂ© sur une Ăźle prĂšs de Constantinople, alors que ThĂ©ophane, aprĂšs avoir affranchi ses nombreux serfs et distribuĂ© ses biens aux pauvres, entra au monastĂšre de Polychronius sur la montagne de Sigiane, prĂšs de Cyzique, sur la cĂŽte asiatique de la mer de Marmara[1]. Par la suite, il fonda son propre monastĂšre sur des terrains lui appartenant dans lâĂźle de Calonymus. Six ans plus tard, il retourna Ă Sigiane pour y fonder le monastĂšre de Megalos Agros (« du grand acre ») en Bithynie, dont il devint lâabbĂ©.
Lors de la controverse concernant le deuxiĂšme mariage de Constantin VI qui opposa lâempereur au patriarche Taraise de Constantinople, ThĂ©ophane prit le parti du patriarche contrairement Ă ThĂ©odore Studite. Les deux moines devaient se rĂ©concilier lorsque lâempereur LĂ©on V l'ArmĂ©nien (813-820) rĂ©tablit lâiconoclasme[2]. ThĂ©ophane se rĂ©vĂ©la alors un ardent partisan des images, quâil dĂ©fendit lors du deuxiĂšme concile de NicĂ©e en 787 et qui lui vaudra le titre de « Confesseur » lorsquâil fut canonisĂ©[3]. ThĂ©ophane fut arrĂȘtĂ© et jetĂ© en prison en 815 pour son refus de dĂ©noncer la vĂ©nĂ©ration des images telle que sanctionnĂ©e par ce concile. LibĂ©rĂ©, il fut exilĂ© dans lâĂźle de Samothrace en 817 oĂč il mourut dix-sept jours plus tard.
On lui attribua de nombreux miracles aprĂšs sa mort qui survint selon la tradition un , jour oĂč on commĂ©more sa mĂ©moire dans le Martyrologe romain[4].
La Chronique du moine Théophane
Ă la requĂȘte pressante de son ami, Georges le Syncelle, ThĂ©ophane reprit entre 810 et 815 sa Chronique lĂ oĂč celui-ci lâavait laissĂ©e, câest-Ă -dire Ă DioclĂ©tien et la mena jusquâĂ la chute de Michel Ier RhangabĂ©, couvrant ainsi les annĂ©es 284 Ă 813[5]. Les deux chroniques diffĂšrent toutefois par leur ton. Le Syncelle, sâappuyant sur des sources protobyzantines comme EusĂšbe de CĂ©sarĂ©e, donne une place trĂšs importante aux calculs chronologiques[3]. Chez ThĂ©ophane, les calculs chronologiques tiennent une place moins importante, mais les sources utilisĂ©es par lâauteur font lâobjet de controverse.
Cyril Mango[6] soutient que ThĂ©ophane nâa en fait que mis en forme le matĂ©riel assemblĂ© par le Syncelle, alors que dâautres y voient soit une source pratiquement unique[7] ou des extraits citĂ©s de mĂ©moire dâhistoriens du Ve au VIIe siĂšcle (Procope, Malalas, ThĂ©ophylacte SimokatĂšs)[8] - [2]. Quoi quâil en soit, cette chronique a le mĂ©rite de conserver le rĂ©cit que dâanciens auteurs ont Ă©crit sur lâhistoire de Byzance aux VIIe et VIIIe siĂšcles qui auraient Ă©tĂ© perdus autrement. Ceci est particuliĂšrement le cas Ă partir du rĂšgne de Justin II (565) oĂč il utilise des sources qui ont Ă©tĂ© perdues au cours des siĂšcles (Traianus Patricius, ThĂ©ophile dâĂdesse.).
Lâouvrage se compose de deux parties. La premiĂšre donne les faits et Ă©vĂšnements en ordre chronologique ; elle comporte des inexactitudes et un manque de sens critique surprenant chez un homme de mĂ©thode comme lâĂ©tait ThĂ©ophane. Comme Jean DamascĂšne, ThĂ©ophane prĂ©sente sa version comme des faits dĂ©montrĂ©s plutĂŽt que comme sa propre opinion[2]. En dĂ©pit de ces dĂ©fauts, cette chronique surpasse de beaucoup la majoritĂ© des chroniques byzantines semblables[9]. La deuxiĂšme contient des tables chronologiques spĂ©cifiant lâannĂ©e du monde (il se serait Ă©coulĂ© 5492 entre la crĂ©ation du monde et la naissance du Christ), lâannĂ©e chrĂ©tienne, lâannĂ©e courante du rĂšgne de lâempereur byzantin ainsi que les annĂ©es du rĂšgne des souverains perses, puis arabes, des papes et des quatre patriarches. Elle donne Ă©galement le calcul par cycle dâindiction[N 1]. Si les annĂ©es dâindiction sont calculĂ©es de façon trĂšs prĂ©cise, il arrive dans le systĂšme des annĂ©es du monde quâil y ait un retard dâune unitĂ© par rapport au quantiĂšme de lâindiction pour les annĂ©es comprises entre 6102 et 6265, sauf pour la pĂ©riode de 6207 Ă 6218[10] - [11].
Ăcrite dans une langue Ă mi-chemin entre le style ecclĂ©siastique sĂ©vĂšre et le grec vernaculaire, cette chronique, en dĂ©pit dâune valeur historique contestable[12], fut frĂ©quemment utilisĂ©e par les chroniqueurs subsĂ©quents. Vers 873-875, un bibliothĂ©caire papal du nom dâAnastase produisit une compilation en latin des chroniques du patriarche NicĂ©phore, de Georges le Syncelle et de ThĂ©ophane Ă lâintention dâun diacre nommĂ© Jean, ce qui la fit connaĂźtre en Europe.
Une suite de cette chronique, entreprise Ă la demande de Constantin VII PorphyrogĂ©nĂšte et comprenant six livres, nous est Ă©galement parvenue. Ăcrite par divers auteurs, la plupart anonymes, rĂ©unis sous le nom de Theophanes Continuatus (Îጱ ΌΔÏᜰ ÎΔοÏÎŹÎœÎ·Îœ / Hoi metĂ TheophĂĄnĂȘn) ou Scriptores post Theophanem, elle complĂšte celle de ThĂ©ophane jusquâĂ lâan 961,
C'est dans cette chronique que ThĂ©ophane dresse une violente critique contre Muhammad, qu'il prĂ©sente comme un danger pour l'Occident, Ă©voquant une alliance avec les Juifs arabes contre les Occidentaux. Il essaye aussi de discrĂ©diter Muhammad en le prĂ©sentant comme un homme malhonnĂȘte et comme un imposteur. Dans ce passage, il attaque Ă©galement les iconoclastes, expliquant qu'un moine iconoclaste exilĂ© a approuvĂ© les rĂ©vĂ©lations de l'ange Gabriel et la position de Muhammad dans la chaine des prophĂštes. C'est donc une façon de rendre illĂ©gitime Muhammad, mais aussi de s'attaquer Ă ses ennemis iconoclastes.
Notes et références
Notes
- (en) Cet article est partiellement ou en totalitĂ© issu de lâarticle de WikipĂ©dia en anglais intitulĂ© « Theophanes the Confessor » (voir la liste des auteurs). Sauf pour les passages indiquĂ©s par des rĂ©fĂ©rences spĂ©cifiques, le texte en anglais est une synthĂšse des textes de la Catholic Encyclopedia et de lâEncyclopĂŠdia Britannica 1911, tous deux aujourdâhui dans le domaine public, que lâon retrouvera respectivement sous :
- (en) Francis Mershman, « St. Theophanes », dans Charles George Herbermann (dir.), Catholic Encyclopedia, vol. 14, New York, Robert Appleton Company, (lire en ligne)
- (en) Hugh Chisholm (dir.), Encyclopaedia Britannica, vol. 26, Cambridge, Cambridge University Press, , 11e éd. (lire en ligne), « Theophanes », p. 786.
- Calcul utilisĂ© Ă la fin du IIIe siĂšcle pour Ă©valuer lâimpĂŽt des citoyens ; Constantin Ier utilisa ce systĂšme en y ajoutant le numĂ©ro dâordre de lâannĂ©e au sein de lâindiction plutĂŽt que la rĂ©fĂ©rence aux consuls de lâannĂ©e dans le systĂšme juridique byzantin.
Notes et références
- Bréhier 1970, p. 143 et 149.
- Kazhdan 1991, vol. 3, « Theophanes the Confessor », p. 2063.
- Cheynet 2007, p. 349.
- « Saint Théophane le Chronographe », sur nominis.cef.fr (consulté le )
- Ostrogorsky 1983, p. 117-118.
- Mango 1978, p. 9-17.
- Whitby 1982, p. 1-20.
- Ljubarskij 1984, p. 72-86.
- Krumbacher 1891, p. 342.
- Ostrogorsky 1983, p. 118.
- Treadgold 1997, p. 935, note 31.
- Ostrogorsky 1983, p. 117.
Annexes
La Chronographie
- (en) Cyril Mango et Roger Scott (traduction et commentaires), The Chronicle of Theophanes Confessor. Byzantine and Near Eastern history AD 284â813, Oxford, .
- (la) Barthold Georg Niebuhr (dir.) (trad. Johannes Classen), Corpus Scriptorum Historiae Byzantinae, vol. 43.1 : Theophanes, Bonn, (lire en ligne).
- (en) Harry Turtledove, The Chronicle of Theophanes, « Anni mundi 6095-6305 (A.D. 602-813) », Philadelphie, University of Pennsylvania Press, (ISBN 0-8122-1128-6).
Ouvrages contemporains
- Panayotis Yannopoulos, Théophane de Sigriani le Confesseur (759-818). Un héros orthodoxe du second iconoclasme, Bruxelles, Safran, coll. « Histoire », , 328 p. (ISBN 978-2-87457-066-7).
- Panayotis Yannopoulos, « Le lieu et la date de naissance de ThĂ©ophane le Confesseur », Revue des Ă©tudes byzantines, t. 68,â , p. 225-230 (lire en ligne)
- Louis Bréhier, Le monde byzantin, vol. 3 : La civilisation byzantine, Paris, Albin Michel, (1re éd. 1950).
- Jean-Claude Cheynet (dir.), Le monde byzantin, t. II : LâEmpire byzantin (641-1204), Paris, Presses Universitaires de France, coll. « Lâhistoire et ses problĂšmes », (ISBN 978-2-13-052007-8).
- (la) Hugo von Hurter, Nomenclator literarius recentioris theologiae catholicae, Harvard University, (lire en ligne).
- (en) Alexander Kazhdan (dir.), Oxford Dictionary of Byzantium, New York et Oxford, Oxford University Press, , 1re Ă©d., 3 tom. (ISBN 978-0-19-504652-6 et 0-19-504652-8, LCCN 90023208).
- (de) Karl Krumbacher, Geschichte der byzantinische Litteratur von Justinian bis zum Ende des oströmischen Reiches (527-1453), Beck, (lire en ligne).
- (ru) Ja. Ljubarskij, « Đ€Đ”ĐŸŃĐ°Đœ ĐŃĐżĐŸĐČĐ”ĐŽĐœĐžĐș Đž ĐžŃŃĐŸŃĐœĐžĐșĐž Đ”ĐłĐŸ «ЄŃĐŸĐœĐŸĐłŃĐ°ŃОО»: (Đ ĐČĐŸĐżŃĐŸŃŃ ĐŸ ĐŒĐ”ŃĐŸĐŽĐ°Ń ĐžŃ ĐŸŃĐČĐŸĐ”ĐœĐžŃ) », Vizantijskij Vremennik, vol. 45,â , p. 72-86.
- (en) Cyril Mango, « Who Wrote the Chronicle of Theophanes? », Zborknik Radova VizantinoĆĄkog Instituta, vol. 18,â , p. 9-17.
- Georges Ostrogorsky (trad. de l'allemand), Histoire de lâĂtat byzantin, Paris, Payot, (1re Ă©d. 1956), 649 p. (ISBN 2-228-07061-0).
- Jules Pargoire, « Saint ThĂ©ophane le Chronographe et ses rapports avec saint ThĂ©odore Studite », VizVrem, Saint-PĂ©tersbourg, vol. IX,â , p. 31-102 (lire en ligne, consultĂ© le ).
- (en) Warren Treadgold, A History of the Byzantine State and Society, Stanford, Stanford University Press, , 1019 p. (ISBN 0-8047-2630-2, lire en ligne).
- (en) L. Whitby, « The Great Chronographer and Theophanes », Byzantine and Modern Greek Studies, vol. 8, no 1,â , p. 1-20.
Articles connexes
Liens externes
- Ressource relative aux beaux-arts :
- (en) British Museum
- Notices dans des dictionnaires ou encyclopédies généralistes :
- Saint ThĂ©ophane le Chronographe et ses rapports avec saint ThĂ©odore Studite de Jules Pargoire, compte rendu de R Bousquet, Ăchos d'Orient (1902), PersĂ©e