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Bataille de Tsushima

La bataille de Tsushima[1] a lieu les et entre la flotte russe de la Baltique commandĂ©e par l'amiral Zinovi Rojestvenski et la Marine impĂ©riale japonaise sous les ordres de l'amiral Tƍgƍ, dans le dĂ©troit de Tsushima qui sĂ©pare la CorĂ©e du Japon.

Bataille de Tsushima
Description de cette image, également commentée ci-aprÚs
L'Amiral Tƍgƍ sur le pont du Mikasa avec son Ă©tat-major.
Informations générales
Date et
Lieu DĂ©troit de Tsushima
Issue Victoire japonaise décisive
Belligérants
Drapeau de l'Empire russe Empire russeDrapeau de l'Empire du Japon Empire du Japon
Forces en présence
11 cuirassés
8 croiseurs
9 destroyers
4 cuirassés
27 croiseurs
21 destroyers
37 torpilleurs
Pertes
4 380 morts
5 917 blessĂ©s
21 navires coulés
117 morts
583 blessés
3 torpilleurs coulés

Guerre russo-japonaise

Batailles

CoordonnĂ©es 34° 33â€Č 59″ nord, 130° 09â€Č 03″ est
GĂ©olocalisation sur la carte : Japon
(Voir situation sur carte : Japon)
Bataille de Tsushima

Il s'agit du principal affrontement naval de la guerre russo-japonaise (fĂ©vrier 1904 – septembre 1905) et de l'un des principaux Ă©vĂ©nements ayant conduit l'Empire russe Ă  la dĂ©faite.

Contexte

En , au cours de la guerre russo-japonaise, les troupes japonaises commencent le siÚge de Port-Arthur. Ayant échoué sur terre (éloignement, isolement, difficultés du ravitaillement), le gouvernement russe décide d'envoyer la flotte de la Baltique pour rompre le siÚge. Cette flotte aux ordres de l'amiral Rojestvensky compte notamment huit cuirassés, dont les quatre plus récents de la flotte russe, de la classe Borodino.

Prélude

DĂ©part

Route empruntée par le deuxiÚme escadron russe du Pacifique (en bleu) de la Baltique à la bataille de Tsushima. Unité de Dobrotvorsky (en orange), détachement de Nebogatov (en rouge).

Le , aprĂšs de longs mois de prĂ©paratifs (il a fallu amĂ©liorer et rĂ©parer les navires amiraux, pourtant neufs et tout juste sortis des chantiers navals de Kronstadt), l’amiral Rojestvensky ordonne l'appareillage de la puissante armada de la Baltique. Devant le Tsar, la flotte de 45 navires (dont 1 servant d'hĂŽpital) part pour un pĂ©riple de plusieurs dizaines de milliers de kilomĂštres, prĂ©vu pour au moins huit mois, loin de tout port d'attache et de ravitaillement (la Russie n'a aucune colonie, aucune conquĂȘte le long de l'itinĂ©raire), avec des matelots qui Ă©taient encore il y a quelques mois de simples moujiks.

Elle part fiÚre mais dans un climat de grande méfiance, si ce n'est de franche paranoïa, car on sait que les services de renseignements de l'ennemi ont été trÚs actifs dans la région. D'autre part, des rumeurs insistantes font état de la présence de torpilleurs et sous-marins japonais le long des cÎtes danoises, et disent que les ennemis ont placé des champs de mines dans la mer du Nord. Les torpilleurs et les sous-marins sont la hantise de la marine de l'époque ; les torpilleurs, invention récente des grandes marines, peuvent facilement endommager ou couler les plus grands navires de guerre et sont relativement furtifs.

Ce contexte incite l’amiral Rojestvensky Ă  la plus grande vigilance. Il ordonne « qu'aucun navire de quelque sorte que ce soit ne puisse entrer dans la flotte » et demande de se prĂ©parer Ă  ouvrir le feu sur tout navire qui ne s'identifie pas[2].

Quelques jours aprĂšs le dĂ©part, prĂšs des cĂŽtes danoises, la flotte russe ouvre le feu sur des pĂȘcheurs qui lui apportent des dĂ©pĂȘches consulaires. Heureusement, les tirs sont trop imprĂ©cis et aucun n'est touchĂ©[3]. En poursuivant sa route, la flotte pense voir des ballons d'observation et quatre croiseurs ennemis. Dans la nuit du , alors en pleine mer du Nord, le navire-atelier Kamchatka (en) qui ferme la marche annonce ĂȘtre suivi par des bateaux qui n'arborent pas les feux rĂ©glementaires. Le capitaine confie sa crainte qu'il ne s'agisse de torpilleurs japonais. Quelques heures plus tard, l'amiral en personne croise d'autres navires dont les signaux lui semblent aussi suspects. Il ne prend alors pas de risque et ordonne d'ouvrir le feu pendant 20 minutes.

En fait de torpilleurs japonais (qui étaient une réelle possibilité, les chantiers navals britanniques ayant construit toutes sortes de navires pour leurs alliés japonais), les bateaux repérés par le Kamtchatcka sont des chalutiers danois et anglais (du port de Hull), à qui la marine russe reprochera par la suite de ne pas avoir arboré les feux réglementaires de traction de chaluts.

Dans la canonnade dĂ©sordonnĂ©e qui s'ensuit, la marine russe tire sur deux de ses propres navires (faisant au moins deux morts), coule un chalutier, en endommage d'autres, et blesse et tue plusieurs pĂȘcheurs. Le gouvernement britannique, qui voit d'un mauvais Ɠil l'expansionnisme russe et l'alliance franco-russe, se saisit alors de l'incident (largement montĂ© en Ă©pingle par la presse de Fleet Street) pour retarder par tous les moyens la flotte russe en faisant jouer des alliances avec l'Espagne (ravitaillement retardĂ© d'un mois Ă  Vigo) ou dans les colonies portugaises.

Voyage

Quelques jours plus tard, alors que la flotte longe la péninsule Ibérique, le navire-atelier Kamchatka (en) est distancé. Lorsqu'il rejoint l'escadre à l'escale du port de Tanger au Maroc, son capitaine explique avoir été engagé dans des combats et avoir dû tirer 300 obus contre trois bateaux ennemis. Il sera établi par la suite que les navires étaient un navire marchand suédois, un chalutier allemand, et une goélette française (qui n'auront heureusement pas été touchés par les tirs).

À Tanger, l'amiral dĂ©cide de scinder sa flotte en deux[4]. Les vieux bateaux, dĂ©jĂ  lents par construction, le sont d'autant plus qu'ils n'ont pas Ă©tĂ© carĂ©nĂ©s pendant les longs mois de prĂ©paration des bateaux neufs. Ils passeront par le canal de Suez. Mais, Rojestvensky craignant que des torpilleurs japonais ne les attendent dans la mer Rouge, dĂ©cide de ne pas risquer ses Borodino tout neufs dans ce possible piĂšge. Il part de son cĂŽtĂ© pour contourner l'Afrique. En partant, l'ancre d'un navire arrache le cĂąble tĂ©lĂ©graphique reliant l'Afrique Ă  l'Europe, coupant pendant quatre jours toute communication.

Le voyage par le cap de Bonne-EspĂ©rance a Ă©tĂ© rendu possible car la Russie a obtenu de la France le droit de faire relĂąche dans les ports de ses colonies et de la compagnie Hamburg America Line dont des navires charbonniers attendent le passage de la flotte (l'approvisionnement en charbon est un sujet obsessionnel tellement la consommation est Ă©norme). Mais Ă  chaque escale on frĂŽle l'incident diplomatique, la Grande-Bretagne et le Japon faisant pression sur les autoritĂ©s locales pour qu'elles refusent l'entrĂ©e au port des navires. Pour l'occasion, on invente le ravitaillement en pleine mer, avec des cĂąbles et des poulies. Le charbon est entassĂ© partout oĂč l'on peut. Bien sĂ»r dans les cales qu'on sature, mais aussi sur les ponts, dans les coursives, et jusque dans les cabines des officiers.

Les cuirassĂ©s sont tellement surchargĂ©s de charbon que les pompes de refoulement ne peuvent plus ĂȘtre actionnĂ©es normalement : des navires manquent de couler dans un ouragan en doublant le cap de Bonne-EspĂ©rance. Pendant que cette flotte de soutien se hĂąte lentement, la garnison russe de Port-Arthur capitule en janvier 1905. L'amiral dĂ©cide alors de rassembler l'escadre Ă  Nosy Be[5], au nord de Madagascar (la flotte venant du canal de Suez n'a pas vu un seul cuirassĂ© japonais dans la mer Rouge ou le golfe d'Aden). À Nosy Be, Saint-Petersbourg demande d'attendre la flotte de renfort de l'amiral Nebogatov, de vieux cuirassĂ©s que les marins baptisent les coule-tout-seul.

Mais le , au bout de deux mois d'une attente interminable sous la chaleur des tropiques, Rojestvensky ordonne de repartir sans attendre Nebogatov. Personne ne sait oĂč est partie la flotte russe et certains se demandent si elle ne va pas contourner l'Australie. Mais c'est tout le contraire : l'amiral a pris au plus court et le , il est signalĂ© dans le dĂ©troit de Malacca, alors que les Japonais l'attendaient plus au Sud, dans le dĂ©troit de la Sonde. Il rallie alors Cam Ranh en Indochine. LĂ , il reçoit l'ordre impĂ©ratif du Tsar d'attendre Nebogatov. L'attente dure un mois. Lorsqu'ils reprennent la mer pour remonter vers Vladivostok par le dĂ©troit de Tsushima (parce qu'il n'y avait pas assez de charbon pour contourner le Japon par l'est), ils marchent deux fois moins vite que la flotte japonaise.

À ces retards et arrĂȘts s'ajoutent la prolifĂ©ration de bernacles et d'algues sur les navires russes, ce qui diminue leur vitesse. Cela laisse le temps aux Japonais de se remettre des fatigues de la campagne de Port-Arthur, de carĂ©ner leurs navires, de reprendre l'entraĂźnement, et finalement d'ĂȘtre fin prĂȘts pour la rencontre avec la flotte russe[6].

DĂ©roulement

RĂ©cit

L’amiral Tƍgƍ Heihachirƍ commande une flotte rĂ©cente construite sur les plans de Louis-Émile Bertin, et de navires encore plus modernes, de conception britannique, comme le Mikasa, son vaisseau-amiral, soit en tout quatre cuirassĂ©s et huit croiseurs cuirassĂ©s escortĂ©s par de nombreux navires de tonnage infĂ©rieur : destroyers et torpilleurs. Contrairement aux navires russes, couverts d'algues et de bernacles, trĂšs Ă©prouvĂ©s par la trĂšs longue route qu'ils ont dĂ» accomplir dans des conditions difficiles et dĂ©moralisantes pour leurs Ă©quipages, les navires japonais sortent de carĂ©nage et opĂšrent Ă  peu de distance de leurs bases, avec des Ă©quipages entraĂźnĂ©s et aguerris par la campagne de Port-Arthur. Les plus puissants navires de cette flotte sont au mouillage de Masampo (en), sur la cĂŽte corĂ©enne du dĂ©troit de Tsushima, lorsque le , peu avant l’aube, un croiseur auxiliaire japonais en patrouille au sud du dĂ©troit signale qu'il voit l'escadre russe et qu'elle paraĂźt se diriger vers la passe orientale du dĂ©troit. AussitĂŽt Tƍgƍ fait appareiller ses navires pour intercepter l'ennemi.

En dĂ©but d’aprĂšs-midi, les deux flottes entrent en contact visuel dans le dĂ©troit entre la CorĂ©e et le Japon, dans les parages de l'Ăźle Tsu-shima. Tƍgƍ prend alors une initiative audacieuse : il ordonne Ă  son escadre de virer par la contremarche, une manƓuvre destinĂ©e Ă  barrer la route aux navires russes, mais qui expose durant douze interminables minutes le flanc de ses bĂątiments aux projectiles ennemis, d'autant plus que les canons de 305 mm russes disposent d'une portĂ©e supĂ©rieure Ă  leurs homologues japonais. Mais les Russes ne purent (ou ne surent) profiter de cet avantage, notamment Ă  cause de leur vitesse et de leur manƓuvrabilitĂ© rĂ©duites.

Les deux lignes sont Ă©loignĂ©es de 6 700 m lorsque l'amiral russe fait ouvrir le feu sur les navires de Tƍgƍ. Les bĂątiments japonais sont Ă©quipĂ©s de tĂ©lĂ©mĂštres, des outils de guidage qui offrent une prĂ©cision de tir trĂšs supĂ©rieure, et ils utilisent la poudre Shimosa qui enflamme les navires russes. De plus, Ă  partir de 5 000 m, les Japonais peuvent faire intervenir leur artillerie secondaire d'origine britannique Ă  tir rapide dont les Russes n'ont pas l'Ă©quivalent. Par ailleurs, les navires japonais peuvent atteindre la vitesse de 16 nƓuds (30 km/h), contre environ 8 nƓuds (15 km/h) pour les Russes. Tƍgƍ utilise cet avantage pour « barrer le T » deux fois Ă  l'escadre russe. Une fois l'escadre russe dĂ©sorganisĂ©e et ayant perdu de la vitesse, les torpilleurs japonais entrent en lice Ă  leur tour et se livrent Ă  une vĂ©ritable curĂ©e. MalgrĂ© le court rĂ©pit de la nuit, le carnage se poursuit le lendemain. À 10 h 45, le , la poignĂ©e de navires russes qui tiennent encore la mer se sabordent ou hissent le pavillon de la reddition. Seuls six navires rĂ©ussissent Ă  s'Ă©chapper (vers Vladivostok ou le port neutre de Manille), parmi lesquels le croiseur Aurore qui deviendra cĂ©lĂšbre lors de la rĂ©volution d'Octobre.

27 mai 1905 (heure du Japon)

  • 4 h 45 : le croiseur auxiliaire Shinano Maru (en) trouve la flotte russe de la Baltique et envoie un tĂ©lĂ©gramme ;
  • 5 h 5 : la flotte combinĂ©e japonaise quitte le mouillage corĂ©en de Masampo et envoie un message au QG impĂ©rial : « Ciel serein, mer agitĂ©e. » (en japonais : æœŹæ—„ć€©æ°—æ™Žæœ—ăȘă‚Œă©ă‚‚æłąé«˜ă—)[7] - [8] - [9] - [10] ;
  • 13 h 39 : la flotte combinĂ©e japonaise est au contact visuel de la flotte de la Baltique russe et hisse le pavillon de bataille ;
  • 13 h 55 : distance : 12 000 mĂštres. Le cuirassĂ© Mikasa, navire-amiral de Tƍgƍ, hisse le pavillon signifiant la lettre Z ;
Carte de la bataille de Tsushima.
  • 14 h 5 : distance de 8 000 mĂštres. La Flotte combinĂ©e japonaise commence une manƓuvre de demi-tour ;
  • 14 h 7 : distance de 7 000 mĂštres. Le Mikasa finit son demi-tour. La Flotte russe de la baltique commence la canonnade ;
  • 14 h 10 : distance de 6 400 mĂštres. Tous les navires japonais ont terminĂ© leur demi-tour ;
  • 14 h 12 : distance de 5 500 mĂštres. Le Mikasa est atteint en premier ;
  • 14 h 16 : distance de 4 600 mĂštres. La flotte combinĂ©e japonaise concentre les tirs de son artillerie secondaire (203 mm et 152 mm Ă  tir rapide) sur le Knyaz Souvorov qui est le navire amiral de la Flotte russe ;
  • 14 h 43 : l’Osliabia et le Knyaz Souvorov sont en feu et rompent le combat ;
  • 14 h 50 : l’Empereur Alexandre III commence Ă  se diriger vers le nord et tente de quitter la ligne de bataille ;
  • 15 h 10 : l’Osliabia est coulĂ© et le Knyaz Souvorov tente de fuir ;
  • 18 h 0 : les deux flottes se rapprochent Ă  nouveau (distance de 6 300 m) et reprennent les Ă©changes de tirs ;
  • 19 h 3 : l’Empereur Alexandre III est coulĂ© ;
  • 19 h 20 : les Knyaz Souvorov, Borodino, et SisoĂŻ Veliki (1894) sont eux aussi coulĂ©s.

28 mai 1905 (heure du Japon)

  • 9 h 30 : la flotte combinĂ©e japonaise localise Ă  nouveau la flotte russe ;
  • 10 h 34 : l'amiral russe hisse le signal « XGE » qui veut dire « Je me rends » dans le code international des Signaux en usage Ă  cette Ă©poque ;
  • 10 h 53 : la partie japonaise accepte la reddition.


  • Barrer le T : les Japonais sont en blanc et les Russes en rouge.
    Barrer le T : les Japonais sont en blanc et les Russes en rouge.
  • Le Knyaz Suvorov, Oslyabya, Imperator Aleksandr III et le Sissoi Veliky rompent l'engagement.
    Le Knyaz Suvorov, Oslyabya, Imperator Aleksandr III et le Sissoi Veliky rompent l'engagement.
  • La premiĂšre et seconde flotte japonaise prennent en sandwich la flotte russe.
    La premiĂšre et seconde flotte japonaise prennent en sandwich la flotte russe.
  • Les bĂątiments russes prennent la fuite.
    Les bĂątiments russes prennent la fuite.

DĂ©nouement

Quatre autres navires de combat sous le commandement du contre-amiral Nebogatov furent forcĂ©s de se rendre le lendemain. Son groupe naval constituĂ© d'un seul navire moderne, l'Orel et de l'ancien Empereur Nicolas Ier et de deux garde-cĂŽtes n'avait aucune chance contre la flotte japonaise. Jusqu'au soir du , les navires russes isolĂ©s furent poursuivis par les Japonais. Le petit navire cĂŽtier Amiral Ouchakov refusa de se rendre et fut sabordĂ©. Le vieux croiseur Dmitry DonskoĂŻ lutta contre six navires japonais et rĂ©sista une journĂ©e avant d'ĂȘtre sabordĂ© en raison des dommages irrĂ©parables subis. Le contre-amiral Enkvist put Ă©viter d’ĂȘtre pris avec les trois croiseurs cuirassĂ©s russes Aurore, Jemtchoug et Oleg et s'abrita dans la base navale amĂ©ricaine de Manille, oĂč ses navires furent consignĂ©s. La vedette armĂ©e rapide Almaz (classĂ©e comme croiseur de second rang) et deux destroyers furent les seuls navires russes Ă  parvenir Ă  Vladivostok.

Bilan

La quasi-totalité de la flotte de la Baltique russe fut perdue dans la bataille des détroits de Tsushima. Les Japonais ne perdirent que trois torpilleurs (numéro 34, 35 et 69). Le prestige international de l'Empire russe fut sévÚrement atteint.

La victoire du Japon Ă  Tsushima est totale. Le gouvernement russe ne disposant plus de flotte dans la rĂ©gion, ni de rĂ©serves terrestres dignes de ce nom, dĂ©cide d'entamer des nĂ©gociations pour mettre fin Ă  la guerre. Le dĂ©nouement du conflit consacre la victoire japonaise par la signature du traitĂ© de paix le Ă  Portsmouth (États-Unis).

La déroute de Tsushima et la perte de Port-Arthur et de la Corée auront des conséquences à long terme pour la Russie : la confiance aveugle du petit peuple russe dans l'invincibilité du Tsar est ébranlée, la marine est démoralisée (Cf. la mutinerie du cuirassé Potemkine en mer Noire).

Les opposants au rĂ©gime, comme Trotski ou LĂ©nine, alors exilĂ©s en France ou en Suisse critiquent Ă  trĂšs juste titre l'impĂ©ritie des dirigeants russes, l'affairisme de l'entourage du Tsar (en particulier du vice-amiral Alexeiev) qui a conduit Ă  dĂ©tourner l'argent destinĂ© Ă  la crĂ©ation de bassins de radoub et d'ateliers Ă  Port-Arthur au profit du lucratif port de commerce de Dalny (Dalian) et l'extrĂȘme imprĂ©paration des troupes et de la flotte russe.

D'une certaine façon, la défaite de Tsushima est un des premiers clous du cercueil du régime tsariste et une des causes de la révolution de 1917[11].

Analyse des causes de la défaite russe

La tactique de combat des Japonais et leur meilleure compĂ©tence contribuĂšrent Ă  les mener Ă  la victoire. Les raisons de la destruction de la flotte russe furent nombreuses. Parmi elles, on peut imputer, directement ou indirectement, plusieurs erreurs Ă  l’amiral Rojestvenski.

Tout d'abord, il n’existait aucun plan de bataille discutĂ© au prĂ©alable et coordonnĂ© avec les autres amiraux ; l’amiral ordonna uniquement que tout navire devait, en toute circonstance, tenter de percer pour joindre Vladivostok.

Le panachage de navires récents et plus anciens réduisit la vitesse moyenne de la flotte russe, ce qui permit aux Japonais de « barrer le T ».

Comme les croiseurs avaient Ă©tĂ© affectĂ©s Ă  la protection des transporteurs, la puissance de feu de la flotte russe s’en trouva amoindrie.

Lors de la prĂ©paration de l’escadre russe, de lourdes erreurs furent commises concernant l’armement et l’équipage des navires, ce qui fut seulement mis en Ă©vidence au cours de la bataille. Entre autres, l’humiditĂ© contenue dans les obus avait Ă©tĂ© augmentĂ©e pour minimiser le risque d’auto-allumage lors de croisiĂšres en eaux tropicales. De ce fait, une fraction seulement des obus russes explosaient Ă  l’impact. Les Russes utilisaient des munitions perforantes qui n’explosaient qu’une fois le blindage traversĂ©, et, de ce fait, ne produisaient que peu de fumĂ©e visible. L’efficacitĂ© des salves russes ne pouvait ĂȘtre que mal voire pas du tout estimĂ©e par les officiers de tir ou les servants des canons ; les munitions utilisĂ©es produisaient Ă  l’impact trĂšs peu de fumĂ©e. Quand bien mĂȘme la flotte japonaise enregistrait de lourds dĂ©gĂąts, le moral des Ă©quipages russes sombrait car ils avaient l’impression que leur feu Ă©tait inefficace. À l'inverse, les Japonais utilisaient des obus incendiaires qui mettaient Ă  feu la peinture des navires russes. Cela produisait donc dans la force navale japonaise un sentiment de rĂ©ussite qui compensait les Ă©ventuels dommages causĂ©s par les tirs russes. Les obus explosifs japonais (trĂšs longs, et surnommĂ©s porte-manteaux par les marins russes) utilisaient une composition explosive innovante, la poudre shimosa trĂšs efficace comme explosif brisant mais aussi gĂ©nĂ©ratrice de gaz toxiques qui semaient la mort et la confusion Ă  bord des navires russes.

DĂ©tail apparemment trivial, mais en rĂ©alitĂ© crucial, la coque des navires russes Ă©tait couverte d'algues et de bernacles, en raison de son interminable pĂ©riple dans les mers tropicales, sans pouvoir, du fait des menĂ©es diplomatiques anglaises, bĂ©nĂ©ficier d'un carĂ©nage en rĂšgle dans une base navale bien amĂ©nagĂ©e. La vitesse des navires russes Ă©tait en consĂ©quence considĂ©rablement diminuĂ©e. À l'inverse, les navires japonais, opĂ©rant prĂšs de leurs bases, venaient d'ĂȘtre radoubĂ©s.

Les cuirassĂ©s de cette Ă©poque (tant japonais que russes) Ă©taient propulsĂ©s par des machines Ă  vapeur Ă  pistons (machines dites Ă  triple expansion), qui vibraient Ă©normĂ©ment et nĂ©cessitaient de frĂ©quentes rĂ©visions, contrairement aux rĂ©volutionnaires turbines inventĂ©es par Agernon Parsons, qui allaient bientĂŽt Ă©quiper les Dreadnoughts britanniques. AprĂšs un demi tour du monde sans possibilitĂ©s de rĂ©parations sĂ©rieuses, les machines des cuirassĂ©s russes Ă©taient passablement essoufflĂ©es, de mĂȘme que leurs chaudiĂšres ;

Enfin, les cuirassés japonais étaient équipés d'une artillerie secondaire à tir rapide, alors que les cuirassés russes de la classe Kniaz Souvorov (les plus récents) ne disposaient que de canons à tir lent. La cadence de tir des Japonais était donc deux fois supérieure à celle des Russes, ce qui explique que les cuirassés russes furent mis hors de combat dÚs 14 h 45.

En cas d’isolement du navire de pointe, le navire suivant devait prendre la tĂȘte du groupement, ce qui conduisit plusieurs fois au fait que tout le groupement, avec les amiraux toujours vivants et leurs cadres, suivaient un unique navire. De ce fait, le navire de pointe Ă©tait toujours sous un feu ennemi trĂšs soutenu. Les commandants russes auraient au moins pu se rĂ©soudre Ă  agir de leur propre chef, sous leur propre responsabilitĂ©. Dans son ensemble, la flotte russe s’est confinĂ©e dans une trop grande passivitĂ© tandis que le dĂ©roulement de la bataille Ă©tait dictĂ© par l’amiral Tƍgƍ.

De surcroĂźt, L’évaluation de la prĂ©cision du feu par les officiers de tir russes s’en trouvait tellement plus ardue qu’aucune correction de tir raisonnable ne pouvait ĂȘtre apportĂ©e. Également, les obus japonais contenaient de la poudre Shimosa, bien plus efficace que la pyroxiline utilisĂ©e par les russes.

Enfin, la compétence des équipages russes, constitués majoritairement de réservistes et de jeunes recrues, était clairement en deçà de celle des matelots japonais, comme le montre la comparaison des taux de réussite des officiers de tir.

Armement

Le Mikasa, navire amiral de la flotte japonaise à la bataille de Tsushima, préservé comme musée à Yokosuka.

Avant la guerre russo-japonaise, les pays construisaient leurs navires de guerre avec des batteries mixtes, principalement des canons de 150 mm (6 pouces), 203 mm (8 pouces), 254 mm (10 pouces) et 305 mm (12 pouces), avec l'objectif que ces navires combattent en ligne. La bataille dĂ©montra que les gros canons Ă  long rayon Ă©taient plus efficaces dans l'affrontement que les batteries de diffĂ©rentes tailles. DĂšs 1904, la marine impĂ©riale japonaise dĂ©veloppa le Satsuma (mis Ă  l'eau quelques jours avant la bataille, le 15 mai), bateau armĂ© des dĂ©sormais traditionnelles tourelles doubles de 305 mm, axiales (une dite de chasse et une de retraite) mais aussi de trois tourelles doubles de 254 mm de chaque cĂŽtĂ© du navire, c'est-Ă -dire d'une artillerie principale inconnue jusque-lĂ  par sa puissance de feu. La Grande-Bretagne, dont un observateur ramena ses notes prises lors de la bataille, dĂ©cidera de la mise en chantier immĂ©diate et dans le plus grand secret de la quille du HMS Dreadnought en octobre 1905, bateau destinĂ© Ă  recevoir un armement principal monocalibre de 305 mm distribuĂ© en cinq tourelles doubles. Le navire va ĂȘtre lancĂ© au dĂ©but de 1906 ; il dĂ©classera d'un coup tous les navires prĂ©existants. Son nom deviendra un nom commun et servira Ă  diffĂ©rencier les navires de combat construits avant lui, les prĂ©-dreadnoughts, de ceux construits aprĂšs lui et communĂ©ment appelĂ© dreadnought.

Tactiques

Les diffĂ©rents navires de combat (ou navires de ligne) Ă©taient organisĂ©s en flotte ; chacune commandĂ©e par un amiral. Lors de la bataille de Tsushima, le commandant suprĂȘme Ă©tait l'amiral Tƍgƍ Ă  bord du navire amiral Mikasa. ImmĂ©diatement aprĂšs venaient les cuirassĂ©s Shikishima, Fuji et Asahi. Ensuite, il y avait les croiseurs. La fameuse manƓuvre de l'amiral Tƍgƍ de faire virer les navires de sa flotte Ă  bĂąbord les uns Ă  la suite des autres fut dĂ©cidĂ©e afin de maintenir l'ordre de sa ligne de bataille. Cette organisation consistait Ă  maintenir en tĂȘte le navire amiral Mikasa (bien Ă©videmment l'amiral Tƍgƍ voulait que son unitĂ© de combat la plus puissante puisse entrer en jeu en premier). Virer de bord les uns Ă  la suite des autres signifiait que chaque navire virait tout en suivant son prĂ©dĂ©cesseur. ConcrĂštement, tous les navires devaient virer dans la mĂȘme zone. C'est le risque de cette manƓuvre puisque consĂ©quemment elle offre l'occasion Ă  la flotte adverse de viser et bombarder cette zone par laquelle doivent passer tous les navires de la ligne de bataille. L'amiral Tƍgƍ aurait pu ordonner Ă  ses navires de virer « ensemble » c'est-Ă -dire que chaque navire aurait alors virĂ© de bord en mĂȘme temps et dans la mĂȘme direction. Cette manƓuvre, employĂ©e par la flotte franco-espagnole Ă  Trafalgar, aurait Ă©tĂ© plus rapide mais aurait rompu l'ordre de la ligne de bataille, semant la confusion en modifiant les plans de bataille, plaçant alors les croiseurs en tĂȘte ; toutes choses que l'amiral Tƍgƍ voulait Ă©viter.

Notes et références

  1. Tsushima est parfois orthographié Tsoushima.
  2. (en) Noel F. Busch, The Emperor's Sword : Japan vs Russia in the Battle of Tsushima, New York, Funk and Wagnalls, .
  3. (en)Dogger Bank – Voyage des maudits.
  4. « Histoire du monde.net », sur histoiredumonde.net (consulté le ).
  5. « 1905 : la flotte fantĂŽme
 3e partie : chronique d’une mort annoncĂ©e », sur latribune.cyber-diego.com (consultĂ© le ).
  6. amiral Mordal, 25 siĂšcles de guerre sur mer, Marabout.
  7. dans le tĂ©lĂ©gramme Ă©crit par l'officier Akiyama Saneyuki et qui annonçait « Ayant Ă©tĂ© averti que les navires ennemis Ă©taient en vue, notre flotte va appareiller et les dĂ©truire. » – Yukiko Kitamura, « RĂ©cit de la guerre russo-japonaise : le temps est beau mais les vagues sont hautes. Manga d'Egawa Tatsuya. » dans Faits et imaginaires de la guerre russo-japonaise, p. 547.
  8. « [Cette] prĂ©vision mĂ©tĂ©orologique signalait en fait que la situation Ă©tait favorable au Japon puisque la marine japonaise avait Ă©tĂ© entraĂźnĂ©e par temps de grosses vagues. » – Yukiko Kitamura, op. cit..
  9. « Cette phrase, [est] restĂ©e cĂ©lĂšbre [au Japon] Ă  la fois pour sa beautĂ© et pour l'idĂ©e de bravoure qu'elle sous-entend en japonais. » – Yukiko Kitamura, op. cit..
  10. Cette phrase fait partie du titre de la manga RĂ©cit de la guerre russo-japonaise : le temps est beau mais les vagues sont hautes qui a pour auteur Egawa Tatsuya. Publication en feuilleton Ă  partir du 23 avril 2001 dans l'hebdomadaire Biggu Komiku Supirittsu qui tire Ă  600 000 exemplaires et qui est Ă©ditĂ© par ShĂŽgakukan, l'une des trois plus importantes maisons d'Ă©dition du Japon. Cette Ɠuvre est aussi Ă©ditĂ©e en volume par ShĂŽgakukan. – Yukiko Kitamura, op. citĂ©, p. 535.
  11. auteurs multiples (compilation de textes de Jack London, Claude FarrĂšre, TolstoĂŻ, ZenaĂŻda Hippius, SĂŽseki, Thiess, Lenine, Pierre Frondaie, Gaston Leroux
), 1905 Autour de Tsoushima, Paris, robert laffont (Coll. « Bouquins »), , 1012 p. (ISBN 2258066689).

Bibliographie

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  • Alain Quella-Villeger et Dany Savelli, 1905, autour de Tsoushima, Paris, Omnibus, , 1012 p. (ISBN 978-2-258-06668-7). Anthologie de textes littĂ©raires de multiples auteurs parus Ă  l'Ă©poque, Document utilisĂ© pour la rĂ©daction de l’article
  • La Bataille, roman de Claude FarrĂšre publiĂ© en 1909, se dĂ©roulant Ă  Nagasaki avant et pendant la bataille.
  • Dany Savelli (dir.), Faits et imaginaires de la guerre russo-japonaise (1904-1905, Paris Poitiers, Editions Kailash Le Torii, , 590 p. (ISBN 978-2-842-68126-5). Document utilisĂ© pour la rĂ©daction de l’article
  • Paul Vial, L'Europe et le monde de 1848 Ă  1914, Éditions de Gigord, Paris, 1968. Document utilisĂ© pour la rĂ©daction de l’article
  • A. Nokirov-PriboĂŻ, ancien matelot cambusier de l’Orel, 1934, La TragĂ©die de Tsoushima, Payot, Paris.
  • Georges Blond, L'Amiral Togo, samouraĂŻ de la mer, Librairie ArthĂšme Fayard, 1958, Paris. Document utilisĂ© pour la rĂ©daction de l’article
  • Commandant de Balincourt, Carnets de notes du Capitaine de frĂ©gate SĂ©menoff : L'Escadre de Port-Arthur, Sur le chemin du Sacrifice, L'Agonie d'un CuirassĂ©, Le Prix du Sang, Paris, Augustin Challamel Ă©diteur, 1910.
  • Épisode Tsushima 1905 de la sĂ©rie Les Grandes Batailles du passĂ©.

Annexes

Articles connexes

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