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Speusippe

Neveu de Platon, scholarque de l'AcadĂ©mie de Platon, Speusippe (407 Ă  339 av. J.-C.) est un platonicien, mais convaincu de la nĂ©cessitĂ© de reconstruire la philosophie de Platon. Il a critiquĂ© l'hĂ©donisme et a Ă©tĂ© lui-mĂȘme rĂ©futĂ© par Aristote[1] parce qu’il abandonnait la notion de forme et la relation au monde sensible. Il a remplacĂ© la thĂ©orie des nombres idĂ©aux du dernier Platon par les entitĂ©s mathĂ©matiques elles-mĂȘmes, en tant que pure rĂ©alitĂ©, ce qui fit dire Ă  Aristote : « Les mathĂ©matiques sont devenues aujourd’hui la philosophie »[2] - [3]. Il prit la suite de Platon en tant que premier scholarque ou recteur de l'AcadĂ©mie de 348/7[N 1] Ă  339 av. J.-C. XĂ©nocrate lui a succĂ©dĂ© comme troisiĂšme scholarque de l'AcadĂ©mie.

Speusippe
Fonction
Scholarque de l'Académie platonicienne (d)
- av J-C
Autres informations
Mouvement
MaĂźtre

Biographie

Speusippe est nĂ© Ă  AthĂšnes en 407 av. J.-C. Il est fils d'EurymĂ©don de Myrrhinuse et de PotonĂš, sƓur de Platon. Aristocrate, il Ă©tait ami de Dion de Syracuse, le tyran que Platon conseilla en Sicile. Avec XĂ©nocrate, il accompagne Platon lors de son troisiĂšme voyage en Sicile en 360 av. J.-C. alors sous le contrĂŽle de Denys le Jeune et fut probablement l'instigateur du dĂ©barquement armĂ© Ă  Syracuse de Dion qui tenta de renverser le tyran, cette annĂ©e-lĂ . Il fut le deuxiĂšme scholarque ou recteur de l'AcadĂ©mie de Platon, Ă  qui il succĂ©da lors de sa mort en 348. Il fit appeler comme successeur XĂ©nocrate. Il se suicida en 339 av. J.-C., par dĂ©goĂ»t et lassitude, alors que sa maladie Ă©tait dĂ©jĂ  fort avancĂ©e. Il Ă©tait dominĂ© par ses passions et notamment par le goĂ»t de la cruautĂ©. Une lĂ©gende raconte qu'il jeta son chien dans un puits par pur plaisir.

Philosophie

Speusippe soutient que la peine n'a pas seulement un contraire, mais deux : le plaisir et l'absence de peine, comme le Grand s'oppose au Petit, mais aussi à l'Égal.
Dans le problĂšme fondamental de la conception du monde, Speusippe suppose une Ă©volution du bien et du parfait qui s’affirme de plus en plus Ă  travers les Ă©tapes d’un processus et se rĂ©alise pleinement Ă  la fin seulement[4] : les principes des animaux et des plantes devaient fournir une analogie des principes premiers de l’univers (ጀρχα᜶ Ï„ÎżáżŠ áœƒÎ»ÎżÏ…), au motif que les ĂȘtres les plus parfaits viennent toujours d’ĂȘtres indĂ©terminĂ©s et incomplets. Mais ce raisonnement, selon Aristote, n’est pas une dĂ©duction rigoureuse, c’est une simple comparaison : passer d’une Ă©volution ascendante des ĂȘtres organisĂ©s Ă  une Ă©volution correspondante de la totalitĂ© cosmique apparaĂźt Ă  Aristote comme un saut d’un genre Ă  un autre[5].

Speusippe est un platonicien pythagorisant, encore que, contre le pythagorisme, il sĂ©pare les nombres et les choses sensibles. Il admet pour chaque genre d’ĂȘtre (ÎżáœÏƒÎŻÎ± / ousia) des principes particuliers, un pour les nombres, un pour les grandeurs, un autre pour l’ñme, etc., mais sans aucune liaison entre eux. En effet, en dĂ©pit de leur nature de principe suprĂȘme, les nombres pourraient totalement disparaĂźtre sans pour autant affecter l’existence des grandeurs, qui suivent les nombres, et Ă  leur tour les grandeurs pourraient manquer sans pour autant altĂ©rer l’existence de la conscience ou celle du monde Ă©tendu matĂ©riellement[6] : cette doctrine des principes selon Speusippe est jugĂ©e anarchique et sans structure par Aristote. Speusippe abandonne les IdĂ©es de Platon, Ă  la place il met les nombres mathĂ©matiques et les entitĂ©s mathĂ©matiques, dĂ©duits de deux principes, l'Un et le Multiple (alors que XĂ©nocrate assimile les IdĂ©es aux Nombres). Speusippe fait correspondre Un, Deux, Trois et Quatre respectivement Ă  point, ligne, plan, solide ; il est le premier Ă  faire correspondre point et Un[7] comme XĂ©nocrate ligne et deux, dyade. Les ĂȘtres intelligibles (en grec, ÎœÎżÎ·Ï„ÎŹ / noĂȘta) deviennent des entitĂ©s mathĂ©matiques. Pour Platon, le principe formel des grandeurs est la ligne insĂ©cable, pour Speusippe c'est le point, et pour XĂ©nocrate les nombres mĂȘmes. À la diffĂ©rence de Platon encore, il n'identifie pas l'Un avec le Bien, pour Ă©viter de dire que la MultiplicitĂ© est le Mal[8]. Selon StobĂ©e, « Speusippe a dĂ©fini l'Ăąme comme la forme de ce qui est Ă©tendu selon toutes les dimensions ».

Speusippe est un platonicien pythagorisant, qui s'appuie surtout sur l'enseignement oral de Platon ; il distingue trois sortes d'essences, auxquelles il fait correspondre trois types de connaissances :

  1. Hors du Ciel, l'Intelligible ou les Idées connus par l'intellection pure
  2. Ce qui peut faire l’objet d’une opinion, ce qui est connu par l'opinion, la doxa.
  3. Dans le Ciel, les objets sensibles, connus par les sens. Il pose deux principes, l'Un et la Dyade, irrĂ©ductibles. Le dĂ©miurge est la Monade, l'Âme du monde est la Dyade. À la diffĂ©rence, XĂ©nocrate qui les assimile aux nombres et pour qui les IdĂ©es sont les Nombres[9], Speusippe remplaça les IdĂ©es par les nombres mathĂ©matiques. La thĂšse de Speusippe concernant le mal, est que l’Être du Mal est l’Être du divisible[10]. Alors que Speusippe refuse de voir le Bien dans l'Un comme Platon parce que cela l’aurait obligĂ© Ă  voir le Mal dans le Multiple, XĂ©nocrate pense que tous les ĂȘtres, dans la mesure oĂč ils participent de l'Un et du Multiple, ont quelque chose Ă  voir avec le Mal. Parmi les platoniciens, Speusippe fait correspondre le point Ă  un. « À la diffĂ©rence de Speusippe qui remplaça les IdĂ©es par les Nombres mathĂ©matiques, XĂ©nocrate les assimila aux Nombres »[11]. Pour Platon, le principe formel des grandeurs est la ligne insĂ©cable, pour Speusippe c'est le point, pour XĂ©nocrate, ce sont les nombres mĂȘmes : la dyade pour les longueurs, la triade pour les surfaces, la tĂ©trade pour les solides.

Sa métaphysique établit la hiérarchie suivante : 1) au sommet, comme principe, l'Unité indifférenciée 2) puis la série des Nombres transcendants 3) les Figures géométriques transcendantes 4) puis les figures en mouvement, c'est-à-dire les ùmes 5) enfin, les corps sensibles.

Speusippe « fut le premier à considérer ce que toutes les sciences ont en commun et à les mettre le plus possible en relation les unes avec les autres »[12].

Sciences

Speusippe est l'inventeur d'une classification générale des plantes et des animaux.

Une hypothĂšse du philosophe Erich Frank[13] et de Ernst Howald[14] voudrait que la thĂ©orie des nombres chez les pythagoriciens soit la crĂ©ation de Speusippe, qui aurait lui-mĂȘme forgĂ© le livre attribuĂ© Ă  Philolaos de Crotone. Une Ă©tude stylomĂ©trique, par ordinateur, attribue Ă  Speusippe divers textes de Platon : la septiĂšme lettre, l'introduction du TimĂ©e, le Critias[15]. Platon n'est gĂ©nĂ©ralement pas reconnu comme l'auteur du recueil platonicien intitulĂ© DĂ©finitions ; c'est Speusippe qui en est parfois regardĂ© comme l'auteur[16].

Notes et références

Notes

  1. L'année athénienne commence en juillet du calendrier grégorien et est par conséquent à cheval sur deux années du calendrier grégorien.

Références

  1. MĂ©taphysique, Livre N, 4, 1091 a 30-33.
  2. MĂ©taphysique, Livre A, 9, 992 a 32.
  3. Werner Jaeger 1997, p. 194-195.
  4. Werner Jaeger 1997, p. 193.
  5. Werner Jaeger 1997, p. 228.
  6. Werner Jaeger 1997, p. 230.
  7. Aristote, MĂ©taphysique, 1085 a 32 ; Topiques, 108 b 7.
  8. Aristote, MĂ©taphysique, Livre N, 4, 1091 b 32-35.
  9. David Ross, Plato's Theory of Ideas, Oxford University Press, 1951, p. 151.
  10. Pellegrin 2014, p. 273.
  11. Marie-Dominique Richard, d'aprĂšs Aristote, MĂ©taphysique Livre N, 3, 1090 b 28-32.
  12. DiogÚne Laërce, Vies, doctrines et sentences des philosophes illustres [détail des éditions] (lire en ligne), 200, IV, 1-5.
  13. (de) Plato und die sogenannten Pythagoreer, 1923.
  14. Essays on the History of Medicine Presented to Karl Sudhoff, 1924, p. 63-72.
  15. M. Levison, A. Q. Morton, A. D. Winspear, Mind, 77, 1968, p. 309-325.
  16. John Madison Cooper, D. S. Hutchinson, (1997), Plato, Complete works, pages 1677-1687. Hackett Publishing.

Bibliographie

Fragments de Speusippe

  • Speusippus. De Speusippi Academici scriptis : accedunt Fragmenta, Ă©di. par Paul Lang, Bonn, 1911, rĂ©Ă©d. Hildesheim, Ă©d. Olms, 1965. En grec.
  • Speusippo. Frammenti, Ă©di. par M. Isnardi Parente, Ă©d. Bibliopolis, Naples, 1980, 418 p.
  • Speusippus of Athens. A Critical Study with a Collection of the Related Texts and Commentary, par L. Taran, Leyde, Ă©d. Brill, 1981.

Sources

  • Aristote, Éthique Ă  Nicomaque, VII,12-14
  • Aristote, MĂ©taphysique, livres VII, XII et XIV.
  • DiogĂšne LaĂ«rce, Vies et doctrines des philosophes illustres.

Études sur Speusippe

  • Stanford Encyclopedia of Philosophy
  • L. Taran, Speusippus of Athens, Leyde, Ă©d. Brill, 1981.

Annexes

Articles connexes

Liens externes

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