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Empire du Japon

L'empire du Japon (en japonais ć€§æ—„æœŹćžćœ‹ (kyĆ«jitai) / ć€§æ—„æœŹćžć›œ (shinjitai), prononcĂ© Dai Nippon Teikoku, littĂ©ralement « empire du Grand Japon ») est le rĂ©gime politique du Japon durant la pĂ©riode allant de l'Ăšre Meiji Ă  l'Ăšre Shƍwa et englobant la PremiĂšre Guerre mondiale et la Seconde Guerre mondiale.

Empire du Japon
ć€§æ—„æœŹćžćœ‹
Dai Nippon Teikoku

1868–1947

Drapeau
Drapeau officiel entre 1870 et 1885, de facto par la suite
Blason
EmblĂšme
Description de cette image, également commentée ci-aprÚs
L'empire du Japon à son apogée (1942)

En vert foncĂ© : territoire japonais (–).
En vert : acquisitions (–).
En vert clair : occupation et États satellites (–).
Informations générales
Statut Monarchie absolue de droit divin (–)
Monarchie constitutionnelle de droit divin (–)
Empire militariste et expansionniste (–)
Capitale Kyoto (–)
Tokyo (Ă  partir de 1869)
Langue(s) Japonais
Religion ShintoĂŻsme
Monnaie Yen [I 1]
DĂ©mographie
Population (c. 1935) 97 770 000
DensitĂ© (c. 1935) 144,8 hab./km2
Superficie
Superficie (c. 1935) 675 000 km2
  1. Le yen coréen était officiel en Corée depuis 1910 et le yen taïwanais à Taïwan depuis 1896.

AprĂšs deux siĂšcles et demi de shogunat, le Japon connaĂźt une rĂ©organisation politique et adopte sa premiĂšre constitution en 1889. Le pays se caractĂ©rise Ă©galement par une forte politique expansionniste et impĂ©rialiste, qui culmine durant la premiĂšre partie de l'Ăšre Shƍwa et la participation du pays au second conflit mondial aux cĂŽtĂ©s des puissances de l'Axe.

Par la rĂ©alisation du hakkƍ ichiu, un concept liĂ© au kokka shinto et pouvant se traduire par « la rĂ©union des huit coins du monde sous un mĂȘme toit », l'empereur Hirohito devient un symbole de l'Empire colonial du Japon.

AprĂšs la dĂ©faite du Japon en 1945 et l'adoption en 1947 de la nouvelle Constitution, le pays est dĂ©signĂ© officiellement sous le nom de Nippon ou Nihon, et parfois Nippon-koku ou Nihon-koku (æ—„æœŹć›œ, soit littĂ©ralement l’État du Japon) tout en conservant la monarchie en devenant une monarchie constitutionnelle.

Histoire politique

Restauration du pouvoir impérial

Photo noir et blanc d'un homme assis sur un fauteuil, en tenue impériale officielle, un sabre à la hanche, un bicorne posé sur une table à gauche.
L'empereur Meiji photographié par Uchida Kuichi en 1873.

La premiĂšre dĂ©claration de l'empereur en 1868 prĂ©sente une loi fondamentale, prĂ©lude Ă  une constitution, gage de libertĂ© d'expression, et indique qu'une lutte contre la hausse des prix va ĂȘtre entreprise. Une coalition instable est alors au pouvoir, composĂ©e du parti anti-shogunal et centrĂ©e sur les leaders du domaine de Satsuma et les nobles de la cour[1]. Le nouveau gouvernement rend aux Tokugawa leur fief — amputĂ© cependant des quatre cinquiĂšmes de son revenu — et le dĂ©but de l'Ăšre Meiji est proclamĂ© en . Un conseil honorifique est le premier organe de gouvernement de ce nouveau rĂ©gime, et celui-ci prend encore en compte les Ă©quilibres entre domaines ayant participĂ© au renversement de l'ancien rĂ©gime, et la noblesse de cour[2]. Plusieurs changements d'organisation ont lieu lors des mois suivants, ce qui permet Ă  des personnalitĂ©s comme ƌkubo Toshimichi et Iwakura Tomomi d'Ă©merger. Du au 26 dĂ©cembre sont publiĂ©es 34 ordonnances importantes, allant de la suppression des monnaies locales jusqu'Ă  l'interdiction de certains chĂątiments corporels[3]. Une rĂ©forme territoriale remplaçant les anciens domaines par des prĂ©fectures est menĂ©e Ă  bien au deuxiĂšme semestre 1869[4], avec comme consĂ©quence principale une plus grande centralisation de l'État. Un impĂŽt foncier est introduit en 1873 pour garantir une recette publique stable. De 1868 Ă  1875, de grandes rĂ©formes, d'inspiration occidentale et touchant l'Ă©ducation, l'armĂ©e et le systĂšme juridique, sont entreprises — des experts Ă©trangers sont engagĂ©s[5].

De 1876 Ă  1880, un travail portant sur la rĂ©daction d'une constitution nationale est rĂ©alisĂ© par un conseil des anciens[6], mais sans aboutir ; les personnes partisanes d'un modĂšle parlementariste anglais comme le ministre du TrĂ©sor, ƌkuma Shigenobu, sont Ă©cartĂ©s du pouvoir aprĂšs une crise politique en 1881, et le rĂ©gime s'oriente vers une monarchie laissant le pouvoir suprĂȘme Ă  l'empereur[7]. Ce n'est que le qu'une constitution est effectivement adoptĂ©e et fixe la rĂ©partition des pouvoirs[8].

Consolidation de l'empire et montée de l'impérialisme (1890 - 1914)

Les premiĂšres Ă©lections lĂ©gislatives de l'histoire du pays se tiennent en juillet 1890, et placent le JiyĆ«tƍ et le Rikken Kaishintƍ en tĂȘte de la reprĂ©sentation nationale, rassemblant Ă  eux deux 170 des 300 siĂšges de la chambre des reprĂ©sentants. Cette chambre s'oppose rĂ©guliĂšrement aux membres du gouvernement, nommĂ©s par l'empereur, dans le but d'obtenir plus de pouvoir pour leur assemblĂ©e. L'obstruction passe notamment par le refus de vote du budget tel que prĂ©sentĂ© par le gouvernement plusieurs annĂ©es de suite. Le dĂ©clenchement de la guerre sino-japonaise en CorĂ©e en 1894 met fin provisoirement Ă  cette opposition. En , la contestation par les puissances occidentales de certains points du traitĂ© de Shimonoseki mettant fin Ă  la guerre est utilisĂ©e par les dirigeants du JiyĆ«tƍ pour nĂ©gocier pour la premiĂšre fois l'entrĂ©e de plusieurs de ses membres au sein du gouvernement[9].

Ce fonctionnement gouvernemental s'impose par la suite et, lors de la dĂ©cennie suivante, de 1901 Ă  1913, Katsura Tarƍ et Saionji Kinmochi occupent de façon alternĂ©e le poste de Premier ministre. En 1913, un an aprĂšs le dĂ©cĂšs de l'empereur Meiji, la crise politique Taishƍ met fin Ă  cette rĂ©partition du pouvoir et ouvre l'Ă©poque de la dĂ©mocratie Taishƍ[10]. En outre, de 1900 Ă  1920, s'opĂšre un recul des factions politiques liĂ©es aux anciens clans du Sud-Ouest, Ă  la bureaucratie et aux hauts fonctionnaires. Cet affaiblissement profite aux diplĂŽmĂ©s de plusieurs universitĂ©s qui s'imposent dans certains secteurs : la haute fonction publique, la magistrature, et les banques accueillent ceux de l'universitĂ© impĂ©riale de Tokyo, le monde de la presse et celui des affaires ceux de l'universitĂ© Waseda, et la mĂ©decine ceux de l'universitĂ© Keiƍ[11].

Nishiki-e de propagande montrant la victoire japonaise lors de la guerre contre la Russie en 1904-1905.

La poussĂ©e coloniale des puissances europĂ©ennes reprend dans les annĂ©es 1880 : les Britanniques colonisent la Birmanie en 1886, les Français l'Indochine de 1884 Ă  1893, les AmĂ©ricains HawaĂŻ en 1898[12]. La CorĂ©e devient un enjeu stratĂ©gique pour certains hommes politiques japonais Ă  partir de 1890, et est l'objet d'une guerre contre la Chine en 1894-1895, puis d'une guerre contre la Russie en 1904-1905 — cette derniĂšre concerne aussi le contrĂŽle de la Mandchourie. Victorieux dans les deux cas, le Japon impĂ©rial renforce sa position sur l'Ă©chiquier international et agrandit son territoire : TaĂŻwan est transformĂ©e en colonie en 1905, le Liaodong et la moitiĂ© sud de Sakhaline sont acquis en 1905, et en 1910 la CorĂ©e devient une colonie japonaise[13]. La superficie du pays s’accroĂźt ainsi de 77 % entre 1894 et 1910[14]. En 1902, pour la premiĂšre fois, un traitĂ© dĂ©fensif est signĂ© entre le Japon et une puissance occidentale (les Britanniques)[15], et, en 1905, le Japon bat militairement une puissance occidentale (la Russie lors de la bataille de Tsushima)[16]. La modernisation du Japon devient un exemple Ă  suivre en Asie ; le pays attire des Ă©tudiants chinois et corĂ©ens[17]. La situation se retourne cependant dĂšs 1905, avec l'essor de l'impĂ©rialisme japonais en CorĂ©e. Les relations entre les deux pays se tendent jusqu'Ă  la colonisation de ce dernier[18].

Dans les années qui suivent, le Japon, qui a participé à la coalition militaire contre les Boxers et obtenu diverses concessions en Chine, continue d'y accroßtre son influence : pendant la PremiÚre Guerre mondiale, le pays se range au cÎté des Alliés dans le but d'affirmer son rÎle international et envahit la concession allemande dans le Shandong. En janvier 1915, le gouvernement de l'empire du Japon présente à celui de la république de Chine la liste dite des Vingt et une demandes qui vise rien moins qu'à mettre sous tutelle une partie de l'économie chinoise, notamment en confirmant les droits du Japon sur le Shandong qu'il occupe depuis quelques mois[19]. Lors de la conférence de paix de 1919, le Japon obtient que le traité de Versailles satisfasse ses revendications sur le Shandong, ce qui conduit le gouvernement chinois à refuser de signer le texte[20] et provoque en Chine un regain d'agitation nationaliste anti-japonaise[19].

Essor et chute de l'empire, de la dĂ©mocratie de Taishƍ au militarisme (1914 - 1945)

AprĂšs la crise politique Taishƍ de 1913 commence une pĂ©riode d'une quinzaine d'annĂ©es pendant laquelle se renouvelle la culture parlementaire, avec Ă  la clef une ouverture dĂ©mocratique. La montĂ©e en puissance des classes moyennes et du milieu ouvrier favorise l'Ă©closion de discours critiques sur l'autoritarisme de l'État[21]. Une presse libĂ©rale s'Ă©panouit et exprime une certaine sympathie envers les revendications chinoises et corĂ©ennes lorsque ces pays subissent la rĂ©pression de l'armĂ©e japonaise. Le suffrage universel masculin est Ă©largi en 1925 Ă  tout homme de plus de 25 ans[22]. Cependant la mĂȘme annĂ©e est votĂ©e une loi visant Ă  stopper la montĂ©e de l'extrĂȘme gauche[23] qui compte huit Ă©lus au parlement en 1928, Ă  l'issue de la premiĂšre Ă©lection au suffrage universel. Une police politique est mise en place dans chaque prĂ©fecture, et certaines activitĂ©s politiques deviennent passibles de la peine de mort. Ceci n'empĂȘche pas le mouvement ouvrier d'organiser plusieurs milliers de grĂšves dans l'industrie en 1931[24].

Photo noir et blanc d'une page d'un journal. Un texte et quatre photos.
Article du journal Tokyo Asahi Shimbun sur l'incident du 15 mai 1932, qui aboutit Ă  l'assassinat du premier ministre Inukai Tsuyoshi.

La crise Ă©conomique de 1929 et la montĂ©e des tensions internationales dans les annĂ©es 1930 mettent cependant ce systĂšme politique sous pression[23]. L'entretien d'une armĂ©e importante devient un lourd fardeau alors que la situation Ă©conomique s'aggrave. La montĂ©e du communisme aux frontiĂšres du pays fait peur Ă  la classe moyenne, et les conservateurs sont perçus comme Ă©tant trop proches des conglomĂ©rats industriels pour apparaĂźtre comme une alternative possible. L'armĂ©e a contrario continue d'ĂȘtre perçue comme le moyen d'une ascension sociale, et son discours impĂ©rialiste est jugĂ© crĂ©dible par certains pour faire face aux difficultĂ©s Ă©conomiques[25]. Dans ce contexte, un courant nationaliste radical, dont les tenants sont souvent issus des rangs de l'armĂ©e, fait son chemin en s'opposant au milieu politique en place, qu'il juge trop faible. Ce courant met en place une « stratĂ©gie de la tension », et plusieurs coups d'État sont prĂ©parĂ©s en 1931. Le , une tentative de putsch conduit Ă  l'assassinat du premier ministre Inukai Tsuyoshi. Son remplacement par un militaire met fin au rĂ©gime des partis existant depuis 1918[26]. Ce nouveau pouvoir nationaliste est traversĂ© par deux tendances : la faction du contrĂŽle se compose de militaires alliĂ©s Ă  la bureaucratie, souhaitant orienter l'État vers une Ă©conomie de guerre en augmentant les dĂ©penses militaires, et la faction de la voie impĂ©riale, plus radicale, visant Ă  mettre fin Ă  la domination des partis politiques et des conglomĂ©rats industriels sur le pays. Cette derniĂšre faction est Ă  l'origine, le , d'une nouvelle tentative de coup d'État pendant laquelle plusieurs ministres sont assassinĂ©s. La partie de l'armĂ©e restĂ©e loyale au pouvoir tire avantage de l'Ă©chec de l'opĂ©ration en imposant ses vues au sommet de l'État. Elle engage plus encore le pays dans la voie de la guerre, notamment en poussant Ă  l'alliance avec l'Allemagne hitlĂ©rienne[27], avec laquelle le Japon signe en novembre 1936 le pacte anti-Komintern. La justice parvient quant Ă  elle Ă  conserver une certaine indĂ©pendance vis-Ă -vis du pouvoir militaire, y compris au plus fort de la Seconde Guerre mondiale[28], mais la presse subit une importante censure, et les opposants au rĂ©gime comme les libĂ©raux, les socialistes, les journalistes ou les professeurs d'universitĂ© sont intimidĂ©s ou arrĂȘtĂ©s[29].

Sur le plan de la politique internationale, la situation se calme dans les annĂ©es 1920. Les traitĂ©s de Versailles puis de Washington ont stabilisĂ© la situation. L'agitation anti-japonaise en CorĂ©e persiste, mais sans possibilitĂ© de s'Ă©tendre. Le nouveau rĂ©gime chinois se focalise sur son combat contre les seigneurs de guerre et le parti communiste[24]. Les choses changent lorsqu'au dĂ©but des annĂ©es 1930 un gouvernement liĂ© aux militaires est instaurĂ© au Japon. Celui-ci met en place l'État fantoche du Mandchoukouo, puis quitte la SociĂ©tĂ© des Nations en 1933[27]. L'invasion de la Mandchourie en 1931 est le point de dĂ©part d'une guerre de quinze ans dont le thĂ©Ăątre d'opĂ©ration va s'Ă©largir au reste de la Chine Ă  partir de , puis au Pacifique et Ă  tout l'ExtrĂȘme-Orient Ă  partir de 1941[30].

Le Japon en guerre et la fin de l'Empire

Carte de l'Asie et de l'Océanie, montrant en rouge le Japon et les territoires conquis par celui-ci en Asie de l'Est et en Asie du Sud-Est.
Extension maximale de l'Empire japonais et de la SphÚre de coprospérité.

Le Japon, qui n'a cessĂ© de pousser ses pions en Chine en y soutenant notamment des seigneurs de la guerre, prend pied en Mandchourie en 1931 Ă  la faveur d'un sabotage de ligne de chemin de fer provoquĂ©e par des militaires japonais. Le but est alors de former une « zone de sĂ©curitĂ© intĂ©rieure » pour protĂ©ger ses possessions corĂ©ennes[31] tout en ayant accĂšs Ă  des terres agraires, et Ă  des ressources comme le fer et le charbon. Un État fantoche, le Mandchoukouo, est crĂ©Ă© en 1932 et dirigĂ© de facto par les Japonais[32]. En janvier de la mĂȘme annĂ©e, les troupes japonaises s'installent Ă  Shanghai Ă  la suite d'un incident planifiĂ© par l'armĂ©e. Le gouvernement nippon offre par ailleurs des facilitĂ©s financiĂšres aux fermiers japonais voulant s'Ă©tablir dans la rĂ©gion, et environ un million d'entre eux viennent s'y installer dans les annĂ©es 1930[33].

Photographie en noir et blanc d'un homme agenouillĂ© au premier plan, le cou et les Ă©paules dĂ©nudĂ©s. En arriĂšre-plan un homme portant un uniforme s'apprĂȘte Ă  porter un coup de sabre sous le regard de trois autres personnes.
Les troupes japonaises massacrent environ 200 000 Chinois lors du massacre de Nankin.

Une nouvelle phase d'expansion en Chine commence en lorsque la guerre sino-japonaise Ă©clate. Attaquant au nord, et Ă  partir de Shanghai, les troupes nippones se heurtent Ă  celles de Tchang KaĂŻ-chek. Nankin, la capitale du rĂ©gime nationaliste chinois, est prise le , ce qui donne lieu Ă  des massacres de populations pendant lesquels environ 200 000 personnes sont tuĂ©es[34]. Au Japon, le conflit n'est pas soutenu par la population, et la censure dissimule au public la violence des combats[35]. Le rĂ©gime accentue sa rĂ©pression contre les opposants (socialistes, syndicalistes...), notamment de Ă  [29]. Le conflit s'enlise dĂšs le printemps 1938, alors que les Chinois continuent de rĂ©sister[36].

Face Ă  l'enlisement du conflit en Chine dĂšs 1938, les militaires japonais envisagent deux options. Par idĂ©ologie anti-communiste, certains chefs militaires favorisent une « option nord », qui consisterait Ă  attaquer l'URSS de façon Ă  sĂ©curiser leurs possessions au nord. D'autres, tenants d'une « option sud », souhaitent couper les voies d'approvisionnement des nationalistes chinois, et s'en prendre aux colonies europĂ©ennes (Indochine française, Birmanie britannique, Indes orientales nĂ©erlandaises...). Les tenants de la premiĂšre option ont d'abord gain de cause, et une premiĂšre sĂ©rie d'escarmouches oppose troupes japonaises et soviĂ©tiques Ă  l'Ă©tĂ© 1938. L'annĂ©e suivante, les troupes soviĂ©tiques surclassent les forces japonaises Ă  la bataille de Khalkhin Gol[37]. La signature du Pacte germano-soviĂ©tique le les ayant apparemment privĂ©s du soutien potentiel de l'Allemagne nazie, les Japonais renoncent dĂšs l'automne de la mĂȘme annĂ©e Ă  attaquer de nouveau l'URSS. Un pacte de non-agression entre les deux pays est finalement signĂ© le . Les victoires allemandes en Europe de l'Ouest, qui entraĂźnent un affaiblissement des puissances coloniales europĂ©ennes en Asie, ouvrent la voie en 1940 Ă  la rĂ©alisation de l'« option sud »[38]. Le Tonkin est envahi en septembre 1940. Le Pacte tripartite est signĂ© le mĂȘme mois entre le Japon, l'Allemagne, et l'Italie, scellant l'Axe Rome-Berlin-Tokyo. Ces dĂ©veloppements sont perçus nĂ©gativement par les États-Unis qui restreignent leurs exportations de fer et de pĂ©trole vers le Japon[39]. Les troupes japonaises prennent pied dans le Sud de l'Indochine française en , ce qui place leur aviation Ă  portĂ©e des possessions anglaises (Malaisie) et amĂ©ricaine (Philippines). En reprĂ©sailles, les États-Unis dĂ©crĂštent un embargo total vis-Ă -vis du pĂ©trole exportĂ© vers le Japon. Or, ce dernier a besoin de carburant pour mener sa guerre contre la rĂ©publique de Chine. Dans l'espoir de ramener les AmĂ©ricains Ă  la table des nĂ©gociations, une guerre maritime Ă©clair contre eux est envisagĂ©e par les militaires japonais[40].

Photo noir et blanc d'un champignon atomique.
Explosion atomique à Nagasaki, le 9 août 1945.

La guerre du Pacifique commence le [n 1] lorsque les troupes japonaises attaquent simultanĂ©ment les Britanniques en Malaisie et les AmĂ©ricains Ă  Pearl Harbor. Le conflit menĂ© en Asie par le Japon devient alors partie intĂ©grante de la Seconde Guerre mondiale. Les troupes nippones, qui envahissent dans la foulĂ©e les Philippines, Hong Kong, Guam, les Indes orientales nĂ©erlandaises, puis la Birmanie, progressent rapidement lors des mois suivants en remportant victoire sur victoire[41]. DĂšs la mi-1942 cependant, leur progression est stoppĂ©e, et l'armĂ©e japonaise subit ses premiers revers, comme Ă  Midway, en juin[42]. À partir de la fin de la bataille de Guadalcanal en , les Japonais sont contraints Ă  mener une guerre dĂ©fensive contre les AlliĂ©s[43]. La prise de Saipan en place le Japon Ă  portĂ©e des bombardiers amĂ©ricains[44]. Un peu moins d'un demi-million de civils japonais seront victimes de ceux-ci au cours des attaques aĂ©riennes amĂ©ricaines au-dessus de l'archipel[45]. L'Ăźle d'Okinawa est conquise par les AmĂ©ricains entre avril et , mais ceux-ci enregistrent de lourdes pertes[46]. Alors qu'un plan d'invasion du Japon est mis au point par les AmĂ©ricains, la dĂ©cision est finalement prise d'utiliser l'arme nuclĂ©aire nouvellement dĂ©veloppĂ©e pour contraindre le pays Ă  la reddition. Hiroshima est bombardĂ©e le 6 aoĂ»t, et Nagasaki le 9 aoĂ»t[47]. Les SoviĂ©tiques envahissent la Mandchourie, au cours d'une offensive qui coĂ»te Ă©galement au Japon sa colonie corĂ©enne, le Nord de Sakhaline et les Îles Kouriles. Militairement dĂ©fait, le pays sort exsangue du conflit : quelque 2,7 millions de Japonais ont pĂ©ri[48], 42 % du tissu industriel urbain sont anĂ©antis, et la moitiĂ© de la surface des grandes villes est en ruine[49].

L'occupation américaine et la démocratisation du pays

Le , l'empereur Hirohito annonce lors d'une allocution radiophonique la capitulation du pays[50]. Le 17, le prince Naruhiko Higashikuni est chargĂ© de former un gouvernement transitoire afin de gĂ©rer le pays en attendant l'arrivĂ©e des troupes alliĂ©es. Le 2 septembre, Hirohito signe la reddition du pays et des troupes japonaises Ă  bord du cuirassĂ© USS Missouri, et le 8, Douglas MacArthur qui est responsable de l'administration de l'occupation amĂ©ricaine installe son administration Ă  Tokyo, face au palais impĂ©rial. Environ 400 000 soldats amĂ©ricains dĂ©barquent dans le pays jusqu'Ă  la fin du mois d'octobre de la mĂȘme annĂ©e[51]. DĂšs le 19 septembre, 40 hauts cadres de l'armĂ©e dont Hideki Tƍjƍ sont arrĂȘtĂ©s, et le 4 octobre, l'occupant se porte garant des libertĂ©s civiles des Japonais[52] : prĂšs de 2 500 prisonniers politiques sont libĂ©rĂ©s, le droit de vote est accordĂ© aux femmes, son Ăąge lĂ©gal est fixĂ© Ă  vingt ans ; la libertĂ© syndicale est rĂ©instaurĂ©e, et dĂšs la fin de l'annĂ©e 400 000 personnes sont adhĂ©rentes d'un syndicat[53]. Le systĂšme Ă©ducatif commence Ă  ĂȘtre rĂ©formĂ© dĂšs l'automne 1945[54], et en 1948 le Rescrit impĂ©rial sur l'Ă©ducation est aboli[55].

Photo noir et blanc de trois rangeés de pupitres d'un parlement devant lesquels sont assises des femmes.
Les premiÚres femmes sont élues au parlement lors des élections législatives japonaises de 1946.

Un nouveau systĂšme politique se met en place. Alors que la question de son abdication et celle de son inculpation se posent, l'empereur Hirohito annonce au qu'il renonce Ă  sa nature de « divinitĂ© Ă  forme humaine »[53]. Les lĂ©gislatives organisĂ©es en avril 1946 dĂ©bouchent sur un renouvellement profond de la reprĂ©sentation nationale[56]. Une nouvelle constitution est annoncĂ©e en , votĂ©e le 3 novembre, et entre en vigueur le : si l'empereur garde une place symbolique, le parlement dĂ©tient l'essentiel du pouvoir, et les droits de l'homme sont garantis. Son article 9 proclame le renoncement du Japon Ă  la guerre[57]. DĂ©but 1946, environ 200 000 personnes sont dĂ©clarĂ©es inĂ©ligibles par l'occupant en raison de leurs liens avec le rĂ©gime prĂ©cĂ©dent[56]. Les procĂšs de Tokyo jugent de Ă  les anciens responsables du rĂ©gime[57] ; sur 50 000 inculpĂ©s, 10 % sont condamnĂ©s, dont 984 Ă  des peines capitales. À l'occasion de ces procĂšs, l'opinion publique japonaise prend connaissance des crimes commis par son armĂ©e, comme Ă  Nankin ou Ă  Bataan[58]. Les grands conglomĂ©rats que sont les Zaibatsu comme Mitsui ou Sumitomo sont dissous en , et fin 1946, une rĂ©forme agraire permet Ă  80 % des paysans d'accĂ©der Ă  la propriĂ©tĂ©[54].

Photo noir et blanc d'un homme en costume sombre, assis devant une table blanche, un stylo Ă  la main. Six hommes en costume sombres se tiennent debout derriĂšre lui.
Le traité de San Francisco est signé par Shigeru Yoshida pour le Japon le et met fin à la période de l'occupation.

C'est dans un climat international tendu, que s'ouvrent les nĂ©gociations du traitĂ© de paix. MalgrĂ© l'opposition de gauche qui tente d'obtenir la neutralitĂ© du pays, et la droite conservatrice de Hatoyama et Kishi qui envisage de reconstituer une armĂ©e sitĂŽt l'indĂ©pendance recouvrĂ©e, le premier ministre Yoshida accepte les conditions amĂ©ricaines qui prĂ©voient l'instauration de bases militaires permanentes dans le pays[59]. Le , 49 Ă‰tats ratifient par Ă©crit le traitĂ© de paix avec le Japon[60].

Économie

PremiÚre initiatives étatiques au début de l'Úre Meiji

L'industrie est modernisĂ©e en ayant recours au modĂšle des manufactures d'État. Des usines sont crĂ©es ex-nihilo grĂące Ă  du matĂ©riel achetĂ© Ă  crĂ©dit Ă  l'Ă©tranger, et des usines plus anciennes crĂ©es par des daimyƍ ou l'administration shogunale sont reprises par l’État[61]. Le dĂ©veloppement de Hokkaidƍ est aussi dĂ©cidĂ©. Les Ă©volutions sociales rapides sont cependant Ă  l'origine de rĂ©voltes parmi les samouraĂŻs, comme en 1874 Ă  Saga, et en 1877 Ă  Satsuma qui font peser sur l'État de nouvelles dĂ©penses[62]. Pour faire face aux dĂ©ficits budgĂ©taires causĂ©s par de nombreuses dĂ©penses, l'Ă©tat et les banques ont recours Ă  de nombreuses Ă©missions de monnaies, ce qui fait plonger la valeur des billets en circulation face aux piĂšces d'argents. En 1880 les billets se voient imposer un cours forcĂ©, et la mĂȘme annĂ©e un frein est donnĂ© aux dĂ©penses visant au dĂ©veloppement industriel[7]. Cette crise monĂ©taire fait passer le pays en dĂ©pression de 1881 Ă  1886, que le ministre des fiances Matsukata Masayoshi doit affronter. Les dĂ©penses de l'État sont rĂ©duite, et plusieurs impĂŽts instaurĂ©s, dont l'impĂŽt sur le revenu en 1887. La Banque du Japon est crĂ©Ă©e en 1882, ce qui permet d'assurer la conversion des billets Ă©mis auparavant en piĂšces d'argent, et ainsi d'assainir la situation financiĂšre[63].

Les entreprises crĂ©Ă©es par l'État au dĂ©but de l'Ăšre Meiji sont privatisĂ©es dix ans aprĂšs leurs crĂ©ation, ce qui permet au gouvernement de dĂ©gager des liquiditĂ©s Des conglomĂ©rats comme Mitsubishi ou Mitsui se renforcent par ce biais, le plus souvent Ă  trĂšs bon compte[64]. Ces entreprises nationales crĂ©es dans les annĂ©es 1870 concentrent leurs activitĂ© dans le domaine de la construction navale, les arsenaux, les mines. Des initiatives sont aussi prises par l’État pour construire des usines produisant du ciment, de verre, et des lainages[65].

La production agricole connait quelques gains entre les annĂ©es 1860 et les annĂ©es 1890. Bien que la population augmente de prĂšs d'un tiers sur la pĂ©riode, le pays reste exportateurs de produits agricoles. La surface cultivĂ©e augmente de prĂšs de 100 000 hectares de riziĂšres, et de 80 000 hectares de terres agricoles sĂšches, la moitiĂ© de cette derniĂšre surface grĂące Ă  la mise en valeur de Hokkaidƍ. L'amĂ©lioration des transports et le dĂ©ploiement d'entrepĂŽts plus moderne permet aussi de rĂ©duire les pertes alimentaires[66].

La production miniĂšre est rapidement vue comme une prioritĂ© de maniĂšre Ă  permettre d'alimenter des nouvelles usines. Sous l'impulsion de personnalitĂ©s comme Inoue Kaoru, l'Ă©tat fait l'acquisition de mines de maniĂšre Ă  les moderniser. Des Ă©coles dans lesquelles des conseillers Ă©trangers sont employĂ©es ouvrent pour former les mineurs. L'usage d'outils modernes comme des pompes Ă  vapeurs ou des explosifs se dĂ©veloppe. La production de charbon passe ainsi de 400 000 tonnes dans les annĂ©es 1860 Ă  2 600 000 tonnes en 1890. La production de cuivre passe elle de 1 000 tonnes Ă  29 400 tonnes entre 1860 et 1900[67].

Des infrastructures modernes commencent Ă  ĂȘtre dĂ©ployĂ©es Ă  l'Ă©chelle du pays. Plus de 3 000 km de lignes de chemin de fer sont construites en 1895, la plupart Ă  l'initiative d'investisseurs privĂ©s. À la mĂȘme date 6 000 km de lignes tĂ©lĂ©graphiques parcourt le pays. Le pays dĂ©veloppe aussi une marine marchande Ă  partir des annĂ©es 1870, et qui permet aux japonais de contrĂŽler 14 % des flux rentrants dans les ports du pays[67].

Le pays continue d'ĂȘtre dĂ©pendant de l'occident pour plusieurs de ses importations, comme des machines-outils, de l'acier, des l'Ă©quipement militaire. Le pays importe aussi de grandes quantitĂ© de balles de coton pour ses usines de tissu. Le Japon exporte ensuite ces cotonnades qui reprĂ©sentent 42 % de toutes ses exportations au dĂ©but des annĂ©es 1890[65].

Forte croissance dans la seconde moitié de l'Úre Meiji

L'Ă©conomie japonaise connait une phase de forte croissance dans la seconde moitiĂ© du l'Ăšre Meiji. Le revenu national brut connait une croissance de 4% en moyenne par an entre 1880 et 1914. Cette tendance est d'autant plus forte entre 1895 et 1905, la production industrielle doublant lors de cette pĂ©riode. Le secteur textile reprĂ©sente une part importante de cette production, et joue un rĂŽle de moteur pour le reste du secteur industriel. 67 % des ouvriers y travaillent en 1900, et la production du pays Ă©tant Ă  la quatriĂšme place mondiale en 1913[14]. L'industrie lourde bĂ©nĂ©ficie du dĂ©clenchement de la guerre russo-japonaise en 1904, mais aussi de l'essor des chemins de fer dans la pays. La production passe de 7 000 tonnes d'acier en 1901 Ă  70 000 tonnes d'acier en 1906 Ă  500 000 tonnes en 1919[68]. La part des actifs travaillant pour l'industrie passe de 6% en 1880 Ă  20% en 1920[14]. En 1918, c'est la part de la production industrielle qui dĂ©passe la part de la production agricole dans le revenu national brut[68].

La hausse de la production se fait souvent au dĂ©triment des travailleurs des diffĂ©rents secteurs. Dans l'agriculture, prĂšs de la moitiĂ© des terres sont exploitĂ©es par des fermiers qui ne possĂšde pas la terre, et qui doivent reverser parfois prĂšs de 60 % Ă  leurs propriĂ©taires. Dans le secteur textile oĂč la mains d’Ɠuvre est principalement fĂ©minine, les salaires sont particuliĂšrement bas, et les conditions de travail et d'hĂ©bergement le plus souvent insalubre[69]. Les conditions ne sont guĂšre diffĂ©rentes dans le secteur minier, et des sites comme les mine de cuivre d'Ashio jouissent d'une trĂšs mauvaise rĂ©putation. Face Ă  ces conditions de travail, le recrutement devient de plus en plus difficile, alors que les besoins de production augmentent. De nombreux ouvriers n'hĂ©sitent pas Ă  fuir dans les grands centres urbains, ou mĂȘme Ă  l'Ă©tranger au BrĂ©sil ou Ă  Hawaii[70].

Un mouvement ouvrier se constitue Ă  la mĂȘme Ă©poque, rĂ©clamant la mise en Ɠuvre d'un droit du travail, et une amĂ©lioration des rĂ©munĂ©rations et des conditions de travail. Des grĂšves Ă©clatent dans le secteur de la mĂ©tallurgie (1897) et des chemins de fer (1898), et un premier syndicat clandestin est crĂ©Ă© en 1898 dans le secteur de l'imprimerie[70]. La rĂ©ponse des autoritĂ©s est initialement violente. Des lois sont passĂ©es en 1900 pour restreindre les possibilitĂ© de manifester et de se regrouper, et l'armĂ©e et les Yakuza sont rĂ©guliĂšrement utilisĂ©s pour rĂ©primer les grĂšves. La situation se tend en particulier aprĂšs l'Incident de haute trahison en 1911 qui voit une douzaine d'anarchistes tenter d'assassiner l'empereur[71]. Ce n'est qu'Ă  partir de 1916 qu'une lĂ©gislation du travail est appliquĂ©e (votĂ©e en 1912). Celle-ci met l'accent sur les conditions de travail plus que sur les salaires, et vise par ce biais Ă  dĂ©velopper par ce biais la fidĂ©litĂ© de l'ouvrier envers son employeur, dans une optique confucĂ©enne[72]. On fixe alors Ă  12 ans l'Ăąge minimum pour travailler, et Ă  12 heures la durĂ©e maximale du travail journalier pour les femmes et les enfants[73].

Des crises de l'ùre Taishƍ à la crise de 1929

Le Japon bénéficie économiquement de la PremiÚre Guerre mondiale, en fournissant du matériel aux alliés, notamment des bateaux (le chiffre d'affaires des constructeurs est multiplié par dix entre 1914 et 1919), mais aussi en captant de nouveaux marchés internationaux jusqu'à là dominés par les occidentaux (fournitures de cotonnades en Chine et en Inde notamment). Le produit national brut augmente ainsi globalement de 20 % entre 1917 et 1920[74]. La balance commerciale du pays devient momentanément bénéficiÚre ; elle passe ainsi d'un déficit d'un milliards de yens en 1913 à un excédent de deux milliards de yens en 1920. SitÎt le choc du conflit absorbé par les puissance occidentales, la balance commerciale du Japon redevient déficitaire[75], et un certain marasme consécutif à dépression de 1920-1921 s'installe. Les prix de certaines denrées comme le riz, les cotons, et la soie s'effondrent sur les marchés, ce qui entraine des faillites, et fragilise les zaibatsu les plus petits comme Furukawa Group (en). Lorsque la situation économique japonaise se stabilise en 1922, plusieurs incidents financiers éclatent, comme la faillite d'une douzaine de banques locales et la ruine du spéculateur Sadashichi Ishii (ja), ce qui prolonge une certaine tension sur les marchés[76].

Cet essor rapide pendant la PremiĂšre Guerre mondiale se fait cependant au dĂ©triment de la population. L'inflation augmente rapidement les prix des produits alimentaires, comme le riz qui double pendant l'Ă©tĂ© 1918, ce qui est Ă  l'origine de quelques 497 Ă©meutes du riz dans tout le pays[77]. Cette agitation qui mobilise jusqu'Ă  un million de personne dynamise les premiers syndicats japonais d'ampleur nationale, qui ont commencĂ© Ă  se structurer dans la clandestinitĂ© dĂšs 1916 ; un premier congrĂšs national de ces syndicats est organisĂ©s en , qui relait divers revendications, de la reconnaissance officielle des syndicats jusqu'Ă  la journĂ©e de 8 heures[21]. Un premier syndicat ouvrier officiel est ainsi crĂ©Ă© en 1922, la fĂ©dĂ©ration gĂ©nĂ©rale des travailleurs japonais (ja) (ou Sƍdƍmei), alors que le mouvement ouvrier commence Ă  ĂȘtre parcouru pour une division entre rĂ©formistes et rĂ©volutionnaires. Un syndicat de fermiers est constituĂ© lui aussi en 1922 alors que les conflits entre propriĂ©taires et fermiers se multiplient[78].

Le sĂ©isme du Kantƍ de 1923 qui ravage Tokyo plonge le pays dans la crise Ă©conomique. Pour financer la reconstruction, des « bons d'obligation du sĂ©isme » sont Ă©mis par la banque du Japon[79]. La chute des exportations provoquĂ©es par ces destructions conjuguĂ©es Ă  la hausse des importations rendues nĂ©cessaires pour assurer la reconstruction de la capitale provoque une chute du taux de change de la monnaie. Lorsque le gouvernement doit emprunter sur les marchĂ©s Ă©trangers en 1924, les taux d'intĂ©rĂȘts nĂ©gociĂ©s auprĂšs de banques amĂ©ricaines et britanniques sont trĂšs importants[80]. Le remboursement de ceux-ci provoque indirectement en 1927 la faillite d'une banque de Kƍbe, dont l'effondrement va provoquer la faillite d'une quarantaine de banques rĂ©gionales[79] et de trois banques majeures, ainsi que la chute du gouvernement Wakatsuki. Une panique bancaire gagne alors le pays (prĂšs de 11 % de tous les dĂ©pĂŽts sont retirĂ©s), et le gouvernement doit imposer un moratoire des paiement pendant 20 jours. L'Ă©clatement de cette crise financiĂšre Shƍwa va marquer durablement le pays et affaiblir ses finances juste aprĂšs l'Ă©clatement de la crise mondiale de 1929[81]. Une loi sur les banques est passĂ©e en 1927 qui contraint les banques les plus petites Ă  fusionner, leur nombre passe ainsi de 1 575 en 1926 Ă  651 en 1932. Si de nombreuses petites entreprises sont affaiblies ou pĂ©riclitent, les plus gros zaibatsu comme Mitsubishi, Mitsui, Sumitomo et Yasuda en profite pour se lancer de nombreuses acquisitions et sont alors au sommet de leurs influences[82].

Pendant cette pĂ©riode les gouvernements successifs se montrent assez souvent interventionnistes et protectionnistes . Ainsi lorsque des entreprises textiles se constituent en cartels en 1920 pour racheter et dĂ©truite les invendus de maniĂšre Ă  stabiliser les prix, le gouvernement consent Ă  des prĂȘts Ă  trĂšs faible intĂ©rĂȘt. Le gouvernement intervient directement sur le marchĂ© du riz en 1921 en achetant et vendant des grandes quantitĂ©s de la production pour stabiliser le marchĂ©. Le parti Rikken SeiyĆ«kai qui est au pouvoir de 1918 Ă  1922 va de plus lancer une vague d'investissements dans les infrastructures dans les rĂ©gions pĂ©riphĂ©riques du pays, sous l'impulsion du ministre des finances Takahashi Korekiyo, ce qui lui permet d'y renforcer son poids politique. Lorsque le parti d'opposition Kenseikai arrive au pouvoir en 1924, cette politique d'investissement dans les rĂ©gions est maintenue, bien que le parti fait alors la promotion de l'Ă©quilibre des dĂ©penses[83]. Ces investissements permettent de faire Ă©merger de grande rĂ©gions d'industries lourdes entre Tokyo et Yokohama et entre ƌsaka et Kƍbe, bĂ©nĂ©ficiant notamment de la gĂ©nĂ©ralisation de la fourniture d'Ă©lectricitĂ© (aciĂ©ries, productions d'engrais...)[84]. En 1935, 89 % des foyers japonais ont ainsi accĂšs Ă  l'Ă©lectricitĂ©, contre 68 % des foyers amĂ©ricains, et 44 des foyers britanniques[85].

Des crises de 1929 et 1930 Ă  la reprise Ă©conomique

La convertibilitĂ© du yen en or, abandonnĂ©e lors de la PremiĂšre Guerre mondiale, fait l'objet de plusieurs tentatives infructueuses de rĂ©instauration lors des annĂ©es 1920. Les nombreuses maisons de nĂ©goce en particulier font pression sur les gouvernements successifs dans ce sens, un yen fort leur permettant d'acheter Ă  moindre coĂ»t Ă  l'Ă©tranger[86]. Les consĂ©quences du krach de 1929 sont encore mal identifiĂ©es, et le ministre de l'Ă©conomie Junnosuke Inoue prend la dĂ©cision de rĂ©instaurer la convertibilitĂ© du yen en or en . L'Ă©conomie japonaise doit alors faire face Ă  un double choc Ă  partir de 1930 : perte de compĂ©titivitĂ© de ses industries en raison de sa monnaie, et perte de dĂ©bouchĂ©s en raison de la dĂ©pression Ă©conomique qui touche plusieurs de ses marchĂ©s extĂ©rieurs. L'industrie miniĂšre licencie jusqu'Ă  40 % des mineurs, et dans l'industrie textile des baisses de salaire pouvant atteindre les 40 % provoquent de nombreuses grĂšves[87]. La production agricole enregistre aussi des baisses des prix de vente importantes : jusqu'Ă  66 % pour le coton, et jusqu'Ă  50 % pour le riz[88]. Pour faire face Ă  cette double crise, le gouvernement opte pour laisser l'industrie se rĂ©guler d'elle-mĂȘme ; des cartels se forment alors pour rĂ©duire la production et maintenir les prix, favorisĂ©s en ce sens par une loi en 1931[87]. Il adopte aussi une trĂšs grande rigueur budgĂ©taire et rĂ©duit fortement les dĂ©penses de l'État. Ces politiques trĂšs impopulaires au sein de la population causent de nombreux troubles. Le parti Rikken Minseitƍ perd dĂ©finitivement le pouvoir lors des Ă©lections lĂ©gislatives de 1932, et le Rikken SeiyĆ«kai forme une nouvelle coalition[89].

Takahashi Korekiyo est ministre de l'Ă©conomie pour l'essentiel de la pĂ©riode 1931-1936, et instaure une politique proche du keynĂ©sianisme articulĂ©e autour d'une baisse des taux d'intĂ©rĂȘt et des taux de change, ainsi qu'une hausse de la dĂ©pense publique[90]. Il laisse le yen se dĂ©valuer face au dollar, le taux de change passant de 100 yens pour 50 dollars Ă  100 yens pour 20 dollars fin 1932. Les taux d'intĂ©rĂȘt accordĂ©s aux banques passent eux de 6.6 % Ă  3.7 % de 1932 Ă  1933. Les dĂ©penses de l'État passent elles de 1 480 milliards de yen en 1931 Ă  2 250 milliards de yen en 1933 et se stabilisent Ă  ce niveau les annĂ©es suivantes ; l'armĂ©e et les dĂ©penses ciblant les campagnes sont favorisĂ©es par cette hausse[91].

Ces « politiques Takahashi » permettent de dynamiser les exportations japonaises, notamment dans le secteur textile, mais ceci provoque la mise en place de nombreuses mesures protectionnistes à l'étranger vis-à-vis de produits japonais[90]. La baisse du taux de change rend lui les importations plus chÚres, ce qui permet à certaines industries nationales comme l'industrie chimique et l'industrie lourde de redevenir compétitives dans le pays. Des industries en profitent pour se moderniser et atteindre les meilleurs standards internationaux dans plusieurs domaines : la production de viscose pour Toyo Rayon ou Asahi Bemberg, les machines-outils électriques pour Toshiba et Hitachi, ou encore la production aéronautique grùce à des financements de l'armée[92].

Une nouvelle gĂ©nĂ©ration de zaibatsu s'affirme lors de cette pĂ©riode, comportant des firmes comme Nissan, Shƍwa Denkƍ, Nippon Soda (en), ou encore Nakajima[92]. Ils ont en commun d'ĂȘtre constituĂ©s autour des nouvelles technologies de l'Ă©poque, et d'ĂȘtre dirigĂ©s non pas par des gestionnaires mais par des ingĂ©nieurs ou des militaires[93]. Sans lien avec les zaibatsu plus anciens, et donc sans leurs accĂšs aux financements des banques, ils bĂ©nĂ©ficient pour leurs dĂ©veloppement de nombreux prĂȘts de l'État[94]. De nombreux cartels voient le jour entre 1932 et 1933 dans de nombreux domaines comme l'industrie papetiĂšre, la production Ă©lectrique, la finance, les brasseries... S'ils permettent d'augmenter les prix de vente et donc de consolider financiĂšrement ces entreprises, leurs situations monopolistiques attirent de nombreuses critiques, ce qui pousse le gouvernement Ă  faire voter en 1936 une loi pour les dissoudre[95].

Une Ă©conomie de guerre Ă  partir de 1936

L'assassinat du ministre de l'Ă©conomie Takahashi Korekiyo et d'une partie du gouvernement le 26 fĂ©vrier 1936 par des militaires de la Kƍdƍha fait Ă©voluer drastiquement la politique Ă©conomique du gouvernement japonais. Takahashi Ă©tait parvenu Ă  maintenir sous contrĂŽle les dĂ©penses militaires depuis 1934 ; ses successeurs, sans possibilitĂ© de s'opposer au nouveau pouvoir militaire, vont augmenter les dĂ©penses militaires en votant des plans d'armements pluriannuels. DĂšs 1937 les dĂ©penses de l'État augmentent de prĂšs de 40 %[95]. Lorsque Konoe devient premier ministre en 1937, trois prioritĂ©s Ă©conomiques sont arrĂȘtĂ©es : Ă©quilibre de la balance des paiements, essor des dĂ©penses militaires, et la rĂ©gulation de l'offre et la demande des biens de consommation en fixant des limites aux importations et exportation de certaines ressources. DĂšs le dĂ©clenchement de la Seconde guerre sino-japonaise en un contrĂŽle drastique de l'ensemble de l'Ă©conomie s'enclenche[96]. DĂšs lors l'ensemble de l'Ă©conomie nationale est organisĂ©e pour satisfaire aux besoins de l'armĂ©e, et les pĂ©nuries de certaines ressources comme le pĂ©trole commencent Ă  toucher le pays[97].

Société

DĂ©mographie

Photographie aérienne en noir et blanc d'un quartier de Tokyo.
Vue aérienne du quartier d'Akihabara à Tokyo en 1889.

AprĂšs une pĂ©riode de stabilitĂ© dĂ©mographique Ă  la fin de l'Ăšre Edo, la population repart Ă  la hausse en passant de 30 Ă  50 millions de personnes entre 1870 et 1915, soutenue par une baisse de la mortalitĂ© infantile, et une hausse des naissances et de l'espĂ©rance de vie. Cette croissance est rendue possible grĂące Ă  l'augmentation des importations de riz et la mise en valeur de terres arables Ă  Hokkaidƍ[10] (la surface des champs y passant de 45 000 Ă  750 000 chƍ de 1890 Ă  1920, et la surface des riziĂšres de 2 000 Ă  83 000 chƍ sur la mĂȘme pĂ©riode). La part de la population citadine connaĂźt aussi une hausse : 28 % des Japonais vivent dans des villes de plus de 10 000 habitants, contre 16 % en 1893. Tokyo atteint les 2 millions d'habitants et Osaka 1 million en 1903, cette derniĂšre triplant sa taille en un demi-siĂšcle. Cet essor de la population urbaine entraĂźne une baisse du poids de l'agriculture dans le PIB du pays, celui-ci passe de 45 % en 1885 Ă  32 % en 1914[98].

Entre 1914 et 1940, la population continue de croĂźtre, passant de 51 millions d'habitants Ă  70 millions. Alors que 28 % des Japonais vivent dans une ville de plus de 10 000 habitants en 1913, ils sont en 1940 29 % Ă  vivre dans une ville de plus de 100 000 habitants. Tokyo passe de deux millions d'habitants en 1905 Ă  5,5 millions en 1935, se hissant au mĂȘme niveau que Londres ou New York[99]. Cette poussĂ©e dĂ©mographique est aussi notable Ă  Hokkaidƍ qui, de rĂ©gion nouvellement colonisĂ©e, se peuple jusqu'Ă  atteindre un niveau comparable aux autres rĂ©gions de peuplement plus ancien. De 1 800 000 habitants en 1913, sa population passe Ă  3 millions en 1940, et son rĂ©seau urbain se structure autour de trois villes de plus de 100 000 habitants : Hakodate, Sapporo, et Muroran[100]. La question de la surpopulation devient un enjeu politique Ă  partir du milieu des annĂ©es 1910. Alors qu'une fĂ©ministe comme Shidzue Katƍ prĂ©conise le contrĂŽle des naissances, des leaders politiques s'y opposent, y voyant une menace pour la vigueur de l'industrie et du colonialisme japonais[101]. À la fin des annĂ©es 1930, on dĂ©nombre plus de deux millions de Japonais dans les colonies du pays et un million vivant dans d'autres pays[102].

Enseignement

Mori Arinori, premier ministre de l'éducation (de 1885 à 1889), souvent crédité pour la mise en place d'un systÚme scolaire moderne.
Photo noir et blanc d'un bùtiment en pierre étendu sur toute la largeur du cliché, avec une tour centrale exhibant une horloge sur chaque façade visible, sur fond de ciel clair.
L'université impériale de Tokyo fondée en 1877 inaugure la mise en place d'un systÚme universitaire prenant comme modÚle les équivalents occidentaux.

Un MinistĂšre de l'Éducation est crĂ©Ă© en 1871, avec la charge de mettre en place un systĂšme Ă©ducatif Ă  l'Ă©chelle du pays[103]. L'Ă©ducation de la population est une des prioritĂ© du rĂ©gime, qui la voit comme un prĂ©requis Ă  la modernisation du pays[104]. Une Ă©ducation primaire obligatoire de quatre ans est instaurĂ©e. MalgrĂ© un budget insuffisant, des rĂ©sultats sont assez rapidement enregistrĂ©s. Une enquĂȘte de 1875 relĂšve que prĂšs de 20 000 Ă©coles primaires sont en activitĂ©, mais opĂšrent dans des conditions matĂ©rielles assez variĂ©es : 40 % sont hĂ©bergĂ©es dans des temples bouddhistes (souvent d'anciennes Terakoya), 33 % dans des maisons de particuliers, et 18 % dans des bĂątiments nouveaux dĂ©diĂ©s Ă  l'Ă©ducation[103]. La scolarisation est aussi marquĂ©e par un dĂ©ficit de l'Ă©ducation des filles. Toujours en 1875, seules 20 % d'entre elles sont scolarisĂ©es, contre 50 % pour les garçons, ce retard ne sera rattrapĂ© que vers 1900[104]. L'alphabĂ©tisation progresse assez lentement, l'absentĂ©isme pouvant ĂȘtre Ă©levĂ©. En 1892, une enquĂȘte de l'armĂ©e indique que 27 % des recrues sont totalement illettrĂ©es, et 34 % le sont partiellement[105]. Plus largement, l'efficacitĂ© des politiques dĂ©cidĂ©es au ministĂšre se heurte Ă  l'autonomie encore grande des autoritĂ©s locales, le contenu des cours pouvant grandement variĂ© d'une Ă©cole Ă  une autre[106]. Bien que l'Ă©ducation soit obligatoire, son financement reste Ă  la charge des familles et des collectivitĂ©s locales. Les familles sont aussi rĂ©ticentes Ă  l'idĂ©e de laisser leurs enfants aller Ă  l'Ă©cole, alors qu'ils peuvent travailler pour financer les besoins de la famille[103].

Pour pallier les diffĂ©rents Ă©cueils enregistrĂ©s lors des premiĂšres annĂ©es, et dans le cadre de la rĂ©organisation du gouvernement en cabinet, un premier ministre de l'Ă©ducation est nommĂ© en 1885, Mori Arinori. Celui-ci rĂ©forme le systĂšme Ă©ducatif, qui va prendre une forme qui va perdurer jusqu'Ă  la fin de la pĂ©riode impĂ©riale. TrĂšs centralisĂ©[107], il voit se crĂ©er Ă  son sommet un systĂšme universitaire public, avec la constitution d'un rĂ©seau d'universitĂ©s impĂ©riales [n 2]dans les plus grandes villes du pays[108]. Mori met aussi en place une Ă©cole de formation des enseignants Ă  Tokyo, de maniĂšre Ă  uniformiser leur formation et Ă  s'assurer de leur loyautĂ© envers l'État et non envers un pouvoir local[109]. En 1890, le Rescrit impĂ©rial sur l'Ă©ducation vient fournir un cadre morale Ă  l'Ă©ducation[110]. La taux de scolarisation monte Ă  69 % dĂšs 1898, et est presque de 100 % Ă  la fin de l'Ăšre Meiji. La durĂ©e de scolaritĂ© obligatoire est Ă©tendue Ă  six ans en 1907[111].

Le dĂ©but de l'Ăšre Meiji voit aussi s'ouvrir de trĂšs nombreuses Ă©coles privĂ©es, dont le cursus est dĂ©diĂ© Ă  l'enseignement de l'anglais et/ou de savoirs occidentaux. Si la plupart pĂ©riclitent, certaines vont Ă©voluer pour constituer les premiĂšres universitĂ©s privĂ©es. Ces Ă©coles sont en majeure partie situĂ©es Ă  Tokyo, mais des centres culturels importants comme Kyoto sont aussi concernĂ©es. Si elles ont surtout le fait de formateurs japonais, certaines comme Dƍshisha Ă  Kyoto sont liĂ©es Ă  divers mouvements chrĂ©tiens[112]. D'autres comme Waseda ou Keiƍ sont liĂ©es Ă  des personnalitĂ©s politiques ou intellectuelles[113].

Une jeunesse de plus en plus Ă©duquĂ©e voit toutefois se rĂ©duire les possibilitĂ©s d'ascension sociale par le biais de l'Ă©ducation, puisque seul le nombre de postes subalternes augmente dans les entreprises dans les annĂ©es 1890[114]. Cette population Ă©duquĂ©e bĂ©nĂ©ficie dans le mĂȘme temps d'un plus large accĂšs aux Ă©crits de journalistes et de critiques[115]. L'enseignement supĂ©rieur accueille aussi de plus en plus d'Ă©tudiants : de 9 695 en 1915, leur nombre passe Ă  81 999 en 1940[116]. Ce dĂ©veloppement de l'enseignement supĂ©rieur est encouragĂ© par la Loi sur l'universitĂ© de 1918 qui permet Ă  plusieurs Ă©coles spĂ©cialisĂ©es de se constituer en universitĂ©s privĂ©es. Ces derniĂšres sont au nombre de 30 en 1930 et diplĂŽment 15 000 Ă©tudiants par an, pour des effectifs totaux d'environ 40 000 Ă©tudiants[117]. Les diplĂŽmĂ©s de l'enseignement supĂ©rieur restent cependant une infime minoritĂ© des japonais, et ne reprĂ©sentent que 0.3 % de la population dans les annĂ©es 1930. Les femmes restent aussi sous reprĂ©sentĂ©es et ne reprĂ©sentent que 9.9 % de la population Ă©tudiante en 1937. Presque exclues des universitĂ©s nationales, elles peuvent nĂ©anmoins compter sur une cinquantaine d'Ă©coles et d'universitĂ©s rĂ©servĂ©es aux femmes[118].

Étudiants de l'UniversitĂ© Keiƍ pendant un entrainement militaire, rendu obligatoire Ă  partir de 1924 dans l'enseignement secondaire puis de 1939 dans les universitĂ©s.
ÉcoliĂšres formĂ©es au maniement des armes en 1945.

La politisation gagne l'enseignement supĂ©rieur. Les idĂ©es marxistes se diffusent dĂšs les annĂ©es 1890[119]. Des associations politiques Ă©tudiantes radicales, de gauche comme de droite se constituent sur les campus dĂšs les annĂ©es 1910[116]. Les Lois de prĂ©servation de la paix de 1925 touchent les campus, et 3 000 Ă©tudiants sont arrĂȘtĂ©s en application de celle-ci pour leurs activitĂ©s Ă  l'extrĂȘme-gauche, dont 1 170 pour la seule annĂ©e 1932, et 1 000 de plus entre 1937 et 1945[120]. Des enseignants sont aussi emprisonnĂ©s pour les mĂȘmes raisons[121].

Le systĂšme Ă©ducatif est assez largement mis Ă  contribution de l'effort de guerre dĂšs le dĂ©but de la guerre contre la Chine en 1937. L'accent est mis dans l'enseignement supĂ©rieur sur la formation d'ingĂ©nieurs et de mĂ©decin au travers de la crĂ©ation de nombreux instituts de recherche[122]. Entre 1935 et 1945 le nombre d'Ă©tudiants dans les facultĂ©s de sciences passe de 9 000 Ă  30 000, et celui dans des facultĂ©s d'ingĂ©nierie de 14 837 Ă  85 680[n 3] - [123]. Un entrainement militaire obligatoire est aussi instituĂ©, dĂšs 1924 dans l'enseignement secondaire, puis en 1939 dans les universitĂ©s. Les Ă©tudiants sont assez largement Ă©pargnĂ©s par la conscription, mais la situation change Ă  partir du dĂ©clenchement de la guerre contre la Chine en 1937, et l'Ăąge est peu Ă  peu abaissĂ© pour intĂ©grer la plupart des Ă©tudiants[124]. 130 000 sont ainsi mobilisĂ©s par l'armĂ©e en 1943[125]. Les Ă©lĂšves du secondaire et les Ă©tudiants servent aussi de rĂ©serve de main d'Ɠuvre pour les secteurs prioritaires. Un service de travail des Ă©lĂšves, ou gakuto dƍin, est instaurĂ© en 1939[126]. Au , environ 3,5 millions d'Ă©lĂšves et d'Ă©tudiants travaillent par ce biais dans des fermes, des usines, ou des hĂŽpitaux pour palier au manque de main d'Ɠuvre[127].

Shintƍ

Le shintƍ connait Ă  la fin de l'Époque d'Edo un mouvement de rĂ©novation. Initialement constituĂ© comme un ensemble de rites de la cour au VIIe siĂšcle, il Ă©volue au Moyen-Âge sous l'influence du bouddhisme pour intĂ©grer diffĂ©rents rites et croyances liĂ©s aux Kami. Les Ă©coles de pensĂ©e Mitogaku et Kokugaku vont au XVIIIe siĂšcle commencer Ă  l'envisager comme un socle possible de rĂ©novation du pays. L'idĂ©e de la vĂ©nĂ©ration de l'empereur commence Ă  toucher la population au travers de slogans politiques comme Sonnƍ jƍi (« vĂ©nĂ©rez l'empereur, expulsez les Ă©trangers »). En plaçant en son centre la figure de l'empereur, la restauration de Meiji va placer le shintƍ dans une position favorable pour fournir Ă  l'État ses rites et sa lĂ©gitimitĂ©[128].

Le shintƍ voit de 1868 Ă  1890 son corpus idĂ©ologique ĂȘtre rĂ©novĂ©[129]. La proclamation Taikyƍ (en) de 1870 consacre le caractĂšre divin de l'empereur[130]. Les sanctuaires sont intĂ©grĂ©s au sein de l'État en tant qu'institutions relevants de la puissance publique, et sont traitĂ©s comme ne relevant pas d'une religion. Les rituels shintƍ mis en Ɠuvre au sein de la maison impĂ©riale connaissent une rĂ©novation. Les diffĂ©rents sanctuaires sont rĂ©organisĂ©s au sein d'un rĂ©seau national[n 4] hiĂ©rarchisĂ© qui a Ă  sa tĂȘte le sanctuaire d'Ise[129]. La portĂ©e de cette Ă©volution reste limitĂ©e en raison des faibles compĂ©tences et des dissensions au sein des reprĂ©sentants du shintƍ[n 5], son trĂšs faible financement, mais aussi en raison de l'opposition des pouvoir bouddhistes, en particulier aprĂšs l'Ă©pisode de Shinbutsu bunri de 1868 Ă  1872[131]. La formation des prĂȘtres est cependant centralisĂ©e et amĂ©liorĂ©e au sein du sanctuaire d'Ise oĂč le prince Kuni Asahiko institue en 1878 un groupe de travail, et d'autres initiatives de ce type suivent comme la fondation du Kokugakuin en 1882[129].

Yasukuni-jinja (ici vers 1873), un des premier sanctuaire shintƍ construit à Tokyo.

À partir de 1890 et jusqu'Ă  la Guerre russo-japonaise en 1905, le shintƍ voit sa doctrine se consolider[129]. La pĂ©riode commence avec la promulgation de la constitution de l'Empire du Japon et du Rescrit impĂ©rial sur l'Ă©ducation en 1890 qui l'un et l'autre rĂ©affirment la primautĂ© et la centralitĂ© de l'Empereur au sein de l'État. Les rituels shintƍ sont lĂ©gitimĂ©s en tant qu'outils de vĂ©nĂ©ration envers l'empereur[129]. La pratique de ces rituels s'inscrit dans la population au travers des pratiques auxquelles doivent se plier les Ă©lĂšves et auxquelles se joignent Ă  l'occasion la population locale (visites de sanctuaires, fĂȘtes scolaires...)[132]. Signe d'un dĂ©but d'enracinement dans la population, des associations locales se constituent par endroits pour aider Ă  financer le fonctionnement de sanctuaires locaux, ou Ă  faire campagne auprĂšs de la DiĂšte pour obtenir des financements[133]. Tokyo commence Ă  se transformer en lieu de grands rituels shintƍ, Ă  l'image de ce qu'est encore Kyƍto. AprĂšs la premiĂšre guerre sino-japonaise de 1895, Yasukuni-jinja (construit en 1869) est consacrĂ© en comme lieu d'hommage national aux Ăąmes des soldats morts pour le pays, et ce rĂŽle est rappelĂ© Ă  l'issue de la guerre russo-japonaise de 1905[134].

L'intĂ©gration du shintƍ au sein de l'appareil d'État se poursuit de la fin de l'Ăšre Meiji et lors de l'Ăšre Taishƍ, et il touche plus largement la population. L'État parfait son contrĂŽle sur l'institution shintƍ et assure son financement, et le shintƍ fournit Ă  l'État Ă  la fois une base idĂ©ologique et un rĂ©seau de sanctuaires permettant de mobiliser en profondeur la population japonaise[129]. À partir de 1906 les prĂȘtres reçoivent de l'argent de l'État lorsqu'ils assurent des rituels publics[135], tout comme l'Ă©cole Kokugakuin de formation des prĂȘtres, ainsi que les sanctuaires prĂ©fectoraux[136]. Le financement que touchent les quelques 15 000 prĂȘtres au dĂ©but de cette pĂ©riode reste trĂšs limitĂ©. De mĂȘme le sous-financement des sanctuaires pousse nombre d'entre-eux Ă  se rapprocher pour fusionner ; leur nombre passe de 200 000 en 1906 Ă  120 000 en 1914[133]. Signe d'une plus grande pĂ©nĂ©tration au sein de la population, la construction de Meiji-jingĆ« de 1915 Ă  1920 mobilise un trĂšs grand nombre de volontaires dans tout le pays[137].

L'empereur Hirohito en visite au Yasukuni-jinja en 1934.

Le shintƍ Ă©volue Ă  partir des annĂ©es 1930 vers une forme de fascisation qui sert de fondement moral au rĂ©gime militariste. Ce shintƍ d'État renforce la place du shintƍ comme vĂ©ritable religion d'État, au dĂ©triment des autres religions qui sont diversement combattues. Le shintƍ fournit au gouvernement une lĂ©gitimation Ă  l'expansion militaire du pays en Asie[129].

Bouddhisme

Destruction de cloches bouddhistes pendant le Haibutsu kishaku vers 1870.

Le bouddhisme est durement touchĂ© lors de la restauration de Meiji. Un syncrĂ©tisme s'est dĂ©veloppĂ© entre bouddhisme et Shintƍ au cours des siĂšcle[138]. InfluencĂ© par les prĂ©ceptes des Kokugaku[139] - [n 6], le Jingi-kan qui dirige au sein de l'Ă©tat les affaires liĂ©es au Shintƍ ordonne le une sĂ©paration des deux religions, et une Ă©puration des sanctuaires[138]. Le but est alors de lutter contre l'influence des pouvoirs bouddhistes sur la sociĂ©tĂ©, perçus comme des Ă©lĂ©ments conservateurs s'opposant Ă  la modernisation du pays[139]. Ordre est donnĂ© aux prĂȘtres bouddhistes exerçant dans des sanctuaires syncrĂ©tiques de se convertir au Shintƍ ou de dĂ©missionner. Les objets du cultes comme les statues et les textes sacrĂ©s doivent ĂȘtre Ă©vacuĂ©s. La plupart des prĂȘtres font le choix de se convertir, et vont jusqu'Ă  afficher ce renoncement en prenant des concubines ou en mangeant de la viande de maniĂšre ostentatoire, pratiques proscrites pour les prĂȘtes bouddhistes[140]. Ce processus est souvent violent, en entraine de nombreux pillages de temples et destructions d'objets[141]. Le gouvernement prend quelques mesures pour Ă©viter les dĂ©bordements, mais celles-ci sont variablement interprĂ©tĂ©es par les autoritĂ©s locales, et les troubles durent jusqu'au dĂ©but des annĂ©es 1870. Des cloches sont fondues pour en faire des armes, des statues profanĂ©es, et des temples sont saisis par les autoritĂ©s locales, comme Ă  Satsuma[142]. Dans les rĂ©ions les plus durement touchĂ©es, la plupart des temples sont dĂ©truits, et de nombreux moines tuĂ©s[143]. Cette politique touche variablement les diffĂ©rents courants bouddhistes. Les temples Shingon et Tendai voient nombre de leurs prĂȘtres se convertir au Shintƍ, lĂ  oĂč le Jƍdo shinshĆ« se montre plus virulent dans son opposition et des Ă©meutes Ă©clatent Ă  l'occasion pour protĂ©ger ses temples[144]. Cette politique contre le bouddhisme s'inflĂ©chie en 1872, et les relations avec l'État se normalisent[145].

Cet Ă©pisode de violences envers le bouddhisme pousse certains rĂ©formateurs de cette religion Ă  s'interroger sur la place de la religion dans la sociĂ©tĂ© et Ă  ses apports. Des rĂ©formes de plusieurs types vont ĂȘtre proposĂ©es, et dans le mĂȘme temps la loyautĂ© de cette religion envers l'empereur va ĂȘtre rĂ©affirmĂ©e. Un nouveau bouddhisme, ou shin bukkyƍ, voit le jour sous plusieurs formes, et des figures comme Kiyozawa Manshi Ă©mergent[146]. Le bouddhisme monastique va aussi connaitre des Ă©volutions, sous l'influence de Fukuda Gyƍkai (en) (Terre pure) ou Shaku Unshƍ (Shingon), et le suivi des 10 rĂšgles du bouddhisme est rĂ©affirmĂ©. Plus gĂ©nĂ©ralement, les bouddhistes tirent profits de la mĂ©fiance envers le christianisme qui s'installe dans le pays Ă  partir des annĂ©es 1880. Ils en profitent pour rĂ©affirmer leurs loyautĂ© envers l'empereur[147], et cherchent Ă  aligner leurs intĂ©rĂȘts avec ceux qui nationalistes. De nombreux moines sont ainsi actifs pour exploiter politiquement l'incident causĂ© par Uchimura Kanzƍ en 1891 ; enseignant chrĂ©tien, celui-ci est vu entrain d'hĂ©siter Ă  se prosterner devant l'image de l'empereur, ce qui est Ă  l'origine d'une importante affaire mĂ©diatique. Une personnalitĂ© comme Inoue Enryƍ cherche lui Ă  dĂ©montrer que le les prĂ©ceptes du bouddhisme sont compatibles avec la science, et affirme que le bouddhisme est mĂȘme supĂ©rieur au christianisme dans sa scientificitĂ©[148]. Tanaka Chigaku va lui dĂ©velopper une Ă©cole dont la doctrine soutient l'expansionnisme japonais en Asie[149].

Les annĂ©es 1930 vont ĂȘtre marquĂ©es pour le bouddhisme japonais par l'Ă©mergence de nouveaux courants, mais aussi par une implication plus ou moins marquĂ©e dans le militarisme japoanais. Des ShinshĆ«kyƍ, ou « nouvelles religions », relevant du bouddhisme sont fondĂ©es. Elles ont en commun d'ĂȘtre influencĂ©es par le Bouddhisme de Nichiren, de pratiquer un prosĂ©lytisme important, et de mettre l'accent sur les bĂ©nĂ©fices immĂ©diats que les pratiquants peuvent tirer de leurs enseignements, et non sur des notions plus intangible comme l'illumination ou le salut. La Sƍka gakkai fondĂ©e en 1930, la Reiyukai fondĂ©e en 1920, et la Risshƍ Kƍsei Kai fondĂ©e en 1938 sont les plus notables[150]. Le bouddhisme japonais est aussi marquĂ© par une certaine ambivalence envers les guerres que le Japon mĂšne. Tout une frange nationaliste du bouddhisme soutient moralement la guerre, et participe Ă  celle-ci en envoyer des moines sur le terrain pour fournir un soutien moral et mĂ©dical aux soldats[151]. D'autres Ă©coles sont au contraire attaquĂ©es par le gouvernement en raison de leurs enseignements, et de leurs refus de les rĂ©former pour les rendre compatibles avec la doctrine impĂ©riale, ce qui entraine l'emprisonnement de certains dirigeants comme Tsunesaburƍ Makiguchi[152].

Christianisme

Le christianisme connait des persĂ©cutions tout au long du Ă©poque d'Edo, et en 1865 prĂšs de 3000 chrĂ©tiens qui dissimilaient leur foi Ă  Urakami dans la rĂ©gion de Nagasaki sont encore dĂ©portĂ©s et emprisonnĂ©s. Ce n'est qu'en 1873 que la pratique du christianisme est officiellement autorisĂ©e par les nouvelles autoritĂ©s. Des conseillers Ă©trangers invitĂ©s dans le pays Ă  partir de 1868 pour former les japonais aux techniques occidentales profitent de leurs positions pour pratiquer un prosĂ©lytisme pro-chrĂ©tien auprĂšs de leurs Ă©tudiants. Leroy Lansing Janes est ainsi Ă  l'origine du Kumamoto Band (en)[112], groupes de convertis qui rejoindront par la suite Kyoto et l'UniversitĂ© Dƍshisha fondĂ©e par le missionnaire protestant Neesima, et constituer une part importante de son corps enseignant[153]. À Sapporo, c'est William Smith Clark qui converti une parti de ses Ă©tudiants de la future UniversitĂ© de Hokkaidƍ ; un de ses Ă©tudiants, Uchimura Kanzƍ, jouera un rĂŽle central dans l'essor du mouvement chrĂ©tien Mukyƍkai[154]. À Yokohama, ou rĂ©side une commuanutĂ© Ă©trangĂšre importante, c'est la figure du missionnaire James Curtis Hepburn qui est prĂ©dominante[155]. À cĂŽtĂ© de ce protestantisme qui recrute essentiellement dans les couches aisĂ©e d'un Japon urbain, des missionnaires catholiques sont eux plutĂŽt actifs dans les rĂ©gions les plus rurales. Des orthodoxes sont aussi prĂ©sents dans la rĂ©gion de Hakodate oĂč Nicolas du Japon exerce depuis 1861. Cette diffusion du christianisme connait un certain dynamisme dans les annĂ©es 1880, mais qui connait ses limite dĂšs la fin de la mĂȘme dĂ©cennie, sous la poussĂ©e d'un certain conservatisme politique[156].

Le nombre de convertis augmente rĂ©guliĂšrement. Les catholiques sont environ 100 000 en 1927, essentiellement dans les diocĂšses de Nagasaki (64 000) et de Tokyo (10 000)[157]. Les diffĂ©rents courants protestants regroupent de quelques milliers Ă  quelques dizaines de milliers de convertis, les plus importants en 1941 Ă©tant les presbytĂ©riens (62 000), les mĂ©thodistes (53 000), les Ă©piscopaliens (28 000), et le Mouvement de sanctification (16 000)[158]. Ces diffĂ©rents mouvements sont actifs dans le systme scolaire du pays, et fondent mĂȘme des collĂšges universitaires et des universitĂ©s dans le pays (la Tokyo Woman's Christian University fondĂ©e par des presbytĂ©riens et des mĂ©thodistes, l'UniversitĂ© Rikkyƍ par des Ă©piscopaliens, l'UniversitĂ© Sophia par des jĂ©suites)[159]. L'État, basĂ© sur le shintoĂŻsme d'État et le caractĂšre divin de l'empereur, est de plus en plus suspicieux envers des mouvements chrĂ©tiens. La montĂ© du militarisme dans les annĂ©es 1930 s'accompagne de plusieurs mesures et lois qui visent Ă  contrĂŽler ces religions, dont la Religious Organizations Law (en) de 1939[160]. Elles doivent dĂ©montrer qu'elles ne dĂ©pendent pas financiĂšrement de l'Ă©tranger, et leurs chefs doivent ĂȘtre des japonais[161]. Sous la pression des autoritĂ©s, leurs catĂ©chisme est aussi rĂ©Ă©crit entre 1936 et 1940 de maniĂšre Ă  ĂȘtre compatible avec la vĂ©nĂ©ration de l'empereur et la visite et la participation Ă  des cĂ©rĂ©monies shintƍ[162].

Condition féminine

L'exemple Ă  suivre qu'est l'occident pour les classes les plus favorisĂ©es amĂšnent certaines Ă©volutions pour les femmes dĂšs le dĂ©buts l'Ăšre Meiji. Certaines modes comme le noircissement des dents et la tonte des sourcils disparaissent, alors que la mode des cheveux longs de diffuse. Certains lois deviennent plus favorables aux femmes, comme en 1870 celle octroyant aux concubines la mĂȘme protection que les Ă©pouses lĂ©gitimes, ou celle qui en 1872 libĂšrent les prostituĂ©es de leurs servitude[163]. La question du statut de la femme dans la sociĂ©tĂ© devient un thĂšme important de dĂ©bat, notamment portĂ© par le mouvement pour la libertĂ© et les droits du peuple dans les annĂ©es 1870 et 1880. La Meiroku zasshi, revue associĂ©e Ă  ce mouvement, propose des traductions de textes de Spencer, Mill et Millicent Fawcett sur les droits des femmes, et de nombreux dĂ©bats sont menĂ©s dans ses pages Ă  ce sujet. L'angle adoptĂ© est cependant d'avantage celui du droit naturel que celui du droits des femmes. Ce dernier angle sera d'avantage dĂ©veloppĂ© sous la plus de Fukuzawa Yukichi dans Nihon fujinron (en 1885). Une revue comme Jogaku zasshi Ă©ditĂ©e Ă  partir 1885 permet Ă  des auteures comme Kishida Toshiko et Shimizu Shikin s'y dĂ©velopper leurs idĂ©es sur divers sujet comme l'Ă©mancipation et l'Ă©ducation des femmes, les questions familiales
[164]

Le tournant conservateurs que prend le pays Ă  partir de 1890 va cependant contrarier la rĂ©alisation de ces diverses aspirations libĂ©rales. Cette annĂ©e-lĂ  les femmes se voient interdire la participation Ă  des meetings politiques ou l'adhĂ©sion Ă  des partis politiques[165], et un retour Ă  une tradition confucianiste dĂ©favorable aux femmes est sensible dans l'adoption du rescrit impĂ©rial sur l'Ă©ducation la mĂȘme annĂ©e. En 1898 le code civil japonais renforce le poids des hommes dans les questions d'hĂ©ritage[166], et en 1899 le ministĂšre de l'Éducation crĂ©Ă© des lycĂ©es rĂ©servĂ©s aux femmes[165] mais ceux-ci sont institutionnellement classĂ©s comme infĂ©rieurs aux lycĂ©es rĂ©servĂ©s aux hommes, et n'ouvrent pas l'accĂšs aux Ă©tudes universitaires[166]. Toujours en 1899 est publiĂ© un rescrit qui fixe un cadre moral Ă  l'Ă©ducation dans ces lycĂ©es rĂ©servĂ©s aux femmes, qui introduit le concept de ryƍsai kenbo (« Bonne Ă©pouse, sage mĂšre ») et qui fixe ainsi l'objectif de la scolarisation des femmes. Ce concept de ryƍsai kenbo est largement relayĂ©e dans la presse fĂ©minine jusqu'Ă  l'aprĂšs-guerre[167]. Pour combattre cette situation, un journal fĂ©ministe comme Sekai Fujin est crĂ©Ă© en 1907 par Fukuda Hideko[168], et, en 1901, Tsuda Umeko fonde une Ă©cole rĂ©servĂ©e aux femmes : le CollĂšge Tsuda[169].

Photo noir et blanc de trois femmes endimanchĂ©es, marchant sur un troittoir. Deux, dont une porte une ombrelle, sont habillĂ©es d'une robe sombre, la troisiĂšme d'un kimono clair et tient un parapluie au-dessus de sa tĂȘte.
Trois moga marchant dans les rues de Tokyo en 1924.

À partir des annĂ©es 1910 plusieurs Ă©volutions sont notables. Les femmes sont de plus en plus nombreuses dans des postes de cols blancs (le tiers des enseignants du primaire dans les annĂ©es 1920 sont des enseignantes)[170]. La fĂ©ministe Raichƍ Hiratsuka fonde en 1911 le journal Seitƍ, dont le nom est une rĂ©fĂ©rence Ă  la Blue Stockings Society britannique. La revue pĂ©rĂ©clite dĂšs 1916, mais introduit plusieurs sujets fĂ©ministes dans le dĂ©bat, notamment auprĂšs des femmes venant des couches les plus aisĂ©es de la sociĂ©tĂ©. L'Association de la femme nouvelle (en) crĂ©Ă© en 1920 reprend le flambeau[171]. En 1922, grĂące Ă  une Ă©volution de la loi les femmes sont autorisĂ©es Ă  s'organiser politiquement et Ă  assister Ă  des meetings politiques[172], ce qui permet de relancer la question du droit de vote des femmes[171]. Ichikawa Fusae joue alors un rĂŽle important sur cette question, en crĂ©ant en 1924 une ligue pour le droit de vote des femmes[173]. Plusieurs initiatives lĂ©gislatives sont prises dans ce sens, la derniĂšre en 1931[174] lors du gouvernement de Osachi Hamaguchi. Aucune n'aboutie, et le droit de vote n'est accordĂ© que lors de l'occupation amĂ©ricaine du pays. Le Japon voit aussi la fĂ©ministe Margaret Sanger se rendre dans le pays, et y effectuer une tournĂ©e de confĂ©rences[173].

Dans les années 1920, quelques femmes obtiennent dans le monde du spectacle une visibilité importante associée à une image de modernité, ce qui aboutit à la promotion de la figure de la modan gaaru[175].

Femme japonaise travaillant Ă  la construction d'avions en 1943.

Le dĂ©but de la guerre contre la Chine en 1937 marque le dĂ©but d'une participation plus importante des femmes Ă  des pans de l'Ă©conomie auparavant rĂ©servĂ©s aux hommes. Le nombre d'Ă©tudiantes dans les filiĂšres de santĂ© double ainsi entre 1935 et 1945 pour dĂ©passer les 10 000,et certaines intĂšgrent les laboratoires de recherche des universitĂ©s[123].

Minorités au Japon et dans l'Empire

D'autres parties de la population sont en quĂȘte d'une reconnaissance sociale : Burakumin, AĂŻnous, migrants CorĂ©ens... et tendent Ă  se regrouper en associations pour dĂ©fendre leurs intĂ©rĂȘts[176]. Ces derniers, venus chercher du travail dans l'archipel, passent de 1 000 en 1910, Ă  300 000 en 1930, puis Ă  environ 1 million en 1940[177].

Pratiques sportives

De nouvelles pratiques sportives sont introduites dans le pays avec la constitution de communautĂ©s occidentales de plus en plus nombreuses dans les ville portuaires[178]. Le baseball, le tennis, le football, et le cricket sont ainsi introduits Ă  Yokohama ou Kƍbe, et des ligues sportives informelles se constituent pour organiser localement des rencontres sportives. L'Ă©cole est un autre vecteur d'introduction du sport au Japon. Des conseillers Ă©trangers comme Horace Wilson ou Archibald Lucius Douglas qui exercent comme enseignant, ainsi que des Ă©tudiants japonais revenant de l'Ă©tranger, poussent Ă  la pratique sportive dans le cadre des activitĂ©s extra-sportives des Ă©tudiants. Leurs initiatives rencontrent un Ă©chos favorable chez les responsables politiques de l'Ă©poque comme Mori Arinori, qui considĂšre que le relĂšvement morale du pays doit aller de concert avec le relĂšvement physique des japonais[179].

La pratique du sport dans les Ă©coles et les universitĂ©s entraine la crĂ©ation de ligues sportives et de compĂ©titions rĂ©gionnales puis nationales. Celles-ci vont ĂȘtre Ă  l'origine d'une culture sportive, entrainant la crĂ©ation de rivalitĂ©s entre Ă©coles ou l'Ă©criture de chants d'encouragement par exemple, mais aussi permettre d'Ă©lever le sport au rang de spectacle auquel un public de plus en plus nombreux va assister[179]. Les premiĂšres vedettes sportives vont Ă©merger dans les annĂ©es 1920, Ă  l'instar de Kinue Hitomi, qui lors des Jeux olympiques de 1928 devient la premiĂšre japonaise Ă  remporter une mĂ©daille olympique et qui par la suite fait la couverture de plusieurs journaux[180]. D'autres sports disposent de leurs vedettes, comme Hitachiyama Taniemon (en) pour le sumo ou Eiji Sawamura pour le baseball[181]. Ce dernier sport en particulier s'impose comme sport Ă  la mode avec la crĂ©ation en 1914 du Kƍshien, compĂ©tition nationale lycĂ©enne, Ă  laquelle assiste mĂȘme le prince hĂ©ritier Hirohito en 1926. Ces sports vont voir se constituer des ligues nationales visant Ă  l'organisation de compĂ©titions Ă  l'Ă©chelle du pays, mais aussi pour faire jouer des Ă©quipes nationales Ă  l'Ă©tranger : La FĂ©dĂ©ration japonaise de football est crĂ©Ă©e en 1921, et la Ligue japonaise de baseball en 1936[182].

Le Japon dispose par ailleurs dĂ©jĂ  de plusieurs pratiques physiques locales, comme le Kemari et le sumo[178]. Sous l'influences des sports occidentaux, celles-ci vont connaitre une Ă©volution pour en faire des pratiques Ă  visĂ©e sportives, avec une organisation et une mĂ©diatisation inspirĂ©es des autres sports. L'Association japonaise de sumo est crĂ©Ă©e en 1925, et la diffusion Ă  la radio des compĂ©titions Ă  partir des annĂ©es 1920 va permettre d'accroitre son audience[182]. D'autres arts martiaux locaux issus du Budƍ vont connaitre une Ă©volution semblable ; le karate est codifiĂ© sous l'influence de Ankƍ Itosu et de Gichin Funakoshi, le judo l'est par Jigorƍ Kanƍ, ou encore l'aikidƍ par Morihei Ueshiba. Avec la montĂ©e du militarisme dans les annĂ©es 1930, l'origine japonaise de ces sports d'origine martial va ĂȘtre mis Ă  profit par le pouvoir pour exalter et incarner des vertus prĂŽnĂ©es par l'Ă©tat[183].

Culture

Grandes tendances culturelles

La production culturelle obéit à deux grandes dynamiques sur la période 1890-1914 : le façonnement d'un cadre national pour sa diffusion, mouvement déjà enclenché plus tÎt dans le siÚcle, et une opposition interne entre culture japonaise et culture occidentale, prolongement de la situation politique en Asie marquée par la victoire du Japon sur la Russie et par la chute de la dynastie chinoise des Qing en 1911[184]. Le rÎle de la culture européenne comme modÚle est remis en cause par certains[185], tandis que d'autres cherchent à faire une synthÚse des deux cultures[186].

Les titres de presse se multiplient, passant de plus de 400 en 1890[113] Ă  2 000 en 1914. La mĂȘme annĂ©e, le Japon se place second au niveau mondial en nombre de livres publiĂ©s, derriĂšre l'Allemagne, avec prĂšs de 27 000 titres. La langue japonaise s'uniformise par ce biais, mĂȘme si de nombreux dialectes se maintiennent. Le dialecte de Tokyo, lĂ  oĂč se trouve la plupart des moyens d'Ă©dition, se gĂ©nĂ©ralise et devient le japonais standard[187]. La radio connait un essor rapide. Si les premiĂšres Ă©missions sont diffusĂ©es en 1925, un million de postes de radio sont vendus en 1931. Le nouveau mĂ©dia joue un rĂŽle important dans le paysage mĂ©diatique de l'Ă©poque en permettant une diffusion rapide de l'information, mais aussi en rendant accessible dans l'ensemble du pays de nombreuses musiques, japonaises comme occidentales[188].

L'augmentation du nombre de journaux, de postes de radio, et de cinémas contribue à rapprocher les mouvements culturels avant-gardistes de Tokyo des territoires plus reculés du pays. Le nombre de cafés, grands magasins, et de galeries d'arts soutient l'émergence d'une culture de plus en plus urbaine, industrielle, et s'adressant en premier lieu aux classes moyennes et aux jeunes adultes. Une complexification s'opÚre, guidée par les critiques artistiques, opposant cultures anciennes et nouvelles, cultures occidentales et orientales, et cultures prolétaires et bourgeoises[189]. Cette conjonction entre l'augmentation de la production culturelle et l'amélioration de sa diffusion aboutissent dÚs les années 1920 aux prémisses de la constitution de médias de masse au Japon[190].

Influence occidentale et réflexions sur la japonité (1868-1910)

La littĂ©rature connait une influence de l'occident assez importante, qui va faire Ă©voluer certaines de ses formes d'expression. L'usage du roman comme outils de critique sociale et politique chez des auteurs Ă©tranger comme Disraeli ou Bulwer-Lytton sert d'inspiration Ă  plusieurs intellectuels issus du mouvement Meirokusha, ce qui suscite la dĂ©couverte des littĂ©ratures nationales europĂ©ennes. Ukigumo (en) que publie Futabatei Shimei en 1887, considĂ©rĂ© comme le premier roman moderne japonais, s'inspire ainsi de la littĂ©rature russe de la mĂȘme Ă©poque. Les grandes figures de la pĂ©riode s'affirme autour de 1900[191]. Natsume Sƍseki, qui a Ă©tudiĂ© Ă  Londres et qui succĂšde Ă  Lafcadio Hearn Ă  la tĂȘte de la chaire de littĂ©rature anglaise de l'universitĂ© de Tokyo, s'impose avec des Ɠuvres comme Je suis un chat (1904) ou Le Pauvre CƓur des hommes (1914). Dans ces Ɠuvres Ă  la dimension introspectives, il s'y montre critique de la sociĂ©tĂ© de son Ă©poque, repoussant Ă  la fois le nationalisme de son temps, mais aussi des emprunts non justifiĂ©s Ă  l'occident[192]. Mori ƌgai, qui a lui reçu une Ă©ducation mĂ©dicale militaire en Prusse, se fait d'abord connaitre comme critique littĂ©raire. Il est l'auteur d'une Ɠuvre prolifique qui offre un traitement proche du naturalisme en l'appliquant Ă  la forme du roman historique. Shimazaki Tƍson qui lui office de prĂ©curseur du style Watakushi shƍsetsu, ou I-novel, en publiant Hakai en 1906[193].

D'autres formes littĂ©raires comme la poĂ©sie et le thĂ©Ăątres connaissent elles aussi une influence occidentale, bien que la popularitĂ© de formes bien Ă©tablies comme le kabuki ou le nƍ perdure. Un acteur de kabuki comme Ichikawa DanjĆ«rƍ IX va tenter sans trop de succĂšs de faire Ă©voluer son jeu d'acteur et son maquillage en faveur d'expressions plus rĂ©alistes. Un poĂšte comme Masaoka Shiki rencontre lui plus de succĂšs en modernisant les formes du haiku et du tanka. Des formes nouvelles Ă©mergent par ailleurs, comme le Shintaishi (en) pour la poĂ©sie. Le thĂ©Ăątre voit se former la forme du Shinpa dans la rĂ©gion d'ƌsaka Ă  la fin des annĂ©es 1880, qui va s'Ă©tendre lors de la dĂ©cennie suivante Ă  Tƍkyƍ oĂč il va se muer en Shingeki. Cette derniĂšre forme intĂšgre des femmes Ă  ses acteurs (contrairement au kabuki dont les troupes sont masculine), et comprends des piĂšces europĂ©ennes dans son rĂ©pertoir, notament celles du dramaturge norvĂ©gien Henrik Ibsen[194].

Un mouvement de rĂ©flexion sur la littĂ©rature s'exprime lors de la premiĂšre moitiĂ© de l'Ă©poque impĂ©riale. InspirĂ© par le travail de Taine sur l'Histoire de la littĂ©rature britannique (1864), plusieurs publications cherchent Ă  proposer des compilations sensĂ©es incarner les classiques d'une littĂ©rature nationale japonaise, ou Ă  faire l'histoire de celle-ci (publication en 1890 du Nihon bungakushi de Takatsu Kuwasaburƍ et Mikami Sanji)[195]. Le but recherchĂ© est alors de mettre en Ă©vidence les supposĂ©s signes distinctifs de l'identitĂ© japonaise en identifiant les caractĂšres rĂ©currents de la littĂ©rature au travers des Ăąges[196]. À ce titre, Le Dit du Genji, Ă©crit intĂ©gralement en kana, est vu comme l'une des incarnations de cette identitĂ© purement japonaise[197]. De trĂšs nombreuses revues de critiques littĂ©raire, ou dƍjin zasshi sont aussi publiĂ©es par des cercles littĂ©raires. Elles sont souvent Ă©phĂ©mĂšres et Ă  la diffusion limitĂ©e, et regroupent par affinitĂ© des Ă©tudiants de l'universitĂ© impĂ©riale de Tokyo et de l'UniversitĂ© Waseda (oĂč est publiĂ© Waseda bungaku Ă  partir de 1891), deux grands pĂŽles littĂ©raires de cette Ă©poque. La revue Shirakaba publiĂ©e Ă  partir de 1910 jouit aussi d'une certaine notoriĂ©tĂ©[198].

Seconde moitié de l'époque impériale (1910-1945)

La littĂ©rature japonaise de la seconde moitiĂ© de l'Ă©poque impĂ©riale bĂ©nĂ©ficie de l'alphabĂ©tisation de toutes les couches de la population grĂące Ă  la crĂ©ation en 1872 d'un systĂšme scolaire public couvrant tout le pays[199]. Le nombre de lecteurs potentiel augmente ainsi considĂ©rablement, et plusieurs maisons d'Ă©dition se crĂ©er pour exploiter ce marchĂ©. La Hakubunkan et la Jitsugyo no Nihon Sha se constituent toute deux en 1897 et se lancent dans la publication de nombreux magazines gĂ©nĂ©ralistes aux tirages de plus en plus nombreux[200], bientĂŽt rejoints par la Kƍdansha en 1909. Cette derniĂšre lance le magazine littĂ©raire Kƍdan kurabu en 1911, dont le succĂšs inspire diffĂ©rentes copies par ses concurrents. Ce magazine consolide sur la scĂšne littĂ©raire du pays la place d'une littĂ©rature populaire s'adressant au plus grand nombre, et publiĂ©e sous forme de feuilleton. Un auteur comme Eiji Yoshikawa qui Ă©crit pour Kƍdan kurabu parvient par ce biais Ă  accĂ©der Ă  une certaine notoriĂ©tĂ©[201]. En rĂ©action Ă  cette littĂ©rature « de masse », des critiques littĂ©raires et des auteurs poussent dĂšs le dĂ©but des annĂ©es 1920 pour l'Ă©mergence d'une littĂ©rature « pure ». Cette distinction entre ces deux littĂ©rature va s'affirmer, et se matĂ©rialiser par la crĂ©ation de 1935 de deux prix littĂ©raires distincts, le prix Naoki qui rĂ©compense la littĂ©rature de masse, et le prix Akutagawa qui couronne une littĂ©rature plus Ă©litiste[202].

Le dĂ©but de la pĂ©riode voit certains auteurs s'inscrire dans la continuitĂ© des grandes formes populaires lors de l'Ăšre Meiji, comme Nagai KafĆ« qui commence sa carriĂšre littĂ©raire dans les annĂ©es 1910. Avec Errances dans la nuit (en) publiĂ© entre 1921 et 1937 Shiga Naoya fourni au style du Watakushi shƍsetsu l'un de ses principaux reprĂ©sentant[202]. Jun'ichirƍ Tanizaki poursuit dans ses Ɠuvres comme Le goĂ»t des orties (en) (1928) la rĂ©flexion entamĂ©e avant lui de la relation entre cultures occidentales et japonaises. InspirĂ© par l'essor au Japon des idĂ©es socialistes au dĂ©but des annĂ©es 1920, une littĂ©rature s'inspirant du rĂ©alisme socialiste voit le jour, notamment autour de la revue littĂ©raire Senki. Ce courant connait quelques Ɠuvres majeures comme Le Bateau-usine (1929) de Kobayashi Takiji, mais pĂ©riclite avant le milieu des annĂ©es 1930 en raison de la rĂ©pression du pouvoir militaire[203]. Une littĂ©rature fĂ©minine s'affirme lors de la pĂ©riode, aidĂ©e par la large diffusion de magazines fĂ©minins comme Fujinkƍron ; au milieu des annĂ©es 1920 leurs diffusion tourne autour du million d'exemplaires par mois. Certaines de ces auteures Takako Nakamoto (en) s'inscrivent dans une approche socialisante en traitant de questions propres Ă  la condition de la femme. D'autres auteures comme Fumiko Hayashi et Chiyo Uno inscrivent leurs Ɠuvres des annĂ©es 1920 dans le style du Watakushi shƍsetsu[204]. Edogawa Ranpo incarne lui les dĂ©buts de la littĂ©rature policiĂšre, avec une production mettant le mystĂšre au cƓur de son Ɠuvre. Un courant inspirĂ© par les promesses de la science pose les bases d'une science-fiction japonaises qui s'empare dĂ©jĂ  de sujets comme les robots, les extraterrestres, ou les catastrophes environnementales. La littĂ©rature europĂ©enne de la mĂȘme Ă©poque, et ses courants comme le dadaĂŻsme ou le surrĂ©alisme, continue d'exercer une certaine influence sur des auteurs comme Riichi Yokomitsu[205]. L'Ă©crivain Yasunari Kawabata Ă©merge lui comme figure de la littĂ©rature japonaise dans les annĂ©es 1930, notamment avec la publication de Pays de neige (1935). L'intensification de la guerre avec la Chine va Ă©touffer la production littĂ©raire dans la seconde moitiĂ© des annĂ©es 1930, et de nombreux auteurs vont rester Ă  distance de la scĂšne littĂ©raire jusqu'Ă  la fin de la guerre[206].

Peinture

Un style de peinture Ă  l'occitale, ou Yƍ-ga, se dĂ©veloppe au dĂ©but de l'Ăšre Meiji. Le conseiller Ă©tranger italien Antonio Fontanesi est recrutĂ© pour enseigner la peinture au sein de la Kƍbu Daigakkƍ. Le but initial est de rendre les japonais capable de rĂ©aliser des dessins fidĂšles, compĂ©tence prĂ©alable Ă  la mise en Ɠuvre de grands chantier de modernisation, du chemin de fer Ă  la construction navale[207]. Les techniques issues de cette approche utilitariste ne tardent pas Ă  ĂȘtre reprises dans des dĂ©marches plus artistiques. Certains japonais comme Kuroda Seiki Ă©tudient les beaux-arts Ă  Paris, et rapporte au Japon des connaissances sur les grands courants artistiques alors en vogue dans la capitale française. Les techniques comme la peinture Ă  l'huile, l'aquarelle, ou le pastel singularise la Yƍ-ga comparĂ© aux productions japonaises traditionnelles, tout comme certains types de sujets comme le nu[208].

Le style Nihonga se dĂ©veloppe en rĂ©action Ă  ce qui est perçu comme un excĂšs d'occidentalisation. Le conseiller Ă©tranger Ernest Fenollosa qui enseigne Ă  l'universitĂ© de Tokyo et l'un de ses Ă©tudiants Okakura Kakuzƍ prennent des initiatives qui mĂšnent Ă  la crĂ©ation de l'École des beaux-arts de Tokyo en 1887. Le but recherchĂ© est d'intĂ©grer certaines techniques occidentales, tout en conservant un style japonais. Des reprĂ©sentants de l'Ă©cole Kanƍ sont recrutĂ©s pour y enseigner, comme Kanƍ Hƍgai et Hashimoto Gahƍ, et l'Ă©cole forme les premiers reprĂ©sentant de ce style, comme Shimomura Kanzan, Yokoyama Taikan, ou encore Hishida Shunsƍ. Fenollosa se rend aussi Ă  Kyoto ou certains groupes locaux sont dans une dĂ©marche similaire, comme l'Ă©cole Murayama ou encore l'Ă©cole Shijƍ (d'oĂč est issu Takeuchi Seihƍ, l'un des futur grand reprĂ©sentant du Nihonga)[209].

La PremiĂšre Guerre mondiale ramĂšne au Japon de nombreux Ă©tudiants qui ont Ă©tĂ© initiĂ©s Ă  des styles non-rĂ©alistes, comme le fauvisme ou le cubisme. Ceci met en difficultĂ© les reprĂ©sentants du Yƍ-ga, qui se prĂ©sentaient alors comme les reprĂ©sentants d'une certaine esthĂ©tique Ă  l'occidentale[210]. Un groupe comme le Nika-kai, qui se constitue en 1914, se place en opposition avec les tenants du Yƍ-ga aux travers de revues comme Shirakaba ou Subaru. Ils nomment Fujishima Takeji Ă  leur tĂȘte, et comptent parmi ses premiĂšres figures tutĂ©laires des peintres comme Narashige Koide, Harue Koga, Tetsugorƍ Yorozu, Yuzƍ Saeki[211]. C'est dans ce groupe que vont aussi Ă©merger dans les annĂ©es 1930 des figures de l'art japonais d'aprĂšs-guerre comme Jirƍ Yoshihara, Yuki Katsura (en), Tarƍ Okamoto, ou Ken Domon. Le retour au Japon de Tsugouharu Foujita marque un tournant dans sa carriĂšre, celui-ci embrassant le militarisme de l'État, et produisant plusieurs toiles de propagande[212]. L'armĂ©e japonaise fait par ailleurs travailler prĂšs de 300 peintres Ă  partir de la fin des annĂ©es 1930 pour documenter ses actions. S'inscrivant souvent dans le rĂ©alisme du Yƍ-ga, leurs productions relatent de maniĂšre souvent trĂšs crue la guerre, et nombre de ces productions ne passe pas le cap de la censure[210]

Intégration des techniques étrangÚres sous l'Úre Meiji

Les premiers groupes de musique occidentale, des groupes de musique militaire, sont actifs dĂšs la fin de l'Ăšre Keiƍ. DĂšs le dĂ©but de l'Ăšre Meiji, l'armĂ©e et la marine disposent l'une et l'autre d'ensemble musicaux qui participent aux cĂ©rĂ©monies ou Ă  des reprĂ©sentations musicales. Elles disposent de chefs Ă©trangers qui forment les musiciens japonais. Lorsque ceux-ci retournent Ă  la vie civile, certains de ces musiciens deviennent eux-mĂȘmes des formateurs, et participent assez largement Ă  la diffusion de la musique occidentale dans le pays. Les musiciens officiels de la cour, qui jusqu'Ă  lĂ  sont spĂ©cialisĂ©s dans le Gagaku, reçoivent eux aussi une formation pratique et thĂ©orique dans ce domaine, et jouent pour la premiĂšre fois le des morceaux de ce type Ă  l'occasion de l'anniversaire de l'empereur. Une place particuliĂšre est aussi dĂ©diĂ©e Ă  la musique occidentale au sein du projet Ă©ducatif du rĂ©gime de Meiji, et dĂšs la loi sur l'Ă©ducation de 1872 une place lui est rĂ©servĂ©e dans le cursus. Des formateurs Ă©trangers sont recrutĂ©s pour participer Ă  la mise en Ɠuvre de cette politique (Luther Whiting Mason puis Franz Eckert) ; la formation des futurs enseignants dĂ©bute rĂ©ellement en 1880, et un premier manuel scolaire est publiĂ© en 1881[213]. En 1887 est aussi crĂ©Ă© un comitĂ© musical, futur dĂ©partement de musique de l'UniversitĂ© des arts de Tokyo. Des Ă©tudiants japonais sont aussi envoyĂ© Ă  l'Ă©tranger pour y Ă©tudier, comme Nobu Kƍda (en)[214], et d'autres composent des morceaux alliant tradition japonaise et technique occidentale, comme le Kƍjƍ no tsuki composĂ© en 1901 par Rentarƍ Taki[215]. Pour rĂ©pondre aux besoins d'instruments, plusieurs entreprises sont fondĂ©es Ă  la mĂȘme Ă©poque, comme Yamaha pour les harmoniums (1887) ou Suzuki pour les violons (1887). Le Japon va au dĂ©but du XXe siĂšcle servir Ă  former de nombreux musiciens venus de ses colonies, puis Ă  y diffuser cette musique[214].

Le gagaku, ou « musique raffinĂ©e » utilisĂ©e lors des rites impĂ©riaux, connait un certain dynamisme. Ce genre a connu un renouveau pendant l'Époque d'Edo grĂące Ă  des financements du shogunat[216]. Le Jingi-kan, bureau chargĂ© du shintƍ, fonde le Gagaku Kyoku le , nouvel organisme chargĂ© de superviser ce genre musical[217]. Les musiciens de cet organisme s'attĂšlent entre 1876 et 1888 Ă  compiler le Meiji sentei-fu, recueil du rĂ©pertoire de ce genre musical, participant ainsi Ă  codifier celui-ci[218]. Le gagaku est aussi utilisĂ© dans les relations que le pays entretient avec le monde extĂ©rieur. Des dignitaires Ă©trangers sont reçus avec des reprĂ©sentations musicales de ce type, et les expositions universelles qui se tiennent en Europe en 1867, en 1873, et en 1878 reçoivent des musiciens et des instruments[219]. Des mĂ©lodies de ce style comme Kuni no shizume ou encore Inochi wo sutete sont aussi composĂ©e pour l'ArmĂ©e et pour la Marine pour leurs cĂ©rĂ©monies, qui sont ensuite adaptĂ©e pour leurs orchestres[220]. L'Ă©ducation se voit elle aussi gratifiĂ©e de mĂ©lodies de ce type pour ses cĂ©rĂ©monies. Lorsque le gouvernement publie en 1893 un livret de huit chants destinĂ©s Ă  ĂȘtre jouĂ©s lors des festivals de l'annĂ©e, cinq sont de ce type[221].

Dans les campagnes, des formes chantĂ©es populaires subsistent. Les Sƍshi Enkapratiquent le chant de rue, dont le contenu des paroles critique souvent le pouvoir de maniĂšre satirique[222]. Soeda Azenbƍ (ja), qui commence Ă  parcourir le pays Ă  la fin des annĂ©es 1880, est une des figure les plus connue de cet art ; ses chants sont souvent imprimĂ©s, et vendus sous forme de feuilles volantes dans tout le pays[223].

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Le fleurissement de l'entre-deux-guerre

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La Chanson de Katioucha, un des premiers succĂšs de la RyĆ«kƍka.

Jusqu'au milieu des annĂ©es 1920 les maisons de disques japonaises cherchent Ă  capitaliser sur les chansons dĂ©jĂ  populaires en les publiant plutĂŽt qu'Ă  chercher Ă  faire Ă©merger les chansons pour les rendre populaires. Le premier succĂšs de la musique populaire, ou RyĆ«kƍka, la Chanson de Katioucha est Ă  l'origine un morceau chantĂ© par Matsui Sumako dans une piĂšce de thĂ©Ăątre inspirĂ©e de RĂ©surrection qui se produit dans les grandes villes du pays en 1914. Sa popularitĂ© incite une maison de disque Ă  publier le morceau, et en vend plus de 20 000 exemplaires. La dynamique s'invers dans les annĂ©es 1920. Le dĂ©veloppement du cinĂ©ma et de la radio permet de produire la musique en amont et d'utiliser les mĂ©dia pour la diffuser ensuite. Un morceau comme Kimi koishi sorti en 1929 relĂšve de cette logique[224].

Plusieurs styles deviennent populaires dans l'entre-deux-guerre. Le jazz japonais rencontre ses premiers succĂšs dans les annĂ©es 1920, notamment avec le My Blue Heaven du chanteur Teiichi Futamura (ja) en 1928, et la chanteuse Fumiko Kawabata (ja) Ă©merge dĂšs 1930[225]. S'il ne relĂšve pas directement du style du jazz, le morceau La Marche de Tokyo qui se vend Ă  250 000 copies en 1929 par le contenu de ses paroles permet de vĂ©hiculer plusieurs des thĂšmes urbains associĂ© Ă  ce style, notamment la figure de la Moga[226]. Le « shin min'yƍ » (ou « nouveau chant populaire ») est un des sous-genre du RyĆ«kƍka qui connait de nombreux succĂšs dans l'entre-deux-guerres. Il s'agit de rĂ©orchestrations Ă  l'occidentale de chants traditionnels japonais, de chants populaires Ă©trangers comme Aloha Ê»Oe ou My Old Kentucky Home[225], ou mĂȘme du chant corĂ©en Arirang qui connait ainsi plusieurs succĂšs populaires sous cette forme au Japon dans les annĂ©es 1930 alors qu'il est au mĂȘme moment un chant patriotique dans la CorĂ©e occupĂ©e par le Japon[227].

La production et la diffusion de la musique suivent des dynamiques Ă  la fois locales et internationales. Des entreprises Ă©trangĂšres comme Columbia Records, Victor Talking Machine Company, ou Polydor disposent dĂšs 1927 d'un bureau Ă  Tokyo pour y vendre leurs productions, mais aussi pour y produire des artistes locaux. De nombreux labels sont situĂ©s dans le Kansai, et Tokyo est trĂšs loin de concentrĂ© la production. Les modes de diffusion sont aussi variĂ©s : cinĂ©ma, grands magasins, salles de danses d'hĂŽtels, ou encore compagnies de thĂ©Ăątre itinĂ©rantes. La forme de la revue est aussi populaire, mais jouit parfois d'une rĂ©putation sulfureuse en raison des tenues portĂ©es par ses danseuses[228]. La Revue Takarazuka fondĂ©e en 1914 jouit dĂšs ses premiĂšres annĂ©es d'une trĂšs grande popularitĂ©. Les ballroom dans lesquelles hommes et femmes pratiquent des danses de salon, corps contre corps, fleurissent dans la rĂ©gion d'ƌsaka dĂšs le milieu des annĂ©es 1920. Les clients masculins paient alors pour danser avec des femmes travaillant pour l'Ă©tablissement. DĂšs 1927 les autoritĂ©s prennent des mesures pour encadrer ces Ă©tablissements et s'assurer de leurs moralitĂ©. Ce genre d'Ă©tablissements se dĂ©veloppent ensuite sur Tokyo avant d'ouvrir dans d'autres villes du pays et de l'empire. En 1937, 39 sont ainsi en activitĂ© en dehors de Tokyo, et 17 autres dans les colonies[178].

Cinéma

Le cinĂ©ma japonais commence son histoire en 1899 avec le tournage de Momijigari, tirĂ© d'une piĂšce de kabuki. Lors de ses deux premiĂšres dĂ©cennies d'histoire, le nouvel art se conçoit comme une extension d'expressions artistiques nationales prĂ©-existantes. Le film sert Ă  complĂ©ter une Ɠuvre ou Ă  lui fournir une nouvelle dimension en adaptant Ă  l'Ă©cran un contenu conçu pour la scĂšne. Les conteurs de spectacles de marionnettes, les gidayĆ«-bushi, servent de commentateurs de films muets, ou benshi. Des genres thĂ©Ăątraux du Kabuki comme le shinpa (mĂ©loframes) ou le Shingeki (« nouveau drame ») se voient adapter dans les premiĂšres productions cinĂ©matographique de la pĂ©riode[229]. Des rĂ©cits classiques sont eux aussi une inspiration importante, comme l'histoire des 47 rƍnin qui est portĂ©e 45 fois Ă  l'Ă©cran entre 1907 et 1925, et plus encore les annĂ©es suivantes[230]. Ce nouveau mĂ©dia joue aussi un rĂŽle important lors de la guerre russo-japonaise de 1904-1905 pour informer les japonais au travers de faux documentaires mĂȘlant images originales du conflit et plans crĂ©Ă©s pour l'occasion[231].

Ce n'est que vers la fin des annĂ©es 1910 et l'afflut de nombreux films Ă©trangers que le cinĂ©ma japonais commence Ă  intĂ©grer des techniques et des styles narratifs plus proches des modĂšles occidentaux de la mĂȘme Ă©poque[231]. La rupture va ĂȘtre portĂ©e par de nouveaux studio de productions comme Shƍchiku et Taikatsu (crĂ©Ă©s en 1920), alors que des studios plus anciens comme Nikkatsu ou Tenkatsu font plus longtemps perdurer leurs liens stylistiques avec d'autres formes artistiques comme le kabuki[232]. Le pays produit aussi ses premiers anime, style dont Noburƍ ƌfuji devient l'un des principaux reprĂ©sentant[233]. Les benshi, commentateurs de films muets, perdurent cependant tout au long des annĂ©es 1920 et jusqu'au dĂ©but des annĂ©es 1930 et connaissent mĂȘme lors de cette pĂ©riode une phase de starification. Leurs rĂŽles pendant la projection du film tend cependant Ă  s'effacer au profit des acteurs[234], et leurs rĂŽle pĂ©riclite au milieu des annĂ©es 1930 lors de l'arrivĂ©e des films parlants[232]. Le Japon produit lui son premier film parlant en 1931, Madamu to nyƍbƍ, mais ce n'est que dans la seconde moitiĂ© des annĂ©es 1930 que cette technique s'impose rĂ©ellement[233]. L'industrie cinĂ©matographique connait une forte croissance Ă  partir de la fin des annĂ©es 1920 grĂące Ă  ses succĂšs d'audience. Plus de 700 films sont produits par an entre 1928 et 1938, ce qui hisse le pays Ă  la premiĂšre place mondiale en matiĂšre de production filmique[235]. En 1940 le pays compte alors une dizaine de grandes compagnies cinĂ©matographiques[230].

La production filmique commence Ă  se polariser dĂšs les annĂ©es 1920 autour de deux genres majeurs, le jidaigeki et le gendaigeki, entre films traitant de rĂ©cits historiques et films traitant de rĂ©cits contemporains[235]. Le sĂ©isme du Kantƍ de 1923 qui frappe durement la rĂ©gion de Tokyo pousse la plupart des studio Ă  dĂ©mĂ©nager dans l'ouest du pays, oĂč ils s'Ă©tablissent Ă  Kyƍto, ƌsaka, et Kƍbe, et oĂč le style du jidaigeki va s'Ă©panouir. Le studio Shƍchiku reste lui Ă  Tokyo, oĂč il est le seul studio actif entre 1923 et 1934, et oĂč il se distingue par la qualitĂ© de ses productions relevant du gendaigeki. Une certaine spĂ©cialisation va s'opĂ©rer entre ces deux espaces lors des annĂ©es 1920 et 1930[236]. Un sous-genre du jidaigeki comme le Chanbara (film se concentrant sur les combats au sabre) connait un succĂšs certain, et compte les premiĂšres stars comme Tsumasaburƍ Bandƍ (qui joue dans Orochi en 1925)[235]. Le style du gendaigeki compte avec la sortie en 1936 de Naniwa erejii l'un de ses reprĂ©sentant d'avant-guerre les plus aboutis[226], alors que dans le mĂȘme genre Gosses de Tokyo d'Ozu sorti en 1932 reste dans le registre du film muet[237]. Orochi comme Naniwa erejii parviennent Ă  vĂ©hiculer une critiques politique et sociale de leurs sociĂ©tĂ©, s'attirant Ă  la fois l'attention du public et de la censure[235] - [226].

La montĂ©e du militarisme dans les annĂ©es 1930 va s'imposer comme une contrainte majeure pour la production filmique. Une loi de 1939 va imposer des rĂšgles de censure plus drastiques, et en 1940 l'État impose la fusion de plusieurs studio, ce qui lui permet de mieux contrĂŽler la production. Le genre du film de guerre se dĂ©veloppe rapidement, avec des productions comme Les Cinq Éclaireurs (1938), Boue et soldats (1939), L'Histoire du commandant de chars Nishizumi (en) (1940)[238]. La guerre y est le plus souvent prĂ©sentĂ©e comme une expĂ©rience anoblissante pour l'homme, qui permet de purifier la sociĂ©tĂ©, tout en faisant rĂ©sonnance aux valeurs japonaise du Bushidƍ prĂŽnĂ©es par le rĂ©gime. Ce message se retrouve aussi dans les jidaigeki produits au mĂȘme moment comme La Vengeance des 47 rƍnin, qui partage le goĂ»t pour des dĂ©cors opulents avec d'autres films du mĂȘme style produits Ă  la mĂȘme Ă©poque[239]. Les jidaigeki vont aussi Ă  l'occasion servir le message de la propagande anti-alliĂ©s, Ahen senso (1943) prend ainsi pour toile de fond la premiĂšre guerre de l'opium pour vĂ©hiculer une message anglophobe[240]. La propagande cible aussi le public des enfants, et plusieurs films anime sont produits. Le personnage de Norakuro de Norakuro fait l'objet de 4 adaptations entre 1933 et 1938[241], et Momotaro, le divin soldat de la mer sorti en bĂ©nĂ©ficie d'un travail sur l'animation qui reste inĂ©galĂ© jusqu'Ă  la fin des annĂ©es 1950[242].

Intégration des styles occidentaux sous l'Úre Meiji

Japanese-Western Eclectic Architecture (en)

L'architecture japonaise intĂšgre les influences occidentales par plusieurs biais Ă  partir du dĂ©but de l'Ăšre Meiji. Un nombre rĂ©duit d'architectes Ă©trangers travaillent dans le pays au dĂ©but de la pĂ©riode, tels Thomas Waters qui produit Ă  Osaka l'hĂŽtel des monnaies et la rĂ©sidence Senpukan qui compte parmi les premiers bĂątiments de style occidental dans le pays. Certains de ces Ă©trangers sont recrutĂ©s comme conseillers Ă©trangers, et travaillent dans le pays comme enseignants de maniĂšre Ă  transmettre aux japonais les techniques et styles de construction. C'est le cas de Charles Alfred Chastel de Boinville (en) et de Giovanni Vincenzo Cappelletti, ou encore de Josiah Conder , ce dernier Ă©tant en charge des premiers cours d'architecture de l'universitĂ© de Tokyo. Cette acquisition de savoir est aussi faite aux travers de nombreux Ă©tudiants japonais envoyĂ©s en Europe et aux États-Unis grĂące Ă  des bourses du gouvernement, et qui Ă  leurs tours deviennent souvent enseignants en architecture Ă  leurs retour. C'est le cas de Yamaguchi Hanroku (ja) ou de Nakamura Junpei (ja) qui Ă©tudient Ă  Paris, ou de Tatsuno Kingo qui Ă©tudie Ă  Londres[243].

Une architecture pseudo-occidentale, ou GiyƍfĆ«, Ă©merge alors. Celle-ci doit composer avec les limites techniques des dĂ©buts de l'Ăšre Meiji. Les constructeurs japonais dans un premier temps utilisent leurs techniques de constructions en bois en ne copiant que l'apparence extĂ©rieure des bĂątiments (comme Ă  l'Ă©glise d'ƌura Ă  Nagasaki), avant d'utiliser aussi les techniques de constructions une fois celles-ci maitrisĂ©es. Le bĂątiment de la Banque du Japon construit en 1896 par Tatsuno Kingo apparait comme le premier bĂątiment de ce style conçu et construit uniquement par des japonais maitrisant les techniques occidentales[243]. Un architecte comme Katayama Tƍkuma s'illustre aussi en intĂ©grant diffĂ©rents styles europĂ©ens en fonction de ses rĂ©alisations : baroque pour le MusĂ©e national de Nara (en 1894), Style Second Empire pour le MusĂ©e national de Kyoto (1895), nĂ©oclassique pour le hyƍkeikan du MusĂ©e national de Tokyo (1908), et en ligne avec les productions des palais royaux europĂ©ens pour le Palais d'Akasaka. Tsumaki Yorinaka est l'autre grande figure de ce courant architecturale sous l'Ăšre Meiji, Ă  qui l'on doit notamment le bĂątiment du Kanagawa Prefectural Museum of Cultural History (en), conçu dans un style nĂ©obaroque alors en vogue en Allemagne. D'autres bĂątiments de ce style GiyƍfĆ« sont notables, comme les anciens bureaux du gouvernement de Hokkaidƍ, le Rokumeikan (aujourd'hui dĂ©truit), ou encore la Kaichi School (en)[244].

Seconde moitié de la période impériale, japanisme et modernisme

Une production reprenant les codes traditionnels japonais s'affirme au travers des productions d'Itƍ ChĆ«ta. AprĂšs avoir Ă©tudiĂ© le complexe bouddhiste du HƍryĆ«-ji dans la prĂ©fecture de Nara, il en tire des grands principes sensĂ© incarner l'architecture japonaise, notamment concernant le rĂŽle de la toiture des bĂątiments[245]. Il intĂšgre souvent Ă  ses productions des matĂ©riaux modernes comme le bĂ©ton, et une toiture inspirĂ© des temples bouddhiques[246]. Il se voit confier la rĂ©alisation de plusieurs grands temples au Japon (Meiji-jingĆ« en 1920, reconstruction de Yasukuni-jinja en 1924, Tsukiji Hongan-ji en 1934) mais aussi dans les colonies (Taiwan-jingĆ« en 1901, Chƍsen-jingĆ« en 1925), ainsi que plusieurs bĂątiments mĂ©moriaux[245]. Itƍ ChĆ«ta exerce de plus une influence importante dans la production des bĂątiments publics en participant trĂšs souvent aux jurĂ©es chargĂ© de dĂ©partager des projets concurrents, et en favorisant ceux qui relĂšve du style Ă  toiture impĂ©riale (en). La recherche de codes traditionnels amĂšne un autre architecte comme Hideto Kishida (en) dans une voie diffĂ©rente, plus portĂ©e sur la simplicitĂ© des formes, et compatible avec le modernisme. Enseignant Ă  l'universitĂ© de Tokyo, et y exerçant une influence importante sur les futurs architectes qui sont formĂ©s dans les annĂ©es 1930, Hideto Kishida (en) voit dans le villa impĂ©riale de Katsura et son pavillon de thĂ© un exemple Ă  suivre[246].

Une architecture moderniste est portĂ©es par plusieurs architectes Ă  partir des annĂ©es 1920. Le mouvement Bunri ha (ja) s'inspire de la SĂ©cession viennoise, et un de ses co-fondateur Ishimoto Kikuji (ja) rĂ©alise le nouveau siĂšge que le journal Asahi Shinbum se fait construire en 1927, ainsi que le grand magasin Shirokiya en 1928. Il recherche Ă  obtenir un bĂątiment esthĂ©tique en passant par l'Ă©quilibre des formes et des volumes, et la symĂ©trie des motifs, et non par la copie de styles historiques[247]. Les travaux de Le Corbusier sont popularisĂ©s dans la communautĂ© des architectes locaux au travers d'une vingtaines d'articles publiĂ©s dans Kokusai Kenchiku en 1929, et plusieurs japonais travaillent Ă  ses cotĂ©s dans ses bureaux parisiens comme Kunio Maekawa ou Junzƍ Sakakura. Ce dernier rĂ©alise avec le Pavillon japonais de l'exposition universelle de Paris de 1937 l'un des premiers bĂątiment rĂ©alisĂ© pour le Japon en suivant les prĂ©ceptes de l'architecte suisse. Quelques architectes Ă©trangers rĂ©alisent par ailleurs des bĂątiments modernistes au Japon lors de cette pĂ©riode, comme AntonĂ­n Reimann et Frank Lloyd Wright[248]


Sources

Notes

  1. Bien que déclenchées à des dates différentes, les attaques sont simultanées (à une heure prÚs) car elles ont lieu de part et d'autre de la ligne de changement de date.
  2. La premiĂšre, l'UniversitĂ© de Tokyo est inaugurĂ©e en 1877. Elle est suivie les annĂ©es suivantes par l'UniversitĂ© de Kyƍto en 1897, et l'UniversitĂ© du Tƍhoku Ă  Sendai en 1907. Au total neuf sont crĂ©es, dont deux dans les colonies : l'UniversitĂ© impĂ©riale de Keijƍ en 1924 et l'UniversitĂ© impĂ©riale de Taihoku en 1928.
  3. Ces chiffres intÚgre les étudiants d'universités, mais aussi de collÚges universitaires aux formations plus courtes
  4. Minatogawa-jinja est consacrĂ© en 1871 Ă  Kƍbe, Toyokuni-jinja est restaurĂ© en 1880 Ă  Kyƍto, Abeno-jinja en 1882 Ă  ƌsaka, Kashihara-jingĆ« en 1889 Ă  Nara. Voir Shimazono Susumu 2009, p. 112
  5. Une querelle porte en particulier sur le nombre de dieux majeurs, trois ou quatre, Ă  inclure dans le panthĂ©on shintƍ.
  6. Motoori Norinaga (1730–1801) et Hirata Atsutane (1776–1843) en particulier se sont montrĂ©s trĂšs virulents dans les critiques du bouddhisme.

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