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Modern girl

Le terme Modern girl (ăƒąăƒ€ăƒłă‚ŹăƒŒăƒ«, modan gāru, aussi abrĂ©gĂ© en moga) qualifie un courant de mode du xxe siĂšcle qui s'est manifestĂ© pendant les annĂ©es 1920 au Japon.

Gravure sur bois de la « Modan Gāru » (Kobayakawa Kiyoshi, 1930).

Au-delà d'un style propre aux années 1920, le phénomÚne Modern girl renvoie à l'image d'un sex-symbol et d'une nouvelle femme, émancipée, moderne et à la fine pointe de la mode internationale, qui s'oppose au modÚle féminin traditionnel en kimono et getas.

Origine

Étymologie

À partir de , le Japon s'ouvre aux influences du monde extĂ©rieur. Le vocabulaire japonais s'enrichit alors grĂące Ă  des emprunts Ă  l'anglais, les gairaigo (ć€–æ„èȘž). Le terme moga (ヱガ) est l’abrĂ©viation de modan gāru (ăƒąăƒ€ăƒłă‚ŹăƒŒăƒ«), transcription japonaise de l'anglais modern girl.

L’écrivain Junichiro Tanizaki (1886-1965), dont l'Ɠuvre Ă©voque de maniĂšre imagĂ©e l'occidentalisation du Japon moderne, introduit ce terme dans son roman publiĂ© en 1924, Un amour insensĂ©. Il y dĂ©peint une jeune femme libĂ©rĂ©e, Naomi, qui Ă©volue dans la vie frivole de Tokyo et rĂȘve de devenir « terriblement moderne ». Cette hĂ©roĂŻne, serveuse de 15 ans, aux allures de Mary Pickford, s'affirme de plus en plus indĂ©pendante, capricieuse, indolente. Elle s'arroge peu Ă  peu tous les droits pour n'en laisser aucun Ă  son mari. La critique la prĂ©sente comme « un monstre de vulgaritĂ© », mais un « monstre fascinant »[1].

« Moga » en tenue de matelot.

Contexte historique

Sous l'Ăšre Taisho (1912-1926), les intĂ©rĂȘts nationaux du Japon ont considĂ©rablement augmentĂ©, en particulier pendant la PremiĂšre Guerre mondiale, dans laquelle le Japon s'est engagĂ© aux cĂŽtĂ©s de la Triple-Entente. En effet, le Japon n'ayant pas eu de combats sur son sol (sur le continent, les combats eurent lieu principalement dans les territoires allemands de Chine), le pays a vu croĂźtre fortement ses exportations mais Ă©galement ses relations avec le monde extĂ©rieur. Les États-Unis sont notamment enclins Ă  aider le Japon, vu comme un alliĂ© important face au communisme russe et au nationalisme chinois. Par cette influence amĂ©ricaine, l’ùre du jazz et le consumĂ©risme font leur entrĂ©e au Japon. Ce nouveau mode de vie transparaĂźt Ă©galement Ă  travers le cinĂ©ma et les magazines. À cette Ă©poque, la femme tĂȘte d'affiche au cinĂ©ma est une « garçonne ». La variante japonaise de la garçonne est alors la Modan Gāru ou Moga. Elle est souvent accompagnĂ©e de son Modan Boy ou Mobo. Elle se distingue non seulement par une tenue occidentale, jugĂ©e bien plus provocante que la tenue traditionnelle japonaise, mais aussi par des idĂ©es nouvelles, influencĂ©es par le monde occidental.

Un autre changement important est celui de la condition féminine. Les femmes au foyer qui ont eu le devoir de remplacer les hommes partis à la guerre de 1914-1918 au front, ont pris une place plus importante sur le marché du travail et ont besoin d'une reconnaissance de service. De ce fait, elles réclament l'égalité des droits au travail et dans la vie civique (voir le mouvement des suffragettes).

La situation intĂ©rieure ayant Ă©tĂ© soutenue par une Ă©conomie en plein essor, la sociĂ©tĂ© de consommation et l'importation de plus en plus de produits Ă  la mode (importĂ©s par voie maritime) ont stimulĂ© des activitĂ©s de consommation vigoureuses, et le dĂ©veloppement industriel mĂ©canisĂ© et rationalisĂ© a favorisĂ© la promotion sociale des femmes en tant qu'ouvriĂšres, qui ont assimilĂ© certaines des modes et coutumes en vogue chez les pays occidentaux, notamment le Royaume-Uni et les États-Unis.

Les vĂȘtements occidentaux traditionnels, jusqu'Ă  prĂ©sent coĂ»teux et limitĂ©s Ă  des vĂȘtements formels pour les classes supĂ©rieures, ont commencĂ© Ă  se rĂ©pandre chez les jeunes, ainsi que chez les femmes disposant d'un travail et donc d'un plus grand pouvoir d'achat.

Au cours de cette pĂ©riode, suivant la tendance de la « dĂ©mocratie Taisho », le suffrage universel (limitĂ© aux hommes) a Ă©tĂ© mis en Ɠuvre (il n’avait pas encore Ă©tĂ© adoptĂ© dans de nombreux pays d’Europe). Dans le domaine de l’éducation, le Mouvement pour l’éducation libre Taisho a vu le jour. De plus, l’enseignement supĂ©rieur, qui n’était auparavant autorisĂ© que pour certains lycĂ©ens, s’est progressivement Ă©tendu aux gens ordinaires. La libertĂ© individuelle et l’expansion de l’ego Ă©taient nĂ©cessaires, et l’apport de la culture occidentale avancĂ©e depuis l’illumination de la civilisation Ă  l’époque Meiji Ă©tait respectĂ© comme un esprit entreprenant.

Sous l'influence de cette éducation nouvelle, les coutumes des jeunes hommes et femmes se tournent vers le modernisme (promotion de la modernité) évoluant dans une ville qui prend un aspect moderne une génération libérée des liens du cadres traditionnels apparaßt sous les feux de la rampe..

Caractéristiques

Attitude

La moga est une femme exubérante qui aime la vie. Son comportement ne concorde pas du tout avec l'image, les valeurs et les normes associées à la femme japonaise traditionnelle. Au lieu de se comporter comme une ménagÚre exemplaire, la Modan Gāru, dérivé phonétique de Modern Girl, s'adonne à des activités dites masculines (comme le tennis, la conduite automobile) et multiplie les flirts. Elle fume, boit, et n'a pas la langue dans sa poche. Elle est à l'image de la féminité occidentale des années 1920.

Tenue vestimentaire

Moga avec leurs tenues occidentales.

Le kimono traditionnel est remplacĂ© par des robes et des jupes moulantes, qui accentuent les formes du corps fĂ©minin. Cette tenue vestimentaire est considĂ©rĂ©e comme vulgaire. La longueur des robes et jupes s'arrĂȘte juste au-dessus ou en dessous des genoux. Elle peut ĂȘtre longue jusqu’à la cheville mais elle n’est alors que rarement moulante. Cette derniĂšre longueur apporte beaucoup d'aisance lorsque les jeunes femmes vont danser.

En dessous, elles portent des bas couleur chair. Le corset rigide et dur, fort apprĂ©ciĂ© dans l’ùre victorienne, est remplacĂ© par un corset flexible, lequel aplatit la poitrine et crĂ©e ainsi l’illusion d’une silhouette garçonne.

Cette nouvelle ligne respire le confort et la liberté, ce que les femmes actives adorent.

Le chapeau en forme de cloche est l’accessoire typique de cette Ă©poque que l’on porte avec un long manteau de fourrure.

À la plage, les « mogas » portent des maillots de bain, vĂȘtement considĂ©rĂ© comme choquant dans les annĂ©es 1920.

Maquillage et coiffure

Une « Modan Gāru » est reconnaissable à sa chevelure courte. La coupe au carré avec sa raie sur le cÎté et ses boucles en forme de vagues, est la coiffure la plus à la mode.

Pour les occasions plus festives, on garnit la chevelure avec un bandeau autour de la tĂȘte garni de plumes ou de pierres prĂ©cieuses. Le visage est recouvert d’un fond de teint trĂšs clair qui contraste avec les lĂšvres trĂšs rouges. Les sourcils sont finement Ă©pilĂ©s et puis redessinĂ©s en ligne descendante vers les tempes. Un tout nouveau produit agrandit le regard et allonge les cils, le mascara.

Les « mogas » les plus audacieuses utilisent un crayon khÎl pour intensifier le regard et le rendre plus mystérieux.

Philosophie

FĂ©minisme

Les « moga » sont souvent associĂ©es au fĂ©minisme. Mais il est en rĂ©alitĂ© incorrect de prĂ©tendre qu’elles sont membres de mouvements fĂ©ministes. Au contraire, les mouvements fĂ©ministes venus de l’AmĂ©rique et les « moga », plus libertines, ne s’entendent pas bien.

Les courants fĂ©ministes militent en faveur du droit de vote des femmes ainsi que pour obtenir les mĂȘmes droits juridiques que les hommes. Elles considĂ©rent les « Modan Gāru » comme des femmes frivoles, sans dignitĂ©, aimant ĂȘtre vues comme des objets sexuels.

Pourtant les « moga » sont sur le plan fĂ©ministe assez rĂ©volutionnaires, surtout parce qu’elles ne se comportent pas comme des Ă©pouses obĂ©issantes ou des mĂšres, chose traditionnellement mise en valeur dans la sociĂ©tĂ© japonaise, mais comme des femmes fortes et indĂ©pendantes.

L'écrivaine Chiyo Uno exerce une influence significative sur la mode, le cinéma et la littérature japonaises de cette époque. Elle mÚne une vie de bohÚme et a de nombreuses liaisons avec des écrivains, des poÚtes et des peintres de l'époque. Son mode de vie est trÚs représentatif de la jeune fille moderne, avide de liberté et de plaisirs.

Réaction de la société

La « Modan Gāru » suscite beaucoup de controverses dans l'opinion publique japonaise.

Avec sa garde-robe occidentale et provocatrice, ainsi que par son caractÚre rebelle, elle est mal vue par les traditionalistes, dominants dans les classes populaires. Ces derniers la perçoivent comme une élitiste riche et capricieuse.

La majoritĂ© d’entre eux, femmes incluses, pense que les influences occidentales dĂ©truisent la culture traditionnelle japonaise et que la femme devait ĂȘtre soumise et obĂ©issante vis-Ă -vis de son Ă©poux et de son entourage, et se consacrer avant tout Ă  la maternitĂ©. La « Modan Gāru » libertine ne pouvait ĂȘtre considĂ©rĂ©e comme « femme japonaise » par une partie du peuple.

Mais dans les classes moyennes ayant reçu une Ă©ducation de type europĂ©en, la Moga est considĂ©rĂ©e comme rafraĂźchissante et incarne la modernitĂ© et l’égalitĂ© avec l’Occident. Finalement, c’est un nouveau type de femme qui apparait, capable de jouer au tennis mais Ă©galement de s'occuper de la cĂ©rĂ©monie du thĂ©. Cette femme devient alors l’image de la femme japonaise idĂ©ale.

Cependant, du point de vue des roturiers conservateurs et de la campagne reste l’idĂ©e que c’était une tendance frivole d’adopter Ă  la hĂąte des travestissements de style occidental. Bien que l’on ait pensĂ© que la dĂ©mocratie parlementaire prendrait racine avec la mise en place du suffrage universel en 1948 et maintiendrait l’esprit de libertĂ©, les effets de la Grande DĂ©pression et de la guerre en Chine dans les annĂ©es 1930 marquĂšrent un coup d'arrĂȘt Ă  ces changements (chĂŽmages chez les femmes auparavant ouvriĂšres, retour des nationalistes au pouvoir)..

Zone d’influence

La mode de la « moga » est surtout importante dans les grandes villes, auprÚs des femmes urbaines, ayant reçu une éducation scolaire, issues de milieux favorisés.

Fin de la période « moga »

Si le fĂ©minisme persiste dans les consciences de certaines femmes japonaises, la mode et la culture « moga » disparaissent dans les annĂ©es 1930 pour des raisons Ă©conomiques liĂ©es Ă  la Grande DĂ©pression, et politiques aprĂšs l’incident du 26 fĂ©vrier 1936 (tentative de coup d'État fomentĂ© par les ultra-nationalistes). Le gouvernement japonais impose alors Ă  la sociĂ©tĂ© le modĂšle traditionnel de la femme au foyer, discrĂšte et soumise.

Notes et références

  1. Alberto Moravia, préface trad. de l'italien par René de Ceccatty, Un amour insensé, trad. Marc Mécréant, Gallimard, 1988, p. III.

Bibliographie

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