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Académie de Platon

L’Académie est l'école philosophique fondée dans Athènes par Platon vers 387 av. J.-C. Elle persistera jusqu'en 86 av. J.-C.

L'Académie de Platon (mosaïque romaine trouvée à Pompéi).

L'Académie tire son nom du domaine dans lequel elle est située, fait de jardins et de portiques et qui se trouve près du tombeau du héros Académos.

Platon et Aristote ont enseigné dans cette école.

Tous les usages modernes du terme académie ont pour origine le nom de l'institution de Platon. Une légende fort répandue voudrait que la devise « Que nul n'entre ici s'il n'est géomètre », était inscrite au fronton de l’Académie. En réalité, cette formule est très postérieure à Platon, puisqu’elle n’apparaît qu’à l’époque hellénistique[1].

Description

Plan de l'Athènes antique. L'Académie se situe au nord de la ville.
Vestiges épars du gymnase de l'Académie.

Platon a acquis le terrain de l'Académie, situé dans les faubourgs d'Athènes pour y faire construire une école, mais aussi un lieu de vie en commun régi par de strictes règles éthiques.

L'Académie ne désigne d'abord pas une école mais un lieu qui se situe à un kilomètre et demi environ au nord-ouest d'Athènes en passant par la porte de Dipylon, le long d'une avenue comportant également des mausolées dédiés aux héros militaires défunts[2].

La propriété de Platon est entourée d'une enceinte et contient un grand jardin, un sanctuaire d'Athéna, plusieurs autels, un gymnase, des salles de cours ainsi que des habitations et une importante bibliothèque. Platon a fait ériger une statue d'Apollon, le maître des Muses. L'Académie possède, en outre, un autel consacré aux Muses dans le jardin.

Les activités consistent en des recherches et de l'enseignement ainsi qu'en des exercices de gymnastique et des activités culturelles. Des étrangers sont souvent invités pour partager leur savoir. L'enseignement n'y est pas payant à la différence de celui des sophistes. Les étudiants doivent néanmoins subvenir à leurs besoins. Ils sont donc pour la plupart issus de familles aisées. Ou, s'ils sont pauvres, ils doivent travailler ailleurs la nuit ou enseigner eux-mêmes[2].

Les élèves de l'Académie sont essentiellement des hommes ; néanmoins, Diogène Laërce note la présence de deux femmes à l'Académie[3].

Certains ont pu considérer Platon comme le fondateur des universités modernes quoique le savoir enseigné ne fût certainement pas systématique. D'autres ont parlé de confrérie religieuse.

L'Académie a pris pour modèle les communautés pythagoriciennes fondées sur le principe d'une communion de vie et de savoir. Selon une légende apparue bien plus tard, vers le IVe siècle av. J.-C., la devise de l'Académie aurait été : « Que nul n'entre ici s'il n'est géomètre »[4].

Enseignement de Platon

Platon a enseigné pendant quarante ans à l'Académie. Il dispensait son enseignement soit au gymnase (pour les débutants) soit dans sa maison située dans le jardin (où il s’entretenait avec les étudiants avancés)[2]. Mais nous sommes aujourd'hui dans l'ignorance aussi bien de l'organisation interne de l'école que des relations de Platon avec les membres de l'Académie[5].

On a fait l'hypothèse d'un enseignement ésotérique perdu, dont les dialogues conservés seraient la protreptique, car Aristote, qui a été longtemps son élève, parle d'« opinions non écrites » (ἄγραφα δόγματα) de Platon. Mais il n'est pas certain que le fondateur de l'Académie ait donné des cours sous la forme d'un enseignement suivi ou régulier, ni même qu'il ait enseigné la théorie des Idées.

La seule des leçons à laquelle renvoient les disciples est la leçon « sur le Bien » (Περὶ τἀγαθοῦ) auxquels se sont rendus de nombreux auditeurs, d'après Aristoxène. Tous ont été déçus, car Platon ne parlait pas des biens humains (la richesse, la santé, etc.) mais de mathématique, de nombre et de géométrie.

L'Académie de Platon est avant tout une organisation institutionnelle qui rassemble un certain nombre de personnes en vue du savoir. On a raillé ces chercheurs pour étudier et classifier des plantes. Philodème dit que Platon formulait des problèmes mathématiques, que d'autres résolvaient, ce qui n'implique pas que le maître donnait lui-même des leçons. La géométrie était en tous les cas une préoccupation fondamentale de l'Académie.

Historique des Académies après Platon

L'École d'Athènes. Fresque de Raphaël, Palais du Vatican, v. 1509-1510.

La classification la plus complète des différentes Académies platoniciennes se trouve chez Sextus Empiricus, qui distingue trois Académies : l’Ancienne, celle de Platon et de ses successeurs immédiats, la Moyenne, celle d’Arcésilas, enfin la Nouvelle, celle de Carnéade et de Clitomaque. D’après lui, certains ajoutaient une quatrième Académie, celle de Philon, et une cinquième, celle d’Antiochus d'Ascalon. Mais cette classification n’a pas de valeur absolue, et n’est confirmée ni par Cicéron ni par Plutarque qui connaissait bien l’histoire de l’Académie[6].

La première Académie ou Ancienne Académie

La première Académie ou Ancienne Académie (Academia vetus) est d'orientation pythagorisante. Elle comprend les disciples immédiats, ceux qui ont connu directement Platon, à savoir :

Il ne nous reste des ouvrages de ces philosophes que de rares fragments. Speusippe ramène les Idées aux nombres, et Xénocrate découvre dans les nombres l'essence des choses[7]. Certaines directions du néopythagorisme étaient en liaison avec l'Ancienne Académie[8]. L'Académie est considérée comme non dogmatique, puisqu'elle accepte Speusippe qui nie la théorie des Formes et Eudoxe de Cnide qui est hédoniste. Elle accueille également deux femmes, mentionnées par Diogène Laërce[3], Lasthénie de Mantinée et Axiothée de Phlionte.

La seconde Académie ou Moyenne Académie

La seconde Académie ou Moyenne Académie (Academia media) est d'orientation sceptique.

Elle est fondée en 264 av. J.-C.[9] par Arcésilas de Pitane, cinquième scolarque, qui donne à l'Académie une figure nouvelle : « sceptique ». Il prétendait que l'on ne peut rien savoir : on n'a que des opinions, aucune certitude. Il a introduit, plutôt que Pyrrhon, le concept de suspension du jugement, épochè, pour demeurer sans opinion et n'accepter, dans l'action, que le raisonnable (eulogon). Cependant, il considérait qu'il poursuivait la démarche de Socrate et de Platon, en usant (sans rien écrire) du dialogue et de discussions pro et contra.

Cicéron (Académiques, I, XII, 46) ne distingue que deux Académies : celle de Platon et celle d'Arcésilas de Pitane, l'Ancienne et la Nouvelle. Selon lui, l'Ancienne Académie n'ajouta rien à l'enseignement de Platon, et se borna à exposer sa philosophie suivant une division en trois parties indiquée par le maître.

La troisième Académie ou Nouvelle Académie

La troisième Académie ou Nouvelle Académie (Academia nova), dominée par Carnéade, est d'orientation probabiliste. Sans tomber dans un scepticisme absolu, elle enseignait que l'on ne peut atteindre que le probable (pithanon), au sens de convaincant, probatoire : les représentations vraies sont indiscernables des représentations fausses, dans la pratique il faut user du probable et du vraisemblable, mais l'entendement conquiert sa faculté de douter[10]. Cicéron appartient à cette école[11], même s'il a rencontré Philon de Larissa à Rome en 88 av. J.-C., et suivi les cours d'Antiochos d'Ascalon à Athènes en 79 av. J.-C.

Elle eut comme scholarques :

Au moment où la Nouvelle Académie se constitue, l'épicurisme et le stoïcisme sont déjà bien installés et s'imposent comme philosophies dominantes dans le monde hellénistique.

La postérité de l’école platonicienne

Quelques historiens, depuis Sextus Empiricus (Esquisses pyrrhoniennes, I, 220), admettent une IVe et même une Ve Académie, dont les chefs se rapprochèrent de la véritable doctrine de Platon, et tâchèrent de la concilier avec le stoïcisme.

« Il y a, à ce que disent bon nombre de gens, trois Académies : l'une, la plus ancienne, celle des partisans de Platon, la deuxième, la moyenne, celle des partisans d'Arcésilas, l'élève de Polémon, la troisième, la nouvelle, celle des partisans de Carnéade et Clitomaque. Certains en ajoutent une quatrième : celle des partisans de Philon [de Larissa] et de Charmidas. D'autres en ajoutent même une cinquième : celle des partisans d'Antiochus [d'Ascalon] »

— (Sextus Empiricus, Esquisses pyrrhoniennes, I, 220).

L’Académie avec Philon de Larissa, douzième scolarque en 110 av. J.-C., est d'orientation faillibiliste[12] : l'homme ne peut savoir ce qu'il sait ou croit, « rien n'est compréhensible (katalêpton) » (Cicéron, Academica, II, 18). Par « dogmatisme négatif », Philon de Larissa affirme que les choses sont insaisissables (alors que les sceptiques suspendent leur jugement même sur ce dogme) : il reconnaît l'existence de la vérité mais il nie son accessibilité. Pourtant, il pense poursuivre Platon[13].

Avec Antiochos d'Ascalon, treizième et dernier scolarque en 89 av. J.-C., l’Académie connaît une importante scission. Antiochos d'Ascalon, qui appartenait à la Nouvelle Académie, ne fut jamais reconnu comme chef de l’école platonicienne ; il fonda en réalité « un mouvement dissident », d'orientation syncrétique, l'Académie Ancienne, qui prétendait revenir à « un platonisme authentique »[14]. Il croit que « les stoïciens sont d'accord avec les péripatéticiens sur les choses, mais différents dans les mots »[15].

L'Académie originelle cessa en 86 av. J.-C., quand le général romain Sylla s'empara d'Athènes[16]. Des bâtiments sont détruits, les écoles philosophiques fermées. Athènes devient romaine. Les membres de l'Académie se dispersent. Ainsi, Philon de Larissa part, en 88 av. J.-C., se réfugier à Rome, où il enseigne à Cicéron.

L'école néoplatonicienne d'Athènes

Il ne faut pas confondre l'Académie de Platon et l'école néoplatonicienne d'Athènes.

En 176, une école néoplatonicienne naît quand l'empereur romain Marc Aurèle, stoïcien, fait ouvrir à Athènes quatre chaires de philosophie, rétribuées sur les fonds impériaux : une pour le platonisme, une pour l'aristotélisme, une pour le stoïcisme, une enfin pour l'épicurisme ; c'est Atticus qui enseigne le platonisme. Cependant, la philosophie ne consiste plus dans l'art de dialoguer, mais dans l'art de commenter. Cette nouvelle institution durera jusqu'en 529, de façon plus ou moins directe.

C'est de 400 à 529 que se développa véritablement une école néoplatonicienne d'Athènes. Il y a donc 450 ans de « sommeil » entre l'Académie à Athènes et l'école d'Athènes. Pierre Hadot dit que « l'école d'Athènes parviendra à se greffer sur la souche de l'antique Académie de Platon au début du Ve siècle »[17].

Postérité de l'Académie

La plupart des académies modernes, comme l'Académie française, se réfèrent au modèle de l'académie platonicienne, ou plus exactement à la fondation par Cosme de Médicis à Florence en 1450 d'une Academia Platonica inspirée par ce modèle. Marsile Ficin et d'autres érudits font redécouvrir au monde occidental la pensée de Platon et le néoplatonisme. De nombreuses académies voient ensuite le jour, au XVIe puis au XVIIe siècle, en Italie, en France, en Allemagne et en Irlande[18].

Raphaël peint entre 1509 et 1511 sa fresque de L'École d'Athènes qui représente l'Académie de Platon et plusieurs de ses membres.

Membres connus de l'Académie

Bibliographie

Sources

Études

  • James Redfield, « Les bosquets de l’Académie », ASDIWAL. Revue genevoise d'anthropologie et d'histoire des religions, no 6, , p. 107-116 (lire en ligne, consulté le ).
  • Pierre-Maxime Schuhl, « Platon et l’activité politique de l’Académie », Revue des Études grecques, t. 59-60, nos 279-283, , p. 46-53 (lire en ligne, consulté le ).
  • Harold F. Cherniss, L'énigme de l'ancienne Académie, 1945, trad. Laurent Boulakia, Paris, Vrin, 1993. Présentation en ligne
  • Slobodan Dušanić, « L’Académie de Platon et la Paix Commune de 371 av. J.-C. », Revue des Études grecques, t. 92, nos 438-439, , p. 319-347 (lire en ligne, consulté le ).
  • Carlos Lévy, « Académie », dans Jacques Brunschwig et Geoffrey E.R. Lloyd (en) (préf. Michel Serres), Le Savoir grec, Paris, Flammarion, (ISBN 2-08-210370-6), p. 861-883. Ouvrage utilisé pour la rédaction de l'article.
  • (en) Philip Merlan, From Platonism to Neoplatonism, La Haye, Nijhoff, 1953, 2e éd. revue 1960.
  • (en) Harold Tarrant, Scepticism or Platonism ? The Philosophy of the Fourth Academy, Cambridge: Cambridge University Press, 1985.
  • (en) Matthias Baltes, « Plato's School, The Academy », Hermathena, no 155, , p. 5-26 (lire en ligne). Repris dans : Dianoemata : Kleine Schriften zu Platon und zum Platonismus, B. G. Teubner, 1999.
  • Jean-François Pradeau, Platon, Paris, Ellipses, 1999.
  • (en) J. M. Dillon, The Heirs of Plato : A Study of the Old Academy. 347-247 B.C., Oxford University Press, 2005.

Notes et références

  1. Christian-B. Amphoux, « Μηδεὶς προσίτω πεπαιδευμένος, un écho de la devise de l'Académie de Platon chez Celse ? », Revue des Études Grecques, t. 105, nos 500-501, , p. 247-252. (lire en ligne)
  2. Baltes, 1993, p. 5-7.
  3. Diogène Laërce, La Vie des plus illustres philosophes de l'Antiquité, t. livre IV (lire en ligne), p. 156
  4. Henri-Dominique Saffrey, Ἀγεωμέτρητος μηδεὶς εἰσίτω, « Une inscription légendaire », Revue des Études Grecques, 1968, Vol. 81, pp. 67-87 lire en ligne.
  5. Luc Brisson, Platon, 1990-1995: Bibliographie, Vrin, 1999, p. 375.
  6. Lévy 1996, p. 861.
  7. « À la différence de Speusippe qui remplaça les Idées par les Nombres mathématiques, Xénocrate les assimila aux Nombres » écrit Marie-Dominique Richard, d'après Aristote, Métaphysique, Livre N, chap. 3, 1090 b 28-32.
  8. R. Heinze, Xenocrates, Leipzig, 1892, p. 38.
  9. (de) W. Görler, "Jüngere Akademie, Antiochos aus Askalon", in H. Flashar, Grundriss der Geschichte der Philosophie, band IV : Die hellenistische Philosophie, Basel, 1994, p. 791.
  10. Cicéron, Academica, II, 104
  11. Academica, II, 69 et 73
  12. B. Inwwod et J. Mansfeld, Assent and Argument, Philosophia Antiqua, LXXVI, 1997, p. 257.
  13. Cicéron, Academica, I, 13.
  14. Long et Sedley, Les philosophies hellénistiques, Garnier-Flammarion, t. III, p. 217.
  15. Cicéron, Academica, I, 16.
  16. J. P. Lynch, Aristotle's School. A Study of Greek Educational Institution, University of California Pres, 1972, p. 154-207.
  17. Dictionnaire des philosophes, Encyclopaedia Universalis/Albin Michel, 1998, p. 124.
  18. Baltes, 1999, p. 249
  19. Aulu-Gelle, Nuits attiques (Livre 3, Ch. XIII) : « Démosthène, pendant sa jeunesse, lorsqu'il était disciple de Platon, ayant entendu, par hasard, l'orateur Callistrate prononcer un discours dans l'assemblée du peuple, quitta l'école du philosophe pour suivre l'orateur. Démosthène, dans sa première jeunesse, allait souvent à l'Académie, où il suivait assidûment les leçons de Platon. Un jour Démosthène, sortant de chez lui pour se rendre, selon sa coutume, à l'école de son maître, voit un nombreux concours de peuple ; il en demande la cause : on lui répond que cette multitude court entendre Callistrate. Ce Callistrate était un de ces orateurs publics d'Athènes que les Grecs appellent démagogues. Démosthène se détourne un instant de sa route pour s'assurer si le discours qui attirait tant de monde était digne d'un tel empressement. Il arrive, il entend Callistrate prononcer son remarquable plaidoyer sur Orope. Il est si ému, si charmé, si entraîné, qu'aussitôt, abandonnant Platon et l'Académie, il s'attache à Callistrate. »
  20. Tous deux citoyens d'Énos, ville grecque située sur la côte de Thrace (en Turquie actuelle, à l'embouchure de l'Hèbre) assassinèrent Cotys en 359 av. J.-C. Voir Aristote, Politique (lire en ligne) (V, 8), et Diogène Laërce (III, 46).

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes


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