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Occidentalisation

L'occidentalisation est un concept utilisé pour désigner l'influence que certains pays d'Europe puis les États-Unis ont exercé sur l'ensemble du monde depuis l'époque des grandes découvertes.

Sapin de Noël, une tradition païenne puis Chrétienne Occidentale, rattachée à Noël, fête d'origine romaine, érigé à Kyōto au Japon.

Globalement, on considère que les pays d'Europe, de l'Amérique du Nord et de l'Océanie constituent le socle de l'« Occident » mais ce terme est régulièrement critiqué. A fortiori, le terme « occidentalisation » est lui-même fréquemment utilisé de manière polémique pour exprimer l'idée que les puissances mondiales successives (l'Espagne et le Portugal au XVIe siècle, les Pays-Bas au XVIIe siècle, la Grande-Bretagne et la France au XIXe siècle, les États-Unis au XXe siècle...) auraient exercé leur influence de manière contraignante, soi-disant pour y diffuser la religion chrétienne ou y valoriser leurs cultures — et exclusivement pour cela — mais en réalité pour servir de purs intérêts économiques, le plus souvent alors par le biais d'une présence militaire et l'implantation de firmes multinationales.

De manière plus large, le terme est utilisé pour exprimer l'idée que l'ensemble des sociétés non-occidentales (Afrique, Moyen-Orient, Extrême-Orient, Amérique latine...) ont fini par adopter des traits culturels, organisationnels et/ou idéologiques qui, jusqu'alors, étaient spécifiques à l'Occident.

Il faut distinguer le concept d'occidentalisation de l'idée d’occidentalocentrisme, tendance ethnocentriste consistant, au sein même des pays occidentaux, à surestimer les valeurs de l'Occident par rapport à d'autres, notamment dans l'enseignement[1].

Évolution du concept

On entend généralement par « occidentalisation » le fait que, depuis la découverte de l'Amérique en 1492, la société occidentale s'impose auprès du reste du monde comme un « modèle »[2]. Et l'on distingue alors quatre grandes phases :

Le concept d'occidentalisation est également associé à l'idéologie du progrès, et singulièrement du progrès technique (certains parlent de « technoculture »[3]), et l'idéologie de la modernité[4].

Un concept polémique

Le concept d'occidentalisation est sujet à polémique pour au moins deux raisons.

Un fait contesté

Si le fait même d'une influence des pays occidentaux sur le reste du monde est globalement incontesté, l'actualité de cette influence, en revanche, est remise en cause au début du XXe siècle.

En effet, dès les lendemains de la Première Guerre mondiale (conflit qui se révèle le plus meurtrier de tous les temps), certains penseurs estiment qu'après avoir marqué le monde de leur empreinte, les pays occidentaux ne peuvent plus se promouvoir comme un modèle à suivre : ils vont au contraire perdre peu à peu de leur aura dans l'ensemble du monde. Le philosophe allemand Oswald Spengler inaugure cette grille de lecture : rédigés en 1918 et 1922 les deux volumes de son Déclin de l'Occident[5] défendent la thèse du déclin de civilisation et, progressivement[6], vont déclencher un vaste débat chez les intellectuels européens, conduisant notamment à la remise en cause des concepts de « progrès » et de « modernité » ainsi qu'à une profonde crise identitaire[7].

D'autres penseurs, en revanche, considèrent que les pays occidentaux étant à l'initiative de toutes sortes d'innovations techniques génératrices de confort, ils vont conserver et même accroître leur attractivité auprès du reste du monde : « la plupart des gens, dans le monde, pensent que l’Occident représente le paradis qu’ils recherchent et ne rêvent que de l’imiter »[8].

Ces divergences sur l'actualité de l'occidentalisation en tant que fait soulèvent en définitive un véritable interrogation d'ordre éthique : quelles sont les « valeurs » de l'occident[9] ?

Un conflit de valeurs

En France, le terme « occidentalisation » ne se répand que dans les années 1980, sous l'impulsion de l'économiste Serge Latouche[10] mais l'idée à laquelle il renvoie se développe dès les lendemains de la Seconde guerre mondiale, quand s'amorce le processus de décolonisation.

En France, le débat s'articule progressivement autour d'une question : si les pays occidentaux se retirent politiquement et militairement du reste du monde, ne doivent-ils pas s'y maintenir sur le plan culturel[9] ? À cet égard, les positions sont très contrastées, allant d'une volonté de « défendre les valeurs de l'Occident », coûte que coûte, jusqu'à la prédication de sa disparition[11].

  • Certains adoptent des positions dĂ©fensives particulièrement virulentes, tels les animateurs de la revue d'extrĂŞme-droite DĂ©fense de l'Occident, active de 1952 Ă  1982.
  • D'autres, se rĂ©clamant du christianisme, estiment que l'Occident peut et doit rester une rĂ©fĂ©rence sur la planète, mais non pas de façon « dĂ©fensive Â», conservatrice, au nom de prĂ©tendues « valeurs chrĂ©tiennes Â», mais de façon crĂ©ative : « L'idĂ©e d'une dĂ©fense de l'Occident est une absurditĂ©. La conservation historique de valeurs dĂ©finitivement acquises est un faux problème. Au reste, la dĂ©fense spirituelle est proche de la dĂ©fense militaire »[12].
  • ConsidĂ©rant que l'Occident est Ă  l'origine de tous les maux de la planète depuis cinq siècles, d'autres posent la nĂ©cessitĂ© d'un mouvement d'autocritique sans concession et se prononcent en faveur du multiculturalisme (c'est notamment le cas de Serge Latouche).
  • Au dĂ©but du XXIe siècle, plus radicaux encore, d'autres, prĂ©disent la « mort » pure et simple de l'occident au bĂ©nĂ©fice de l'islam[13] - [14]. Dès les attentats du 11 septembre 2001, plusieurs journalistes et essayistes assimilent ceux-ci Ă  une « guerre contre l'Occident »[15].

Quelques penseurs en appellent à un sens des nuances ; notamment Jacques Ellul, dès les années 1970. Tout en reconnaissant que les pays occidentaux sont depuis longtemps porteurs de clivages et de conflits meurtriers, il estime qu'ils ont également été à l'origine de valeurs positives, par exemple les libertés individuelles et la démocratie. Et il considère que la dénonciation de l'occident par les occidentaux confine à l'auto-flagellation, voire à la « trahison ». Selon lui, si ce mouvement d'auto-dévalorisation devait se confirmer, il conduirait immanquablement à des désordres plus importants que ceux précédemment causés par l'Occident[16] - [17]. Dans les années 2000, Pascal Bruckner s'inscrit dans cette mouvance[18].

Notes et références

  1. Valérie Lanier, « Analyse de l’occidentalocentrisme dans les manuels scolaires de collège français », Carrefours de l'éducation, vol. 43, no 1,‎ , p. 57-73 (lire en ligne)
  2. Philippe Richardot, Le modèle occidental : Naissance et remise en cause, 1492-2001, Paris, Economica, , 414 p. (ISBN 978-2-7178-5395-7)
  3. Jacques Robin, « Occidentalisation et mondialisation : le prix à payer », Le Monde diplomatique,‎ (lire en ligne)
  4. Maurice Godelier, Peut-on se moderniser sans s'occidentaliser ?, Cnrs Editions, 2019
  5. Oswald Spengler, Le DĂ©clin de l'Occident, Gallimard, NRF, 1998
  6. L'ouvrage ne sera traduit en France qu'en 1948
  7. Doudou Diène, « Crise identitaire du monde occidental », Revue internationale et stratégique, vol. 75, no 3,‎ , p. 93-100 (lire en ligne)
  8. Jacques Attali, « L’Occidentalisation du monde », sur blogs.lexpress.fr,
  9. Guy Sorman, « Valeurs de l’Occident, de quoi parle-t-on au juste ? », sur contrepoints.org,
  10. Serge Latouche, « L'échec de l'occidentalisation », Revue Tiers Monde, vol. 25, no 100 « Le développement en question »,‎ , p. 881-892 (lire en ligne)
  11. Philippe Richardot, op. cit.
  12. Paul Ricoeur, Le Chrétien et la civilisation occidentale, Autres temps, 2003, n°76-77, pp. 23-36
  13. Michel Onfray décrète la "mort de l'Occident", Marie Lemonnier, Le Nouvel Observateur, 15 janvier 2017
  14. L'Occident est "en phase terminale" estime Michel Onfray, Alexis Lacroix, L'Express, 8 janvier 2017
  15. Denis Jeambar, Alain Louyot et Philippe Coste, Guerre contre l'Occident, L'Express, 13 septembre 2001
  16. Jacques Ellul, Trahison de l'Occident, 1975. Réédité en 2014
  17. Retranscription de la conclusion de l'ouvrage
  18. Pascal Bruckner, La tyrannie de la pénitence. Essai sur le masochisme occidental, Grasset, 2006.

Bibliographie

(classement par ordre chronologique)

  • Mohamed Dahmani, L'Occidentalisation des pays du Tiers Monde : Mythes et rĂ©alitĂ©s, Office des publications universitaires, 1983
  • Henry Panhuys, La fin de l'occidentalisation du monde, L'Harmattan, 2004
  • Serge Latouche, L'Occidentalisation du monde : Essai sur la signification, la portĂ©e et les limites de l'uniformisation planĂ©taire, La dĂ©couverte, 1989. RĂ©Ă©dition : 2005
  • Georges Corm, L'Europe et le mythe de l'Occident, La DĂ©couverte, 2009
  • Jacques Attali, Histoire de la modernitĂ© : Comment l'humanitĂ© pense son avenir, Robert Laffont, 2013
  • Michel Onfray, DĂ©cadence, vie et mort de l'Occident, Flammarion, 2017
  • Maurice Godelier, Peut-on se moderniser sans s'occidentaliser ?, CNRS Éditions, 2019

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(classement par ordre chronologique)

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