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Benito Mussolini

Benito Mussolini (en français : /benito mysɔlini/[N 2] ; en italien : /beˈniːto mussoˈliːni/[N 3]), nĂ© le Ă  Predappio et mort le Ă  Giulino di Mezzegra, est un journaliste, idĂ©ologue et homme d'État italien.

Benito Mussolini
Illustration.
Benito Mussolini.
Fonctions
Duce de la RĂ©publique sociale italienne
(Italie du Nord)
–
(1 an, 7 mois et 3 jours)
Prédécesseur Fonction créée (scission du royaume d'Italie)
Successeur Fonction supprimée (réunification du royaume d'Italie)
Chef du gouvernement d'Italie
Premier ministre
SecrĂ©taire d'État
[N 1]
–
(20 ans, 8 mois et 24 jours)
Monarque Victor-Emmanuel III
Gouvernement Mussolini
LĂ©gislature XXVIe, XXVIIe, XXVIIIe, XXIXe et XXXe
Prédécesseur Luigi Facta
Successeur Pietro Badoglio
Ministre des Affaires Ă©trangĂšres
–
(5 mois et 19 jours)
PrĂ©sident du Conseil Lui-mĂȘme
Prédécesseur Galeazzo Ciano
Successeur Raffaele Guariglia
–
(3 ans, 10 mois et 20 jours)
PrĂ©sident du Conseil Lui-mĂȘme
Prédécesseur Dino Grandi
Successeur Galeazzo Ciano
–
(6 ans, 10 mois et 13 jours)
PrĂ©sident du Conseil Lui-mĂȘme
Prédécesseur Carlo Schanzer
Successeur Dino Grandi
Ministre de l'Intérieur
–
(16 ans, 8 mois et 19 jours)
PrĂ©sident du Conseil Lui-mĂȘme
Prédécesseur Luigi Federzoni
Successeur Bruno Fornaciari
–
(1 an, 7 mois et 17 jours)
PrĂ©sident du Conseil Lui-mĂȘme
Prédécesseur Paolino Taddei
Successeur Luigi Federzoni
Biographie
Nom de naissance Benito Amilcare Andrea Mussolini
Date de naissance
Lieu de naissance Predappio (Italie)
Date de dĂ©cĂšs (Ă  61 ans)
Lieu de décÚs Giulino di Mezzegra (Italie)
Nature du décÚs Exécution par arme à feu
Nationalité Italienne
Parti politique PSI (1900-1914)
PNF (1921-1943)
PFR (1943-1945)
Conjoint Rachele Guidi
Enfants Edda Ciano'1910)
Vittorio Mussolini(1916)
Bruno Mussolini(1918)
Romano Mussolini(1927)
Anna Maria Mussolini(1929)
Entourage Galeazzo Ciano (gendre)
Clara Petacci (maĂźtresse)
Profession Instituteur, Journaliste

Signature de Benito Mussolini

Benito Mussolini Benito Mussolini
Chefs du gouvernement italien
Ministres italiens des Affaires Ă©trangĂšres
Ministres italiens de l'Intérieur

Fondateur du fascisme, il a gouvernĂ© l’Italie pendant vingt ans : prĂ©sident du Conseil du royaume d'Italie, du au , premier marĂ©chal d'Empire (chef des armĂ©es) avec le roi du au , et chef de l'État de la RĂ©publique sociale italienne (RSI) de Ă  . Il est couramment dĂ©signĂ© par le terme « Duce », mot italien dĂ©rivĂ© du latin Dux et signifiant « Chef » ou « Guide ».

Instituteur, puis journaliste, militant syndicaliste rĂ©volutionnaire, il a une jeunesse agitĂ©e, s’expatriant deux ans en Suisse oĂč il complĂšte sa formation politique et intellectuelle. SecrĂ©taire de la  fĂ©dĂ©ration de Forli, puis membre de la direction nationale du Parti socialiste italien (PSI) et directeur du quotidien officiel du parti l'Avanti! en 1912, il en est exclu en 1914 quand il se dĂ©clare favorable Ă  l'entrĂ©e en guerre de l'Italie contre les Empires centraux. Il crĂ©e alors son propre journal, Il Popolo d'Italia (Le peuple d'Italie), pĂŽle de ralliement de l'interventionnisme de gauche et d'ultra-gauche. Il fait la guerre comme caporal dans les Bersagliers. Le 23 mars 1919, il fonde les Faisceaux de combat (fasci italiani di combattimento) avec un programme rĂ©volutionnaire, nationaliste, anticapitaliste et anticlĂ©rical, prĂ©voyant Ă©galement le vote des femmes, l'instruction et la santĂ© gratuite, l'assurance sociale pour les travailleurs. Il les transforme en 1921 en Parti national fasciste (PNF). AprĂšs l’échec d’une alliance Ă©lectorale avec la gauche, il s’allie avec la droite aux Ă©lections pour faire Ă©lire des dĂ©putĂ©s fascistes. Les milices armĂ©es fascistes (squadrisme), utilisĂ©es par les possĂ©dants contre le pĂ©ril rĂ©volutionnaire avec le soutien des pouvoirs publics, vont lui permettre de s’emparer du pouvoir. AprĂšs une marche spectaculaire sur la capitale en octobre 1922, la marche sur Rome, il est nommĂ© par le roi prĂ©sident du Conseil et obtient une majoritĂ© absolue Ă  la Chambre. Il instaure alors une dictature qui va durer plus de vingt ans : le ventennio. Ne jugeant pas l’opinion prĂȘte, il n’ose cependant pas supprimer la royautĂ© et Ă©pargne le roi qui demeure le premier personnage de l’État et peut en principe le rĂ©voquer et dĂ©signer son successeur, ce qu’il fait en juillet 1943.

À l'apogĂ©e du rĂ©gime (1929-1936), il bĂ©nĂ©ficie du soutien au moins passif de la population Ă  qui il apporte l’ordre, la paix sociale et des satisfactions Ă  la fois matĂ©rielles et de prestige (lĂ©gislation sociale, grands travaux de Rome, assainissement des marais Pontins, conquĂȘte de l’Éthiopie et de l’Albanie).

En politique extĂ©rieure, aprĂšs une relative modĂ©ration et un certain respect de l’équilibre europĂ©en (accords de Locarno) pendant la premiĂšre dĂ©cennie, puis un Ă©phĂ©mĂšre front antihitlĂ©rien avec le Royaume-Uni et la France (confĂ©rence de Stresa), il dĂ©clenche une guerre coloniale en Éthiopie et intervient en Espagne en 1936 pour soutenir Franco lui fournissant une aide considĂ©rable en hommes et en matĂ©riel.

AprĂšs l’internationalisation de la guerre d’Espagne, les sanctions de la SociĂ©tĂ© des Nations promues par Londres et Paris contre l’agression italienne en Éthiopie, l’avĂšnement du Front populaire en France, il se rapproche d'Adolf Hitler, instaure des lois raciales en 1938 pour lui donner des gages et signe avec lui un traitĂ© d'alliance en 1939 (pacte d'acier) auquel il restera fidĂšle jusqu'Ă  sa mort. AprĂšs dix mois de « non-belligĂ©rance », il entre dans la Seconde Guerre mondiale le aux cĂŽtĂ©s de l'Allemagne nazie alors que la France est dĂ©jĂ  vaincue (le « coup de poignard dans le dos » selon l'expression consacrĂ©e). Il essaie de mener une « guerre parallĂšle » dans son rayon d’action stratĂ©gique, la MĂ©diterranĂ©e, mais Ă©choue et doit faire appel Ă  l'aide d'Hitler pour redresser la situation. La vassalisation de l'Italie Ă  l'Allemagne est alors complĂšte. Mussolini prend la dĂ©cision d’intervenir massivement en Russie (Ă©tĂ© 1941) et dĂ©clare la guerre aux États-Unis. AprĂšs la dĂ©faite des armĂ©es italo-allemandes en Tunisie et le dĂ©barquement des AlliĂ©s en Sicile, une conjuration entre le roi, l’ancienne classe dirigeante et les dirigeants fascistes modĂ©rĂ©s entraĂźnent sa chute et son arrestation. LibĂ©rĂ© par les Allemands au cours d’une opĂ©ration spectaculaire dans les montagnes du Gran Sasso, il instaure en Italie du Nord la RĂ©publique sociale italienne, dite rĂ©publique de SalĂČ, sous contrĂŽle allemand, coupant le pays en deux et entrainant une sanglante guerre civile entre les milices du rĂ©gime aidĂ©es des SS et de la Gestapo et les groupes de partisans communistes et antifascistes coordonnĂ©s par un ComitĂ© de libĂ©ration nationale. Le , alors qu'il tente de fuir, il est arrĂȘtĂ© et exĂ©cutĂ© avec sa maĂźtresse Clara Petacci ; leurs corps sont livrĂ©s Ă  une foule en colĂšre et pendus par les pieds dans une exhibition macabre sur la Piazzale Loreto, Ă  Milan.

Jeunesse (1883-1902)

Maison natale de Mussolini Ă  Predappio. Au bas de l'escalier, la porte de la forge paternelle.

Fils d’un forgeron, Alessandro Mussolini et d’une institutrice Rosa Maltoni, Benito Mussolini naĂźt le Ă  Varani dei Costa, un hameau de la commune de Dovia di Predappio (aujourd'hui Predappio) dans la province de ForlĂŹ-CĂ©sĂšne en Émilie-Romagne.

Son prĂ©nom est un hommage Ă  Benito JuĂĄrez, le hĂ©ros national et libĂ©ral du Mexique. Son pĂšre, Ă  la fois marĂ©chal-ferrant et cafetier, est un meneur syndical et rĂ©volutionnaire, fort en gueule et volontiers bagarreur, grand coureur de jupons, avec un penchant pour la boisson. Il a façonnĂ© la culture politique de son fils par ses conversations et les livres qu’il lui a donnĂ©s Ă  lire. On sait qu’il lisait Les MisĂ©rables, son livre de chevet,  dans le texte d’origine. Jean Valjean et NapolĂ©on seront toujours les deux hĂ©ros de Mussolini. « Mon socialisme est nĂ© bakouniste, Ă  l’école du socialisme de mon pĂšre, Ă  l’école du socialisme libertaire de Blanqui[1]. »

Sa mĂšre, fille d’un vĂ©tĂ©rinaire, institutrice dans un milieu rural encore largement analphabĂšte, ne manque pas d’autoritĂ©. Pieuse, elle a imposĂ© Ă  Alessandro, anticlĂ©rical forcenĂ©, un mariage catholique et elle enverra Benito Ă  9 ans chez les pĂšres salĂ©siens de Faenza malgrĂ© les rĂ©ticences de son mari.

Le couple est uni malgrĂ© ses diffĂ©rences politiques et religieuses et l’enfance de Benito est heureuse. Il a un frĂšre cadet, Arnaldo (1885-1931) pour lequel il Ă©prouve une vive affection et qui sera, jusqu’à sa mort d’une crise cardiaque, un collaborateur fidĂšle et admiratif jouant auprĂšs de lui un rĂŽle modĂ©rateur, et une sƓur discrĂšte, Edvige (1888-1952), une des rares personnes de son entourage Ă  qui il se confie et parfois demande conseil.

Les deux annĂ©es qu’il va y passer chez les pĂšres salĂ©siens vont faire de lui un rĂ©voltĂ©. Les injustices qu’il constate vont dĂ©velopper chez lui une haine des possĂ©dants qu’il conservera toute sa vie: au rĂ©fectoire, il y a la table de ceux qui payent 60 lires de pension mensuelle, puis celle de ceux qui paient 45, enfin la plus nombreuse, oĂč il se trouve, de ceux qui paient 30 lires. Il est traitĂ© sans bienveillance (« C’est le fils d’un chef du peuple (capo popolo) » a-t-il entendu dire au directeur parlant de lui) et ne peut se plier Ă  la dure discipline du collĂšge, aux vexations et aux punitions. À la suite d’une dispute, il blesse un camarade d’un coup de canif. Mis au cachot, on lui laisse finir l’annĂ©e, en le rĂ©trogradant dans la classe infĂ©rieure, mais on ne le rĂ©inscrit pas pour l’annĂ©e suivante.

Il poursuit ses Ă©tudes au collĂšge Carducci de Forlimpopoli, un Ă©tablissement laĂŻque cette fois, oĂč il reste sept ans, dont trois en Ă©cole normale. Ses rĂ©sultats sont bons, s’il reste rĂ©tif Ă  la discipline: il est exclu deux fois de l’internat, une fois Ă  la suite d’un pugilat oĂč il a jouĂ© du canif, une autre fois pour avoir dĂ©couchĂ©. Sous l'influence de son pĂšre, il se rapproche du militantisme et frĂ©quente les cercles socialistes de Forlimpopoli et de ForlĂŹ. Il assiste Ă  des rĂ©unions publiques et y prend la parole. Plus tard, lors de ses entretiens avec Emil Ludwig, il Ă©voque ainsi son adhĂ©sion au socialisme[2] - [3] :

« Ce qui domine, c’est l’indignation. J’avais sous les yeux les souffrances de mes parents ; Ă  l’école, j’avais Ă©tĂ© humiliĂ© ; alors j’ai grandi comme rĂ©volutionnaire, avec les espoirs des dĂ©shĂ©ritĂ©s. Qu’aurais-je pu devenir d’autre que socialiste Ă  outrance, blanquiste, plutĂŽt communiste au fond ? »

En derniĂšre annĂ©e, il est considĂ©rĂ© comme le meilleur Ă©lĂšve de sa classe. Il finit ses Ă©tudes Ă  17 ans en juillet 1901 avec un diplĂŽme d’instituteur et trouve son premier poste sur recommandation de son pĂšre Ă  Gualtieri, petite commune socialiste d’Émilie. Il touche un salaire de misĂšre : 56 lires par mois alors que sa pension lui coĂ»te 40 lires. Son contrat n’est pas renouvelĂ© sans doute Ă  cause de la liaison qu’il entretient avec une jeune femme dont le mari fait son service militaire ou Ă  cause de son comportement jugĂ© violent et provocateur.

Il dĂ©cide alors de s’expatrier pour raisons Ă©conomiques comme beaucoup d’Italiens, aussi pour rompre avec son milieu et Ă©viter le service militaire . Il part en Suisse le 9 juillet 1902. Il a dix-neuf ans.

Exil en Suisse et premiÚres activités politiques (1902-1904)

Sans travail, sans relations, sans argent, il s'Ă©tablit le 20 juillet Ă  Lausanne oĂč vivent 6 000 Italiens, la plupart dans l’industrie du bĂątiment. Les dĂ©buts sont difficiles . Vivant misĂ©rablement, il est arrĂȘtĂ© pour vagabondage par la police dans la matinĂ©e du 24 juillet sous les arches du Grand-Pont oĂč il a passĂ© la nuit et gardĂ© trois jours sous les verrous.

Il prend contact avec les membres du groupe socialiste de la ville et fait son entrĂ©e modeste en politique en devenant secrĂ©taire et propagandiste officiel du syndicat italien des maçon. Il reçoit un peu d’argent pour cette activitĂ© (5 lires par mois), pour ses articles dans le journal du Parti socialiste italien en Suisse L’avvenire dei lavoratori, pour les leçons d’italien et mĂȘme de français qu’il donne, mais vit surtout de l’aide financiĂšre que lui apportent ses camarades socialistes.

AprĂšs son arrestation par la police helvĂ©tique (19 juin 1903) et avant d’ĂȘtre expulsĂ©, Mussolini est soumis aux « humiliantes et exaspĂ©rantes mensurations anthropomĂ©triques » Ă©crit-il dans La mia vita.

Il fait de l’agitation politique, soutient les travailleurs en grĂšve ou les incite Ă  s’engager dans des actions revendicatives. Le 18 juin 1903, il est arrĂȘtĂ© et expulsĂ© par la police helvĂ©tique aprĂšs douze jours de prison. Il revient aussitĂŽt et renoue avec ses activitĂ©s militantes, dans l'aile rĂ©volutionnaire du Parti socialiste italien (PSI) dirigĂ©e par Arturo Labriola. Il frĂ©quente des syndicalistes rĂ©volutionnaires en exil, russes, allemands, polonais, français, souvent des juifs. Il est dĂ©sormais connu, intervient dans des dĂ©bats publics, comme le fameux dĂ©bat avec le pasteur Ă©vangĂ©lique Alfredo Taglialatela sur le thĂšme de l'existence de Dieu (« Je donne 5 minutes Ă  Dieu, s’il existe pour me foudroyer. Si, passĂ© ce temps, il ne l’a pas fait, c’est qu’il n’existe pas »). Il collabore Ă  plusieurs journaux dont l’Avangardia socialista Ă  Milan et Il Prolettario Ă  New-York. En avril 1904, il est expulsĂ© du canton de GenĂšve pour avoir modifiĂ© la date de validitĂ© de son passeport. Il est libĂ©rĂ© Ă  Bellinzone grĂące aux protestations des socialistes genevois et Ă  l'aide du gouvernement tessinois avant d’ĂȘtre reconduit en Italie oĂč il risque une condamnation pour dĂ©sertion.

Angelica Balabanoff, dont Mussolini fait la connaissance Ă  GenĂšve en mars 1904, lui a beaucoup appris.

La rencontre dĂ©cisive, pour ce petit maĂźtre d’école de province qui souffre des carences de son Ă©ducation et qui a la frĂ©nĂ©sie d’apprendre, est celle de la militante socialiste d’origine juive Angelica Balabanova en mars 1904 Ă  GenĂšve. Fille d’un haut fonctionnaire ukrainien, future secrĂ©taire de l’Internationale communiste, cette femme intelligente et d’une grande culture, qui parle couramment plusieurs langues, plus ĂągĂ©e que lui de 14 ans, va devenir sa premiĂšre Ă©ducatrice en politique et en littĂ©rature (et sa maĂźtresse) avant Margherita Sarfatti qui jouera un rĂŽle semblable en 1913. Elle raconte dans ses MĂ©moires sa premiĂšre rencontre :

« Sa mine agitĂ©e et ses vĂȘtements en dĂ©sordre le distinguait nettement des autres ouvriers de la salle. Les publics d'Ă©migrĂ©s avaient beau ĂȘtre toujours pauvrement vĂȘtus, cet homme se signalait en outre par son extrĂȘme saletĂ© (...) Il paraĂźt qu'il Ă©tait maĂźtre d'Ă©cole, mais on dit qu'il buvait beaucoup trop et qu'il n'arrĂȘtait pas de s'attirer des ennuis. Il raconte qu'il est socialiste, mais il n'a pas l'air d'en savoir long sur le socialisme. Il parle plutĂŽt comme un anarchiste. N'empĂȘche qu'il est dans une misĂšre noire[4]. »

Elle l’initie Ă  l’allemand, l’encourage Ă  Ă©tudier l’histoire du mouvement ouvrier et l’économie politique (il va suivre Ă  Lausanne les cours de l’économiste Vilfredo Pareto), lui prĂȘte des livres qu’elle l’oblige Ă  lire (il dĂ©couvre Schopenhauer et Max Stirner qui deviendra son troisiĂšme modĂšle aprĂšs NapolĂ©on et Nietzsche).

« Je le rĂ©pĂšte, je dois Ă  Angelica beaucoup plus qu’elle pense que je lui dois. Elle dĂ©tenait la sagesse politique. Elle Ă©tait fidĂšle aux idĂ©es pour lesquelles elle combattait. Pour les dĂ©fendre, elle avait abandonnĂ© sa riche demeure, sa famille de tradition bourgeoise. Sa gĂ©nĂ©rositĂ© ne connaissait pas de limites, de mĂȘme que son amitiĂ© et son inimitiĂ© (
) Si je ne l’avais pas rencontrĂ©e en Suisse, je serais restĂ© un petit activiste de parti, un rĂ©volutionnaire du dimanche[5] »

En novembre 1904, Mussolini rentre en Italie aprĂšs deux ans et demi d’exil qui ont beaucoup comptĂ© pour sa formation politique et intellectuelle. Il dira Ă  Yvon de Begnac : « Ce fut peut-ĂȘtre la seule pĂ©riode de ma vie oĂč je ne me suis pas senti seul[5] ».

De l’enseignement au journalisme et au syndicalisme rĂ©volutionnaire (1904-1909)

De retour en Italie, Mussolini doit faire son service militaire (il n’est pas poursuivi en raison de l'amnistie accordĂ©e lors de la naissance de l'hĂ©ritier du royaume). Il est affectĂ© le 30 dĂ©cembre 1904 au dixiĂšme rĂ©giment bersaglier de VĂ©rone oĂč il se comporte en soldat disciplinĂ©. Le 19 janvier 1905, il perd sa mĂšre, ĂągĂ©e de 46 ans, qui meurt d’une mĂ©ningite. Son pĂšre dĂ©cide d'ouvrir un cafĂ© Ă  Forli avec sa nouvelle compagne Annina Guidi.

Quand il est libĂ©rĂ©, en septembre 1906, il a 23 ans. Il a l’impression d’ĂȘtre revenu Ă  son point de dĂ©part Ă  la recherche d’un poste de maĂźtre d’école. Il en trouve un Ă  Tolmezzo dans le Frioul, toujours peu rĂ©munĂ©rĂ© (75 lires par mois). « DĂšs les premiers mois, Ă©crira-t-il, je m’avisai que la profession de maĂźtre d’école n’était pas pour moi la plus indiquĂ©e[6] ». Son contrat n’est d’ailleurs pas reconduit l’annĂ©e suivante, toujours Ă  cause de son comportement et de ses frasques (il a encore une liaison avec une femme mariĂ©e).

Fin 1907, il passe avec succĂšs , Ă  l’universitĂ© de Bologne, l’examen d’habilitation Ă  l’enseignement du français. Il a le statut de professore et trouve dĂ©but mars 1908, par un bureau de placement pour enseignants, un poste de professeur de français au collĂšge d'Oneglia, petite citĂ© de la Riviera ligure administrĂ©e par les socialistes, oĂč il doit aussi enseigner l'italien, l'histoire et la gĂ©ographie. On lui confie la direction du petit hebdomadaire du parti socialiste La Lima qu’il va tenir pendant quatre mois, publiant 24 articles, la plupart d’inspiration anticlĂ©ricale sous la signature de Vero Eretico (vrai hĂ©rĂ©tique). La direction du collĂšge, informĂ©e par la police de ses antĂ©cĂ©dents politiques, le licencie Ă  la fin de l’annĂ©e scolaire le 27 juin 1908.

Durant l’étĂ© 1908, de retour Ă  Dovia, il s’engage dans le mouvement des braccianti de ForlĂŹ. Les braccianti sont des journaliers agricoles prolĂ©tarisĂ©s ( ils gagnent 3 lires pour une journĂ©e de travail de 10 heures), en conflit avec les mĂ©tayers qui les emploient au sujet de l’utilisation des batteuses mĂ©caniques. Mussolini prend la tĂȘte du mouvement qui devient violent. ArrĂȘtĂ© le 13 juillet, il fait un bref sĂ©jour Ă  la prison de Forli.

Rachele Guidi (1890-1979). Coup de foudre de Mussolini en 1909. Elle lui donne une fille Edda en septembre 1910. Il l’épouse civilement en 1915 et religieusement 10 ans plus tard. Elle deviendra en 1929 Donna Rachele sorte de titre de premiĂšre dame. Une complicitĂ© trĂšs intense les liera jusqu’à la fin.

Il a 25 ans, rĂ©solu Ă  abandonner la carriĂšre d’enseignant et donc sans emploi. Il veut ĂȘtre journaliste. Il Ă©crit des articles sur des sujets culturels pour la revue Pagine libere, une publication syndicaliste rĂ©volutionnaire dirigĂ©e par Oliviero Olivetti et dans Il Pensierio romagnolo. Ses trois articles sur La Philosophie de la force (lire en ligne[7]), essai d’interprĂ©tation de la pensĂ©e de Nietzsche, tĂ©moignent de sa maturitĂ© intellectuelle et de l’influence du philosophe allemand sur sa pensĂ©e politique. Il retient de son Ɠuvre la remise en cause radicale de l ’idĂ©ologie bourgeoise reposant sur les valeurs des LumiĂšres (justice, dĂ©mocratie) et le modĂšle de l’« homme nouveau » forgĂ© par la lutte qui triomphe de la « morale du troupeau ».

En janvier 1909, sur la recommandation d’Angelica Balabanoff et de Giacinto Menotti Serrati avec qui il s’est liĂ© d’amitiĂ© en Suisse, les dirigeants de la chambre du travail de Trente, territoire italophone en Autriche considĂ©rĂ© alors par les Italiens comme « terre irrĂ©dente », lui proposent le poste de secrĂ©taire de cette organisation et la direction du petit hebdomadaire de 4 pages du parti socialiste tridentin L'avvenire del lavoratore (L'avenir du travailleur).

Avant de partir, Mussolini s’est engagĂ© Ă  faire de Rachele Guidi, la fille de la compagne de son pĂšre, sa femme. « Il me tira Ă  l’écart et, me fixant de ses yeux enflammĂ©s, il provoqua ma surprise en dĂ©clarant : « demain je pars, mais Ă  mon retour vous deviendrez ma femme. Vous devez m’attendre »[6]. » Elle est servante dans une ferme du voisinage et a 19 ans.

L'avvenire del lavoratore annonce ainsi la nomination de son nouveau responsable : « Benito Mussolini , outre qu’il est un lutteur Ă©prouvĂ©, est aussi un fervent propagandiste, spĂ©cialement versĂ© en matiĂšre d’anticlĂ©ricalisme ; c’est un jeune homme cultivĂ© et il connaĂźt parfaitement la langue allemande[8]. »

Mussolini va s’enthousiasmer pour son activitĂ© de journaliste et les 8 mois passĂ©s dans le Trentin correspondent sans doute Ă  l’une des pĂ©riodes les plus actives et les plus productives de sa vie. Il participe Ă  des rĂ©unions publiques et des confĂ©rences oĂč il prononce de nombreux discours. Les Ă©crits qu’il publie durant son sĂ©jour occupent un volume entier de ses Opera omnia en 23 volumes. Sous sa direction, le tirage de son petit hebdomadaire va augmenter de 50 % en 6 mois. Ses convictions syndicalistes rĂ©volutionnaires sont toujours fortes, comme en tĂ©moignent les articles qu’il signe sur Georges Sorel, le thĂ©oricien de la grĂšve gĂ©nĂ©rale, dont les RĂ©flexions sur la violence viennent d’ĂȘtre traduites en italien.

Le 10 septembre 1909, il est arrĂȘtĂ© par la police austro-hongroise pour « incitation Ă  la violence contre l’autoritĂ© de l’État » suite Ă  une vive agitation irrĂ©dentiste et des perquisitions dans les locaux des journaux d’opposition. AcquittĂ© lors de son procĂšs le 24 septembre faute de preuves, il est expulsĂ© le 26. Il revient Ă  Forli sans argent (il doit emprunter le prix du voyage Ă  son pĂšre) dans un Ă©tat quasi misĂ©rable. Il a 26 ans.

Dirigeant socialiste (1910-1914)

En janvier 1910, alors qu’il cherche vainement un emploi, les socialistes de Forli lui proposent de devenir secrĂ©taire de la fĂ©dĂ©ration socialiste locale et directeur de leur hebdomadaire, la Lotta di classe (Lutte des classes) avec un salaire mensuel de 125 lires.

Il y a alors, au sein de la gauche italienne une lutte entre rĂ©publicains et socialistes, et au sein du mĂȘme des socialistes, un affrontement entre rĂ©formistes, prĂȘts Ă  collaborer avec le gouvernement bourgeois de Giovanni Giolitti pour faire appliquer un programme minimaliste destinĂ© Ă  transformer graduellement la sociĂ©tĂ© et intransigeants ou maximalistes qui veulent la conquĂȘte du pouvoir par la force. Les maximalistes sont minoritaires au niveau national, mais majoritaires en Romagne et plus particuliĂšrement Ă  Forli, ce qui explique le choix de Mussolini par les reprĂ©sentants de la fĂ©dĂ©ration.

Sa premiĂšre tĂąche va ĂȘtre de construire une fĂ©dĂ©ration puissante pour pouvoir peser au niveau national. Il y parvient grĂące Ă  son tempĂ©rament extrĂ©miste et ses qualitĂ©s d’organisateur et de polĂ©miste. Il fait croĂźtre le tirage de Lotta di classe Ă  2 500 et le nombre de militants (passĂ© de 1 400. Ă  2 100 fin 1911.

Pendant 2 ans, Mussolini va ĂȘtre Ă  la tĂȘte du quotidien officiel du parti socialiste, l'Avanti!.
Parmi les innombrables liaisons fĂ©minines du Duce, Margherita Sarfatti et Angelica Balabanoff sont ses deux « Ă©ducatrices ». Grande bourgeoise de l’intelligentsia juive vĂ©nitienne, Margherita joue le rĂŽle de conseillĂšre politique et culturelle pendant prĂšs de 15 ans.

Son style d’orateur, provocateur et gesticulatoire contribue Ă  asseoir son succĂšs, mĂȘme s’il choque les uns et fait rire les autres. Un journaliste rĂ©publicain de Rome Ă©crit: « Mussolini avec sa voix de baryton, avec sa mimique originale et comique, suscita l’hilaritĂ©[9] ». Un autre raconte : « D’apparence, il n’était pas vieux, mais il ne paraissait pas jeune, avec sa mine nĂ©gligĂ©e, sa cravate noire flottante Ă  la Ravachol ; une barbe longue d’au moins trois jours qui assombrissait son visage, mais qui faisait contraste avec un crĂąne luisant, dĂ©jĂ  prĂ©maturĂ©ment chauve[9]. »

En mars 1911, alors qu’un reprĂ©sentant rĂ©formiste de la direction du parti propose de participer au gouvernement, Mussolini rĂ©plique dans sa fĂ©dĂ©ration en faisant voter l’autonomie par rapport Ă  la direction nationale. Il est prĂȘt Ă  faire sĂ©cession et Ă  crĂ©er un nouveau parti, mais il n’est pas suivi par les autres fĂ©dĂ©rations et doit faire marche arriĂšre. Angelica Balabanoff qui est Ă  la direction nationale du PSI aide Ă  dĂ©samorcer la crise en douceur. Lors de la grĂšve nationale dĂ©clenchĂ©e le 27 septembre contre la guerre de Libye, Ă  Forli, de graves incidents opposent aux forces de l’ordre, socialistes rĂ©volutionnaires de Mussolini et rĂ©publicains de Pietro Nenni, pour une fois rĂ©unis. On voit Mussolini faire sauter Ă  coups de pioche les rails du tramway. Il est arrĂȘtĂ© avec Nenni et condamnĂ© Ă  5 mois de prison (sa plus longue dĂ©tention) qu’il met Ă  profit pour rĂ©diger son autobiographie, La mia vita: « Je suis un agitĂ©, un tempĂ©rament sauvage fuyant la popularitĂ© (
) J’ai eu une jeunesse passablement aventureuse et orageuse. J’ai connu le bien et le mal de la vie. Je me suis fait une culture et une science solide.Le sĂ©jour Ă  l’étranger m’a facilitĂ© l’apprentissage des langues modernes[10]. »

En juillet 1912, au congrĂšs socialiste de Reggio d'Émilie, il monte Ă  la tribune pour prĂ©senter une motion d'expulsion contre les rĂ©formistes les plus compromis dans le soutien Ă  Giolitti et Ă  sa politique coloniale. Sa motion est approuvĂ©e Ă  une large majoritĂ©. Une nouvelle direction nationale Ă  majoritĂ© maximaliste est Ă©lue dont il fait partie

En novembre, la direction du Parti socialiste italien lui propose de prendre la direction de lL'Avanti!, quotidien officiel du parti. Son salaire s’élĂšve Ă  500 lires par mois (il refuse les 700 lires que touchait son prĂ©dĂ©cesseur). Il a posĂ© comme condition que Balanaboff lui soit associĂ©e avec le titre de rĂ©dactrice en chef du journal. Il Ă©pure l’équipe rĂ©dactionnelle composĂ©e majoritairement de rĂ©formistes et fait entrer dans le journal des syndicalistes rĂ©volutionnaires et des anarchistes comme Enrico Leone, Sergio Panunzio ou Arturo Labriola. La minoritĂ© rĂ©formiste le traite de « nouveau Marat de l’Avanti[11]». GrĂące Ă  son talent d’éditorialiste, son style incisif, son aptitude Ă  coller Ă  l’évĂ©nement, le tirage du journal passe en deux ans de vingt mille Ă  cent mille exemplaires. Aux Ă©lections d’octobre 1913, le PSI obtient 11,3 % des suffrages et 53 siĂšges de dĂ©putĂ©s. Mussolini qui s’est prĂ©sentĂ© Ă  Forli est battu avec un score honorable ( 3346 contre 5700 Ă  son adversaire rĂ©publicain)[12].

Mussolini s’est installĂ© Ă  Milan, capitale intellectuelle de l’Italie. Il s’est rasĂ© la barbe et n’a plus l’aspect « sauvage » des annĂ©es prĂ©cĂ©dentes. Il a 29 ans. Au dĂ©but de 1913, il fait la connaissance de Margherita Sarfatti qui a 33 ans. Elle est la femme d’un avocat et a deux enfants. C’est le dĂ©but d’ une relation amoureuse trĂšs forte, qui ne les empĂȘche pas de parler longuement de sujets politiques et culturels.

À la direction du parti, Mussolini dĂ©fend des positions rĂ©volutionnaires intransigeantes, soutenant les violentes manifestations de braccianti dans diverses rĂ©gions du pays et les grĂšves dĂ©clenchĂ©es en juillet 1913 par les mĂ©tallurgistes en Italie du Nord et Ă  Milan. Au congrĂšs du parti d'AncĂŽne en avril 1914, il fait voter l’exclusion des francs-maçons : « Il est temps de rĂ©agir contre cette infiltration de l’humanitarisme dans le socialisme. Le socialisme est un problĂšme de classes[13]. Il est rĂ©Ă©lu Ă  la direction de 15 membres en position de numĂ©ro deux. L’étape suivante pour lui est de devenir le numĂ©ro un.

Ralliement Ă  l'interventionnisme et rupture avec le PSI (1914)

Au dĂ©but de la PremiĂšre Guerre mondiale, il s'aligne sur les positions de l'Internationale socialiste, se dĂ©clarant ouvertement opposĂ© Ă  l'intervention de l'Italie qui, d'aprĂšs lui, ne servirait que l'intĂ©rĂȘt de la bourgeoisie. Cependant, se dĂ©veloppe en 1914 un interventionnisme de gauche allant des rĂ©publicains et des socialistes rĂ©formistes aux syndicalistes rĂ©volutionnaires : le , des reprĂ©sentants du syndicalisme rĂ©volutionnaire comme Massimo Rocca, Filippo Corridoni et Cesare Rossi signent l’appel du Faisceau rĂ©volutionnaire d’action interventionniste visant Ă  rassembler les Ă©lĂ©ments de la gauche radicale favorable Ă  l'entrĂ©e en guerre de l'Italie contre les Empires centraux rĂ©actionnaires et clĂ©ricaux et amorcer un processus rĂ©volutionnaire en forgeant une nouvelle Ă©lite guerriĂšre qui pourra encadrer les masses et les conduire Ă  la victoire[14]. Le mot faisceau appartient au vocabulaire politique de la gauche italienne qui trouve son origine dans les faisceaux de travailleurs siciliens[15]. Mussolini ne signe pas le manifeste mais fait paraĂźtre dans l'Avanti! un article[16] oĂč il dĂ©nonce le caractĂšre « rĂ©actionnaire » de la neutralitĂ© absolue. Son article provoque un tollĂ© au sein de la direction socialiste qui condamne sa prise de position Ă  l'unanimitĂ© . Il est forcĂ© Ă  la dĂ©mission, le , de L'Avanti![17], puis exclu du PSI le .

Il Popolo d'Italia

L'ancien directeur de L'Avanti! veut avoir son journal pour se lancer dans la bataille de l'interventionnisme de gauche, pour l'entrĂ©e en guerre de l'Italie. « Je suis et resterai socialiste », a-t-il affirmĂ© aprĂšs son exclusion du PSI. Il accepte que les fonds nĂ©cessaires au lancement en novembre 1914 du journal - plus d'un million de lires - soient apportĂ©s, par l'intermĂ©diaire de Filippo Naldi directeur d'un journal de droite modĂ©rĂ©e, par un montage financier auquel n'est pas Ă©tranger le chef de la diplomatie italienne, le marquis de San Giuliano, avec la participation d'industriels directement intĂ©ressĂ©s par les commandes de fournitures militaires et pas fachĂ©s de diviser les socialistes[18]. DĂšs le printemps 1915, il met fin Ă  cette collaboration qu'il juge lui-mĂȘme compromettante et ce sont les socialistes français et belges qui financeront de maniĂšre rĂ©guliĂšre son journal, ainsi que des fonds secrets français remis par l'intermĂ©diaire de l'ambassade de France.

Le premier numĂ©ro d' Il Popolo d'Italia, sort le . Sous le titre la mention Quotidien socialiste - Fondateur Benito Mussolini et deux citations rĂ©volutionnaires françaises : Ă  gauche « Qui a du fer a du pain » (Chi ha del ferro, ha del pane) d'Auguste Blanqui, Ă  droite, « La rĂ©volution est une idĂ©e qui a trouvĂ© des baĂŻonnettes» (La rivoluzione Ăš un'idea che ha trovato delle baionette) de NapolĂ©on. Dans l'imaginaire politique de la gauche italienne, les rĂ©fĂ©rences Ă  la France rĂ©volutionnaire et Ă  la Commune de Paris Ă©taient trĂšs prĂ©sentes et ces deux Ă©pisodes de l’histoire ont en commun de faire se rejoindre l’idĂ©e de guerre et celle de rĂ©volution. Parmi les collaborateurs rĂ©guliers ou Ă©pisodiques du journal, on retrouve des personnalitĂ©s de toutes les tendances de la gauche dĂ©mocratique ou radicale de Maria Rygier Ă  Pietro Nenni, de Cesare Rossi Ă  Sergio Panunzio, d'Agostino Lanzillo Ă  Margherita Sarfatti.

Il Popolo d'Italia voit ses ventes croĂźtre rapidement : 40 000 exemplaires fin 1914 (la moitiĂ© de L'Avanti!), avec des pointes Ă  plus de 70000. Son journal est devenu un pĂŽle de rassemblement pour les divers courants de l'interventionisme de gauche : syndicalistes rĂ©volutionnaires, rĂ©publicains, socialistes ralliĂ©s aux idĂ©es mussoliniennes , mĂȘme s'il n'a pas jouĂ© le rĂŽle central que lui donnera par la suite la propagande fasciste dans l'entrĂ©e en guerre de l'Italie en mai 1915.

Mussolini participe à toutes les réunions et meetings organisés par les antineutralistes. En , il participe à Milan à la création des Fasci d'azione rivoluzionaria[19], participant à leur premier congrÚs les 24 et [20]. Ces fasci, mouvements révolutionnaires peu structurés mais trÚs actifs, sont déjà plus de cent et rassemblent plus de 9000 adhérents. Ils serviront de modÚles, quatre ans plus tard au mouvement fasciste.

La guerre (1915-1918)

Mussolini bersaglier

AprĂšs l'entrĂ©e en guerre de l'Italie Ă  la suite du pacte de Londres (mai 1915), Mussolini est affectĂ© en au 11e bersaglier puis envoyĂ© sur le front alpin le 2 septembre 1915. Il y passe dix-huit mois avec quelques interruptions et en fait le rĂ©cit dans un journal de guerre publiĂ© en feuilleton dans Il Popolo d'Italia. « Peu d'envolĂ©es triomphalistes et moins encore d'apologies de carnage », Ă©crit son biographe Pierre Milza, « Ă  la diffĂ©rence d’Hitler, Mussolini n’a pas la passion de la guerre : elle ne provoque pas chez lui cette excitation hĂ©roĂŻque qui fait vibrer le petit caporal autrichien[21]> ».

Il est nommĂ© caporal le 1er mars 1916, avec la citation suivante : « A cause de son activitĂ© exemplaire, de son esprit bersaglier et de sa fermetĂ© d’esprit. Toujours le premier chaque fois qu’il s’agit de labeur et de bravoure. ZĂ©lĂ© et scrupuleux dans l’accomplissement de son devoir ».

BlessĂ© gravement par l'explosion d'un mortier lors d'un exercice, le 23 fĂ©vrier 1917, il passe cinq mois Ă  l’hĂŽpital qu’il quitte le 1er aoĂ»t 1917 avec un congĂ© de six mois qui sera renouvelĂ© jusqu’à la fin de la guerre.

L’Italie traverse alors une grave crise morale aprĂšs l’échec de neuf offensives infructueuses lancĂ©es par le gĂ©nĂ©ral Luigi Cadorna qui coĂ»tent des centaines de milliers de tuĂ©s et de blessĂ©s. Mutineries et dĂ©sertions Ă©clatent durement rĂ©primĂ©es. L’agitation gagne les principales villes du Nord. Le PSI rĂ©clame une paix blanche et lance le slogan « L’hiver prochain, plus personne dans les tranchĂ©es (Il prossimo inverno non piĂč in trincea) ».

Mussolini rompt alors avec le socialisme. Il fait disparaĂźtre du bandeau de son journal la mention « quotidien socialiste » remplacĂ© par « quotidien des combattants et des producteurs ». Mais il reste proche des syndicalistes rĂ©volutionnaires de l’UIL (Unione Italiana del Lavoro) qui rassemblent 200 000 adhĂ©rents Ă  la fin de la guerre.

Revenu Ă  la direction du Popolo d’Italia influent dans les milieux antineutralistes de gauche, il mĂšne campagne contre les « dĂ©faitistes », bĂ©nĂ©ficiant de son image de Â« grand blessĂ© de guerre », sans ĂȘtre trop regardant sur les sommes qui alimentent les caisses du journal : fonds secrets Ă©trangers ou publicitĂ©s de certains milieux industriels. Selon Peter Martland, historien de l’universitĂ© de Cambridge, il aurait reçu du cĂ©lĂšbre service de renseignement britannique MI5 (Security Service) 100 livres par semaine Ă  partir de l’automne 1917 pour Ă©crire des articles favorables Ă  la Triple Entente[22].

Sa situation Ă©conomique s’amĂ©liore : il a rasĂ© sa moustache, porte des costumes de bonne coupe, a dĂ©mĂ©nagĂ© dans un quartier chic de Milan et roule dans une trois-litre Alfa Romeo rouge.

Naissance du fascisme (1919)

Le programme fasciste publié dans Il Popolo d'Italia le 6 juin, révisé à la baisse par rapport au discours « sansepulcriste » du 23 mars

La paix venue, les difficultés économiques et financiÚres liées à la guerre et à la reconversion de l'économie, la forte détérioration du pouvoir d'achat, les promesses non tenues, l'impact de la révolution bolchevique vont entraßner deux grandes vagues d'agitation révolutionnaire, « les deux années rouges » (Biennio rosso) au printemps 1919 et en 1920, avec occupations des terres des grands propriÚtaires par les paysans, grÚves sauvages par les ouvriers, incendies et pillages.

C'est au dĂ©but de la premiĂšre vague rĂ©volutionnaire, le que Mussolini rĂ©unit Ă  l'appel de son journal Ă  Milan au palais Castani, piazza San Sepolcro, dans une salle prĂȘtĂ©e par le Cercle des intĂ©rĂȘts industriels et commerciaux, un groupe de 200 Ă  300 personnes pour jeter les bases d'une organisation Ă  l'Ă©chelle nationale, les Faisceaux de combat (fasci italiani di combattimento). La crĂ©ation du mouvement, un de plus parmi les groupes qui se constituent au lendemain de la guerre dans les rangs des dĂ©mobilisĂ©s, passe largement inaperçu. 104 personnes donnent leur adhĂ©sion et seront appelĂ©s les « sansepolcristi » avec, par la suite, dĂ©livrance d'un brevet attestant la qualitĂ© de membre fondateur.

La plupart des adhĂ©rents sont des hommes jeunes, milanais ou du nord de l'Italie (un seul adhĂ©rent romain, aucun du Mezzogiorno), de la petite bourgeoisie urbaine de gauche ou d'extrĂȘme gauche, socialistes ayant rompu avec la ligne officielle du parti, anarchistes et syndicalistes rĂ©volutionnaires. Un deuxiĂšme groupe est constituĂ© de vĂ©tĂ©rans de guerre, activistes du mouvement combattant, comme les arditi, ces anciens soldats des sections d’assaut spĂ©cialistes des coups de main audacieux, qui se sont constituĂ©s en association nationale et dont Mussolini a accrochĂ© le drapeau – une tĂȘte de mort blanche, un poignard entre les dents – dans son bureau du Popolo d’Italia.

Mussolini devant le drapeau des arditi

Mussolini Ă©nonce les principes du nouveau mouvement : proclamation d'une rĂ©publique dĂ©centralisĂ©e, suffrage universel avec reprĂ©sentation proportionnelle et vote des femmes, abolition du SĂ©nat, des titres de noblesse, du service militaire obligatoire, impĂŽt sur le capital, confiscation des biens des congrĂ©gations religieuses, journĂ©e de huit heures, nationalisation des industries de guerre... Il s’en prend Ă©galement au bolchevisme et au « socialisme officiel ».

Au lendemain de la rĂ©union, des groupes fascistes vont se constituer dans une centaine d'agglomĂ©rations pour la plupart dans le nord du pays, nombre d’entre eux n’ayant qu’une existence Ă©phĂ©mĂšre, le mouvement n'attirant pas les masses ouvriĂšres et paysannes sur lesquelles comptait Mussolini, ni la bourgeoisie plutĂŽt inquiĂšte du caractĂšre subversif et fortement anticapitaliste du programme. Au CongrĂšs de Florence d'octobre, avant les Ă©lections, il n'y a que 56 faisceaux, groupant environ 17 000 militants.

Par ailleurs, Mussolini doit compter avec Gabriele d’Annunzio, devenu hĂ©ros national aprĂšs l’expĂ©dition de Fiume, qui lui fait concurrence dans le milieu des arditi et des officiers dĂ©mobilisĂ©s. Son soutien est embarrassĂ© car il ne veut pas ĂȘtre relĂ©guĂ© au deuxiĂšme rang. Il Popolo d’Italia organise une grande souscription nationale qui rapporte 3 millions de lires en quelques semaines et Mussolini rencontre D’Annunzio Ă  Fiume, mais c’est pour le convaincre de ne pas se lancer dans une insurrection dont l’issue lui semble douteuse et d’attendre les Ă©lections de novembre.

Pour ces Ă©lections, Mussolini voudrait constituer un bloc des partis et groupes se rĂ©clamant de l’interventionnisme de gauche : Parti rĂ©publicain, Union socialiste italienne, syndicalistes rĂ©volutionnaires de l’UIL, futuristes et fascistes. Mais ce projet de cartel Ă©choue devant l’opposition des rĂ©publicains qui jugent dangereuse une alliance avec un parti prĂȘchant la subversion de l’ordre social et les fascistes se prĂ©sentent seuls. Le rĂ©sultat est catastrophique. La liste fasciste obtient 4 795 voix et un seul Ă©lu, le PSI 170 000 et 156 Ă©lus, le Parti populaire (catholique) de Luigi Sturzo 74 000 voix[23].

Mussolini songe sérieusement à renoncer à la politique et à émigrer. L'année 1919 a marqué l'échec de la tentative du fascisme de s'imposer à gauche. Il ne reste qu'une trentaine de faisceaux réunissant quelques milliers d'adhérents.

La conquĂȘte du pouvoir (1920-1922)

Mussolini en 1920

La deuxiĂšme grande vague d’agitation rĂ©volutionnaire commence au dĂ©but de 1920 par la grĂšve spontanĂ©e des postiers et des employĂ©s de chemins de fer et s’étend vite Ă  tous les secteurs de l’économie. Elle est soutenue par le Parti socialiste italien (PSI) qui rĂ©clame une rĂ©publique socialiste. Le mouvement gagne les campagnes : les ouvriers agricoles (braccianti) s’organisent en ligues agraires et essaient d’imposer leurs conditions d’embauche et de salaires aux propriĂštaires. Le gouvernement Nitti s’avĂšre incapable de maĂźtriser la situation malgrĂ© une rĂ©pression brutale. Les occupations d’usines ne cesseront que le 27 septembre lorsque son successeur, le vieux dirigeant libĂ©ral progressiste Giolitti, rompu Ă  l’art du compromis, trouvera un accord avec la CGL (Confederazione generale del Lavor) et le PSI, acceptant des augmentations de salaires (vite grignotĂ©es par l’inflation) et un projet de loi visant au contrĂŽle ouvrier des entreprises (qui ne verra jamais le jour).

À partir du printemps 1920, les adhĂ©sions aux fasci reprennent, mais le recrutement Ă©volue (les historiens parlent de premier et de second fascisme). Si les premiers militants Ă©taient liĂ©s Ă  la mouvance de l’interventionnisme de gauche, les nouveaux, la nouvelle vague est certes toujours issue de la petite et moyenne bourgeoisie urbaine, mais est plus jeune et plus Ă  droite, avec une nette composante militaire (officiers dĂ©mobilisĂ©s, arditi, lĂ©gionnaires de Gabriele D'Annunzio aprĂšs la capitulation de Fiume le 26 juin). Ces nouveaux fascistes ont en commun une haine farouche du bolchevisme et de la dĂ©mocratie libĂ©rale. Ils se considĂšrent comme une nouvelle Ă©lite issue des tranchĂ©es face Ă  une classe dirigeante incapable de faire face Ă  la situation dĂ©sastreuse dans laquelle se trouve l’Italie[24].

IsolĂ© politiquement aprĂšs l'Ă©chec des alliances sur lesquelles il avait cru pouvoir compter Ă  gauche lors des Ă©lections de 1919 , notamment celle des rĂ©publicains, Mussolini dĂ©cide de s’allier avec la droite qui accepte de faire figurer des fascistes sur leurs listes, ce qui permet Ă  la coalition antisocialiste d’emporter 4 665 communes sur 8 327 lors des Ă©lections administratives d’octobre 1920[25].

L’évolution du mouvement dans un sens conservateur est une des raisons de ce revirement, ainsi que la propre Ă©volution sociale de Mussolini qui est dĂ©sormais un journaliste et un homme politique connu, habituĂ© Ă  traiter avec les hommes d’affaires et les industriels (dont certains alimentent les caisses de son journal) et introduit dans les salons de la bonne sociĂ©tĂ© milanaise par sa maĂźtresse, qu'il a connue au parti socialiste, Margherita Sarfatti, intellectuelle issue d’une riche famille juive vĂ©nitienne, engagĂ©e dans le mouvement d’émancipation des femmes.

Escouade d'action fasciste en 1922

C’est le squadrisme , cette militarisation du fascisme, qui va permettre à Mussolini, dont les chances de l’emporter apparaissaient à peu prùs nulles en 1920, de s’emparer du pouvoir.

CrĂ©Ă©s aprĂšs le reflux des grĂšves qui ont fait trembler la classe dirigeante, Ă  partir de l’automne 1920, par les dirigeants fascistes locaux, les ras comme les appelle Mussolini par rĂ©fĂ©rence aux chefs de guerre Ă©thiopiens, Farinacci Ă  CrĂ©mone, Grandi Ă  Bologne, Balbo Ă  Ferrare, Bottai Ă  Rome, ces escouades (squadre), vĂ©ritables milices contre-rĂ©volutionnaires armĂ©es, vont ĂȘtre utilisĂ©es et financĂ©es par les possĂ©dants et soutenues par les pouvoirs publics qui les considĂšrent comme une force d’appoint contre le pĂ©ril rĂ©volutionnaire.

Le phĂ©nomĂšne va se dĂ©velopper trĂšs vite Ă  la fois dans les villes et dans les campagnes (on parle de squadrisme agraire). Ces petits groupes d’une quarantaine d’hommes sont composĂ©s d’anciens combattants et de jeunes appartenant aux classes populaires, commandĂ©s par des officiers dĂ©mobilisĂ©s et disposent d’engins motorisĂ©s. Dans les villes, ils vont organiser des combats de rue (dont ils ne sortent pas toujours vainqueurs, les troupes socialistes Ă©tant souvent plus nombreuses), des expĂ©ditions punitives contre les imprimeries de journaux adverses, les bourses du travail, et dans les campagnes, les coopĂ©ratives, les ligues agraires, les coopĂ©ratives. Les bĂątiments sont pillĂ©s ou incendiĂ©s, les adversaires, pourchassĂ©s, frappĂ©s Ă  coups de gourdin (le manganello), contraints Ă  absorber de l’huile de ricin oĂč mĂȘme mis Ă  mort.

Face Ă  ces dĂ©bordements, le gouvernement Giolitti laisse faire, pensant amener les dirigeants socialistes Ă  un compromis avec le pouvoir ou mĂȘme Ă  entrer dans une nouvelle combinaison ministĂ©rielle. L’armĂ©e, les carabiniers, les juges penchent du cĂŽtĂ© des fascistes.

Au cours des cinq premiers mois de 1921, Mussolini voit passer le nombre des fasci de 88 Ă  1001 et celui des adhĂ©rents de 20 165 Ă  187 588[26]. Pour les partis de la droite libĂ©rale comme pour le monde des affaires, il devient un alliĂ© possible. Aux Ă©lections du 15 mai 1921 , le prĂ©sident du Conseil Giolitti lui propose de se joindre Ă  la coalition des partis constitutionnels qui obtient une courte majoritĂ© (275 siĂšges sur 535). Les socialistes ont 123 siĂšges au lieu de 156, les populaires 108, les communistes issus d'une scission du Parti socialiste italien au congrĂšs de Livourne le 15, les nationalistes 10. Les fascistes qui n’étaient prĂ©sents que dans 75 circonscriptions ont 35 dĂ©putĂ©s, dont Mussolini, Ă©lu deux fois Ă  Bologne et Ă  Milan. La coalition Ă©clate dĂšs le lendemain du scrutin, obligeant Giolitti Ă  dĂ©missionner pour laisser la place Ă  son ministre de la Guerre, Ivanoe Bonomi.

L'alliance avec la droite s’est rĂ©vĂ©lĂ©e Ă©lectoralement payante pour Mussolini. Pour accĂ©der au pouvoir, il veut privilĂ©gier la voie parlementaire contrairement aux dirigeants locaux du mouvement. Son dessein est de sĂ©parer les ouvriers et le prolĂ©tariat rural des socialiste et des communistes, d’obtenir l’appui des milieux d’affaires et la neutralitĂ© des catholiques. Il craint que les violences incontrĂŽlĂ©es du squadrisme ne le desservent et Ă©chappent Ă  son contrĂŽle. Le , il invite les socialistes, dans un article du Il Popolo d'Italia, Ă  un « pacte de pacification » pour la cessation des violences , signĂ© le 21 aoĂ»t avec les socialistes et la CGL (sans les communistes) grĂące Ă  la mĂ©diation du prĂ©sident de la Chambre Enrico De Nicola.

Cette signature provoque une rĂ©volte ouverte des « ras », tout puissants dans leurs fiefs et volontiers rebelles, qui proposent la direction du mouvement Ă  D’Annunzio qui refuse. AprĂšs des pĂ©ripĂ©ties qui durent deux mois et provoquent la dĂ©mission de Mussolini de la commission exĂ©cutive des fasci, un compromis est trouvĂ©, mais Mussolini doit reculer. Le pacte de pacification est annulĂ© et les violences redoublent.

Pour reprendre en main son mouvement, il dĂ©cide, au CongrĂšs de Rome en septembre 1921, de le transformer en un parti organisĂ© et disciplinĂ©, le Parti national fasciste avec une milice armĂ©e Ă©troitement soumise Ă  la direction politique du parti et revĂȘtue de l’uniforme des arditi, chemise et fez noirs. Le programme prĂŽne l’encadrement des masses dans des organisations contrĂŽlĂ©es par le parti, la mise en place d’un exĂ©cutif fort et l’interdiction de la grĂšve dans les services publics.

Le gouvernement Bonomi dĂ©cide l’interdiction de toutes les organisations militaires, mais incapable de faire appliquer cette interdiction, est renversĂ© en fĂ©vrier 1922. Soutenue par les socialistes et les communistes un mot d’ordre de grĂšve gĂ©nĂ©rale est lancĂ©, baptisĂ©e « grĂšve lĂ©galitaire », qui est un Ă©chec total, les fascistes obligeant les grĂ©vistes Ă  reprendre le travail.

AprĂšs l’échec de la grĂšve, l’entourage de Mussolini le presse de prendre le pouvoir par un coup de force, mais ce dernier privilĂ©gie toujours la voie constitutionnelle. Pour impressionner le gouvernement et la classe politique, il rĂ©unit un congrĂšs du parti, qui compte maintenant 320 000 adhĂ©rents, Ă  Naples en octobre. Quarante mille chemises noires l’acclame et rĂ©clame le droit du fascisme Ă  gouverner l'Italie.

Mussolini au CongrĂ©s de Naples. À sa droite, le gĂ©nĂ©ral De Bono, Ă  sa gauche le gĂ©nĂ©ral De Vecchi
La marche sur Rome

Le 27 octobre, il dĂ©cide, aprĂšs beaucoup d’hĂ©sitation, une marche spectaculaire sur la capitale des chemises noires provenant de diffĂ©rentes rĂ©gions d'Italie et commandĂ©es par un quadriumvirat Italo Balbo, Cesare Maria De Vecchi, Emilio De Bono et Michele Bianchi. Il ne prend pas part directement Ă  la marche et reste Ă  Milan , craignant que le gouvernement ne lui oppose l'armĂ©e, ce qui provoquerait l'Ă©chec de l'opĂ©ration.

La marche rĂ©unit environ 30 000 hommes mĂ©diocrement armĂ©s (la propagande fasciste annoncera 300 000 marcheurs). La garnison de Rome compte autant de soldats bien armĂ©s et pourvus d'artillerie. Mais le roi Victor-Emmanuel III, qui n'a aucune sympathie pour Mussolini, refuse d'instaurer l'Ă©tat de siĂšge car il ne veut pas d'Ă©preuve de force, et surtout il sait qu'une majeure partie de la classe dirigeante, y compris les milieux industriels, voit en Mussolini l'homme fort susceptible de ramener l'ordre dans le pays et souhaite une participation fasciste au gouvernement.

Le 28 octobre, l'ancien président du Conseil Antonio Salandra, pressenti par le roi pour former un gouvernement, propose à Mussolini le poste de ministre de l'Intérieur. Celui-ci refuse et Salandra renonce à former un gouvernement sans lui. Le 29 au matin le roi décide de confier ce soin au Duce du fascisme.

Interrogé en 1943 par le journaliste Carlo Silvestri, Mussolini dit :

« On a soutenu qu'aprÚs la marche sur Rome, j'aurais pu instaurer la République. Non. La tentative aurait certainement échoué, compromettant l'avenir du mouvement fasciste. Le peuple n'était pas du tout préparé à un éventuel gouvernement républicain, et il ne faut pas oublier que la monarchie avait ouverte toutes grandes les portes au fascisme[27]. »

Vers la dictature (1922-1925)

Premier Conseil des ministre présidé par Mussolini. Il est entouré de deux monarchistes, le général Diaz à la Guerre et Thaon di Revel à la Marine.

Les fascistes ne comptent que 35 dĂ©putĂ©s dans l'AssemblĂ©e Ă©lue en 1921, mais Mussolini, pour rassurer la classe dirigeante, prĂ©fĂšre la maintenir en place plutĂŽt que de la dissoudre immĂ©diatement et provoquer de nouvelles Ă©lections. Il forme un gouvernement oĂč les non-fascistes sont majoritaires mais il adresse un avertissement Ă  l'AssemblĂ©e dans son discours inaugural dit du « bivouac » :

« Je me suis refusĂ© Ă  Ă©craser les vaincus et je pouvais les Ă©craser. Je me suis imposĂ© des limites. (...) Avec trois cent mille jeunes armĂ©s, dĂ©cidĂ©s Ă  tout et prĂȘts, de maniĂšre quasiment mystique, Ă  obĂ©ir Ă  mes ordres, moi, je pouvais faire de cette enceinte sourde et grise un bivouac de manipules[28]. »

Il prend pour lui-mĂȘme l'IntĂ©rieur et l'interim des Affaires Ă©trangĂšres et obtient la confiance avec 306 voix contre 116 (socialistes et communistes). Fin novembre, il obtient les pleins pouvoirs jusqu'au 31 dĂ©cembre. Le PNF est devenu un parti de masse : 500 000 inscrits, dont 200 000 miliciens en mai 1923. Le 15 dĂ©cembre 1922, le Grand Conseil du fascisme qui a pour fonction de discuter des questions de gouvernement et d’organisation du parti se rĂ©unit pour la premiĂšre fois. L’une des mesures adoptĂ©es est l’institutionnalisation des chemises noires devenues Milice volontaire pour la sĂ©curitĂ© nationale (MVSN) chargĂ©e de dĂ©fendre l’État Ă  la place de la garde royale.

En juillet 1923, Mussolini fait voter une nouvelle loi électorale, la loi Acerbo qui prévoit que la liste ayant obtenu au moins 25% des voix soit assurée des deux-tiers des siÚges, le reste étant partagé à la proportionnelle. La Chambre est dissoute le 25 janvier 1924 et les élections sont fixées au 6 avril 1924.

Ouverture de la nouvelle Chambre en 1924. Sous le baldaquin, le roi et les princes de sang, à gauche les ambassadeurs, à droite Mussolini en uniforme de gala et l'épée au cÎté.
Mussolini fait la une du Time en 1923.

Lors d'un discours du 2 avril 1924, Mussolini reprend une citation du philosophe Friedrich Nietzsche : « vivre dangereusement », citation qui doit ĂȘtre la rĂšgle pour le fascisme ; Mussolini dĂ©clare ainsi :

« Vivre dangereusement : je voudrais que ce fut lĂ  le mot d'ordre du fascisme italien. Vivre dangereusement, cela veut dire ĂȘtre prĂȘt Ă  tout, Ă  quelque sacrifice, Ă  quelque danger possible, Ă  quelque action que ce soit, quand il s'agit de dĂ©fendre sa patrie. La vie telle que le conçoit le fasciste est grave, austĂšre et religieuse : elle est vĂ©cue tout entiĂšre dans un monde portĂ© par les forces responsables et morales de l'esprit. Le fasciste doit mĂ©priser la vie commode. Son credo est l'hĂ©roĂŻsme tandis que celui du bourgeois est l'Ă©goĂŻsme. Le fascisme est enfin une conception religieuse qui considĂšre l'Homme dans son rapport sublime avec une loi et une volontĂ© qui dĂ©passe l'individu. Pour le fascisme, le monde n'est pas ce monde matĂ©riel qui apparaĂźt Ă  la surface, oĂč l'homme est un individu isolĂ© de tous les autres, existant en soi, et gouvernĂ© par une loi qui le mĂšne Ă  ne vivre qu'une vie de plaisir Ă©goĂŻste et momentanĂ©e. Le fascisme est nĂ© d'une rĂ©action contre le siĂšcle prĂ©sent et contre le matĂ©rialisme dĂ©gĂ©nĂ©rĂ© et agnostique[29]. »

Pour les Ă©lections, Mussolini constitue une liste nationale comprenant Ă©galement quelques hautes personnalitĂ©s non-fascistes du monde politique dont Vittorio Emanuele Orlando, Antonio Salandra et Enrico De Nicola qui retire sa candidature peu avant les Ă©lections, et de nombreuses personnalitĂ©s de la droite italienne. AprĂšs une campagne Ă©lectorale oĂč les violences contre les candidats de l'opposition redoublent d'intensitĂ©, le « Listone » obtient 4 305 000voix, soit 66 % des suffrages exprimĂ©s et 356 dĂ©putĂ©s. Les fascistes Ă  eux seuls en ont 275 soit la majoritĂ© absolue. L'opposition, vaincue mais non Ă©crasĂ©e, obtient 3 millions de suffrages et se partage Ă  la proportionnele le tiers des siĂšges restants : 36 pour les socialiste, 19 pour les communistes, 39 pour les populaires, 15 pour les libĂ©raux, 10 pour les dĂ©mocrates sociaux, etc[30]..

Le 11 juin 1924, le dĂ©putĂ© socialiste Giacomo Matteotti qui avait dĂ©noncĂ©, preuves en main, les violations de la libertĂ© Ă©lectorale et demandĂ© l’invalidation de tous les dĂ©putĂ©s fascistes est enlevĂ© et assassinĂ© par des squadristes fascistes. L'Ă©vĂ©nement provoque l’indignation gĂ©nĂ©rale, la grĂšve des dĂ©putĂ©s d'opposition qui quittent le parlement pour protester contre l'assassinat ( « sĂ©cession sur l'Aventin » et la dĂ©fection de certains de ses alliĂ©s conservateurs et libĂ©raux.

Mussolini traverse une pĂ©riode de dĂ©couragement et d’abattement profond. Il se dĂ©barrasse de tous ceux qui se trouvent impliquĂ© dans le meurtre et craint de perdre le pouvoir. Les dirigeants squadristes qui ont la mĂȘme crainte le somment d’engager l’épreuve de force.

Le , le Duce tient un discours au parlement dans lequel il indique clairement qu’il veut en finir avec l’opposition et la dĂ©mocratie libĂ©rale. Ce discours est considĂ©rĂ© comme le dĂ©but du rĂ©gime fasciste dictatorial. Le jour mĂȘme la Milice commence la chasse aux opposants, les obligeant Ă  entrer dans la clandestinitĂ© ou Ă  s’exiler.

La mise en place de la dictature (1925-1928)

Le Duce se tient respectueusement Ă  quelques pas de distance du roi. La loi du 24 dĂ©cembre 1925 l' a fait « chef du gouvernement, Premier ministre et Duce du fascisme », responsable uniquement devant le roi qui peut, sur le papier, le rĂ©voquer. Mussolini, qui est antimonarchiste ne veut pas (pour l'instant) heurter l’opinion en proclamant la rĂ©publique.

Les lois qui vont changer la nature du rĂ©gime et instaurer la dictature, soigneusement prĂ©parĂ©es Ă  l’avance, vont ĂȘtre prĂ©sentĂ©es opportunĂ©ment aprĂšs divers attentats manquĂ©s contre Mussolini.

L’attentat prĂ©parĂ© le par le dĂ©putĂ© socialiste Tito Zaniboni avec des reprĂ©sentants de la franc-maçonnerie et dĂ©jouĂ© grĂące Ă  un indicateur parmi les conjurĂ©s, entraĂźne la loi de 24 dĂ©cembre 1925 qui confĂšre Ă  Mussolini la totalitĂ© du pouvoir exĂ©cutif et la possibilitĂ© de faire des lois sans en rĂ©fĂ©rer au Parlement, devenu simple chambre d’enregistrement. À noter que Mussolini, lui-mĂȘme antimonarchiste, n’ose pas supprimer la royautĂ© ne jugeant pas l’opinion prĂȘte et Ă©pargne le roi qui demeure le premier personnage de l’État et peut en principe le rĂ©voquer et dĂ©signer son successeur (il le fera en juillet 1943). De mĂȘme sont Ă©pargnĂ©s le SĂ©nat, recrutĂ© par nomination royale et la Chambre, dont il change cependant le mode d’élection, les Ă©lecteurs ne pouvant qu’accepter ou refuser les noms qui leur sont prĂ©sentĂ©s. La loi permet aussi de rĂ©voquer les fonctionnaires dont les opinions sont contraires au rĂ©gime. Les journaux ne peuvent ĂȘtre dirigĂ©s, Ă©crits et imprimĂ©s que s'ils ont un responsable accrĂ©ditĂ© par le prĂ©fet et donc indirectement par Mussolini.

À la suite de trois nouveaux attentats contre le Duce - Violet Gibson, une Irlandaise prĂ©sentĂ©e comme dĂ©sĂ©quilibrĂ©e qui tire sur lui le un coup de feu, Gino Lucetti, un anarchiste qui lance un engin explosif le 11 septembre vers sa voiture blessant huit personnes, un garçon de quinze ans du nom d'Anteo Zamboni, peut-ĂȘtre manipulĂ©, qui tire un coup de pistolet le 31 octobre 1926 et est lynchĂ© sur place - d’autres lois, connues sous le nom de lois fascistissimes inspirĂ©es par le juriste Alfredo Rocco , sont adoptĂ©es en novembre 1926, achevant de supprimer toute libertĂ© : les journaux antifascistes sont supprimĂ©s, les partis et organisations opposĂ©s au rĂ©gime dissous. Tous ceux « qui ont commis ou ont manifestĂ© l’intention de commettre des actes propres Ă  troubler de maniĂšre violente ’ordre social, Ă©conomique et national » peuvent ĂȘtre arrĂȘtĂ©s par la nouvelle police politique, l’Organisation de la surveillance et de la rĂ©pression de l'antifascisme (OVRA)[N 4], et jugĂ©s par un tribunal spĂ©cial de dĂ©fense de l’État. Les conseillers municipaux et les maires sont supprimĂ©s et remplacĂ©s par des podestĂ  nommĂ©s par dĂ©cret royal.

En matiĂšre sociale, la « Charte du travail » dĂ©clare en 1926 que le droit de grĂšve est supprimĂ© et que seuls les syndicats fascistes, regroupĂ©s dans six confĂ©dĂ©rations ouvriĂšres sont habilitĂ©s Ă  ĂȘtre les interlocuteurs de six confĂ©dĂ©rations patronales correspondantes. Le 8 juillet 1926, le ministĂšre des corporations est crĂ©Ă© et Mussolini en assume la direction.

ParallĂšlement, Mussolini rĂ©duit au silence ses opposants dans le Parti et supprime les Ă©lections internes de ses membres. Les deux secrĂ©taires gĂ©nĂ©raux qu’il nomme, Roberto Farinacci, puis Augusto Turati procĂšdent Ă  plus de 60000 exclusions pendant la pĂ©riode[31]. Leur dĂ©part coĂŻncide avec l’arrivĂ©e massive de nouveaux membres plus bourgeois, reprĂ©sentants de la classe moyenne aisĂ©e, des membres des professions libĂ©rales et des employĂ©s[32]. Le Parti compte alors plus d’un million d’adhĂ©rents.

Toujours en 1926, l’Opera Nazionale Balilla (ONB) est crĂ©Ă©, avec l’objectif de « rĂ©organiser la jeunesse d’un point de vue moral et physique », ainsi qu’à l’éducation spirituelle et culturelle et Ă  l’instruction prĂ©-militaire, des jeunes Italiens de 8 Ă  18 ans. En 1927, toutes les autres organisations sont dissoutes par dĂ©cret Ă  l’exception de la jeunesse italienne catholique (GioventĂč Italiana Cattolica). Une campagne de soutien de la croissance dĂ©mographique est lancĂ©e: les cĂ©libataires doivent payer une taxe spĂ©ciale. De mĂȘme, Ă  l’occasion des mariages, l’État offre une prime aux Ă©poux et s’ils prĂ©voient des prĂȘts, des facilitĂ©s Ă©conomiques leur sont accordĂ©es ainsi que des exemptions de taxes pour les familles nombreuses. Les Groupements universitaires fascistes ou GUF sont crĂ©Ă©s, pour la formation de la future classe dirigeante. En 1927, le ComitĂ© olympique national italien (CONI) est crĂ©Ă© avec l’objectif d’amĂ©liorer la compĂ©titivitĂ©. PrĂ©cĂ©demment, la gestion de l’activitĂ© sportive Ă©tait confiĂ©e Ă  l’initiative privĂ©e. Le , l’Agence italienne des diffusions radiophoniques (Ente Italiano Audizioni Radiofoniche - EIA) est crĂ©Ă©e et est seule compĂ©tente pour la gestion publique du service radiophonique sur le territoire national. En 1944, elle sera rebaptisĂ©e RAI (Radio Audizioni Italiane).

En matiĂšre d’économie, Mussolini lance plusieurs « grandes batailles », donnant lieu Ă  de grands efforts de propagande, dont la principale est celle du blĂ©. L’objectif est d'atteindre l’autosuffisance envers l’étranger en ce qui concerne la production des produits agricoles et particuliĂšrement du blĂ© dont l’importation est Ă  l’origine Ă  50 % du dĂ©ficit de la balance des paiements. La campagne, mĂȘme si elle n'atteint pas l'objectif fixĂ©, est un succĂšs, la production de blĂ© passant de 50 millions de quintaux en 1924 Ă  80 millions en 1930[33]. Le projet s’accompagne de la bonification des terres paludĂ©ennes prĂ©sentes dans la pĂ©ninsule italienne parmi lesquelles les marais Pontins[34].

Enfin, l’anticlĂ©rical Mussolini conclut le 11 fĂ©vrier 1929 avec le Saint-SiĂšge, mettant fin Ă  la question romaine, les « accords du Latran » qui reconnaissent la pleine propriĂ©tĂ© et la puissance souveraine du pape sur la citĂ© du Vatican et divers Ă©difices en fonction de quoi ce dernier renonce au pouvoir temporel et reconnaĂźt la souverainetĂ© de la Maison de Savoie sur le royaume d’Italie avec Rome pour capitale. Le pape Pie XI lui-mĂȘme dĂ©clare :

« Peut-ĂȘtre fallait-il un homme comme celui que la Providence nous a fait rencontrer, un homme auquel fussent Ă©trangĂšres les peĂ©occupations de l’école de pensĂ©e libĂ©rale[35]. »

Mussolini, « l’homme de la Providence » va tirer un immense succĂšs personnel de ces accords qui assurent le ralliement au rĂ©gime de la masse des catholiques.

La politique extĂ©rieure jusqu’à la guerre d’Éthiopie (1922-1935)

Affiche de propagande fasciste (1924). « L’Italie veut ĂȘtre traitĂ©e comme une sƓur, non comme une servante[36] »
ConfĂ©rence de Londres. Mussolini soutient PoincarĂ© (Ă  gauche) au sujet des rĂ©parations allemandes. Le regard de Mussolini avec ses yeux noirs prĂȘts Ă  jaillir de leurs orbites Ă©tait ce qui impressionnait le plus ses interlocuteurs.

En politique extĂ©rieure, Mussolini veut une politique de prestige pour renforcer son consensus intĂ©rieur mais jusqu’en 1926 la prioritĂ© pour lui est de consolider son pouvoir et il doit composer avec ses partenaires europĂ©en. Il se rapproche d’abord de la France en soutenant la position de Raymond PoincarĂ© sur les rĂ©parations allemandes Ă  la confĂ©rence de Londres en 1922, puis l’occupation de la Ruhr en 1923, puis de l’Angleterre ; cela se manifeste par la reconnaissance du DodĂ©canĂšse italien au traitĂ© de Lausanne de 1923 grĂące Ă  l’appui britannique, puis par l'accord de 1925 avec Londres prĂ©voyant le partage des zones d’influence en Éthiopie, un des derniers États indĂ©pendants en Afrique — qu'il va envahir en 1935.

L’affaire de Corfou en lui apporte un succĂšs de prestige : Ă  la suite du massacre prĂšs de la ville grecque  d’Ioannina d’officiers italiens chargĂ©s de dĂ©limiter la frontiĂšre, Mussolini fait occuper Corfou, ancienne possession vĂ©nitienne, qu’il doit Ă©vacuer quelques semaines plus tard sous les menaces anglaises, mais avec une indemnitĂ© de 50 millions de lires versĂ©es par AthĂšnes.

En 1925, il signe les accords de Locarno visant Ă  assurer la sĂ©curitĂ© collective en Europe et les frontiĂšres de l'Allemagne. il rĂšgle amicalement avec la Yougoslavie la question de la ville de Fiume qui devient italienne en Ă©change d’une partie de son territoire (traitĂ© de Rome de 1924)

À partir de 1926, un de ses sujets de rhĂ©torique devient l’expansion coloniale. Pourtant, bien qu'il rĂ©clame « un peu de place dans le monde, Ă  temps et de bonne grĂące »[37], il n’obtient rien des deux grandes puissances coloniales, l’Angleterre et la France, qui se sont largement partagĂ©s l’Afrique, y compris les colonies allemandes sous forme de mandats de la SDN. Il se tourne alors vers l’Europe danubienne et balkanique, en Albanie oĂč il signe le avec Ahmet Zogu le traitĂ© de Tirana qui donne Ă  l'Italie une prĂ©pondĂ©rance incontestĂ©e dans le pays.

En matiĂšre d’extension territoriale, il ne lui reste qu’à consolider la souverainetĂ© italienne sur la Libye italienne (occupation du Fezzan en 1927-1928), l’ÉrythrĂ©e et la Somalie italienne (fĂ©roce campagne de « pacification » menĂ©e par De Vecchi, nommĂ© gouverneur en 1925) avec l’appui de la Grand-Bretagne qui s’exprime clairement dans le discours de Winston Churchill, alors Chancelier de l'Échiquier, le :

« Si j’avais Ă©tĂ© italien, je suis sĂ»r que j’aurais Ă©tĂ© entiĂšrement avec vous, du commencement Ă  la fin de votre lutte victorieuse contre les appĂ©tits bestiaux et les passions du lĂ©ninisme (
) Sur le plan extĂ©rieur, votre mouvement a rendu service au monde entier (
) Il est parfaitement absurde de dire que le gouvernement italien ne repose pas sur une base populaire et qu’il n’est pas issu du consensus actif et pratique des grandes masses[38]. »

L’arrivĂ©e d’Hitler au pouvoir, qui a souvent proclamĂ© son admiration pour le Duce, modifie le rapport de force en mettant fin Ă  l’hĂ©gĂ©monie franco-britannique et donne Ă  Mussolini une position d'arbitre. Mussolini propose un projet de Pacte Ă  quatre qui n'aboutit pas. Une premiĂšre rencontre avec Hitler en juin Ă  Stra et Venise au sujet de l'Autriche menacĂ©e par les nazis tourne au dialogue de sourds. Mussolini, mis en fureur par une allusion de Hitler Ă  la supĂ©rioritĂ© des peuples nordiques, se laisse aller auprĂšs de ses proches :

« Ce raseur m'a rĂ©citĂ© Mein Kampf, ce livre indigeste que je ne suis jamais parvenu Ă  lire. Je ne me sens aucunement flattĂ© de savoir que cet aventurier de mauvais goĂ»t a copiĂ© sa rĂ©volution sur la mienne. Les Allemands finiront par ruiner notre idĂ©e. Cet Hitler est un ĂȘtre fĂ©roce et cruel qui fait penser Ă  Attila. Les Allemands resteront les barbares de Tacite et de la RĂ©forme, les Ă©ternels ennemis de Rome[39]. »

Signature de l'accord Mussolini-Laval dans le salon de la Mappemonde au palais de Venise.

En , il réagit à la tentative de putsch des nazis autrichiens et à l'assassinat du chancelier Dollfuss[N 5] en mobilisant quatre divisions sur le Brenner, marquant sa détermination à s'opposer à l'absorption de l'Autriche par Hitler. Il craint les visées allemandes sur le Haut-Adige concédé à l'Italie par les traités de 1919-1920 et peuplé majoritairement de germanophones.

Un rapprochement avec la France s’amorce qui se traduit par l'accord Mussolini-Laval de . La confĂ©rence de Stresa en avril entre l’Italie, la France et la Grande-Bretagne, pour concrĂ©tiser un « front commun » destinĂ© Ă  contenir les ambitions germaniques et Ă  sauvegarder l'indĂ©pendance autrichienne est restĂ©e dans l’histoire comme la rencontre des occasions perdues : elle n'aboutit Ă  aucune dĂ©cision concrĂšte et par ses ambiguĂŻtĂ©s laisse croire Ă  Mussolini que les dĂ©mocraties entĂ©rinent son projet de conquĂȘte en Éthiopie.

La guerre d'Éthiopie (1935-1936)

PĂ©nĂ©tration des colonnes italiennes en Éthiopie.

Pour des raisons essentiellement de prestige, Mussolini veut agrandir le domaine colonial africain de l’Italie, limitĂ© en 1935 Ă  la Libye italienne conquise en 1912 Ă  la suite d’une guerre fĂ©roce et aux deux petites colonies de Somalie et d’ÉrythrĂ©e. Il rĂȘve de crĂ©er un Empire italien en Afrique orientale, de le relier par le Soudan Ă  la Libye et de venger l’humiliation nationale de la Bataille d'Adoua lors de la PremiĂšre guerre italo-Ă©thiopienne .

L’Éthiopie est, avec le Liberia, le seul État africain indĂ©pendant, le reste du continent Ă©tant partagĂ© entre les puissances europĂ©ennes, principalement la France et la Grande-Bretagne. Elle est membre de la SociĂ©tĂ© des Nations (SDN) depuis 1923. Les intĂ©rĂȘts Ă©conomiques italiens y sont prĂ©sents et les relations commerciales avec l’Italie se sont dĂ©veloppĂ©es avec la construction dĂ©cidĂ©e par Mussolini de la route qui relie le port d’Assab en ÉrythrĂ©e Ă  la frontiĂšre Ă©thiopienne. Cordiales jusqu’en 1932, les relations des deux pays se sont dĂ©gradĂ©es avec la multiplication des incidents de frontiĂšre.

En 1935, Mussolini qui parie aprĂšs Stresa sur le dĂ©sintĂ©ressement des Anglais et des Français, juge la situation favorable pour conquĂ©rir l’Éthiopie. Il compte obtenir une victoire rapide, l’armĂ©e Ă©thiopienne Ă©tant dĂ©pourvue de matĂ©riel moderne, en rassemblant Ă  la frontiĂšre 200 000 hommes, 700 canons, 200 chars et 350 avions[40].

La guerre est engagĂ©e sans dĂ©claration le aprĂšs avoir Ă©tĂ© annoncĂ©e la veille au soir aux Italiens, du balcon du palais de Venise. AprĂšs quelques semaines, les Éthiopiens opposent une rĂ©sistance inattendue. Le , Mussolini remplace le commandant de l'opĂ©ration Emilio De Bono, qu’il accuse de mollesse, par Pietro Badoglio. En , les Italiens doivent mĂȘme reculer. Mussolini porte Ă  prĂšs de 500 000 hommes le corps expĂ©ditionnaire et donne son accord Ă  une gĂ©nĂ©ralisation des gaz de combat, associĂ©s Ă  des mitraillages et bombardements d’objectifs militaires mais aussi civils.

Défilé devant Mussolini de la division italienne « 28-octobre » à Benavento avant son départ pour l'Afrique orientale.

Le , la SDN dĂ©clare l’Italie pays agresseur et dĂ©cide des sanctions Ă©conomiques : arrĂȘt des achats de marchandises italiennes, des ventes d’armes et de produits stratĂ©giques et des crĂ©dits pour ses achats Ă  l’étranger, mais pas la fermeture du canal de Suez ni l’embargo sur le pĂ©trole qui auraient paralysĂ© le corps expĂ©ditionnaire italien. L’Allemagne, mais aussi l’URSS, les États-Unis, la Yougoslavie, la Pologne et la TchĂ©coslovaquie, font savoir qu’elle n’appliqueront pas les sanctions. Paris et Londres ne sont pas enthousiastes, craignant que l’embargo ne pousse l’Italie vers l’Allemagne. La remilitarisation de la RhĂ©nanie Ă  partir du rend service Ă  Mussolini en faisant diversion. En guise de riposte, Mussolini met en Ɠuvre des programmes Ă©conomiques autarciques.

Les sanctions provoquent en Italie une indignation qui donne lieu Ă  de nombreuses manifestations populaires de soutien au rĂ©gime. La campagne culmine avec la « JournĂ©e de l’alliance » le 18 dĂ©cembre au cours de laquelle des centaines de milliers d’Italiens et d’Italiennes font don Ă  la nation de leurs anneaux de mariage, recevant en Ă©change un petit cercle de fer (37 tonnes d'or et 115 d'argent seront comptabilisĂ©es par la Banque d'Italie[41]).

Foule massĂ©e sur la place de Venise dans la nuit du 9 mai 1936 pour Ă©couter Mussolini proclamer l'annexion de l'Éthiopie

L’offensive reprend en et le , les Italiens prennent Addis-Abeba, le NĂ©gus HaĂŻlĂ© SĂ©lassiĂ© Ier ayant pu s’embarquer pour l’Angleterre deux jours auparavant. Mussolini annonce la victoire du balcon du palais de Venise Ă  une foule de deux cent mille personnes enthousiastes.

« L’Éthiopie est italienne ! Italienne de fait, parce qu’occupĂ©e par nos armĂ©es victorieuses. Italienne de droit, parce qu’avec le glaive de Rome c’est la civilisation qui triomphe de la barbarie, la justice qui triomphe de l’arbitraire cruel, la rĂ©demption de la misĂšre qui triomphe de l’esclavage millĂ©naire[42]. »

La guerre d'Éthiopie est un tournant majeur pour les relations europĂ©ennes. Mussolini est incitĂ© Ă  un rapprochement avec Hitler qui a refusĂ© d’appliquer les sanctions et reconnu la conquĂȘte de l’Éthiopie. L’expansion de l'Italie en Afrique orientale et en MĂ©diterranĂ©e heurte la Grande-Bretagne qui a des intĂ©rĂȘts dans le secteur et la France oĂč le Front populaire vient d’ĂȘtre Ă©lu sur un programme nettement antifasciste et laisse le champ libre Ă  Hitler en Autriche. La participation au conflit espagnol Ă  partir de l’automne 1936 va encore resserrer les liens entre les deux dictateurs.

L'apogée du régime (1929-1936)

Le Duce, « premier paysan du royaume », faisant la moisson.

Les historiens parlent des « annĂ©es de consensus[43] » . Mussolini, qui apporte l’ordre, la paix sociale et des satisfactions Ă  la fois matĂ©rielles et de prestige, bĂ©nĂ©ficie pendant ces annĂ©es, du soutien au moins passif de la population et ce malgrĂ© les rĂ©percussion en Italie de la Grande DĂ©pression qui entraĂźne une chute de la production de 33 % et plus d’un million de chĂŽmeurs dĂšs 1932. Il jouit aussi de l’appui, ou de la complicitĂ© intĂ©ressĂ©e, des autres centres de pouvoir que sont la monarchie, l’armĂ©e et l’Église.

À l’étranger, et plus particuliĂšrement dans les dĂ©mocraties occidentales, son image est positive chez de nombreux dirigeants politiques et dans de larges secteurs de l’opinion publique qui considĂšrent qu’il a rĂ©tabli la paix sociale, fait la paix avec l’Église et qu’il est le plus sĂ»r rempart contre la menace communiste. Aux États-Unis oĂč vivent des millions d’Italo-AmĂ©ricains et oĂč Mussolini publie des dizaines d’articles dans les journaux (sa biographie Ă©crite par sa maĂźtresse Margherita Sarfatti a dĂ©jĂ  obtenu un succĂšs considĂ©rable en 1925), Franklin Delano Roosevelt lui prodigue des commentaires flatteurs en le considĂ©rant comme son « seul alliĂ© potentiel dans son effort pour sauvegarder la paix mondiale[44] ». En 1931, Gandhi, en visite Ă  Rome, tient des propos trĂšs louangeurs Ă  l’égard du Duce et de son rĂ©gime.

Le les Ă©lections pour le renouvellement de la Chambre - qui se limitent Ă  approuver ou non la liste des dĂ©putĂ©s dĂ©signĂ©s par le Grand Conseil – sont un plĂ©biscite pour Mussolini avec 10 526 504 sĂŹ contre 15 201 no.

L'asséchement des marais Pontins.

Le rĂ©gime a Ă©liminĂ© toute forme d’opposition et de contestation et s’appuie sur un appareil de rĂ©pression efficace. Les chefs de l’antifascisme sont en exil et les rĂ©sistants intĂ©rieurs sont arrĂȘtĂ©s (6000 arrestations par l’OVRA, l’« Oeuvre volontaire de rĂ©pression antifasciste », de 1930 Ă  1934, pour la plupart des militants communistes) et assignĂ©s Ă  rĂ©sidence (confinati) dans les Ăźles (prĂšs de 2000 recensĂ©s en 1940)[45].

Inauguration de l’AcadĂ©mie italienne par Mussolin. Le Duce porte l’habit qu’il a choisi pour les acadĂ©miciens : uniforme bleu roi avec broderies d’argent, Ă©pĂ©e Ă  poignet de nacre et bicorne Ă  plume d’autruche.

La presse est sous le contrĂŽle direct de Mussolini via un bureau de presse de la prĂ©sidence du Conseil (Ufficio stampa) confiĂ© Ă  son gendre Ciano, ainsi que la radio (monopole d’État gĂ©rĂ© par une sociĂ©tĂ© privĂ© l’EIAR (Ente italiano audizioni radiofoniche) qui permet de retransmettre ses grands discours et le CinĂ©ma de propagande fasciste auquel il s’intĂ©resse particuliĂšrement, visionnant deux fois par semaine dans sa rĂ©sidence romaine bandes d’actualitĂ© (Giornale Luce) et longs mĂ©trages auxquels il donne, lorsque Luigi Freddi, directeur gĂ©nĂ©ral de la cinĂ©matographie, le lui demande un ultime visa avant mise en exploitation. Le 21 avril 1936, il inaugure CinecittĂ , conçue comme le siĂšge de l’industrie cinĂ©matographique italienne, largement financĂ©e par le gouvernement (le premier pĂ©plum, Scipion l’Africain, date de 1937).

La propagande fasciste dĂ©veloppe le culte du Duce , le guide, l’homme providentiel investi d’une mission patriotique et justiciĂšre, Ă  l’instinct infaillible (« le Duce a toujours raison »). Son image est partout. Ses discours du haut du balcon du palais de Venise avec ses tirades thĂ©Ăątrales et sa gestuelle sont retransmis dans tout le pays et constituent un Ă©lĂ©ment central des grandes cĂ©lĂ©brations patriotiques.

« Orateur des plus experts, maĂźtre de lui, il accompagne chaque pĂ©riode de son discours, chaque applaudissement de la mine qui convient le mieux Ă  son public. Le geste est sobre. Souvent, il ne gesticule que de la main droite. Parfois, il met les deux mains dans ses poches. C’est son moment statuaire : celui du rĂ©sumĂ©, du final. Dans les rares moments oĂč cette figure rĂ©servĂ©e d’orateur se dĂ©clenche et se libĂšre, ses deux bras tournent au dessus de la tĂȘte. Les dix doigts s’agitent comme s’ils cherchaient dans l’air des cordes Ă  faire vibrer ; les mots jaillissent en torrent de ses lĂšvres. L’instant d’aprĂšs, Mussolini redevient immobile le sourcil froncĂ© ; avec deux doigts il cherche le nƓud de son Ă©lĂ©gante cravate pour s’assurer qu’il est bien restĂ© vertical (Description de Ugo Ojetti dans le Corriere della Sera)[46]. »

Mussolini soigne son image de « Fils du peuple ». Dans un pays oĂč les ruraux sont largement majoritaires, le ralliement des campagnes Ă  son rĂ©gime est important. Il dĂ©cide l’assainissement des marais Pontins, domaine sĂ©culaire des moustiques et de la malaria, qui doivent ĂȘtre assĂ©chĂ©s et rendus Ă  l’agriculture. 60 000 hectares sont distribuĂ©s Ă  3 000 familles de fermiers et trois villes nouvelles crĂ©es. Le Duce n’hĂ©site pas Ă  moissonner avec les paysans, battre le grain, danser avec les paysannes de son village natal. Il a fait poser sur sa maison familiale l’inscription : « ici ont vĂ©cu de 1600 Ă  1900 les gĂ©nĂ©rations paysannes des Mussolini ».

Grands travaux d'aménagement du centre historique de Rome. La Via dell'Impero (Via dei Colii sur le projet ci-dessus )sera inaugurée par Mussolini le 28 octobre 1932
Le Palais de la civilisation italienne dans le quartier de l’EUR.

Dans le monde ouvrier qui fait Ă©galement l’objet de sa sollicitude (Il dit : « camarades ouvriers » quand il visite les usines), Mussolini met en place une politique sociale beaucoup plus audacieuse que celle de l’État libĂ©ral ce qui lui permet d’apparaĂźtre comme un rempart contre un patronat peu enthousiaste des orientations socialisantes de sa « charte du travail ». Il innove en crĂ©ant l’ƒuvre nationale du temps libre (Dopolavoro) la principale organisation de loisirs populaires du monde, URSS comprise, visant Ă  organiser les loisirs ouvriers : 15 000 sections sportives sont crĂ©es regroupant 1 650 000 inscrits, 10 000 associations culturelles, 2066 compagnies thĂ©Ăątrales, 3787, fanfares, etc[47]. En 1935 la durĂ©e hebdomadaire de travail est de fait rĂ©duite Ă  40 heures avec le samedi fasciste (sabato fascista), l’obligation d’assister ce jour-lĂ  Ă  des rĂ©unions et des rencontres sportives n’étant pas appliquĂ©e.

Pour s’attacher le monde de la culture, Mussolini crĂ©e en janvier 1926 l’AcadĂ©mie d'Italie oĂč vont siĂ©ger soixante personnalitĂ©s du monde scientifique, artistique et littĂ©raire largement rĂ©munĂ©rĂ©es en honneurs et en avantages, dont trente choisies directement par le Duce. De nombreux intellectuels se rallient au rĂ©gime dont Giovanni Gentile qui sera ministre de l’Instruction publique, Filippo Tommaso Marinetti, Curzio Malaparte, Luigi Pirandello, Mario Carli, Enrico Corradini, Francesco Coppola, Luigi Barzini.

Parmi les grands travaux de prestige, citons la restauration des vestiges de la Rome impĂ©riale supervisĂ©e par l'archĂ©ologue Corrado Ricci. Mussolini veut dĂ©gager la zone des forums et les abords du ColisĂ©e de tout ce que les pĂ©riodes suivantes ont ajoutĂ© : 

« Tous les monuments se dresseront dans leur nĂ©cessaire solitude. Tels de grands chĂȘnes, il faut les dĂ©barrasser de toute l’obscuritĂ© qui les entoure. »

Pour donner plus de thĂ©ĂątralitĂ© Ă  cet ensemble, il trace une nouvelle perspective rectiligne entre la piazza Venezia et le ColisĂ©e, destinĂ©e Ă  accueillir les grandes parades militaires du rĂ©gime : la "Via dell'Impero" inaugurĂ©e par Mussolini le 28 octobre 1932, dans le cadre des cĂ©lĂ©brations du dixiĂšme anniversaire de la Marche sur Rome, aujourd’hui Via dei Fori Imperiali. Les immeubles populaires d’origine mĂ©diĂ©vale, souvent insalubres, qui cernent les grands monuments classiques, sont dĂ©molis et la population relogĂ©e hors de la ville, opĂ©rations d’urbanisme durement critiquĂ©es aujourd’hui[48]. Au sud de la capitale, un nouveau quartier moderniste est construit pour abriter l’Exposition universelle de 1942 qui doit ĂȘtre la vitrine des rĂ©ussites du rĂ©gime et prend le nom de E42 ou celui, qu’il garde encore, de EUR (Esposizione Universale Roma).


À l’apogĂ©e de son rĂ©gime, Mussolini a la cinquantaine. Il consacre toujours beaucoup de temps aux affaires publiques. « Je suis le mulet national chargĂ© de nombreux fardeaux[49] » a-t-il Ă©crit Ă  d’Annunzio en 1925. Il peut travailler jusqu’à 14 heures par jour traitant une masse considĂ©rable de questions, sans faire toujours le tri entre l’essentiel et l’accessoire. Il veut se mĂȘler de tout, contrĂŽler l’exĂ©cution de ses dĂ©cisions, examiner tous les rapports de la police et des prĂ©fets.

Clara Petacci a été la passion amoureuse de Mussolinil et la compagne de ses dix derniÚres années. Sa liaison commence à l'été 1936. Elle a 24 ans. Il en a 53.

De nature cyclothymique, il a des moments de dĂ©pression suivis de phases euphoriques oĂč il gomme toutes les difficultĂ©s. Sa santĂ© n’est pas excellente : il souffre de fortes douleurs gastriques et suit un sĂ©vĂšre rĂ©gime alimentaire Ă  base de laitages, s’interdisant boissons fortes, cafĂ© et cigarette et fuyant les repas officiels.

La dĂ©tention d’un pouvoir dictatorial, l’adulation dont il est l’objet de la part de ses proches, le culte de la personnalitĂ© qui se dĂ©veloppe, ont accentuĂ© certains traits de caractĂšre : la mĂ©fiance, le mĂ©pris des hommes, le goĂ»t de la solitude. PersuadĂ© d’ĂȘtre investi d’une mission que lui-seul est en mesure d’assumer, il Ă  tendance Ă  se fier Ă  son « flair » pour prendre ses dĂ©cisions, ce qui lui rĂ©ussit souvent pour les problĂšmes intĂ©rieurs mais peut avoir de graves consĂ©quences en matiĂšre d’armements ou de stratĂ©gie (par exemple il n’a pas, comme Hitler, d’état-major militaire attachĂ© Ă  sa personne). Naturellement brutal, il traite les membres du gouvernement et les dirigeants fascistes sans mĂ©nagement, rarement avec un geste amical, les soumettant Ă  sa volontĂ© toute puissante de chef. S'ils disent ce qu'ils pensent, ils risquent de perdre leur poste, congĂ©diĂ©s en deux ou trois phrases lapidaires.

Il a quittĂ© en 1929 le palais Chigi, site traditionnel de la prĂ©sidence du Conseil, pour le palais de Venise situĂ© au cƓur de Rome et donnant sur une place se prĂȘtant Ă  de vastes rassemblements, oĂč il peut s’adresser Ă  la foule du balcon du palais. Il installe son bureau dans l’immense salle de la Mappemonde (20m de long sur 13 de large et 13 de haut) meublĂ©e seulement de son bureau de 4 mĂštres et de deux fauteuils « Savonarole » pour ses visiteurs. Son habitation personnelle est Ă  la villa Torlonia, mise Ă  sa disposition pour un loyer symbolique par le prince Torlonia. Rachele Mussolini construit un four pour cuire le pain dont elle confectionne elle-mĂȘme la pĂąte, cultive ses lĂ©gumes et Ă©lĂšve des volailles et un porc tandis que son mari ajoute un court de tennis, un manĂšge Ă©questre, des Ă©curies pour ses chevaux et une salle de projection cinĂ©matographique.

En 1932, il fait la connaissance de Clara Petacci, fille d’un mĂ©decin rĂ©putĂ©, qui devient sa maĂźtresse en 1936 et pour qui il a une vraie passion amoureuse. Son statut de favorite en titre va trĂšs vite ĂȘtre connue de la plupart des Italiens et son frĂšre Marcello va considĂ©rablement s’enrichir en usant du crĂ©dit de sa sƓur auprĂšs de tous ceux qui veulent plaire au Duce, avec la complicitĂ© consciente ou inconsciente de ce dernier.

De la guerre d'Espagne Ă  l'alliance allemande (1936-1939)

Mussolini ha sempre ragione ! Mussolini a toujours raison ! Ce slogan est de l'écrivain et humoriste fasciste Leo Longanesi[50]. Approuvé par Mussolini (y voit-il l'ironie cachée ?), il est reproduit partout.

DĂšs le dĂ©but de la guerre civile espagnole, le 18 juillet 1936, Franco se tourne vers Mussolini et Hitler pour obtenir des armes. AprĂšs quelques hĂ©sitations, le Duce s’engage en novembre 1936 dans une aide massive en matĂ©riel de guerre et en hommes (70 000 « volontaires » en mars 1937 plus imposĂ©s que souhaitĂ©s par Franco), officiellement pour barrer la route aux communistes espagnols soutenus par Moscou. Il espĂšre la gloire de succĂšs militaires rapides et de nouvelles positions en MĂ©diterranĂ©e occidentales : les Italiens s’installent Ă  Majorque dĂ©s le dĂ©but du conflit et y resteront pendant toute la durĂ©e de la guerre.

Il ne va tirer aucun avantage, ni stratĂ©gique, ni d’autre nature de cette guerre, moins populaire en Italie que la guerre d’Éthiopie et beaucoup plus difficile. DĂšs le mois de mars 1937, il essuie un Ă©chec cuisant Ă  Guadalajara Ă  50 km de Madrid oĂč 35 000 Italiens et 15 000 Espagnols nationalistes sont dĂ©faits par l’armĂ©e rĂ©publicaine et les brigades internationales (oĂč se trouvent de nombreux antifascistes italiens) appuyĂ©s par des chars livrĂ©s par l’URSS

La guerre va durer jusqu’en mars 1939 et coĂ»ter Ă  l’Italie, au-delĂ  des pertes en hommes (4 000 tuĂ©s et plus de 11 000 blessĂ©s) la somme considĂ©rable de 8,5 milliards de lires, le double du montant de l’assistance allemande (6 500 hommes, essentiellement un corps aĂ©rien, la « lĂ©gion Condor ») compensĂ©e par l’octroi de concessions miniĂšres et l’équivalent de l’aide soviĂ©tique bien payĂ©e elle avec l’or de la Banque d’Espagne envoyĂ© Ă  Moscou.

Mussolini passant en revue la garde d’honneur à la gare de Munich lors de sa visite en Allemagne en septembre 1937.
Mussolini passe en revue un bataillon d’honneur devant le monument aux Morts de la guerre sur la cĂ©lĂšbre avenue unter den linden dĂ©corĂ©e et complĂštement dĂ©gagĂ©e, lors de sa visite Ă  Berlin.
DĂ©monstration par Mussolini du pas de l'oie, nouveau pas romain de parade introduit en 1938 aprĂšs sa visite Ă  Berlin. « Ils disent que le pas de l’oie est prussien. Pas du tout. L'oie est un animal romain, s’il est vrai qu’elle a sauvĂ© le Capitole. Sa place est entre l’aigle et la louve »[51].

Pour Hitler, la guerre d’Espagne constitue un bon moyen de se rapprocher de Mussolini tout en dĂ©tournant les ambitions du Duce vers la MĂ©diterranĂ©e au moment oĂč il envisage un coup de force contre l’Autriche. Hitler ne se fait pas d’illusions sur les moyens rĂ©els de l’armĂ©e italienne, mais il prĂ©fĂšre avoir l’Italie avec lui que contre lui. Il sait toucher la vanitĂ© du Duce en l'invitant en Allemagne du au et en le comblant d’honneurs : trois millions d’Allemands sur le parcours du cortĂšge officiel, gigantesque parade militaire, voyage en chemin de fer de Munich Ă  Berlin, les deux trains des chefs d’État roulant cĂŽte Ă  cĂŽte Ă  la mĂȘme vitesse symbolisant « le parallĂ©lisme des deux rĂ©volutions », des foules apparemment enthousiastes rassemblĂ©es dans les gares traversĂ©es pour acclamer les deux dictateurs, visite des usines Krupp, discours final de Mussolini en allemand devant 800 000 personnes oĂč il affirme que, lorsque le fascisme a un ami, il marche avec lui « jusqu’au bout ». Ce voyage triomphal eut une influence dĂ©terminante sur le tournant proallemand de Mussolini fascinĂ© par l’étalage de la puissance militaire nazi. Son admiration pour Hitler, non dĂ©pourvue de jalousie et de rancune est devenu rĂ©elle. Galeazzo Ciano, son gendre et ministre des Affaires Ă©trangĂšres est plus circonspect: « La solidaritĂ© des deux RĂ©gimes sera-t-elle assez forte pour tenir vraiment unis deux peuples que race, civilisation, religion, goĂ»ts mettent aux antipodes l’un de l’autre[52]? »

L’Anschluss, le , est une premiĂšre dĂ©ception pour Mussolini lorsqu’il apprend qu’Hitler a envahi l’Autriche sans aucune concertation prĂ©alable avec lui, ni compensation pour l’Italie fasciste. Il ne peut qu’accepter le fait accompli en faisant savoir Ă  Hitler que le gouvernement italien n’a « rien Ă  redire au sujet de l’Anschluss », ce qui provoque des rĂ©actions nĂ©gatives dans de nombreux secteurs de la population, y compris chez les dirigeants fascistes et le mĂ©contentement du roi qui n’aime pas les Allemands et encore moins les nazis. La bourgeoisie, francophile ou anglophile et les milieux d’affaires s’accommodent mal de l’orientation pro-allemande de la politique Ă©trangĂšre. Les « annĂ©es de consensus » se terminent, mĂȘme si Mussolini est encore assez largement Ă©pargnĂ© par cette dĂ©saffection Ă  l’égard du rĂ©gime et du parti qui compte, sur le papier, plus de 2,6 millions de membres, 8 millions de jeunes Ă©tant enrĂŽlĂ©s dans ses diffĂ©rentes organisations, ainsi que 4 millions de travailleurs dans le dopolavoro (loisirs populaires)[53].

Comme Hitler depuis le , Mussolini se fait nommer commandant de toutes les forces armĂ©es (« premier marĂ©chalat d’Empire »), grade qu’il doit cependant partager avec le roi qui menace de ne pas donner sa signature Ă  la promulgation de la loi mais finit par cĂ©der, en lui en gardant une rancune tenace.

En , l’Europe est au bord de la guerre Ă  la suite de l’ultimatum d’Hitler Ă  la TchĂ©coslovaquie qui mobilise, Mussolini accepte, Ă  la demande de Chamberlain, de jouer le rĂŽle de mĂ©diateur auprĂšs de Hitler. Il organise la confĂ©rence de Munich entre les deux dictateurs, Daladier et Chamberlain le . Il est en position d’arbitre, mais il soutient les revendications d'Hitler. Dirigeant les travaux, s’entretenant en allemand avec Hitler, en français avec Daladier, en anglais avec Chamberlain, il propose le compromis qui sera adoptĂ© et qui reprend avec quelques assouplissements formels toutes les conditions de Hitler. De retour en Italie, il est fĂȘtĂ© spontanĂ©ment comme « le sauveur de la paix », confirmation des sentiments pacifistes des Italiens par ailleurs consternĂ©s par l’adoption au dĂ©but du mois des lois raciales prises Ă  l'encontre des Juifs (voir chapitre suivant).

Inquiet, Mussolini pense que Hitler ne s’arrĂȘtera pas lĂ  et que Paris et Londres ne cĂ©deront pas la prochaine fois. « Nous devons tenir les deux portes ouvertes » dit-il Ă  Ciano[54]. Les discussions reprennent avec la France sur des revendications (minimalistes) prĂ©sentĂ©es par les Italiens (Ă©tablissement d'un condominium franco-italien en Tunisie et Ă  Djibouti) mais n'aboutissent pas.

Le , dans la nuit, Hitler occupe la BohĂȘme. Mussolini, mis une nouvelle fois devant le fait accompli, est prĂ©venu par le messager habituel de Hitler, le prince de Hesse. « Les Italiens vont se moquer de moi. Chaque fois que Hitler prend un pays, il m’envoie un message[55]» dit Mussolini Ă  Ciano.

L'Axe en mars 1939.

« C’est une chose grave », Ă©crit Ciano qui va dĂ©sormais s’appliquer Ă  freiner une alliance qui lui paraĂźt dangereuse, « d’autant plus que Hitler avait assurĂ© que jamais il ne voudrait annexer un seul TchĂšque (
) Quelle importance pourra-t-on attacher Ă  l’avenir aux autres dĂ©clarations et promesses qui nous concernent de plus prĂšs ? Il est inutile de se dissimuler que tout cela prĂ©occupe et humilie le peuple italien[56]. »

Le mĂ©pris de Mussolini pour l’inertie des dĂ©mocraties grandit. Soucieux et dĂ©primĂ©, il dĂ©cide, au lieu de resserrer les liens avec Londres et Paris, d’envahir l’Albanie et de chasser le roi Zog Ier, transformant en conquĂȘte ce qui Ă©tait dĂ©jĂ  un semi-protectorat. Une assemblĂ©e de notables offre la couronne d’Albanie au roi Victor-Emmanuel.

Il est maintenant persuadĂ© qu’une guerre europĂ©enne, dont Hitler sortira vainqueur, est inĂ©vitable. L’appui de ce dernier peut lui permettre de faire triompher ses revendications qu'il expose le devant les membres du Grand Conseil du fascisme : « Pour assurer notre sĂ©curitĂ© dans cette MĂ©diterranĂ©e qui nous tient encore prisonniers, nous avons besoin de la Tunisie et de la Corse. La frontiĂšre doit aller jusqu’au Var. Je ne revendique pas la Savoie, car elle se trouve en dehors du cercle alpin. Je pense en revanche au Tessin (
) Tout cela constitue un programme. Je ne peux lui fixer de terme temporel, j’indique seulement les orientations de la marche[57]. »

Il doit tenir compte dans son pays des rĂ©actions hostiles Ă  une alliance avec Hitler. Le roi, la majoritĂ© des chefs militaires et des dirigeants fascistes, la hiĂ©rarchie catholique et la majoritĂ© des Italiens sont contre. Seule l’aile intransigeante du parti rassemblĂ©e autour de Roberto Farinacci est pour. Mais, confiant dans son « flair », il prend le parti de se ranger du cĂŽtĂ© du plus fort et charge Ciano d’engager des conversations avec les Allemands pour conclure une alliance militaire, Ă  la condition expresse que la guerre ne soit pas engagĂ©e avant 1943, pour avoir le temps de se prĂ©parer militairement et pour organiser l’Exposition universelle de Rome prĂ©vue en 1942. Le pacte d'Acier est signĂ© le Ă  Berlin par Ribbentrop et Ciano, en prĂ©sence de Hitler et Goering, mais Ciano a laissĂ© les Allemands prĂ©parer seuls le projet de pacte et rien ne stipule d’attendre trois ans pour dĂ©clencher la guerre. L’article 3 prĂ©voit mĂȘme, en cas d’entrĂ©e en guerre de l’une des parties, l’entrĂ©e en guerre automatique de l’autre.

Racisme et antisémitisme chez Mussolini

Avant la législation de 1938

Jusqu'Ă  l'alliance avec l'Allemagne, Mussolini n’a pas originellement de vĂ©ritables prĂ©ventions contre les Juifs, ni avant son accession au pouvoir, ni aprĂšs sa venue au pouvoir car il collabore Ă  des revues Ă  des publications dirigĂ©es par des Juifs, a des amis et collaborateurs juifs et entretient pendant une vingtaine d’annĂ©es une liaison amoureuse avec une intellectuelle juive connue au parti socialiste, Margherita Sarfatti, et il ne fait jamais de dĂ©claration en faveur des thĂšses de l'antisĂ©mite Preziosi pour lequel il n’a aucune sympathie[58]. On trouve certaines personnalitĂ©s juives parmi les premiers bailleurs de fond du fascisme comme le commendatore Elio Jona, le banquier Giuseppe Toeplitz, un certain nombre de grands propriĂ©taires de la rĂ©gion de Ferrare qui soutinrent les escouades squadristes de Balbo. Il y a au moins cinq Juifs parmi les « sansĂ©polcristes » du 23 mars 1919, et au moins trois Juifs dans le martyrologe officiel de la « rĂ©volution fasciste » ; de plus, 230 Juifs reçurent le brevet attestant leur participation Ă  la marche sur Rome, et Ă  la fin de 1922, 750 avaient leur carte de membre du parti[58]. Entre 1927 et 1932, sont Ă©tablies de bonnes relations entre le Duce et les principales personnalitĂ©s du judaĂŻsme italien et un rapprochement entre le gouvernement fasciste et les milieux sionistes a lieu : ChaĂŻm Weizmann est reçu une premiĂšre fois par Mussolini en 1926 et en retire l’impression que le dictateur n’est pas hostile au sionisme.

DĂšs 1928, il y a un fort courant d’adhĂ©sion au fascisme de la part de nombreux Juifs italiens : 5 000 adhĂ©sions entre octobre 1928 et octobre 1933, soit prĂšs de 10 % de la population juive italienne[59]. En 1934, Mussolini reçoit une seconde fois ChaĂŻm Weizmann : ils Ă©voquent un rapprochement avec la France et de la Grande-Bretagne, Mussolini dĂ©clare que JĂ©rusalem ne peut ĂȘtre une capitale arabe ; Weizman propose de mettre Ă  disposition de l'Italie fasciste une Ă©quipe de savants juifs ; Weizmann et son Ă©pouse demandent une photo dĂ©dicacĂ©e de Mussolini[60]. NĂ©anmoins, lorsque Mussolini rencontre en 1941 le grand mufti de JĂ©rusalem, Amin al-Husseini, il assure au religieux palestinien qu'il est antisioniste[61].

Mussolini attribuera d'ailleurs mĂȘme jusqu'en 1942 le gĂ©nie propre de l'Italie Ă  une synergie de ceux de plusieurs peuples dans un mĂȘme effort :

« J'ai toujours considéré le peuple italien comme le produit admirable de différentes fusions ethniques sur la base d'une unité géographique, économique et surtout spirituelle. Il relÚve de l'esprit qui a fait notre civilisation sur les routes du monde. Ces hommes de sangs différents étaient porteurs d'une seule civilisation splendide[62]. »

Le 20 décembre 1932, Mussolini déclare :

« Il est ridicule de penser, comme cela a été dit, qu'il faille fermer les synagogues ! Les Juifs sont à Rome depuis le temps des rois ; ils étaient 50 000 à l'époque d'Auguste et demandÚrent à pleurer sur la dépouille de Jules César. Nous les laisserons vivre en paix[63]. »

De nombreux Juifs participent Ă  l'offre d'or pour le financement de la guerre d'Éthiopie et s'engagent en nombre dans les troupes Ă  tel point qu'il faut mĂȘme crĂ©er un rabbinat militaire[64]. Il nomme des Juifs Ă  des postes importants comme Guido Jung, ministre des finances, ou l'amiral Ascoli, commandant en chef des forces navales durant la guerre d'Éthiopie[65]. Dans ses dĂ©clarations officielles, Mussolini condamne catĂ©goriquement l'antisĂ©mitisme et le racisme ; ainsi, lors de ses entretiens avec Emil Ludwig. Dans le livre qui en fut tirĂ© en 1932, Mussolini y affirmait que le racisme Ă©tait une stupiditĂ© : « L’antisĂ©mitisme n’existe pas en Italie. [
] Les Juifs italiens se sont toujours bien comportĂ©s comme citoyens, et comme soldats ils se sont bien battus[59]. » À Ostie, en aoĂ»t 1934, Mussolini dĂ©clare :

« Il n'y a plus de races Ă  l'Ă©tat pur. MĂȘme les Juifs ne sont pas demeurĂ©s sans mĂ©lange. Ce sont prĂ©cisĂ©ment ces croisements heureux qui ont trĂšs souvent produit la force et la beautĂ© d'une nation. Je ne crois pas qu'on puisse apporter la preuve biologique qu'une race est plus ou moins pure, plus ou moins supĂ©rieure. Ceux qui proclament la noblesse de la race germanique sont, par un curieux hasard, des gens dont aucun n'est rĂ©ellement germain... Une chose analogue ne se produira jamais chez nous. La fiertĂ© ne nĂ©cessite pas un Ă©tat de transe provoquĂ© par la race. L'antisĂ©mitisme n'existe pas en Italie. Les Juifs italiens se sont toujours bien comportĂ©s comme citoyens et bravement battus comme soldats. Ils occupent des situations Ă©minentes dans les universitĂ©s, dans l'armĂ©e, dans les banques. Il y en a toute une sĂ©rie qui sont officiers supĂ©rieurs : le commandant de la Sardaigne, le gĂ©nĂ©ral Modena, un amiral de la flotte, un gĂ©nĂ©ral d'artillerie et un gĂ©nĂ©ral des bersaglieri[66]. »

Mussolini, dans un discours suivant l'arrivĂ©e au pouvoir d'Hitler condamnera son idĂ©ologie : « Trente siĂšcles d'histoire nous permettent de regarder avec une souveraine pitiĂ© une doctrine venue du nord des Alpes, une doctrine dĂ©fendue par la progĂ©niture d'un peuple qui ignorait qu'une Ă©criture eĂ»t pu tĂ©moigner de sa vie, Ă  une Ă©poque oĂč Rome avait CĂ©sar, Virgile et Auguste[67]. »

Mussolini s'attribuera rĂ©trospectivement des idĂ©es racistes. L'auteur italien Mauro Suttora (en) dans Mussolini segreto[68] - [69] cite Ă  cet Ă©gard des passages du journal intime de celle qui fut Ă  partir de 1936 la maĂźtresse de Mussolini[70], Clara Petacci, oĂč il affirme avoir eu des prĂ©jugĂ©s anti-juifs antĂ©rieurement aux lois raciales : « Moi, j'Ă©tais raciste dĂšs 1921. Je ne sais pas comment on peut penser que j'imite Hitler [concernant les lois anti-juives de 1938], il n'Ă©tait mĂȘme pas nĂ© [politiquement]. Ils me font rire [
] Il faut donner un sens de la race aux Italiens pour qu'ils ne crĂ©ent pas de mĂ©tisses, qu'ils ne gĂąchent pas ce qu'il y a de beau en nous [
] Ces saloperies de Juifs, il faut tous les dĂ©truire. Je ferai un massacre comme les Turcs ont fait. [
] Je ferai un Ăźlot et les y enfermerai tous. Ce sont des charognes, nuisibles et lĂąches [
] Il est temps que les Italiens comprennent qu'ils ne doivent plus ĂȘtre exploitĂ©s par ces reptiles[71] - [72]. »

La guerre d'Éthiopie marque le dĂ©but d'une politique raciste contre les noirs : pour Ă©viter tout mĂ©tissage, il est interdit Ă  tout Italien d'entretenir une relation avec une femme indigĂšne (dĂ©cision prise le 9 janvier 1937 en conseil des ministres et entĂ©rinĂ© par l'Ă©dit royal d'avril 1937[73]) ; on fait venir d'Italie des prostituĂ©es pour satisfaire les besoins sexuels des soldats[74]. Mussolini interdit Ă  ses soldats de chanter Faccetta nera, « Frimousse noire, belle abyssine » qui fait l'Ă©loge de la beautĂ© des Éthiopiennes[74]> et de la fin de l'esclavage en Éthiopie voulue par le rĂ©gime fasciste. La rĂ©pression brutale, aveugle et sanguinaire qui frappe l’Éthiopie aprĂšs l'attentat manquĂ© contre le marĂ©chal Graziani (), connue sous le nom « massacre de Graziani », marque l'orientation raciste du rĂ©gime : de 5 000 (selon les fascistes) Ă  30 000 personnes sont assassinĂ©es, leurs corps jetĂ©s dans le fleuve, dans des puits que l'on brĂ»le au pĂ©trole[75]. Dans son ouvrage Le fascisme en action, l'historien Robert Paxton Ă©crit : « En 1937, aprĂšs la tentative d'assassinat du gĂ©nĂ©ral Graziani, gouverneur gĂ©nĂ©ral et vice-roi, les activistes du parti firent rĂ©gner la terreur Ă  Addis-Abeba pendant trois jours et ils massacrĂšrent plusieurs centaines de ses habitants ». Mussolini ordonne Ă  Graziani quatre jours aprĂšs d'« Ă©liminer tous les suspects sans faire d'enquĂȘte »[75].

Le rapprochement avec l'Allemagne consĂ©cutif aux sanctions de la France et le Royaume-Uni Ă  la suite de l'invasion de l'Éthiopie ainsi que la volontĂ© de sĂ©duire le monde musulman dont tĂ©moigne le geste de Mussolini de saisir le 18 mars 1937 Ă  Tripoli « l'Ă©pĂ©e de l'Islam » jouent un rĂŽle dĂ©terminant dans le changement d'orientation du rĂ©gime[64]. De 1936 Ă  1938, plusieurs publications et dĂ©clarations de hauts dignitaires fascistes sont antisĂ©mites ; une manifestation antisĂ©mite est mĂȘme organisĂ©e Ă  Ferrare, une des quatre villes italiennes qui regroupent une importante communautĂ© juive (avec Rome, Livourne et AncĂŽne)[76] - [77].

Les lois raciales de 1938

En 1938, Mussolini , vraisemblablement pour donner des gages Ă  Hitler, lance une campagne antisĂ©mite qui commence en juillet par la publication d'un article anonyme dans le Giornale d’Italia, rĂ©digĂ© par un groupe d'universitaires et traitant des « problĂšmes de la race ». Le Parti va donner une large publicitĂ© Ă  ce « Manifeste des savants » dans lequel on peut lire : « Les races humaines existent, il y a des races infĂ©rieures et supĂ©rieures, le concept de race est purement biologique, les Juifs n'appartiennent pas Ă  la race italienne ».

les lois raciales ne tardent pas Ă  suivre, introduisant des mesures de discrimination et de persĂ©cution Ă  l’encontre des Juifs Ă©trangers, puis en novembre des Juifs italiens qui sont exclus de la fonction publique, de l'enseignement et de l'armĂ©e. Le mariage entre Italiens et « non-Aryens » est interdit. Le droit de possĂ©der des biens immobiliers et de diriger des entreprises strictement limitĂ©. .

Mussolini est personnellement responsable de ces lois antisĂ©mites. Son administration les a cependant appliquĂ©es avec un certain laxisme, en multipliant par exemple les exemptions pour faits de guerre ou participation Ă  la « rĂ©volution fasciste » ainsi que les « aryanisations de complaisance », provoquant par ailleurs « une Ă©norme vague de corruption et de pots-de-vin[78] ». Lui-mĂȘme est indignĂ© par un rapport qu'il reçoit en dĂ©cembre 1939 sur les atrocitĂ©s commises par les nazis Ă  Poznan en Pologne: « Il m'a conseillĂ© de faire parvenir, indirectement, aux journaux français et amĂ©ricains, les informations contenues dans ce rapport. Il est nĂ©cessaire que le monde ait connaissance de ces faits. » Ă©crit Ciano dans son Journal le 4 dĂ©cembre 1939.

En 1940, Mussolini ordonne de ne pas livrer un seul des 25 000 Juifs qui se trouvent dans sa zone d'occupation : ainsi, les autoritĂ©s militaires italiennes qui occupent le sud-est de la France protĂšgent autant les Juifs français qu'Ă©trangers contre les mesures de Vichy, et elles empĂȘchent, au besoin par la force, leurs arrestations. Cette attitude sera Ă©galement suivie dans les Balkans, oĂč les Italiens ont, le plus souvent possible, protĂ©gĂ© les Juifs contre les Allemands[79].

DĂšs la fin de 1942, il est informĂ© des objectifs et des mĂ©thodes de la « solution finale ». Pour ne pas dĂ©plaire aux Allemands, il ne fait rien pour se dĂ©solidariser du gĂ©nocide, mais il fait ce qu’il peut pour Ă©viter le pire.

Entre 1943 et 1945, dans l'Ă©pilogue de la guerre civile et de la RĂ©publique sociale italienne occupĂ©e, certes il n'est plus vraiment maĂźtre de ses dĂ©cisions, otage des Allemands. Les extrĂ©mistes de son parti qui sont Ă  la tĂȘte des milices et des polices parallĂšles prĂȘtent la main aux SS et Ă  la Gestapo dans la chasse aux partisans et aux juifs qui sont dĂ©portĂ©s dans les camps de concentration nazis. Sans qu’il intervienne.

Selon les estimations du Centre de documentation juive de Milan[80] pendant la RĂ©publique sociale, hors les juifs estimĂ©s Ă  environ 2000 ayant rejoint la RĂ©sistance, 6000 Juifs purent s’expatrier en Suisse, 4000 se rĂ©fugiĂšrent au Sud, 7000 furent tuĂ©s ou dĂ©portĂ©s, mais 27000 furent cachĂ©s et sauvĂ©s : un des pourcentages les plus Ă©levĂ©s de toute l’Europe.

De la « non-belligĂ©rance » Ă  l’échec de la « guerre parallĂšle » (septembre 1939- avril 1941)

Le 1er septembre 1939, l'Allemagne envahit la Pologne, dĂ©clenchant la Seconde Guerre mondiale. Hitler a prĂ©venu Mussolini par lettre le 25 aoĂ»t en faisant appel Ă  sa « comprĂ©hension » sans faire Ă©tat de la clause du pacte d’Acier impliquant l’engagement automatique de l’Italie. Mussolini rĂ©pond que l’état des armements italiens ne lui permet pas d’entrer en guerre, mais que « son intervention peut ĂȘtre immĂ©diate » si l’Allemagne lui donne tous les armements nĂ©cessaires. Suit une liste d’ Ă©quipements Ă  livrer de nature Ă  dĂ©courager Hitler qui n’est pas dupe.

Mussolini annonce Ă  contrecoeur la « non-belligĂ©rance » de l'Italie le 1er septembre, expression qu'il choisit pour Ă©viter la « neutralitĂ© » qu'il juge dĂ©shonorante aprĂšs avoir signĂ© un pacte d'alliance dit « d'acier » (et qui n'est pas dans son tempĂ©rament). Franco reprendra l'expression pour l'Espagne le 10 juin 1940. « Les Italiens, dit-il Ă  Galeazzo Ciano[81] aprĂšs avoir Ă©coutĂ© ma propagande belliciste pendant 18 ans ne peuvent comprendre, maintenant que l’Europe est en flammes, que je me fasse le champion de la paix, cela par notre imprĂ©paration militaire dont ils me rendent Ă©galement responsable ». La population est au contraire heureuse de la dĂ©cision prise.

Au cours des mois qui suivent, Paris et Londres cherchent sans succĂšs Ă  le faire passer de la non-belligĂ©rance Ă  la neutralitĂ©. En mars, il accueille Ă  Rome le ministre allemand des Affaires Ă©trangĂšres Joachim von Ribbentrop qui le sollicite pour entrer en guerre et Ă  qui il dĂ©clare qu’il envisage de mener une « guerre parallĂšle » en MĂ©diterranĂ©e une fois lancĂ©e l’offensive allemande Ă  l’Ouest. TrĂšs mal Ă  l’aise, il confirme ses propos Ă  Hitler lors d’une rencontre le mĂȘme mois au col du Brenner mais sans fixer de date. « Le Duce subit la fascination de Hitler, Ă©crit Ciano[82], d’autant plus que cette fascination s’exerce dans le sens mĂȘme de sa nature intime : l’action. ». Mussolini ressent un profond malaise en se mettant Ă  l’écart des grands Ă©vĂšnements et voudrait y participer.

L'avant-garde des troupes italiennes franchit la frontiĂšre Ă©gyptienne.
A Rome, une carte apposée sur la colonne Trajane permet de suivre les opérations militaires italiennes en Afrique.
La stratégie italienne en Afrique orientale : la route Benghasi- Addis-Abeba et Benghasi-Asmara.

À cette date, l’armĂ©e italienne dispose de 1,6 million d’hommes avec un armement trĂšs insuffisant , particuliĂšrement en DCA, chars et canons antichars, une situation dont Mussolini est responsable , mĂȘme si peu de chefs militaires ont eu le courage de le mettre en face des rĂ©alitĂ©s. De Bono qui a inspectĂ© la frontiĂšre occidentale lui a dit que l’état de l’armĂ©e est « dĂ©sastreux du point de vue matĂ©riel et moral ».

Le succĂšs de la Blitzkrieg d’Hitler en France le dĂ©cide cependant Ă  dĂ©clarer la guerre le 10 juin pour participer au partage des dĂ©pouilles. Ciano Ă©crit : « La nouvelle de notre entrĂ©e en guerre ne surprend personne et n’éveille pas un enthousiasme excessif. Je suis triste, trĂšs triste. L’aventure commence. Que Dieu assiste l’Iltalie[83]. »

« C’est un coup de poignard Ă  un homme dĂ©jĂ  Ă  terre, dit l’ambassadeur de France AndrĂ© François-Poncet Ă  Ciano, les Allemands sont de durs maĂźtres, vous vous en apercevrez[84].»

Le 17 juin, les Français demandent l’armistice. Le Duce veut attaquer la France avant que la Wehrmacht ait remportĂ© une victoire totale. Il ordonne Ă  Badoglio qui est en position dĂ©fensive d’engager la «bataille des Alpes». Il pense que les Français dĂ©sormais Ă  genoux et infĂ©rieurs en nombre (300 000 hommes du cĂŽtĂ© italien contre 80 000 du cĂŽtĂ© français[85]) vont n’offrir qu’une rĂ©sistance symbolique. La bataille commence le 20 juin et dure 4 jours. L’offensive coĂ»te 600 morts aux Italiens qui n’arrivent Ă  conquĂ©rir qu’une mince bande de territoire dont la ville de Menton. Starace revenu du front dit que l’attaque a fourni la preuve de « l’imprĂ©paration de l’armĂ©e, du manque de moyens offensifs et de l’insuffisance du commandement ». « Si la guerre est menĂ©e de cette maniĂšre en Libye et en Éthiopie, l’avenir nous rĂ©serve beaucoup d’amertume[86] » Ă©crit Ciano.

Mussolini est humiliĂ© de l’échec de ses troupes :

« C’est la matiĂšre qui me manque. Michel-Ange avait aussi besoin de marbre pour faire ses statues. S’il n’avait eu que de l’argile, il n’aurait Ă©tĂ© qu’un potier. Un peuple qui a Ă©tĂ© asservi pendant seize siĂšcles ne saurait, en peu d’annĂ©es, devenir un peuple conquĂ©rant[87]. »

L’armistice du 25 juin se limite Ă  l’occupation de la petite zone conquise par les Italiens et la dĂ©militarisation d’une bande de 50 km. Mussolini, plus exigeant au dĂ©part, doit tenir compte de la relative modĂ©ration d’Hitler qui veut arriver rapidement Ă  une entente et n’ose pas rĂ©clamer l’occupation des zones qui l’intĂ©ressent de peur de provoquer une rupture des nĂ©gociations et compromettre ses relations avec Berlin. Il se rĂ©serve de formuler ses revendications maximalistes au moment de la confĂ©rence de paix.

Mais Churchill rejette les propositions de paix allemandes et Hitler se prĂ©pare Ă  attaquer la Grande-Bretagne. Il refuse l’aide d’un corps expĂ©ditionnaire italien que Mussolini lui propose, lui expliquant qu’il a une tĂąche plus importante en MĂ©diterranĂ©e.

Mussolini voudrait attaquer les Anglais en Égypte et en Afrique orientale. En Libye, il dispose d’une force de 200 000 hommes avec une aviation importante face aux 40 000 soldats anglais. Mais Graziani et tous ses gĂ©nĂ©raux ne s’estiment pas prĂȘts et Mussolini doit menacer de le remplacer pour qu’il entame, le 13 septembre, une offensive en direction de l’Égypte. Hitler a proposĂ© Ă  Mussolini deux divisions blindĂ©es que ce dernier a refusĂ© dans son dĂ©sir de mener une « guerre parallĂšle » indĂ©pendante du FĂŒhrer. Les Italiens pĂ©nĂštrent sur une centaine de kilomĂštres en territoire Ă©gyptien, mais sont repoussĂ©s par les Anglais le 10 dĂ©cembre Ă  la bataille de Sidi Barrani. En janvier 1941, ces derniers prennent l’offensive et la situation devient catastrophique. Les Italiens sont repoussĂ©s en CyrĂ©naĂŻque, perdent Tobrouk, Benghazi et 130 000 prisonniers.

En Afrique orientale, oĂč ils disposent au dĂ©but d’une supĂ©rioritĂ© numĂ©rique importante (325 000 hommes dont 270 000 indigĂšnes contre environ 15 000 Anglais en Somalie, au Soudan et au Kenya, les Italiens aprĂšs quelques succĂšs initiaux (voir carte ci-contre), sont battus par les Anglais qui envahissent l’Éthiopie Ă  la bataille de Keren et rĂ©tablissent l’ancien NĂ©gus, HaĂŻlĂ© SĂ©lassiĂ© sur le trĂŽne. Le duc d’Aoste qui commande l’armĂ©e italienne doit capituler le 21 mai 1941 aprĂšs la bataille d'Amba Alagi (1941).

Entretien Hitler-Mussolini de Florence le 28 octobre 1940, jour de l’attaque de la GrĂšce. Mussolini s'entretient avec les ministres des Affaires Ă©trangĂšres italien et allemand, Ciano et Ribbentrop.

Le 12 octobre 1940, Hitler envahit la Roumanie pour mettre la main sur les puits de pĂ©trole sans prĂ©venir Mussolini. Le Duce dĂ©cide d’attaquer la GrĂšce le 28 , bien qu’il sache Hitler opposĂ© Ă  une intervention italienne dans les Balkans. ll le rencontre Ă  Florence le jour de l’attaque. Hitler cachant sa colĂšre lui souhaite bonne chance, mais l’expĂ©dition tourne Ă  la catastrophe. Le corps expĂ©ditionnaire de 60 000 hommes n’arrive pas Ă  pĂ©nĂ©trer la montagne d’Épire au dĂ©but d’un hiver rigoureux et perd 20 % de ses effectifs. Le Duce doit engager 550 000 hommes pour ne pas ĂȘtre chassĂ© d’Albanie par les Grecs. « Je dois reconnaĂźtre, dit-il, que les Italiens de 1914 Ă©taient meilleurs que ceux d’aujourd’hui, ce n’est pas un bon rĂ©sultat aprĂšs 20 ans de rĂ©gime, mais c’est ainsi[88]. » Furieux, sur un coup de tĂȘte, il oblige les ministres, les membres du Grand Conseil, ceux qu'il voit tous les jours Ă  quitter leurs situations confortables et Ă  s’engager comme volontaires Ă  l’armĂ©e, provoquant mĂ©contentement et ressentiment dans les milieux dirigeants.

Aux dĂ©faites sur terre s’ajoutent celles sur mer. Le 11 septembre, l’aviation anglaise fait perdre le contrĂŽle de la MĂ©diterranĂ©e aux Italiens en attaquant la flotte au mouillage Ă  Tarente mettant hors de combat trois cuirassĂ©s et diverses unitĂ©s de moindre tonnage. Le ravitaillement indispensable des fronts de Libye et d’Éthiopie est menacĂ©.

Ciano, qui rapporte dans son Journal toutes les boutades du Duce[89], Ă©crit le 24 dĂ©cembre 1940 : « Le Duce regarde par la fenĂȘtre et il est content qu’il neige : « Cette neige et ce froid sont parfaits, ainsi les gars dĂ©biles risquent de mourir et cette mĂ©diocre race italienne s’amĂ©liorera. »

De la guerre « allemande » Ă  l’arrestation de Mussolini (1942- 25 juillet 1943)

Devant l’échec de sa guerre parallĂšle, Mussolini doit faire appel Ă  l'aide d'Hitler qu'il rencontre les et Ă  Berchtesgaden. « Au retour, Mussolini est grisĂ© comme il l’est aprĂšs chaque rencontre avec Hitler[90]» Ă©crit Ciano..

En peu de temps la situation s’amĂ©liore. Il ne faut que trois semaines Ă  la Wehrmacht pour occuper la Yougoslavie et la GrĂšce. Mussolini obtient le droit d'annexer la cĂŽte dalmate, la province de Ljubljana et le Kosovo, d'Ă©tablir un protectorat de fait sur la Croatie et le MontĂ©nĂ©gro et d'occuper la CrĂšte et la plus grande partie de la GrĂšce. En Libye, l’Afrikakorps commandĂ© par Erwin Rommel dĂ©barque avec deux divisions blindĂ©es et chasse les Anglais de CyrĂ©naĂŻque, reprenant Benghazi, mais pas Tobrouk.

Mussolini est Ă  la fois reconnaissant et humiliĂ©. Le , au Brenner, il rencontre Hitler qui lui a fait savoir qu’il voulait le voir le plus vite possible. À l'issue de l'entretien, il est satisfait de constater que la cordialitĂ© n’a pas diminuĂ© entre eux mais avoue Ă  Ciano :

« Personnellement je suis dĂ©goĂ»tĂ© de Hitler et de ses maniĂšres. Ces entrevues prĂ©cĂ©dĂ©es d’un coup de sonnette ne me plaisent pas ; ce sont les domestiques que l’on appelle ainsi. Et quelle espĂšce d’entrevue. Pendant cinq heures je dois assister Ă  un monologue, tout Ă  fait ennuyeux et inutile. Hitler a parlĂ© pendant des heures de choses qui avaient un lien plus ou moins lointain avec la guerre, mais il n’avait pas d’ordre du jour, il n’étudiait aucun problĂšme, ne prenait aucune dĂ©cision (
) Pour le moment, il n’y a rien Ă  faire. Il faut hurler avec les loups[91]. »

Le , Hitler attaque l'Union soviĂ©tique (opĂ©ration Barbarossa). Mussolini n’est prĂ©venu que par lettre reçue Ă  3 heures du matin. « Moi, je ne me permettrais pas de dĂ©ranger mes domestiques pendant la nuit, mais les Allemands me font sauter de lit sans le moindre Ă©gard[92]. » TrĂšs enthousiaste et alors que rien ne l’y oblige, il prend la dĂ©cision d’envoyer immĂ©diatement un corps expĂ©ditionnaire, le CSIR, d'environ 60 000 hommes alors que Hitler qui croit alors Ă  une victoire rapide, se passerait volontiers de l’aide italienne. De mĂȘme, le , quelques jours aprĂšs l’attaque par le Japon de la flotte amĂ©ricaine Ă  Pearl Harbor, il prend la dĂ©cision de dĂ©clarer la guerre aux États-Unis avant mĂȘme les Allemands, alors que le pacte tripartite ne l’y oblige pas, le Japon n’ayant pas Ă©tĂ© attaquĂ©. « Mussolini a parlĂ© du balcon; un discours bref et tranchant qui tombait sur une place regorgeant de monde. Le peuple a manifestĂ© des sentiments de sympathie Ă  l’égard des Japonais, car les nouvelles de leurs victoires ont excitĂ© l’imagination des Italiens. Dans son ensemble, pourtant, la manifestation n’a pas Ă©tĂ© trĂšs chaleureuse[92]. »

En , Rommel passe Ă  l’attaque en Libye. Les troupes italo-allemandes rĂ©alisent une avancĂ©e victorieuse (bataille de Gazala), qui provoque la chute de Tobrouk et la reddition de 33 000 Anglais. Rommel fonce alors vers le Caire et Mussolini se voit dĂ©jĂ  y faisant une entrĂ©e triomphale. Il part pour la Libye mais doit rentrer Ă  Rome au bout de trois semaines complĂštement dĂ©primĂ©, Rommel Ă©tant bloquĂ© devant El-Alamein (premiĂšre bataille d'El Alamein). DĂ©but , l’offensive anglaise de Montgomery est impossible Ă  contenir. La Libye est rapidement perdue.

Rencontre avec Adolf Hitler en avril 1943 au chĂąteau de Klessheim, prĂšs de Salzbourg. Goebbels vient de dĂ©clarer la Â« guerre totale ». Mussolini est usĂ©, il se sait discrĂ©ditĂ© et se sent perdu. Le FĂŒhrer lui fait une «transfusion sanguine[93] » mais prĂ©pare l’opĂ©ration Alaric qui prĂ©voit l’occupation de la pĂ©ninsule en cas de renversement du Duce.

En Russie, le problĂšme des effectifs se pose maintenant pour l’armĂ©e allemande. Mussolini porte le contingent italien transformĂ© en armĂ©e italienne en Russie (ARMIR) Ă  plus de 200 000 hommes sous le commandement du gĂ©nĂ©ral Italo Gariboldi. Pendant la bataille de Stalingrad, les Italiens sont engagĂ©s sur le Don en protection de l’aile gauche de l’armĂ©e allemande. BousculĂ©s et encerclĂ©s en dĂ©cembre par l’offensive russe (opĂ©ration Saturne), ils se battent vaillamment et perdent plus de la moitiĂ© de leurs effectifs.

En l’espace de quelques mois, l’Axe a subi deux graves dĂ©faites : Stalingrad et la Tunisie oĂč les armĂ©es italo-allemandes capitulent. En Italie, ces dĂ©faites ainsi que le poids Ă©conomique de la guerre (rationnement alimentaire, forte hausse des prix, impĂŽts nouveaux) et les bombardements des villes italiennes qui font des dizaines de milliers de victimes entament profondĂ©ment le moral de la population qui considĂšre Mussolini comme l’unique responsable de ses malheurs. Au printemps 1943, le rĂ©gime a du mal Ă  Ă©touffer des grĂšves ouvriĂšres orchestrĂ©es par L'UnitĂ , l’organe clandestin du Parti communiste italien.

Dans ce contexte, des chefs militaires proches du roi et l’ancienne classe dirigeante qui s’étaient alliĂ©s au rĂ©gime en 1922, cherchent Ă  Ă©carter Mussolini du pouvoir et Ă  faire sortir l’Italie de la guerre, convaincus que l’alliance allemande conduit le pays Ă  la catastrophe. Des dirigeants fascistes modĂ©rĂ©s aussi. En fĂ©vrier, Mussolini renvoie neuf des douze ministres du gouvernement qui lui paraissent peu sĂ»rs, dont trois poids lourds : Dino Grandi, Giuseppe Bottai et son gendre Galeazzo Ciano dont les Allemands souhaitent depuis longtemps le remplacement aux Affaires Ă©trangĂšres. Grandi et Bottai, qui reprĂ©sentent la droite et la gauche du fascisme[94] et qui ne s’aiment pas, se rapprochent Ă  cette occasion et nouent des relations avec le roi. Le dĂ©barquement en Sicile le et la rapide avance des AlliĂ©s accĂ©lĂšrent les choses.

Pour renvoyer Mussolini et nommer un nouveau Premier ministre, le roi veut un prĂ©texte constitutionnel, par exemple un vote qui le mettrait en minoritĂ©. Les chefs fascistes conjurĂ©s se rendent chez le Duce et arrivent Ă  le convaincre de rĂ©unir le Grand Conseil du fascisme qui n’a pas Ă©tĂ© rĂ©uni depuis 1939.

La rĂ©union est fixĂ©e au pour attendre les rĂ©sultats de l’entrevue avec Hitler prĂ©vue le 19 Ă  Feltre en VĂ©nĂ©tie, rĂ©union pendant laquelle Rome est bombardĂ©e pour la premiĂšre fois. Les conseillers qui l'accompagnent[95]et qui sont du complot espĂšrent que Mussolini demandera au FĂŒhrer l'autorisation de sonder les AlliĂ©s en vue d'un armistice, mais le Duce s'y refuse. « Tant que cet homme tient la barre, je crois que nous n’avons pas de souci Ă  nous faire quant Ă  la rĂ©solution politique de l’Italie », Ă©crit dans son Journal Joseph Goebbels, qui ajoute : « Le problĂšme de l’Italie disparaĂźtrait si le Duce Ă©tait jeune et souple. Mais Mussolini est devenu un vieillard usĂ©[96]. »

Le Grand Conseil du fascisme (ici en mai 1936) se réunit dans la salle du Papagallo (du Perroquet) au palais de Venise.
Extrait du vote nominatif du 24 juillet 1943 mettant en minorité Mussolini, qui n'a pas exercé son droit de vote.

Dans la journĂ©e du 21, les conjurĂ©s prĂ©parent l’ordre du jour qu’ils se proposent de soumettre au Grand Conseil : abolition de la dictature personnelle, direction collĂ©giale, le roi devant « assumer toutes les initiatives suprĂȘmes de dĂ©cision ». La motion est prĂ©sentĂ©e Ă  Mussolini qui la trouve « lĂąche et inacceptable ». Il est informĂ© des bruits de complot qui circulent et des menaces sur son pouvoir et sa personne, mais ne il fait rien pour faire face Ă  la situation.

La réunion commence à 17 h 15 le et se termine à 2 h 40 le . Plusieurs conjurés, craignant pour leur vie, sont armés : Grandi a deux grenades dans les poches de sa saharienne, Ciano deux dans sa sacoche et Bottai une. La réunion est dramatique. Mussolini parle pendant prÚs de deux heures justifiant ses actions passées et encourageant à la résistance. AprÚs lui parlent plusieurs orateurs, puis Grandi présente sa motion et apostrophe violemment le Duce, le désignant du doigt :

« VoilĂ  oĂč toi, toi et toi seul (tu, tu e tu solo...) nous as conduits ! (
) Qu’as-tu fait au cours des 17 annĂ©es oĂč tu as tenu les trois ministĂšres militaires ? (
) Tu nous as conduis dans le sillage de Hitler. Le peuple italien a Ă©tĂ© trahi par toi le jour oĂč l’Italie a commencĂ© Ă  se germaniser. Tu as abandonnĂ© la voie d’une collaboration sincĂšre et loyale avec l’Angleterre et tu nous as abandonnĂ©s en t’enfonçant dans une guerre contraire Ă  l’honneur, aux intĂ©rĂȘts et aux sentiments du peuple italien[97]. »

Ciano rappelle ensuite toutes les trahisons dont l’Italie a Ă©tĂ© victime de la part de l’Allemagne. L’ordre du jour Grandi est mis aux votes vers 2 heures du matin et obtient 19 voix favorables, 7 contraires et 1 abstention. Mussolini sans exercer son droit de vote met fin Ă  la rĂ©union en disant : « Messieurs, vous avez provoquĂ© la crise du rĂ©gime ».

Les raisons de la passivitĂ© de Mussolini font encore aujourd'hui l'objet de discussions dans la communautĂ© historique[98]. Ainsi, son absence de reprĂ©sailles envers ceux qui ont votĂ© l’ordre du jour. Croit-il pouvoir redresser la situation ? Le vote du Grand Conseil n’est que consultatif et le roi n’a manifestĂ© aucune intention de vouloir se sĂ©parer de lui. Est-il prĂȘt Ă  quitter le pouvoir devant la faillite de la guerre ? À cette date, il est dans un Ă©tat dĂ©pressif. Ses douleurs d’estomac, sans doute d’origine nerveuse, se sont aggravĂ©es au point que l’on commence Ă  parle de cancer et il ne prend plus que des aliments liquides.

Dans la matinĂ©e, le roi signe le dĂ©cret nommant l’ancien chef d’état-major Pietro Badoglio chef du gouvernement avec les pleins pouvoirs militaires. Mussolini, qui l'ignore, se rend Ă  l'audience royale Ă  17 heures. L’entretien dure 20 minutes. Le roi l’informe que le vote le place dans l’obligation de lui nommer un successeur et ajoute : Â« vous ĂȘtes devenu l’homme le plus dĂ©testĂ© d’Italie. Je veillerai Ă  vous protĂ©ger de la fureur populaire. » À sa sortie, le Duce est arrĂȘtĂ© par un officier des carabiniers qui le fait monter dans une ambulance et le conduit dans une caserne sous haute surveillance.

La rĂ©publique de SalĂČ (septembre 1943-avril 1945)

DĂšs l’annonce Ă  la radio, le soir mĂȘme de « la dĂ©mission » de Mussolini « acceptĂ©e » par le roi, le rĂ©gime s’effondre brutalement et on commence Ă  dĂ©truire Ă  Rome les emblĂšmes fascistes. Les dirigeants fascistes dont le vote a permis au roi de reprendre en main la direction des affaires doivent s’enfuir, y compris Grandi et Ciano qui croyaient avoir un rĂŽle Ă  jouer dans le nouveau gouvernement.

AprĂšs 45 jours de confusion, Badoglio annonce l’armistice le , une des clauses prĂ©voyant la livraison de Mussolini aux AlliĂ©s. Le lendemain, le roi et son entourage quittent Rome, abandonnant les troupes sans leur donner d’ordres prĂ©cis[99], pour rejoindre Brindisi dans les Pouilles, dĂ©jĂ  aux mains des AlliĂ©s. Les Allemands occupent les trois quarts de l’Italie, y compris Rome oĂč la rĂ©sistance des troupes italiennes est acharnĂ©e. Le petit royaume du Sud sous la tutelle des Anglo-AmĂ©ricains dĂ©clare la guerre Ă  l'Allemagne le .

L'Albergo Campo Imperatore vers 1940. Ancienne forteresse amĂ©nagĂ©e en station de sports d’hiver et redevenue pour Mussolini une prison.
Mussolini quitte l'Albergo Campo Imperatore le 12 septembre 1943 pour décoller du Mont Sasso.
Mussolini dans l'avion Fieseler Fi 156 "Storch" prĂȘt Ă  dĂ©coller.
Hitler accueille Mussolini le 14 septembre 1943 aprĂšs son enlĂšvement par le commando parachutiste de Skorzeny.

AprĂšs son arrestation, Mussolini est conduit dans le plus grand secret d’un lieu de dĂ©tention Ă  l’autre, les services de renseignements n’ignorant pas que Hitler a ordonnĂ© de le dĂ©livrer. Le FĂŒhrer a confiĂ© cette tĂąche au capitaine SS autrichien Otto Skorzeny, qui a aussitĂŽt rejoint en Italie la division de parachutistes du gĂ©nĂ©ral Kurt Student pour constituer un commando d’une trentaine d’hommes. DĂ©tenu sur l’üle de Ponza au large du Latium, puis sur l’üle de La Maddalena en Sardaigne, il est transfĂ©rĂ© fin aoĂ»t dans les montagnes du Gran Sasso des Abruzzes, Ă  l’hĂŽtel de sports d’hiver Campo Imperatore Ă  2 130 m d’altitude, lieu jugĂ© plus sĂ»r car accessible seulement par un tĂ©lĂ©phĂ©rique gardĂ© et une mauvaise route de montagne.

Une double opĂ©ration (opĂ©ration Eiche) est montĂ©e pour dĂ©livrer Mussolini : une unitĂ© de parachutistes commandĂ©e par le colonel Harald Mors part de la vallĂ©e tandis que Skorzeny et son commando sont embarquĂ©s sur dix planeurs DFS 230 pour ĂȘtre larguĂ©s Ă  proximitĂ© de l’hĂŽtel. Le , Ă  14 heures, les planeurs rĂ©ussissent l’exploit d'atterrir devant l’hĂŽtel et Mussolini est dĂ©livrĂ© sans rĂ©sistance de la part de ses gardiens. Pour Ă©vacuer le prisonnier, la route n’étant pas sĂ»re, un avion d’observation Fieseler Fi 156 Storch conduit par le pilote personnel du gĂ©nĂ©ral Student, le capitaine Heinrich Gerlach, vient chercher le Duce. Le dĂ©collage du Mont Sasso est un autre exploit : l’appareil surchargĂ©, Skorzeny ayant exigĂ© d’accompagner Mussolini, n’arrive pas Ă  dĂ©coller de l’étroit plateau et se lance dans le vide, ne se redressant qu’aprĂšs une chute de plusieurs centaines de mĂštres.

Mussolini retrouve sa famille Ă  Munich le et rencontre Hitler le lendemain Ă  Rastenburg. Il est fatiguĂ©, dĂ©couragĂ©, dĂ©primĂ©. Hitler souhaite son retour au pouvoir alors que son entourage prĂ©fĂ©rerait d’autres possibilitĂ©s. Il le presse d’annoncer Ă  la radio que la monarchie est dĂ©posĂ©e et que l’État fasciste italien est nĂ©, État oĂč il concentrerait tous les pouvoirs. Comme Mussolini ne paraĂźt pas dĂ©cidĂ©, Hitler doit le menacer de faire subir Ă  l’Italie le sort de la Pologne. Pour Ă©viter le pire, Mussolini accepte ce qui est exigĂ© de lui[100].

Goebbels Ă©crit dans son Journal le :

« Le FĂŒhrer me raconte en dĂ©tail la visite du Duce (
) Le FĂŒhrer croyait que le Duce s’empresserait d’organiser un grand procĂšs contre ceux qui l’ont trahi. Mais il n’en a rien fait ce qui montre les limites de ses possibilitĂ©s. Il n’est pas un rĂ©volutionnaire Ă  la maniĂšre du FĂŒhrer ou de Staline (
) Le FĂŒhrer a eu beaucoup de mal Ă  le convaincre que Grandi, par exemple, l’avait trahi sciemment, lui et le Parti fasciste. Dans un premier temps, le Duce ne voulait pas le croire (
) Le FĂŒhrer est extrĂȘmement déçu de la conduite du Duce (
) J’en suis trĂšs satisfait car il est dĂ©sormais plus facile pour nous de prendre certaines dĂ©cisions que nous n’aurions peut-ĂȘtre pas prises sans cette Ă©volution du Duce. »

Il ajoute :

« Le professeur Morell (Ndlr : le mĂ©decin personnel d’Hitler Theodor Morell) l’a longuement examinĂ©. Il n’a constatĂ© chez lui que des problĂšmes de circulation, du surmenage et des troubles intestinaux : en somme les affections typiques de l’homme rĂ©volutionnaire de notre temps, des affections dont nous souffrons tous plus ou moins. Le mal est Ă  un stade avancĂ© chez le Duce. Mais Morell estime qu’il peut complĂštement guĂ©rir. »

Le , Ă  la radio de Munich, Mussolini proclame la RĂ©publique sociale italienne. Le Parti fasciste rĂ©publicain est confiĂ© Ă  Alessandro Pavolini. Un gouvernement avec des personnalitĂ©s de second plan, sauf Rodolfo Graziani imposĂ© par les Allemands comme ministre de la Guerre, Guido Buffarini Guidi Ă  l’intĂ©rieur et Pavolini qui a rang de ministre et tient l’essentiel du pouvoir entre ses mains. La nouvelle Ă©quipe s’installe sur les rives du lac de Garde plus Ă©loignĂ© de la ligne de front, en particulier Ă  SalĂČ qui donnera son nom historique Ă  l’éphĂ©mĂšre rĂ©publique. Mussolini s’installe dans une splendide villa appartenant aux Feltrinelli prĂšs de Gargnano, les bureaux de la prĂ©sidence Ă©tant situĂ©es Ă  la villa Orsoline au centre de l’agglomĂ©ration.

La prioritĂ© est donnĂ©e Ă  la reconstitution de la Milice, transformĂ©e en garde nationale rĂ©publicaine (GNR) d’un effectif de 140 000 hommes sous le commandement d’un dur, Renato Ricci, qui sera essentiellement utilisĂ©e dans la lutte contre les partisans. En , sont crĂ©Ă©es avec les inscrits au Parti de 18 Ă  60 ans, des Brigate Nere (brigades noires) rĂ©unissant 11 000 hommes sous les ordres de Pavolini. Graziani a plus de difficultĂ©s Ă  constituer une armĂ©e rĂ©guliĂšre, les Allemands prĂ©fĂ©rant utiliser les Italiens comme main d’Ɠuvre dans les usines d’armement du Reich plutĂŽt que comme soldats. Il parvient Ă  constituer quatre divisions de volontaires entraĂźnĂ©es en Allemagne qui se battront contre les AlliĂ©s et leur infligeront des pertes rĂ©elles[101].

Le , se tient Ă  VĂ©rone le premier congrĂšs du Parti fasciste rĂ©publicain, au cours duquel est adoptĂ© le manifeste de VĂ©rone, revenant au programme anticapitaliste des fasci de 1919[102]. Mussolini a participĂ© Ă  la rĂ©daction du manifeste mais ne s’est pas dĂ©rangĂ©. Le programme ne sera pas appliquĂ© et le Duce, incapable de s’émanciper de l’occupant, se dĂ©tournera de son rĂŽle de simple figurant.

SexagĂ©naire, il est Ă  peu prĂšs en forme grĂące aux soins d’un mĂ©decin militaire allemand envoyĂ© par Hitler[103], mĂȘme s’il alterne des phases de dĂ©pression profonde et des moments d’espoir et d’excitation. Il Ă©crit beaucoup, un Ă©norme courrier Ă  ses collaborateurs, des articles, son dernier livre, Histoire d’une annĂ©e oĂč il dĂ©nonce les responsables de sa chute, des traductions des livrets de Wagner et de la Chartreuse de Parme[104]. Il accorde de nombreuses interviews, en particulier Ă  son ami le journaliste Carlo Silvestri (120 heures d'entretiens en une cinquantaine de sĂ©ances).

Nature ardente, insoumise, un peu exhibitionniste aussi, Edda Ciano est la fille chĂ©rie du Duce. Elle le traitera de fou et d’assassin lors du procĂšs de VĂ©rone.

Lors du congrĂšs, il a Ă©tĂ© dĂ©cidĂ© d’instituer un tribunal spĂ©cial pour juger et chĂątier les membres du Grand Conseil qui avait votĂ© l’ordre du jour Grandi et que l’on avait pu attraper. Entre le 8 et le 10 janvier 1944, se tient le procĂšs de VĂ©rone, une mascarade juridique orchestrĂ©e par les ultras du Parti, Farinacci et Pavolini : cinq des six accusĂ©s sont condamnĂ©s Ă  mort, dont le gendre du Duce, Galeazzo Ciano. Mussolini n’intervient pas dans le procĂšs, malgrĂ© les supplications de sa fille, pour ne pas perdre la face devant Hitler et ce qui lui reste d’autoritĂ© chez ses partisans purs et durs, et laisse fusiller son gendre dans le dos, les mains liĂ©s Ă  une chaise.

Mussolini parlant Ă  un jeune milicien en 1944.

Pendant dix-huit mois, l’Italie va ĂȘtre divisĂ©e en deux, de part et d’autre de la ligne de front : ligne Gustav Ă  la hauteur du Latium et des Abruzzes, puis en , aprĂšs la prise de Rome par les AlliĂ©s, la ligne gothique (Pise-Rimini). Dans l’Italie fasciste, les premiers groupes de partisans, constituĂ©s avec les communistes et d’autres antifascistes et coordonnĂ©s par un ComitĂ© de libĂ©ration nationale se constituent et mĂšnent des actions de sabotage et de guĂ©rilla, entraĂźnant rafles, tortures, reprĂ©sailles et massacres de la part des Brigades noires, des SS et de la Gestapo.

Mussolini, relĂ©guĂ© au rang de simple exĂ©cutant des volontĂ©s de Hitler, demande Ă  le rencontrer pour obtenir une plus grande marge d’autonomie. Hitler le reçoit le mais il n’obtient que de vagues promesses. En , il se rend en Allemagne pour inspecter les quatre divisions italiennes que les Allemands ont entraĂźnĂ©es et prononce des discours martiaux acclamĂ© par les rĂ©giments en grande tenue. Son entretien du avec Hitler, qui vient d’échapper Ă  un attentat Ă  la bombe, est l’ultime rencontre des deux dictateurs. Avant de le quitter, Hitler lui dit : « Je sais que je puis compter sur vous. Je vous prie de me croire quand je vous dis que je vous considĂšre comme mon meilleur, et peut-ĂȘtre comme le seul ami que j’aie au monde[105].

Le , au thĂ©Ăątre lyrique de Milan, Mussolini prononce un de ses derniers discours publics devant une assistance de 4 000 personnes[106]. À la sortie, il s’exhibe sans protection rapprochĂ©e pour son dernier bain de foule.

Il dit à la journaliste Maddalena Mollier venue l’interviewer - en la priant de ne bien vouloir publier son article qu'aprùs sa mort :

« Pour moi, les seules portes qui s’ouvriront sont celles de la mort. Et cela est juste. Je me suis trompĂ© et je paierai, si ma pauvre vie vaut encore quelque chose (
) Je suis responsable, autant de ce que j’ai fait de bien, et que personne ne peut nier, que de mes faiblesses et de ma dĂ©chĂ©ance. Oui, madame, mon Ă©toile s’est couchĂ©e. Je travaille, je m’affaire, en sachant que tout est farce. J’attends la fin de la tragĂ©die, et – Ă©trangement dĂ©tachĂ© de tout - je ne me sens plus acteur, mais seulement le dernier spectateur[107]. »

La fin (avril 1945)

DerniÚre photo de Mussolini quittant la préfecture de Milan le 25 avril 1945.

En , les armĂ©es alliĂ©es reprennent l’offensive et la ligne gothique est rompue. Le , une insurrection gĂ©nĂ©rale commence en Italie du Nord orchestrĂ©e par le ComitĂ© de libĂ©ration nationale Nord Italie. Mussolini quitte le lac de Garde et s’installe Ă  la prĂ©fecture de Milan.

Des tractations menĂ©es par lui-mĂȘme et quelques ministres, le , Ă  l’archevĂȘchĂ© sous la protection du cardinal Schuster, avec des reprĂ©sentants de la RĂ©sistance Ă©chouent. Les Allemands nĂ©gocient pour leur compte avec les AlliĂ©s abandonnant la RĂ©publique sociale Ă  son sort. L’insurrection va Ă©clater Ă  Milan.

Mussolini dĂ©cide de fuir mais n’a pas de plan prĂ©cis. Il refuse de partir en avion en Espagne[108]. A-t-il peur d’ĂȘtre livrĂ© aux AlliĂ©s par Franco ? Les Suisses lui ont fait savoir que leur frontiĂšre Ă©tait fermĂ©e et qu’il serait refoulĂ©.

Le soir du 25, il donne l’ordre de partir pour CĂŽme en direction de la Valteline, dernier « rĂ©duit ». La colonne se compose d’une dizaine de voitures, dont l’Alfa Romeo dĂ©couverte du Duce, et deux blindĂ©s allemands transportant sa garde SS. Il doit ĂȘtre rejoint par Alessandro Pavolini et ses chemises noires : 200 vĂ©hicules, un peu d’artillerie et quelques blindĂ©s.

À CĂŽme, premiĂšre halte de nuit. Il est rejoint par Guido Buffarini Guidi et surtout Clara Petacci ce qui suscite son irritation. Il sait que tout est fini. Il Ă©crit Ă  sa femme : « Me voici parvenu Ă  la derniĂšre phase de ma vie[109] ». À 4 h 30, le , le convoi repart vers Menaggio, tourne autour de la frontiĂšre suisse sans oser s’y prĂ©senter. Ses compagnons commencent Ă  le quitter. Buffarini Guidi, essaie de passer en Suisse. RefoulĂ©, il est arrĂȘtĂ© par les rĂ©sistants et fusillĂ© Ă  Milan le . Rodolfo Graziani rentre Ă  Milan oĂč il se rend aux AmĂ©ricains.

À Menaggio, la colonne est grossie par une trentaine de camions allemands transportant un dĂ©tachement de 200 soldats refluant vers le Brenner. Les fugitifs attendent Ă  Grandola l’arrivĂ©e de Pavolini qui arrive le 27 vers 4 heures dans un gros vĂ©hicule blindĂ©, presque seul, ses chemises noires Ă©tant restĂ©s Ă  CĂŽme en refusant d’aller plus loin.

Mussolini dĂ©cide de se joindre au dĂ©tachement allemand. Il abandonne son Alfa Romeo et monte dans le blindĂ© de Pavolini avec Clara et deux mallettes qu’il ne quitte jamais.

Le Ă  7 heures, la colonne est arrĂȘtĂ©e Ă  Musso par un barrage de partisans, avant-poste de la 52e brigade Garibaldi. Les Allemands sont plus nombreux mais n’ont pas envie de combattre et sont impatients de repartir. Selon les instructions du Conseil de la RĂ©sistance, les partisans sont prĂȘts Ă  laisser passer les Allemands, mais pas les Italiens. Un accord est conclu : les voitures seront inspectĂ©es Ă  Dongo, quelques kilomĂštres plus loin. Le lieutenant SS Birzer, qui commande la garde de Mussolini, lui suggĂšre de prendre place au fond d’un vĂ©hicule de la colonne allemande Ă©quipĂ© d'une capote de la Luftwaffe et d'un casque allemand.

Croix marquant l'emplacement de l’exĂ©cution du Duce et de Clara Petacci Ă  la villa Belmonte.
Les corps de Benito Mussolini et Clara Petacci exposés au Piazzale Loreto (deuxiÚme et troisiÚme à partir de la gauche). Les photos de cette exhibition macabre font immédiatement le tour du monde.

La colonne est Ă  nouveau arrĂȘtĂ©e Ă  Dongo. Pendant l'inspection, Mussolini est reconnu. La nouvelle de son arrestation est communiquĂ©e aux chefs de la RĂ©sistance Ă  Milan Ă  qui on demande des instructions dans la nuit du 27 au 28. Les AlliĂ©s le rĂ©clament en vertu des clauses de la convention d’armistice pour le traduire devant un tribunal international (Winston Churchill, favorable Ă  une exĂ©cution immĂ©diate, a dĂ» se rallier Ă  la position de Franklin D. Roosevelt).

À partir de ce moment, rapports et tĂ©moignages se contredisent. Les Ă©lĂ©ments suivants semblent Ă  peu prĂšs certains[110] :

  • La dĂ©cision d’exĂ©cuter Mussolini est prise Ă  Milan par l’aile dure de la RĂ©sistance, oĂč les communistes jouent un rĂŽle primordial. Elle sera entĂ©rinĂ©e aprĂšs coup par l’ensemble des membres du ComitĂ© de libĂ©ration nationale alors qu’en rĂ©alitĂ© l’ordre Ă©tait de ramener Mussolini vivant Ă  Milan. L’ordre d’exĂ©cution est confiĂ© Ă  deux militants de l’état-major du mouvement insurrectionnel, le « colonel Valerio » (Walter Audisio[111]) et « Guido » (Aldo Lampredi), un ancien des brigades internationales passĂ© par l’école des cadres de Moscou, qui partent avec une douzaine de partisans pour Dongo oĂč ils arrivent Ă  14 heures.
  • Le chef de la 52e brigade Garibaldi qui a arrĂȘtĂ© Mussolini, le « commandant Pedro » ( comte Pier Luigi Bellini delle Stelle), veut remettre son prisonnier aux autoritĂ©s italiennes pour un procĂšs. Il cache ses deux prisonniers dans une ferme d’agriculteurs des environs car Clara Petacci l’a suppliĂ© d’ĂȘtre rĂ©unie Ă  son amant, Ă  la surprise de ce dernier : « Vous ici, signora, pourquoi ? » « Pour ĂȘtre avec vous, Excellence. » ou « Pour mourir avec vous, Excellence. » selon d’autres versions.
  • Le commandant Pedro essaie de rĂ©sister quand Valerio et ses hommes arrivent pour fusiller le Duce, mais finit par cĂ©der pour Ă©viter une fusillade entre partisans. Vers 16 heures, le 28 avril, Valerio fait irruption dans la ferme. Les prisonniers, qui sont couchĂ©s dans leur chambre, doivent monter dans une voiture qui parcourt quelques centaines de mĂštres avant de s’arrĂȘter devant la grille d’une villa oĂč ils sont exĂ©cutĂ©s. Valerio retourne Ă  Dongo pour faire exĂ©cuter sur la place les quinze dirigeants fascistes, dont Pavolini, qui ont aussi Ă©tĂ© arrĂȘtĂ©s.
  • Les deux mallettes que Mussolini portait avec lui lors de son arrestation ont disparu et n’ont jamais Ă©tĂ© retrouvĂ©es, mais ont suscitĂ© de nombreuses spĂ©culations. Une sĂ©rie de tĂ©moignages sur leur contenu font Ă©tat pour la premiĂšre d’une somme importante d’argent liquide et pour la seconde de dossiers sensibles, dont une correspondance avec Churchill, que Mussolini aurait pu utiliser pour sa dĂ©fense au cours d’un Ă©ventuel procĂšs devant un tribunal alliĂ©.

Les dĂ©pouilles ramenĂ©es Ă  Milan sont exposĂ©es sur la place Loreto oĂč, le , les miliciens de SalĂČ avaient fusillĂ© quinze partisans qui Ă©taient restĂ©s exposĂ©s au sol pendant 24 heures. La pendaison par les pieds aura lieu quelques heures plus tard pour empĂȘcher la foule de mutiler les corps.

Personnalité

Un rapport de police[112] adressé au président du Conseil Orlandi en 1919 le décrit ainsi :

« Il est trĂšs intelligent, circonspect, calculateur, indiffĂ©rent Ă  l’argent si ce n’est pour corrompre ; mais Ă©galement sensuel, Ă©motif, vindicatif, dĂ©vorĂ© par l’ambition. Il veut dominer, convaincu de reprĂ©senter une force essentielle dans le destin de l’Italie, et n’acceptera jamais de jouer les seconds rĂŽles. »

D'origine populaire et rurale, il possÚde plusieurs traits de personnalité notables :

  • Une certaine maladresse en sociĂ©tĂ© malgrĂ© la frĂ©quentation prolongĂ©e de la bourgeoisie milanaise, puis romaine et les leçons de comportement mondain qui lui ont Ă©tĂ© prodiguĂ©es en particulier par Margherita Sarfatti et une toilette et tenue vestimentaire longtemps nĂ©gligĂ©es.
  • Une frĂ©nĂ©sie d’apprendre et un appĂ©tit pour la lecture pour compenser les carences de son Ă©ducation dont il souffre, n’ayant pas fait d’études classiques et universitaires comme la plupart des hommes politiques de son Ă©poque.
  • La superstition, comme son pĂšre et beaucoup d’Italiens de l'Ă©poque. Il croit aux jours fastes et nĂ©fastes, consulte son horoscope.
  • Une timiditĂ© qui conditionne son goĂ»t pour la solitude ou du moins la distance.
  • Une brutalitĂ© naturelle et un caractĂšre emportĂ© et violent. Ses colĂšres sont redoutĂ©es et sa rancune tenace. Il traite les notabies du rĂ©gime — sĂ©nateurs, acadĂ©miciens, membres de la direction du parti, etc. — sans mĂ©nagement, les obligeant par exemple en 1932 Ă  monter la garde Ă  l’entrĂ©e de l’exposition de la RĂ©volution fasciste, oĂč l’on voit Guglielmo Marconi et Luigi Pirandello prendre leur tour de faction. En 1941, la campagne de GrĂšce tournant Ă  la catastrophe, il oblige tous ses ministres et hiĂ©rarques fascistes Ă  se porter volontaires pour le front.

Nourri de culture rĂ©volutionnaire, ayant vĂ©cu comme une humiliation la sĂ©grĂ©gation au collĂšge des pĂšres salĂ©siens puis dans sa vie professionnelle et son exil forcĂ© en Suisse, il conserve Ă  l’égard de la bourgeoisie (qui s’est ralliĂ©e majoritairement au fascisme en 1922) une animositĂ© et un esprit de revanche que le temps et les compensations du pouvoir ne feront pas disparaĂźtre. « Je ne nie pas, dĂ©clare-t-il en 1934, l’existence de tempĂ©raments bourgeois, j’exclus qu’ils puissent ĂȘtre fascistes. Le credo du fasciste est l’hĂ©roĂŻsme, celui du bourgeois l’égoĂŻsme. Contre ce danger, il n’y a qu’un remĂšde : le principe de la rĂ©volution permanente[113]. »

Famille

Mussolini, en culotte de cheval et bottes de cuir, pose en chef de famille nombreuse, unie et heureuse. La réalité est sensiblement différente.

Mussolini a Ă©pousĂ© Rachele Guidi (1890-1979), petite paysanne romagnole, fille de la compagne de son pĂšre, en dĂ©cembre 1915 aprĂšs six ans de vie commune, d’abord civilement, puis religieusement en 1925, une fois devenu le chef du parti de l'ordre et le gardien des valeurs traditionnelles. Il a d’elle cinq enfants, Edda nĂ©e en 1910, Vittorio (1916), Bruno (1918), Romano (1927) et Anna Maria (1929).

Rachele et ses enfants sont restĂ©s Ă©loignĂ©s de la vie publique du Duce. Il faudra sept ans aprĂšs son arrivĂ©e Ă  Rome pour qu’elle soit autorisĂ©e Ă  le rejoindre et Ă  s’installer, avec lui et ses enfants, Ă  la villa Torlonia oĂč ils occupent des appartements sĂ©parĂ©s et oĂč Mussolini aime prendre seul ses rapides repas. En 14 ans, elle n'est admise que deux fois au palais de Venise pour assister Ă  des dĂ©filĂ©s militaires alors que Clara Petacci y a un appartement privĂ©. La premiĂšre apparition officielle de Donna Rachelle, sorte de titre de premiĂšre dame, sera Ă  l’occasion du mariage d’Edda avec Galeazzo Ciano en 1930.

Il y a un accord tacite entre eux : Mussolini mĂšne Ă  sa guise sa vie personnelle tandis qu’elle s’occupe des enfants et administre le domaine (une prospĂšre propriĂ©tĂ© agricole achetĂ©e en Romagne avec les revenus du Popolo d’Italia) et les ressources familiales, d’autant plus que son mari y est indiffĂ©rent. Mussolini aime son optimisme, sa vitalitĂ©, son autoritĂ© dissimulĂ©e et d’autant plus efficace, son intuition mais, entre eux, la distance culturelle ne fait que s’élargir avec les annĂ©es. Il gardera jusqu’à la fin beaucoup de tendresse pour elle. Quelques jours avant sa mort, il lui Ă©crit :

« ChĂšre Rachele. Me voici arrivĂ© Ă  la derniĂšre phase de ma vie, Ă  l’ultime page de mon livre. Peut-ĂȘtre ne nous reverrons-nous plus. Je te demande pardon pour tout le mal qu’involontairement je t’ai fait. Mais tu sais que tu as Ă©tĂ© la seule femme que j’ai vraiment aimĂ©e. Je te le jure devant Dieu et devant notre Bruno Ă  ce moment suprĂȘme. Toi, avec les enfants, cherche Ă  rejoindre la frontiĂšre suisse. LĂ -bas, vous vous ferez une vie nouvelle[114]. »

Edda Ciano fait la une du Time en 1939.

Edda Mussolini (1910-1995) est la fille chĂ©rie du Duce. Elle lui ressemble et il s’est beaucoup occupĂ© d’elle dans son enfance quand son temps Ă©tait moins pris par ses activitĂ©s politiques et journalistiques. « Quiconque touche Edda, touche Ă  la prunelle de mes yeux ! » a-t-il dĂ©clarĂ©[115]. Ses parents l’ont surnommĂ©e la « pouliche folle » (cavallina matta) Ă  cause de son caractĂšre rebelle, sa nature ardente et insoumise . Elle affirme avoir Ă©tĂ© la premiĂšre femme en Italie Ă  porter un pantalon, Ă  fumer en public, ou encore Ă  conduire une voiture. Sportive et courageuse (elle se sauvera Ă  la nage de l’incendie d’un navire-hĂŽpital pendant la guerre), elle aime le jeu, l’alcool, le tabac et les nuits passĂ©es au milieu d’admirateurs Ă©mĂ©chĂ©s. La premiĂšre tentative pour la marier au fils d’un industriel Ă©choue quand le futur gendre interroge Mussolini sur le montant de la dot : « Ma fille n’aura pas de dot, comme sa mĂšre n’en a pas eu[116] ». Elle Ă©pouse en 1930 Galeazzo Ciano, jeune diplomate et fils de l’amiral fasciste Costanzo Ciano, fils d’un marchand ambulant, hĂ©ros de la Grande Guerre fait comte par le roi. AprĂšs la cĂ©rĂ©monie, les deux Ă©poux partent en voyage de noces pour Capri et Mussolini les accompagne en dĂ©capotable pendant une trentaine de kilomĂštres sans gardes du corps « afin de pouvoir pleurer en paix au moment des adieux[117] ». Sur l’insistance d’Edda qui est fasciste, beaucoup plus que lui, Galeazzo sera nommĂ© chef du service de presse de la prĂ©sidence du Conseil, puis en juin 1936 ministre des Affaires Ă©trangĂšres. Edda luttera de toutes ses forces pour sauver son mari et rompra dĂ©finitivement avec son pĂšre aprĂšs l’exĂ©cution.

Mussolini a Ă©tĂ© beaucoup plus absent pour l’éducation de ses autres enfants. Ses deux fils aĂźnĂ©s, Vittorio et Bruno se sont engagĂ©s dans l’armĂ©e de l’air au dĂ©but de la guerre d’Éthiopie, comme lieutenant et sergent. Bruno sera tuĂ© accidentellement dans un vol de routine en 1941.

Mussolini a eu un autre fils, Benito Albino, qu’il a du reconnaĂźtre en 1916 suite Ă  une procĂ©dure de reconnaissance en paternitĂ© engagĂ©e contre lui par Ida Dalser (1880-1937, une jeune autrichienne de Trente avec qui il a vĂ©cu en mĂ©nage avant la guerre, concurremment avec Rachele pour qui il opta finalement. AprĂšs la guerre, Ida Dalser lui intenta un procĂšs qu’elle gagna et il dut lui verser une rente mensuelle de 200 lires. Devenue de plus en plus agressive, se faisant appeler signora Mussolini, elle fut dĂ©clarĂ©e dĂ©mente lorqu’il arriva au pouvoir et enfermĂ©e dans un asile psychiatrique oĂč elle mourut en 1937. Bruno Albino fut confiĂ© Ă  un tuteur qui l’adopta et lui donna son nom. EngagĂ© dans la marine, il fut envoyĂ© en Chine en 1935. Il serait mort en 1940 ou 1942, les sources actuellement disponibles ne permettant pas de trancher[118].

Distinctions

Italiennes

: Chevalier de l’ordre suprĂȘme de la TrĂšs Sainte Annonciade, 1924
: Chevalier grand-croix de l’ordre des Saints-Maurice-et-Lazare, 1924
: Chevalier grand-croix l’Ordre de la Couronne d'Italie, 1924
: Chevalier grand-croix de l’ordre militaire de Savoie, , dĂ©cret royal numĂ©ro 177
: Chevalier grand-croix de l’ordre colonial de l'Étoile d'Italie
: Chevalier grand-croix de l’ordre de la Besa, Albanie
: Chevalier grand-croix de l’ordre de Scanderbeg, Albanie
: Grand-croix de l’ordre civil et militaire de l'Aigle romain, classe militaire, Royaume d'Italie
: Croix de la valeur militaire, Italie
: Médaille commémorative de la guerre italo-autrichienne 1915-1918
: Médaille commémorative italienne de la Victoire
: Médaille commémorative de l'unité d'Italie
: Médaille commémorative en or de la Marche sur Rome
Croix d'ancienneté de service dans la milice volontaire pour la Sécurité nationale, 20 ans
: Chef et grand chancelier de l'ordre civil et militaire de l'Aigle romain, , RSI
: Chef et grand chancelier de l'ordre des saints patrons d'Italie, , RSI

Étrangùres

: Chevalier de l’ordre de l'Éperon d'or
: Chevalier grand-croix de l’ordre de Pie IX,
: Chevalier grand-croix l’ordre du Saint SĂ©pulcre, 1924
: Grand-croix d'honneur et de dévotion du souverain militaire de l'ordre de Malte, ordre souverain militaire et hospitalier de Saint-Jean de Jérusalem, de Rhodes et de Malte,
: Chevalier grand-croix en or et diamant de l’ordre de l'Aigle allemand,
Grand-croix de la Croix-rouge allemande, 1934
Grand-croix de la Croix-rouge allemande, classe spéciale en or et diamants, 1937
: Grand-croix de la LĂ©gion d'honneur (Benito Mussolini l'a reçue Ă  l'occasion de la foire de Milan, remise par le ministre du Commerce français Lucien Dior[119] - [120], et n'en a pas Ă©tĂ© dĂ©chu[121]).
: Ordre de Lāčplēơis, Lettonie
: Chevalier grand-croix de l'ordre du Bain, Royaume-Uni, 1923, retiré en 1940
: Croix de la Liberté [VR III/1], Estonie
: Chevalier grand-croix de l'ordre de la Croix du Sud, Brésil,
: Chevalier de l'ordre du SĂ©raphin, SuĂšde
: Chevalier de l'ordre de l'ÉlĂ©phant, Danemark
: Chevalier collier de l'ordre de Charles III, Espagne,
: Grand-cordon de l'ordre du ChrysanthĂšme, Japon
: Chevalier grand-croix de l'ordre de l'Étoile de Roumanie, Roumanie
: Chevalier grand-croix de l'ordre du Sceau de Salomon, Éthiopie

ƒuvres

Écrits

  • La Filosofia della forza (1908) ;
  • La Santa di SusĂ  (opuscule d'une interview recueilli comme journaliste et publiĂ© le 12 juin 1909) ;
  • Claudia Particella, l'amante del Cardinal Madruzzo (roman paru par Ă©pisodes sur le Il Popolo pendant 57 jours Ă  partir du 20 janvier 1910) ; trad. fr. Auda Isarn, 163 p., 2007.
  • La Tragedia di Mayerling (1910) non publiĂ© ;
  • Il Trentino veduto da un socialista (1911) ;
  • L'Amante del cardinale(1911) ;
  • La mia vita (1911-12) ;
  • Giovanni Huss il veridico (1913) ;
  • Vita di Arnaldo (1932) ;
  • Scritti e discorsi (1914-39, 12 vol.) ;
  • Parlo con Bruno ou Je parle avec Bruno, publiĂ© par Il Popolo d'Italia soit Le Peuple de l'Italie, 1941 ;
  • Il tempo del bastone e della carota (1944 - Recueil d'articles publiĂ©s dans le Corriere della Sera entre 1940 et 1943) ;
  • Pensieri pontini e sardi (1943) ;
  • Storia di un anno (il tempo del bastone e della carota) (1944).

Voir aussi

Bibliographie

Document utilisĂ© pour la rĂ©daction de l’article : document utilisĂ© comme source pour la rĂ©daction de cet article.

Sur Mussolini

  • François Beauval, Mussolini, vie et mort d'un dictateur, GenĂšve,
  • AndrĂ© Brissaud, Mussolini, le fascisme, Paris, Ă©d. Robert Langeac,
  • Christopher Hibbert, Mussolini, J'ai lu
  • Pierre Milza, Mussolini, Paris, Fayard, , 985 p. (ISBN 2-213-60447-9). Ouvrage utilisĂ© pour la rĂ©daction de l'article
  • Pierre Milza, Mussolini, Paris, Fayard, . Ouvrage utilisĂ© pour la rĂ©daction de l'article
  • Didier Musiedlak, Mussolini, Paris, Presses de Sciences Po, , 436 p. (ISBN 2-7246-0806-2)
  • Michel Ostenc, Mussolini. Une histoire du fascisme italien, Paris, Ellipses, , 331 p. (ISBN 978-2-7298-8336-2)
  • Margherita Sarfatti, Mussolini, L'Homme et le Chef : traduit de l'italien par Maria Croci et EugĂšne Marsan, Paris, Éditions Albin Miche, , 365 p.
  • Denis Mack Smith, Mussolini, Paris, Flammarion, , 495 p. (ISBN 2-08-064655-9). Document utilisĂ© pour la rĂ©daction de l’article
  • Chroniques de l'Histoire, Mussolini, Paris, Ă©ditions BrochĂ©, , 495 p. (ISBN 2-905969-92-X). Document utilisĂ© pour la rĂ©daction de l’article
  • Max Schiavon, Mussolini, un dictateur en guerre, Perrin, 2016, 270 p.
  • Maurizio Serra, Le mystĂšre Mussolini, Perrin, , 460 p. (ISBN 978-2-262-08171-3).

Publications en italien

  • (it) Pierluigi Baima Bollone, Le ultime ore di Mussolini, Milan, Mondadori, 2005. (ISBN 88-04-53487-7)
  • (it) Pierluigi Baima Bollone, La psicologia di Mussolini, Milan, Mondadori, 2007. (ISBN 978-88-04-56423-2)
  • (it) Pier Luigi Bellini delle Stelle, Dongo: la fine di Mussolini, Milao, Mondadori, 1962.
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    Italiens, braves personnes ? un mythe dur Ă  mourir
  • Marc Ferro, Ils Ă©taient sept hommes en guerre, Ă©d. Robert Lafont, . Document utilisĂ© pour la rĂ©daction de l’article
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Ouvrages généraux

  • Ian Kershaw, Choix fatidiques. Dix dĂ©cisions qui ont changĂ© le monde, 1940-1941, Paris, Seuil, coll. « L'Univers historique », (ISBN 978-2-02-080325-0)

Littérature

Filmographie

Articles connexes

Liens externes

Notes et références

Notes

  1. PrĂ©sident du Conseil des ministres du royaume d'Italie du 31 octobre 1922 au 13 janvier 1923, puis chef du gouvernement, Premier ministre et SecrĂ©taire d'État du royaume d'Italie.
  2. Prononciation en français de France retranscrite selon la norme API.
  3. Prononciation en italien standard retranscrite selon la norme API.
  4. la signification de ce sigle est inconnue par manque de document. Selon certains historiens, il signifierait Organisation de Vigilance et de RĂ©pression de l’Antifascisme « Organizzazione di Vigilanza e Repressione dell'Antifascismo », alors que d’autres pensent que le sigle Ă©tait privĂ© de sens.
  5. Au moment de l’assassinat de Dollfuss, sa femme et ses enfants sont les hĂŽtes de Mussolini dans une de ses rĂ©sidences balnĂ©aires.

Références

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  34. (it)et permet la mise en Ɠuvre d’un programme sanitaire qui permet de vaincre la malaria ainsi que l’obtention de rĂ©sultats significatifs contre la tuberculose, la variole et la rage. Discours sur la bonification des marais Pontins.
  35. Allocution prononcĂ©e Ă  l’ universitĂ© du SacrĂ©-Coeur de Milan le 13 fĂ©vrier 1929.
  36. DĂ©claration de Mussolini le 3 novembre 1922, Opera omnia , vol XIX p.3.
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  39. Mussolini, Chroniques de l'histoire, Ă©ditions Chronique, (ISBN 2-905969-92-X), page 71
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  42. Discours dans Il Popolo d’Italia du 6 mai 1936.
  43. Gli anni del consenso. La thĂšse de l’adhĂ©sion des masses au fascisme pendant la pĂ©riode 1929-1934 (Ă©largie aujourd’hui Ă  1936) a Ă©tĂ© dĂ©veloppĂ©e par l’historien italien spĂ©cialiste de Mussolini Renzo de Felice dans les annĂ©es soixante-dix et a soulevĂ© alors une vive polĂ©mique, l’interprĂ©tation admise Ă©tant que les Italiens avaient « subi » une dictature toute-puissante. Elle est aujourd’hui admise par la quasi totalitĂ© des historiens. Voir les derniĂšres biographies de Mussolini en français : Milza 2007, p. 552 et Serra 2021, p. 190 et 192.
  44. Milza 2007, p. 625.
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  46. , cité dans Milza 2007, p. 449.
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  50. Serra, 2021, p.183.
  51. Mussolini citĂ© par Ciano, Journal, 31 janvier 1938. Ciano ajoute le 1er fĂ©vrier : « Mussolini a cinglĂ© les mĂ©contents qu’il a qualifiĂ©s de sĂ©dentaires, de bedonnants, dĂ©ficients et nobots. Je savais Ă  qui il faisait allusion (ndlr : le roi) ; mais Badoglio et De Bono ont pris cela pour eux et ne l’ont pas digĂ©rĂ©. »
  52. Ciano, Journal, 29 septembre 1937.
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  71. Mussolini: «Moi j'étais raciste dÚs 1921».
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  82. Ciano, Journal, 12 mars 1940.
  83. Ciano, Journal, 10 juin 1939.
  84. Ciano, Journal, 10 juin 1940.
  85. Tous les chiffres donnés dans ce chapitre proviennent de la biographie de Pierre Milza, Mussolini, p. 760 à 790.
  86. Ciano, Journal, 25 juin 1940.
  87. Ciano, Journal, 21 juin 1940.
  88. Ciano, Journal, 23 décembre 1940.
  89. Parfois à la demande de Mussolini. Ainsi sa boutade sur la mort de Chamberlain « Cette fois-ci, il a définitivement manqué le coche », Journal, 10 novembre 1940.
  90. Ciano, Journal, 21 janvier 1941.
  91. Ciano, Journal, 10 juin 1941.
  92. Ciano, Journal,30 juin 1941.
  93. L’expression est de Goebbels, Journal, 19 juillet 1943 .
  94. Serra 2021, p. 335.
  95. Son nouveau chef d’état-major Vittorio Ambrosio et le remplaçant de Ciano,[Giuseppe Bastianini.
  96. Goebbels, Journal, 25 juin et 21 juillet 1943, Tallandier, 2005.
  97. Pierre Milza, Mussolini, Fayard, p.823.
  98. Voir à ce sujet les deux derniÚres biographies de référence parues en français : Pierre Milza 1999 (p.822) et Maurizio Serra 2021 (p.349).
  99. L’armĂ©e est exhortĂ© Ă  rĂ©agir Â« contre d’éventuelles attaques de toute provenance ».
  100. Milza 1999, p. 840.
  101. Voir la Bataille de Garfagnana.
  102. Milza 2007, p. 845.
  103. Georg Zachariae qui Ă©crira ses souvenirs en 1948 Mussolini si confessa.
  104. Serra 2021, p. 409.
  105. Milza 1999, p. 863.
  106. Le thĂ©Ăątre est plein et la foule se masse sur la place pour l’écouter par haut-parleur.Serra 2021, p. 416.
  107. Milza 1999, p. 867.
  108. L’avion part le 22 avril pour Barcelone avec à son bord les parents et la sƓur de Claretta Petacci et quelques autres transfuges.
  109. La lettre a été publiée dans les souvenirs de Rachele Mussolini.
  110. Voir les deux derniÚres biographies de référence de Mussolini publiées en français : Milza 1999, p. 872-882 et Serra 2021, p. 424-446.
  111. Son identitĂ© rĂ©elle ne sera rĂ©vĂ©lĂ©e qu’en 1947 par un journaliste qui sera abattu en pleine rue par des militants communistes.
  112. cié par Maurizio Serra dans sa derniÚre biographie, Le mystÚre Mussolini, p.65.
  113. Pierre Milza, 1999, p.723.
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  115. Maurizio Serra, Le mystĂšre Mussolini, Perrin, 2021, p.50.
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