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Plaisir

Le plaisir est une sensation, agrĂ©able, recherchĂ©e et de courte durĂ©e, essentielle au fonctionnement du systĂšme de rĂ©compense (aussi appelĂ© systĂšme hĂ©donique) propre aux mammifĂšres mais qui pourrait ĂȘtre partagĂ©e par d'autres vertĂ©brĂ©s[1]. Elle est indispensable Ă  la survie de ces derniers car elle joue un rĂŽle dans la motivation et la prise de risque les poussant Ă  satisfaire leurs besoins vitaux de base et Ă  quitter une situation qui leur est dĂ©favorable. Cette sensation est principalement le rĂ©sultat de la production, dans l'aire tegmentale ventrale, de dopamine et d'opiacĂ©s endogĂšnes mais le plaisir peut Ă©galement ĂȘtre engendrĂ© par la consommation de certaines drogues comme l’hĂ©roĂŻne, d'autres opiacĂ©es exogĂšnes ou encore des opioĂŻdes (dĂ©rivĂ©s synthĂ©tiques), ce qui active artificiellement le systĂšme de rĂ©compense et provoque l'addiction Ă  ces substances. La notion de plaisir est diffĂ©rente de la notion de bonheur qui ne dĂ©signe pas une sensation de courte durĂ©e mais un Ă©tat agrĂ©able de satisfaction, durable et Ă©quilibrĂ© et reposant essentiellement sur la production de sĂ©rotonine et non de dopamine. Le plaisir a un grand nombre de termes plus ou moins synonymes (contentement, voluptĂ©, satisfaction, dĂ©lices, rĂ©gal, jubilation
) qui dĂ©signent des variĂ©tĂ©s plus ou moins subtiles de l’expĂ©rience.

Un moment de plaisir entre une mĂšre et son enfant.

Le concept de plaisir est employé en philosophie et en psychologie, souvent associé à un qualificatif : plaisir sexuel, alimentaire, intellectuel, professionnel, parental, moral, civique (ou du devoir accompli), etc.

Dans le bouddhisme, le plaisir est considéré comme sensation physique ; il est également au nombre des vingt-deux facultés énumérées par cette obédience.

Physiologie

En 1952, James Olds et Peter Milner, collĂšgues de JosĂ© Delgado, dĂ©couvrent par hasard, chez des rats, les premiĂšres rĂ©gions cĂ©rĂ©brales dont la stimulation procure des effets extĂ©rieurs similaires Ă  l'orgasme. Plusieurs travaux ont permis de cerner par la suite les centres cĂ©rĂ©braux du plaisir, comme Ă©tant reprĂ©sentĂ©s par le complexe Hypothalamus latĂ©ral — Amygdales baso-latĂ©rales — RĂ©gion septale. Le cervelet, le cortex frontal et les pointes antĂ©rieures des lobes temporaux prennent Ă©galement part Ă  la sensation de plaisir.

Chez l'homme, l'activation artificielle de ces aires cérébrales peut se traduire par la sensation de plaisir, mais elle est décrite comme une sensation « d'aller vers l'orgasme sans jamais l'atteindre ».

Par ailleurs, le plaisir intense que font ressentir certaines drogues comme l’hĂ©roĂŻne, montre que les endorphines endocrines et les molĂ©cules opiacĂ©es ou opioĂŻdes (dĂ©rivĂ©s synthĂ©tiques) sont, de par leur concentration un facteur clĂ© rĂ©gulant le plaisir de l'individu. Les effets de l'hĂ©roĂŻne par exemple sont ressentis par ses consommateurs comme Ă©tant Le plaisir, absolu et intense, ce qui montre Ă©galement que le plaisir, comme toute sensation humaine, reste, pour la science, de simples rĂ©actions chimiques.

Philosophie

Épicure

Épicure est l'un des premiers penseurs du plaisir. Il constate que nous nommons « plaisir » ce que nous recherchons dans la vie, et qu'il s'agit donc d'une classification postĂ©rieure Ă  l'expĂ©rience (idĂ©e que reprendra Hume) : nous recherchons les plaisirs, mais simplement parce que nous nommons plaisir ce que nous recherchons. L'Ă©picurisme se distingue de l'hĂ©donisme absolu tel qu'il fut pratiquĂ© par exemple par les CyrĂ©naĂŻques. Le premier rend compte de la condition humaine - mort, les dieux antiques ignorent les hommes et de ce fait ne portent aucun jugement, bon ou mauvais, sur eux. Ces dieux peuvent ĂȘtre pris comme modĂšle idĂ©al de perfection. Pour atteindre l'ataraxie, l'homme ne doit pas chercher Ă  possĂ©der le pouvoir ou Ă  atteindre la richesse au-delĂ  de ce qui lui est nĂ©cessaire pour vivre - tout en postulant que le plaisir est nĂ©cessaire au bonheur, plaisir trouvant souvent sa source dans l'apaisement d'une sensation dĂ©sagrĂ©able voire douloureuse (le plaisir de manger pour calmer la souffrance de la faim par exemple) mais qui ne doit pas se situer dans l'excĂšs qui entraĂźnerait un Ă©tat de douleur future (Prendre beaucoup de plaisir Ă  trop manger et souffrir d'une indigestion par la suite)[2] :

« Justement parce qu’il est le bien premier et nĂ© avec notre nature, nous ne bondissons pas sur n’importe quel plaisir : il existe beaucoup de plaisirs auxquels nous ne nous arrĂȘtons pas, lorsqu’ils impliquent pour nous une avalanche de difficultĂ©s. (...) Quand donc nous disons que le plaisir est notre but ultime, nous n’entendons pas par lĂ  les plaisirs des dĂ©bauchĂ©s ni ceux qui se rattachent Ă  la jouissance matĂ©rielle, ainsi que le disent les gens qui ignorent notre doctrine ou qui sont en dĂ©saccord avec elle, ou qui l’interprĂštent dans un mauvais sens. Le plaisir que nous avons en vue est caractĂ©risĂ© par l’absence de souffrances corporelles (aponie) et de troubles de l’ñme (ataraxie). »

— Lettre Ă  MĂ©nĂ©cĂ©e

« Tout plaisir est de par sa nature mĂȘme, un bien, mais tout plaisir ne doit pas ĂȘtre recherchĂ© ; pareillement toute douleur est un mal, mais toute douleur ne doit pas ĂȘtre Ă©vitĂ©e Ă  tout prix. »

— Lettre Ă  MĂ©nĂ©cĂ©e

Il faut en faire le but de l'existence :

« VoilĂ  pourquoi nous disons que le plaisir est le principe et le but de la vie bienheureuse. C’est lui que nous avons reconnu comme bien premier et congĂ©nital »

— Lettre Ă  MĂ©nĂ©cĂ©e

Il prĂŽne ainsi une vie d'autosuffisance :

« Ainsi, nous considĂ©rons l’autosuffisance comme un grand bien : non pour satisfaire Ă  une obsession gratuite de frugalitĂ©, mais pour que le minimum, au cas oĂč la profusion ferait dĂ©faut, nous satisfasse »

— Lettre Ă  MĂ©nĂ©cĂ©e

Khayyam

Omar Khayyam, mathématicien et astronome de premier plan, abandonna tous ses travaux pour se consacrer à la poésie, au vin et à la compagnie des jeunes femmes. Dans ses fameux quatrains, il s'indigne que Dieu semble par ses textes religieux donner à l'homme des ordres tout en implantant en lui des désirs qui sont autant d'ordres contraires.

Sade

Donatien Alphonse François de Sade, libertin, montre que le plaisir se doit d'ĂȘtre au centre de toutes les activitĂ©s humaines car c'est ce que la Nature a mis Ă  la disposition de l'homme pour qu'il accĂšde au bonheur — que cela contrarie les valeurs de la sociĂ©tĂ© ou non. Ce positionnement lui permet de « justifier » l'homicide, l'adultĂšre, l'inceste et de nombreux actes interdits en Occident et ailleurs pour assurer le bon fonctionnement de la sociĂ©tĂ©.

« Ah! renoncez aux vertus, EugĂ©nie! Est-il un seul des sacrifices qu'on puisse faire Ă  ces fausses divinitĂ©s, qui vaille une minute des plaisirs que l'on goĂ»te en les outrageant? Va, la vertu n'est qu'une chimĂšre, dont le culte ne consiste qu'en des immolations perpĂ©tuelles, qu'en des rĂ©voltes sans nombre contre les inspirations du tempĂ©rament. De tels mouvements peuvent-ils ĂȘtre naturels? La nature conseille-t-elle ce qui l'outrage? Ne sois pas la dupe, EugĂ©nie, de ces femmes que tu entends nommer vertueuses. Ce ne sont pas, si tu veux, les mĂȘmes passions que nous qu'elles servent, mais elles en ont d'autres, et souvent bien plus mĂ©prisables
 C'est l'ambition, c'est l'orgueil, ce sont des intĂ©rĂȘts particuliers, souvent encore la froideur seule d'un tempĂ©rament qui ne leur conseille rien. Devons-nous quelque chose Ă  de pareils ĂȘtres, je le demande ? N'ont-elles pas suivi les uniques impressions de l'amour de soi? Est-il donc meilleur, plus sage, plus Ă  propos de sacrifier Ă  l'Ă©goĂŻsme qu'aux passions? Pour moi, je crois que l'un vaut bien l'autre; et qui n'Ă©coute que cette derniĂšre voix a bien plus de raison sans doute, puisqu'elle est seule organe de la nature, tandis que l'autre n'est que celle de la sottise et du prĂ©jugĂ©. »

— Sade, Philosophie dans le boudoir

Nietzsche

La position de Nietzsche, trĂšs inspirĂ©e aussi d'Épicure — c'est en soi qu'il faut trouver les sources du bonheur — incitant cependant Ă  trouver davantage le bonheur dans la volontĂ© de puissance sur soi-mĂȘme et sur le monde que dans le pouvoir d'ennuyer impunĂ©ment autrui.

Barthes

Dans son essai, intitulé Sade, Fourier, Loyola (1971), le sémiologue Roland Barthes compare trois approches aussi différentes qu'il se peut du plaisir - ou, si l'on préfÚre - de la motivation, à travers trois exemples historiques. Il fait remarquer que ce sont tous trois des inventeurs d'écriture et que tous trois structurent leur personnalité à travers cette langue et l'univers sous-jacent qu'elle suggÚre, qui donne un sens fort à leur vie, et donc rejoint la question moderne de l'identité.

En psychanalyse

Le principe de plaisir est en psychanalyse, depuis Sigmund Freud, opposé au principe de réalité.

Citations

« Le plaisir extrĂȘme est proche de la douleur. »

— Paul ValĂ©ry

« Pour un plaisir, mille douleurs. »

— Proverbe français

« Le sage poursuit l'absence de douleur et non le plaisir. »

— Aristote, Ethique à Nicomaque (VII, 12)

« Vice : plaisir que l'on n'a pas goûté. »

— Louis Aragon

Notes et références

  1. Le Ny Jean-François, in Bloch Henriette et al. (Dir.), Grand dictionnaire de la psychologie, Larousse 1994. (OCLC 31945728)
  2. Voir cependant les conceptions du bonheur « nĂ©gatif », comme absence de douleur : Ataraxie pour Épicure, Nirvāna dans le bouddhisme. Voir aussi chez Aristote, ÉpictĂšte, etc.

Voir aussi

Bibliographie

  • Jacques Angelergues et Françoise Cointot (dir.), Le principe de plaisir, PUF, Paris, 2016, 142 p. (ISBN 978-2-13-062918-4)
  • Charles Kornreich, Une histoire des plaisirs humains : dĂ©sirs et contraintes, L'Harmattan, Paris, 2011, 243 p. (ISBN 978-2-296-56501-2)
  • Éric Masson, Des petits plaisirs comme une tranche de vie, Les Editions du Net, Paris, 2018, 162 p. (ISBN 978-2-312-06337-9)

Articles connexes

Liens externes

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