Friedrich Nietzsche
Friedrich[alpha 1] Wilhelm Nietzsche ([ËfÊiËdÊÉȘç ËvÉȘlhÉlm ËniËtÍĄsÊÉ][1] ; souvent francisĂ© en [nitÍĄÊâ]), nĂ© le Ă Röcken en Prusse et mort le Ă Weimar en Saxe-Weimar-Eisenach, est un philosophe, critique culturel, compositeur, poĂšte, Ă©crivain et philologue allemand dont l'Ćuvre a exercĂ© une profonde influence sur l'histoire intellectuelle contemporaine.
Naissance | |
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DĂ©cĂšs | |
SĂ©pulture | |
Nationalité |
prussienne ( - |
Formation |
Domgymnasium Naumburg (d) (Ă partir de ) Ăcole rĂ©gionale de Pforta (Ă partir du ) UniversitĂ© rhĂ©nane FrĂ©dĂ©ric-Guillaume de Bonn ( - UniversitĂ© de Leipzig (- |
Principaux intĂ©rĂȘts | |
Idées remarquables |
Volonté de puissance, surhumain, éternel retour, généalogie, interprétation du réel, critique de la métaphysique et de la morale |
Ćuvres principales | |
Influencé par | |
A influencé | |
Adjectifs dérivés |
« nietzschéen » |
PĂšre |
Carl Ludwig Nietzsche (en) |
Fratrie |
Il commence sa carriĂšre comme philologue classique avant de se tourner vers la philosophie. En 1869, Ă l'Ăąge de 24 ans, il devient la plus jeune personnalitĂ© Ă occuper la chaire de philologie classique de l'universitĂ© de BĂąle. Il dĂ©missionne en 1879 en raison de problĂšmes de santĂ© qui le tourmenteront presque toute sa vie, puis achĂšve la plupart de ses Ă©crits fondamentaux au cours de la dĂ©cennie suivante. En 1889, Ă 44 ans, il est victime d'un effondrement et, par la suite, d'une perte totale de ses facultĂ©s mentales. Il vit ses derniĂšres annĂ©es sous la garde de sa mĂšre, puis chez sa sĆur Elisabeth Förster-Nietzsche.
Origines et jeunesse (1844-1869)
Röcken
Friedrich Wilhelm Nietzsche naĂźt Ă Röcken en province de Saxe le dans une famille pastorale luthĂ©rienne. Son pĂšre Karl-Ludwig, nĂ© en 1813 Ă Eilenbourg, pasteur de lâĂglise luthĂ©rienne de Saxe[2], et son grand-pĂšre paternel, Friedrich August Ludwig, pasteur Ă Wohlmirstedt, puis superintendant Ă Eilenbourg, ont tous deux enseignĂ© la thĂ©ologie. Le pĂšre de Nietzsche, qui Ă©tudie la thĂ©ologie Ă Halle avant de devenir prĂ©cepteur de membres de la famille royale de Prusse, Ă la cour ducale d'Altenbourg, est un protĂ©gĂ© de FrĂ©dĂ©ric-Guillaume IV. Mais la maladie (de violents maux de tĂȘte) le contraint Ă demander une paroisse dans la rĂ©gion de sa famille, vers Naumburg. Karl-Ludwig et une partie de sa famille s'installent Ă Röcken en 1842.
Il Ă©pouse Franziska Oehler (1826-1897), fille d'un pasteur, en 1843. Ils ont deux fils : Friedrich Wilhelm et Ludwig Joseph (1848-1850), et une fille, Elisabeth Nietzsche (1846-1935).
En , le pĂšre de Nietzsche fait une chute, sa tĂȘte heurte les marches de pierre d'un perron. Il meurt un an plus tard, l'esprit Ă©garĂ©, ĂągĂ© de trente-cinq ans, le . Quelque temps plus tard, en , le frĂšre de Nietzsche meurt Ă son tour :
- « En ce temps-lĂ , je rĂȘvai que j'entendais l'orgue dans l'Ă©glise rĂ©sonner tristement, comme aux enterrements. Et comme je cherchais la cause de cela, une tombe s'ouvrit rapidement et mon pĂšre apparut marchant dans son linceul. Il traversa l'Ă©glise et revint bientĂŽt avec un petit enfant dans les bras. [âŠ] DĂšs le matin, je racontai ce rĂȘve Ă ma mĂšre bien-aimĂ©e. Peu aprĂšs, mon petit frĂšre Joseph tomba malade, il eut des attaques de nerfs et mourut en peu d'heures. »
Naumburg
En 1850, alors qu'il a six ans, ce qui reste de la famille vient sâinstaller Ă Naumbourg. Friedrich Nietzsche ressent ce dĂ©part de Röcken comme un abandon de son village natal :
« l'abandon du village natal ; l'entrée dans l'agitation urbaine, tout cela agit sur moi avec une telle force que chaque jour je la ressens en moi »
â Note d'octobre 1862.
Il souhaite Ă cette Ă©poque ĂȘtre pasteur comme son pĂšre. Il dĂ©veloppe une conscience scrupuleuse, particuliĂšrement portĂ©e Ă l'analyse et Ă la critique de soi, et fiĂšre, croyant Ă la noblesse de la famille Nietzsche (selon une tradition familiale transmise par sa grand-mĂšre, les ancĂȘtres des Nietzsche venaient de Pologne et s'appelaient alors Nietzki). Son caractĂšre est bien rĂ©sumĂ© par cette remarque qu'il fit Ă sa mĂšre : « Un comte Nietzki ne doit pas mentir. »
Vers 1853, Ă l'Ăąge de neuf ans, il se met au piano, compose des fantaisies et des mazurkas et Ă©crit de la poĂ©sie. Il s'intĂ©resse Ă l'architecture et mĂȘme, pendant le siĂšge de SĂ©bastopol, en 1854, Ă la balistique. Il crĂ©e Ă©galement un thĂ©Ăątre des Arts, oĂč il joue avec ses amis des tragĂ©dies qu'il Ă©crit (Les dieux de l'Olympe, Orkadal).
Il entre au collĂšge de Naumburg Ă l'Ăąge de dix ans, en 1854. ĂlĂšve brillant, sa supĂ©rioritĂ© fait que sa mĂšre reçoit le conseil de l'envoyer Ă Pforta. Elle accepte et obtient une bourse du roi FrĂ©dĂ©ric-Guillaume IV. En 1858, avant de partir pour Pforta, le jeune Nietzsche, 14 ans, s'interroge sur la nature de Dieu :
« à douze ans, j'ai vu Dieu dans sa toute-puissance. »
â Note de 1858.
Cherchant Ă expliquer le mal, il l'intĂšgre Ă la TrinitĂ© : le PĂšre, le Fils et le Diable. Nietzsche rĂ©dige alors un cahier oĂč il consigne l'histoire de son enfance, et conclut :
« Il est si beau de faire repasser devant sa vue le cours de ses premiÚres années et d'y suivre le développement de l'ùme. J'ai raconté sincÚrement toute la vérité, sans poésie, sans ornement littéraire⊠Puissé-je écrire encore beaucoup d'autres cahiers pareils à celui-ci ! »
Pforta
En 1858, ĂągĂ© de quatorze ans, il entre au collĂšge de Pforta, collĂšge oĂč passĂšrent Novalis, les frĂšres Schlegel, Fichte. Il y fait ses humanitĂ©s, y rencontre Carl von Gersdorff (1844-1904) (de), avec qui il entretiendra une longue correspondance, et Paul Deussen (1845-1919), le futur sanskritiste. Cette Ă©poque est marquĂ©e par les premiĂšres questions angoissĂ©es sur son avenir, par de profonds troubles religieux et philosophiques, et par les premiers symptĂŽmes violents de la maladie.
L'unique document dont nous disposons sur les premiers mois de la vie de Nietzsche dans ce collĂšge relate une anecdote qui exprime sa personnalitĂ© : il y avait une discussion Ă propos de l'histoire de Mucius ScĂŠvola. Les camarades de Nietzsche la tenaient pour une lĂ©gende, personne ne pouvant avoir le courage de plonger sa main dans le feu. Nietzsche, alors, se saisit d'un charbon brĂ»lant dans un poĂȘle allumĂ© et le tint devant les yeux de ses camarades[3].
Dans le Crépuscule des idoles (« Ce que je dois aux Anciens ») Friedrich Nietzsche rend hommage au philologue Wilhelm Paul Corssen pour la formation de son style littéraire :
« Mon sens du style, de l'Ă©pigramme comme un style, a Ă©tĂ© Ă©veillĂ© presque instantanĂ©ment lorsque je suis entrĂ© en contact avec Salluste. Je n'ai pas oubliĂ© la surprise de mon honorĂ© professeur Corssen, quand il eut Ă donner, Ă son plus mauvais Ă©lĂšve de latin, la meilleure note â j'en avais fini avec un seul coup. »
â Friedrich Nietzsche, Le CrĂ©puscule des idoles
Pendant les vacances d'été 1859, ùgé de quinze ans, il visite Iéna et Weimar, écrit quelques récits philosophiques :
- « C'est ma vie que je dĂ©couvre. [âŠ] â MĂȘme en ce beau monde, il y a des malheureux. Mais qu'est-ce donc, le malheur ? »
à partir de la rentrée d', il rédige un journal, projette des plans d'études en géologie, astronomie, latin, hébreu, sciences militaires et enfin en religion. Dévoré d'un appétit de connaissances sans borne, il éprouve de grandes difficultés à se décider pour un domaine d'étude bien délimité :
« Je devrai dĂ©truire plusieurs de mes goĂ»ts, cela est clair, et, pareillement, en acquĂ©rir de nouveaux. Quels seront les malheureux que je jetterai par-dessus bord ? Peut-ĂȘtre mes plus chers enfants ! »
Les annĂ©es passent dans la discipline sĂ©vĂšre de Pforta et, Ă dix-sept ans, il lit Schiller, Hölderlin (HypĂ©rion et EmpĂ©docle), Lord Byron oĂč il trouve son inspiration. Il se passionne pour Manfred. Une phrase le marque :
« Souffrir, câest connaĂźtre : ceux qui savent le plus sont aussi ceux qui ont le plus Ă gĂ©mir sur la fatale vĂ©ritĂ© ; lâarbre de la science nâest pas lâarbre de vie. »
â Lord Byron, Manfred
Nietzsche aime improviser au piano, provoquant l'admiration de Gersdorff et de Paul Deussen :
« De sept heures à sept heures et demie, nous nous rendions ensemble à la salle de musique. Je ne crois pas que les improvisations de Beethoven aient été plus poignantes que celles de Nietzsche, surtout lorsque l'orage couvait au ciel. »
â Lettre de Gersdorff Ă Peter Gast, .
Il souhaite alors abandonner la théologie pour devenir musicien, mais sa mÚre l'en dissuade : il doit continuer ses études. Sa foi est néanmoins de plus en plus faible ; les écrits de cette époque témoignent d'une inquiétude profonde face aux problÚmes religieux et philosophiques qu'il rencontre. Il hésite à délaisser l'autorité de la tradition pour les enseignements positifs des sciences naturelles :
« Qu'est-ce que l'humanitĂ© ? Nous le savons Ă peine : un degrĂ© dans un ensemble, une pĂ©riode dans un devenir, une production arbitraire de Dieu ? L'homme est-il autre chose qu'une pierre Ă©voluĂ©e Ă travers les modes intermĂ©diaires des flores et des faunes ? Est-il dĂšs Ă prĂ©sent un ĂȘtre achevĂ© ? que lui rĂ©serve l'histoire ? ce devenir Ă©ternel n'aura-t-il pas de fin ? [âŠ] Se risquer, sans guide ni compas, dans l'ocĂ©an du doute, c'est perte et folie pour un jeune cerveau ; la plupart sont brisĂ©s par l'orage, petit est le nombre de ceux qui dĂ©couvrent des rĂ©gions nouvelles⊠»
Il commence alors Ă souffrir de violents maux de tĂȘte et de troubles visuels.
Il passe enfin les derniers examens et les réussit de justesse, à cause des mathématiques[4]. Il choisit comme sujet de mémoire de fin d'étude Théognis de Mégare[5]. Malgré ses résultats en mathématiques, ses professeurs lui donnent son diplÎme au vu de l'excellence dont Nietzsche fait preuve dans les autres matiÚres. En , il quitte Naumburg en compagnie de Paul Deussen et d'un cousin de ce dernier, et se rend à l'université de Bonn.
Bonn
En 1864, ĂągĂ© de vingt ans, il entre Ă l'universitĂ© de Bonn. Il participe Ă la vie Ă©tudiante, malgrĂ© son caractĂšre rĂ©servĂ© : promenades sur le fleuve, auberges et un duel qu'il fait avec un bon camarade, n'ayant pas d'ennemi. Il reçoit un coup d'Ă©pĂ©e au visage et en garde une cicatrice. Mais Nietzsche se sent mal Ă son aise dans ce milieu, et il passe seul, dans la tristesse, les fĂȘtes de fin d'annĂ©e. C'est le dĂ©but d'une longue sĂ©rie de NoĂ«ls solitaires, passĂ©s Ă examiner sa vie, Ă se reprocher le temps perdu. Cherchant Ă remĂ©dier Ă la situation, il propose de rĂ©former l'association d'Ă©tudiants la Bonner Burschenschaft Frankonia mais il est mis Ă l'Ă©cart.
D'abord inscrit en thĂ©ologie, il dĂ©laisse celle-ci pour des Ă©tudes de philologie, une discipline en accord avec son intĂ©rĂȘt pour l'AntiquitĂ© et notamment la tragĂ©die attique. Mais sa passion de la connaissance rend difficile un choix qui lui soit vĂ©ritablement agrĂ©able. Il travaille avec intensitĂ©, pour oublier sa solitude, et aussi grĂące au soutien vigoureux de Friedrich Wilhelm Ritschl (1806 â 1876), un professeur latiniste auteur d'ouvrages importants sur Plaute. Nietzsche Ă©crit alors quelques mĂ©moires. Il ne trouve aucun intĂ©rĂȘt aux modes matĂ©rialistes et dĂ©mocratiques de pensĂ©e de bien des Ă©tudiants de son Ăąge, et se sent toujours tourmentĂ© par la recherche de la vĂ©ritĂ© :
« Pour un vĂ©ritable chercheur, le rĂ©sultat de la recherche n'est-il pas indiffĂ©rent ? Dans notre effort que cherchons-nous ? le repos, le bonheur ? Non, rien que la vĂ©ritĂ©, tout effrayante et mauvaise qu'elle puisse ĂȘtre. »
â Lettre Ă sa sĆur.
Leipzig
Nietzsche suit Ritschl Ă Leipzig oĂč ce dernier est nommĂ© professeur. Il y dĂ©couvre DiogĂšne LaĂ«rce et Schopenhauer, et fait la connaissance d'Erwin Rohde.
Au cours de ses Ă©tudes Ă l'universitĂ© de Leipzig, la lecture de Schopenhauer (Le Monde comme volontĂ© et comme reprĂ©sentation, 1818) va constituer les prĂ©mices de sa vocation philosophique. Toutefois, l'importance de cette lecture, qui sera au fondement de sa relation avec Wagner, est contestĂ©e, car Nietzsche, Ă cette mĂȘme Ă©poque, s'intĂ©resse Ă des penseurs rationalistes, en particulier DĂ©mocrite[6]. En outre, il lit bien d'autres penseurs et scientifiques : Lange, von Hartmann, Emerson notamment. C'est Ă cette Ă©poque qu'il s'enthousiasme pour la musique de Wagner, en 1868, Ă Leipzig[7].
Une anecdote bien connue, datant de , rapporte que Nietzsche qui s'est rendu Ă Cologne pour assister Ă un festival de musique, est conduit dans une maison de tolĂ©rance oĂč il se retrouve au milieu de femmes en tenue trĂšs lĂ©gĂšre : « J'allai droit Ă ce piano [dans le salon] comme au seul ĂȘtre qui, dans cette piĂšce, eĂ»t une Ăąme. » Il fait une improvisation, se lĂšve et s'enfuit.
De BĂąle Ă la maladie (1869â1879)
ĂlĂšve brillant, douĂ© d'une solide Ă©ducation classique (milieu dominĂ© par les femmes et imprĂ©gnĂ© de piĂ©tisme protestant), Nietzsche est nommĂ© Ă 24 ans professeur de philologie Ă l'universitĂ© de BĂąle, puis professeur honoraire l'annĂ©e suivante[8]. Il dĂ©veloppe pendant dix ans son acuitĂ© philosophique au contact de la pensĂ©e de l'AntiquitĂ© grecque dans laquelle il voit dĂšs cette Ă©poque la possibilitĂ© d'une renaissance de la culture allemande[9] â avec une prĂ©dilection pour les PrĂ©socratiques, en particulier pour HĂ©raclite et EmpĂ©docle, mais il s'intĂ©resse Ă©galement aux dĂ©bats philosophiques et scientifiques de son temps. Pendant ses annĂ©es d'enseignement, il se lie d'amitiĂ© avec Jacob Burckhardt et Richard Wagner (qu'il revoit Ă partir de 1869) dont il serait un parent Ă©loignĂ©[10].
Guerre franco-allemande de 1870
En 1870, il s'engage comme infirmier volontaire dans la guerre franco-allemande, mais l'expérience est de courte durée, car Nietzsche contracte la diphtérie. Bien qu'il soit à cette époque patriote, Nietzsche commence à formuler quelques doutes à propos des conséquences de la victoire prussienne.
Dix ans d'amitié avec Wagner
En 1872 paraĂźt La Naissance de la tragĂ©die, qui obtient un certain succĂšs, mais qui le discrĂ©dite comme philologue et fait l'objet d'une vive querelle avec le philologue Ulrich von Wilamowitz-Moellendorff[11]. Erwin Rohde, philologue et ami de Nietzsche, et Wagner qui considĂšre ce texte comme l'expression de sa pensĂ©e, prennent sa dĂ©fense. Nietzsche formera ensuite le projet d'Ă©crire une dizaine d'essais, les ConsidĂ©rations Inactuelles, mais il n'en paraĂźtra finalement que quatre, et, mis Ă part Richard Wagner Ă Bayreuth, ces Ćuvres eurent trĂšs peu de succĂšs.
Au premier semestre de l'été 1872, il donne des cours sur Eschyle, Les Choéphores, et sur les philosophes présocratiques. Il fait également un séminaire sur Théognis. Erwin Rohde publie un compte rendu de La Naissance de la tragédie le et, à la fin du mois, parait le pamphlet de Willamowitz-Moellendorff contre ce premier ouvrage :
- « Que M. Nietzsche tienne parole, qu'il prenne son thyrse, qu'il aille d'Inde en GrĂšce, mais qu'il descende de sa chaire, oĂč il doit enseigner la science ; qu'il rĂ©unisse tigres et panthĂšres Ă ses pieds, s'il le veut, mais non les jeunes philologues allemands. »
Sa sĆur vient s'installer Ă BĂąle le .
Le , Wagner publie une lettre ouverte à Nietzsche dans la Norddeutsche Allgemeine Zeitung pour prendre sa défense. Dans une lettre du 25, Wagner lui écrit :
- « Ă strictement parler, vous ĂȘtes, aprĂšs ma femme, le seul gain que la vie m'ait apportĂ©. »
Nietzsche se rend Ă Munich, oĂč se trouve Ă©galement l'intellectuelle Malwida von Meysenbug, du 28 au pour assister Ă une reprĂ©sentation de Tristan et Isolde dirigĂ©e par Hans von BĂŒlow. Le , Nietzsche envoie Ă ce dernier sa Manfred-Meditation qui est qualifiĂ©e d'Ă©pouvantable et de nuisible par le chef d'orchestre, et de « viol d'Euterpe. » Franz Liszt jugera bien moins sĂ©vĂšrement une autre Ćuvre de Nietzsche.
Il prĂ©pare une Ă©tude, La Joute chez HomĂšre. En septembre et octobre, il se promĂšne en Suisse. Au semestre d'hiver 1872-73, il donne un cours sur la rhĂ©torique grecque et romaine. Les Ă©tudiants se font rares, il n'a que deux auditeurs. Rohde se retrouve Ă©galement isolĂ© et dans une situation difficile. Wagner fait lui-mĂȘme l'objet d'attaques assez basses (il est jugĂ© cliniquement fou par un professeur de l'universitĂ© de Munich).
Nietzsche passe NoĂ«l 1872 avec sa mĂšre et sa sĆur ; il offre Ă Cosima Wagner, pour son anniversaire, Cinq prĂ©faces Ă cinq livres qui n'ont pas Ă©tĂ© Ă©crits. Le , il est Ă Weimar pour assister Ă une reprĂ©sentation de Lohengrin. Il rencontre Ritschl Ă Leipzig qui le blĂąme de son manque de rĂ©ussite en tant que professeur. L'incomprĂ©hension, ou peut-ĂȘtre l'amertume, du maĂźtre est extrĂȘme ; dans une lettre Ă Wilhelm Vischer datĂ©e du , il fait de Nietzsche ce portrait instructif :
- « Mais notre Nietzsche ! â C'est vraiment un chapitre affligeant, comme vous l'exprimez vous-mĂȘme dans votre lettre â en dĂ©pit de toute votre bienveillance pour l'homme remarquable qu'il est. Il est Ă©tonnant de constater comment dans cet ĂȘtre deux Ăąmes cohabitent. D'une part, la mĂ©thode la plus rigoureuse dans la recherche scientifique et acadĂ©mique [âŠ] d'autre part, cet engouement wagnĂ©ro-schopenhauĂ©rien pour les mystĂšres de la religion esthĂ©tique, cette exaltation dĂ©lirante, ces excĂšs d'un gĂ©nie transcendant jusqu'Ă l'incomprĂ©hensible ! »
Du 6 au , Rohde et Nietzsche sont Ă Bayreuth. Nietzsche lit Ă Cosima et Ă Wagner le manuscrit de La Philosophie Ă l'Ă©poque tragique des Grecs. Il revient Ă BĂąle le , oĂč il commence sa premiĂšre ConsidĂ©ration inactuelle sur David Strauss.
Vers 1875, Nietzsche tombe gravement malade, et, à la suite de plusieurs malaises, ses proches le croient à l'agonie. Presque aveugle, subissant des crises de paralysie, de violentes nausées, l'état d'esprit de Nietzsche se dégrade au point d'effrayer ses amis par un cynisme et une noirceur qu'ils ne lui connaissaient pas. Nietzsche commence à se détacher de Wagner qui le déçoit de plus en plus, et il considÚre le milieu wagnérien comme un rassemblement d'imbéciles n'entendant rien à l'art wagnérien[12]. Alors que Nietzsche rédige Richard Wagner à Bayreuth, il écrit dans ses carnets une premiÚre critique de son ami. Non seulement il ne se sent plus lié avec ce dernier par la philosophie de Schopenhauer, mais Wagner se révÚle un ami indiscret, ce qui conduira Nietzsche à ressentir certains propos de Wagner comme des offenses mortelles. Wagner soupçonne en effet Nietzsche de quelques penchants « contre nature » censés expliquer son état maladif : « un effet de penchants contre nature préfigurant la pédérastie[13] ».
Nietzsche abandonne alors ses idées sur l'Allemagne dans lesquelles il ne voit plus que grossiÚreté et illusions. Il discute longuement avec Paul Rée, avec qui il partage ses idées et son cynisme sur l'hypocrisie de la morale[14], et commence à écrire un livre, d'abord intitulé Le soc, puis Humain, trop humain. Quand Wagner reçoit ce dernier livre (envoi auquel il ne répondra pas), Cosima Wagner, l'épouse de Richard, écrit dans son journal : « Je sais qu'ici le mal a vaincu. » L'antisémitisme de Cosima semble également avoir joué un rÎle dans la rupture entre son mari et Nietzsche[15].
En 1877, Marie Baumgartner traduit en français Richard Wagner à Bayreuth.
En 1878, il rompt avec Wagner.
En 1879, Nietzsche obtient une pension car son Ă©tat de santĂ© l'oblige Ă quitter son poste de professeur[16]. Il commence alors une vie errante Ă la recherche d'un climat favorable aussi bien Ă sa santĂ© qu'Ă sa pensĂ©e, Ă Venise, GĂȘnes, Turin, Nice[17], Sils-Maria⊠:
« Nous ne sommes pas de ceux qui n'arrivent Ă former des pensĂ©es qu'au milieu des livres â notre habitude Ă nous est de penser en plein air, marchant, sautant, grimpant, dansant⊠»
Errance en Italie et en France (1879-1888)
Ă la fin du mois d', Nietzsche, Ă GĂȘnes, travaille Ă la correction des Ă©preuves d'Aurore avec Peter Gast. Le travail est achevĂ© Ă la mi-juin. En juillet, il est Ă Sils-Maria et lit Hellwald (Histoire de la civilisation, La Terre et ses habitants) et le livre de Kuno Fischer sur Spinoza. Il voit en ce dernier l'un de ses prĂ©curseurs.
C'est au mois d'août que lui viennent ses pensées sur l'éternel retour.
En septembre, il Ă©tudie les sciences de la nature, il Ă©crit Ă Overbeck () :
« Sum in puncto desperationis. Dolor vincit vitam voluntatemque. »
â Je suis dĂ©sespĂ©rĂ©. La douleur a vaincu la vie et la volontĂ©.
Il retourne Ă GĂȘnes Ă la fin du mois oĂč, toujours en mauvaise santĂ©, Nietzsche entend la SĂ©miramide de Rossini, Giulietta e Romeo et Sonnambula de Bellini. Il entend Ă©galement Carmen, l'opĂ©ra de Bizet, qui le marquera Ă vie. Ă la mi-dĂ©cembre, Nietzsche projette d'Ă©crire une suite Ă Aurore.
Invité à Rome par Malwida von Meysenbug, en , Nietzsche fait la connaissance de Lou Andreas Salomé dont il tombe éperdument amoureux. Puis Lou, Rée et Nietzsche se rendent en Suisse. Nietzsche corrige les épreuves des Idylles de Messine et met au propre une copie du Gai Savoir.
Nietzsche passe les mois de novembre et , à Rapallo. Ses relations avec Lou Andreas-Salomé et Paul Rée se dégradent. à la fin du mois de , il écrit au propre la premiÚre partie d'Ainsi parlait Zarathoustra.
Le , Wagner meurt. Nietzsche l'apprend le lendemain et Ă©crit Ă Cosima.
Nietzsche est ensuite de nouveau Ă GĂȘnes Ă partir du . Il lit le livre de son ami Paul Deussen sur la doctrine des VĂ©danta. Il rompt ses relations avec RĂ©e et Lou, et dĂ©prime gravement :
« Je ne comprends plus du tout « à quoi bon » je devrais vivre, ne fût-ce que six mois de plus »
â Lettre Ă Overbeck, 24 mars.
Le jugement de Gast Ă propos de Zarathoustra lui remonte le moral : « Ă ce livre il faut souhaiter la diffusion de la Bible, son prestige canonique, la sĂ©rie de ses commentaires, sur laquelle repose en partie ce prestige. » (Lettre Ă Nietzsche, ). Vers la fin du mois, il renoue avec sa mĂšre et se dĂ©cide Ă rencontrer sa sĆur Ă Rome, oĂč il loge chez le peintre Max MĂŒller. Avec sa sĆur, il voyage en Suisse et sĂ©journe de nouveau Ă Sils-Maria. Il Ă©crit la deuxiĂšme partie d'Ainsi parlait Zarathoustra au mois de juillet. Il se brouille dĂ©finitivement avec Lou :
« Elle me manque, mĂȘme avec ses dĂ©fauts. [âŠ] Maintenant c'est comme si j'Ă©tais condamnĂ© au silence ou Ă une sorte d'hypocrisie humanitaire dans mes rapports avec tous les hommes. »
â Lettre Ă Overbeck, fin aoĂ»t.
Fin , il retrouve Overbeck Ă Schuls, et envisage de donner des cours Ă Leipzig. Le recteur de l'universitĂ©, qui est un ami de Nietzsche, lui explique que sa candidature serait un Ă©chec Ă cause de ses idĂ©es sur le christianisme. Il part alors pour Naumburg le . Sa sĆur se fiance avec Bernard Förster, l'antisĂ©mite soi-disant admirateur de Nietzsche.
Il passe Ă BĂąle dĂ©but octobre, chez les Overbeck, puis Ă GĂȘnes. Il tombe malade, ressent la solitude de plus en plus durement, et fait le bilan accablant des derniĂšres annĂ©es qu'il vient de passer. Ă la fin novembre, il passe Ă Villefranche, puis s'installe Ă Nice pour l'hiver. Il rencontre Joseph Paneth, l'ami de Freud. Il est de plus en plus malade : Malade, malade, malade ! (Lettre Ă Overbeck, ). Il Ă©crit nĂ©anmoins la troisiĂšme partie d'Ainsi parlait Zarathoustra en , aprĂšs notamment des promenades le long du chemin qui portera son nom Ă Ăze. EnthousiasmĂ© par Peter Gast, Nietzsche s'interroge avec inquiĂ©tude sur la portĂ©e de sa philosophie :
« Est-elle « vraie » ou plutĂŽt sera-t-elle crue vraie â c'est ainsi que « tout » changera et se renversera et que « toutes » les valeurs traditionnelles seront dĂ©valuĂ©es »
â Lettre Ă Overbeck, ).
Il rompt de nouveau avec sa sĆur : « Ce maudit antisĂ©mitisme est la cause d'une rupture radicale entre ma sĆur et moi. » (Lettre Ă Overbeck, ).
Ă la fin du mois d'avril, il se rend Ă Venise avec Peter Gast :
« je frémis à la pensée de tout l'injuste et l'inadéquat qui un jour ou l'autre se réclamera de mon autorité »
â Lettre Ă Mawilda von Meysenburg, juin 1884).
Puis il est de nouveau chez les Overbeck, Ă BĂąle, de la mi-juin au . Il fait la connaissance de la militante Meta von Salis Ă ZĂŒrich vers la mi-juillet : le philosophe est « fascinĂ© par cette aristocrate Ă©loquente, avec qui il passe beaucoup de temps[18] ».
Il séjourne pour la troisiÚme fois à Sils-Maria de juillet à septembre. Du 26 au , il reçoit Heinrich von Stein (de).
à Nice, en , il écrit la quatriÚme partie d'Ainsi parlait Zarathoustra et la fait paraßtre à ses frais, vers la fin mars, en tirage limité à 40 exemplaires.
Le , Nietzsche, venant de Venise, arrive Ă Turin. Il s'installe Ă la Pension de GenĂšve :
« Dix ans de maladie, plus de dix ans ; et pas simplement une maladie pour laquelle il existe des mĂ©decins et des remĂšdes. Quelqu'un sait-il seulement ce qui m'a rendu malade ? Ce qui, des annĂ©es durant m'a tenu au seuil de la mort, et appelant la mort ? Je n'en ai pas l'impression. [âŠ] Ces dix derniĂšres annĂ©es que j'ai derriĂšre moi m'ont fait amplement apprĂ©cier ce que cela signifie d'ĂȘtre seul, isolĂ© Ă ce point. [âŠ] Pour n'en retenir que le meilleur, cela m'a rendu plus indĂ©pendant ; mais aussi plus dur, et plus contempteur des hommes que je ne le souhaiterais moi-mĂȘme. »
â Lettre Ă Overbeck, 12 novembre.
Il Ă©crit beaucoup, avec le sentiment de la tĂąche accomplie ou sur le point de l'ĂȘtre :
« je sais ce qui est fait, et ce qui est dĂ©finitivement rĂ©glĂ© : c'est un trait qui est tirĂ© sous toute mon existence jusqu'alors : â voilĂ le sens des derniĂšres annĂ©es. Sans doute, par cela mĂȘme, l'existence que j'ai menĂ©e jusqu'ici a rĂ©vĂ©lĂ© ce qu'elle Ă©tait rĂ©ellement â une simple promesse. »
â Lettre Ă Peter Gast, 20 dĂ©cembre.
Il lit Montaigne, Galiani, le Journal des Goncourt. Le , il reçoit une lettre de Georg Brandes :
« Vous faites partie du petit nombre d'hommes avec qui j'aimerais causer. »
Vers la fin de l'année, Nietzsche retombe dans la dépression :
« le poids de mon existence pÚse à nouveau plus lourd sur mes épaules ; presque pas un jour entiÚrement bon ; »
â Lettre Ă Overbeck, 28 dĂ©cembre.
Néanmoins, dans les mois suivant, qu'il passe à Nice, il travaille beaucoup et annonce à Gast, dans une lettre du , qu'il a terminé la mise au propre du premier livre de l'Essai d'une inversion des valeurs. (cf. Cahiers WII 1, WII 2, WII 3). Il lit Plutarque, Baudelaire, Dostoïevski, Tolstoï, Renan, Benjamin Constant. Sa célébrité s'accroßt : Carl Spitteler fait des comptes rendus des livres de Nietzsche dans le canton de Berne, et Georg Brandes fait des conférences sur la pensée de Nietzsche à Copenhague.
Il quitte Nice le , et se rend en pĂšlerinage Ă GĂȘnes le 4, avant de parvenir Ă Turin, ville « pour les pieds comme pour les yeux, un lieu classique ! » (Lettre Ă Gast, ). Il rĂ©dige le Cas Wagner et travaille toujours autant (cf. Cahiers WII 5, WII 6). Son humeur est particuliĂšrement joyeuse :
« il souffle ici un air délicieux, léger, espiÚgle, qui donne des ailes aux pensées trop lourdes⊠»
â Lettre Ă Gast, 1er mai.
à Sils-Maria depuis le début du mois de juin, sa santé se dégrade de nouveau. Il se diagnostique un épuisement nerveux général incurable en partie héréditaire (Lettre à Overbeck, ). Il s'occupe de l'impression du Cas Wagner et élabore un dernier plan de la Volonté de puissance. Essai d'une inversion de toutes les valeurs, daté du Il lit la Vie de Richard Wagner par Ludwig Nohl, et Rome, Naples et Florence de Stendhal qu'il admire. Il passe quelques semaines avec son amie Meta von Salis. Richard Meyer, un étudiant d'origine juive, lui offre anonymement 2 000 marks. Nietzsche emploie alors toutes les ressources dont il dispose pour faire imprimer ses livres et se plaint des pratiques douteuses de certains éditeurs :
« Mais je suis en guerre : je comprends que l'on soit en guerre avec moi. »
â Lettre Ă Spitteler, 25 juillet.
Il reste Ă Sils-Maria jusqu'au .
AprĂšs un voyage difficile, Nietzsche arrive de nuit Ă Turin. Le Cas Wagner paraĂźt alors, tandis qu'il travaille avec Gast Ă l'impression du CrĂ©puscule des Idoles et que le manuscrit de L'AntĂ©christ est prĂȘt pour l'impression, le .
Folie (1889-1900)
Effondrement
Nietzsche s'effondre, le , Ă Turin. Croisant une voiture dont le cocher fouette violemment le cheval, il s'approche de l'animal, enlace son encolure, Ă©clate en sanglots, et interdit Ă quiconque d'approcher le cheval. Comme le commentera Derrida : « [I]l fut assez fou pour pleurer auprĂšs d'un animal, sous le regard ou contre la joue d'un cheval. Parfois je crois le voir prendre ce cheval pour tĂ©moin, et d'abord, pour le prendre Ă tĂ©moin de sa compassion, prendre sa tĂȘte dans ses mains[19]. »
Son ami Franz Overbeck, alertĂ© par des lettres dĂ©lirantes de Nietzsche, accourt le , Ă Turin. Nietzsche chante et hurle sans cesse depuis plusieurs jours, prĂ©tendant ĂȘtre le successeur de NapolĂ©on pour refonder l'Europe, crĂ©er la « grande politique ». Vu l'Ă©tat d'agitation extrĂȘme de Nietzsche, Overbeck se fait aider par un dentiste bĂąlois de passage Ă Turin, qui, pour le calmer, lui fait croire qu'Ă BĂąle on prĂ©pare des festivitĂ©s et des cĂ©rĂ©monies en son honneur. Au dĂ©part de la gare de Turin, Nietzsche veut haranguer la foule ; on lui fait comprendre que ce n'est pas digne d'un homme de son rang.
ArrivĂ© Ă BĂąle, on le conduit dans une clinique d'aliĂ©nĂ©s dont le directeur s'est entretenu avec Nietzsche sept ans plus tĂŽt. Nietzsche se rappelle en dĂ©tail cette rencontre, mais ne se rend pas compte qu'il est dans un asile d'aliĂ©nĂ©s â il remercie pour le bon accueil qui lui est fait[20].
Au dĂ©but de cette folie, Nietzsche semble s'identifier aux figures de Dionysos et du Christ, pour lui symboles de la souffrance et de ses deux expressions les plus opposĂ©es. Il parle constamment et chante beaucoup, se rappelant encore ses compositions musicales et ses poĂšmes. Selon le tĂ©moignage de son ami Overbeck, il est alors encore capable d'improviser au piano de bouleversantes mĂ©lodies ; pendant quelque temps, il sera encore capable de tenir des conversations, mais celles-ci, selon son ami Overbeck, sont stĂ©rĂ©otypĂ©es et Nietzsche ne semble capable que d'Ă©voquer certains souvenirs. Il prononce encore quelques phrases, comme ce jour oĂč, sur une terrasse ensoleillĂ©e, il s'adresse Ă sa sĆur : « N'ai-je pas Ă©crit de beaux livres ? » ; il note encore quelques phrases plus ou moins cohĂ©rentes comme celle-ci : « Maman, je n'ai pas tuĂ© JĂ©sus, c'Ă©tait dĂ©jĂ fait. » Sa mĂšre est en effet trĂšs pieuse, et les diffĂ©rends de Nietzsche avec elle en matiĂšre de religion remontent Ă l'adolescence.
Il reçoit plusieurs visiteurs, certains tentent de le récupérer pour leur propre cause. Puis, au bout de quelques années, il sombre dans un silence presque complet, jusqu'à sa mort. Quand Overbeck le revoit pour la derniÚre fois, en 1892, il trouve Nietzsche dans un état végétatif.
Sa mĂšre, puis sa sĆur revenue d'AmĂ©rique du Sud, le soignent jusqu'Ă sa mort, le .
Poursuite du déclin
AprĂšs la Seconde Guerre mondiale, le psychiatre Lange-Eichbaum (de) affirme que Nietzsche souffrait de la syphilis, mais sans aucune preuve.
On s'est beaucoup interrogĂ© sur les causes de sa maladie et l'image mĂȘme d'un penseur devenu fou a conduit Ă diverses appropriations, du vivant mĂȘme de Nietzsche[21]. Certaines thĂ©ories Ă ce sujet ont eu pour but de rĂ©duire la pensĂ©e de Nietzsche Ă sa folie. Une explication qui fut couramment acceptĂ©e, est relative Ă la syphilis que Nietzsche aurait contractĂ©e, comme nombre d'artistes et Ă©crivains cĂ©lĂšbres de son temps, et qui dans sa phase tertiaire, dite de « neurosyphilis » peut mimer toutes sortes de pathologies psychiatriques. Nietzsche, au dĂ©but de sa folie (« folie » qui ne l'empĂȘchait pas dans les premiers temps de discuter presque normalement), dĂ©clara avoir Ă©tĂ© infectĂ© en 1866. Il semble, d'aprĂšs les travaux d'Otto Binswanger, qui s'est occupĂ© de lui lors de son internement, que Nietzsche ait prĂ©sentĂ© une dĂ©mence vasculaire : maladie de Binswanger comparable Ă la leucoaraiose, ce qui va dans le sens des propos de Franz Overbeck, qui, quand il le revoit pour la derniĂšre fois, en 1892, trouve Nietzsche dans un Ă©tat vĂ©gĂ©tatif.
Un médecin, le docteur Leonard Sax, directeur du Montgomery Centre for Research in Child Development, a émis l'hypothÚse que Nietzsche avait en réalité une tumeur cérébrale. L'autopsie du pÚre de Nietzsche avait déjà montré la présence d'une tumeur au cerveau. Les témoignages rassemblés par Curt Paul Janz, grand biographe de Nietzsche, montrent que plusieurs proches de Nietzsche étaient des « originaux », et quelques-uns malades des nerfs. On peut donc également évoquer une affection psychiatrique ou une pathologie neurologique au travers de ces antécédents. Nietzsche a également rapporté le témoignage de sa tante Rosalie, selon laquelle le pÚre de Nietzsche fut soudain atteint de troubles mentaux, qu'il devint incapable de parler, avant de mourir quelques mois plus tard.
Des hypothÚses de 2006 évoquent une dégénérescence lobaire fronto-temporale de type comportementale[22], ou alors la maladie de CADASIL qui indirectement rejoint l'idée d'une leucoaraiose[23].
Curt Paul Janz (tome I, page 172, 173) conclut formellement Ă une syphilis, contractĂ©e Ă Leipzig, classiquement et pudiquement diagnostiquĂ©e, Ă l'Ă©poque, comme " paralysie gĂ©nĂ©rale " (c.Ă .d. une neurosyphilis) lorsqu'elle entre en phase finale : " Si le moment de la contamination demeure donc incertain, nous ne saurions, pour le reste, mettre en doute le tĂ©moignage d'un psychiatre aussi sĂ©rieux que Lange-Eichbaum. D'aprĂšs l'Ă©tat actuel des recherches mĂ©dicales, nous pouvons ainsi considĂ©rer comme Ă©tabli que la paralysie ultĂ©rieure de Nietzsche ne put ĂȘtre causĂ©e que par la syphilis, et que celui-ci fut donc, comme l'affirme Lange-Eichbaum, soignĂ© de cette maladie Ă Leipzig ". Les consĂ©quences physiques, neurologiques et psychiatriques de la neurosyphilis sont dĂ©sormais bien connues. Nietzsche se savait contaminĂ©, les consĂ©quences d'ordre biographiques ne pouvaient ĂȘtre que considĂ©rables, notamment quant Ă ses rapports aux femmes, dĂ©jĂ problĂ©matiques avant cette contamination. IdĂ©alement, l'exhumation et un examen mĂ©dico-lĂ©gal mettraient un terme aux controverses Ă ce sujet.
Influence d'Elisabeth
Nietzsche devenu aliĂ©nĂ©, c'est sa sĆur, Elisabeth, qui gĂšre la publication des Ćuvres et des carnets de son frĂšre. Elle fonde dans ce but le Nietzsche-Archiv et met toute son Ă©nergie Ă faire connaĂźtre les Ćuvres de son frĂšre[24]. SĆur dĂ©vouĂ©e que Nietzsche aimait profondĂ©ment jusqu'Ă ce qu'elle se marie avec un antisĂ©mite virulent, Bernhard Förster[25], elle a Ă©tĂ© une fervente admiratrice de Guillaume II et adhĂšrera ensuite Ă certaines idĂ©es nazies[26], rencontrant Hitler (qu'elle soutiendra comme elle soutiendra Ă©galement Mussolini). Elle fait publier les derniĂšres Ćuvres de Nietzsche, mais manipule certains textes de son frĂšre. Elle compose ainsi La VolontĂ© de puissance, livre dont Nietzsche a Ă©laborĂ© plusieurs plans sans jamais l'achever, prĂ©fĂ©rant en tirer plusieurs livres distincts. Elle Ă©crit Ă©galement plusieurs livres sur son frĂšre, qui ont Ă©tĂ© remis en cause en raison de leur caractĂšre hagiographique. La critique historique a mĂȘme Ă©tabli qu'Elisabeth avait falsifiĂ© des Ćuvres de jeunesse, des lettres et des fragments posthumes de son frĂšre[27].
MalgrĂ© les opinions nazies et les manipulations avĂ©rĂ©es de la sĆur de Nietzsche, ces falsifications et l'enrĂŽlement par le nazisme sont deux aspects de la rĂ©ception du texte nietzschĂ©en qui restent nettement distincts[28] - [29]. Si Elisabeth a cherchĂ© activement Ă associer le nom de Nietzsche Ă ceux d'Hitler et de Mussolini[30], elle a eu Ă©galement l'occasion d'Ă©crire Ă plusieurs reprises combien son frĂšre Ă©tait opposĂ© Ă l'antisĂ©mitisme, et a expliquĂ© les propos anti-juifs de Nietzsche dans les annĂ©es 1870 par une influence du milieu wagnĂ©rien dont il s'Ă©tait par la suite libĂ©rĂ©. Il est donc difficile de voir dans la sĆur de Nietzsche une instigatrice de la rĂ©cupĂ©ration des textes nietzschĂ©ens[31].
Chronologie générale
LĂ©gende :
- <Nom> = premiĂšre rencontre de "Nom".
- Publications. â Les annĂ©es indiquĂ©es sont celles de premiĂšre parution. Les abrĂ©viations suivantes sont utilisĂ©es : A = Aurore. â AC = LâAntĂ©christ. â CI = Le CrĂ©puscule des idoles. â CW = Le Cas Wagner. â DD = Dithyrambes de Dionysos. â EH = Ecce homo. â GM = La GĂ©nĂ©alogie de la morale. â GS = Le gai Savoir. â HTH = Humain, trop humain. â Inact = ConsidĂ©rations inactuelles. â NT = La Naissance de la tragĂ©die. â NW = Nietzsche contre Wagner. â OS = Opinions et sentences mĂȘlĂ©es. â PBM = Par delĂ bien et mal. â VO = Le Voyageur et son ombre. â [VP] = La VolontĂ© de puissance (compilation arbitraire de notes de N., publiĂ©e par sa sĆur). â Za = Ainsi parlait Zarathoustra.
Phases | Lieux | ĂvĂ©nements, activitĂ©s | Publications | |
---|---|---|---|---|
1844-1850 | Enfance | Röcken |
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|
1850-1858 | Naumbourg |
|
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1858-1864 | CollĂšge | Pforta |
|
|
1864-1865 | Ătudiant | Bonn |
|
|
1865-1869 | Leipzig |
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||
1869-1879 | Professeur de philologie |
BĂąle |
|
|
1879-1889 | Vie errante | Allemagne, Italie, Suisse, France. |
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1889-1900 | Folie | Turin IĂ©na Naumbourg Weimar |
|
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posthume |
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| ||
Notes
- Parfois francisé en Frédéric.
Références
- Prononciation en haut allemand (allemand standard) retranscrite selon la norme API
- Allan Percy (trad. de l'espagnol), Nietzsche Antistress : en 99 pilules philosophiques, 75003 Paris, Stéphane Chabenat, , 112 p. (ISBN 978-2-36075-043-6), Page 4
- Janz, Curt Paul., Nietzsche : biographie, Gallimard, 1984- (ISBN 2-07-070075-5, 978-2-07-070075-2 et 2-07-070269-3, OCLC 299782558, lire en ligne), tome 1, p. 70
- Janz, Curt Paul., Nietzsche : biographie, Gallimard, 1984- (ISBN 2-07-070075-5, 978-2-07-070075-2 et 2-07-070269-3, OCLC 299782558, lire en ligne), tome 1,pp. 108-109
- Janz, Curt Paul., Nietzsche : biographie, Gallimard, 1984- (ISBN 2-07-070075-5, 978-2-07-070075-2 et 2-07-070269-3, OCLC 299782558, lire en ligne), tome 1, pp. 107-108
- Paolo D'Iorio estime que l'on se méprend en donnant une telle importance à Schopenhauer et à la période wagnérienne de Nietzsche, qui n'est pour lui qu'une parenthÚse. Voir SystÚme, phases, chemins, strates, in Nietzsche, Philosophie de l'esprit libre, éditions Ens, 2004.
- Keith Ansell Pearson, « Friedrich Nietzsche: An Introduction to his Thought, Life, and Work », in A Companion to Nietzsche, Blackwell, 2006, p. 3 :
- « Nietzsche had made the personal acquaintance of Wagner in November 1868 in Leipzig [âŠ]. »
- Cette nomination n'est pas le résultat du choix exclusif de Friedrich Ritschl, comme Ulrich von Wilamowitz-Moellendorff l'a prétendu (c'est pourtant cette version de l'histoire qui est la plus répandue) ; le conseiller éducatif de la ville de Bùle devait choisir un jeune philologue pour une place vacante. Il demanda l'avis de six professeurs, dont deux évoquÚrent le nom de Nietzsche : Ritschl, déjà cité, et Hermann Usener. Ensuite, le choix définitif fut voté par le conseil de la ville. On ne peut donc parler de « népotisme », comme l'a fait Wilamowitz, sans doute pour se venger de l'affaire de la Naissance de la tragédie dans laquelle il s'était opposé à Nietzsche de maniÚre virulente. (Source : Mazzino Montinari, Friedrich Nietzsche).
- Les livres de sa premiĂšre pĂ©riode, La Naissance de la TragĂ©die et les ConsidĂ©rations Inactuelles, sont entiĂšrement centrĂ©s sur la question de la rĂ©gĂ©nĂ©rescence de l'esprit allemand, ce que Nietzsche regrettera amĂšrement par la suite. Voir l'Essai d'auto-critique : « Mais il y a dans ce livre quelque chose de pire encore, et que je regrette beaucoup plus que dâavoir obscurci et dĂ©figurĂ© par des formules schopenhaueriennes mes visions dionysiennes : câest de mâĂȘtre, en un mot, gĂątĂ© le grandiose problĂšme grec, tel quâil sâĂ©tait rĂ©vĂ©lĂ© Ă moi, par lâintrusion des choses modernes ! de mâĂȘtre attachĂ© Ă des espĂ©rances, lĂ oĂč il nây avait rien Ă espĂ©rer, oĂč tout indiquait trop clairement une fin ! dâavoir, Ă propos de la plus rĂ©cente musique allemande, commencĂ© Ă divaguer sur « lâĂąme allemande », comme si elle Ă©tait justement sur le point de se dĂ©couvrir et de se retrouver ».
- Selon Janz, in Nietzsche, tome I, I, § 2.
- « Upon its publication Nietzscheâs book met with vehement rejection by the philological community, and after being rejected by his mentor, Ritschl, Nietzsche had to admit that he had fallen from grace and was now ostracized from the guild of philologists. » Keith Ansell Pearson, « Friedrich Nietzsche: An Introduction to his Thought, Life, and Work », p. 4, in A Companion to Nietzsche, Blackwell, 2006.
- « [âŠ] il y a de plus que Messieurs mes frĂšres in wagnero sont bien trop bĂȘtes et que leur Ă©criture est Ă vomir. » KSB 2, 625, p. 378.(Trad. Lionel Duvoy in Le Masque de la dĂ©cadence)
- Lettre de Richard Wagner Ă Hans von Wolzogen, du mardi . Wagner, inquiet de la santĂ© de Nietzsche, s'enquiert auprĂšs du mĂ©decin de son ami des causes de sa maladie. Celui-ci violant Ă cette occasion le secret mĂ©dical, affirme en effet Ă Wagner que la maladie de Nietzsche peut ĂȘtre la consĂ©quence d'une vie de cĂ©libataire. Et Wagner Ă©bruite que Nietzsche souffre des consĂ©quences pathologiques que l'on attribue, selon le prĂ©jugĂ© de l'Ă©poque, Ă la pĂ©dĂ©rastie mais aussi Ă la masturbation. Voir la prĂ©face de Ă. Blondel au Cas Wagner, Ă©ditions Flammarion.
- Nietzsche lit le livre de RĂ©e : Ursprung der moralischen Empfindungen (Origine des sentiments moraux, 1877).
- Ă propos de Humain, trop humain, elle Ă©crit dans une lettre : « Un processus que jâavais dĂ©jĂ depuis longtemps vu venir, et que jâavais combattu de toutes mes modestes forces, vient de se dĂ©clencher chez lâauteur. Nombreux sont ceux qui ont collaborĂ© Ă ce triste livre ! Et finalement, IsraĂ«l sây est incrustĂ© sous la figure trĂšs lisse et trĂšs fraĂźche dâun Dr RĂ©e en quelque sorte sĂ©duit et asservi Ă Nietzsche, mais qui, en vĂ©ritĂ©, est en train de le duper ; câest la relation, en petit, entre JudĂ©e et Germanie [âŠ]. » Lettre de Cosima Wagner du Ă Marie von Schleinitz, in KSA 15, p. 83-84.(Trad. Lionel Duvoy in Le Masque de la dĂ©cadence))
- « In early 1879 deteriorating health forced Nietzsche to resign from his position at Basel University, which granted him an annual pension. » Keith Ansell Pearson, « Friedrich Nietzsche: An Introduction to his Thought, Life, and Work », p. 7, in A Companion to Nietzsche, p. Blackwell, 2006.
- oĂč il sera en mĂȘme temps que Guyau sans le savoir vers 1888
- « Meta von Salis : avocate des droits de la femme de la premiĂšre heure », Le Temps,â (ISSN 1423-3967, lire en ligne, consultĂ© le )
- Jacques Derrida, L'Animal que donc je suis, éditions Galilée, 2006, p. 58.
- Podach, L'effondrement de Nietzsche
- En France, l'un des premiers à écrire sur la folie de Nietzsche a été Téodor de Wyzewa, dont l'article Frédéric Nietzsche, le dernier métaphysicien, paru en 1891, a été critiqué par Daniel Halévy qui l'a jugé de mauvais goût, ce que l'on pourrait rapprocher aujourd'hui de la presse people. Extrait :
- « C'est dans un asile d'aliĂ©nĂ©s qu'il m'aurait fallu aller voir, hurlant sous la douche, Ă©tirant ses longs bras, Ă©carquillant ses Ă©normes yeux ronds, et plus pareil encore Ă un chat de gouttiĂšre que lorsque je l'ai rencontrĂ© il y a trois ans, l'Ă©tonnant FrĂ©dĂ©ric Nietsche, philosophe, poĂšte et compositeur de musique [âŠ] »
- M. Orth et M. R. Trimble, « Friedrich Nietzsche's mental illness--general paralysis of the insane vs. frontotemporal dementia », Acta Psychiatrica Scandinavica, vol. 114, no 6,â , p. 439â444; discussion 445 (ISSN 0001-690X, PMID 17087793, DOI 10.1111/j.1600-0447.2006.00827.x, lire en ligne, consultĂ© le )
- D. Hemelsoet, K. Hemelsoet et D. Devreese, « The neurological illness of Friedrich Nietzsche », Acta Neurologica Belgica, vol. 108, no 1,â , p. 9â16 (ISSN 0300-9009, PMID 18575181, lire en ligne, consultĂ© le )
- (en) « She was entrepreneurial, succeeding in establishing the Nietzsche archives as a center of culture in Weimar and in making her brother the most widely read philosopher of the nineteenth century. » Robert C. Holub, The Elisabeth Legend: The Cleansing of Nietzsche and the Sullying of His Sister, in Nietzsche, Godfather of Fascism? On the Uses and Abuses of a Philosophy, édité par Jacob Golomb et Robert S. Wistrich, Princeton University Press, 2002, p. 221.
- Bernhard Förster appela Ă l'Ă©limination en Allemagne de la « juiverie ». Il fut arrĂȘtĂ© aprĂšs avoir provoquĂ© une bagarre contre des Juifs. DĂ©sespĂ©rant finalement de l'Allemagne, il partit avec Elisabeth fonder une communautĂ© aryenne au Paraguay, Nueva Germania. Source : Nietzsche et sa sĆur Elisabeth, H.F. Peters.
- Selon Robert C. Holub, il y a des lettres de la sĆur de Nietzsche et des tĂ©moignages qui dĂ©montrent qu'elle avait finalement renoncĂ© aux idĂ©es antisĂ©mites, et qu'elle jugeait choquantes les mesures violentes prises par les nazis Ă l'encontre des juifs. Voir (en) The Elisabeth Legend: The Cleansing of Nietzsche and the Sullying of His Sister, in Nietzsche, Godfather of Fascism? On the Uses and Abuses of a Philosophy, Ă©ditĂ© par Jacob Golomb et Robert S. Wistrich, Princeton University Press, 2002.
- (en) « From early on, persons working with her in the Nietzsche archives discovered that she was suppressing certain letters penned by her beloved âFritzâ that portrayed her in an unfavorable light, and even before her death in 1935 there was either suspicion of, or evidence for, numerous forgeries, distortions, or deceptions. » Robert C. Holub, « The Elisabeth Legend: The Cleansing of Nietzsche and the Sullying of His Sister », in Nietzsche, Godfather of Fascism? On the Uses and Abuses of a Philosophy, Ă©ditĂ© par Jacob Golomb et Robert S. Wistrich, Princeton University Press, 2002, p. 217.
- Sur ce point, Mazzino Montinari : « Notons quâon a fini Ă©galement par âfaire porter la fauteâ Ă Elisabeth Förster-Nietzsche pour ce qui concerne tous les abus liĂ©s au nom de Nietzsche, en tant que âphilosophe du national-socialismeâ ; mais câest une simplification inadmissible et une nouvelle lĂ©gende. Les BĂ€umler (mais aussi les LukĂĄcs) et tous ceux qui ont maltraitĂ© âidĂ©ologiquementâ Nietzsche, ont fait ceci pour leur propre compte, et nâavaient certainement pas besoin âdâĂȘtre menĂ©s par le bout du nezâ par une sĆur plus quâoctogĂ©naire. Comprendre la pensĂ©e de Nietzsche et lâinterprĂ©ter sans dĂ©formations idĂ©ologiques, Ă©tait possible, mĂȘme sous lââempireâ de la Förster-Nietzsche Ă Weimar. »
- (en) « In fact [âŠ] Elisabethâs falsifications, when examined for their content, add little or nothing to the Nazi image of Nietzsche. » Robert C. Holub, « The Elisabeth Legend: The Cleansing of Nietzsche and the Sullying of His Sister », in Nietzsche, Godfather of Fascism? On the Uses and Abuses of a Philosophy, Ă©ditĂ© par Jacob Golomb et Robert S. Wistrich, Princeton University Press, 2002, p. 222.
- (en) « Already in the 1920s she promoted her brother as the philosopher of fascism, sending her warmest good wishes to Benito Mussolini as âthe inspired reawakener of aristocratic values in Nietzscheâs senseâ; similarly, she invited Hitler several times to the archive in Weimar, even giving him the symbolic gift of Nietzscheâs walking stick in 1934. » Jacob Golomb et Robert S. Wistrich, « Introduction », in Nietzsche, Godfather of Fascism? On the Uses and Abuses of a Philosophy, Ă©ditĂ© par Jacob Golomb et Robert S. Wistrich, Princeton University Press, 2002, p. 4 et 5.
- (en) « If Nietzsche was going to be recruited for the anti-Jewish campaigns of National Socialism, racists could not depend on the writings of Elisabeth for any support. » Robert C. Holub, « The Elisabeth Legend: The Cleansing of Nietzsche and the Sullying of His Sister », in Nietzsche, Godfather of Fascism? On the Uses and Abuses of a Philosophy, édité par Jacob Golomb et Robert S. Wistrich, Princeton University Press, 2002, p. 227.
Voir aussi
Bibliographie
- Erich Friedrich Podach (de), L'Effondrement de Nietzsche, coll. « Idées », Gallimard, 1978
- Dorian Astor, Nietzsche, coll. « Folio » biographies, Gallimard, 2011
- Paul Deussen, Souvenirs sur Friedrich Nietzsche, Le Promeneur, Gallimard, 2002
- Henri Guillemin, Regards sur Nietzsche, Seuil, 1991
- Daniel Halévy, Nietzsche, Grasset, 1944
- Curt Paul Janz (de), Nietzsche, biographie [1978-1979], 3 vol., Gallimard, 1984-1985
- Franz Overbeck, Souvenirs sur Nietzsche, Ă©d. Allia 1999
- H.F. Peters, Nietzsche et sa sĆur Elisabeth
- Cosima Wagner, Journal, 4 volumes, Paris, Gallimard, 1979
- Michel Onfray, L'Innocence du devenir : la vie de Frédéric Nietzsche, coll. « Incises », éd. Galilée, 2008
- Michel Onfray (Scénario) / Maximilien Le Roy (Dessin, Couleurs), Nietzsche tome 1 - Se créer liberté, Le Lombard, SIGNE, 2010
- Dominique Lacout, Nietzsche l'Intempestif, Le FlĂąneur des Deux Rives, 2019.
- Marc Sautet, Nietzsche pour débutants, La Découverte, 1986.
- Marc Sautet, Nietzsche et La Commune, Sycomore, 1981.
- Arno MĂŒnster, Nietzsche et le nazisme, Ă©ditions KimĂ©, Paris, 1995.
- Arno MĂŒnster, Nietzsche et Stirner, Ă©ditions KimĂ©, Paris, 1997.
- Paolo D'Iorio, Le voyage de Nietzsche Ă Sorrente. GenĂšse de la philosophie de l'esprit libre, Paris, CNRS Ăditions, 2012
- Stefan Zweig, Le Combat avec le démon : Kleist, Hölderlin, Nietzsche (Der Kampf mit dem DÀmon : Hölderlin, Heinrich von Kleist, Friedrich Nietzsche [Die Baumeister der Welt. Versuch einer Typologie des Geistes, volume 2], 1925), tr. fr. 1937.
- (de) Hans Gutzwiller (de): Friedrich Nietzsches LehrtĂ€tigkeit am Basler PĂ€dagogium 1869-1876. in Basler Zeitschrift fĂŒr Geschichte und Altertumskunde, volume 50, 1951, p. 147â220.
- (de) Peter PĂŒtz (de) : Friedrich Nietzsche, J. B. Metzlersche Verlagsbuchhandlung, Stuttgart 1967.
- (de) Curt Paul Janz (de) : Friedrich Nietzsche in Basel in Basler Stadtbuch 1970, p. 53-68.
- (de) Alfred von Martin: Nietzsche und Burckhardt. Reinhardt, MĂŒnchen 1941 (4. Auflage, Erasmus-Verlag, MĂŒnchen 1947).
- (de) Christian Niemeyer (de) (Hrsg.): Nietzsche-Lexikon. Wissenschaftliche Buchgesellschaft, Darmstadt 2009 (ISBN 978-3-534-20844-9).
- (de) Bernd Oei (de), 4 BÀnde: Nietzsche unter französischen Philosophen, Nietzsche unter französischen Literaten, Nietzsche unter deutschen Philosophen, Nietzsche unter deutschen Literaten, Dt. Wiss.-Verlag, Baden-Baden 2008.
- (de) Henning Ottmann (de) (Hrsg.): Nietzsche-Handbuch: Leben â Werk â Wirkung. Metzler, Stuttgart/ Weimar 2000 (ISBN 3-476-01330-8).
Articles connexes
Bibliographie complémentaire
Banques de données
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- Universalis
- VisuotinÄ lietuviĆł enciklopedija