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Industrie lourde

Le terme d'industrie lourde désigne en général les activités nécessitant, pour exister, l'emploi d'outils et de capitaux très importants. On peut considérer les secteurs liés à la production ou la transformation de matières premières comme les mines, la métallurgie, la sidérurgie, la pétrochimie, la papeterie et la chimie de première transformation comme étant des exemples de ce que l'on classe couramment dans l'industrie lourde[1] - [2]. Certaines activités à dominante mécanique ou électrique comme la construction navale ou la production d'électricité sont également de bons exemples.

hoto aérienne d'une rafinerie
Raffinerie de la paroisse de Saint-Bernard, Louisiane, en 2008.

Histoire

La course au gigantisme est une stratégie courante dans les industries liées aux matières premières. Elle permet d'améliorer les coûts, de s'adapter aux matières premières et d'améliorer la qualité des produits[3].

Capacités des plus grosses installations industrielles mondiales (t/an)[3]
Métal Procédé Année
1950 1989 1996
Aluminium, Al Hydrométallurgie (tminerai/an) 2 500 000 8 700 000 10 000 000
Métallurgie (tmétal/an) 130 000 430 000 2 000 000
Cuivre, Cu Hydrométallurgie (tminerai/an) 23 000 000 30 000 000 35 000 000
Métallurgie (tmétal/an) 260 000 435 000 450 000
Plomb, Pb Minéralurgie (tminerai/an) 1 000 000 3 000 000 6 000 000
Métallurgie (tmétal/an) 220 000 230 000 300 000
Zinc, Zn Minéralurgie (tminerai/an) 600 000 3 600 000 3 000 000
Métallurgie (tmétal/an) 160 000 200 000 685 000

Pour autant, cette croissance n'est pas illimitée, et peut être bloquée par des barrières technologiques ou, plus souvent, par le marché. Ainsi, en 1946, on estime l'optimum de capacité d'une usine sidérurgique à 1 million de tonnes d'acier/an[4]. En 1978, des experts prédisent que l'usine sidérurgique de 1990 devrait produire 20 Mt/an pour être rentable[5]. Or, malgré l'augmentation continue de production mondiale d'acier, la capacité des plus gros complexes sidérurgiques stagne autour de 10 millions de tonnes par an depuis les années 1980, et les mini-mills américaines qui produisent 500 000 tonnes par an se sont avérées bien plus rentables que les gros complexes sidérurgiques concurrents.

Caractéristiques principales

Outils

Paysage industriel de l'industrie lourde avant la Première Guerre mondiale, les hauts fourneaux d'Anzin,

À titre d'exemple, en sidérurgie, l'investissement lié à la construction d'une usine « standard » de brames à partir de minerai de fer et de houille, d'une capacité de 5 millions de tonnes par an, peut atteindre milliards de dollars[6]. Le montant de ce « ticket d'entrée » implique donc souvent :

  • une participation ou une protection de la part des États, tant pour constituer que pour pérenniser un outil industriel ;
  • la modernisation permanente des outils existants, moins coûteuse que la construction d'installations neuves[7] ;
  • des fluctuations importantes des prix de vente (comme pour l'essence ou l'acier), dues au fait que l'offre ne peut qu'évoluer plus lentement que la demande.

Cette sensibilité à la conjoncture économique explique que, malgré leur taille, les entreprises sont fragilisées par les investissements qu'elles consentent. Les sidérurgistes lorrains ont, par exemple, été pénalisés par la construction de l'usine à chaud de la Solmer à Fos-sur-Mer, qui a coûté 14 milliards de francs en 1974[8], mais inaugurée en plein choc pétrolier, ce qui a bloqué la finalisation de l'usine et pénalisé sa rentabilité au point que le gouvernement estima 10 ans après que la meilleure solution consisterait à tout fermer[9]. De même, et plus récemment, victime de la crise de 2008, le complexe sidérurgique américain de ThyssenKrupp (aciérie au Brésil et laminoirs en Alabama), dont la construction avait coûté, en 2010, près de 15 milliards de dollars[note 1] au sidérurgiste allemand, a été revendu à ses concurrents 4,2 milliards trois ans après[11]

D'autres exemples, dans l'extraction et la métallurgie du nickel, montrent que le coût de construction d'une usine produisant 60 000 tonnes par an de ferronickel à partir de latérite, coûte environ 4 milliards de dollars (Koniambo, Nouvelle-Calédonie), soit un investissement de 70 000 dollars par tonne de nickel produite annuellement. Or en 2010, la tonne de nickel commercialisée sous la forme de ferronickel est cotée 26 000 dollars. Le coût de transformation du minerai en ferronickel se situe à la même époque entre 4 000 et 6 000 dollars pour une usine performante : l'amortissement du capital explique la différence entre prix de vente et coût de production[12].

La course à la taille des outils est un moyen efficace pour diminuer l'investissement spécifique, même s'il entretient la fuite en avant vers le gigantisme. Par exemple, on a, pour une fonderie de cuivre :

Coût d'investissement d'une fonderie de cuivre[13]
Coût total
($ US)
Capacité
(tonne de cathode de cuivre)
Coût
($/t de cathode de cuivre)
225 000 50 4 500
487 500 150 3 250
810 000 300 2 700

Sans innovation de rupture, les coûts augmentent aussi dans le temps. Par exemple la mine et la fonderie de Silver Bell dans l'Arizona, d'une capacité de 18 000 tonnes par an de cuivre, a couté 18 millions de dollars en 1953. La mine de Copper Flat dans le Nouveau-Mexique, d'une capacité identique, a coûté 103 millions de dollars en 1982 : le coût d'investissement est passé de 1 000 à 5 720 dollars par tonne[7].

Capital

Les outils étant dimensionnés pour produire, au moindre coût, de grandes quantités de produits, l'achat des matières premières devient un enjeu essentiel de la performance économique. On peut constater que le prix d'achat du baril de pétrole représente la moitié du prix du fioul lourd sur le marché intérieur européen. Pour une usine sidérurgique intégrée, les proportions peuvent être encore plus importantes : les achats de charbon et de minerai de fer correspondent à 75 % du prix de vente d'une brame (au troisième trimestre 2011 : 491 $ d'achats[14] pour une tonne de brame vendue 646 $[15]). La faible valeur ajoutée est donc une caractéristique essentielle de l'industrie lourde, qui privilégie alors la quantité pour trouver des marges acceptables.

On peut aussi remarquer que l'usine sidérurgique brésilienne citée plus haut, d'une capacité de 5 millions de tonnes par an, génère un chiffre d'affaires d'environ 3 500 millions d'euros. La mobilisation et la réduction du fonds de roulement représente alors également un enjeu essentiel.

Notes et références

Notes

  1. Soit presque le double de l'estimation initiale, qui était de 5,2 milliards de dollars[10]!

Références

  1. « définition industrie », sur http://academie-des-sciences-commerciales.org (consulté le )
  2. Alain Beitone, Philippe Gilles et Maurice Parodi, Histoire des faits économiques et sociaux de 1945 à nos jour, Dalloz, , p. 220
  3. Pierre Blazy et El-Aid Jdid, « Introduction à la métallurgie extractive », dans Techniques de l'ingénieur, Éditions techniques de l'ingénieur, (lire en ligne)
  4. Michel et Freyssenet 1979, p. 16
  5. Daniel Rivet, L'acier et l'industrie sidérurgique, Paris, Presses universitaires de France, coll. « Que sais-je? » (no 561), , 128 p. (ISBN 2-13-035632-X), p. 98-99
  6. (en) « Brazil may bar Thyssen unit sale to foreigner », Reuters, (lire en ligne)
  7. [PDF]>(en) U.S. Congress, Office of Technology Assessment (préf. John H. Gibbons), « Copper : Technology & Competitiveness », , p. 47
  8. [PDF]Michel Freyssenet, La sidérurgie française 1945-1979 : L'histoire d'une faillite. Les solutions qui s'affrontent., Paris, Savelli, coll. « Documents critiques », , 241 p. (ISBN 978-2-85930-030-2, OCLC 417353871, BNF 34648522, présentation en ligne, lire en ligne)
  9. [PDF]Olivier C. A. Bisanti, « L'aventure sidérurgique de Fos-sur-Mer - Logiques d'hier, d'aujourd'hui et de demain », soleildacier.ouvaton.org,
  10. (en) « Second blast furnace fired up at ThyssenKrupp CSA in Brazil », ThyssenKrupp,
  11. (en) « ArcelorMittal, Nippon Steel Buy ThyssenKrupp Alabama Steel Mill for $1.55 Billion », Reuters, (lire en ligne)
  12. (en) Frank K. Krundwell, Michael S. Moats, Venkoba Ramachandran, Timothy G. Robinson et William G. Davenport, Extractive Metallurgy of Nickel, Cobalt and Platinum Group Metals, Elsevier, , 610 p. (ISBN 978-0-08-096809-4, lire en ligne), p. 27-32
  13. Pierre Blazy et El-Aid Jdid, « Cuivre : ressources, procédés et produits », dans Techniques de l'ingénieur, Éditions techniques de l'ingénieur (lire en ligne), § Pyrométallurgie
  14. [PDF](en) « Semi-finished steel prices Billet and slab price data 2008 - 2013 », Association for Iron and Steel Technology,
  15. (en) « Ask World steel dynamics », steelonthenet.com

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