Attaque de Pearl Harbor
Lâattaque de Pearl Harbor est une attaque surprise menĂ©e par les forces aĂ©ronavales japonaises le contre la base navale amĂ©ricaine de Pearl Harbor situĂ©e sur lâĂźle dâOahu, dans le territoire amĂ©ricain dâHawaĂŻ. AutorisĂ©e par l'empereur du Japon Hirohito, elle vise Ă dĂ©truire la flotte du Pacifique de lâUS Navy. Cette attaque provoque l'entrĂ©e des Ătats-Unis dans le conflit mondial.
Date | |
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Lieu | Pearl Harbor, HawaĂŻ |
Issue |
Victoire tactique japonaise DĂ©clenchement de la guerre du Pacifique et entrĂ©e des Ătats-Unis dans la Seconde Guerre mondiale |
Ătats-Unis | Empire du Japon |
Amiral Husband Kimmel Général Walter Short | Amiral Isoroku Yamamoto Amiral Chuichi Nagumo |
8 cuirassés 6 croiseurs 29 destroyers 9 sous-marins ~390 avions | 6 porte-avions 2 cuirassés 3 croiseurs 9 destroyers 441 avions 5 sous-marins de poche |
2 cuirassés et un bateau cible coulés 6 cuirassés endommagés 5 autres navires diversement endommagés 188 avions détruits 128 avions endommagés 2 403 tués ou disparus | 29 avions détruits 55 aviateurs tués 4 sous-marins de poche coulés, un capturé 9 sous-mariniers tués 1 sous-marinier capturé |
Seconde Guerre mondiale - Guerre du Pacifique
Batailles
Batailles et opérations de la guerre du Pacifique
Japon :
- Raid de Doolittle
- Bombardements stratégiques sur le Japon (Tokyo
- Yokosuka
- Kure
- Hiroshima et Nagasaki)
- Raids aériens japonais des ßles Mariannes
- Campagne des archipels Ogasawara et Ryƫkyƫ
- Opération Famine
- Bombardements navals alliés sur le Japon
- Baie de Sagami
- Invasion de Sakhaline
- Invasion des Ăźles Kouriles
- Opération Downfall
- Reddition du Japon
- Nauru
- Invasion des Philippines (1941-42)
- Invasion des Indes orientales néerlandaises
- Opérations de l'Axe dans les eaux australiennes
- Raids aériens japonais sur l'Australie (1942-43)
- Opération Ke
- Campagne des Ăźles Salomon
- Campagne de Nouvelle-Guinée
- Campagne des Philippines
- Campagne de Bornéo (1945)
- Invasion de l'Indochine (1940)
- Océan Indien (1940-45)
- Guerre franco-thaĂŻlandaise
- Invasion de la ThaĂŻlande
- Campagne de Malaisie
- Hong Kong
- Singapour
- Campagne de Birmanie
- Opération Kita
- Indochine (1945)
- DĂ©troit de Malacca
- Opération Jurist
- Opération Tiderace
- Opération Zipper
- Bombardements stratégiques (1944-45)
Campagnes d'Afrique, du Moyen-Orient et de Méditerranée
CoordonnĂ©es | 21° 21âČ 54âł nord, 157° 57âČ 00âł ouest |
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LâanĂ©antissement de la principale flotte amĂ©ricaine doit permettre Ă lâempire du Japon de continuer Ă Ă©tablir sa « sphĂšre de coprospĂ©ritĂ© de la Grande Asie orientale » en privant les AmĂ©ricains des moyens de s'y opposer militairement ; c'est aussi une rĂ©ponse aux sanctions Ă©conomiques prises par Washington en , contre sa politique impĂ©rialiste, aprĂšs l'invasion de la Chine et de l'Indochine française dans le cadre de lâexpansionnisme du Japon ShĆwa.
L'attaque, dirigĂ©e par le gĂ©nĂ©ral Hideki TĆjĆ, est lancĂ©e le dimanche Ă 7 h 48 par le Service aĂ©rien de la Marine impĂ©riale japonaise contre la flotte amĂ©ricaine du Pacifique et les forces stationnĂ©es sur place. Elle est conduite en deux vagues aĂ©riennes parties de six porte-avions impliquant plus de 400 avions. En moins de vingt-quatre heures, l'empire du Japon attaque Ă©galement les Ătats-Unis aux Philippines et engage les hostilitĂ©s avec le Royaume-Uni, en envahissant Hong Kong et en dĂ©barquant en Malaisie.
Les pertes américaines sont importantes : 2 403 morts et 1 178 blessés. Mais seulement deux cuirassés sont détruits (le troisiÚme n'étant qu'un bateau cible) ainsi que 188 avions. Les seize autres navires endommagés sont remis en état dans les mois qui suivent (dont onze avant la fin de 1942). Parmi les navires endommagés figurent six cuirassés, trois croiseurs, quatre destroyers. Les trois porte-avions du Pacifique, alors absents de Pearl Harbor, demeurent intacts. Les Japonais perdent 64 hommes, 29 avions et cinq sous-marins de poche ; un marin est capturé.
Aux Ătats-Unis, cette attaque reste un des Ă©vĂ©nements les plus marquants de l'histoire du pays et est synonyme de dĂ©sastre national â chaque annĂ©e le drapeau est mis en berne le . Les historiens ont mis en Ă©vidence lâaudace du plan de lâamiral Isoroku Yamamoto, le manque de prĂ©paration et les nĂ©gligences amĂ©ricaines. Le rĂŽle du prĂ©sident Roosevelt reste un sujet de polĂ©mique.
Contexte
Pendant lâĂšre Meiji (1868-1912), lâempire du Japon sâengagea dans une pĂ©riode de croissance Ă©conomique, politique et militaire afin de rattraper les puissances occidentales. Cet objectif sâappuyait Ă©galement sur une stratĂ©gie dâexpansion territoriale en Asie orientale qui devait garantir au Japon son approvisionnement en matiĂšres premiĂšres indispensables Ă son dĂ©veloppement.
Lâexpansionnisme nippon se manifesta dĂšs la fin du XIXe siĂšcle et au dĂ©but du XXe siĂšcle avec lâannexion de lâĂźle de Formose (1895), du Sud de lâĂźle de Sakhaline (1905) et de la CorĂ©e (1910). Pendant la PremiĂšre Guerre mondiale, le Japon sâempara des possessions allemandes dâExtrĂȘme-Orient et du Pacifique et gagna des parts de marchĂ© au dĂ©triment des EuropĂ©ens et des AmĂ©ricains prĂ©sents dans la rĂ©gion. AprĂšs 1920, la croissance Ă©conomique nipponne ralentit et le chĂŽmage augmenta ; lâindustrie souffrit du manque de matiĂšres premiĂšres et de dĂ©bouchĂ©s[1].
Dans lâentre-deux-guerres, lâarchipel se dota dâune marine de guerre moderne. La Grande DĂ©pression des annĂ©es 1930 nâĂ©pargna pas lâĂ©conomie du Japon. Aux effets de la crise Ă©conomique sâajouta une montĂ©e des nationalistes et des militaires au cours de l'Ăšre ShĆwa. L'ArmĂ©e impĂ©riale japonaise envahit la Mandchourie en 1931 et ce territoire devint l'Ătat fantoche du Mandchoukouo. Le Japon prit ensuite progressivement le contrĂŽle d'autres rĂ©gions de la Chine. En 1937, le Japon envahit le reste de la Chine Ă partir de Shanghai sans toutefois dĂ©clarer officiellement la guerre.
La dégradation des relations entre Tokyo et Washington
Les conquĂȘtes nipponnes en Asie orientale menaçaient les intĂ©rĂȘts amĂ©ricains et Washington intervint contre le Japon, sans aller jusquâĂ la confrontation armĂ©e. Ainsi, le traitĂ© de Washington de 1922 limita le tonnage de la flotte de guerre japonaise au troisiĂšme rang mondial. En rĂ©ponse aux pressions diplomatiques internationales Ă la suite de l'invasion de la Mandchourie, Tokyo dĂ©cida de quitter la SociĂ©tĂ© des Nations en 1933. Entre 1935 et 1937, les Ătats-Unis choisirent la non-intervention en promulguant une sĂ©rie de lois sur la neutralitĂ©.
Le Japon signa le pacte anti-Komintern en 1936. En 1937, le prĂ©sident des Ătats-Unis Franklin Roosevelt prononça Ă Chicago le Discours de la quarantaine dans lequel il condamnait les dictatures, y compris celle du Japon. L'annĂ©e suivante, son discours sur l'Ă©tat de l'Union propose d'augmenter les dĂ©penses militaires. En , au moment du massacre de Nankin, les avions japonais coulĂšrent la canonniĂšre amĂ©ricaine Panay sur le Yang-tse-Kiang[2]. Washington obtint des excuses mais la tension monta rapidement entre les deux pays. En 1939, le gouvernement amĂ©ricain mit fin au traitĂ© de commerce signĂ© en 1911, prĂ©lude Ă lâembargo commercial.
En 1940, l'Empire rejoignit les forces de lâAxe en signant le Pacte tripartite. La mĂȘme annĂ©e, le quartier-gĂ©nĂ©ral impĂ©rial, profitant de la dĂ©faite de la France et de lâaffaiblissement du Royaume-Uni, autorisa l'implantation de bases militaires en Indochine française. ImmĂ©diatement aprĂšs un accord conclu le avec le gouverneur-gĂ©nĂ©ral de l'Indochine française, le Japon dĂ©clencha une offensive sur Lang Son et bombarda Haiphong.
1941 fut l'annĂ©e de lâescalade entre les deux pays : en , Washington accorda son soutien Ă la Chine par lâoctroi dâun prĂȘt-bail. Ă la suite du refus du Japon de se retirer de l'Indochine et de la Chine, Ă l'exclusion du Mandchoukouo, les Ătats-Unis, le Royaume-Uni et les Pays-Bas dĂ©crĂ©tĂšrent Ă partir du lâembargo complet sur le pĂ©trole et lâacier ainsi que le gel des avoirs japonais sur le sol amĂ©ricain. Cinq mois plus tard, les approvisionnements de pĂ©trole du Japon Ă©taient rĂ©duits de 90 %[3]. Le gouvernement japonais, angoissĂ© Ă lâidĂ©e que, tĂŽt ou tard, le pays se retrouverait totalement privĂ© de ces ressources prĂ©cieuses, rĂ©alisa quâil devait vite trouver une solution pour se sortir de lâimpasse.
La confĂ©rence impĂ©riale tenue le dĂ©cida qu'une guerre serait entreprise contre les Ătats-Unis et le Royaume-Uni, Ă moins qu'un accord ne soit trouvĂ© Ă bref dĂ©lai avec Washington. Ce compromis reflĂšte les deux courants qui sâopposaient au sein du gouvernement japonais. Fumimaro Konoe, alors Premier ministre du Japon, prit position du cĂŽtĂ© des nĂ©gociations avec les Ătats-Unis et, du moins il lâespĂ©rait, de la paix. Soutenu entre autres par lâempereur, il chercha Ă rencontrer le prĂ©sident Roosevelt dĂ©but , dans lâoptique de prouver la bonne foi japonaise, mĂȘme si la guerre venait Ă Ă©clater[4]. De lâautre cĂŽtĂ©, les chefs militaires, comme Osami Nagano, sâopposaient farouchement Ă tout ce qui pouvait retarder lâentrĂ©e en guerre immĂ©diate du Japon[5]. DâaprĂšs leurs estimations, plus la guerre commencerait tĂŽt et finirait rapidement, plus les chances de victoire du Japon augmentaient[6]. Ainsi, câest lâopposition de ces deux points de vue qui fit que, au terme de la confĂ©rence impĂ©riale du , le plan choisi fut le suivant : les dĂ©fenseurs de la diplomatie avaient quelques semaines pour tenter des nĂ©gociations pendant que lâon poursuivait les prĂ©paratifs pour la guerre, aprĂšs quoi celle-ci serait dĂ©clarĂ©e, ce qui dĂ©jĂ Ă ce stade semblait ĂȘtre lâissue la plus probable. Ainsi, la guerre Ă©tait probable, mais pas nĂ©cessairement inĂ©vitable, et Ă ce stade le renoncement des Japonais Ă leur politique expansionniste aurait pu lâĂ©viter[7].
L'attaque de Pearl Harbor n'est pas un plan prĂ©parĂ© conjointement par l'Allemagne et par le Japon mais une initiative japonaise, les Allemands y ayant vu leur intĂ©rĂȘt[8]. Le , le Premier ministre du Japon Fumimaro Konoe dĂ©missionna de son poste aprĂšs avoir pris conscience quâ« [u]n accord avec les Ătats-Unis sur le problĂšme des troupes en Chine Ă©tait lâunique chose qui pĂ»t maintenant arrĂȘter [les prĂ©paratifs militaires]. La logique Ă©tait Ă©vidente. Seul un nouveau gouvernement, qui ne serait pas liĂ© par la dĂ©cision du , pouvait enrayer lâĂ©lan vers la guerre[9]. » Il comprit aussi que ses idĂ©es ne plaisaient pas, et prĂ©fĂ©rait cĂ©der sa place Ă un militaire[10]. Il manifesta son accord avec le gĂ©nĂ©ral TĆjĆ, qui proposa alors le prince Naruhiko Higashikuni, un oncle de l'empereur, pour le remplacer. Hirohito refusa cette candidature, proposĂ©e Ă©galement par les militaires, et choisit plutĂŽt le gĂ©nĂ©ral TĆjĆ, un ferme partisan de la guerre mais Ă©galement un homme renommĂ© pour sa fidĂ©litĂ© envers l'institution impĂ©riale[11] - [12]. Ainsi, malgrĂ© sa conviction personnelle, la nomination de TĆjĆ pouvait au contraire sâavĂ©rer ĂȘtre une derniĂšre chance pour la paix : « Homme bornĂ©, il Ă©tait liĂ© Ă lâempereur par un sens de l'obĂ©issance et du devoir Ă toute Ă©preuve. « Nous ne sommes encore que des humains ; lâempereur, lui, est divin, observa-t-il. Je mâinclinerai toujours devant la divinitĂ© et la grandeur de Son Excellence. »[13] » AprĂšs une discussion avec lâempereur, que lâidĂ©e de partir en guerre inquiĂ©tait, TĆjĆ accepta de promouvoir autant que possible les nĂ©gociations, dans un dernier effort pour Ă©viter la guerre et pour satisfaire son souverain.
Toutefois, l'arrivĂ©e d'un nouveau Premier ministre ne changea rien au dilemme qui secouait le gouvernement. Lors de la confĂ©rence de liaison qui dura du au , les options Ă©taient claires. Le Japon pouvait renoncer Ă la guerre, acceptant ainsi de devenir une puissance de troisiĂšme ordre[14], ou renoncer Ă la paix, et se lancer dans une guerre dont lâissue Ă©tait plus quâincertaine, sachant quâaprĂšs deux ans la victoire devenait impossible, par manque de pĂ©trole et dâacier. Ainsi, comme lâexplique lâhistorien Ian Kershaw, « [l]âalternative Ă©tait entre la paix dans lâaustĂ©ritĂ© au sein dâun monde dominĂ© par lâAmĂ©rique ou la guerre assortie dâune dĂ©faite probable mais en dĂ©fendant lâhonneur national »[15]. MalgrĂ© le compromis auquel parvint le gouvernement, câest-Ă -dire prĂ©parer la guerre tout en continuant les nĂ©gociations, la guerre Ă©tait quasiment assurĂ©e[16]. Ă ce moment, TĆgĆ, le ministre des Affaires Ă©trangĂšres, proposa deux plans de nĂ©gociations, le plan A et le plan B. Le premier, Ă lâimage du comportement du Japon depuis le dĂ©but de lâaffaire, Ă©tait dĂ©nuĂ© de toute vraie concession. TĆgĆ lui-mĂȘme Ă©tait conscient que le plan A avait peu de chance de convaincre les AmĂ©ricains et nâen attendait donc pas grand-chose. Le plan B, plus engageant, pourrait quant Ă lui offrir un terrain pour les nĂ©gociations, quoiquâune bonne partie du gouvernement japonais Ă©tait rĂ©ticente aux compromis quâil proposait. En effet, il comportait quelques concessions, entre autres concernant la Chine, qui Ă©tait au cĆur des tensions entre Japon et Ătats-Unis, cependant il garantissait la paix, bien quâelle ne soit peut-ĂȘtre pas durable. Ainsi, le gouvernement de TĆjĆ fut contraint dâaccepter le plan B[17].
De son cĂŽtĂ©, Hull, le secrĂ©taire dâĂtat amĂ©ricain, aprĂšs avoir interceptĂ© des informations sur la volontĂ© des Japonais dâattaquer les Ătats-Unis, ne souhaita plus trouver un terrain dâentente avec ces derniers. Il repoussa le plan B, qui ne faisait pas assez de concessions selon lui. Roosevelt, quant Ă lui, cherchait toujours Ă gagner du temps et ne fermait pas la porte Ă la nĂ©gociation. Mais malgrĂ© une certaine bonne volontĂ© du prĂ©sident, le gouvernement amĂ©ricain, convaincu de la mauvaise foi des Japonais, renonça finalement aux propositions dâaccord, qui pourtant auraient pu fonctionner[18].
ParallĂšlement Ă lâĂ©chec des nĂ©gociations avec les Ătats-Unis, les Japonais commencĂšrent Ă prĂ©parer l'attaque. Le , l'amiral Osami Nagano expliqua en dĂ©tail Ă Hirohito la version finale du plan d'attaque contre Pearl Harbor. Le , l'empereur approuva en confĂ©rence impĂ©riale le plan d'opĂ©ration pour une guerre contre les Ătats-Unis, le Royaume-Uni et les Pays-Bas prĂ©vu pour le dĂ©but [19] - [20]. Le jour mĂȘme, le quartier-gĂ©nĂ©ral impĂ©rial mit en application la dĂ©cision adoptĂ©e Ă la confĂ©rence et ordonna au commandant en chef de la flotte combinĂ©e, lâamiral Isoroku Yamamoto, de mettre en branle la mission sur Pearl Harbor[21]. Les nĂ©gociations avec les Ătats-Unis demeurant dans l'impasse, Hirohito approuva finalement le en confĂ©rence impĂ©riale la guerre de la Grande Asie orientale[22], aprĂšs que Nagano et le ministre de la Marine Shigetaro Shimada, l'eurent rassurĂ© la veille sur les chances de succĂšs de l'entreprise en rĂ©futant l'argument du prince Nobuhito Takamatsu qui jugeait que la Marine impĂ©riale ne pourrait tenir plus de deux ans contre les Ătats-Unis[23].
Les forces en présence
à partir du XIXe siÚcle, la puissance militaire japonaise se renforça et se modernisa grandement. Pour pallier la hausse du chÎmage provoquée par la Grande Dépression, le gouvernement multiplia les commandes d'armement. Les dépenses militaires augmentÚrent fortement. Au total, le Japon possédait en 1941 une quinzaine de cuirassés, une dizaine de porte-avions, 50 croiseurs, 110 destroyers, 80 sous-marins et quelque 1 350 avions[24]. Surtout, le pays comptait 73 millions d'habitants[25] - [26] animés d'une fierté patriotique[27] et d'un esprit de sacrifice. Les militaires japonais étaient confiants dans la supériorité de leur armée ; en outre, Tokyo était assuré du soutien allemand en cas de contre-attaque des Américains.
En 1941, les Ătats-Unis n'Ă©taient pas prĂȘts Ă entrer en guerre[28]. Certes, le pays Ă©tait une puissance dĂ©mographique (132 millions dâhabitants)[29] et industrielle de premier ordre. En 1941, l'aviation amĂ©ricaine pouvait avancer plusieurs milliers d'avions, mais beaucoup Ă©taient obsolĂštes[30]. En 1940, face aux trois millions de soldats japonais, l'United States Army Ă©tait en position d'infĂ©rioritĂ© numĂ©rique (250 000 hommes)[31].
Surtout, lâopinion amĂ©ricaine n'Ă©tait pas prĂȘte Ă entrer en guerre[25]. Le souvenir de la PremiĂšre Guerre mondiale et des soldats amĂ©ricains morts en Europe Ă©tait encore trĂšs prĂ©sent. Les emprunts contractĂ©s par les belligĂ©rants auprĂšs des Ătats-Unis n'avaient pas Ă©tĂ© remboursĂ©s[32] et beaucoup d'AmĂ©ricains Ă©taient isolationnistes. Le prĂ©sident Franklin Roosevelt (1933-1945) ne voulait pas s'aliĂ©ner les AmĂ©ricains d'origine allemande, italienne et japonaise. Le comitĂ© America First, une association pacifiste influente, faisait Ă©galement pression pour maintenir les Ătats-Unis hors de la guerre.
En , Roosevelt promit à Winston Churchill que son pays interviendrait d'abord contre l'Allemagne nazie et non contre le Japon[25]. Pour soulager le Royaume-Uni dans la bataille de l'Atlantique, d' à , trois cuirassés, un porte-avions, quatre croiseurs et deux flottilles de destroyers sont transférés du Pacifique à l'Atlantique (soit 20 % de la flotte du Pacifique) ce qui laisse la supériorité numérique dans la zone à la marine japonaise.
La base de Pearl Harbor
Pearl Harbor constituait la plus grande base navale amĂ©ricaine dans l'ocĂ©an Pacifique[33]. Elle se trouvait sur la cĂŽte sud de lâĂźle dâOahu, dans lâarchipel dâHawaĂŻ, 15 km Ă lâouest dâHonolulu. Elle Ă©tait relativement isolĂ©e dans l'ocĂ©an Pacifique, Ă 3 500 km de Los Angeles et Ă 6 500 km de Tokyo. L'Ăźle d'Oahu Ă©tait la plus peuplĂ©e de l'archipel hawaĂŻen et se trouvait sur la route des bases amĂ©ricaines de Guam, Wake et Midway. Au dĂ©but de la Seconde Guerre mondiale, 140 000 Ă 180 000 Japonais rĂ©sidaient Ă HawaĂŻ[34].
La base de Pearl Harbor s'Ă©tendait autour d'une rade peu profonde. L'entrĂ©e de cette rade se faisait par un chenal trĂšs Ă©troit (400 mĂštres de large[28]). La plupart des navires de guerre mouillaient Ă l'intĂ©rieur de la rade, Ă l'est et au nord de l'Ăźle de Ford. Trois se trouvaient Ă lâouest (lâUSS Utah, l'USS Raleigh et l'USS Curtiss). Les bĂątiments de guerre Ă©taient amarrĂ©s deux par deux, par souci d'Ă©conomie et par manque de place.
La flotte de guerre amĂ©ricaine du Pacifique, composĂ©e alors de la Battle Force, la Scouting Force, la Base Force et de la Amphibious Force[35] avaient, le dimanche 7 dĂ©cembre, 86 unitĂ©s dans la base[36] : 28 destroyers, 9 croiseurs, 8 cuirassĂ©s, 4 sous-marins, un cuirassĂ©-cible (lâUSS Utah) et une trentaine de bĂątiments auxiliaires[37]. On comptait enfin 25 000 hommes sur la base[38] et environ 300 avions et hydravions de l'USAAF et de l'aĂ©ronavale dans lâĂźle. Le gĂ©nĂ©ral Walter Short Ă©tait le commandant des forces terrestres tandis que la flotte du Pacifique Ă©tait sous les ordres de l'amiral Husband Kimmel. La dĂ©fense des installations et des ateliers de rĂ©paration Ă©tait assurĂ©e par la DCA et les dĂ©fenses littorales ainsi que 35 B-17[38].
La stratégie et les plans japonais
L'objectif de l'attaque Ă©tait d'anĂ©antir la flotte amĂ©ricaine stationnĂ©e Ă Pearl Harbor afin de conquĂ©rir sans difficultĂ© l'Asie du Sud-Est et les Ăźles de l'ocĂ©an Pacifique. Le but Ă©tait de contraindre les forces amĂ©ricaines Ă quitter HawaĂŻ pour se replier sur les bases de Californie. Il fallait par ailleurs rĂ©duire en cendres les docks, les ateliers de rĂ©paration et le champ de rĂ©servoirs contenant les approvisionnements en mazout pour la flotte du Pacifique, sans oublier les aĂ©rodromes de Wheeler Field et d'Hickham Field. Le Japon voulait aussi effacer lâhumiliation des sanctions Ă©conomiques prises par Washington. Les prĂ©paratifs de l'attaque furent confiĂ©s au commandant en chef de la flotte Isoroku Yamamoto.
Les préparatifs de l'opération
ApprouvĂ© officiellement le par Hirohito[19] - [20], le plan dâattaque de Pearl Harbor avait quant Ă lui Ă©tĂ© Ă©laborĂ© dĂšs le dĂ©but de lâannĂ©e 1941[39] - [40].
Ce plan devait surmonter deux difficultĂ©s. PremiĂšrement, lâisolement relatif dâHawaĂŻ rendait impossible le recours aux navires de guerre classiques. DeuxiĂšmement, les eaux peu profondes de la rade de Pearl Harbor empĂȘchaient lâutilisation de torpilles conventionnelles qui auraient explosĂ© sur le fond marin avant dâatteindre leur cible.
La stratĂ©gie japonaise reprenait les Ă©lĂ©ments dĂ©cisifs de deux batailles sur mer : le premier Ă©tait l'effet de surprise de l'attaque japonaise menĂ©e par l'amiral HeihachirĆ TĆgĆ contre la flotte russe Ă Port-Arthur en fĂ©vrier 1904 ; le second Ă©tait le lancement de plusieurs bombardiers-torpilleurs Fairey Swordfish depuis un porte-avions de l'escadre menĂ©e par lâamiral britannique Andrew Cunningham contre la flotte italienne Ă la bataille de Tarente en novembre 1940[41]. La bataille devait ainsi ĂȘtre dĂ©cisive, selon le principe du kantai kessen en vigueur dans la marine japonaise depuis le dĂ©but du siĂšcle.
En 1941, lâamiral Isoroku Yamamoto envoya des experts japonais en Italie pour recueillir des informations qui permettraient de transposer cette stratĂ©gie dans le Pacifique. La dĂ©lĂ©gation revint avec des renseignements sur les torpilles que les ingĂ©nieurs de Cunningham avaient imaginĂ©es. Les plans japonais ont sans doute Ă©tĂ© aussi influencĂ©s par ceux de lâamiral amĂ©ricain Harry Yarnell qui anticipait une invasion dâHawaĂŻ. Au cours dâun exercice militaire du , ce dernier avait mis en Ă©vidence la vulnĂ©rabilitĂ© dâOahu en cas dâattaque aĂ©rienne par le nord-ouest. La simulation avait montrĂ© que des avions ennemis pourraient infliger de sĂ©rieux dommages et que la flotte ennemie, restĂ©e Ă l'Ă©cart des cĂŽtes, serait indĂ©tectable pendant 24 heures. Ă l'acadĂ©mie navale de Tokyo, les jeunes officiers savaient quâ« au cas oĂč le gros de la flotte de lâennemi serait stationnĂ© Ă Pearl Harbor, lâidĂ©e devrait ĂȘtre dâouvrir les hostilitĂ©s par une attaque aĂ©rienne surprise[42]. »
Yamamoto eut du mal Ă faire accepter son plan d'attaque : par exemple, lâamiral Nagano jugeait lâentreprise particuliĂšrement risquĂ©e[43]. Yamamoto sâappuya sur Kameto Kuroshima pour obtenir lâapprobation du chef dâĂ©tat-major de la Marine Sadatoshi Tomioka, un adversaire de Yamamoto et subordonnĂ© de Nagano[44]. Lâempereur ne souhaitait pas une attaque surprise sans dĂ©claration de guerre[21]. Les rĂ©ticences de Nagano venaient du fait que l'opĂ©ration devait engager une grande partie de la marine de guerre, qui devrait parcourir une grande distance sans ĂȘtre repĂ©rĂ©e. Yamamoto menaça de dĂ©missionner pour que son plan soit finalement adoptĂ©, en [45]. Cela laissa donc peu de temps Ă Minoru Genda pour prĂ©parer lâexpĂ©dition, essayer les nouvelles torpilles et entraĂźner les hommes pour la mission.
Pour que l'attaque ait des chances de rĂ©ussir, il fallait quâelle soit prĂ©cisĂ©ment dĂ©finie et menĂ©e dans le plus grand secret. Les ingĂ©nieurs militaires japonais crĂ©Ăšrent des torpilles spĂ©ciales (Type 91 (en)) munies dâailerons pour les stabiliser. Ils produisirent Ă©galement des bombes capables de percer la coque des navires.
Lâobservation de la situation sur la base de Pearl Harbor, la configuration des installations et les activitĂ©s des navires et avions furent confiĂ©es Ă un officier de la marine japonaise envoyĂ© comme espion Ă Hawaii sous la couverture du consulat du Japon, Takeo Yoshikawa. Sa prĂ©sence et ses activitĂ©s ne furent pas dĂ©tectĂ©es par les services de renseignement amĂ©ricain, sauf un message quâil reçut de Tokyo via le consul du Japon le , dit âmessage 83â, qui lui demandait dâĂ©tablir un plan du port et des bases avec les positions exactes des navires et avions, et de fournir un certain nombre dâinformations sur leur exploitation. Ce message fut dĂ©codĂ© et traduit en octobre par les services de renseignement amĂ©ricains, mais ne fut pas communiquĂ© au commandement dâHawaii. Si ce message avait Ă©tĂ© transmis Ă lâamiral Husband E. Kimmel et au gĂ©nĂ©ral Walter Short, ceux-ci auraient pu ĂȘtre conduits Ă faire renforcer leurs dispositifs dĂ©fensifs.
Le , l'amiral Nagano expliqua en dĂ©tail le plan d'attaque Ă Hirohito[46]. Le , l'empereur approuva en confĂ©rence impĂ©riale le plan dâattaque[22]. Les renseignements fournis par des Japonais dâHawaĂŻ furent dĂ©terminants dans la rĂ©ussite de lâopĂ©ration : il fallait attaquer un dimanche car la flotte amĂ©ricaine nâĂ©tait pas en manĆuvre le week-end et de nombreux Ă©quipages nâĂ©taient pas complets. Il nây avait aucune patrouille ce jour-lĂ . Les espions japonais fournirent Ă©galement des informations sur la situation de la flotte amĂ©ricaine.
Le départ de la flotte japonaise
Le , la « flotte combinĂ©e » se concentra dans la baie dâHito-Kappu, au sud des Ăźles Kouriles. Elle se composait d'une force de choc avec sa force aĂ©ronavale, le KidĂŽ Butai, qui comportait notamment six porte-avions (Akagi, HiryĆ«, Kaga, ShĆkaku, SĆryĆ«, Zuikaku[47]) et plus de 400 avions : des avions de chasse Mitsubishi A6M (les ZĂ©ros), des bombardiers-torpilleurs Nakajima B5N (Les Kate) et des bombardiers en piquĂ© Aichi D3A (les Val). Une flotte de reconnaissance comprenait 22 sous-marins[28], cinq sous-marins de poche Ko-hyoteki, emportant chacun deux hommes et deux torpilles de 450 mm et trois croiseurs lĂ©gers[48]. Huit bateaux de ravitaillement en carburant accompagnaient lâexpĂ©dition[49].
Le , alors que les deux gouvernements étaient encore en pourparlers, l'armada de la Marine impériale japonaise quitta secrÚtement le Japon. Elle se dirigea vers l'archipel d'Hawaï par le nord en empruntant une route peu fréquentée.
Le , Hirohito approuva en confĂ©rence impĂ©riale la guerre de la Grande Asie orientale et autorisa le bombardement de Pearl Harbor[50]. Lorsque la flotte reçut l'ordre officiel d'attaquer le , les pourparlers se poursuivaient encore (voir ci-dessous). Le , la flotte qui se trouvait Ă 200 milles marins (370 km) au nord de Pearl Harbor, reçut le signal dâattaque : « Escaladez le mont Niitaka »[51].
- Porte-avions Akagi
- Porte-avions Kaga
- Porte-avions SĆryĆ«
- Porte-avions Hiryƫ
- Porte-avions ShĆkaku
- Porte-avion Zuikaku
- Bombardier torpilleur et horizontal Nakajima B5N2.
- Chasseur Mitsubishi A6M.
- Bombardier en piqué Aichi D3A.
- Sous-marin de poche.
Rupture des négociations et déclaration de guerre
Les nĂ©gociations entre le Japon et les Ătats-Unis, reprises en , se trouvaient bloquĂ©es Ă la veille de l'attaque : les Japonais exigeaient l'arrĂȘt du soutien amĂ©ricain aux Chinois. Le secrĂ©taire d'Ătat Cordell Hull rĂ©clamait quant Ă lui le retrait des troupes nipponnes de Chine. Le , Roosevelt transmit un tĂ©lĂ©gramme Ă lâempereur Hirohito afin de reprendre les nĂ©gociations qui avaient lieu Ă Washington[52].
Le mĂȘme jour, le ministĂšre des Affaires Ă©trangĂšres japonais envoya Ă ses nĂ©gociateurs et Ă l'ambassadeur Kichisaburo Nomura en place Ă Washington un document codĂ© en 14 points, texte diplomatique signifiant la rupture des relations diplomatiques ; ils avaient pour consigne de le remettre au secrĂ©taire dâĂtat amĂ©ricain le lendemain Ă 13 h, soit 7 h 30, heure dâHawaĂŻ[53]. Mais le message ne fut pas remis Ă lâheure prĂ©vue en raison de retards dans le dĂ©cryptage de ce texte long et complexe. Les services amĂ©ricains de renseignement rĂ©ussirent Ă dĂ©coder le message bien avant lâambassade japonaise : seul le dernier point du mĂ©morandum, câest-Ă -dire la dĂ©claration de guerre, nâavait pu ĂȘtre dĂ©chiffrĂ© par les AmĂ©ricains[52]. Le dimanche Ă 11 h 58, heure de Washington (6 h 28 Ă HawaĂŻ), le gĂ©nĂ©ral George Marshall lut le message ; inquiĂ©tĂ© par sa teneur, Marshall fut persuadĂ© qu'une attaque se prĂ©parait. Il expĂ©dia un tĂ©lĂ©gramme pour donner l'alerte aux bases amĂ©ricaines situĂ©es aux Philippines, Ă Panama, Ă San Diego et Ă Pearl Harbor. En raison de dĂ©faillances techniques, l'alerte arriva trop tard Ă HawaĂŻ, plusieurs heures aprĂšs les bombardements. Le message parvint Ă lâambassadeur amĂ©ricain au Japon environ dix heures aprĂšs la fin de lâattaque.
- Deux des six porte-avions, le Kaga et le Zuikaku, en route pour les Ăźles HawaĂŻ.
- Une partie des pilotes du porte-avion Kaga prennent la pose la veille de lâattaque.
- Les pilotes du Kaga en briefing sur un dessin de la rade, la veille de lâattaque.
- Ă lâaube du , sur le Shokaku, la premiĂšre vague dâassaut sâapprĂȘte Ă dĂ©coller.
L'attaque
Isoroku Yamamoto et dâautres gĂ©nĂ©raux avaient prĂ©vu une attaque en trois vagues, mais le vice-amiral Chuichi Nagumo dĂ©cida de nâen retenir que deux. Le nombre total dâavions impliquĂ©s dans lâattaque Ă©tait de 350. 91 avions furent engagĂ©s dans la protection des porte-avions et des navires.
Ce fut dans la nuit du au que les opĂ©rations dĂ©butĂšrent massivement, l'aube permettant de rĂ©duire les prĂ©cautions Ă prendre pour Ă©viter d'ĂȘtre repĂ©rĂ© et accĂ©lĂ©rer ainsi la vitesse de progression.
L'attaque sur la Malaisie, le , a lieu en fait au mĂȘme moment, car de l'autre cĂŽtĂ© de la ligne de changement de date.
Les missions de reconnaissance
Vers minuit, les sous-marins de haute mer lancĂšrent cinq sous-marins de poche qui se dirigĂšrent vers l'Ăźle d'Oahu.
Ă 3 h 58, le dragueur de mines USS Condor (en) signala la prĂ©sence dâun sous-marin dans la rade de Pearl Harbor au destroyer USS Ward. Ce dernier se mit alors Ă sa recherche sans succĂšs : l'intrus avait rapidement disparu. L'amirautĂ© de Pearl Harbor ne donna pas l'alerte[54]. Ă 6 h 37, le Ward repĂ©ra un autre sous-marin qui Ă©tait chargĂ© de renseigner la flotte japonaise et le dĂ©truisit.
La premiĂšre vague
C'est entre 6 h et 7 h 15 que la premiÚre vague de 183 avions[47], conduite par le capitaine de frégate Mitsuo Fuchida, s'envola vers Pearl Harbor. Elle comprenait :
- 40 bombardiers torpilleurs Nakajima B5N2 Kate ;
- 49 bombardiers B5N2 Kate en configuration bombardier horizontal[note 1] ;
- 51 bombardiers en piqué Aichi D3A1 Val ;
- 43 avions de combat Mitsubishi A6M2 ZĂ©ro.
Leur prĂ©sence ne fut dĂ©tectĂ©e que vers 7 h par deux soldats amĂ©ricains (George Elliot Jr. et Joseph Lockard) Ă la station dâOpana Point (un radar SCR-270 situĂ© prĂšs de la pointe nord d'Oahu). Ces derniers ne sont pas pris au sĂ©rieux par un nouvel officier, le lieutenant Kermit A. Tyler, convaincu quâil sâagissait de six bombardiers B-17 qui arrivaient de Californie[55] et qui Ă©taient attendus pour se ravitailler avant de rejoindre leur destination finale de Clark Field dans les Ăźles Philippines[56].
Vers 7 h 30, le premier avion japonais fit une reconnaissance dans les alentours et donna le signal : « Pearl Harbor dort. »
Les premiers avions survolÚrent la base américaine à 7 h 40[note 2]. Les avions torpilleurs volaient à basse altitude et provenaient de différentes directions. Les bombardiers volaient quant à eux à haute altitude.
Ă 7 h 53[note 3], les premiĂšres bombes nippones furent larguĂ©es et les avions se mirent en formation dâattaque[57]. Le contre-amiral Patrick Bellinger donna l'alerte.
Cinq sous-marins Ko-hyoteki torpillĂšrent les bateaux amĂ©ricains aprĂšs le dĂ©but des bombardements. Sur les dix hommes qui se trouvaient Ă bord des sous-marins, neuf trouvĂšrent la mort ; le seul survivant, Kazuo Sakamaki, fut capturĂ©[58] et devint le premier prisonnier de guerre japonais fait par les AmĂ©ricains au cours de la Seconde Guerre mondiale. Une Ă©tude de lâInstitut naval amĂ©ricain conduite en 1999 indique quâune torpille toucha l'USS West Virginia qui devint la premiĂšre cible de lâattaque japonaise.
Cette premiĂšre attaque Ă©tait menĂ©e par six unitĂ©s dont une avait pour objectif le poste militaire de Wheeler Field (voir le plan). Les Japonais exploitĂšrent les premiers moments de surprise pour bombarder les navires les plus importants, surtout Ă l'est de la rade. Chacune des attaques aĂ©riennes commençait par les bombardiers et finissait par les unitĂ©s de combat afin de contrer les poursuites Ă©ventuelles. La premiĂšre attaque engagea le flanc droit de lâennemi.
La deuxiĂšme vague
171 appareils devaient prendre part Ă la seconde attaque mais deux D3A1 restĂšrent sur le pont pour ennuis mĂ©caniques et trois autres appareils (un D3A1 et deux ZĂ©ro) durent retourner apponter pour les mĂȘmes raisons. Aucun avion torpilleur ne fut utilisĂ© car jugĂ© trop vulnĂ©rable face Ă la DCA dĂ©sormais en alerte[59]. Ă 8 h 30, la seconde force de frappe de 167 appareils visa le flanc gauche. Elle comprenait :
- 54 bombardiers horizontaux B5N2 Kate ;
- 78 bombardiers en piqué D3A1 Val ;
- 35 chasseurs A6M2 ZĂ©ro.
Elle fut menĂ©e par le lieutenant-commandant Shigekazu Shimazaki. Elle Ă©tait divisĂ©e en quatre unitĂ©s dont lâune fut lancĂ©e sur la base de KÄnehohe, Ă l'est de Pearl Harbor. Les diffĂ©rentes formations arrivĂšrent presque en mĂȘme temps sur le site depuis plusieurs directions.
Au cours de la deuxiĂšme vague, un sous-marin de poche venu en surface fut pris pour cible par le Curtiss et coulĂ© par le destroyer USS Monaghan. La seconde vague sâacheva Ă 9 h 45[60] - [61]. AprĂšs l'attaque, des avions survolĂšrent le site afin dâĂ©tudier les dommages et de faire un rapport. Le B5N2 de Fuchida fut probablement le dernier Ă quitter les lieux. Il prit de nombreuses photos et surveilla le retour des appareils aux porte-avions japonais[62].
Défense américaine
Les hommes qui se trouvaient Ă bord des navires amĂ©ricains furent rĂ©veillĂ©s par les explosions. Le fameux message « Air raid Pearl Harbor. This is not a drill » (« Attaque aĂ©rienne sur Pearl Harbor. Ceci nâest pas un exercice ») fut prononcĂ© par le commandant Logan Ramsey Ă 7 h 58, cinq minutes aprĂšs les premiĂšres bombes[63]. L'amiral Husband Kimmel alerta Washington quelque temps aprĂšs.
En dĂ©pit du manque de prĂ©paration et des scĂšnes de panique, plusieurs militaires se sont illustrĂ©s durant la bataille[63]. Lâamiral Isaac C. Kidd et le captain Franklin Van Valkenburgh se ruĂšrent sur le pont de l'USS Arizona afin dâorganiser la dĂ©fense et furent tuĂ©s par lâexplosion d'un dĂ©pĂŽt dâarmes tout proche. Les deux hommes furent honorĂ©s de maniĂšre posthume par la mĂ©daille dâhonneur. Lâenseigne de vaisseau Joe Taussig, Jr. dirigea l'artillerie antiaĂ©rienne de l'USS Nevada, et fut sĂ©vĂšrement blessĂ©, mais continua nĂ©anmoins Ă servir Ă son poste. En raison de l'absence du commandant de l'USS Nevada, le lieutenant commander F. J. Thomas en prit le commandement pendant lâattaque, en assura l'appareillage et le manĆuvra jusqu'Ă ce que le bĂątiment s'Ă©choue, Ă 9 h 10. Lâun des destroyers, lâUSS Aylwin, fit de mĂȘme avec seulement quatre officiers Ă son bord, uniquement des enseignes de vaisseau qui avaient peu dâexpĂ©rience Ă la mer. Le captain Mervyn Bennion, commandant l'USS West Virginia, dirigea son Ă©quipage jusquâĂ ce qu'il fut tuĂ© par des fragments de bombes. Les premiĂšres victimes de lâattaque aĂ©rienne se trouvaient sur le sous-marin USS Tautog qui abattit Ă©galement le premier Japonais. L'Afro-AmĂ©ricain Doris « Dorie » Miller, qui servait comme cuisinier sur l'USS West Virginia, prit le contrĂŽle dâune mitrailleuse de lutte anti-aĂ©rienne et sâen servit pour tirer sur des avions japonais : il en toucha au moins un alors que son navire Ă©tait bombardĂ© dans le mĂȘme temps. Il reçut la croix de la marine (Navy Cross) aprĂšs la bataille. Quatorze marins et officiers furent par ailleurs rĂ©compensĂ©s par la mĂ©daille dâhonneur. Une distinction militaire spĂ©ciale, la Pearl Harbor Commemorative Medal, fut par la suite dĂ©cernĂ©e Ă tous les vĂ©tĂ©rans de lâattaque. Dans le ciel, la seule opposition importante vint dâune poignĂ©e de Curtiss P-36 Hawk et de Curtiss P-40 Warhawk qui firent vingt-cinq sorties et par les dĂ©fenses anti-aĂ©riennes. Des avions dĂ©collĂšrent pour tenter de repĂ©rer la flotte japonaise, en vain[64].
Une troisiÚme vague avortée
Certains officiers pressĂšrent l'amiral Nagumo de lancer une troisiĂšme attaque afin d'anĂ©antir les dĂ©pĂŽts de carburant et les infrastructures de Pearl Harbor. Certains historiens ont suggĂ©rĂ© que la destruction des rĂ©serves de carburant et des Ă©quipements de rĂ©paration aurait fortement handicapĂ© la flotte du Pacifique, bien plus que la perte des navires de ligne. Cependant, Nagumo dĂ©cida de renoncer Ă une troisiĂšme attaque pour plusieurs raisons : en premier lieu, les dĂ©fenses antiaĂ©riennes eurent plus de succĂšs au cours de la seconde vague et occasionnĂšrent les 2/3 des dommages nippons. L'effet de surprise avait disparu et une troisiĂšme vague risquait dâaccroĂźtre les pertes japonaises. Ensuite, la prĂ©paration d'une troisiĂšme attaque aurait pris beaucoup trop de temps, laissant aux AmĂ©ricains la possibilitĂ© d'attaquer les forces de Nagumo situĂ©es Ă moins de 400 km au nord d'Oahu. L'armada pouvait rapidement ĂȘtre localisĂ©e et prise en chasse par les sous-marins ennemis. En outre, les Japonais ignoraient toujours la position des porte-avions amĂ©ricains et avaient atteint la limite de leurs capacitĂ©s logistiques : rester plus longtemps augmentait le risque de manquer de carburant. La deuxiĂšme vague avait atteint l'objectif initial de la mission, Ă savoir neutraliser la flotte amĂ©ricaine du Pacifique. On se souvient que les autoritĂ©s japonaises avaient Ă©tĂ© rĂ©ticentes devant cette opĂ©ration, c'est pourquoi l'expĂ©dition devait s'arrĂȘter lĂ . Il Ă©tait donc temps de partir, d'autant que le Japon avait d'autres objectifs stratĂ©giques dans le Sud-Est asiatique.
Bilan de l'attaque
Du cÎté américain
Le bilan humain de l'attaque fut lourd : 2 403 Américains sont morts et 1 178 ont été blessés. Les pertes se répartissent ainsi :
- US Army : 218 morts et 364 blessés ;
- US Navy : 2 008 morts et 710 blessés ;
- US Marine Corps : 109 morts et 69 blessés ;
- civils : 68 morts et 35 blessés, tués ou blessés par les bombes ou les éclats de bombes tombés dans les zones civiles, jusqu'à Honolulu[47].
PrĂšs de la moitiĂ© des pertes amĂ©ricaines, soit 1 177 hommes, fut provoquĂ©e par l'explosion et le naufrage de l'USS Arizona. Celui-ci explosa Ă cause d'un obus de marine de 406 mm modifiĂ© de façon telle qu'il puisse ĂȘtre utilisĂ© comme une bombe de 800 kg, larguĂ© par Tadashi Kusumi. La bombe frappa le navire au niveau de la tourelle avant de 356 mm. Le blindage de pont, plus fin dans cette zone, fut traversĂ© par la bombe qui sâarrĂȘta dans la soute Ă munitions et y explosa[65]. La coque de l'Arizona sert aujourd'hui de mĂ©morial. Il continue dâailleurs de perdre un peu de carburant, plus de 70 ans aprĂšs lâattaque.
L'attaque avait visé les cuirassés stationnés dans la rade :
- l'USS Nevada fut endommagé par une torpille et un incendie ; il fut la cible de nombreuses bombes japonaises lorsqu'il se mit en route pour éviter la submersion dans le chenal et finit par toucher le fond de la rade par l'avant[34]. Il fut renfloué par la suite ;
- l'USS California fut touché par deux bombes et deux torpilles. L'équipage reçut l'ordre d'évacuer le navire. Il fut renfloué par la suite ;
- l'USS Utah, ce cuirassĂ© dâun modĂšle ancien Ă©tait utilisĂ© comme cible de bombardement mobile. Il constituait une cible facile et fut touchĂ© deux fois par des torpilles.
- l'USS Oklahoma fut frappé par cinq torpilles et chavira ;
- l'USS Maryland fut atteint par deux obus de marine de 406 mm modifiés sans subir de dommages sérieux ;
- l'USS Pennsylvania fut touché par une bombe de 250 kg au cours de la deuxiÚme vague d'attaque alors qu'il était en cale sÚche sans subir de dommages sérieux ;
- l'USS West Virginia fut touché par 7 torpilles (la derniÚre eut pour conséquence de détacher le gouvernail) et 2 bombes de 800 kg. Il fut renfloué par la suite ;
- l'USS Tennessee fut touché par 2 bombes de 800 kg défectueuses occasionnant seulement des dommages légers.
MĂȘme si les Japonais ont concentrĂ© leurs tirs sur les navires de ligne, ils n'ont pas Ă©pargnĂ© les autres cibles. Le croiseur lĂ©ger USS Helena fut torpillĂ© et le choc provoqua le chavirement du mouilleur de mines USS Oglala situĂ© Ă cĂŽtĂ©. Deux destroyers en cale sĂšche furent dĂ©truits lorsque des bombes touchĂšrent leur rĂ©servoir de carburant. Lâincendie se propagea Ă d'autres navires. Le croiseur lĂ©ger USS Raleigh fut touchĂ© par une torpille qui ouvrit une brĂšche. Le croiseur lĂ©ger USS Honolulu fut endommagĂ© mais resta en service. Le destroyer USS Cassin chavira et le destroyer USS Downes fut sĂ©rieusement endommagĂ©. Le bateau de rĂ©paration USS Vestal, rangĂ© bord Ă bord avec lâArizona (alors en feu), fut gagnĂ© par les flammes qui ravageaient ce dernier et finit par sombrer Ă son tour. Le navire ravitailleur USS Curtiss fut Ă©galement endommagĂ©.
La quasi-totalitĂ© des 188 avions stationnĂ©s Ă HawaĂŻ furent dĂ©truits ou endommagĂ©s. Lorsque les Japonais arrivĂšrent au-dessus des aĂ©rodromes amĂ©ricains, ils trouvĂšrent 155 avions stationnĂ©s aile contre aile pour Ă©viter le sabotage (40 % de la population de l'Ăźle d'Oahu Ă©tant des AmĂ©ricano-Japonais) mais constituant ainsi des cibles idĂ©ales. Les attaques sur les casernes tuĂšrent des pilotes et dâautres membres du personnel[8]. Des tirs amis ont abattu plusieurs avions amĂ©ricains.
L'aĂ©ronavale perdit 13 chasseurs, 67 bombardiers, trois avions de transport et quatre forteresses volantes[64] en plus de la moitiĂ© des avions de combat qui se sont retrouvĂ©s clouĂ©s au sol parce qu'ils avaient Ă©tĂ© disposĂ©s aile contre aile, ce qui les empĂȘcha de dĂ©coller rapidement. L'aviation de l'armĂ©e de terre fut aussi gravement touchĂ©e : 12 B-18, 20 A-9, 2 A-20, 4 P-26, 20 P-36 et 32 P-40[66].
Nom | Type | Mise en service | TouchĂ© par | TuĂ©s | Retour au combat | Mois dâimmobilisation et commentaires | |
---|---|---|---|---|---|---|---|
Navires détruits | |||||||
1 | Arizona | Cuirassé Classe Pennsylvania | 1916 | 2 bombes de 800 kg | 1 177 | Définitif | |
2 | Oklahoma | Cuirassé Classe Nevada | 1916 | 5 torpilles | 429 | Définitif | |
3 | Utah | Bateau cible Classe Florida | 1911 | 2 torpilles | 58 | DĂ©finitif | |
Navires endommagés | |||||||
4 | West Virginia | Cuirassé Classe Colorado | 1923 | 7 torpilles, 2 bombes de 800 kg (1 défectueuse) | 106 | juillet 1944 | 31 |
5 | Oglala | Mouilleur de mines | 1917 | 1 torpille (dommages indirects) | 0 | février 1944 | 26 |
6 | Cassin | Destroyer Classe Mahan | 1936 | 2 bombes de 250 kg | 0 | février 1944 | 26 |
7 | California | Cuirassé Classe Tennessee | 1921 | 2 torpilles, 1 bombe de 250 kg | 105 | janvier 1944 | 25 |
8 | Downes | Destroyer Classe Mahan | 1937 | 1 bombe de 250 kg | 12 | novembre 1943 | 23 |
9 | Nevada | CuirassĂ© Classe Nevada | 1916 | 1 torpille, 5 bombes de 250 kg | 57 | octobre 1942 | 10 ĂchouĂ© pour Ă©viter la submersion dans le chenal. |
10 | Vestal | Navire atelier | 1913 | 2 bombes de 250 kg (1 défectueuse) | 7 | août 1942 | 8 |
11 | Shaw | Destroyer Classe Mahan | 1936 | 3 bombes de 250 kg | 24 | juin 1942 | 6 |
12 | Helena | Croiseur léger Classe St-Louis | 1939 | 1 torpille | 34 | juin 1942 | 6 |
13 | Pennsylvania | Cuirassé Classe Pennsylvania | 1916 | 1 bombe de 250 kg | 32 | mars 1942 | 3 |
14 | Tennessee | Cuirassé Classe Tennessee | 1920 | 2 bombes de 800 kg défectueuses | 5 | février 1942 | 2 |
15 | Maryland | Cuirassé Classe Colorado | 1921 | 2 bombes de 800 kg défectueuses | 4 | février 1942 | 2 |
16 | Raleigh | Croiseur léger Classe Omaha | 1924 | 1 torpille, 1 bombe de 250 kg | 0 | février 1942 | 2 |
17 | Curtiss | Porte-hydravions | 1940 | 1 bombe de 250 kg | 21 | janvier 1942 | 1 |
18 | Honolulu | Croiseur léger Classe Brooklyn | 1938 | 1 bombe de 250 kg (dommages indirects) | 0 | janvier 1942 | 1 |
19 | Helm | Destroyer Classe Bagley | 1937 | 2 bombes de 250 kg (dommages indirects) | 0 | décembre 1941 | 0 |
20 | New Orleans | croiseur lourd Classe New Orleans | 1931 | Dommages indirects | 0 | décembre 1941 | 0 Dommages légers |
- Photo aĂ©rienne japonaise prise pendant lâattaque. Les vagues provoquĂ©es par les explosions des torpilles sont parfaitement visibles.
- Vue du port pendant lâattaque. Les petits panaches de fumĂ©e noire indiquent que passĂ© l'effet de surprise, la DCA amĂ©ricaine est trĂšs active.
- Le sauvetage des marins du West Virginia au milieu des flammes. Le mazout provoque de gigantesques incendies.
- Le West Viginia coulé. Malgré des dégùts trÚs importants, le cuirassé sera renfloué et remis en service en 1944.
- Les destroyers Cassin et Downes gravement touchés devant le cuirassé Pennsylvania presque intact. Tous seront remis en service entre 1942 et 1944.
- Le cuirassĂ© Oklahoma retournĂ© aprĂšs son torpillage. Câest lâun des trois navires sur les dix-neuf touchĂ©s qui ne sera pas rĂ©parĂ©.
Dans le camp japonais
Du cĂŽtĂ© japonais, les pertes humaines furent beaucoup moins lourdes : 64 morts (aviateurs et neuf sous-mariniers[47]) ; l'enseigne Kazuo Sakamaki fut capturĂ©, premier prisonnier de guerre japonais du conflit. Le mitrailleur arriĂšre, le maĂźtre Toshio Onishi sauta de son B5N2 en flamme sans parachute ; il sera repĂȘchĂ© vivant mais succombera Ă ses blessures peu de temps aprĂšs[68]. Le lieutenant de vaisseau Fusata Lida, commandant de la chasse du Soryu, prĂ©cipita sur un hangar son appareil perdant de l'essence, mais rata sa cible de peu[69]. Le premier-maĂźtre Shigenori NishikaĂŻchi dont le ZĂ©ro Ă©tait Ă©galement trop endommagĂ© pour rentrer, se posa sur l'Ăźle de Niihau mais fut tuĂ© le [70] (voir incident de Niihau).
Le bilan matĂ©riel fut aussi limitĂ© : les cinq sous-marins de poche engagĂ©s furent coulĂ©s ou capturĂ©s et un sous-marin de croisiĂšre a Ă©tĂ© coulĂ© le (le I-70 avec 121 membres d'Ă©quipage fut dĂ©truit par des avions de l'USS Enterprise). Sur les 441 avions japonais disponibles, 350 prirent part Ă lâattaque et 29 furent abattus durant la bataille[47], neuf au cours de la premiĂšre vague, vingt dans la seconde. 74 autres furent touchĂ©s par les dĂ©fenses antiaĂ©riennes et lâartillerie au sol. Peu aprĂšs que l'escadre nippone eut fait demi tour, les Japonais perdirent Ă©galement un 30e appareil quand le ZĂ©ro du second-maĂźtre Munenaga Nomura se tua en manquant son appontage sur le Soryu au retour d'une mission de reconnaissance[62].
Le plan audacieux de Yamamoto et de Genda avait atteint ses objectifs.
Un succĂšs Ă relativiser
Cependant, l'armada japonaise s'en retourna sans qu'aucun porte-avions amĂ©ricain ne fĂ»t dĂ©truit car ils ne se trouvaient pas Ă Pearl Harbor. L'USS Enterprise rentrait au port et se trouvait Ă 300 km au dĂ©but de l'attaque (six des dix-huit SBD Dauntless qu'il avait fait dĂ©coller Ă 6 h 20 en direction d'HawaĂŻ ont Ă©tĂ© dĂ©truits), l'USS Lexington livrait des avions aux Ăźles Midway et l'USS Saratoga Ă©tait Ă San Diego en train d'embarquer son groupe aĂ©rien aprĂšs une pĂ©riode d'entretien et rĂ©parations. D'autre part, presque tous les navires touchĂ©s Ă©taient des vieux bĂątiments ; 80 % d'entre eux furent remis en Ă©tat et modernisĂ©s aprĂšs l'attaque[64]. Les destroyers Cassin et Downes furent gravement endommagĂ©s mais leurs machines furent sauvĂ©es et elles Ă©quipĂšrent dâautres bĂątiments portant leur nom dâorigine. Les pertes matĂ©rielles les plus graves furent celles des 155 avions et des dĂ©gĂąts matĂ©riels dans la base.
Finalement, l'attaque japonaise sur Pearl Harbor fut une brillante réussite tactique mais un échec du point de vue stratégique. Malgré les pertes, la base resta opérationnelle (le port, les pistes, les réservoirs de carburant et les ateliers de réparation n'ont pas été détruits ou marginalement). Yamamoto aurait dit : « Je crains que tout ce que nous avons réussi à faire est de réveiller un géant endormi et de le remplir d'une terrible résolution. »
Contrainte de se battre sans cuirassĂ©s, la marine amĂ©ricaine dĂ©veloppa par la suite de nouvelles tactiques navales reposant sur des Task forces combinant des porte-avions et des sous-marins, reprenant la stratĂ©gie japonaise employĂ©e Ă Pearl Harbor. Ces nouvelles mĂ©thodes permirent de freiner l'avance japonaise en 1942, dĂ©lai que l'amiral Yamamoto estimait avoir donnĂ© au Japon avant que la capacitĂ© industrielle dĂ©multipliĂ©e des Ătats-Unis ne leur donne une supĂ©rioritĂ© Ă©crasante. Paradoxalement, la doctrine navale japonaise continuait Ă ce moment Ă considĂ©rer les cuirassĂ©s comme les navires les plus importants.
Conséquences et portée de l'événement
EntrĂ©e en guerre des Ătats-Unis
AprÚs l'attaque japonaise sur la base navale américaine, le président Roosevelt engagea son pays dans la Seconde Guerre mondiale aux cÎtés des Alliés. Les Japonais firent une déclaration de guerre officielle, mais à cause de divers contretemps, elle ne fut présentée qu'aprÚs l'attaque.
Le , le président Roosevelt déclare :
« Hier, 7 dĂ©cembre 1941 â une date qui restera Ă jamais marquĂ©e dans l'Histoire comme un jour dâinfamie â les Ătats-Unis d'AmĂ©rique ont Ă©tĂ© attaquĂ©s dĂ©libĂ©rĂ©ment par les forces navales et aĂ©riennes de l'empire du Japon. Les Ătats-Unis Ă©taient en paix avec le Japon et Ă©taient mĂȘme, Ă la demande de ce pays, en pourparlers avec son gouvernement et son empereur sur les conditions du maintien de la paix dans le Pacifique. Qui plus est, une heure aprĂšs que les armĂ©es nippones eurent commencĂ© Ă bombarder Oahu, un reprĂ©sentant de l'ambassade du Japon aux Ătats-Unis a fait au secrĂ©tariat d'Ătat une rĂ©ponse officielle Ă un rĂ©cent message amĂ©ricain. Cette rĂ©ponse semblait prouver la poursuite des nĂ©gociations diplomatiques, elle ne contenait ni menace, ni dĂ©claration de guerre [âŠ]. J'ai demandĂ© [âŠ] que le CongrĂšs dĂ©clare depuis l'attaque perpĂ©trĂ©e par le Japon dimanche , l'Ă©tat de guerre contre le Japon[65]. »
Le CongrĂšs amĂ©ricain dĂ©clara la guerre au Japon (en) Ă la quasi-unanimitĂ© ; seule la pacifiste Jeannette Rankin (dĂ©putĂ©e rĂ©publicaine du Montana) s'opposa Ă cette dĂ©cision. Roosevelt signa la dĂ©claration le jour mĂȘme. Avec la loi sur la conscription du , la mobilisation s'Ă©largit Ă tous les AmĂ©ricains entre 20 et 40 ans[72]. Le dĂ©buta la confĂ©rence Arcadia au cours de laquelle Churchill et Roosevelt dĂ©cidĂšrent d'unir leurs forces contre l'Allemagne nazie. La DĂ©claration des Nations unies du prĂ©voyait la crĂ©ation de l'ONU. Enfin, le pays dut convertir son Ă©conomie pour rĂ©pondre aux besoins de la guerre, un processus qui commença le avec l'annonce du « programme de la Victoire ». L'entrĂ©e en guerre des Ătats-Unis marquait un tournant dans la mondialisation du conflit.
Le lendemain, , le Royaume-Uni déclarait la guerre au Japon et Winston Churchill écrira plus tard dans ses Mémoires :
« Aucun AmĂ©ricain ne m'en voudra de proclamer que j'Ă©prouvai la plus grande joie Ă voir les Ătats-Unis Ă nos cĂŽtĂ©s. Je ne pouvais prĂ©voir le dĂ©roulement des Ă©vĂ©nements. Je ne prĂ©tends pas avoir mesurĂ© avec prĂ©cision la puissance guerriĂšre du Japon, mais je compris que, dĂšs cet instant, la grande RĂ©publique amĂ©ricaine Ă©tait en guerre, jusqu'au cou et Ă mort. Nous avions donc vaincu, enfin[73] ! »
Réaction du Japon et de ses alliés
Dans les heures qui suivirent, le Royaume-Uni (et son empire colonial, le Canada, l'Australie, l'Afrique du Sud) entrĂšrent en guerre contre le Japon.
L'Allemagne nazie et l'Italie fasciste dĂ©clarĂšrent la guerre aux Ătats-Unis le , quatre jours aprĂšs l'attaque de Pearl Harbor. Selon les termes du pacte tripartite, Hitler et Mussolini n'Ă©taient pourtant pas obligĂ©s de dĂ©clarer la guerre. Cependant, les relations entre les pays europĂ©ens de lâAxe et Washington s'Ă©taient dĂ©tĂ©riorĂ©es depuis 1937.
Les adversaires du New Deal de Roosevelt, notamment le Chicago Tribune, rendirent public le plan de guerre amĂ©ricain pour lâEurope. Hitler estimait qu'un conflit avec les Ătats-Unis Ă©tait inĂ©vitable. Ce sentiment fut renforcĂ© par la publication du plan amĂ©ricain, par lâattaque de Pearl Harbor et par le discours de Roosevelt. Il sous-estima Ă©galement la puissance productive des Ătats-Unis, leur capacitĂ© Ă combattre sur deux fronts Ă la fois (en Europe et dans le Pacifique) et les consĂ©quences du prĂȘt-bail sur ses adversaires. Les nazis escomptaient qu'Ă la suite de la dĂ©claration de guerre contre les Ătats-Unis, le Japon s'engagerait davantage contre l'URSS (avec laquelle il est en paix depuis la conclusion du pacte nippo-soviĂ©tique du ) et les possessions europĂ©ennes en Asie[74]. Toutefois, le front chinois et le thĂ©Ăątre d'opĂ©ration mĂ©ridional accaparĂšrent l'essentiel des forces de l'empire du Japon.
Dans les heures qui ont suivi l'attaque de Pearl Harbor, les Japonais attaquÚrent diverses colonies et bases militaires britanniques et américaines en Asie et dans le Pacifique : la Malaisie, Hong Kong, Guam et Wake. Peu aprÚs les événements de Pearl Harbor, les bombardiers de la 11e flotte aérienne japonaise s'en prirent à la 7e flotte de l'Air Force américaine basée aux Philippines et à la force « Z » britannique, ce qui ouvrait la voie à la capture des deux premiers objectifs visés. Le , les forces nippones contrÎlaient le nord de l'ßle de Bornéo, Hong Kong capitula le et Singapour tomba en .
L'événement vu par les Japonais
Bien que la propagande antiamĂ©ricaine eĂ»t prĂ©parĂ© l'opinion publique japonaise Ă la guerre contre les Ătats-Unis, il semble que la plupart des Japonais furent surpris lorsqu'ils apprirent la nouvelle : l'attaque avait en effet Ă©tĂ© menĂ©e dans le plus grand secret. Elle Ă©tait prĂ©sentĂ©e et ressentie comme un coup d'Ă©clat et finit par rallier les sceptiques face Ă la guerre[75]. Pour l'Ă©tat-major et le gouvernement japonais, l'attaque de Pearl Harbor nâĂ©tait quâune rĂ©ponse juste Ă la politique agressive de Washington. Ils considĂ©raient que les AlliĂ©s, et particuliĂšrement les Ătats-Unis, multipliaient depuis longtemps les provocations Ă l'Ă©gard des Japonais. Aussi, lâattaque de Pearl Harbor ne relĂšverait pas de la trahison car Washington se prĂ©parait depuis longtemps Ă la guerre. Aujourd'hui encore, un certain nombre de Japonais pensent que leur pays a Ă©tĂ© poussĂ© Ă se battre pour protĂ©ger la sĂ©curitĂ© nationale et leurs intĂ©rĂȘts[76]. En 1991, le ministre japonais des affaires Ă©trangĂšres rappela que le Japon avait donnĂ© une dĂ©claration de guerre Ă 13 h (le message en 14 points), heure de Washington DC, 25 minutes avant le dĂ©but de lâattaque de Pearl Harbor.
Le sentiment anti-japonais aux Ătats-Unis
Les photographies des bĂątiments en flamme et des destructions Ă Pearl Harbor soulevĂšrent une Ă©motion certaine dans le monde entier[77]. L'attaque japonaise galvanisa la nation amĂ©ricaine et l'unit pour atteindre un but : celui de faire capituler l'Empire du Soleil levant. Le comitĂ© pacifiste America First dĂ©cida lui-mĂȘme sa dissolution et les adversaires politiques de Roosevelt cessĂšrent provisoirement leurs attaques. Le sentiment de trahison et la peur du sabotage ou de lâespionnage rendirent suspects les Japonais vivant sur le sol amĂ©ricain et les AmĂ©ricains d'origine japonaise. Le gĂ©nĂ©ral John DeWitt et le secrĂ©taire Ă la Marine Frank Knox Ă©voquĂšrent l'existence d'une cinquiĂšme colonne sur le sol amĂ©ricain.
Dans les jours qui suivirent lâattaque, plusieurs rumeurs circulĂšrent : les ouvriers nippons de lâĂźle auraient coupĂ© les champs de canne Ă sucre pour former des flĂšches indiquant le chemin vers Pearl Harbor[78]. D'autres rumeurs touchĂšrent le prĂ©sident Roosevelt et Marshall qui auraient Ă©tĂ© au courant de lâattaque. Enfin, la crainte d'un dĂ©barquement japonais Ă la suite de l'attaque ajouta un Ă©lĂ©ment Ă la confusion qui rĂ©gnait Ă HawaĂŻ.
C'est dans ce contexte que 110 000 Japonais et citoyens amĂ©ricains d'origine japonaise[79] furent rassemblĂ©s et surveillĂ©s dans des camps d'internement (War Relocation Centers). L'ordre exĂ©cutif 9066 du fut signĂ© par Roosevelt et concerna l'ouest du pays oĂč se concentraient les populations japonaises ; des camps furent ouverts dans des rĂ©gions isolĂ©es des Ătats de Washington, de Californie et de l'Oregon. Cependant, les Japonais des Ăźles HawaĂŻ ne furent pas internĂ©s car l'armĂ©e et la marine avaient besoin de main d'Ćuvre[80]. Des AmĂ©ricains d'origine japonaise furent incorporĂ©s dans l'ArmĂ©e amĂ©ricaine notamment dans le 442e Regimental Combat Team qui combattit en Europe Ă partir de 1943 et subit de lourdes pertes. En 1988, le CongrĂšs prĂ©senta officiellement ses excuses pour ces arrestations arbitraires en votant une loi qui indemnisait les victimes encore vivantes[81].
Pearl Harbor peut Ă©galement expliquer la dĂ©termination des Ătats-Unis Ă procĂ©der aux bombardements atomiques d'Hiroshima et Nagasaki.
Portée et signification
L'attaque de Pearl Harbor est toujours considérée par les Américains comme l'un des événements les plus importants de leur histoire : c'était en effet la premiÚre fois depuis la guerre de 1812 que le sol américain était attaqué par un pays étranger. Soixante ans plus tard, des journalistes et personnalités politiques comparÚrent les attentats du 11 septembre 2001 à l'attaque du [82] - [83] - [84].
De nombreux films japonais et américains ont relaté cet épisode de la Seconde Guerre mondiale. Tant qu'il y aura des hommes réalisé en 1953 par Fred Zinnemann évoque la vie des militaires à Pearl Harbor. Le film Tora! Tora! Tora! de Richard Fleischer en 1970 donne une description assez réaliste des événements, prenant à la fois les points de vue américain et japonais. Le film documente notamment la longue liste d'erreurs et d'accidents qui rendirent cette attaque si destructrice pour les forces américaines. Le titre reprend le mot Tora qui signifie « tigre ». Il s'agit du message radio envoyé par Mitsuo Fuchida, le commandant de la mission. Le film 1941, réalisé par Steven Spielberg et sorti en 1979, évoque le climat de panique aprÚs l'attaque. Dans Nimitz, retour vers l'enfer de Don Taylor (1980), un porte-avions nucléaire voyage dans le temps et se retrouve à Pearl Harbor, la veille de l'attaque, avec la possibilité de changer l'Histoire. Pearl Harbor (2001) de Michael Bay reprend des scÚnes de Tora! Tora! Tora! comme celle du cuisinier-mitrailleur.
Un événement controversé
L'attaque de Pearl Harbor fit l'objet de nombreuses polĂ©miques dĂšs les lendemains des Ă©vĂ©nements : entre dĂ©cembre 1941 et juillet 1946, sept commissions administratives et une commission spĂ©ciale enquĂȘtĂšrent pour Ă©tablir les responsabilitĂ©s et les nĂ©gligences[85].
Les commissions d'enquĂȘte
La premiĂšre commission, dirigĂ©e par Owen Roberts, fut constituĂ©e dĂšs le mois de dĂ©cembre 1941 et rendit ses conclusions au CongrĂšs des Ătats-Unis en . Elle accusa les officiers de la base (Walter Short et Husband Kimmel) de manquement Ă leur devoir, en particulier dans la dĂ©fense de Pearl Harbor ; les deux hommes furent relevĂ©s de leurs fonctions. Cependant, le SĂ©nat des Ătats-Unis vota leur rĂ©habilitation en mai 1999 (non signĂ©e ni par Clinton ni par Bush).
Les négligences et erreurs américaines
L'attaque de Pearl Harbor par les Japonais provoqua un choc immense dans l'opinion publique, Ă la tĂȘte de l'armĂ©e et de l'Ătat. Les journalistes et les politiques posĂšrent rapidement la question des responsabilitĂ©s. Il paraissait en effet Ă©vident que plusieurs erreurs avaient Ă©tĂ© commises : encore fallait-il dĂ©terminer si elles l'avaient Ă©tĂ© de maniĂšre intentionnelle ou non. Plusieurs dĂ©faillances se sont accumulĂ©es et ont contribuĂ© au dĂ©sastre : l'entrĂ©e de la rade n'Ă©tait pas protĂ©gĂ©e par des filets anti torpilles ; les navires, alignĂ©s cĂŽte Ă cĂŽte sur ordre de l'amiral Claude C. Bloch en raison du manque de place, offraient des cibles idĂ©ales ; les soldats ont cru lors des premiers bombardements qu'il s'agit d'un exercice, pensant que les avions venaient de Californie[86].
Short estimait que le danger le plus immĂ©diat pour les aĂ©rodromes Ă©tait le sabotage et avait donc ordonnĂ© que les avions soient concentrĂ©s en des endroits aisĂ©s Ă surveiller, ce qui facilita leur destruction par l'attaque aĂ©rienne. Short ne croyait pas Ă lâefficacitĂ© du radar, invention relativement nouvelle. L'Ă©quipe de surveillance du radar n'avait pas Ă©tĂ© remplacĂ©e aprĂšs 7 heures puisqu'aucune patrouille n'Ă©tait de service le dimanche matin. Les diverses installations militaires n'Ă©taient pas camouflĂ©es. La cryptanalyse des codes secrets (Code 97 des purple machines) aurait dĂ» aider Pearl Harbor[47], mais les Japonais pratiquaient la contre-information et ils nâont pas Ă©tĂ© transmis Ă l'heure (George Marshall prĂ©fĂ©ra le tĂ©lĂ©graphe au tĂ©lĂ©phone qu'il pensait ĂȘtre Ă©coutĂ© par les Japonais), d'autant plus qu'il n'y avait aucun dĂ©codeur Ă HawaĂŻ. Enfin, les divergences entre Short et Kimmel furent une des raisons du manque de coordination et les dysfonctionnements dans le systĂšme de dĂ©fense de Pearl Harbor.
Les révélations d'un agent double
De nombreux signes et avertissements n'ont pas été entendus ou compris. Quatre mois avant l'attaque, l'espion serbe Duƥan Popov, à l'instar de Richard Sorge, informe les services secrets britanniques puis américains des intentions nippones. Les actualités de Paramount dÚs le montraient qu'une attaque pourrait avoir lieu sur Pearl Harbor[86].
Dans un ouvrage publiĂ© en 2011, Comment Roosevelt fit entrer les Ătats-Unis dans la guerre, Arnaud Blin indique[87] que l'agent double Dusko Popov avait dĂ©voilĂ© par un questionnaire des services secrets britanniques[88] (MI5) que les amiraux japonais avaient rĂ©clamĂ© Ă l'Abwehr une Ă©tude dĂ©taillĂ©e du bombardement par la RAF de la flotte italienne dans le port de Tarente les et . Bien que le directeur du FBI J. Edgar Hoover ait reçu l'espion Popov le dans son bureau, il ne transmit qu'un Ă©chantillon du questionnaire Ă la Maison Blanche.
Lâamiral Harold Rainsford Stark, chef des opĂ©rations navales amĂ©ricaines, avait envoyĂ© un message dâalerte au commandant en chef des flottes de lâAsie orientale et du Pacifique Ă HawaĂŻ[48]. L'Ă©tat-major amĂ©ricain redoutait donc une attaque japonaise mais il ne l'attendait pas Ă Pearl Harbor, ayant une confiance aveugle dans l'isolement de l'Ăźle, Ă plusieurs milliers de kilomĂštres du Japon. Stark Ă©tait convaincu que lâattaque aurait lieu aux Philippines ou Ă Singapour, ce qui ne constituait pas un casus belli, selon les dĂ©clarations de Roosevelt.
Blin a donc la conviction que la surprise de Roosevelt était bien réelle lorsque Knox l'informa de l'attaque.
Le , lorsqu'il apprend que Pearl Harbor a été attaquée, il s'écria incrédule :
« Mon Dieu, ça ne peut pas ĂȘtre vrai. Il s'agit sĂ»rement des Philippines[89] ! »
Les défenses naturelles de Pearl Harbor semblaient la protéger efficacement. Les Américains craignaient davantage un acte de sabotage ou un débarquement, plutÎt qu'une attaque aérienne, qu'ils jugeaient impossible. Les menaces transmises ne furent pas prises au sérieux.
La mise en cause du président Roosevelt
Une thĂšse trĂšs controversĂ©e[90] affirme que Roosevelt Ă©tait au courant de l'attaque et qu'il laissa faire pour provoquer l'indignation de la population et faire entrer son pays dans la guerre[91]. Cette thĂ©orie fut d'abord avancĂ©e par les officiers dĂ©chus par les commissions d'enquĂȘte : Kimmel se dit victime d'un complot visant Ă cacher la responsabilitĂ© du gouvernement et de l'Ă©tat-major. Il diffusa cette idĂ©e dans ses MĂ©moires, parus en 1955. Le contre-amiral Robert Alfred Theobald, qui commandait les destroyers Ă Pearl Harbor[92], Ă©crivit dans un ouvrage traduit en français :
« Notre conclusion principale est que le président Roosevelt contraignit le Japon à faire la guerre en exerçant en permanence sur lui une pression diplomatique et économique, et l'incita à ouvrir les hostilités par une attaque surprise en maintenant la flotte du Pacifique dans les eaux hawaïennes comme appùt[93]. »
Cette thÚse fut reprise par les adversaires de Roosevelt et de sa politique extérieure[94]. Les négligences furent utilisées par les républicains pour discréditer le camp démocrate aprÚs 1945[95]. Plus tard, plusieurs historiens américains, comme Charles Austin Beard et Charles C. Tansill[96] essayÚrent de prouver l'implication du président.
Les faits citĂ©s Ă l'appui de cette hypothĂšse sont notamment l'absence supposĂ©e providentielle des trois porte-avions en manĆuvre le jour de l'attaque et qui ne furent donc pas touchĂ©s, le fait que les nombreux messages d'avertissement furent ignorĂ©s et enfin les nĂ©gligences locales. Certains soupçonnent le gouvernement amĂ©ricain d'avoir tout fait pour ne recevoir la dĂ©claration de guerre japonaise qu'aprĂšs le bombardement. Les partisans de cette thĂšse sont convaincus que Roosevelt a poussĂ© les Japonais Ă la guerre tout au long des annĂ©es 1930 afin de convaincre le peuple amĂ©ricain, majoritairement isolationniste et partisan de la neutralitĂ©[97].
Il est, cependant, difficile d'imaginer que Roosevelt ait laissĂ© dĂ©truire autant de bĂątiments de la Marine uniquement pour engager son pays dans la guerre. En effet, la valeur tactique des porte-avions Ă©tait mĂ©connue en 1941, mĂȘme si d'Ă©vidence, compte tenu des investissements rĂ©alisĂ©s, les Japonais et les AmĂ©ricains fondaient de gros espoirs sur cette nouvelle unitĂ© marine. C'Ă©tait encore le cuirassĂ© qui faisait figure de navire principal dans les flottes de guerre, et mĂȘme l'amiral Yamamoto envisageait la confrontation finale entre les deux pays sous la forme d'un combat entre cuirassĂ©s. DĂšs lors, tout officier au courant de l'attaque aurait fait en sorte de protĂ©ger les cuirassĂ©s qui seraient alors partis au large en sacrifiant les porte-avions. Ce choix aurait Ă©tĂ© logique pour les autoritĂ©s de la Marine et paradoxalement plus nĂ©faste aux AmĂ©ricains dans la poursuite de la guerre. L'amiral Chester Nimitz livra une analyse similaire dĂšs 1945 :
« Si l'amiral Husband Kimmel, alors commandant des forces américaines à Pearl Harbor, avait reçu 24 heures à l'avance la nouvelle de l'attaque, il aurait fait partir toutes nos forces à la rencontre des Japonais. Nous n'avions pas un seul porte-avions capable de s'opposer à la formation des porte-avions de l'amiral Nagumo, et les Japonais auraient coulé chacun de nos bateaux en haute mer. Nous aurions perdu 60 000 hommes et la quasi-totalité de notre flotte du Pacifique. »
Quant au message dâalerte, il arriva trop tard Ă Pearl Harbor Ă cause du dĂ©calage horaire, du jour (un dimanche), des maladresses et des problĂšmes techniques[52]. En outre, les services de renseignement amĂ©ricains travaillaient sĂ©parĂ©ment et Ă©taient souvent incompĂ©tents[98]. Si la plupart des messages secrets ennemis Ă©taient dĂ©chiffrĂ©s, ceux de la Marine japonaise restaient souvent mystĂ©rieux. De plus, les services japonais pratiquaient le jeu de la dĂ©sinformation[98].
Par consĂ©quent, rien ne permet dâaffirmer que Roosevelt Ă©tait au courant de l'attaque de Pearl Harbor[99] - [100] bien qu'il ait presque certainement accumulĂ© des actes contraires Ă la neutralitĂ© dans les annĂ©es 1930. Cependant, les sanctions Ă©conomiques visaient avant tout les Allemands[95], et Roosevelt donnait la prioritĂ© au thĂ©Ăątre europĂ©en des opĂ©rations, comme le montre, par exemple la confĂ©rence Arcadia, et la guerre contre le Japon ne fut jamais sa prioritĂ© absolue.
Si Roosevelt et son entourage étaient conscients des risques de guerre provoqués par la politique de soutien au Royaume-Uni, à l'URSS et à la Chine, il n'y a pas d'indication qu'ils aient souhaité l'attaque de Pearl Harbor. Le désastre fut provoqué par la préparation minutieuse des Japonais, par une série de négligences locales et par des circonstances particuliÚrement défavorables aux Américains.
Enfin ils ne pouvaient pas ĂȘtre certains des rĂ©actions allemande et italienne. Ce furent Hitler et Mussolini qui par le jeu des alliances dĂ©clarĂšrent la guerre aux Etat-Unis quelques jours aprĂšs la dĂ©claration de guerre amĂ©ricaine au Japon et impliquĂšrent ainsi directement les Etats-Unis dans le conflit en Europe et en Afrique du Nord.
Notes et références
Notes
- Les Nakajima B5N2 Kate pouvait ĂȘtre employĂ©s aussi bien en tant que bombardiers en palier que comme bombardiers torpilleurs, selon qu'ils Ă©taient armĂ©s de bombes ou de torpilles.
- Il faut du temps aux avions pour parcourir la distance qui sépare la flotte japonaise de Pearl Harbor.
- Heure dâHawaĂŻ ; 3 h 23 le heure du Japon.
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Voir aussi
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Bibliographie en anglais
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Cinéma
- 1942 :
- 1943 :
- 1953 : Fred Zinnemann, Tant qu'il y aura des hommes.
- 1970 : Richard Fleischer, Tora! Tora! Tora!.
- 1978 : Stirling Silliphant, Pearl.
- 1979 : Steven Spielberg, 1941.
- 1980 : Don Taylor, Nimitz, retour vers l'enfer.
- 2001 : Michael Bay, Pearl Harbor.
- 2017 : Bille August, The Lost Soldier.
- 2019 : Roland Emmerich, Midway.
Télévision
- 2001 : Kevin Bachar, De la Réalité à la Fiction : Pearl Harbor.
- 2019 : Nick Mavroidakis, Pearl Harbor, épisode 4 de la série Les batailles mythiques de la Seconde Guerre mondiale.
- 2021 :
- Charles-Antoine de Rouvre, Quand Pearl Harbor changea le destin de la France.
- David Korn-Brzoza, Pearl Harbor, le monde s'embrase.
- Stan Griffin, Attack on Pearl Harbor: Minute by Minute.
- 2022 : Jérémie Schellart, L'Ombre d'un doute, épisode Pearl Harbor : un coup monté ?.
Articles connexes
- Lois des annĂ©es 1930 sur la neutralitĂ© (Ătats-Unis)
- Liste des cuirassés et croiseurs de bataille coulés pendant la Seconde Guerre mondiale
- Allée des cuirassés
- Bataille de l'atoll de Wake
- Bataille de Hong Kong
- Campagne de Malaisie
- Bataille de Singapour
- Bataille des Philippines
- Campagne de Birmanie
- Bombardement d'Ellwood
- Théùtre américain de la Seconde Guerre mondiale
- Raid de Doolittle
Liens externes
- L'attaque de Pearl Harbor sur le site secondeguerre.net
- (en) Dossier de la bataille sur le site du centre historique de l'US Navy
- (en) Attack on Pearl Harbor sur le site du National Geographic
- (en) The Pearl Harbor Attack sur le site du centre historique de l'US Army
- (en) Pearl Harbor : The day after, une série de témoignages stockée à la BibliothÚque du CongrÚs.
- (en) Pearl Harbor operations, documents sur les préparatifs de l'attaque japonaise.
- Notices dans des dictionnaires ou encyclopédies généralistes :