Style Second Empire
Le style Second Empire, dit aussi style Napoléon III, est un style architectural, d'ameublement et vestimentaire, né en France durant le Second Empire, sous l'impulsion de l'empereur Napoléon III et l'impératrice Eugénie. Il connaît un grand succès auprès de la bourgeoisie française entre les années 1860 et les années 1880.
Caractéristiques générales
L'empereur Napoléon III souhaitant s'entourer d'une cour fastueuse, il essaye de renouer avec la pompe du Premier Empire et de redonner de l'essor à l'industrie française par ses commandes. Tout en s'attachant à la conservation des savoir-faire anciens, Napoléon III encourage le développement des nouvelles techniques. Mais l'évolution des arts décoratifs tient plus à l'action de l'impératrice Eugénie qu'à celle de l'empereur. L'impératrice est très attirée par les styles du passé, en particulier par le style Louis XVI. Elle accorde une place importante dans ses appartements au mobilier de Marie-Antoinette ou à des meubles qui en sont inspirés.
Le style Second Empire se caractérise d'abord par son éclectisme. En cela, il s'inscrit dans la continuité du style Louis-Philippe. Il s'inspire de nombreux styles : celui de l'Antiquité (principalement gréco-romaine), de la Renaissance, de Louis XV et de Louis XVI. Le style gothique est aussi plagié[1]. Les influences orientales, de Chine, du Japon mais aussi du Maghreb, s'imposent également dans les années 1870-1890.
Néanmoins, il ne présente pas un souci de véracité historique, mais seulement d'esthétisme..
Le style Second Empire est également marqué par une grande exubérance dans les décors. On y trouve une abondance d'ornementations souvent très élaborées. Ce style privilégie la somptuosité et l'opulence.
Mais esthétisme et confort sont indissociables. En effet, alors que le pays est en plein essor industriel, on assiste à l'émergence d'une bourgeoise qui aspire au bien-être et à montrer sa réussite. La mécanisation rend le goût du luxe accessible au plus grand nombre[2].
En outre, la fonctionnalité des éléments constitutifs de l'habitat est essentielle[2].
Architecture
Il est possible de trouver plusieurs exemples architecturaux appartenant au style Second Empire en France.
L'opéra de Paris, l'opéra Garnier, peut être considéré comme l'apogée du style Napoléon III : il constitue une synthèse éclectique de différents styles allant de la Renaissance au néoclassicisme.
Certains décors appartiennent au style Napoléon III même si les bâtiments qui les abritent n'appartiennent pas à ce style, c'est notamment le cas de la Salle des Conférences[3] du Palais du Luxembourg ou encore de la Salle Napoléon[4] du Palais Royal qui accueille aujourd'hui le Conseil d’État.
Dans l'aile Richelieu du Louvre, les visiteurs peuvent découvrir les appartements Napoléon III, composés de la petite et de la grande Salles à manger[5] ainsi que du Grand Salon[6].
Napoléon III accorde une place importante aux parcs et jardins[7]. Les serres et les jardins d'hiver qui associent verre et fer sont monnaie courante[2].
Mobilier
Sous le Second Empire, les grands magasins parisiens, comme Le Bon Marché créé en 1852 ou La Samaritaine en 1870, sont en plein essor. Ils permettent d'exposer une profusion de marchandises et offrent une gamme très étendue de choix à la clientèle[2].
Les artisans fabriquent à tour de bras et à bas prix des meubles imitant les grands classiques de l'ébénisterie française, comme les meubles du célèbre André-Charles Boulle ou ceux de Jean-Henri Riesener. Mathieu Befort, dit Befort Jeune (1813-1880), se spécialise ainsi dans la fabrication de meubles en marqueterie Boulle[8].
Nouveau mobilier
Il existe une multitude de modèles qui se singularisent par de nombreuses variantes de matériaux, des effets ornementaux sophistiqués et des styles divers[2]. De cette façon, les fabricants français parviennent à concurrencer les créations étrangères, notamment anglaises[2]. Les meubles de jardin en rotin ou en métal peint se multiplient[2]. Le porte-parapluie et le porte-manteau sont des créations fonctionnelles de cette époque[9]. La proportion des meubles est adaptée à leur usage ; les meubles imposants sont essentiellement consacrés aux pièces de réception. Mais les petits meubles féminins prolifèrent. On trouve, par exemple, une variété infinie de petites tables comme :
- La table gigogne, pratique et modulable, est une création caractéristique du Second Empire. Chaque série est composée de 3 ou 5 tables dont le plateau rectangulaire peut être décoré de façon identique ou selon différents thèmes (fleurs, animaux, scènes champêtres). Elle permet d'agencer son intérieur selon ses besoins. Le piètement, souvent léger, favorise l'emboîtement des tables qui peuvent être rangées plus facilement dans des appartements urbains dont la superficie s'amenuise progressivement[10].
- la table à ouvrage ou Travailleuse est une petite table composée de casiers dédiés au rangement du matériel de couture.
- la table de toilette[2]
- la table Ă jeux[9]
- la table basculante
Il existe une gamme innombrable de sièges :
- le pouf, tabouret rond et capitonné couvert de soie, avec un piètement en bois doré en forme de cordage[11]
- la borne, banquette circulaire avec un dossier commun au centre, plein ou creux (pour y insérer des plantes par exemple)
- la boudeuse, siège double sans accoudoir dans lequel on s'assoit dos-à -dos
- la chauffeuse, siège à l'assise basse souvent capitonnée qui ressemble au fauteuil-crapaud sans bras[12]
- le confident, meuble emblématique du Second Empire, est une banquette en forme de S permettant une discussion à deux en toute discrétion[13]
- l'indiscret, sorte de canapé en forme hélicoïdale à trois places semblable au confident
Les éléments de décoration
La galvanoplastie, procédé comparé par Charles Christofle à l'imprimerie pour le livre, permet la multiplication des faux bronzes[14].
Certains matériaux font leur apparition comme le métal et le papier mâché, qui donne l'illusion de la laque et fournit pour les bourses les plus modestes des meubles brillants. Les fonds de laque noire sont privilégiés car ils permettent de faire ressortir les dorures et les coloris vifs[15]. Les bois sombres sont en harmonie avec les étoffes riches, souvent en rouge et or, qui viennent réchauffer les intérieurs. Ils sont souvent incrustés de cuivre ou d'étain mais aussi de matières précieuses, nacre ou écaille, qui en accentuent l'aspect tape-à -l'œil.
Les marqueteries sont extrêmement courantes, les passementeries très répandues et la polychromie particulièrement présente[1]. Les plaquages en palissandre, la marqueterie d'ivoire et d'ébène favorisent les contrastes, les illusions d'optique et témoignent d'un goût certain pour l'exotisme[15].
Les sièges sont garnis de capiton et de ressorts pour permettre une assise plus confortable. Ils sont recouverts de brocarts ou de riches velours[15].
Certains meubles sont fabriqués à partir de matériaux inédits comme le rotin, le bambou, l'osier et le pitchpin[1].
Expansion
Né en France, ce style se développe dans d'autres pays en Europe et aux amériques, mais sous d'autres appellations. Il s'apparente par exemple au style victorien au Royaume-Uni et dans ses colonies. Un exemple représentatif de ce style au Canada est l'hôtel du Parlement du Québec.
Mais pour les Américains aux États-Unis, le terme « Second Empire » désigne un style comparable né dans les années 1880, auquel appartiennent l'hôtel de ville de Baltimore et l'Executive Office Building de Washington. La Renwick Gallery est considérée comme l'un des plus remarquables exemples d'architecture du Second Empire en Amérique, s'inspirant de l'extension du Louvre réalisée par l'architecte Visconti[16], qui crée deux nouvelles ailes au nord et au sud.
Artistes[2]
Le rôle des architectes est majeur. Ils définissent l'implantation, l'organisation des hôtels mais sont également de véritables conseillers artistiques ; ils composent les décors intérieurs dans leur globalité.
Architectes et ingénieurs
- Théodore Ballu (1817-1885)
- Victor Baltard (1805-1874) est l'architecte en chef de la ville de Paris. Sa notoriété est renforcée grâce à l'utilisation d'ossatures métalliques pour la construction des Halles de Paris.
- Eugène Belgrand (1810-1878) conçoit un réseau d'égouts novateur comportant des canalisations d'eau et de gaz.
- Félix Duban (1798-1870) entame la restauration de deux galeries emblématiques du Louvre : la galerie du Bord- de- l'eau, aussi appelée Grande Galerie, et la galerie d'Apollon[2].
- Henri-Jacques Espérandieu (1829-1874) dirige les travaux d'édification du palais Longchamp à Marseille[2].Palais Longchamp, Marseille.
- Charles Garnier (1825-1898) doit sa renommée à la réalisation de l'opéra de Paris.
- Émile Jacques Gilbert (1793-1874) est l'architecte chargé de la construction de l'hospice de Charenton[17].
- Le baron Haussmann (1809-1891) entreprend les grands travaux d'aménagement de Paris souhaités par Napoléon III, qui veut affirmer les ambitions internationales de la France et concurrencer certaines capitales européennes comme Londres.
- Jacques Hittorff (1792-1867).
- Henri Labrouste (1801-1875) s'illustre par le recours à des structures en fonte dans l'élaboration de la bibliothèque Sainte-Geneviève ainsi que par la restructuration et la modernisation de la Bibliothèque impériale[2].
- Jean-Baptiste Lassus (1807-1857).
- Hector-Martin Lefuel (1810-1880) achève la restauration de la Grande Galerie et celle du pavillon de Flore[2].
- Pierre Manguin (1815-1869) orchestre notamment les travaux de l'hôtel parisien de la marquise de la Païva, chef d'oeuvre du goût du Second Empire situé avenue des Champs-Élysées.
- Alfred-Nicolas Normand (1822-1909) est l'un des architectes à l'origine de la maison pompéienne du prince Napoléon, avenue Montaigne (détruite en 1890)[18].
- Charles Questel (1807-1888) conçoit le musée-bibliothèque de Grenoble[2].
- Joseph Émile Vaudremer (1829-1914)
- Marie-Gabriel Veugny (1793-?) se charge d'élaborer les plans de la cité Napoléon à Paris, cité ouvrière qui témoigne de l'intérêt porté par Napoléon III pour la question du logement social[2].
- Eugène Viollet-le-Duc (1814-1879)
Jardinier et paysagiste
- Jean-Pierre Barillet-Deschamps (1824-1873) participe à la transformation de la capitale en inaugurant un type de jardin inspiré du jardin à l'anglaise.
Peintres
- Paul Baudry (1828-1886)
- Ignace-François Bonhommé (1809-1881)
- Gustave Courbet (1819-1877)
- Eugène Lami (1800-1890)
- Jules-Eugène Lenepveu (1819-1898)
Orfèvres
- Philippe Berthier
- Charles Christofle (1805-1863)
- François-Auguste Fannière (1818-1900) et son frère Joseph Fannière (1820-1897) fondent la maison Fannière Frères en 1839[19].
- François-Désiré Froment-Meurice (1801-1855)
- Jean-Valentin Morel (1794-1860)
CĂ©ramistes et sculpteurs
- Aimé Millet (1819-1891) participe à la décoration de l'opéra Garnier[2].
- Jean-Baptiste-Jules Klagmann (1810-1867) travaille pour les arts décoratifs[20].
- Jean-Baptiste Carpeaux (1827-1875)
- Albert-Ernest Carrier-Belleuse (1824-1887)
- Paul Comoléra (1813-1890), sculpteur animalier
- Jules GĂ©ly (1820-1893)[22]
Ateliers Porcelaine de Limoges
- Maison Pouyat (1835-1912)
- Manufacture Henri Ardant (1858-1883)[23]
- Manufacture Pierre Gibus et Martial Redon[24]
Porcelaine et faĂŻence de Paris
Grands noms du verre et du cristal
- La cristallerie Baccarat connaît son âge d'or sous le Second Empire[26].
- La cristallerie Saint-Louis donne naissance aux arts de la table à travers notamment la création du célèbre service Trianon, comble du raffinement[27].
- Philippe-Joseph Brocard (1831-1896) produit des pièces uniques inspirées des réalisations du Proche-Orient et rejette la production industrielle[2].
Notes et références
Notes
- Christophe Renault - Christophe Lazé, Les styles de l'architecture et du mobilier, Editions Jean-Paul Gisserot, , 128 p. (ISBN 978-2877474658).
- Odile Nouvel-Kammerer, Le style Second Empire, Flammarion, , 78 p. (ISBN 2-08-011239-2).
- « Salle des Conférences », sur senat.fr (consulté le ).
- « La salle Napoléon », sur conseil-etat.fr (consulté le ).
- « Appartements Napoléon III, Petite et grande Salle à manger », sur louvre.fr (consulté le ).
- « Appartements Napoléon III, Grand Salon », sur louvre.fr (consulté le ).
- Luisa Limido, L'art des jardins sous le second empire: Jean-Pierre Barillet- Deschamps, 1824-1873, Champ Vallon, , 283 p. (ISBN 2876733498).
- « Attribué à Mathieu BEFORT (1813-1880) Enfilade en placa… | Drouot.com », sur drouot.com (consulté le ).
- « Ce qui caractérise le mobilier de ce style, c'est l'éclectisme : - l'imitation : tous les styles français et même étrangers (anglais, chinois, etc.); - La redondance : on accumule pèle-mêle des éléments hétéroclites d'où une surcharge décorative. », sur www.ameublement.com (consulté le )
- Adeline Daumard, « Quelques remarques sur le logement des Parisiens au XIXe siècle », Annales de Démographie Historique, vol. 1975, no 1,‎ , p. 49–64 (DOI 10.3406/adh.1975.1265, lire en ligne, consulté le )
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Bibliographie
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- Pierre Kjellberg, Le mobilier français et européen : Du Moyen âge à nos jours, Les Éditions de l’Amateur, (ISBN 978-2-859-17511-5)
- Sylvie Aprile, « Les Français et l’Empire », dans Sylvie Aprile, Henry Rousso, 1815-1870. La Révolution inachevée, Gallimard, , 832 p. (ISBN 9782072799389), p. 481-492