Benito Mussolini
Benito Mussolini (en français : /benito mysÉlini/[N 2] ; en italien : /beËniËto mussoËliËni/[N 3]), nĂ© le Ă Predappio et mort le Ă Giulino di Mezzegra, est un journaliste, idĂ©ologue et homme d'Ătat italien.
Benito Mussolini | ||
Benito Mussolini. | ||
Fonctions | ||
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Duce de la RĂ©publique sociale italienne (Italie du Nord) | ||
â (1 an, 7 mois et 3 jours) |
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Prédécesseur | Fonction créée (scission du royaume d'Italie) | |
Successeur | Fonction supprimée (réunification du royaume d'Italie) | |
Chef du gouvernement d'Italie Premier ministre SecrĂ©taire d'Ătat[N 1] | ||
â (20 ans, 8 mois et 24 jours) |
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Monarque | Victor-Emmanuel III | |
Gouvernement | Mussolini | |
LĂ©gislature | XXVIe, XXVIIe, XXVIIIe, XXIXe et XXXe | |
Prédécesseur | Luigi Facta | |
Successeur | Pietro Badoglio | |
Ministre des Affaires Ă©trangĂšres | ||
â (5 mois et 19 jours) |
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PrĂ©sident du Conseil | Lui-mĂȘme | |
Prédécesseur | Galeazzo Ciano | |
Successeur | Raffaele Guariglia | |
â (3 ans, 10 mois et 20 jours) |
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PrĂ©sident du Conseil | Lui-mĂȘme | |
Prédécesseur | Dino Grandi | |
Successeur | Galeazzo Ciano | |
â (6 ans, 10 mois et 13 jours) |
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PrĂ©sident du Conseil | Lui-mĂȘme | |
Prédécesseur | Carlo Schanzer | |
Successeur | Dino Grandi | |
Ministre de l'Intérieur | ||
â (16 ans, 8 mois et 19 jours) |
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PrĂ©sident du Conseil | Lui-mĂȘme | |
Prédécesseur | Luigi Federzoni | |
Successeur | Bruno Fornaciari | |
â (1 an, 7 mois et 17 jours) |
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PrĂ©sident du Conseil | Lui-mĂȘme | |
Prédécesseur | Paolino Taddei | |
Successeur | Luigi Federzoni | |
Biographie | ||
Nom de naissance | Benito Amilcare Andrea Mussolini | |
Date de naissance | ||
Lieu de naissance | Predappio (Italie) | |
Date de décÚs | (à 61 ans) | |
Lieu de décÚs | Giulino di Mezzegra (Italie) | |
Nature du décÚs | Exécution par arme à feu | |
Nationalité | Italienne | |
Parti politique | PSI (1900-1914) PNF (1921-1943) PFR (1943-1945) |
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Conjoint | Rachele Guidi | |
Enfants | Edda Ciano'1910) Vittorio Mussolini(1916) Bruno Mussolini(1918) Romano Mussolini(1927) Anna Maria Mussolini(1929) |
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Entourage | Galeazzo Ciano (gendre) Clara Petacci (maĂźtresse) |
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Profession | Instituteur, Journaliste | |
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Chefs du gouvernement italien Ministres italiens des Affaires étrangÚres Ministres italiens de l'Intérieur |
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Fondateur du fascisme, il a gouvernĂ© lâItalie pendant vingt ans : prĂ©sident du Conseil du royaume d'Italie, du au , premier marĂ©chal d'Empire (chef des armĂ©es) avec le roi du au , et chef de l'Ătat de la RĂ©publique sociale italienne (RSI) de Ă . Il est couramment dĂ©signĂ© par le terme « Duce », mot italien dĂ©rivĂ© du latin Dux et signifiant « Chef » ou « Guide ».
Instituteur, puis journaliste, militant syndicaliste rĂ©volutionnaire, il a une jeunesse agitĂ©e, sâexpatriant deux ans en Suisse oĂč il complĂšte sa formation politique et intellectuelle. SecrĂ©taire de la fĂ©dĂ©ration de Forli, puis membre de la direction nationale du Parti socialiste italien (PSI) et directeur du quotidien officiel du parti l'Avanti! en 1912, il en est exclu en 1914 quand il se dĂ©clare favorable Ă l'entrĂ©e en guerre de l'Italie contre les Empires centraux. Il crĂ©e alors son propre journal, Il Popolo d'Italia (Le peuple d'Italie), pĂŽle de ralliement de l'interventionnisme de gauche et d'ultra-gauche. Il fait la guerre comme caporal dans les Bersagliers. Le 23 mars 1919, il fonde les Faisceaux de combat (fasci italiani di combattimento) avec un programme rĂ©volutionnaire, nationaliste, anticapitaliste et anticlĂ©rical, prĂ©voyant Ă©galement le vote des femmes, l'instruction et la santĂ© gratuite, l'assurance sociale pour les travailleurs. Il les transforme en 1921 en Parti national fasciste (PNF). AprĂšs lâĂ©chec dâune alliance Ă©lectorale avec la gauche, il sâallie avec la droite aux Ă©lections pour faire Ă©lire des dĂ©putĂ©s fascistes. Les milices armĂ©es fascistes (squadrisme), utilisĂ©es par les possĂ©dants contre le pĂ©ril rĂ©volutionnaire avec le soutien des pouvoirs publics, vont lui permettre de sâemparer du pouvoir. AprĂšs une marche spectaculaire sur la capitale en octobre 1922, la marche sur Rome, il est nommĂ© par le roi prĂ©sident du Conseil et obtient une majoritĂ© absolue Ă la Chambre. Il instaure alors une dictature qui va durer plus de vingt ans : le ventennio. Ne jugeant pas lâopinion prĂȘte, il nâose cependant pas supprimer la royautĂ© et Ă©pargne le roi qui demeure le premier personnage de lâĂtat et peut en principe le rĂ©voquer et dĂ©signer son successeur, ce quâil fait en juillet 1943.
Ă l'apogĂ©e du rĂ©gime (1929-1936), il bĂ©nĂ©ficie du soutien au moins passif de la population Ă qui il apporte lâordre, la paix sociale et des satisfactions Ă la fois matĂ©rielles et de prestige (lĂ©gislation sociale, grands travaux de Rome, assainissement des marais Pontins, conquĂȘte de lâĂthiopie et de lâAlbanie).
En politique extĂ©rieure, aprĂšs une relative modĂ©ration et un certain respect de lâĂ©quilibre europĂ©en (accords de Locarno) pendant la premiĂšre dĂ©cennie, puis un Ă©phĂ©mĂšre front antihitlĂ©rien avec le Royaume-Uni et la France (confĂ©rence de Stresa), il dĂ©clenche une guerre coloniale en Ăthiopie et intervient en Espagne en 1936 pour soutenir Franco lui fournissant une aide considĂ©rable en hommes et en matĂ©riel.
AprĂšs lâinternationalisation de la guerre dâEspagne, les sanctions de la SociĂ©tĂ© des Nations promues par Londres et Paris contre lâagression italienne en Ăthiopie, lâavĂšnement du Front populaire en France, il se rapproche d'Adolf Hitler, instaure des lois raciales en 1938 pour lui donner des gages et signe avec lui un traitĂ© d'alliance en 1939 (pacte d'acier) auquel il restera fidĂšle jusqu'Ă sa mort. AprĂšs dix mois de « non-belligĂ©rance », il entre dans la Seconde Guerre mondiale le aux cĂŽtĂ©s de l'Allemagne nazie alors que la France est dĂ©jĂ vaincue (le « coup de poignard dans le dos » selon l'expression consacrĂ©e). Il essaie de mener une « guerre parallĂšle » dans son rayon dâaction stratĂ©gique, la MĂ©diterranĂ©e, mais Ă©choue et doit faire appel Ă l'aide d'Hitler pour redresser la situation. La vassalisation de l'Italie Ă l'Allemagne est alors complĂšte. Mussolini prend la dĂ©cision dâintervenir massivement en Russie (Ă©tĂ© 1941) et dĂ©clare la guerre aux Ătats-Unis. AprĂšs la dĂ©faite des armĂ©es italo-allemandes en Tunisie et le dĂ©barquement des AlliĂ©s en Sicile, une conjuration entre le roi, lâancienne classe dirigeante et les dirigeants fascistes modĂ©rĂ©s entraĂźnent sa chute et son arrestation. LibĂ©rĂ© par les Allemands au cours dâune opĂ©ration spectaculaire dans les montagnes du Gran Sasso, il instaure en Italie du Nord la RĂ©publique sociale italienne, dite rĂ©publique de SalĂČ, sous contrĂŽle allemand, coupant le pays en deux et entrainant une sanglante guerre civile entre les milices du rĂ©gime aidĂ©es des SS et de la Gestapo et les groupes de partisans communistes et antifascistes coordonnĂ©s par un ComitĂ© de libĂ©ration nationale. Le , alors qu'il tente de fuir, il est arrĂȘtĂ© et exĂ©cutĂ© avec sa maĂźtresse Clara Petacci ; leurs corps sont livrĂ©s Ă une foule en colĂšre et pendus par les pieds dans une exhibition macabre sur la Piazzale Loreto, Ă Milan.
Jeunesse (1883-1902)
Fils dâun forgeron, Alessandro Mussolini et dâune institutrice Rosa Maltoni, Benito Mussolini naĂźt le Ă Varani dei Costa, un hameau de la commune de Dovia di Predappio (aujourd'hui Predappio) dans la province de ForlĂŹ-CĂ©sĂšne en Ămilie-Romagne.
Son prĂ©nom est un hommage Ă Benito JuĂĄrez, le hĂ©ros national et libĂ©ral du Mexique. Son pĂšre, Ă la fois marĂ©chal-ferrant et cafetier, est un meneur syndical et rĂ©volutionnaire, fort en gueule et volontiers bagarreur, grand coureur de jupons, avec un penchant pour la boisson. Il a façonnĂ© la culture politique de son fils par ses conversations et les livres quâil lui a donnĂ©s Ă lire. On sait quâil lisait Les MisĂ©rables, son livre de chevet, dans le texte dâorigine. Jean Valjean et NapolĂ©on seront toujours les deux hĂ©ros de Mussolini. « Mon socialisme est nĂ© bakouniste, Ă lâĂ©cole du socialisme de mon pĂšre, Ă lâĂ©cole du socialisme libertaire de Blanqui[1]. »
Sa mĂšre, fille dâun vĂ©tĂ©rinaire, institutrice dans un milieu rural encore largement analphabĂšte, ne manque pas dâautoritĂ©. Pieuse, elle a imposĂ© Ă Alessandro, anticlĂ©rical forcenĂ©, un mariage catholique et elle enverra Benito Ă 9 ans chez les pĂšres salĂ©siens de Faenza malgrĂ© les rĂ©ticences de son mari.
Le couple est uni malgrĂ© ses diffĂ©rences politiques et religieuses et lâenfance de Benito est heureuse. Il a un frĂšre cadet, Arnaldo (1885-1931) pour lequel il Ă©prouve une vive affection et qui sera, jusquâĂ sa mort dâune crise cardiaque, un collaborateur fidĂšle et admiratif jouant auprĂšs de lui un rĂŽle modĂ©rateur, et une sĆur discrĂšte, Edvige (1888-1952), une des rares personnes de son entourage Ă qui il se confie et parfois demande conseil.
Les deux annĂ©es quâil va y passer chez les pĂšres salĂ©siens vont faire de lui un rĂ©voltĂ©. Les injustices quâil constate vont dĂ©velopper chez lui une haine des possĂ©dants quâil conservera toute sa vie: au rĂ©fectoire, il y a la table de ceux qui payent 60 lires de pension mensuelle, puis celle de ceux qui paient 45, enfin la plus nombreuse, oĂč il se trouve, de ceux qui paient 30 lires. Il est traitĂ© sans bienveillance (« Câest le fils dâun chef du peuple (capo popolo) » a-t-il entendu dire au directeur parlant de lui) et ne peut se plier Ă la dure discipline du collĂšge, aux vexations et aux punitions. Ă la suite dâune dispute, il blesse un camarade dâun coup de canif. Mis au cachot, on lui laisse finir lâannĂ©e, en le rĂ©trogradant dans la classe infĂ©rieure, mais on ne le rĂ©inscrit pas pour lâannĂ©e suivante.
Il poursuit ses Ă©tudes au collĂšge Carducci de Forlimpopoli, un Ă©tablissement laĂŻque cette fois, oĂč il reste sept ans, dont trois en Ă©cole normale. Ses rĂ©sultats sont bons, sâil reste rĂ©tif Ă la discipline: il est exclu deux fois de lâinternat, une fois Ă la suite dâun pugilat oĂč il a jouĂ© du canif, une autre fois pour avoir dĂ©couchĂ©. Sous l'influence de son pĂšre, il se rapproche du militantisme et frĂ©quente les cercles socialistes de Forlimpopoli et de ForlĂŹ. Il assiste Ă des rĂ©unions publiques et y prend la parole. Plus tard, lors de ses entretiens avec Emil Ludwig, il Ă©voque ainsi son adhĂ©sion au socialisme[2] - [3] :
« Ce qui domine, câest lâindignation. Jâavais sous les yeux les souffrances de mes parents ; Ă lâĂ©cole, jâavais Ă©tĂ© humiliĂ© ; alors jâai grandi comme rĂ©volutionnaire, avec les espoirs des dĂ©shĂ©ritĂ©s. Quâaurais-je pu devenir dâautre que socialiste Ă outrance, blanquiste, plutĂŽt communiste au fond ? »
En derniĂšre annĂ©e, il est considĂ©rĂ© comme le meilleur Ă©lĂšve de sa classe. Il finit ses Ă©tudes Ă 17 ans en juillet 1901 avec un diplĂŽme dâinstituteur et trouve son premier poste sur recommandation de son pĂšre Ă Gualtieri, petite commune socialiste dâĂmilie. Il touche un salaire de misĂšre : 56 lires par mois alors que sa pension lui coĂ»te 40 lires. Son contrat nâest pas renouvelĂ© sans doute Ă cause de la liaison quâil entretient avec une jeune femme dont le mari fait son service militaire ou Ă cause de son comportement jugĂ© violent et provocateur.
Il dĂ©cide alors de sâexpatrier pour raisons Ă©conomiques comme beaucoup dâItaliens, aussi pour rompre avec son milieu et Ă©viter le service militaire . Il part en Suisse le 9 juillet 1902. Il a dix-neuf ans.
Exil en Suisse et premiÚres activités politiques (1902-1904)
Sans travail, sans relations, sans argent, il s'Ă©tablit le 20 juillet Ă Lausanne oĂč vivent 6 000 Italiens, la plupart dans lâindustrie du bĂątiment. Les dĂ©buts sont difficiles . Vivant misĂ©rablement, il est arrĂȘtĂ© pour vagabondage par la police dans la matinĂ©e du 24 juillet sous les arches du Grand-Pont oĂč il a passĂ© la nuit et gardĂ© trois jours sous les verrous.
Il prend contact avec les membres du groupe socialiste de la ville et fait son entrĂ©e modeste en politique en devenant secrĂ©taire et propagandiste officiel du syndicat italien des maçon. Il reçoit un peu dâargent pour cette activitĂ© (5 lires par mois), pour ses articles dans le journal du Parti socialiste italien en Suisse Lâavvenire dei lavoratori, pour les leçons dâitalien et mĂȘme de français quâil donne, mais vit surtout de lâaide financiĂšre que lui apportent ses camarades socialistes.
Il fait de lâagitation politique, soutient les travailleurs en grĂšve ou les incite Ă sâengager dans des actions revendicatives. Le 18 juin 1903, il est arrĂȘtĂ© et expulsĂ© par la police helvĂ©tique aprĂšs douze jours de prison. Il revient aussitĂŽt et renoue avec ses activitĂ©s militantes, dans l'aile rĂ©volutionnaire du Parti socialiste italien (PSI) dirigĂ©e par Arturo Labriola. Il frĂ©quente des syndicalistes rĂ©volutionnaires en exil, russes, allemands, polonais, français, souvent des juifs. Il est dĂ©sormais connu, intervient dans des dĂ©bats publics, comme le fameux dĂ©bat avec le pasteur Ă©vangĂ©lique Alfredo Taglialatela sur le thĂšme de l'existence de Dieu (« Je donne 5 minutes Ă Dieu, sâil existe pour me foudroyer. Si, passĂ© ce temps, il ne lâa pas fait, câest quâil nâexiste pas »). Il collabore Ă plusieurs journaux dont lâAvangardia socialista Ă Milan et Il Prolettario Ă New-York. En avril 1904, il est expulsĂ© du canton de GenĂšve pour avoir modifiĂ© la date de validitĂ© de son passeport. Il est libĂ©rĂ© Ă Bellinzone grĂące aux protestations des socialistes genevois et Ă l'aide du gouvernement tessinois avant dâĂȘtre reconduit en Italie oĂč il risque une condamnation pour dĂ©sertion.
La rencontre dĂ©cisive, pour ce petit maĂźtre dâĂ©cole de province qui souffre des carences de son Ă©ducation et qui a la frĂ©nĂ©sie dâapprendre, est celle de la militante socialiste dâorigine juive Angelica Balabanova en mars 1904 Ă GenĂšve. Fille dâun haut fonctionnaire ukrainien, future secrĂ©taire de lâInternationale communiste, cette femme intelligente et dâune grande culture, qui parle couramment plusieurs langues, plus ĂągĂ©e que lui de 14 ans, va devenir sa premiĂšre Ă©ducatrice en politique et en littĂ©rature (et sa maĂźtresse) avant Margherita Sarfatti qui jouera un rĂŽle semblable en 1913. Elle raconte dans ses MĂ©moires sa premiĂšre rencontre :
« Sa mine agitĂ©e et ses vĂȘtements en dĂ©sordre le distinguait nettement des autres ouvriers de la salle. Les publics d'Ă©migrĂ©s avaient beau ĂȘtre toujours pauvrement vĂȘtus, cet homme se signalait en outre par son extrĂȘme saletĂ© (...) Il paraĂźt qu'il Ă©tait maĂźtre d'Ă©cole, mais on dit qu'il buvait beaucoup trop et qu'il n'arrĂȘtait pas de s'attirer des ennuis. Il raconte qu'il est socialiste, mais il n'a pas l'air d'en savoir long sur le socialisme. Il parle plutĂŽt comme un anarchiste. N'empĂȘche qu'il est dans une misĂšre noire[4]. »
Elle lâinitie Ă lâallemand, lâencourage Ă Ă©tudier lâhistoire du mouvement ouvrier et lâĂ©conomie politique (il va suivre Ă Lausanne les cours de lâĂ©conomiste Vilfredo Pareto), lui prĂȘte des livres quâelle lâoblige Ă lire (il dĂ©couvre Schopenhauer et Max Stirner qui deviendra son troisiĂšme modĂšle aprĂšs NapolĂ©on et Nietzsche).
« Je le rĂ©pĂšte, je dois Ă Angelica beaucoup plus quâelle pense que je lui dois. Elle dĂ©tenait la sagesse politique. Elle Ă©tait fidĂšle aux idĂ©es pour lesquelles elle combattait. Pour les dĂ©fendre, elle avait abandonnĂ© sa riche demeure, sa famille de tradition bourgeoise. Sa gĂ©nĂ©rositĂ© ne connaissait pas de limites, de mĂȘme que son amitiĂ© et son inimitiĂ© (âŠ) Si je ne lâavais pas rencontrĂ©e en Suisse, je serais restĂ© un petit activiste de parti, un rĂ©volutionnaire du dimanche[5] »
En novembre 1904, Mussolini rentre en Italie aprĂšs deux ans et demi dâexil qui ont beaucoup comptĂ© pour sa formation politique et intellectuelle. Il dira Ă Yvon de Begnac : « Ce fut peut-ĂȘtre la seule pĂ©riode de ma vie oĂč je ne me suis pas senti seul[5] ».
De lâenseignement au journalisme et au syndicalisme rĂ©volutionnaire (1904-1909)
De retour en Italie, Mussolini doit faire son service militaire (il nâest pas poursuivi en raison de l'amnistie accordĂ©e lors de la naissance de l'hĂ©ritier du royaume). Il est affectĂ© le 30 dĂ©cembre 1904 au dixiĂšme rĂ©giment bersaglier de VĂ©rone oĂč il se comporte en soldat disciplinĂ©. Le 19 janvier 1905, il perd sa mĂšre, ĂągĂ©e de 46 ans, qui meurt dâune mĂ©ningite. Son pĂšre dĂ©cide d'ouvrir un cafĂ© Ă Forli avec sa nouvelle compagne Annina Guidi.
Quand il est libĂ©rĂ©, en septembre 1906, il a 23 ans. Il a lâimpression dâĂȘtre revenu Ă son point de dĂ©part Ă la recherche dâun poste de maĂźtre dâĂ©cole. Il en trouve un Ă Tolmezzo dans le Frioul, toujours peu rĂ©munĂ©rĂ© (75 lires par mois). « DĂšs les premiers mois, Ă©crira-t-il, je mâavisai que la profession de maĂźtre dâĂ©cole nâĂ©tait pas pour moi la plus indiquĂ©e[6] ». Son contrat nâest dâailleurs pas reconduit lâannĂ©e suivante, toujours Ă cause de son comportement et de ses frasques (il a encore une liaison avec une femme mariĂ©e).
Fin 1907, il passe avec succĂšs , Ă lâuniversitĂ© de Bologne, lâexamen dâhabilitation Ă lâenseignement du français. Il a le statut de professore et trouve dĂ©but mars 1908, par un bureau de placement pour enseignants, un poste de professeur de français au collĂšge d'Oneglia, petite citĂ© de la Riviera ligure administrĂ©e par les socialistes, oĂč il doit aussi enseigner l'italien, l'histoire et la gĂ©ographie. On lui confie la direction du petit hebdomadaire du parti socialiste La Lima quâil va tenir pendant quatre mois, publiant 24 articles, la plupart dâinspiration anticlĂ©ricale sous la signature de Vero Eretico (vrai hĂ©rĂ©tique). La direction du collĂšge, informĂ©e par la police de ses antĂ©cĂ©dents politiques, le licencie Ă la fin de lâannĂ©e scolaire le 27 juin 1908.
Durant lâĂ©tĂ© 1908, de retour Ă Dovia, il sâengage dans le mouvement des braccianti de ForlĂŹ. Les braccianti sont des journaliers agricoles prolĂ©tarisĂ©s ( ils gagnent 3 lires pour une journĂ©e de travail de 10 heures), en conflit avec les mĂ©tayers qui les emploient au sujet de lâutilisation des batteuses mĂ©caniques. Mussolini prend la tĂȘte du mouvement qui devient violent. ArrĂȘtĂ© le 13 juillet, il fait un bref sĂ©jour Ă la prison de Forli.
Il a 25 ans, rĂ©solu Ă abandonner la carriĂšre dâenseignant et donc sans emploi. Il veut ĂȘtre journaliste. Il Ă©crit des articles sur des sujets culturels pour la revue Pagine libere, une publication syndicaliste rĂ©volutionnaire dirigĂ©e par Oliviero Olivetti et dans Il Pensierio romagnolo. Ses trois articles sur La Philosophie de la force (lire en ligne[7]), essai dâinterprĂ©tation de la pensĂ©e de Nietzsche, tĂ©moignent de sa maturitĂ© intellectuelle et de lâinfluence du philosophe allemand sur sa pensĂ©e politique. Il retient de son Ćuvre la remise en cause radicale de l âidĂ©ologie bourgeoise reposant sur les valeurs des LumiĂšres (justice, dĂ©mocratie) et le modĂšle de lâ« homme nouveau » forgĂ© par la lutte qui triomphe de la « morale du troupeau ».
En janvier 1909, sur la recommandation dâAngelica Balabanoff et de Giacinto Menotti Serrati avec qui il sâest liĂ© dâamitiĂ© en Suisse, les dirigeants de la chambre du travail de Trente, territoire italophone en Autriche considĂ©rĂ© alors par les Italiens comme « terre irrĂ©dente », lui proposent le poste de secrĂ©taire de cette organisation et la direction du petit hebdomadaire de 4 pages du parti socialiste tridentin L'avvenire del lavoratore (L'avenir du travailleur).
Avant de partir, Mussolini sâest engagĂ© Ă faire de Rachele Guidi, la fille de la compagne de son pĂšre, sa femme. « Il me tira Ă lâĂ©cart et, me fixant de ses yeux enflammĂ©s, il provoqua ma surprise en dĂ©clarant : « demain je pars, mais Ă mon retour vous deviendrez ma femme. Vous devez mâattendre »[6]. » Elle est servante dans une ferme du voisinage et a 19 ans.
L'avvenire del lavoratore annonce ainsi la nomination de son nouveau responsable : « Benito Mussolini , outre quâil est un lutteur Ă©prouvĂ©, est aussi un fervent propagandiste, spĂ©cialement versĂ© en matiĂšre dâanticlĂ©ricalisme ; câest un jeune homme cultivĂ© et il connaĂźt parfaitement la langue allemande[8]. »
Mussolini va sâenthousiasmer pour son activitĂ© de journaliste et les 8 mois passĂ©s dans le Trentin correspondent sans doute Ă lâune des pĂ©riodes les plus actives et les plus productives de sa vie. Il participe Ă des rĂ©unions publiques et des confĂ©rences oĂč il prononce de nombreux discours. Les Ă©crits quâil publie durant son sĂ©jour occupent un volume entier de ses Opera omnia en 23 volumes. Sous sa direction, le tirage de son petit hebdomadaire va augmenter de 50 % en 6 mois. Ses convictions syndicalistes rĂ©volutionnaires sont toujours fortes, comme en tĂ©moignent les articles quâil signe sur Georges Sorel, le thĂ©oricien de la grĂšve gĂ©nĂ©rale, dont les RĂ©flexions sur la violence viennent dâĂȘtre traduites en italien.
Le 10 septembre 1909, il est arrĂȘtĂ© par la police austro-hongroise pour « incitation Ă la violence contre lâautoritĂ© de lâĂtat » suite Ă une vive agitation irrĂ©dentiste et des perquisitions dans les locaux des journaux dâopposition. AcquittĂ© lors de son procĂšs le 24 septembre faute de preuves, il est expulsĂ© le 26. Il revient Ă Forli sans argent (il doit emprunter le prix du voyage Ă son pĂšre) dans un Ă©tat quasi misĂ©rable. Il a 26 ans.
Dirigeant socialiste (1910-1914)
En janvier 1910, alors quâil cherche vainement un emploi, les socialistes de Forli lui proposent de devenir secrĂ©taire de la fĂ©dĂ©ration socialiste locale et directeur de leur hebdomadaire, la Lotta di classe (Lutte des classes) avec un salaire mensuel de 125 lires.
Il y a alors, au sein de la gauche italienne une lutte entre rĂ©publicains et socialistes, et au sein du mĂȘme des socialistes, un affrontement entre rĂ©formistes, prĂȘts Ă collaborer avec le gouvernement bourgeois de Giovanni Giolitti pour faire appliquer un programme minimaliste destinĂ© Ă transformer graduellement la sociĂ©tĂ© et intransigeants ou maximalistes qui veulent la conquĂȘte du pouvoir par la force. Les maximalistes sont minoritaires au niveau national, mais majoritaires en Romagne et plus particuliĂšrement Ă Forli, ce qui explique le choix de Mussolini par les reprĂ©sentants de la fĂ©dĂ©ration.
Sa premiĂšre tĂąche va ĂȘtre de construire une fĂ©dĂ©ration puissante pour pouvoir peser au niveau national. Il y parvient grĂące Ă son tempĂ©rament extrĂ©miste et ses qualitĂ©s dâorganisateur et de polĂ©miste. Il fait croĂźtre le tirage de Lotta di classe Ă 2 500 et le nombre de militants (passĂ© de 1 400. Ă 2 100 fin 1911.
Son style dâorateur, provocateur et gesticulatoire contribue Ă asseoir son succĂšs, mĂȘme sâil choque les uns et fait rire les autres. Un journaliste rĂ©publicain de Rome Ă©crit: « Mussolini avec sa voix de baryton, avec sa mimique originale et comique, suscita lâhilaritĂ©[9] ». Un autre raconte : « Dâapparence, il nâĂ©tait pas vieux, mais il ne paraissait pas jeune, avec sa mine nĂ©gligĂ©e, sa cravate noire flottante Ă la Ravachol ; une barbe longue dâau moins trois jours qui assombrissait son visage, mais qui faisait contraste avec un crĂąne luisant, dĂ©jĂ prĂ©maturĂ©ment chauve[9]. »
En mars 1911, alors quâun reprĂ©sentant rĂ©formiste de la direction du parti propose de participer au gouvernement, Mussolini rĂ©plique dans sa fĂ©dĂ©ration en faisant voter lâautonomie par rapport Ă la direction nationale. Il est prĂȘt Ă faire sĂ©cession et Ă crĂ©er un nouveau parti, mais il nâest pas suivi par les autres fĂ©dĂ©rations et doit faire marche arriĂšre. Angelica Balabanoff qui est Ă la direction nationale du PSI aide Ă dĂ©samorcer la crise en douceur. Lors de la grĂšve nationale dĂ©clenchĂ©e le 27 septembre contre la guerre de Libye, Ă Forli, de graves incidents opposent aux forces de lâordre, socialistes rĂ©volutionnaires de Mussolini et rĂ©publicains de Pietro Nenni, pour une fois rĂ©unis. On voit Mussolini faire sauter Ă coups de pioche les rails du tramway. Il est arrĂȘtĂ© avec Nenni et condamnĂ© Ă 5 mois de prison (sa plus longue dĂ©tention) quâil met Ă profit pour rĂ©diger son autobiographie, La mia vita: « Je suis un agitĂ©, un tempĂ©rament sauvage fuyant la popularitĂ© (âŠ) Jâai eu une jeunesse passablement aventureuse et orageuse. Jâai connu le bien et le mal de la vie. Je me suis fait une culture et une science solide.Le sĂ©jour Ă lâĂ©tranger mâa facilitĂ© lâapprentissage des langues modernes[10]. »
En juillet 1912, au congrĂšs socialiste de Reggio d'Ămilie, il monte Ă la tribune pour prĂ©senter une motion d'expulsion contre les rĂ©formistes les plus compromis dans le soutien Ă Giolitti et Ă sa politique coloniale. Sa motion est approuvĂ©e Ă une large majoritĂ©. Une nouvelle direction nationale Ă majoritĂ© maximaliste est Ă©lue dont il fait partie
En novembre, la direction du Parti socialiste italien lui propose de prendre la direction de lL'Avanti!, quotidien officiel du parti. Son salaire sâĂ©lĂšve Ă 500 lires par mois (il refuse les 700 lires que touchait son prĂ©dĂ©cesseur). Il a posĂ© comme condition que Balanaboff lui soit associĂ©e avec le titre de rĂ©dactrice en chef du journal. Il Ă©pure lâĂ©quipe rĂ©dactionnelle composĂ©e majoritairement de rĂ©formistes et fait entrer dans le journal des syndicalistes rĂ©volutionnaires et des anarchistes comme Enrico Leone, Sergio Panunzio ou Arturo Labriola. La minoritĂ© rĂ©formiste le traite de « nouveau Marat de lâAvanti[11]». GrĂące Ă son talent dâĂ©ditorialiste, son style incisif, son aptitude Ă coller Ă lâĂ©vĂ©nement, le tirage du journal passe en deux ans de vingt mille Ă cent mille exemplaires. Aux Ă©lections dâoctobre 1913, le PSI obtient 11,3 % des suffrages et 53 siĂšges de dĂ©putĂ©s. Mussolini qui sâest prĂ©sentĂ© Ă Forli est battu avec un score honorable ( 3346 contre 5700 Ă son adversaire rĂ©publicain)[12].
Mussolini sâest installĂ© Ă Milan, capitale intellectuelle de lâItalie. Il sâest rasĂ© la barbe et nâa plus lâaspect « sauvage » des annĂ©es prĂ©cĂ©dentes. Il a 29 ans. Au dĂ©but de 1913, il fait la connaissance de Margherita Sarfatti qui a 33 ans. Elle est la femme dâun avocat et a deux enfants. Câest le dĂ©but dâ une relation amoureuse trĂšs forte, qui ne les empĂȘche pas de parler longuement de sujets politiques et culturels.
Ă la direction du parti, Mussolini dĂ©fend des positions rĂ©volutionnaires intransigeantes, soutenant les violentes manifestations de braccianti dans diverses rĂ©gions du pays et les grĂšves dĂ©clenchĂ©es en juillet 1913 par les mĂ©tallurgistes en Italie du Nord et Ă Milan. Au congrĂšs du parti d'AncĂŽne en avril 1914, il fait voter lâexclusion des francs-maçons : « Il est temps de rĂ©agir contre cette infiltration de lâhumanitarisme dans le socialisme. Le socialisme est un problĂšme de classes[13]. Il est rĂ©Ă©lu Ă la direction de 15 membres en position de numĂ©ro deux. LâĂ©tape suivante pour lui est de devenir le numĂ©ro un.
Ralliement Ă l'interventionnisme et rupture avec le PSI (1914)
Au dĂ©but de la PremiĂšre Guerre mondiale, il s'aligne sur les positions de l'Internationale socialiste, se dĂ©clarant ouvertement opposĂ© Ă l'intervention de l'Italie qui, d'aprĂšs lui, ne servirait que l'intĂ©rĂȘt de la bourgeoisie. Cependant, se dĂ©veloppe en 1914 un interventionnisme de gauche allant des rĂ©publicains et des socialistes rĂ©formistes aux syndicalistes rĂ©volutionnaires : le , des reprĂ©sentants du syndicalisme rĂ©volutionnaire comme Massimo Rocca, Filippo Corridoni et Cesare Rossi signent lâappel du Faisceau rĂ©volutionnaire dâaction interventionniste visant Ă rassembler les Ă©lĂ©ments de la gauche radicale favorable Ă l'entrĂ©e en guerre de l'Italie contre les Empires centraux rĂ©actionnaires et clĂ©ricaux et amorcer un processus rĂ©volutionnaire en forgeant une nouvelle Ă©lite guerriĂšre qui pourra encadrer les masses et les conduire Ă la victoire[14]. Le mot faisceau appartient au vocabulaire politique de la gauche italienne qui trouve son origine dans les faisceaux de travailleurs siciliens[15]. Mussolini ne signe pas le manifeste mais fait paraĂźtre dans l'Avanti! un article[16] oĂč il dĂ©nonce le caractĂšre « rĂ©actionnaire » de la neutralitĂ© absolue. Son article provoque un tollĂ© au sein de la direction socialiste qui condamne sa prise de position Ă l'unanimitĂ© . Il est forcĂ© Ă la dĂ©mission, le , de L'Avanti![17], puis exclu du PSI le .
L'ancien directeur de L'Avanti! veut avoir son journal pour se lancer dans la bataille de l'interventionnisme de gauche, pour l'entrĂ©e en guerre de l'Italie. « Je suis et resterai socialiste », a-t-il affirmĂ© aprĂšs son exclusion du PSI. Il accepte que les fonds nĂ©cessaires au lancement en novembre 1914 du journal - plus d'un million de lires - soient apportĂ©s, par l'intermĂ©diaire de Filippo Naldi directeur d'un journal de droite modĂ©rĂ©e, par un montage financier auquel n'est pas Ă©tranger le chef de la diplomatie italienne, le marquis de San Giuliano, avec la participation d'industriels directement intĂ©ressĂ©s par les commandes de fournitures militaires et pas fachĂ©s de diviser les socialistes[18]. DĂšs le printemps 1915, il met fin Ă cette collaboration qu'il juge lui-mĂȘme compromettante et ce sont les socialistes français et belges qui financeront de maniĂšre rĂ©guliĂšre son journal, ainsi que des fonds secrets français remis par l'intermĂ©diaire de l'ambassade de France.
Le premier numĂ©ro d' Il Popolo d'Italia, sort le . Sous le titre la mention Quotidien socialiste - Fondateur Benito Mussolini et deux citations rĂ©volutionnaires françaises : Ă gauche « Qui a du fer a du pain » (Chi ha del ferro, ha del pane) d'Auguste Blanqui, Ă droite, « La rĂ©volution est une idĂ©e qui a trouvĂ© des baĂŻonnettes» (La rivoluzione Ăš un'idea che ha trovato delle baionette) de NapolĂ©on. Dans l'imaginaire politique de la gauche italienne, les rĂ©fĂ©rences Ă la France rĂ©volutionnaire et Ă la Commune de Paris Ă©taient trĂšs prĂ©sentes et ces deux Ă©pisodes de lâhistoire ont en commun de faire se rejoindre lâidĂ©e de guerre et celle de rĂ©volution. Parmi les collaborateurs rĂ©guliers ou Ă©pisodiques du journal, on retrouve des personnalitĂ©s de toutes les tendances de la gauche dĂ©mocratique ou radicale de Maria Rygier Ă Pietro Nenni, de Cesare Rossi Ă Sergio Panunzio, d'Agostino Lanzillo Ă Margherita Sarfatti.
Il Popolo d'Italia voit ses ventes croĂźtre rapidement : 40 000 exemplaires fin 1914 (la moitiĂ© de L'Avanti!), avec des pointes Ă plus de 70000. Son journal est devenu un pĂŽle de rassemblement pour les divers courants de l'interventionisme de gauche : syndicalistes rĂ©volutionnaires, rĂ©publicains, socialistes ralliĂ©s aux idĂ©es mussoliniennes , mĂȘme s'il n'a pas jouĂ© le rĂŽle central que lui donnera par la suite la propagande fasciste dans l'entrĂ©e en guerre de l'Italie en mai 1915.
Mussolini participe à toutes les réunions et meetings organisés par les antineutralistes. En , il participe à Milan à la création des Fasci d'azione rivoluzionaria[19], participant à leur premier congrÚs les 24 et [20]. Ces fasci, mouvements révolutionnaires peu structurés mais trÚs actifs, sont déjà plus de cent et rassemblent plus de 9000 adhérents. Ils serviront de modÚles, quatre ans plus tard au mouvement fasciste.
La guerre (1915-1918)
AprĂšs l'entrĂ©e en guerre de l'Italie Ă la suite du pacte de Londres (mai 1915), Mussolini est affectĂ© en au 11e bersaglier puis envoyĂ© sur le front alpin le 2 septembre 1915. Il y passe dix-huit mois avec quelques interruptions et en fait le rĂ©cit dans un journal de guerre publiĂ© en feuilleton dans Il Popolo d'Italia. « Peu d'envolĂ©es triomphalistes et moins encore d'apologies de carnage », Ă©crit son biographe Pierre Milza, « Ă la diffĂ©rence dâHitler, Mussolini nâa pas la passion de la guerre : elle ne provoque pas chez lui cette excitation hĂ©roĂŻque qui fait vibrer le petit caporal autrichien[21]> ».
Il est nommĂ© caporal le 1er mars 1916, avec la citation suivante : « A cause de son activitĂ© exemplaire, de son esprit bersaglier et de sa fermetĂ© dâesprit. Toujours le premier chaque fois quâil sâagit de labeur et de bravoure. ZĂ©lĂ© et scrupuleux dans lâaccomplissement de son devoir ».
BlessĂ© gravement par l'explosion d'un mortier lors d'un exercice, le 23 fĂ©vrier 1917, il passe cinq mois Ă lâhĂŽpital quâil quitte le 1er aoĂ»t 1917 avec un congĂ© de six mois qui sera renouvelĂ© jusquâĂ la fin de la guerre.
LâItalie traverse alors une grave crise morale aprĂšs lâĂ©chec de neuf offensives infructueuses lancĂ©es par le gĂ©nĂ©ral Luigi Cadorna qui coĂ»tent des centaines de milliers de tuĂ©s et de blessĂ©s. Mutineries et dĂ©sertions Ă©clatent durement rĂ©primĂ©es. Lâagitation gagne les principales villes du Nord. Le PSI rĂ©clame une paix blanche et lance le slogan « Lâhiver prochain, plus personne dans les tranchĂ©es (Il prossimo inverno non piĂč in trincea) ».
Mussolini rompt alors avec le socialisme. Il fait disparaĂźtre du bandeau de son journal la mention « quotidien socialiste » remplacĂ© par « quotidien des combattants et des producteurs ». Mais il reste proche des syndicalistes rĂ©volutionnaires de lâUIL (Unione Italiana del Lavoro) qui rassemblent 200 000 adhĂ©rents Ă la fin de la guerre.
Revenu Ă la direction du Popolo dâItalia influent dans les milieux antineutralistes de gauche, il mĂšne campagne contre les « dĂ©faitistes », bĂ©nĂ©ficiant de son image de « grand blessĂ© de guerre », sans ĂȘtre trop regardant sur les sommes qui alimentent les caisses du journal : fonds secrets Ă©trangers ou publicitĂ©s de certains milieux industriels. Selon Peter Martland, historien de lâuniversitĂ© de Cambridge, il aurait reçu du cĂ©lĂšbre service de renseignement britannique MI5 (Security Service) 100 livres par semaine Ă partir de lâautomne 1917 pour Ă©crire des articles favorables Ă la Triple Entente[22].
Sa situation Ă©conomique sâamĂ©liore : il a rasĂ© sa moustache, porte des costumes de bonne coupe, a dĂ©mĂ©nagĂ© dans un quartier chic de Milan et roule dans une trois-litre Alfa Romeo rouge.
Naissance du fascisme (1919)
La paix venue, les difficultés économiques et financiÚres liées à la guerre et à la reconversion de l'économie, la forte détérioration du pouvoir d'achat, les promesses non tenues, l'impact de la révolution bolchevique vont entraßner deux grandes vagues d'agitation révolutionnaire, « les deux années rouges » (Biennio rosso) au printemps 1919 et en 1920, avec occupations des terres des grands propriÚtaires par les paysans, grÚves sauvages par les ouvriers, incendies et pillages.
C'est au dĂ©but de la premiĂšre vague rĂ©volutionnaire, le que Mussolini rĂ©unit Ă l'appel de son journal Ă Milan au palais Castani, piazza San Sepolcro, dans une salle prĂȘtĂ©e par le Cercle des intĂ©rĂȘts industriels et commerciaux, un groupe de 200 Ă 300 personnes pour jeter les bases d'une organisation Ă l'Ă©chelle nationale, les Faisceaux de combat (fasci italiani di combattimento). La crĂ©ation du mouvement, un de plus parmi les groupes qui se constituent au lendemain de la guerre dans les rangs des dĂ©mobilisĂ©s, passe largement inaperçu. 104 personnes donnent leur adhĂ©sion et seront appelĂ©s les « sansepolcristi » avec, par la suite, dĂ©livrance d'un brevet attestant la qualitĂ© de membre fondateur.
La plupart des adhĂ©rents sont des hommes jeunes, milanais ou du nord de l'Italie (un seul adhĂ©rent romain, aucun du Mezzogiorno), de la petite bourgeoisie urbaine de gauche ou d'extrĂȘme gauche, socialistes ayant rompu avec la ligne officielle du parti, anarchistes et syndicalistes rĂ©volutionnaires. Un deuxiĂšme groupe est constituĂ© de vĂ©tĂ©rans de guerre, activistes du mouvement combattant, comme les arditi, ces anciens soldats des sections dâassaut spĂ©cialistes des coups de main audacieux, qui se sont constituĂ©s en association nationale et dont Mussolini a accrochĂ© le drapeau â une tĂȘte de mort blanche, un poignard entre les dents â dans son bureau du Popolo dâItalia.
Mussolini Ă©nonce les principes du nouveau mouvement : proclamation d'une rĂ©publique dĂ©centralisĂ©e, suffrage universel avec reprĂ©sentation proportionnelle et vote des femmes, abolition du SĂ©nat, des titres de noblesse, du service militaire obligatoire, impĂŽt sur le capital, confiscation des biens des congrĂ©gations religieuses, journĂ©e de huit heures, nationalisation des industries de guerre... Il sâen prend Ă©galement au bolchevisme et au « socialisme officiel ».
Au lendemain de la rĂ©union, des groupes fascistes vont se constituer dans une centaine d'agglomĂ©rations pour la plupart dans le nord du pays, nombre dâentre eux nâayant quâune existence Ă©phĂ©mĂšre, le mouvement n'attirant pas les masses ouvriĂšres et paysannes sur lesquelles comptait Mussolini, ni la bourgeoisie plutĂŽt inquiĂšte du caractĂšre subversif et fortement anticapitaliste du programme. Au CongrĂšs de Florence d'octobre, avant les Ă©lections, il n'y a que 56 faisceaux, groupant environ 17 000 militants.
Par ailleurs, Mussolini doit compter avec Gabriele dâAnnunzio, devenu hĂ©ros national aprĂšs lâexpĂ©dition de Fiume, qui lui fait concurrence dans le milieu des arditi et des officiers dĂ©mobilisĂ©s. Son soutien est embarrassĂ© car il ne veut pas ĂȘtre relĂ©guĂ© au deuxiĂšme rang. Il Popolo dâItalia organise une grande souscription nationale qui rapporte 3 millions de lires en quelques semaines et Mussolini rencontre DâAnnunzio Ă Fiume, mais câest pour le convaincre de ne pas se lancer dans une insurrection dont lâissue lui semble douteuse et dâattendre les Ă©lections de novembre.
Pour ces Ă©lections, Mussolini voudrait constituer un bloc des partis et groupes se rĂ©clamant de lâinterventionnisme de gauche : Parti rĂ©publicain, Union socialiste italienne, syndicalistes rĂ©volutionnaires de lâUIL, futuristes et fascistes. Mais ce projet de cartel Ă©choue devant lâopposition des rĂ©publicains qui jugent dangereuse une alliance avec un parti prĂȘchant la subversion de lâordre social et les fascistes se prĂ©sentent seuls. Le rĂ©sultat est catastrophique. La liste fasciste obtient 4 795 voix et un seul Ă©lu, le PSI 170 000 et 156 Ă©lus, le Parti populaire (catholique) de Luigi Sturzo 74 000 voix[23].
Mussolini songe sérieusement à renoncer à la politique et à émigrer. L'année 1919 a marqué l'échec de la tentative du fascisme de s'imposer à gauche. Il ne reste qu'une trentaine de faisceaux réunissant quelques milliers d'adhérents.
La conquĂȘte du pouvoir (1920-1922)
La deuxiĂšme grande vague dâagitation rĂ©volutionnaire commence au dĂ©but de 1920 par la grĂšve spontanĂ©e des postiers et des employĂ©s de chemins de fer et sâĂ©tend vite Ă tous les secteurs de lâĂ©conomie. Elle est soutenue par le Parti socialiste italien (PSI) qui rĂ©clame une rĂ©publique socialiste. Le mouvement gagne les campagnes : les ouvriers agricoles (braccianti) sâorganisent en ligues agraires et essaient dâimposer leurs conditions dâembauche et de salaires aux propriĂštaires. Le gouvernement Nitti sâavĂšre incapable de maĂźtriser la situation malgrĂ© une rĂ©pression brutale. Les occupations dâusines ne cesseront que le 27 septembre lorsque son successeur, le vieux dirigeant libĂ©ral progressiste Giolitti, rompu Ă lâart du compromis, trouvera un accord avec la CGL (Confederazione generale del Lavor) et le PSI, acceptant des augmentations de salaires (vite grignotĂ©es par lâinflation) et un projet de loi visant au contrĂŽle ouvrier des entreprises (qui ne verra jamais le jour).
Ă partir du printemps 1920, les adhĂ©sions aux fasci reprennent, mais le recrutement Ă©volue (les historiens parlent de premier et de second fascisme). Si les premiers militants Ă©taient liĂ©s Ă la mouvance de lâinterventionnisme de gauche, les nouveaux, la nouvelle vague est certes toujours issue de la petite et moyenne bourgeoisie urbaine, mais est plus jeune et plus Ă droite, avec une nette composante militaire (officiers dĂ©mobilisĂ©s, arditi, lĂ©gionnaires de Gabriele D'Annunzio aprĂšs la capitulation de Fiume le 26 juin). Ces nouveaux fascistes ont en commun une haine farouche du bolchevisme et de la dĂ©mocratie libĂ©rale. Ils se considĂšrent comme une nouvelle Ă©lite issue des tranchĂ©es face Ă une classe dirigeante incapable de faire face Ă la situation dĂ©sastreuse dans laquelle se trouve lâItalie[24].
IsolĂ© politiquement aprĂšs l'Ă©chec des alliances sur lesquelles il avait cru pouvoir compter Ă gauche lors des Ă©lections de 1919 , notamment celle des rĂ©publicains, Mussolini dĂ©cide de sâallier avec la droite qui accepte de faire figurer des fascistes sur leurs listes, ce qui permet Ă la coalition antisocialiste dâemporter 4 665 communes sur 8 327 lors des Ă©lections administratives dâoctobre 1920[25].
LâĂ©volution du mouvement dans un sens conservateur est une des raisons de ce revirement, ainsi que la propre Ă©volution sociale de Mussolini qui est dĂ©sormais un journaliste et un homme politique connu, habituĂ© Ă traiter avec les hommes dâaffaires et les industriels (dont certains alimentent les caisses de son journal) et introduit dans les salons de la bonne sociĂ©tĂ© milanaise par sa maĂźtresse, qu'il a connue au parti socialiste, Margherita Sarfatti, intellectuelle issue dâune riche famille juive vĂ©nitienne, engagĂ©e dans le mouvement dâĂ©mancipation des femmes.
Câest le squadrisme , cette militarisation du fascisme, qui va permettre Ă Mussolini, dont les chances de lâemporter apparaissaient Ă peu prĂšs nulles en 1920, de sâemparer du pouvoir.
CrĂ©Ă©s aprĂšs le reflux des grĂšves qui ont fait trembler la classe dirigeante, Ă partir de lâautomne 1920, par les dirigeants fascistes locaux, les ras comme les appelle Mussolini par rĂ©fĂ©rence aux chefs de guerre Ă©thiopiens, Farinacci Ă CrĂ©mone, Grandi Ă Bologne, Balbo Ă Ferrare, Bottai Ă Rome, ces escouades (squadre), vĂ©ritables milices contre-rĂ©volutionnaires armĂ©es, vont ĂȘtre utilisĂ©es et financĂ©es par les possĂ©dants et soutenues par les pouvoirs publics qui les considĂšrent comme une force dâappoint contre le pĂ©ril rĂ©volutionnaire.
Le phĂ©nomĂšne va se dĂ©velopper trĂšs vite Ă la fois dans les villes et dans les campagnes (on parle de squadrisme agraire). Ces petits groupes dâune quarantaine dâhommes sont composĂ©s dâanciens combattants et de jeunes appartenant aux classes populaires, commandĂ©s par des officiers dĂ©mobilisĂ©s et disposent dâengins motorisĂ©s. Dans les villes, ils vont organiser des combats de rue (dont ils ne sortent pas toujours vainqueurs, les troupes socialistes Ă©tant souvent plus nombreuses), des expĂ©ditions punitives contre les imprimeries de journaux adverses, les bourses du travail, et dans les campagnes, les coopĂ©ratives, les ligues agraires, les coopĂ©ratives. Les bĂątiments sont pillĂ©s ou incendiĂ©s, les adversaires, pourchassĂ©s, frappĂ©s Ă coups de gourdin (le manganello), contraints Ă absorber de lâhuile de ricin oĂč mĂȘme mis Ă mort.
Face Ă ces dĂ©bordements, le gouvernement Giolitti laisse faire, pensant amener les dirigeants socialistes Ă un compromis avec le pouvoir ou mĂȘme Ă entrer dans une nouvelle combinaison ministĂ©rielle. LâarmĂ©e, les carabiniers, les juges penchent du cĂŽtĂ© des fascistes.
Au cours des cinq premiers mois de 1921, Mussolini voit passer le nombre des fasci de 88 Ă 1001 et celui des adhĂ©rents de 20 165 Ă 187 588[26]. Pour les partis de la droite libĂ©rale comme pour le monde des affaires, il devient un alliĂ© possible. Aux Ă©lections du 15 mai 1921 , le prĂ©sident du Conseil Giolitti lui propose de se joindre Ă la coalition des partis constitutionnels qui obtient une courte majoritĂ© (275 siĂšges sur 535). Les socialistes ont 123 siĂšges au lieu de 156, les populaires 108, les communistes issus d'une scission du Parti socialiste italien au congrĂšs de Livourne le 15, les nationalistes 10. Les fascistes qui nâĂ©taient prĂ©sents que dans 75 circonscriptions ont 35 dĂ©putĂ©s, dont Mussolini, Ă©lu deux fois Ă Bologne et Ă Milan. La coalition Ă©clate dĂšs le lendemain du scrutin, obligeant Giolitti Ă dĂ©missionner pour laisser la place Ă son ministre de la Guerre, Ivanoe Bonomi.
L'alliance avec la droite sâest rĂ©vĂ©lĂ©e Ă©lectoralement payante pour Mussolini. Pour accĂ©der au pouvoir, il veut privilĂ©gier la voie parlementaire contrairement aux dirigeants locaux du mouvement. Son dessein est de sĂ©parer les ouvriers et le prolĂ©tariat rural des socialiste et des communistes, dâobtenir lâappui des milieux dâaffaires et la neutralitĂ© des catholiques. Il craint que les violences incontrĂŽlĂ©es du squadrisme ne le desservent et Ă©chappent Ă son contrĂŽle. Le , il invite les socialistes, dans un article du Il Popolo d'Italia, Ă un « pacte de pacification » pour la cessation des violences , signĂ© le 21 aoĂ»t avec les socialistes et la CGL (sans les communistes) grĂące Ă la mĂ©diation du prĂ©sident de la Chambre Enrico De Nicola.
Cette signature provoque une rĂ©volte ouverte des « ras », tout puissants dans leurs fiefs et volontiers rebelles, qui proposent la direction du mouvement Ă DâAnnunzio qui refuse. AprĂšs des pĂ©ripĂ©ties qui durent deux mois et provoquent la dĂ©mission de Mussolini de la commission exĂ©cutive des fasci, un compromis est trouvĂ©, mais Mussolini doit reculer. Le pacte de pacification est annulĂ© et les violences redoublent.
Pour reprendre en main son mouvement, il dĂ©cide, au CongrĂšs de Rome en septembre 1921, de le transformer en un parti organisĂ© et disciplinĂ©, le Parti national fasciste avec une milice armĂ©e Ă©troitement soumise Ă la direction politique du parti et revĂȘtue de lâuniforme des arditi, chemise et fez noirs. Le programme prĂŽne lâencadrement des masses dans des organisations contrĂŽlĂ©es par le parti, la mise en place dâun exĂ©cutif fort et lâinterdiction de la grĂšve dans les services publics.
Le gouvernement Bonomi dĂ©cide lâinterdiction de toutes les organisations militaires, mais incapable de faire appliquer cette interdiction, est renversĂ© en fĂ©vrier 1922. Soutenue par les socialistes et les communistes un mot dâordre de grĂšve gĂ©nĂ©rale est lancĂ©, baptisĂ©e « grĂšve lĂ©galitaire », qui est un Ă©chec total, les fascistes obligeant les grĂ©vistes Ă reprendre le travail.
AprĂšs lâĂ©chec de la grĂšve, lâentourage de Mussolini le presse de prendre le pouvoir par un coup de force, mais ce dernier privilĂ©gie toujours la voie constitutionnelle. Pour impressionner le gouvernement et la classe politique, il rĂ©unit un congrĂšs du parti, qui compte maintenant 320 000 adhĂ©rents, Ă Naples en octobre. Quarante mille chemises noires lâacclame et rĂ©clame le droit du fascisme Ă gouverner l'Italie.
Le 27 octobre, il dĂ©cide, aprĂšs beaucoup dâhĂ©sitation, une marche spectaculaire sur la capitale des chemises noires provenant de diffĂ©rentes rĂ©gions d'Italie et commandĂ©es par un quadriumvirat Italo Balbo, Cesare Maria De Vecchi, Emilio De Bono et Michele Bianchi. Il ne prend pas part directement Ă la marche et reste Ă Milan , craignant que le gouvernement ne lui oppose l'armĂ©e, ce qui provoquerait l'Ă©chec de l'opĂ©ration.
La marche réunit environ 30 000 hommes médiocrement armés (la propagande fasciste annoncera 300 000 marcheurs). La garnison de Rome compte autant de soldats bien armés et pourvus d'artillerie. Mais le roi Victor-Emmanuel III, qui n'a aucune sympathie pour Mussolini, refuse d'instaurer l'état de siÚge car il ne veut pas d'épreuve de force, et surtout il sait qu'une majeure partie de la classe dirigeante, y compris les milieux industriels, voit en Mussolini l'homme fort susceptible de ramener l'ordre dans le pays et souhaite une participation fasciste au gouvernement.
Le 28 octobre, l'ancien président du Conseil Antonio Salandra, pressenti par le roi pour former un gouvernement, propose à Mussolini le poste de ministre de l'Intérieur. Celui-ci refuse et Salandra renonce à former un gouvernement sans lui. Le 29 au matin le roi décide de confier ce soin au Duce du fascisme.
Interrogé en 1943 par le journaliste Carlo Silvestri, Mussolini dit :
« On a soutenu qu'aprÚs la marche sur Rome, j'aurais pu instaurer la République. Non. La tentative aurait certainement échoué, compromettant l'avenir du mouvement fasciste. Le peuple n'était pas du tout préparé à un éventuel gouvernement républicain, et il ne faut pas oublier que la monarchie avait ouverte toutes grandes les portes au fascisme[27]. »
Vers la dictature (1922-1925)
Les fascistes ne comptent que 35 dĂ©putĂ©s dans l'AssemblĂ©e Ă©lue en 1921, mais Mussolini, pour rassurer la classe dirigeante, prĂ©fĂšre la maintenir en place plutĂŽt que de la dissoudre immĂ©diatement et provoquer de nouvelles Ă©lections. Il forme un gouvernement oĂč les non-fascistes sont majoritaires mais il adresse un avertissement Ă l'AssemblĂ©e dans son discours inaugural dit du « bivouac » :
« Je me suis refusĂ© Ă Ă©craser les vaincus et je pouvais les Ă©craser. Je me suis imposĂ© des limites. (...) Avec trois cent mille jeunes armĂ©s, dĂ©cidĂ©s Ă tout et prĂȘts, de maniĂšre quasiment mystique, Ă obĂ©ir Ă mes ordres, moi, je pouvais faire de cette enceinte sourde et grise un bivouac de manipules[28]. »
Il prend pour lui-mĂȘme l'IntĂ©rieur et l'interim des Affaires Ă©trangĂšres et obtient la confiance avec 306 voix contre 116 (socialistes et communistes). Fin novembre, il obtient les pleins pouvoirs jusqu'au 31 dĂ©cembre. Le PNF est devenu un parti de masse : 500 000 inscrits, dont 200 000 miliciens en mai 1923. Le 15 dĂ©cembre 1922, le Grand Conseil du fascisme qui a pour fonction de discuter des questions de gouvernement et dâorganisation du parti se rĂ©unit pour la premiĂšre fois. Lâune des mesures adoptĂ©es est lâinstitutionnalisation des chemises noires devenues Milice volontaire pour la sĂ©curitĂ© nationale (MVSN) chargĂ©e de dĂ©fendre lâĂtat Ă la place de la garde royale.
En juillet 1923, Mussolini fait voter une nouvelle loi électorale, la loi Acerbo qui prévoit que la liste ayant obtenu au moins 25% des voix soit assurée des deux-tiers des siÚges, le reste étant partagé à la proportionnelle. La Chambre est dissoute le 25 janvier 1924 et les élections sont fixées au 6 avril 1924.
Lors d'un discours du 2 avril 1924, Mussolini reprend une citation du philosophe Friedrich Nietzsche : « vivre dangereusement », citation qui doit ĂȘtre la rĂšgle pour le fascisme ; Mussolini dĂ©clare ainsi :
« Vivre dangereusement : je voudrais que ce fut lĂ le mot d'ordre du fascisme italien. Vivre dangereusement, cela veut dire ĂȘtre prĂȘt Ă tout, Ă quelque sacrifice, Ă quelque danger possible, Ă quelque action que ce soit, quand il s'agit de dĂ©fendre sa patrie. La vie telle que le conçoit le fasciste est grave, austĂšre et religieuse : elle est vĂ©cue tout entiĂšre dans un monde portĂ© par les forces responsables et morales de l'esprit. Le fasciste doit mĂ©priser la vie commode. Son credo est l'hĂ©roĂŻsme tandis que celui du bourgeois est l'Ă©goĂŻsme. Le fascisme est enfin une conception religieuse qui considĂšre l'Homme dans son rapport sublime avec une loi et une volontĂ© qui dĂ©passe l'individu. Pour le fascisme, le monde n'est pas ce monde matĂ©riel qui apparaĂźt Ă la surface, oĂč l'homme est un individu isolĂ© de tous les autres, existant en soi, et gouvernĂ© par une loi qui le mĂšne Ă ne vivre qu'une vie de plaisir Ă©goĂŻste et momentanĂ©e. Le fascisme est nĂ© d'une rĂ©action contre le siĂšcle prĂ©sent et contre le matĂ©rialisme dĂ©gĂ©nĂ©rĂ© et agnostique[29]. »
Pour les Ă©lections, Mussolini constitue une liste nationale comprenant Ă©galement quelques hautes personnalitĂ©s non-fascistes du monde politique dont Vittorio Emanuele Orlando, Antonio Salandra et Enrico De Nicola qui retire sa candidature peu avant les Ă©lections, et de nombreuses personnalitĂ©s de la droite italienne. AprĂšs une campagne Ă©lectorale oĂč les violences contre les candidats de l'opposition redoublent d'intensitĂ©, le « Listone » obtient 4 305 000voix, soit 66 % des suffrages exprimĂ©s et 356 dĂ©putĂ©s. Les fascistes Ă eux seuls en ont 275 soit la majoritĂ© absolue. L'opposition, vaincue mais non Ă©crasĂ©e, obtient 3 millions de suffrages et se partage Ă la proportionnele le tiers des siĂšges restants : 36 pour les socialiste, 19 pour les communistes, 39 pour les populaires, 15 pour les libĂ©raux, 10 pour les dĂ©mocrates sociaux, etc[30]..
Le 11 juin 1924, le dĂ©putĂ© socialiste Giacomo Matteotti qui avait dĂ©noncĂ©, preuves en main, les violations de la libertĂ© Ă©lectorale et demandĂ© lâinvalidation de tous les dĂ©putĂ©s fascistes est enlevĂ© et assassinĂ© par des squadristes fascistes. L'Ă©vĂ©nement provoque lâindignation gĂ©nĂ©rale, la grĂšve des dĂ©putĂ©s d'opposition qui quittent le parlement pour protester contre l'assassinat ( « sĂ©cession sur l'Aventin » et la dĂ©fection de certains de ses alliĂ©s conservateurs et libĂ©raux.
Mussolini traverse une pĂ©riode de dĂ©couragement et dâabattement profond. Il se dĂ©barrasse de tous ceux qui se trouvent impliquĂ© dans le meurtre et craint de perdre le pouvoir. Les dirigeants squadristes qui ont la mĂȘme crainte le somment dâengager lâĂ©preuve de force.
Le , le Duce tient un discours au parlement dans lequel il indique clairement quâil veut en finir avec lâopposition et la dĂ©mocratie libĂ©rale. Ce discours est considĂ©rĂ© comme le dĂ©but du rĂ©gime fasciste dictatorial. Le jour mĂȘme la Milice commence la chasse aux opposants, les obligeant Ă entrer dans la clandestinitĂ© ou Ă sâexiler.
La mise en place de la dictature (1925-1928)
Les lois qui vont changer la nature du rĂ©gime et instaurer la dictature, soigneusement prĂ©parĂ©es Ă lâavance, vont ĂȘtre prĂ©sentĂ©es opportunĂ©ment aprĂšs divers attentats manquĂ©s contre Mussolini.
Lâattentat prĂ©parĂ© le par le dĂ©putĂ© socialiste Tito Zaniboni avec des reprĂ©sentants de la franc-maçonnerie et dĂ©jouĂ© grĂące Ă un indicateur parmi les conjurĂ©s, entraĂźne la loi de 24 dĂ©cembre 1925 qui confĂšre Ă Mussolini la totalitĂ© du pouvoir exĂ©cutif et la possibilitĂ© de faire des lois sans en rĂ©fĂ©rer au Parlement, devenu simple chambre dâenregistrement. Ă noter que Mussolini, lui-mĂȘme antimonarchiste, nâose pas supprimer la royautĂ© ne jugeant pas lâopinion prĂȘte et Ă©pargne le roi qui demeure le premier personnage de lâĂtat et peut en principe le rĂ©voquer et dĂ©signer son successeur (il le fera en juillet 1943). De mĂȘme sont Ă©pargnĂ©s le SĂ©nat, recrutĂ© par nomination royale et la Chambre, dont il change cependant le mode dâĂ©lection, les Ă©lecteurs ne pouvant quâaccepter ou refuser les noms qui leur sont prĂ©sentĂ©s. La loi permet aussi de rĂ©voquer les fonctionnaires dont les opinions sont contraires au rĂ©gime. Les journaux ne peuvent ĂȘtre dirigĂ©s, Ă©crits et imprimĂ©s que s'ils ont un responsable accrĂ©ditĂ© par le prĂ©fet et donc indirectement par Mussolini.
Ă la suite de trois nouveaux attentats contre le Duce - Violet Gibson, une Irlandaise prĂ©sentĂ©e comme dĂ©sĂ©quilibrĂ©e qui tire sur lui le un coup de feu, Gino Lucetti, un anarchiste qui lance un engin explosif le 11 septembre vers sa voiture blessant huit personnes, un garçon de quinze ans du nom d'Anteo Zamboni, peut-ĂȘtre manipulĂ©, qui tire un coup de pistolet le 31 octobre 1926 et est lynchĂ© sur place - dâautres lois, connues sous le nom de lois fascistissimes inspirĂ©es par le juriste Alfredo Rocco , sont adoptĂ©es en novembre 1926, achevant de supprimer toute libertĂ© : les journaux antifascistes sont supprimĂ©s, les partis et organisations opposĂ©s au rĂ©gime dissous. Tous ceux « qui ont commis ou ont manifestĂ© lâintention de commettre des actes propres Ă troubler de maniĂšre violente âordre social, Ă©conomique et national » peuvent ĂȘtre arrĂȘtĂ©s par la nouvelle police politique, lâOrganisation de la surveillance et de la rĂ©pression de l'antifascisme (OVRA)[N 4], et jugĂ©s par un tribunal spĂ©cial de dĂ©fense de lâĂtat. Les conseillers municipaux et les maires sont supprimĂ©s et remplacĂ©s par des podestĂ nommĂ©s par dĂ©cret royal.
En matiĂšre sociale, la « Charte du travail » dĂ©clare en 1926 que le droit de grĂšve est supprimĂ© et que seuls les syndicats fascistes, regroupĂ©s dans six confĂ©dĂ©rations ouvriĂšres sont habilitĂ©s Ă ĂȘtre les interlocuteurs de six confĂ©dĂ©rations patronales correspondantes. Le 8 juillet 1926, le ministĂšre des corporations est crĂ©Ă© et Mussolini en assume la direction.
ParallĂšlement, Mussolini rĂ©duit au silence ses opposants dans le Parti et supprime les Ă©lections internes de ses membres. Les deux secrĂ©taires gĂ©nĂ©raux quâil nomme, Roberto Farinacci, puis Augusto Turati procĂšdent Ă plus de 60000 exclusions pendant la pĂ©riode[31]. Leur dĂ©part coĂŻncide avec lâarrivĂ©e massive de nouveaux membres plus bourgeois, reprĂ©sentants de la classe moyenne aisĂ©e, des membres des professions libĂ©rales et des employĂ©s[32]. Le Parti compte alors plus dâun million dâadhĂ©rents.
Toujours en 1926, lâOpera Nazionale Balilla (ONB) est crĂ©Ă©, avec lâobjectif de « rĂ©organiser la jeunesse dâun point de vue moral et physique », ainsi quâĂ lâĂ©ducation spirituelle et culturelle et Ă lâinstruction prĂ©-militaire, des jeunes Italiens de 8 Ă 18 ans. En 1927, toutes les autres organisations sont dissoutes par dĂ©cret Ă lâexception de la jeunesse italienne catholique (GioventĂč Italiana Cattolica). Une campagne de soutien de la croissance dĂ©mographique est lancĂ©e: les cĂ©libataires doivent payer une taxe spĂ©ciale. De mĂȘme, Ă lâoccasion des mariages, lâĂtat offre une prime aux Ă©poux et sâils prĂ©voient des prĂȘts, des facilitĂ©s Ă©conomiques leur sont accordĂ©es ainsi que des exemptions de taxes pour les familles nombreuses. Les Groupements universitaires fascistes ou GUF sont crĂ©Ă©s, pour la formation de la future classe dirigeante. En 1927, le ComitĂ© olympique national italien (CONI) est crĂ©Ă© avec lâobjectif dâamĂ©liorer la compĂ©titivitĂ©. PrĂ©cĂ©demment, la gestion de lâactivitĂ© sportive Ă©tait confiĂ©e Ă lâinitiative privĂ©e. Le , lâAgence italienne des diffusions radiophoniques (Ente Italiano Audizioni Radiofoniche - EIA) est crĂ©Ă©e et est seule compĂ©tente pour la gestion publique du service radiophonique sur le territoire national. En 1944, elle sera rebaptisĂ©e RAI (Radio Audizioni Italiane).
En matiĂšre dâĂ©conomie, Mussolini lance plusieurs « grandes batailles », donnant lieu Ă de grands efforts de propagande, dont la principale est celle du blĂ©. Lâobjectif est d'atteindre lâautosuffisance envers lâĂ©tranger en ce qui concerne la production des produits agricoles et particuliĂšrement du blĂ© dont lâimportation est Ă lâorigine Ă 50 % du dĂ©ficit de la balance des paiements. La campagne, mĂȘme si elle n'atteint pas l'objectif fixĂ©, est un succĂšs, la production de blĂ© passant de 50 millions de quintaux en 1924 Ă 80 millions en 1930[33]. Le projet sâaccompagne de la bonification des terres paludĂ©ennes prĂ©sentes dans la pĂ©ninsule italienne parmi lesquelles les marais Pontins[34].
Enfin, lâanticlĂ©rical Mussolini conclut le 11 fĂ©vrier 1929 avec le Saint-SiĂšge, mettant fin Ă la question romaine, les « accords du Latran » qui reconnaissent la pleine propriĂ©tĂ© et la puissance souveraine du pape sur la citĂ© du Vatican et divers Ă©difices en fonction de quoi ce dernier renonce au pouvoir temporel et reconnaĂźt la souverainetĂ© de la Maison de Savoie sur le royaume dâItalie avec Rome pour capitale. Le pape Pie XI lui-mĂȘme dĂ©clare :
« Peut-ĂȘtre fallait-il un homme comme celui que la Providence nous a fait rencontrer, un homme auquel fussent Ă©trangĂšres les peĂ©occupations de lâĂ©cole de pensĂ©e libĂ©rale[35]. »
Mussolini, « lâhomme de la Providence » va tirer un immense succĂšs personnel de ces accords qui assurent le ralliement au rĂ©gime de la masse des catholiques.
La politique extĂ©rieure jusquâĂ la guerre dâĂthiopie (1922-1935)
En politique extĂ©rieure, Mussolini veut une politique de prestige pour renforcer son consensus intĂ©rieur mais jusquâen 1926 la prioritĂ© pour lui est de consolider son pouvoir et il doit composer avec ses partenaires europĂ©en. Il se rapproche dâabord de la France en soutenant la position de Raymond PoincarĂ© sur les rĂ©parations allemandes Ă la confĂ©rence de Londres en 1922, puis lâoccupation de la Ruhr en 1923, puis de lâAngleterre ; cela se manifeste par la reconnaissance du DodĂ©canĂšse italien au traitĂ© de Lausanne de 1923 grĂące Ă lâappui britannique, puis par l'accord de 1925 avec Londres prĂ©voyant le partage des zones dâinfluence en Ăthiopie, un des derniers Ătats indĂ©pendants en Afrique â qu'il va envahir en 1935.
Lâaffaire de Corfou en lui apporte un succĂšs de prestige : Ă la suite du massacre prĂšs de la ville grecque dâIoannina dâofficiers italiens chargĂ©s de dĂ©limiter la frontiĂšre, Mussolini fait occuper Corfou, ancienne possession vĂ©nitienne, quâil doit Ă©vacuer quelques semaines plus tard sous les menaces anglaises, mais avec une indemnitĂ© de 50 millions de lires versĂ©es par AthĂšnes.
En 1925, il signe les accords de Locarno visant Ă assurer la sĂ©curitĂ© collective en Europe et les frontiĂšres de l'Allemagne. il rĂšgle amicalement avec la Yougoslavie la question de la ville de Fiume qui devient italienne en Ă©change dâune partie de son territoire (traitĂ© de Rome de 1924)
Ă partir de 1926, un de ses sujets de rhĂ©torique devient lâexpansion coloniale. Pourtant, bien qu'il rĂ©clame « un peu de place dans le monde, Ă temps et de bonne grĂące »[37], il nâobtient rien des deux grandes puissances coloniales, lâAngleterre et la France, qui se sont largement partagĂ©s lâAfrique, y compris les colonies allemandes sous forme de mandats de la SDN. Il se tourne alors vers lâEurope danubienne et balkanique, en Albanie oĂč il signe le avec Ahmet Zogu le traitĂ© de Tirana qui donne Ă l'Italie une prĂ©pondĂ©rance incontestĂ©e dans le pays.
En matiĂšre dâextension territoriale, il ne lui reste quâĂ consolider la souverainetĂ© italienne sur la Libye italienne (occupation du Fezzan en 1927-1928), lâĂrythrĂ©e et la Somalie italienne (fĂ©roce campagne de « pacification » menĂ©e par De Vecchi, nommĂ© gouverneur en 1925) avec lâappui de la Grand-Bretagne qui sâexprime clairement dans le discours de Winston Churchill, alors Chancelier de l'Ăchiquier, le :
« Si jâavais Ă©tĂ© italien, je suis sĂ»r que jâaurais Ă©tĂ© entiĂšrement avec vous, du commencement Ă la fin de votre lutte victorieuse contre les appĂ©tits bestiaux et les passions du lĂ©ninisme (âŠ) Sur le plan extĂ©rieur, votre mouvement a rendu service au monde entier (âŠ) Il est parfaitement absurde de dire que le gouvernement italien ne repose pas sur une base populaire et quâil nâest pas issu du consensus actif et pratique des grandes masses[38]. »
LâarrivĂ©e dâHitler au pouvoir, qui a souvent proclamĂ© son admiration pour le Duce, modifie le rapport de force en mettant fin Ă lâhĂ©gĂ©monie franco-britannique et donne Ă Mussolini une position d'arbitre. Mussolini propose un projet de Pacte Ă quatre qui n'aboutit pas. Une premiĂšre rencontre avec Hitler en juin Ă Stra et Venise au sujet de l'Autriche menacĂ©e par les nazis tourne au dialogue de sourds. Mussolini, mis en fureur par une allusion de Hitler Ă la supĂ©rioritĂ© des peuples nordiques, se laisse aller auprĂšs de ses proches :
« Ce raseur m'a rĂ©citĂ© Mein Kampf, ce livre indigeste que je ne suis jamais parvenu Ă lire. Je ne me sens aucunement flattĂ© de savoir que cet aventurier de mauvais goĂ»t a copiĂ© sa rĂ©volution sur la mienne. Les Allemands finiront par ruiner notre idĂ©e. Cet Hitler est un ĂȘtre fĂ©roce et cruel qui fait penser Ă Attila. Les Allemands resteront les barbares de Tacite et de la RĂ©forme, les Ă©ternels ennemis de Rome[39]. »
En , il réagit à la tentative de putsch des nazis autrichiens et à l'assassinat du chancelier Dollfuss[N 5] en mobilisant quatre divisions sur le Brenner, marquant sa détermination à s'opposer à l'absorption de l'Autriche par Hitler. Il craint les visées allemandes sur le Haut-Adige concédé à l'Italie par les traités de 1919-1920 et peuplé majoritairement de germanophones.
Un rapprochement avec la France sâamorce qui se traduit par l'accord Mussolini-Laval de . La confĂ©rence de Stresa en avril entre lâItalie, la France et la Grande-Bretagne, pour concrĂ©tiser un « front commun » destinĂ© Ă contenir les ambitions germaniques et Ă sauvegarder l'indĂ©pendance autrichienne est restĂ©e dans lâhistoire comme la rencontre des occasions perdues : elle n'aboutit Ă aucune dĂ©cision concrĂšte et par ses ambiguĂŻtĂ©s laisse croire Ă Mussolini que les dĂ©mocraties entĂ©rinent son projet de conquĂȘte en Ăthiopie.
La guerre d'Ăthiopie (1935-1936)
Pour des raisons essentiellement de prestige, Mussolini veut agrandir le domaine colonial africain de lâItalie, limitĂ© en 1935 Ă la Libye italienne conquise en 1912 Ă la suite dâune guerre fĂ©roce et aux deux petites colonies de Somalie et dâĂrythrĂ©e. Il rĂȘve de crĂ©er un Empire italien en Afrique orientale, de le relier par le Soudan Ă la Libye et de venger lâhumiliation nationale de la Bataille d'Adoua lors de la PremiĂšre guerre italo-Ă©thiopienne .
LâĂthiopie est, avec le Liberia, le seul Ătat africain indĂ©pendant, le reste du continent Ă©tant partagĂ© entre les puissances europĂ©ennes, principalement la France et la Grande-Bretagne. Elle est membre de la SociĂ©tĂ© des Nations (SDN) depuis 1923. Les intĂ©rĂȘts Ă©conomiques italiens y sont prĂ©sents et les relations commerciales avec lâItalie se sont dĂ©veloppĂ©es avec la construction dĂ©cidĂ©e par Mussolini de la route qui relie le port dâAssab en ĂrythrĂ©e Ă la frontiĂšre Ă©thiopienne. Cordiales jusquâen 1932, les relations des deux pays se sont dĂ©gradĂ©es avec la multiplication des incidents de frontiĂšre.
En 1935, Mussolini qui parie aprĂšs Stresa sur le dĂ©sintĂ©ressement des Anglais et des Français, juge la situation favorable pour conquĂ©rir lâĂthiopie. Il compte obtenir une victoire rapide, lâarmĂ©e Ă©thiopienne Ă©tant dĂ©pourvue de matĂ©riel moderne, en rassemblant Ă la frontiĂšre 200 000 hommes, 700 canons, 200 chars et 350 avions[40].
La guerre est engagĂ©e sans dĂ©claration le aprĂšs avoir Ă©tĂ© annoncĂ©e la veille au soir aux Italiens, du balcon du palais de Venise. AprĂšs quelques semaines, les Ăthiopiens opposent une rĂ©sistance inattendue. Le , Mussolini remplace le commandant de l'opĂ©ration Emilio De Bono, quâil accuse de mollesse, par Pietro Badoglio. En , les Italiens doivent mĂȘme reculer. Mussolini porte Ă prĂšs de 500 000 hommes le corps expĂ©ditionnaire et donne son accord Ă une gĂ©nĂ©ralisation des gaz de combat, associĂ©s Ă des mitraillages et bombardements dâobjectifs militaires mais aussi civils.
Le , la SDN dĂ©clare lâItalie pays agresseur et dĂ©cide des sanctions Ă©conomiques : arrĂȘt des achats de marchandises italiennes, des ventes dâarmes et de produits stratĂ©giques et des crĂ©dits pour ses achats Ă lâĂ©tranger, mais pas la fermeture du canal de Suez ni lâembargo sur le pĂ©trole qui auraient paralysĂ© le corps expĂ©ditionnaire italien. LâAllemagne, mais aussi lâURSS, les Ătats-Unis, la Yougoslavie, la Pologne et la TchĂ©coslovaquie, font savoir quâelle nâappliqueront pas les sanctions. Paris et Londres ne sont pas enthousiastes, craignant que lâembargo ne pousse lâItalie vers lâAllemagne. La remilitarisation de la RhĂ©nanie Ă partir du rend service Ă Mussolini en faisant diversion. En guise de riposte, Mussolini met en Ćuvre des programmes Ă©conomiques autarciques.
Les sanctions provoquent en Italie une indignation qui donne lieu Ă de nombreuses manifestations populaires de soutien au rĂ©gime. La campagne culmine avec la « JournĂ©e de lâalliance » le 18 dĂ©cembre au cours de laquelle des centaines de milliers dâItaliens et dâItaliennes font don Ă la nation de leurs anneaux de mariage, recevant en Ă©change un petit cercle de fer (37 tonnes d'or et 115 d'argent seront comptabilisĂ©es par la Banque d'Italie[41]).
Lâoffensive reprend en et le , les Italiens prennent Addis-Abeba, le NĂ©gus HaĂŻlĂ© SĂ©lassiĂ© Ier ayant pu sâembarquer pour lâAngleterre deux jours auparavant. Mussolini annonce la victoire du balcon du palais de Venise Ă une foule de deux cent mille personnes enthousiastes.
« LâĂthiopie est italienne ! Italienne de fait, parce quâoccupĂ©e par nos armĂ©es victorieuses. Italienne de droit, parce quâavec le glaive de Rome câest la civilisation qui triomphe de la barbarie, la justice qui triomphe de lâarbitraire cruel, la rĂ©demption de la misĂšre qui triomphe de lâesclavage millĂ©naire[42]. »
La guerre d'Ăthiopie est un tournant majeur pour les relations europĂ©ennes. Mussolini est incitĂ© Ă un rapprochement avec Hitler qui a refusĂ© dâappliquer les sanctions et reconnu la conquĂȘte de lâĂthiopie. Lâexpansion de l'Italie en Afrique orientale et en MĂ©diterranĂ©e heurte la Grande-Bretagne qui a des intĂ©rĂȘts dans le secteur et la France oĂč le Front populaire vient dâĂȘtre Ă©lu sur un programme nettement antifasciste et laisse le champ libre Ă Hitler en Autriche. La participation au conflit espagnol Ă partir de lâautomne 1936 va encore resserrer les liens entre les deux dictateurs.
L'apogée du régime (1929-1936)
Les historiens parlent des « annĂ©es de consensus[43] » . Mussolini, qui apporte lâordre, la paix sociale et des satisfactions Ă la fois matĂ©rielles et de prestige, bĂ©nĂ©ficie pendant ces annĂ©es, du soutien au moins passif de la population et ce malgrĂ© les rĂ©percussion en Italie de la Grande DĂ©pression qui entraĂźne une chute de la production de 33 % et plus dâun million de chĂŽmeurs dĂšs 1932. Il jouit aussi de lâappui, ou de la complicitĂ© intĂ©ressĂ©e, des autres centres de pouvoir que sont la monarchie, lâarmĂ©e et lâĂglise.
Ă lâĂ©tranger, et plus particuliĂšrement dans les dĂ©mocraties occidentales, son image est positive chez de nombreux dirigeants politiques et dans de larges secteurs de lâopinion publique qui considĂšrent quâil a rĂ©tabli la paix sociale, fait la paix avec lâĂglise et quâil est le plus sĂ»r rempart contre la menace communiste. Aux Ătats-Unis oĂč vivent des millions dâItalo-AmĂ©ricains et oĂč Mussolini publie des dizaines dâarticles dans les journaux (sa biographie Ă©crite par sa maĂźtresse Margherita Sarfatti a dĂ©jĂ obtenu un succĂšs considĂ©rable en 1925), Franklin Delano Roosevelt lui prodigue des commentaires flatteurs en le considĂ©rant comme son « seul alliĂ© potentiel dans son effort pour sauvegarder la paix mondiale[44] ». En 1931, Gandhi, en visite Ă Rome, tient des propos trĂšs louangeurs Ă lâĂ©gard du Duce et de son rĂ©gime.
Le les Ă©lections pour le renouvellement de la Chambre - qui se limitent Ă approuver ou non la liste des dĂ©putĂ©s dĂ©signĂ©s par le Grand Conseil â sont un plĂ©biscite pour Mussolini avec 10 526 504 sĂŹ contre 15 201 no.
Le rĂ©gime a Ă©liminĂ© toute forme dâopposition et de contestation et sâappuie sur un appareil de rĂ©pression efficace. Les chefs de lâantifascisme sont en exil et les rĂ©sistants intĂ©rieurs sont arrĂȘtĂ©s (6000 arrestations par lâOVRA, lâ« Oeuvre volontaire de rĂ©pression antifasciste », de 1930 Ă 1934, pour la plupart des militants communistes) et assignĂ©s Ă rĂ©sidence (confinati) dans les Ăźles (prĂšs de 2000 recensĂ©s en 1940)[45].
La presse est sous le contrĂŽle direct de Mussolini via un bureau de presse de la prĂ©sidence du Conseil (Ufficio stampa) confiĂ© Ă son gendre Ciano, ainsi que la radio (monopole dâĂtat gĂ©rĂ© par une sociĂ©tĂ© privĂ© lâEIAR (Ente italiano audizioni radiofoniche) qui permet de retransmettre ses grands discours et le CinĂ©ma de propagande fasciste auquel il sâintĂ©resse particuliĂšrement, visionnant deux fois par semaine dans sa rĂ©sidence romaine bandes dâactualitĂ© (Giornale Luce) et longs mĂ©trages auxquels il donne, lorsque Luigi Freddi, directeur gĂ©nĂ©ral de la cinĂ©matographie, le lui demande un ultime visa avant mise en exploitation. Le 21 avril 1936, il inaugure CinecittĂ , conçue comme le siĂšge de lâindustrie cinĂ©matographique italienne, largement financĂ©e par le gouvernement (le premier pĂ©plum, Scipion lâAfricain, date de 1937).
La propagande fasciste dĂ©veloppe le culte du Duce , le guide, lâhomme providentiel investi dâune mission patriotique et justiciĂšre, Ă lâinstinct infaillible (« le Duce a toujours raison »). Son image est partout. Ses discours du haut du balcon du palais de Venise avec ses tirades thĂ©Ăątrales et sa gestuelle sont retransmis dans tout le pays et constituent un Ă©lĂ©ment central des grandes cĂ©lĂ©brations patriotiques.
« Orateur des plus experts, maĂźtre de lui, il accompagne chaque pĂ©riode de son discours, chaque applaudissement de la mine qui convient le mieux Ă son public. Le geste est sobre. Souvent, il ne gesticule que de la main droite. Parfois, il met les deux mains dans ses poches. Câest son moment statuaire : celui du rĂ©sumĂ©, du final. Dans les rares moments oĂč cette figure rĂ©servĂ©e dâorateur se dĂ©clenche et se libĂšre, ses deux bras tournent au dessus de la tĂȘte. Les dix doigts sâagitent comme sâils cherchaient dans lâair des cordes Ă faire vibrer ; les mots jaillissent en torrent de ses lĂšvres. Lâinstant dâaprĂšs, Mussolini redevient immobile le sourcil froncĂ© ; avec deux doigts il cherche le nĆud de son Ă©lĂ©gante cravate pour sâassurer quâil est bien restĂ© vertical (Description de Ugo Ojetti dans le Corriere della Sera)[46]. »
Mussolini soigne son image de « Fils du peuple ». Dans un pays oĂč les ruraux sont largement majoritaires, le ralliement des campagnes Ă son rĂ©gime est important. Il dĂ©cide lâassainissement des marais Pontins, domaine sĂ©culaire des moustiques et de la malaria, qui doivent ĂȘtre assĂ©chĂ©s et rendus Ă lâagriculture. 60 000 hectares sont distribuĂ©s Ă 3 000 familles de fermiers et trois villes nouvelles crĂ©es. Le Duce nâhĂ©site pas Ă moissonner avec les paysans, battre le grain, danser avec les paysannes de son village natal. Il a fait poser sur sa maison familiale lâinscription : « ici ont vĂ©cu de 1600 Ă 1900 les gĂ©nĂ©rations paysannes des Mussolini ».
Dans le monde ouvrier qui fait Ă©galement lâobjet de sa sollicitude (Il dit : « camarades ouvriers » quand il visite les usines), Mussolini met en place une politique sociale beaucoup plus audacieuse que celle de lâĂtat libĂ©ral ce qui lui permet dâapparaĂźtre comme un rempart contre un patronat peu enthousiaste des orientations socialisantes de sa « charte du travail ». Il innove en crĂ©ant lâĆuvre nationale du temps libre (Dopolavoro) la principale organisation de loisirs populaires du monde, URSS comprise, visant Ă organiser les loisirs ouvriers : 15 000 sections sportives sont crĂ©es regroupant 1 650 000 inscrits, 10 000 associations culturelles, 2066 compagnies thĂ©Ăątrales, 3787, fanfares, etc[47]. En 1935 la durĂ©e hebdomadaire de travail est de fait rĂ©duite Ă 40 heures avec le samedi fasciste (sabato fascista), lâobligation dâassister ce jour-lĂ Ă des rĂ©unions et des rencontres sportives nâĂ©tant pas appliquĂ©e.
Pour sâattacher le monde de la culture, Mussolini crĂ©e en janvier 1926 lâAcadĂ©mie d'Italie oĂč vont siĂ©ger soixante personnalitĂ©s du monde scientifique, artistique et littĂ©raire largement rĂ©munĂ©rĂ©es en honneurs et en avantages, dont trente choisies directement par le Duce. De nombreux intellectuels se rallient au rĂ©gime dont Giovanni Gentile qui sera ministre de lâInstruction publique, Filippo Tommaso Marinetti, Curzio Malaparte, Luigi Pirandello, Mario Carli, Enrico Corradini, Francesco Coppola, Luigi Barzini.
Parmi les grands travaux de prestige, citons la restauration des vestiges de la Rome impériale supervisée par l'archéologue Corrado Ricci. Mussolini veut dégager la zone des forums et les abords du Colisée de tout ce que les périodes suivantes ont ajouté :
« Tous les monuments se dresseront dans leur nĂ©cessaire solitude. Tels de grands chĂȘnes, il faut les dĂ©barrasser de toute lâobscuritĂ© qui les entoure. »
Pour donner plus de thĂ©ĂątralitĂ© Ă cet ensemble, il trace une nouvelle perspective rectiligne entre la piazza Venezia et le ColisĂ©e, destinĂ©e Ă accueillir les grandes parades militaires du rĂ©gime : la "Via dell'Impero" inaugurĂ©e par Mussolini le 28 octobre 1932, dans le cadre des cĂ©lĂ©brations du dixiĂšme anniversaire de la Marche sur Rome, aujourdâhui Via dei Fori Imperiali. Les immeubles populaires dâorigine mĂ©diĂ©vale, souvent insalubres, qui cernent les grands monuments classiques, sont dĂ©molis et la population relogĂ©e hors de la ville, opĂ©rations dâurbanisme durement critiquĂ©es aujourdâhui[48]. Au sud de la capitale, un nouveau quartier moderniste est construit pour abriter lâExposition universelle de 1942 qui doit ĂȘtre la vitrine des rĂ©ussites du rĂ©gime et prend le nom de E42 ou celui, quâil garde encore, de EUR (Esposizione Universale Roma).
Ă lâapogĂ©e de son rĂ©gime, Mussolini a la cinquantaine. Il consacre toujours beaucoup de temps aux affaires publiques. « Je suis le mulet national chargĂ© de nombreux fardeaux[49] » a-t-il Ă©crit Ă dâAnnunzio en 1925. Il peut travailler jusquâĂ 14 heures par jour traitant une masse considĂ©rable de questions, sans faire toujours le tri entre lâessentiel et lâaccessoire. Il veut se mĂȘler de tout, contrĂŽler lâexĂ©cution de ses dĂ©cisions, examiner tous les rapports de la police et des prĂ©fets.
De nature cyclothymique, il a des moments de dĂ©pression suivis de phases euphoriques oĂč il gomme toutes les difficultĂ©s. Sa santĂ© nâest pas excellente : il souffre de fortes douleurs gastriques et suit un sĂ©vĂšre rĂ©gime alimentaire Ă base de laitages, sâinterdisant boissons fortes, cafĂ© et cigarette et fuyant les repas officiels.
La dĂ©tention dâun pouvoir dictatorial, lâadulation dont il est lâobjet de la part de ses proches, le culte de la personnalitĂ© qui se dĂ©veloppe, ont accentuĂ© certains traits de caractĂšre : la mĂ©fiance, le mĂ©pris des hommes, le goĂ»t de la solitude. PersuadĂ© dâĂȘtre investi dâune mission que lui-seul est en mesure dâassumer, il Ă tendance Ă se fier Ă son « flair » pour prendre ses dĂ©cisions, ce qui lui rĂ©ussit souvent pour les problĂšmes intĂ©rieurs mais peut avoir de graves consĂ©quences en matiĂšre dâarmements ou de stratĂ©gie (par exemple il nâa pas, comme Hitler, dâĂ©tat-major militaire attachĂ© Ă sa personne). Naturellement brutal, il traite les membres du gouvernement et les dirigeants fascistes sans mĂ©nagement, rarement avec un geste amical, les soumettant Ă sa volontĂ© toute puissante de chef. S'ils disent ce qu'ils pensent, ils risquent de perdre leur poste, congĂ©diĂ©s en deux ou trois phrases lapidaires.
Il a quittĂ© en 1929 le palais Chigi, site traditionnel de la prĂ©sidence du Conseil, pour le palais de Venise situĂ© au cĆur de Rome et donnant sur une place se prĂȘtant Ă de vastes rassemblements, oĂč il peut sâadresser Ă la foule du balcon du palais. Il installe son bureau dans lâimmense salle de la Mappemonde (20m de long sur 13 de large et 13 de haut) meublĂ©e seulement de son bureau de 4 mĂštres et de deux fauteuils « Savonarole » pour ses visiteurs. Son habitation personnelle est Ă la villa Torlonia, mise Ă sa disposition pour un loyer symbolique par le prince Torlonia. Rachele Mussolini construit un four pour cuire le pain dont elle confectionne elle-mĂȘme la pĂąte, cultive ses lĂ©gumes et Ă©lĂšve des volailles et un porc tandis que son mari ajoute un court de tennis, un manĂšge Ă©questre, des Ă©curies pour ses chevaux et une salle de projection cinĂ©matographique.
En 1932, il fait la connaissance de Clara Petacci, fille dâun mĂ©decin rĂ©putĂ©, qui devient sa maĂźtresse en 1936 et pour qui il a une vraie passion amoureuse. Son statut de favorite en titre va trĂšs vite ĂȘtre connue de la plupart des Italiens et son frĂšre Marcello va considĂ©rablement sâenrichir en usant du crĂ©dit de sa sĆur auprĂšs de tous ceux qui veulent plaire au Duce, avec la complicitĂ© consciente ou inconsciente de ce dernier.
De la guerre d'Espagne Ă l'alliance allemande (1936-1939)
DĂšs le dĂ©but de la guerre civile espagnole, le 18 juillet 1936, Franco se tourne vers Mussolini et Hitler pour obtenir des armes. AprĂšs quelques hĂ©sitations, le Duce sâengage en novembre 1936 dans une aide massive en matĂ©riel de guerre et en hommes (70 000 « volontaires » en mars 1937 plus imposĂ©s que souhaitĂ©s par Franco), officiellement pour barrer la route aux communistes espagnols soutenus par Moscou. Il espĂšre la gloire de succĂšs militaires rapides et de nouvelles positions en MĂ©diterranĂ©e occidentales : les Italiens sâinstallent Ă Majorque dĂ©s le dĂ©but du conflit et y resteront pendant toute la durĂ©e de la guerre.
Il ne va tirer aucun avantage, ni stratĂ©gique, ni dâautre nature de cette guerre, moins populaire en Italie que la guerre dâĂthiopie et beaucoup plus difficile. DĂšs le mois de mars 1937, il essuie un Ă©chec cuisant Ă Guadalajara Ă 50 km de Madrid oĂč 35 000 Italiens et 15 000 Espagnols nationalistes sont dĂ©faits par lâarmĂ©e rĂ©publicaine et les brigades internationales (oĂč se trouvent de nombreux antifascistes italiens) appuyĂ©s par des chars livrĂ©s par lâURSS
La guerre va durer jusquâen mars 1939 et coĂ»ter Ă lâItalie, au-delĂ des pertes en hommes (4 000 tuĂ©s et plus de 11 000 blessĂ©s) la somme considĂ©rable de 8,5 milliards de lires, le double du montant de lâassistance allemande (6 500 hommes, essentiellement un corps aĂ©rien, la « lĂ©gion Condor ») compensĂ©e par lâoctroi de concessions miniĂšres et lâĂ©quivalent de lâaide soviĂ©tique bien payĂ©e elle avec lâor de la Banque dâEspagne envoyĂ© Ă Moscou.
Pour Hitler, la guerre dâEspagne constitue un bon moyen de se rapprocher de Mussolini tout en dĂ©tournant les ambitions du Duce vers la MĂ©diterranĂ©e au moment oĂč il envisage un coup de force contre lâAutriche. Hitler ne se fait pas dâillusions sur les moyens rĂ©els de lâarmĂ©e italienne, mais il prĂ©fĂšre avoir lâItalie avec lui que contre lui. Il sait toucher la vanitĂ© du Duce en l'invitant en Allemagne du au et en le comblant dâhonneurs : trois millions dâAllemands sur le parcours du cortĂšge officiel, gigantesque parade militaire, voyage en chemin de fer de Munich Ă Berlin, les deux trains des chefs dâĂtat roulant cĂŽte Ă cĂŽte Ă la mĂȘme vitesse symbolisant « le parallĂ©lisme des deux rĂ©volutions », des foules apparemment enthousiastes rassemblĂ©es dans les gares traversĂ©es pour acclamer les deux dictateurs, visite des usines Krupp, discours final de Mussolini en allemand devant 800 000 personnes oĂč il affirme que, lorsque le fascisme a un ami, il marche avec lui « jusquâau bout ». Ce voyage triomphal eut une influence dĂ©terminante sur le tournant proallemand de Mussolini fascinĂ© par lâĂ©talage de la puissance militaire nazi. Son admiration pour Hitler, non dĂ©pourvue de jalousie et de rancune est devenu rĂ©elle. Galeazzo Ciano, son gendre et ministre des Affaires Ă©trangĂšres est plus circonspect: « La solidaritĂ© des deux RĂ©gimes sera-t-elle assez forte pour tenir vraiment unis deux peuples que race, civilisation, religion, goĂ»ts mettent aux antipodes lâun de lâautre[52]? »
LâAnschluss, le , est une premiĂšre dĂ©ception pour Mussolini lorsquâil apprend quâHitler a envahi lâAutriche sans aucune concertation prĂ©alable avec lui, ni compensation pour lâItalie fasciste. Il ne peut quâaccepter le fait accompli en faisant savoir Ă Hitler que le gouvernement italien nâa « rien Ă redire au sujet de lâAnschluss », ce qui provoque des rĂ©actions nĂ©gatives dans de nombreux secteurs de la population, y compris chez les dirigeants fascistes et le mĂ©contentement du roi qui nâaime pas les Allemands et encore moins les nazis. La bourgeoisie, francophile ou anglophile et les milieux dâaffaires sâaccommodent mal de lâorientation pro-allemande de la politique Ă©trangĂšre. Les « annĂ©es de consensus » se terminent, mĂȘme si Mussolini est encore assez largement Ă©pargnĂ© par cette dĂ©saffection Ă lâĂ©gard du rĂ©gime et du parti qui compte, sur le papier, plus de 2,6 millions de membres, 8 millions de jeunes Ă©tant enrĂŽlĂ©s dans ses diffĂ©rentes organisations, ainsi que 4 millions de travailleurs dans le dopolavoro (loisirs populaires)[53].
Comme Hitler depuis le , Mussolini se fait nommer commandant de toutes les forces armĂ©es (« premier marĂ©chalat dâEmpire »), grade quâil doit cependant partager avec le roi qui menace de ne pas donner sa signature Ă la promulgation de la loi mais finit par cĂ©der, en lui en gardant une rancune tenace.
En , lâEurope est au bord de la guerre Ă la suite de lâultimatum dâHitler Ă la TchĂ©coslovaquie qui mobilise, Mussolini accepte, Ă la demande de Chamberlain, de jouer le rĂŽle de mĂ©diateur auprĂšs de Hitler. Il organise la confĂ©rence de Munich entre les deux dictateurs, Daladier et Chamberlain le . Il est en position dâarbitre, mais il soutient les revendications d'Hitler. Dirigeant les travaux, sâentretenant en allemand avec Hitler, en français avec Daladier, en anglais avec Chamberlain, il propose le compromis qui sera adoptĂ© et qui reprend avec quelques assouplissements formels toutes les conditions de Hitler. De retour en Italie, il est fĂȘtĂ© spontanĂ©ment comme « le sauveur de la paix », confirmation des sentiments pacifistes des Italiens par ailleurs consternĂ©s par lâadoption au dĂ©but du mois des lois raciales prises Ă l'encontre des Juifs (voir chapitre suivant).
Inquiet, Mussolini pense que Hitler ne sâarrĂȘtera pas lĂ et que Paris et Londres ne cĂ©deront pas la prochaine fois. « Nous devons tenir les deux portes ouvertes » dit-il Ă Ciano[54]. Les discussions reprennent avec la France sur des revendications (minimalistes) prĂ©sentĂ©es par les Italiens (Ă©tablissement d'un condominium franco-italien en Tunisie et Ă Djibouti) mais n'aboutissent pas.
Le , dans la nuit, Hitler occupe la BohĂȘme. Mussolini, mis une nouvelle fois devant le fait accompli, est prĂ©venu par le messager habituel de Hitler, le prince de Hesse. « Les Italiens vont se moquer de moi. Chaque fois que Hitler prend un pays, il mâenvoie un message[55]» dit Mussolini Ă Ciano.
« Câest une chose grave », Ă©crit Ciano qui va dĂ©sormais sâappliquer Ă freiner une alliance qui lui paraĂźt dangereuse, « dâautant plus que Hitler avait assurĂ© que jamais il ne voudrait annexer un seul TchĂšque (âŠ) Quelle importance pourra-t-on attacher Ă lâavenir aux autres dĂ©clarations et promesses qui nous concernent de plus prĂšs ? Il est inutile de se dissimuler que tout cela prĂ©occupe et humilie le peuple italien[56]. »
Le mĂ©pris de Mussolini pour lâinertie des dĂ©mocraties grandit. Soucieux et dĂ©primĂ©, il dĂ©cide, au lieu de resserrer les liens avec Londres et Paris, dâenvahir lâAlbanie et de chasser le roi Zog Ier, transformant en conquĂȘte ce qui Ă©tait dĂ©jĂ un semi-protectorat. Une assemblĂ©e de notables offre la couronne dâAlbanie au roi Victor-Emmanuel.
Il est maintenant persuadĂ© quâune guerre europĂ©enne, dont Hitler sortira vainqueur, est inĂ©vitable. Lâappui de ce dernier peut lui permettre de faire triompher ses revendications qu'il expose le devant les membres du Grand Conseil du fascisme : « Pour assurer notre sĂ©curitĂ© dans cette MĂ©diterranĂ©e qui nous tient encore prisonniers, nous avons besoin de la Tunisie et de la Corse. La frontiĂšre doit aller jusquâau Var. Je ne revendique pas la Savoie, car elle se trouve en dehors du cercle alpin. Je pense en revanche au Tessin (âŠ) Tout cela constitue un programme. Je ne peux lui fixer de terme temporel, jâindique seulement les orientations de la marche[57]. »
Il doit tenir compte dans son pays des rĂ©actions hostiles Ă une alliance avec Hitler. Le roi, la majoritĂ© des chefs militaires et des dirigeants fascistes, la hiĂ©rarchie catholique et la majoritĂ© des Italiens sont contre. Seule lâaile intransigeante du parti rassemblĂ©e autour de Roberto Farinacci est pour. Mais, confiant dans son « flair », il prend le parti de se ranger du cĂŽtĂ© du plus fort et charge Ciano dâengager des conversations avec les Allemands pour conclure une alliance militaire, Ă la condition expresse que la guerre ne soit pas engagĂ©e avant 1943, pour avoir le temps de se prĂ©parer militairement et pour organiser lâExposition universelle de Rome prĂ©vue en 1942. Le pacte d'Acier est signĂ© le Ă Berlin par Ribbentrop et Ciano, en prĂ©sence de Hitler et Goering, mais Ciano a laissĂ© les Allemands prĂ©parer seuls le projet de pacte et rien ne stipule dâattendre trois ans pour dĂ©clencher la guerre. Lâarticle 3 prĂ©voit mĂȘme, en cas dâentrĂ©e en guerre de lâune des parties, lâentrĂ©e en guerre automatique de lâautre.
Racisme et antisémitisme chez Mussolini
Avant la législation de 1938
Jusqu'Ă l'alliance avec l'Allemagne, Mussolini nâa pas originellement de vĂ©ritables prĂ©ventions contre les Juifs, ni avant son accession au pouvoir, ni aprĂšs sa venue au pouvoir car il collabore Ă des revues Ă des publications dirigĂ©es par des Juifs, a des amis et collaborateurs juifs et entretient pendant une vingtaine dâannĂ©es une liaison amoureuse avec une intellectuelle juive connue au parti socialiste, Margherita Sarfatti, et il ne fait jamais de dĂ©claration en faveur des thĂšses de l'antisĂ©mite Preziosi pour lequel il nâa aucune sympathie[58]. On trouve certaines personnalitĂ©s juives parmi les premiers bailleurs de fond du fascisme comme le commendatore Elio Jona, le banquier Giuseppe Toeplitz, un certain nombre de grands propriĂ©taires de la rĂ©gion de Ferrare qui soutinrent les escouades squadristes de Balbo. Il y a au moins cinq Juifs parmi les « sansĂ©polcristes » du 23 mars 1919, et au moins trois Juifs dans le martyrologe officiel de la « rĂ©volution fasciste » ; de plus, 230 Juifs reçurent le brevet attestant leur participation Ă la marche sur Rome, et Ă la fin de 1922, 750 avaient leur carte de membre du parti[58]. Entre 1927 et 1932, sont Ă©tablies de bonnes relations entre le Duce et les principales personnalitĂ©s du judaĂŻsme italien et un rapprochement entre le gouvernement fasciste et les milieux sionistes a lieu : ChaĂŻm Weizmann est reçu une premiĂšre fois par Mussolini en 1926 et en retire lâimpression que le dictateur nâest pas hostile au sionisme.
DĂšs 1928, il y a un fort courant dâadhĂ©sion au fascisme de la part de nombreux Juifs italiens : 5 000 adhĂ©sions entre octobre 1928 et octobre 1933, soit prĂšs de 10 % de la population juive italienne[59]. En 1934, Mussolini reçoit une seconde fois ChaĂŻm Weizmann : ils Ă©voquent un rapprochement avec la France et de la Grande-Bretagne, Mussolini dĂ©clare que JĂ©rusalem ne peut ĂȘtre une capitale arabe ; Weizman propose de mettre Ă disposition de l'Italie fasciste une Ă©quipe de savants juifs ; Weizmann et son Ă©pouse demandent une photo dĂ©dicacĂ©e de Mussolini[60]. NĂ©anmoins, lorsque Mussolini rencontre en 1941 le grand mufti de JĂ©rusalem, Amin al-Husseini, il assure au religieux palestinien qu'il est antisioniste[61].
Mussolini attribuera d'ailleurs mĂȘme jusqu'en 1942 le gĂ©nie propre de l'Italie Ă une synergie de ceux de plusieurs peuples dans un mĂȘme effort :
« J'ai toujours considéré le peuple italien comme le produit admirable de différentes fusions ethniques sur la base d'une unité géographique, économique et surtout spirituelle. Il relÚve de l'esprit qui a fait notre civilisation sur les routes du monde. Ces hommes de sangs différents étaient porteurs d'une seule civilisation splendide[62]. »
Le 20 décembre 1932, Mussolini déclare :
« Il est ridicule de penser, comme cela a été dit, qu'il faille fermer les synagogues ! Les Juifs sont à Rome depuis le temps des rois ; ils étaient 50 000 à l'époque d'Auguste et demandÚrent à pleurer sur la dépouille de Jules César. Nous les laisserons vivre en paix[63]. »
De nombreux Juifs participent Ă l'offre d'or pour le financement de la guerre d'Ăthiopie et s'engagent en nombre dans les troupes Ă tel point qu'il faut mĂȘme crĂ©er un rabbinat militaire[64]. Il nomme des Juifs Ă des postes importants comme Guido Jung, ministre des finances, ou l'amiral Ascoli, commandant en chef des forces navales durant la guerre d'Ăthiopie[65]. Dans ses dĂ©clarations officielles, Mussolini condamne catĂ©goriquement l'antisĂ©mitisme et le racisme ; ainsi, lors de ses entretiens avec Emil Ludwig. Dans le livre qui en fut tirĂ© en 1932, Mussolini y affirmait que le racisme Ă©tait une stupiditĂ© : « LâantisĂ©mitisme nâexiste pas en Italie. [âŠ] Les Juifs italiens se sont toujours bien comportĂ©s comme citoyens, et comme soldats ils se sont bien battus[59]. » Ă Ostie, en aoĂ»t 1934, Mussolini dĂ©clare :
« Il n'y a plus de races Ă l'Ă©tat pur. MĂȘme les Juifs ne sont pas demeurĂ©s sans mĂ©lange. Ce sont prĂ©cisĂ©ment ces croisements heureux qui ont trĂšs souvent produit la force et la beautĂ© d'une nation. Je ne crois pas qu'on puisse apporter la preuve biologique qu'une race est plus ou moins pure, plus ou moins supĂ©rieure. Ceux qui proclament la noblesse de la race germanique sont, par un curieux hasard, des gens dont aucun n'est rĂ©ellement germain... Une chose analogue ne se produira jamais chez nous. La fiertĂ© ne nĂ©cessite pas un Ă©tat de transe provoquĂ© par la race. L'antisĂ©mitisme n'existe pas en Italie. Les Juifs italiens se sont toujours bien comportĂ©s comme citoyens et bravement battus comme soldats. Ils occupent des situations Ă©minentes dans les universitĂ©s, dans l'armĂ©e, dans les banques. Il y en a toute une sĂ©rie qui sont officiers supĂ©rieurs : le commandant de la Sardaigne, le gĂ©nĂ©ral Modena, un amiral de la flotte, un gĂ©nĂ©ral d'artillerie et un gĂ©nĂ©ral des bersaglieri[66]. »
Mussolini, dans un discours suivant l'arrivĂ©e au pouvoir d'Hitler condamnera son idĂ©ologie : « Trente siĂšcles d'histoire nous permettent de regarder avec une souveraine pitiĂ© une doctrine venue du nord des Alpes, une doctrine dĂ©fendue par la progĂ©niture d'un peuple qui ignorait qu'une Ă©criture eĂ»t pu tĂ©moigner de sa vie, Ă une Ă©poque oĂč Rome avait CĂ©sar, Virgile et Auguste[67]. »
Mussolini s'attribuera rĂ©trospectivement des idĂ©es racistes. L'auteur italien Mauro Suttora (en) dans Mussolini segreto[68] - [69] cite Ă cet Ă©gard des passages du journal intime de celle qui fut Ă partir de 1936 la maĂźtresse de Mussolini[70], Clara Petacci, oĂč il affirme avoir eu des prĂ©jugĂ©s anti-juifs antĂ©rieurement aux lois raciales : « Moi, j'Ă©tais raciste dĂšs 1921. Je ne sais pas comment on peut penser que j'imite Hitler [concernant les lois anti-juives de 1938], il n'Ă©tait mĂȘme pas nĂ© [politiquement]. Ils me font rire [âŠ] Il faut donner un sens de la race aux Italiens pour qu'ils ne crĂ©ent pas de mĂ©tisses, qu'ils ne gĂąchent pas ce qu'il y a de beau en nous [âŠ] Ces saloperies de Juifs, il faut tous les dĂ©truire. Je ferai un massacre comme les Turcs ont fait. [âŠ] Je ferai un Ăźlot et les y enfermerai tous. Ce sont des charognes, nuisibles et lĂąches [âŠ] Il est temps que les Italiens comprennent qu'ils ne doivent plus ĂȘtre exploitĂ©s par ces reptiles[71] - [72]. »
La guerre d'Ăthiopie marque le dĂ©but d'une politique raciste contre les noirs : pour Ă©viter tout mĂ©tissage, il est interdit Ă tout Italien d'entretenir une relation avec une femme indigĂšne (dĂ©cision prise le 9 janvier 1937 en conseil des ministres et entĂ©rinĂ© par l'Ă©dit royal d'avril 1937[73]) ; on fait venir d'Italie des prostituĂ©es pour satisfaire les besoins sexuels des soldats[74]. Mussolini interdit Ă ses soldats de chanter Faccetta nera, « Frimousse noire, belle abyssine » qui fait l'Ă©loge de la beautĂ© des Ăthiopiennes[74]> et de la fin de l'esclavage en Ăthiopie voulue par le rĂ©gime fasciste. La rĂ©pression brutale, aveugle et sanguinaire qui frappe lâĂthiopie aprĂšs l'attentat manquĂ© contre le marĂ©chal Graziani (), connue sous le nom « massacre de Graziani », marque l'orientation raciste du rĂ©gime : de 5 000 (selon les fascistes) Ă 30 000 personnes sont assassinĂ©es, leurs corps jetĂ©s dans le fleuve, dans des puits que l'on brĂ»le au pĂ©trole[75]. Dans son ouvrage Le fascisme en action, l'historien Robert Paxton Ă©crit : « En 1937, aprĂšs la tentative d'assassinat du gĂ©nĂ©ral Graziani, gouverneur gĂ©nĂ©ral et vice-roi, les activistes du parti firent rĂ©gner la terreur Ă Addis-Abeba pendant trois jours et ils massacrĂšrent plusieurs centaines de ses habitants ». Mussolini ordonne Ă Graziani quatre jours aprĂšs d'« Ă©liminer tous les suspects sans faire d'enquĂȘte »[75].
Le rapprochement avec l'Allemagne consĂ©cutif aux sanctions de la France et le Royaume-Uni Ă la suite de l'invasion de l'Ăthiopie ainsi que la volontĂ© de sĂ©duire le monde musulman dont tĂ©moigne le geste de Mussolini de saisir le 18 mars 1937 Ă Tripoli « l'Ă©pĂ©e de l'Islam » jouent un rĂŽle dĂ©terminant dans le changement d'orientation du rĂ©gime[64]. De 1936 Ă 1938, plusieurs publications et dĂ©clarations de hauts dignitaires fascistes sont antisĂ©mites ; une manifestation antisĂ©mite est mĂȘme organisĂ©e Ă Ferrare, une des quatre villes italiennes qui regroupent une importante communautĂ© juive (avec Rome, Livourne et AncĂŽne)[76] - [77].
Les lois raciales de 1938
En 1938, Mussolini , vraisemblablement pour donner des gages Ă Hitler, lance une campagne antisĂ©mite qui commence en juillet par la publication d'un article anonyme dans le Giornale dâItalia, rĂ©digĂ© par un groupe d'universitaires et traitant des « problĂšmes de la race ». Le Parti va donner une large publicitĂ© Ă ce « Manifeste des savants » dans lequel on peut lire : « Les races humaines existent, il y a des races infĂ©rieures et supĂ©rieures, le concept de race est purement biologique, les Juifs n'appartiennent pas Ă la race italienne ».
les lois raciales ne tardent pas Ă suivre, introduisant des mesures de discrimination et de persĂ©cution Ă lâencontre des Juifs Ă©trangers, puis en novembre des Juifs italiens qui sont exclus de la fonction publique, de l'enseignement et de l'armĂ©e. Le mariage entre Italiens et « non-Aryens » est interdit. Le droit de possĂ©der des biens immobiliers et de diriger des entreprises strictement limitĂ©. .
Mussolini est personnellement responsable de ces lois antisĂ©mites. Son administration les a cependant appliquĂ©es avec un certain laxisme, en multipliant par exemple les exemptions pour faits de guerre ou participation Ă la « rĂ©volution fasciste » ainsi que les « aryanisations de complaisance », provoquant par ailleurs « une Ă©norme vague de corruption et de pots-de-vin[78] ». Lui-mĂȘme est indignĂ© par un rapport qu'il reçoit en dĂ©cembre 1939 sur les atrocitĂ©s commises par les nazis Ă Poznan en Pologne: « Il m'a conseillĂ© de faire parvenir, indirectement, aux journaux français et amĂ©ricains, les informations contenues dans ce rapport. Il est nĂ©cessaire que le monde ait connaissance de ces faits. » Ă©crit Ciano dans son Journal le 4 dĂ©cembre 1939.
En 1940, Mussolini ordonne de ne pas livrer un seul des 25 000 Juifs qui se trouvent dans sa zone d'occupation : ainsi, les autoritĂ©s militaires italiennes qui occupent le sud-est de la France protĂšgent autant les Juifs français qu'Ă©trangers contre les mesures de Vichy, et elles empĂȘchent, au besoin par la force, leurs arrestations. Cette attitude sera Ă©galement suivie dans les Balkans, oĂč les Italiens ont, le plus souvent possible, protĂ©gĂ© les Juifs contre les Allemands[79].
DĂšs la fin de 1942, il est informĂ© des objectifs et des mĂ©thodes de la « solution finale ». Pour ne pas dĂ©plaire aux Allemands, il ne fait rien pour se dĂ©solidariser du gĂ©nocide, mais il fait ce quâil peut pour Ă©viter le pire.
Entre 1943 et 1945, dans l'Ă©pilogue de la guerre civile et de la RĂ©publique sociale italienne occupĂ©e, certes il n'est plus vraiment maĂźtre de ses dĂ©cisions, otage des Allemands. Les extrĂ©mistes de son parti qui sont Ă la tĂȘte des milices et des polices parallĂšles prĂȘtent la main aux SS et Ă la Gestapo dans la chasse aux partisans et aux juifs qui sont dĂ©portĂ©s dans les camps de concentration nazis. Sans quâil intervienne.
Selon les estimations du Centre de documentation juive de Milan[80] pendant la RĂ©publique sociale, hors les juifs estimĂ©s Ă environ 2000 ayant rejoint la RĂ©sistance, 6000 Juifs purent sâexpatrier en Suisse, 4000 se rĂ©fugiĂšrent au Sud, 7000 furent tuĂ©s ou dĂ©portĂ©s, mais 27000 furent cachĂ©s et sauvĂ©s : un des pourcentages les plus Ă©levĂ©s de toute lâEurope.
De la « non-belligĂ©rance » Ă lâĂ©chec de la « guerre parallĂšle » (septembre 1939- avril 1941)
Le 1er septembre 1939, l'Allemagne envahit la Pologne, dĂ©clenchant la Seconde Guerre mondiale. Hitler a prĂ©venu Mussolini par lettre le 25 aoĂ»t en faisant appel Ă sa « comprĂ©hension » sans faire Ă©tat de la clause du pacte dâAcier impliquant lâengagement automatique de lâItalie. Mussolini rĂ©pond que lâĂ©tat des armements italiens ne lui permet pas dâentrer en guerre, mais que « son intervention peut ĂȘtre immĂ©diate » si lâAllemagne lui donne tous les armements nĂ©cessaires. Suit une liste dâ Ă©quipements Ă livrer de nature Ă dĂ©courager Hitler qui nâest pas dupe.
Mussolini annonce Ă contrecoeur la « non-belligĂ©rance » de l'Italie le 1er septembre, expression qu'il choisit pour Ă©viter la « neutralitĂ© » qu'il juge dĂ©shonorante aprĂšs avoir signĂ© un pacte d'alliance dit « d'acier » (et qui n'est pas dans son tempĂ©rament). Franco reprendra l'expression pour l'Espagne le 10 juin 1940. « Les Italiens, dit-il Ă Galeazzo Ciano[81] aprĂšs avoir Ă©coutĂ© ma propagande belliciste pendant 18 ans ne peuvent comprendre, maintenant que lâEurope est en flammes, que je me fasse le champion de la paix, cela par notre imprĂ©paration militaire dont ils me rendent Ă©galement responsable ». La population est au contraire heureuse de la dĂ©cision prise.
Au cours des mois qui suivent, Paris et Londres cherchent sans succĂšs Ă le faire passer de la non-belligĂ©rance Ă la neutralitĂ©. En mars, il accueille Ă Rome le ministre allemand des Affaires Ă©trangĂšres Joachim von Ribbentrop qui le sollicite pour entrer en guerre et Ă qui il dĂ©clare quâil envisage de mener une « guerre parallĂšle » en MĂ©diterranĂ©e une fois lancĂ©e lâoffensive allemande Ă lâOuest. TrĂšs mal Ă lâaise, il confirme ses propos Ă Hitler lors dâune rencontre le mĂȘme mois au col du Brenner mais sans fixer de date. « Le Duce subit la fascination de Hitler, Ă©crit Ciano[82], dâautant plus que cette fascination sâexerce dans le sens mĂȘme de sa nature intime : lâaction. ». Mussolini ressent un profond malaise en se mettant Ă lâĂ©cart des grands Ă©vĂšnements et voudrait y participer.
Ă cette date, lâarmĂ©e italienne dispose de 1,6 million dâhommes avec un armement trĂšs insuffisant , particuliĂšrement en DCA, chars et canons antichars, une situation dont Mussolini est responsable , mĂȘme si peu de chefs militaires ont eu le courage de le mettre en face des rĂ©alitĂ©s. De Bono qui a inspectĂ© la frontiĂšre occidentale lui a dit que lâĂ©tat de lâarmĂ©e est « dĂ©sastreux du point de vue matĂ©riel et moral ».
Le succĂšs de la Blitzkrieg dâHitler en France le dĂ©cide cependant Ă dĂ©clarer la guerre le 10 juin pour participer au partage des dĂ©pouilles. Ciano Ă©crit : « La nouvelle de notre entrĂ©e en guerre ne surprend personne et nâĂ©veille pas un enthousiasme excessif. Je suis triste, trĂšs triste. Lâaventure commence. Que Dieu assiste lâIltalie[83]. »
« Câest un coup de poignard Ă un homme dĂ©jĂ Ă terre, dit lâambassadeur de France AndrĂ© François-Poncet Ă Ciano, les Allemands sont de durs maĂźtres, vous vous en apercevrez[84].»
Le 17 juin, les Français demandent lâarmistice. Le Duce veut attaquer la France avant que la Wehrmacht ait remportĂ© une victoire totale. Il ordonne Ă Badoglio qui est en position dĂ©fensive dâengager la «bataille des Alpes». Il pense que les Français dĂ©sormais Ă genoux et infĂ©rieurs en nombre (300 000 hommes du cĂŽtĂ© italien contre 80 000 du cĂŽtĂ© français[85]) vont nâoffrir quâune rĂ©sistance symbolique. La bataille commence le 20 juin et dure 4 jours. Lâoffensive coĂ»te 600 morts aux Italiens qui nâarrivent Ă conquĂ©rir quâune mince bande de territoire dont la ville de Menton. Starace revenu du front dit que lâattaque a fourni la preuve de « lâimprĂ©paration de lâarmĂ©e, du manque de moyens offensifs et de lâinsuffisance du commandement ». « Si la guerre est menĂ©e de cette maniĂšre en Libye et en Ăthiopie, lâavenir nous rĂ©serve beaucoup dâamertume[86] » Ă©crit Ciano.
Mussolini est humiliĂ© de lâĂ©chec de ses troupes :
« Câest la matiĂšre qui me manque. Michel-Ange avait aussi besoin de marbre pour faire ses statues. Sâil nâavait eu que de lâargile, il nâaurait Ă©tĂ© quâun potier. Un peuple qui a Ă©tĂ© asservi pendant seize siĂšcles ne saurait, en peu dâannĂ©es, devenir un peuple conquĂ©rant[87]. »
Lâarmistice du 25 juin se limite Ă lâoccupation de la petite zone conquise par les Italiens et la dĂ©militarisation dâune bande de 50 km. Mussolini, plus exigeant au dĂ©part, doit tenir compte de la relative modĂ©ration dâHitler qui veut arriver rapidement Ă une entente et nâose pas rĂ©clamer lâoccupation des zones qui lâintĂ©ressent de peur de provoquer une rupture des nĂ©gociations et compromettre ses relations avec Berlin. Il se rĂ©serve de formuler ses revendications maximalistes au moment de la confĂ©rence de paix.
Mais Churchill rejette les propositions de paix allemandes et Hitler se prĂ©pare Ă attaquer la Grande-Bretagne. Il refuse lâaide dâun corps expĂ©ditionnaire italien que Mussolini lui propose, lui expliquant quâil a une tĂąche plus importante en MĂ©diterranĂ©e.
Mussolini voudrait attaquer les Anglais en Ăgypte et en Afrique orientale. En Libye, il dispose dâune force de 200 000 hommes avec une aviation importante face aux 40 000 soldats anglais. Mais Graziani et tous ses gĂ©nĂ©raux ne sâestiment pas prĂȘts et Mussolini doit menacer de le remplacer pour quâil entame, le 13 septembre, une offensive en direction de lâĂgypte. Hitler a proposĂ© Ă Mussolini deux divisions blindĂ©es que ce dernier a refusĂ© dans son dĂ©sir de mener une « guerre parallĂšle » indĂ©pendante du FĂŒhrer. Les Italiens pĂ©nĂštrent sur une centaine de kilomĂštres en territoire Ă©gyptien, mais sont repoussĂ©s par les Anglais le 10 dĂ©cembre Ă la bataille de Sidi Barrani. En janvier 1941, ces derniers prennent lâoffensive et la situation devient catastrophique. Les Italiens sont repoussĂ©s en CyrĂ©naĂŻque, perdent Tobrouk, Benghazi et 130 000 prisonniers.
En Afrique orientale, oĂč ils disposent au dĂ©but dâune supĂ©rioritĂ© numĂ©rique importante (325 000 hommes dont 270 000 indigĂšnes contre environ 15 000 Anglais en Somalie, au Soudan et au Kenya, les Italiens aprĂšs quelques succĂšs initiaux (voir carte ci-contre), sont battus par les Anglais qui envahissent lâĂthiopie Ă la bataille de Keren et rĂ©tablissent lâancien NĂ©gus, HaĂŻlĂ© SĂ©lassiĂ© sur le trĂŽne. Le duc dâAoste qui commande lâarmĂ©e italienne doit capituler le 21 mai 1941 aprĂšs la bataille d'Amba Alagi (1941).
Le 12 octobre 1940, Hitler envahit la Roumanie pour mettre la main sur les puits de pĂ©trole sans prĂ©venir Mussolini. Le Duce dĂ©cide dâattaquer la GrĂšce le 28 , bien quâil sache Hitler opposĂ© Ă une intervention italienne dans les Balkans. ll le rencontre Ă Florence le jour de lâattaque. Hitler cachant sa colĂšre lui souhaite bonne chance, mais lâexpĂ©dition tourne Ă la catastrophe. Le corps expĂ©ditionnaire de 60 000 hommes nâarrive pas Ă pĂ©nĂ©trer la montagne dâĂpire au dĂ©but dâun hiver rigoureux et perd 20 % de ses effectifs. Le Duce doit engager 550 000 hommes pour ne pas ĂȘtre chassĂ© dâAlbanie par les Grecs. « Je dois reconnaĂźtre, dit-il, que les Italiens de 1914 Ă©taient meilleurs que ceux dâaujourdâhui, ce nâest pas un bon rĂ©sultat aprĂšs 20 ans de rĂ©gime, mais câest ainsi[88]. » Furieux, sur un coup de tĂȘte, il oblige les ministres, les membres du Grand Conseil, ceux qu'il voit tous les jours Ă quitter leurs situations confortables et Ă sâengager comme volontaires Ă lâarmĂ©e, provoquant mĂ©contentement et ressentiment dans les milieux dirigeants.
Aux dĂ©faites sur terre sâajoutent celles sur mer. Le 11 septembre, lâaviation anglaise fait perdre le contrĂŽle de la MĂ©diterranĂ©e aux Italiens en attaquant la flotte au mouillage Ă Tarente mettant hors de combat trois cuirassĂ©s et diverses unitĂ©s de moindre tonnage. Le ravitaillement indispensable des fronts de Libye et dâĂthiopie est menacĂ©.
Ciano, qui rapporte dans son Journal toutes les boutades du Duce[89], Ă©crit le 24 dĂ©cembre 1940 : « Le Duce regarde par la fenĂȘtre et il est content quâil neige : « Cette neige et ce froid sont parfaits, ainsi les gars dĂ©biles risquent de mourir et cette mĂ©diocre race italienne sâamĂ©liorera. »
De la guerre « allemande » Ă lâarrestation de Mussolini (1942- 25 juillet 1943)
Devant lâĂ©chec de sa guerre parallĂšle, Mussolini doit faire appel Ă l'aide d'Hitler qu'il rencontre les et Ă Berchtesgaden. « Au retour, Mussolini est grisĂ© comme il lâest aprĂšs chaque rencontre avec Hitler[90]» Ă©crit Ciano..
En peu de temps la situation sâamĂ©liore. Il ne faut que trois semaines Ă la Wehrmacht pour occuper la Yougoslavie et la GrĂšce. Mussolini obtient le droit d'annexer la cĂŽte dalmate, la province de Ljubljana et le Kosovo, d'Ă©tablir un protectorat de fait sur la Croatie et le MontĂ©nĂ©gro et d'occuper la CrĂšte et la plus grande partie de la GrĂšce. En Libye, lâAfrikakorps commandĂ© par Erwin Rommel dĂ©barque avec deux divisions blindĂ©es et chasse les Anglais de CyrĂ©naĂŻque, reprenant Benghazi, mais pas Tobrouk.
Mussolini est Ă la fois reconnaissant et humiliĂ©. Le , au Brenner, il rencontre Hitler qui lui a fait savoir quâil voulait le voir le plus vite possible. Ă l'issue de l'entretien, il est satisfait de constater que la cordialitĂ© nâa pas diminuĂ© entre eux mais avoue Ă Ciano :
« Personnellement je suis dĂ©goĂ»tĂ© de Hitler et de ses maniĂšres. Ces entrevues prĂ©cĂ©dĂ©es dâun coup de sonnette ne me plaisent pas ; ce sont les domestiques que lâon appelle ainsi. Et quelle espĂšce dâentrevue. Pendant cinq heures je dois assister Ă un monologue, tout Ă fait ennuyeux et inutile. Hitler a parlĂ© pendant des heures de choses qui avaient un lien plus ou moins lointain avec la guerre, mais il nâavait pas dâordre du jour, il nâĂ©tudiait aucun problĂšme, ne prenait aucune dĂ©cision (âŠ) Pour le moment, il nây a rien Ă faire. Il faut hurler avec les loups[91]. »
Le , Hitler attaque l'Union soviĂ©tique (opĂ©ration Barbarossa). Mussolini nâest prĂ©venu que par lettre reçue Ă 3 heures du matin. « Moi, je ne me permettrais pas de dĂ©ranger mes domestiques pendant la nuit, mais les Allemands me font sauter de lit sans le moindre Ă©gard[92]. » TrĂšs enthousiaste et alors que rien ne lây oblige, il prend la dĂ©cision dâenvoyer immĂ©diatement un corps expĂ©ditionnaire, le CSIR, d'environ 60 000 hommes alors que Hitler qui croit alors Ă une victoire rapide, se passerait volontiers de lâaide italienne. De mĂȘme, le , quelques jours aprĂšs lâattaque par le Japon de la flotte amĂ©ricaine Ă Pearl Harbor, il prend la dĂ©cision de dĂ©clarer la guerre aux Ătats-Unis avant mĂȘme les Allemands, alors que le pacte tripartite ne lây oblige pas, le Japon nâayant pas Ă©tĂ© attaquĂ©. « Mussolini a parlĂ© du balcon; un discours bref et tranchant qui tombait sur une place regorgeant de monde. Le peuple a manifestĂ© des sentiments de sympathie Ă lâĂ©gard des Japonais, car les nouvelles de leurs victoires ont excitĂ© lâimagination des Italiens. Dans son ensemble, pourtant, la manifestation nâa pas Ă©tĂ© trĂšs chaleureuse[92]. »
En , Rommel passe Ă lâattaque en Libye. Les troupes italo-allemandes rĂ©alisent une avancĂ©e victorieuse (bataille de Gazala), qui provoque la chute de Tobrouk et la reddition de 33 000 Anglais. Rommel fonce alors vers le Caire et Mussolini se voit dĂ©jĂ y faisant une entrĂ©e triomphale. Il part pour la Libye mais doit rentrer Ă Rome au bout de trois semaines complĂštement dĂ©primĂ©, Rommel Ă©tant bloquĂ© devant El-Alamein (premiĂšre bataille d'El Alamein). DĂ©but , lâoffensive anglaise de Montgomery est impossible Ă contenir. La Libye est rapidement perdue.
En Russie, le problĂšme des effectifs se pose maintenant pour lâarmĂ©e allemande. Mussolini porte le contingent italien transformĂ© en armĂ©e italienne en Russie (ARMIR) Ă plus de 200 000 hommes sous le commandement du gĂ©nĂ©ral Italo Gariboldi. Pendant la bataille de Stalingrad, les Italiens sont engagĂ©s sur le Don en protection de lâaile gauche de lâarmĂ©e allemande. BousculĂ©s et encerclĂ©s en dĂ©cembre par lâoffensive russe (opĂ©ration Saturne), ils se battent vaillamment et perdent plus de la moitiĂ© de leurs effectifs.
En lâespace de quelques mois, lâAxe a subi deux graves dĂ©faites : Stalingrad et la Tunisie oĂč les armĂ©es italo-allemandes capitulent. En Italie, ces dĂ©faites ainsi que le poids Ă©conomique de la guerre (rationnement alimentaire, forte hausse des prix, impĂŽts nouveaux) et les bombardements des villes italiennes qui font des dizaines de milliers de victimes entament profondĂ©ment le moral de la population qui considĂšre Mussolini comme lâunique responsable de ses malheurs. Au printemps 1943, le rĂ©gime a du mal Ă Ă©touffer des grĂšves ouvriĂšres orchestrĂ©es par L'UnitĂ , lâorgane clandestin du Parti communiste italien.
Dans ce contexte, des chefs militaires proches du roi et lâancienne classe dirigeante qui sâĂ©taient alliĂ©s au rĂ©gime en 1922, cherchent Ă Ă©carter Mussolini du pouvoir et Ă faire sortir lâItalie de la guerre, convaincus que lâalliance allemande conduit le pays Ă la catastrophe. Des dirigeants fascistes modĂ©rĂ©s aussi. En fĂ©vrier, Mussolini renvoie neuf des douze ministres du gouvernement qui lui paraissent peu sĂ»rs, dont trois poids lourds : Dino Grandi, Giuseppe Bottai et son gendre Galeazzo Ciano dont les Allemands souhaitent depuis longtemps le remplacement aux Affaires Ă©trangĂšres. Grandi et Bottai, qui reprĂ©sentent la droite et la gauche du fascisme[94] et qui ne sâaiment pas, se rapprochent Ă cette occasion et nouent des relations avec le roi. Le dĂ©barquement en Sicile le et la rapide avance des AlliĂ©s accĂ©lĂšrent les choses.
Pour renvoyer Mussolini et nommer un nouveau Premier ministre, le roi veut un prĂ©texte constitutionnel, par exemple un vote qui le mettrait en minoritĂ©. Les chefs fascistes conjurĂ©s se rendent chez le Duce et arrivent Ă le convaincre de rĂ©unir le Grand Conseil du fascisme qui nâa pas Ă©tĂ© rĂ©uni depuis 1939.
La rĂ©union est fixĂ©e au pour attendre les rĂ©sultats de lâentrevue avec Hitler prĂ©vue le 19 Ă Feltre en VĂ©nĂ©tie, rĂ©union pendant laquelle Rome est bombardĂ©e pour la premiĂšre fois. Les conseillers qui l'accompagnent[95]et qui sont du complot espĂšrent que Mussolini demandera au FĂŒhrer l'autorisation de sonder les AlliĂ©s en vue d'un armistice, mais le Duce s'y refuse. « Tant que cet homme tient la barre, je crois que nous nâavons pas de souci Ă nous faire quant Ă la rĂ©solution politique de lâItalie », Ă©crit dans son Journal Joseph Goebbels, qui ajoute : « Le problĂšme de lâItalie disparaĂźtrait si le Duce Ă©tait jeune et souple. Mais Mussolini est devenu un vieillard usĂ©[96]. »
Dans la journĂ©e du 21, les conjurĂ©s prĂ©parent lâordre du jour quâils se proposent de soumettre au Grand Conseil : abolition de la dictature personnelle, direction collĂ©giale, le roi devant « assumer toutes les initiatives suprĂȘmes de dĂ©cision ». La motion est prĂ©sentĂ©e Ă Mussolini qui la trouve « lĂąche et inacceptable ». Il est informĂ© des bruits de complot qui circulent et des menaces sur son pouvoir et sa personne, mais ne il fait rien pour faire face Ă la situation.
La réunion commence à 17 h 15 le et se termine à 2 h 40 le . Plusieurs conjurés, craignant pour leur vie, sont armés : Grandi a deux grenades dans les poches de sa saharienne, Ciano deux dans sa sacoche et Bottai une. La réunion est dramatique. Mussolini parle pendant prÚs de deux heures justifiant ses actions passées et encourageant à la résistance. AprÚs lui parlent plusieurs orateurs, puis Grandi présente sa motion et apostrophe violemment le Duce, le désignant du doigt :
« VoilĂ oĂč toi, toi et toi seul (tu, tu e tu solo...) nous as conduits ! (âŠ) Quâas-tu fait au cours des 17 annĂ©es oĂč tu as tenu les trois ministĂšres militaires ? (âŠ) Tu nous as conduis dans le sillage de Hitler. Le peuple italien a Ă©tĂ© trahi par toi le jour oĂč lâItalie a commencĂ© Ă se germaniser. Tu as abandonnĂ© la voie dâune collaboration sincĂšre et loyale avec lâAngleterre et tu nous as abandonnĂ©s en tâenfonçant dans une guerre contraire Ă lâhonneur, aux intĂ©rĂȘts et aux sentiments du peuple italien[97]. »
Ciano rappelle ensuite toutes les trahisons dont lâItalie a Ă©tĂ© victime de la part de lâAllemagne. Lâordre du jour Grandi est mis aux votes vers 2 heures du matin et obtient 19 voix favorables, 7 contraires et 1 abstention. Mussolini sans exercer son droit de vote met fin Ă la rĂ©union en disant : « Messieurs, vous avez provoquĂ© la crise du rĂ©gime ».
Les raisons de la passivitĂ© de Mussolini font encore aujourd'hui l'objet de discussions dans la communautĂ© historique[98]. Ainsi, son absence de reprĂ©sailles envers ceux qui ont votĂ© lâordre du jour. Croit-il pouvoir redresser la situation ? Le vote du Grand Conseil nâest que consultatif et le roi nâa manifestĂ© aucune intention de vouloir se sĂ©parer de lui. Est-il prĂȘt Ă quitter le pouvoir devant la faillite de la guerre ? Ă cette date, il est dans un Ă©tat dĂ©pressif. Ses douleurs dâestomac, sans doute dâorigine nerveuse, se sont aggravĂ©es au point que lâon commence Ă parle de cancer et il ne prend plus que des aliments liquides.
Dans la matinĂ©e, le roi signe le dĂ©cret nommant lâancien chef dâĂ©tat-major Pietro Badoglio chef du gouvernement avec les pleins pouvoirs militaires. Mussolini, qui l'ignore, se rend Ă l'audience royale Ă 17 heures. Lâentretien dure 20 minutes. Le roi lâinforme que le vote le place dans lâobligation de lui nommer un successeur et ajoute : « vous ĂȘtes devenu lâhomme le plus dĂ©testĂ© dâItalie. Je veillerai Ă vous protĂ©ger de la fureur populaire. » Ă sa sortie, le Duce est arrĂȘtĂ© par un officier des carabiniers qui le fait monter dans une ambulance et le conduit dans une caserne sous haute surveillance.
La rĂ©publique de SalĂČ (septembre 1943-avril 1945)
DĂšs lâannonce Ă la radio, le soir mĂȘme de « la dĂ©mission » de Mussolini « acceptĂ©e » par le roi, le rĂ©gime sâeffondre brutalement et on commence Ă dĂ©truire Ă Rome les emblĂšmes fascistes. Les dirigeants fascistes dont le vote a permis au roi de reprendre en main la direction des affaires doivent sâenfuir, y compris Grandi et Ciano qui croyaient avoir un rĂŽle Ă jouer dans le nouveau gouvernement.
AprĂšs 45 jours de confusion, Badoglio annonce lâarmistice le , une des clauses prĂ©voyant la livraison de Mussolini aux AlliĂ©s. Le lendemain, le roi et son entourage quittent Rome, abandonnant les troupes sans leur donner dâordres prĂ©cis[99], pour rejoindre Brindisi dans les Pouilles, dĂ©jĂ aux mains des AlliĂ©s. Les Allemands occupent les trois quarts de lâItalie, y compris Rome oĂč la rĂ©sistance des troupes italiennes est acharnĂ©e. Le petit royaume du Sud sous la tutelle des Anglo-AmĂ©ricains dĂ©clare la guerre Ă l'Allemagne le .
AprĂšs son arrestation, Mussolini est conduit dans le plus grand secret dâun lieu de dĂ©tention Ă lâautre, les services de renseignements nâignorant pas que Hitler a ordonnĂ© de le dĂ©livrer. Le FĂŒhrer a confiĂ© cette tĂąche au capitaine SS autrichien Otto Skorzeny, qui a aussitĂŽt rejoint en Italie la division de parachutistes du gĂ©nĂ©ral Kurt Student pour constituer un commando dâune trentaine dâhommes. DĂ©tenu sur lâĂźle de Ponza au large du Latium, puis sur lâĂźle de La Maddalena en Sardaigne, il est transfĂ©rĂ© fin aoĂ»t dans les montagnes du Gran Sasso des Abruzzes, Ă lâhĂŽtel de sports dâhiver Campo Imperatore Ă 2 130 m dâaltitude, lieu jugĂ© plus sĂ»r car accessible seulement par un tĂ©lĂ©phĂ©rique gardĂ© et une mauvaise route de montagne.
Une double opĂ©ration (opĂ©ration Eiche) est montĂ©e pour dĂ©livrer Mussolini : une unitĂ© de parachutistes commandĂ©e par le colonel Harald Mors part de la vallĂ©e tandis que Skorzeny et son commando sont embarquĂ©s sur dix planeurs DFS 230 pour ĂȘtre larguĂ©s Ă proximitĂ© de lâhĂŽtel. Le , Ă 14 heures, les planeurs rĂ©ussissent lâexploit d'atterrir devant lâhĂŽtel et Mussolini est dĂ©livrĂ© sans rĂ©sistance de la part de ses gardiens. Pour Ă©vacuer le prisonnier, la route nâĂ©tant pas sĂ»re, un avion dâobservation Fieseler Fi 156 Storch conduit par le pilote personnel du gĂ©nĂ©ral Student, le capitaine Heinrich Gerlach, vient chercher le Duce. Le dĂ©collage du Mont Sasso est un autre exploit : lâappareil surchargĂ©, Skorzeny ayant exigĂ© dâaccompagner Mussolini, nâarrive pas Ă dĂ©coller de lâĂ©troit plateau et se lance dans le vide, ne se redressant quâaprĂšs une chute de plusieurs centaines de mĂštres.
Mussolini retrouve sa famille Ă Munich le et rencontre Hitler le lendemain Ă Rastenburg. Il est fatiguĂ©, dĂ©couragĂ©, dĂ©primĂ©. Hitler souhaite son retour au pouvoir alors que son entourage prĂ©fĂ©rerait dâautres possibilitĂ©s. Il le presse dâannoncer Ă la radio que la monarchie est dĂ©posĂ©e et que lâĂtat fasciste italien est nĂ©, Ătat oĂč il concentrerait tous les pouvoirs. Comme Mussolini ne paraĂźt pas dĂ©cidĂ©, Hitler doit le menacer de faire subir Ă lâItalie le sort de la Pologne. Pour Ă©viter le pire, Mussolini accepte ce qui est exigĂ© de lui[100].
Goebbels Ă©crit dans son Journal le :
« Le FĂŒhrer me raconte en dĂ©tail la visite du Duce (âŠ) Le FĂŒhrer croyait que le Duce sâempresserait dâorganiser un grand procĂšs contre ceux qui lâont trahi. Mais il nâen a rien fait ce qui montre les limites de ses possibilitĂ©s. Il nâest pas un rĂ©volutionnaire Ă la maniĂšre du FĂŒhrer ou de Staline (âŠ) Le FĂŒhrer a eu beaucoup de mal Ă le convaincre que Grandi, par exemple, lâavait trahi sciemment, lui et le Parti fasciste. Dans un premier temps, le Duce ne voulait pas le croire (âŠ) Le FĂŒhrer est extrĂȘmement déçu de la conduite du Duce (âŠ) Jâen suis trĂšs satisfait car il est dĂ©sormais plus facile pour nous de prendre certaines dĂ©cisions que nous nâaurions peut-ĂȘtre pas prises sans cette Ă©volution du Duce. »
Il ajoute :
« Le professeur Morell (Ndlr : le mĂ©decin personnel dâHitler Theodor Morell) lâa longuement examinĂ©. Il nâa constatĂ© chez lui que des problĂšmes de circulation, du surmenage et des troubles intestinaux : en somme les affections typiques de lâhomme rĂ©volutionnaire de notre temps, des affections dont nous souffrons tous plus ou moins. Le mal est Ă un stade avancĂ© chez le Duce. Mais Morell estime quâil peut complĂštement guĂ©rir. »
Le , Ă la radio de Munich, Mussolini proclame la RĂ©publique sociale italienne. Le Parti fasciste rĂ©publicain est confiĂ© Ă Alessandro Pavolini. Un gouvernement avec des personnalitĂ©s de second plan, sauf Rodolfo Graziani imposĂ© par les Allemands comme ministre de la Guerre, Guido Buffarini Guidi Ă lâintĂ©rieur et Pavolini qui a rang de ministre et tient lâessentiel du pouvoir entre ses mains. La nouvelle Ă©quipe sâinstalle sur les rives du lac de Garde plus Ă©loignĂ© de la ligne de front, en particulier Ă SalĂČ qui donnera son nom historique Ă lâĂ©phĂ©mĂšre rĂ©publique. Mussolini sâinstalle dans une splendide villa appartenant aux Feltrinelli prĂšs de Gargnano, les bureaux de la prĂ©sidence Ă©tant situĂ©es Ă la villa Orsoline au centre de lâagglomĂ©ration.
La prioritĂ© est donnĂ©e Ă la reconstitution de la Milice, transformĂ©e en garde nationale rĂ©publicaine (GNR) dâun effectif de 140 000 hommes sous le commandement dâun dur, Renato Ricci, qui sera essentiellement utilisĂ©e dans la lutte contre les partisans. En , sont crĂ©Ă©es avec les inscrits au Parti de 18 Ă 60 ans, des Brigate Nere (brigades noires) rĂ©unissant 11 000 hommes sous les ordres de Pavolini. Graziani a plus de difficultĂ©s Ă constituer une armĂ©e rĂ©guliĂšre, les Allemands prĂ©fĂ©rant utiliser les Italiens comme main dâĆuvre dans les usines dâarmement du Reich plutĂŽt que comme soldats. Il parvient Ă constituer quatre divisions de volontaires entraĂźnĂ©es en Allemagne qui se battront contre les AlliĂ©s et leur infligeront des pertes rĂ©elles[101].
Le , se tient Ă VĂ©rone le premier congrĂšs du Parti fasciste rĂ©publicain, au cours duquel est adoptĂ© le manifeste de VĂ©rone, revenant au programme anticapitaliste des fasci de 1919[102]. Mussolini a participĂ© Ă la rĂ©daction du manifeste mais ne sâest pas dĂ©rangĂ©. Le programme ne sera pas appliquĂ© et le Duce, incapable de sâĂ©manciper de lâoccupant, se dĂ©tournera de son rĂŽle de simple figurant.
SexagĂ©naire, il est Ă peu prĂšs en forme grĂące aux soins dâun mĂ©decin militaire allemand envoyĂ© par Hitler[103], mĂȘme sâil alterne des phases de dĂ©pression profonde et des moments dâespoir et dâexcitation. Il Ă©crit beaucoup, un Ă©norme courrier Ă ses collaborateurs, des articles, son dernier livre, Histoire dâune annĂ©e oĂč il dĂ©nonce les responsables de sa chute, des traductions des livrets de Wagner et de la Chartreuse de Parme[104]. Il accorde de nombreuses interviews, en particulier Ă son ami le journaliste Carlo Silvestri (120 heures d'entretiens en une cinquantaine de sĂ©ances).
Lors du congrĂšs, il a Ă©tĂ© dĂ©cidĂ© dâinstituer un tribunal spĂ©cial pour juger et chĂątier les membres du Grand Conseil qui avait votĂ© lâordre du jour Grandi et que lâon avait pu attraper. Entre le 8 et le 10 janvier 1944, se tient le procĂšs de VĂ©rone, une mascarade juridique orchestrĂ©e par les ultras du Parti, Farinacci et Pavolini : cinq des six accusĂ©s sont condamnĂ©s Ă mort, dont le gendre du Duce, Galeazzo Ciano. Mussolini nâintervient pas dans le procĂšs, malgrĂ© les supplications de sa fille, pour ne pas perdre la face devant Hitler et ce qui lui reste dâautoritĂ© chez ses partisans purs et durs, et laisse fusiller son gendre dans le dos, les mains liĂ©s Ă une chaise.
Pendant dix-huit mois, lâItalie va ĂȘtre divisĂ©e en deux, de part et dâautre de la ligne de front : ligne Gustav Ă la hauteur du Latium et des Abruzzes, puis en , aprĂšs la prise de Rome par les AlliĂ©s, la ligne gothique (Pise-Rimini). Dans lâItalie fasciste, les premiers groupes de partisans, constituĂ©s avec les communistes et dâautres antifascistes et coordonnĂ©s par un ComitĂ© de libĂ©ration nationale se constituent et mĂšnent des actions de sabotage et de guĂ©rilla, entraĂźnant rafles, tortures, reprĂ©sailles et massacres de la part des Brigades noires, des SS et de la Gestapo.
Mussolini, relĂ©guĂ© au rang de simple exĂ©cutant des volontĂ©s de Hitler, demande Ă le rencontrer pour obtenir une plus grande marge dâautonomie. Hitler le reçoit le mais il nâobtient que de vagues promesses. En , il se rend en Allemagne pour inspecter les quatre divisions italiennes que les Allemands ont entraĂźnĂ©es et prononce des discours martiaux acclamĂ© par les rĂ©giments en grande tenue. Son entretien du avec Hitler, qui vient dâĂ©chapper Ă un attentat Ă la bombe, est lâultime rencontre des deux dictateurs. Avant de le quitter, Hitler lui dit : « Je sais que je puis compter sur vous. Je vous prie de me croire quand je vous dis que je vous considĂšre comme mon meilleur, et peut-ĂȘtre comme le seul ami que jâaie au monde[105].
Le , au thĂ©Ăątre lyrique de Milan, Mussolini prononce un de ses derniers discours publics devant une assistance de 4 000 personnes[106]. Ă la sortie, il sâexhibe sans protection rapprochĂ©e pour son dernier bain de foule.
Il dit Ă la journaliste Maddalena Mollier venue lâinterviewer - en la priant de ne bien vouloir publier son article qu'aprĂšs sa mort :
« Pour moi, les seules portes qui sâouvriront sont celles de la mort. Et cela est juste. Je me suis trompĂ© et je paierai, si ma pauvre vie vaut encore quelque chose (âŠ) Je suis responsable, autant de ce que jâai fait de bien, et que personne ne peut nier, que de mes faiblesses et de ma dĂ©chĂ©ance. Oui, madame, mon Ă©toile sâest couchĂ©e. Je travaille, je mâaffaire, en sachant que tout est farce. Jâattends la fin de la tragĂ©die, et â Ă©trangement dĂ©tachĂ© de tout - je ne me sens plus acteur, mais seulement le dernier spectateur[107]. »
La fin (avril 1945)
En , les armĂ©es alliĂ©es reprennent lâoffensive et la ligne gothique est rompue. Le , une insurrection gĂ©nĂ©rale commence en Italie du Nord orchestrĂ©e par le ComitĂ© de libĂ©ration nationale Nord Italie. Mussolini quitte le lac de Garde et sâinstalle Ă la prĂ©fecture de Milan.
Des tractations menĂ©es par lui-mĂȘme et quelques ministres, le , Ă lâarchevĂȘchĂ© sous la protection du cardinal Schuster, avec des reprĂ©sentants de la RĂ©sistance Ă©chouent. Les Allemands nĂ©gocient pour leur compte avec les AlliĂ©s abandonnant la RĂ©publique sociale Ă son sort. Lâinsurrection va Ă©clater Ă Milan.
Mussolini dĂ©cide de fuir mais nâa pas de plan prĂ©cis. Il refuse de partir en avion en Espagne[108]. A-t-il peur dâĂȘtre livrĂ© aux AlliĂ©s par Franco ? Les Suisses lui ont fait savoir que leur frontiĂšre Ă©tait fermĂ©e et quâil serait refoulĂ©.
Le soir du 25, il donne lâordre de partir pour CĂŽme en direction de la Valteline, dernier « rĂ©duit ». La colonne se compose dâune dizaine de voitures, dont lâAlfa Romeo dĂ©couverte du Duce, et deux blindĂ©s allemands transportant sa garde SS. Il doit ĂȘtre rejoint par Alessandro Pavolini et ses chemises noires : 200 vĂ©hicules, un peu dâartillerie et quelques blindĂ©s.
Ă CĂŽme, premiĂšre halte de nuit. Il est rejoint par Guido Buffarini Guidi et surtout Clara Petacci ce qui suscite son irritation. Il sait que tout est fini. Il Ă©crit Ă sa femme : « Me voici parvenu Ă la derniĂšre phase de ma vie[109] ». Ă 4 h 30, le , le convoi repart vers Menaggio, tourne autour de la frontiĂšre suisse sans oser sây prĂ©senter. Ses compagnons commencent Ă le quitter. Buffarini Guidi, essaie de passer en Suisse. RefoulĂ©, il est arrĂȘtĂ© par les rĂ©sistants et fusillĂ© Ă Milan le . Rodolfo Graziani rentre Ă Milan oĂč il se rend aux AmĂ©ricains.
Ă Menaggio, la colonne est grossie par une trentaine de camions allemands transportant un dĂ©tachement de 200 soldats refluant vers le Brenner. Les fugitifs attendent Ă Grandola lâarrivĂ©e de Pavolini qui arrive le 27 vers 4 heures dans un gros vĂ©hicule blindĂ©, presque seul, ses chemises noires Ă©tant restĂ©s Ă CĂŽme en refusant dâaller plus loin.
Mussolini dĂ©cide de se joindre au dĂ©tachement allemand. Il abandonne son Alfa Romeo et monte dans le blindĂ© de Pavolini avec Clara et deux mallettes quâil ne quitte jamais.
Le Ă 7 heures, la colonne est arrĂȘtĂ©e Ă Musso par un barrage de partisans, avant-poste de la 52e brigade Garibaldi. Les Allemands sont plus nombreux mais nâont pas envie de combattre et sont impatients de repartir. Selon les instructions du Conseil de la RĂ©sistance, les partisans sont prĂȘts Ă laisser passer les Allemands, mais pas les Italiens. Un accord est conclu : les voitures seront inspectĂ©es Ă Dongo, quelques kilomĂštres plus loin. Le lieutenant SS Birzer, qui commande la garde de Mussolini, lui suggĂšre de prendre place au fond dâun vĂ©hicule de la colonne allemande Ă©quipĂ© d'une capote de la Luftwaffe et d'un casque allemand.
La colonne est Ă nouveau arrĂȘtĂ©e Ă Dongo. Pendant l'inspection, Mussolini est reconnu. La nouvelle de son arrestation est communiquĂ©e aux chefs de la RĂ©sistance Ă Milan Ă qui on demande des instructions dans la nuit du 27 au 28. Les AlliĂ©s le rĂ©clament en vertu des clauses de la convention dâarmistice pour le traduire devant un tribunal international (Winston Churchill, favorable Ă une exĂ©cution immĂ©diate, a dĂ» se rallier Ă la position de Franklin D. Roosevelt).
à partir de ce moment, rapports et témoignages se contredisent. Les éléments suivants semblent à peu prÚs certains[110] :
- La dĂ©cision dâexĂ©cuter Mussolini est prise Ă Milan par lâaile dure de la RĂ©sistance, oĂč les communistes jouent un rĂŽle primordial. Elle sera entĂ©rinĂ©e aprĂšs coup par lâensemble des membres du ComitĂ© de libĂ©ration nationale alors quâen rĂ©alitĂ© lâordre Ă©tait de ramener Mussolini vivant Ă Milan. Lâordre dâexĂ©cution est confiĂ© Ă deux militants de lâĂ©tat-major du mouvement insurrectionnel, le « colonel Valerio » (Walter Audisio[111]) et « Guido » (Aldo Lampredi), un ancien des brigades internationales passĂ© par lâĂ©cole des cadres de Moscou, qui partent avec une douzaine de partisans pour Dongo oĂč ils arrivent Ă 14 heures.
- Le chef de la 52e brigade Garibaldi qui a arrĂȘtĂ© Mussolini, le « commandant Pedro » ( comte Pier Luigi Bellini delle Stelle), veut remettre son prisonnier aux autoritĂ©s italiennes pour un procĂšs. Il cache ses deux prisonniers dans une ferme dâagriculteurs des environs car Clara Petacci lâa suppliĂ© dâĂȘtre rĂ©unie Ă son amant, Ă la surprise de ce dernier : « Vous ici, signora, pourquoi ? » « Pour ĂȘtre avec vous, Excellence. » ou « Pour mourir avec vous, Excellence. » selon dâautres versions.
- Le commandant Pedro essaie de rĂ©sister quand Valerio et ses hommes arrivent pour fusiller le Duce, mais finit par cĂ©der pour Ă©viter une fusillade entre partisans. Vers 16 heures, le 28 avril, Valerio fait irruption dans la ferme. Les prisonniers, qui sont couchĂ©s dans leur chambre, doivent monter dans une voiture qui parcourt quelques centaines de mĂštres avant de sâarrĂȘter devant la grille dâune villa oĂč ils sont exĂ©cutĂ©s. Valerio retourne Ă Dongo pour faire exĂ©cuter sur la place les quinze dirigeants fascistes, dont Pavolini, qui ont aussi Ă©tĂ© arrĂȘtĂ©s.
- Les deux mallettes que Mussolini portait avec lui lors de son arrestation ont disparu et nâont jamais Ă©tĂ© retrouvĂ©es, mais ont suscitĂ© de nombreuses spĂ©culations. Une sĂ©rie de tĂ©moignages sur leur contenu font Ă©tat pour la premiĂšre dâune somme importante dâargent liquide et pour la seconde de dossiers sensibles, dont une correspondance avec Churchill, que Mussolini aurait pu utiliser pour sa dĂ©fense au cours dâun Ă©ventuel procĂšs devant un tribunal alliĂ©.
Les dĂ©pouilles ramenĂ©es Ă Milan sont exposĂ©es sur la place Loreto oĂč, le , les miliciens de SalĂČ avaient fusillĂ© quinze partisans qui Ă©taient restĂ©s exposĂ©s au sol pendant 24 heures. La pendaison par les pieds aura lieu quelques heures plus tard pour empĂȘcher la foule de mutiler les corps.
Personnalité
Un rapport de police[112] adressé au président du Conseil Orlandi en 1919 le décrit ainsi :
« Il est trĂšs intelligent, circonspect, calculateur, indiffĂ©rent Ă lâargent si ce nâest pour corrompre ; mais Ă©galement sensuel, Ă©motif, vindicatif, dĂ©vorĂ© par lâambition. Il veut dominer, convaincu de reprĂ©senter une force essentielle dans le destin de lâItalie, et nâacceptera jamais de jouer les seconds rĂŽles. »
D'origine populaire et rurale, il possÚde plusieurs traits de personnalité notables :
- Une certaine maladresse en société malgré la fréquentation prolongée de la bourgeoisie milanaise, puis romaine et les leçons de comportement mondain qui lui ont été prodiguées en particulier par Margherita Sarfatti et une toilette et tenue vestimentaire longtemps négligées.
- Une frĂ©nĂ©sie dâapprendre et un appĂ©tit pour la lecture pour compenser les carences de son Ă©ducation dont il souffre, nâayant pas fait dâĂ©tudes classiques et universitaires comme la plupart des hommes politiques de son Ă©poque.
- La superstition, comme son pĂšre et beaucoup dâItaliens de l'Ă©poque. Il croit aux jours fastes et nĂ©fastes, consulte son horoscope.
- Une timidité qui conditionne son goût pour la solitude ou du moins la distance.
- Une brutalitĂ© naturelle et un caractĂšre emportĂ© et violent. Ses colĂšres sont redoutĂ©es et sa rancune tenace. Il traite les notabies du rĂ©gime â sĂ©nateurs, acadĂ©miciens, membres de la direction du parti, etc. â sans mĂ©nagement, les obligeant par exemple en 1932 Ă monter la garde Ă lâentrĂ©e de lâexposition de la RĂ©volution fasciste, oĂč lâon voit Guglielmo Marconi et Luigi Pirandello prendre leur tour de faction. En 1941, la campagne de GrĂšce tournant Ă la catastrophe, il oblige tous ses ministres et hiĂ©rarques fascistes Ă se porter volontaires pour le front.
Nourri de culture rĂ©volutionnaire, ayant vĂ©cu comme une humiliation la sĂ©grĂ©gation au collĂšge des pĂšres salĂ©siens puis dans sa vie professionnelle et son exil forcĂ© en Suisse, il conserve Ă lâĂ©gard de la bourgeoisie (qui sâest ralliĂ©e majoritairement au fascisme en 1922) une animositĂ© et un esprit de revanche que le temps et les compensations du pouvoir ne feront pas disparaĂźtre. « Je ne nie pas, dĂ©clare-t-il en 1934, lâexistence de tempĂ©raments bourgeois, jâexclus quâils puissent ĂȘtre fascistes. Le credo du fasciste est lâhĂ©roĂŻsme, celui du bourgeois lâĂ©goĂŻsme. Contre ce danger, il nây a quâun remĂšde : le principe de la rĂ©volution permanente[113]. »
Famille
Mussolini a Ă©pousĂ© Rachele Guidi (1890-1979), petite paysanne romagnole, fille de la compagne de son pĂšre, en dĂ©cembre 1915 aprĂšs six ans de vie commune, dâabord civilement, puis religieusement en 1925, une fois devenu le chef du parti de l'ordre et le gardien des valeurs traditionnelles. Il a dâelle cinq enfants, Edda nĂ©e en 1910, Vittorio (1916), Bruno (1918), Romano (1927) et Anna Maria (1929).
Rachele et ses enfants sont restĂ©s Ă©loignĂ©s de la vie publique du Duce. Il faudra sept ans aprĂšs son arrivĂ©e Ă Rome pour quâelle soit autorisĂ©e Ă le rejoindre et Ă sâinstaller, avec lui et ses enfants, Ă la villa Torlonia oĂč ils occupent des appartements sĂ©parĂ©s et oĂč Mussolini aime prendre seul ses rapides repas. En 14 ans, elle n'est admise que deux fois au palais de Venise pour assister Ă des dĂ©filĂ©s militaires alors que Clara Petacci y a un appartement privĂ©. La premiĂšre apparition officielle de Donna Rachelle, sorte de titre de premiĂšre dame, sera Ă lâoccasion du mariage dâEdda avec Galeazzo Ciano en 1930.
Il y a un accord tacite entre eux : Mussolini mĂšne Ă sa guise sa vie personnelle tandis quâelle sâoccupe des enfants et administre le domaine (une prospĂšre propriĂ©tĂ© agricole achetĂ©e en Romagne avec les revenus du Popolo dâItalia) et les ressources familiales, dâautant plus que son mari y est indiffĂ©rent. Mussolini aime son optimisme, sa vitalitĂ©, son autoritĂ© dissimulĂ©e et dâautant plus efficace, son intuition mais, entre eux, la distance culturelle ne fait que sâĂ©largir avec les annĂ©es. Il gardera jusquâĂ la fin beaucoup de tendresse pour elle. Quelques jours avant sa mort, il lui Ă©crit :
« ChĂšre Rachele. Me voici arrivĂ© Ă la derniĂšre phase de ma vie, Ă lâultime page de mon livre. Peut-ĂȘtre ne nous reverrons-nous plus. Je te demande pardon pour tout le mal quâinvolontairement je tâai fait. Mais tu sais que tu as Ă©tĂ© la seule femme que jâai vraiment aimĂ©e. Je te le jure devant Dieu et devant notre Bruno Ă ce moment suprĂȘme. Toi, avec les enfants, cherche Ă rejoindre la frontiĂšre suisse. LĂ -bas, vous vous ferez une vie nouvelle[114]. »
Edda Mussolini (1910-1995) est la fille chĂ©rie du Duce. Elle lui ressemble et il sâest beaucoup occupĂ© dâelle dans son enfance quand son temps Ă©tait moins pris par ses activitĂ©s politiques et journalistiques. « Quiconque touche Edda, touche Ă la prunelle de mes yeux ! » a-t-il dĂ©clarĂ©[115]. Ses parents lâont surnommĂ©e la « pouliche folle » (cavallina matta) Ă cause de son caractĂšre rebelle, sa nature ardente et insoumise . Elle affirme avoir Ă©tĂ© la premiĂšre femme en Italie Ă porter un pantalon, Ă fumer en public, ou encore Ă conduire une voiture. Sportive et courageuse (elle se sauvera Ă la nage de lâincendie dâun navire-hĂŽpital pendant la guerre), elle aime le jeu, lâalcool, le tabac et les nuits passĂ©es au milieu dâadmirateurs Ă©mĂ©chĂ©s. La premiĂšre tentative pour la marier au fils dâun industriel Ă©choue quand le futur gendre interroge Mussolini sur le montant de la dot : « Ma fille nâaura pas de dot, comme sa mĂšre nâen a pas eu[116] ». Elle Ă©pouse en 1930 Galeazzo Ciano, jeune diplomate et fils de lâamiral fasciste Costanzo Ciano, fils dâun marchand ambulant, hĂ©ros de la Grande Guerre fait comte par le roi. AprĂšs la cĂ©rĂ©monie, les deux Ă©poux partent en voyage de noces pour Capri et Mussolini les accompagne en dĂ©capotable pendant une trentaine de kilomĂštres sans gardes du corps « afin de pouvoir pleurer en paix au moment des adieux[117] ». Sur lâinsistance dâEdda qui est fasciste, beaucoup plus que lui, Galeazzo sera nommĂ© chef du service de presse de la prĂ©sidence du Conseil, puis en juin 1936 ministre des Affaires Ă©trangĂšres. Edda luttera de toutes ses forces pour sauver son mari et rompra dĂ©finitivement avec son pĂšre aprĂšs lâexĂ©cution.
Mussolini a Ă©tĂ© beaucoup plus absent pour lâĂ©ducation de ses autres enfants. Ses deux fils aĂźnĂ©s, Vittorio et Bruno se sont engagĂ©s dans lâarmĂ©e de lâair au dĂ©but de la guerre dâĂthiopie, comme lieutenant et sergent. Bruno sera tuĂ© accidentellement dans un vol de routine en 1941.
Mussolini a eu un autre fils, Benito Albino, quâil a du reconnaĂźtre en 1916 suite Ă une procĂ©dure de reconnaissance en paternitĂ© engagĂ©e contre lui par Ida Dalser (1880-1937, une jeune autrichienne de Trente avec qui il a vĂ©cu en mĂ©nage avant la guerre, concurremment avec Rachele pour qui il opta finalement. AprĂšs la guerre, Ida Dalser lui intenta un procĂšs quâelle gagna et il dut lui verser une rente mensuelle de 200 lires. Devenue de plus en plus agressive, se faisant appeler signora Mussolini, elle fut dĂ©clarĂ©e dĂ©mente lorquâil arriva au pouvoir et enfermĂ©e dans un asile psychiatrique oĂč elle mourut en 1937. Bruno Albino fut confiĂ© Ă un tuteur qui lâadopta et lui donna son nom. EngagĂ© dans la marine, il fut envoyĂ© en Chine en 1935. Il serait mort en 1940 ou 1942, les sources actuellement disponibles ne permettant pas de trancher[118].
Distinctions
Italiennes
Croix d'ancienneté de service dans la milice volontaire pour la Sécurité nationale, 20 ans |
ĂtrangĂšres
Grand-croix de la Croix-rouge allemande, 1934 |
Grand-croix de la Croix-rouge allemande, classe spéciale en or et diamants, 1937 |
Ćuvres
Ăcrits
- La Filosofia della forza (1908) ;
- La Santa di Susà (opuscule d'une interview recueilli comme journaliste et publié le 12 juin 1909) ;
- Claudia Particella, l'amante del Cardinal Madruzzo (roman paru par Ă©pisodes sur le Il Popolo pendant 57 jours Ă partir du 20 janvier 1910) ; trad. fr. Auda Isarn, 163 p., 2007.
- La Tragedia di Mayerling (1910) non publié ;
- Il Trentino veduto da un socialista (1911) ;
- L'Amante del cardinale(1911) ;
- La mia vita (1911-12) ;
- Giovanni Huss il veridico (1913) ;
- Vita di Arnaldo (1932) ;
- Scritti e discorsi (1914-39, 12 vol.) ;
- Parlo con Bruno ou Je parle avec Bruno, publié par Il Popolo d'Italia soit Le Peuple de l'Italie, 1941 ;
- Il tempo del bastone e della carota (1944 - Recueil d'articles publiés dans le Corriere della Sera entre 1940 et 1943) ;
- Pensieri pontini e sardi (1943) ;
- Storia di un anno (il tempo del bastone e della carota) (1944).
Voir aussi
Bibliographie
: document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.
Sur Mussolini
- François Beauval, Mussolini, vie et mort d'un dictateur, GenÚve,
- André Brissaud, Mussolini, le fascisme, Paris, éd. Robert Langeac,
- Christopher Hibbert, Mussolini, J'ai lu
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- Didier Musiedlak, Mussolini, Paris, Presses de Sciences Po, , 436 p. (ISBN 2-7246-0806-2)
- Michel Ostenc, Mussolini. Une histoire du fascisme italien, Paris, Ellipses, , 331 p. (ISBN 978-2-7298-8336-2)
- Margherita Sarfatti, Mussolini, L'Homme et le Chef : traduit de l'italien par Maria Croci et EugĂšne Marsan, Paris, Ăditions Albin Miche, , 365 p.
- Denis Mack Smith, Mussolini, Paris, Flammarion, , 495 p. (ISBN 2-08-064655-9).
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- Max Schiavon, Mussolini, un dictateur en guerre, Perrin, 2016, 270 p.
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Publications en italien
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- (it) Arrigo Petacco, L'uomo della provvidenza, Mondadori, 2004. (ISBN 88-04-53466-4)
- (it) Giorgio PisanĂČ, Gli ultimi cinque secondi di Mussolini, Milan, Il saggiatore, 1996. (ISBN 88-428-0350-2)
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- (it) Marcello Staglieno, Arnaldo e Benito, due fratelli, Mondadori, 2004.
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Sur la période
- Serge Berstein et Pierre Milza, Le Fascisme italien, 1919-1945, Seuil, Points Histoire, (ISBN 2-02-005513-9).
- (it) Lorenzo Del Boca, Italiani, brava gente? Un mito duro a morire, Vicence, Neri Pozza Editore, (ISBN 88-545-0013-5). Italiens, braves personnes ? un mythe dur Ă mourir
- Marc Ferro, Ils Ă©taient sept hommes en guerre, Ă©d. Robert Lafont, .
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- (it) Indro Montanelli, L'Italia in Camicia Nera, Rizzoli, 1977. (ISBN 88-17-42017-4)
Ouvrages généraux
- Ian Kershaw, Choix fatidiques. Dix décisions qui ont changé le monde, 1940-1941, Paris, Seuil, coll. « L'Univers historique », (ISBN 978-2-02-080325-0)
Littérature
- Antonio Scurati, M. L'Enfant du siĂšcle, Les ArĂšnes, 2020.
Filmographie
- 1923 : La Ville Ă©ternelle de George Fitzmaurice, Mussolini joue son propre rĂŽle[122]
- 1925 : Les Chemins de la force et de la beauté, Mussolini joue son propre rÎle
- 1935 : Les Cent Jours de Franz Wenzler, scénario par Benito Mussolini[123]
- 1938 : Inside Nazi Germany de Jack Glenn, image d'archive
- 1940 : Le Dictateur de Charlie Chaplin, Jack Oakie parodie Mussolini[124]
- 1942 : The Ducktators de Norman McCabe, Mussolini est joué par Michael Maltese
- 1943 : Der Fuehrer's Face de Jack Kinney, acteur non crédité
- 1962 :
- Benito Mussolini, documentaire de Pasquale Prunas
- All'armi siam fascisti documentaire de Lino Del Fra, Lino MiccichĂš et Cecilia Mangini
- Il mio amico Benito de Giorgio Bianchi avec Peppino De Filippo
- 1970 : Men of our time: Mussolini documentaire de Alan J. P. Taylor
- 1974 : Les Derniers Jours de Mussolini de Carlo Lizzani avec Rod Steiger
- 1976 : L'aigle s'est envolé de John Sturges, image d'archive
- 1978 : Quando c'era lui...caro lei! de Giancarlo Santi
- 1981 : Le Lion du désert de Moustapha Akkad, Mussolini est joué par Rod Steiger
- 1985 :
- Io e il Duce d'Alberto Negrin
- La Chute de Mussolini, minisérie de William A. Graham
- 1989 : Fascist Legacy Ken Kirby, Royaume-Uni, 2 Ă 50 min [lire en ligne]
- 1993 : Il giovane Mussolini de Gianluigi Calderone avec Antonio Banderas
- 2004 : Mussolini, Churchill e cartoline, documentaire de Villi Hermann
- 2009 : Vincere film de Marco Bellocchio
- 2018 : Sono Tornato de Luca Miniero, Mussolini est joué par Massimo Popolizio
- 2019 : Mussolini, la révolution noire documentaire de Edoardo Malvenuti
- 2021 :
- L'Ătau de Munich de Christian Schwochow, Mussolini est jouĂ© par Domenico Fortunato
- Mussolini, le premier fasciste documentaire de Serge de Sampigny
- 2022 :
Articles connexes
- Italo Gariboldi
- RĂ©sistance en Italie pendant la Seconde Guerre mondiale
- Avanti!
- Il Popolo d'Italia
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Notes et références
- (it) Cet article est partiellement ou en totalitĂ© issu de lâarticle de WikipĂ©dia en italien intitulĂ© « Benito Mussolini » (voir la liste des auteurs) du 28 octobre 2007.
Notes
- PrĂ©sident du Conseil des ministres du royaume d'Italie du 31 octobre 1922 au 13 janvier 1923, puis chef du gouvernement, Premier ministre et SecrĂ©taire d'Ătat du royaume d'Italie.
- Prononciation en français de France retranscrite selon la norme API.
- Prononciation en italien standard retranscrite selon la norme API.
- la signification de ce sigle est inconnue par manque de document. Selon certains historiens, il signifierait Organisation de Vigilance et de RĂ©pression de lâAntifascisme « Organizzazione di Vigilanza e Repressione dell'Antifascismo », alors que dâautres pensent que le sigle Ă©tait privĂ© de sens.
- Au moment de lâassassinat de Dollfuss, sa femme et ses enfants sont les hĂŽtes de Mussolini dans une de ses rĂ©sidences balnĂ©aires.
Références
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- Milza 2007, p. 28.
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- Dalla neutralità assoluta alla neutralità attiva ed operante (De la neutralité absolue à la neutralité active et agissante)« Dalla neutralità assoluta alla neutralità attiva ed operante » (consulté le ).
- Smith, 1981, p. 40.
- Milza 2007, p. 176-178.
- The Birth of Fascist Ideology, Zeev Sternhell, pg 303.
- Fascism, Noël O'Sullivan, J. M. Dent & Sons, Londres, 1983. pg 207.
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- Entretien du 7 décembre 1943, Fonds Susmel.
- Atti parlamentari, Camera (APD), 17 novembre 1922.
- Mussolini, Chroniques de l'histoire, Ă©ditions Chronique, (ISBN 2-905969-92-X), page 52.
- Milza 2007, p. 333.
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- De Felice, Mussolini, Turin, Einaudi,1968, T.2, pp 185-187.
- Milza 2007, p. 389.
- (it)et permet la mise en Ćuvre dâun programme sanitaire qui permet de vaincre la malaria ainsi que lâobtention de rĂ©sultats significatifs contre la tuberculose, la variole et la rage. Discours sur la bonification des marais Pontins.
- Allocution prononcĂ©e Ă lâ universitĂ© du SacrĂ©-Coeur de Milan le 13 fĂ©vrier 1929.
- DĂ©claration de Mussolini le 3 novembre 1922, Opera omnia , vol XIX p.3.
- Discours de Mussolini au SĂ©nat, 28 mai 1926.
- Conférence de presse tenue à Londres le 20 janvier 1927.
- Mussolini, Chroniques de l'histoire, Ă©ditions Chronique, (ISBN 2-905969-92-X), page 71
- Milza 2007, p. 668.
- Serra 2021, p. 188.
- Discours dans Il Popolo dâItalia du 6 mai 1936.
- Gli anni del consenso. La thĂšse de lâadhĂ©sion des masses au fascisme pendant la pĂ©riode 1929-1934 (Ă©largie aujourdâhui Ă 1936) a Ă©tĂ© dĂ©veloppĂ©e par lâhistorien italien spĂ©cialiste de Mussolini Renzo de Felice dans les annĂ©es soixante-dix et a soulevĂ© alors une vive polĂ©mique, lâinterprĂ©tation admise Ă©tant que les Italiens avaient « subi » une dictature toute-puissante. Elle est aujourdâhui admise par la quasi totalitĂ© des historiens. Voir les derniĂšres biographies de Mussolini en français : Milza 2007, p. 552 et Serra 2021, p. 190 et 192.
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- , cité dans Milza 2007, p. 449.
- Milza 2007, p. 605.
- article en ligne « Rome mutilée par Mussolini » Le Monde du 23 juin 1980 https://www.lemonde.fr/archives/article/1980/06/23/rome-mutilee-par-mussolini_2804739_1819218.html.
- Pierre Milza, Mussolini, Fayard, 1999, p. 553.
- Serra, 2021, p.183.
- Mussolini citĂ© par Ciano, Journal, 31 janvier 1938. Ciano ajoute le 1er fĂ©vrier : « Mussolini a cinglĂ© les mĂ©contents quâil a qualifiĂ©s de sĂ©dentaires, de bedonnants, dĂ©ficients et nobots. Je savais Ă qui il faisait allusion (ndlr : le roi) ; mais Badoglio et De Bono ont pris cela pour eux et ne lâont pas digĂ©rĂ©. »
- Ciano, Journal, 29 septembre 1937.
- Milza 1999, p. 741.
- Ciano, Journal, 27 octobre 1938.
- Ciano, Journal, 15 mars 1939.
- Ciano, Journal, 15 mars 1939.
- Ciano, Journal, 30 novembre 1938.
- Milza 2007, p. 750.
- Milza 2007, p. 751.
- Milza 2007, p. 622.
- (en) Bernard Lewis, Semites and Anti-Semites : An Inquiry Into Conflict and Prejudice, , 295 p. (ISBN 978-0-393-31839-5, lire en ligne).
- Bruno Gatta, Mussolini, Editions Rusconi, p. 248.
- Mussolini, Chroniques de l'histoire, Ă©ditions Chronique, (ISBN 2-905969-92-X), page 68
- Milza 2007, p. 752.
- Brissaud p. 369.
- Chroniques de l'Histoire, Mussolini, 2000, p. 68.
- Johann Chapoutot, Le national-socialisme et l'Antiquité, éd. Presses universitaires de France, 2008? p. 90.
- (it)Clara Petacci. Mussolini segreto. Diari 1932-1938 par Mauro Suttora. Rizzoli, 2009 (ISBN 978-88-17-03737-2).
- (it) Le donne del Duce, La Storia siamo noi avec Ă©vocation du journal de Clara Petacci.
- Milza 2007, p. 484.
- Mussolini: «Moi j'étais raciste dÚs 1921».
- Mussolini entre racisme et passions Ă©rotiques, dixit sa maĂźtresse.
- Paul Guichonnet, Mussolini et le fascisme, Presses universitaires de France, 1966.
- Milza 1999, p. 753.
- Milza 1999, p. 754.
- Milza 1999, p. 755.
- Marie Anne Matard, Italie, fascisme et antisĂ©mitisme dâĂtat, Les collections de l'histoire no 3, 1999, p. 52.
- Serra 2021, p. 270.
- Mussolini, Chroniques de l'histoire, Ă©ditions Chronique, (ISBN 2-905969-92-X), page 98
- Serra 2021, p. 415.
- Ciano, Journal, 9 octobre 1939.
- Ciano, Journal, 12 mars 1940.
- Ciano, Journal, 10 juin 1939.
- Ciano, Journal, 10 juin 1940.
- Tous les chiffres donnés dans ce chapitre proviennent de la biographie de Pierre Milza, Mussolini, p. 760 à 790.
- Ciano, Journal, 25 juin 1940.
- Ciano, Journal, 21 juin 1940.
- Ciano, Journal, 23 décembre 1940.
- Parfois à la demande de Mussolini. Ainsi sa boutade sur la mort de Chamberlain « Cette fois-ci, il a définitivement manqué le coche », Journal, 10 novembre 1940.
- Ciano, Journal, 21 janvier 1941.
- Ciano, Journal, 10 juin 1941.
- Ciano, Journal,30 juin 1941.
- Lâexpression est de Goebbels, Journal, 19 juillet 1943 .
- Serra 2021, p. 335.
- Son nouveau chef dâĂ©tat-major Vittorio Ambrosio et le remplaçant de Ciano,[Giuseppe Bastianini.
- Goebbels, Journal, 25 juin et 21 juillet 1943, Tallandier, 2005.
- Pierre Milza, Mussolini, Fayard, p.823.
- Voir à ce sujet les deux derniÚres biographies de référence parues en français : Pierre Milza 1999 (p.822) et Maurizio Serra 2021 (p.349).
- LâarmĂ©e est exhortĂ© Ă rĂ©agir « contre dâĂ©ventuelles attaques de toute provenance ».
- Milza 1999, p. 840.
- Voir la Bataille de Garfagnana.
- Milza 2007, p. 845.
- Georg Zachariae qui Ă©crira ses souvenirs en 1948 Mussolini si confessa.
- Serra 2021, p. 409.
- Milza 1999, p. 863.
- Le thĂ©Ăątre est plein et la foule se masse sur la place pour lâĂ©couter par haut-parleur.Serra 2021, p. 416.
- Milza 1999, p. 867.
- Lâavion part le 22 avril pour Barcelone avec Ă son bord les parents et la sĆur de Claretta Petacci et quelques autres transfuges.
- La lettre a été publiée dans les souvenirs de Rachele Mussolini.
- Voir les deux derniÚres biographies de référence de Mussolini publiées en français : Milza 1999, p. 872-882 et Serra 2021, p. 424-446.
- Son identitĂ© rĂ©elle ne sera rĂ©vĂ©lĂ©e quâen 1947 par un journaliste qui sera abattu en pleine rue par des militants communistes.
- cié par Maurizio Serra dans sa derniÚre biographie, Le mystÚre Mussolini, p.65.
- Pierre Milza, 1999, p.723.
- Rachelle Mussolini, La mia vita con Benito, p.267.
- Maurizio Serra, Le mystĂšre Mussolini, Perrin, 2021, p.50.
- Milza, 1999, p.468.
- Milza, 1999, p.471.
- Milza, 1999, p.188.
- « LE PETIT JOURNAL No:22002 13/04/1923 », LE PETIT JOURNAL, no 22002,â (lire en ligne).
- De la LĂ©gion dâhonneur au dĂ©shonneur, ouest-france.fr, 22 fĂ©vrier 2016.
- Site dna.fr, article "Ces Légions d'honneur controversées", consulté le 16 septembre 2021.
- (en) Mussolini Given Copy of "The Eternal City", New Yok, Moving Picture World. New York, Chalmers Publishing Company, , P. 162
- Thierry Feral, Le Nazisme en dates (novembre 1918 : novembre 1945), Paris, L'Harmattan, (lire en ligne), p. 244.
- Son nom est la contraction de Napoléon et Mussolini ; son prénom est inspiré de Benito et de benzina, « essence » en italien.
- « Dictateurs, mode d'emploi - Benito Mussolini - Regarder le documentaire complet », sur ARTE (consulté le )
- « Le Maire, Mussolini et le musée - Regarder le documentaire complet », sur ARTE (consulté le )