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Ère Meiji

L'ère Meiji (明治時代, Meiji jidai) est une ère de l'histoire du Japon comprise entre 1868 et 1912.

Ère Meiji
Rue de Tokyo, 1905.
Dates
Début
1868
Fin
1912
Époques
Précédente
Suivante

Inaugurée par la restauration de Meiji, elle se situe entre l'ère Keiō (fin de l'époque d'Edo) et l'ère Taishō. Elle symbolise la fin de la politique d'isolement volontaire appelée sakoku et le début d'une politique de modernisation du Japon. Elle se caractérise également par un basculement du système féodal vers un système industriel à l'occidentale. Ces bouleversements sociaux, politiques et culturels déboucheront sur diverses avancées dans les domaines de l’industrie, de l’économie, de l’agriculture et en matière d’échanges commerciaux.

Origine du terme Meiji

L'empereur Mutsuhito (睦仁) prit à l'occasion de son accession au trône, selon la tradition impériale japonaise, le nom posthume de Meiji (明治) qui signifie « gouvernement éclairé » (composé de « lumière/clarté » (, mei) et « gouvernement » (, ji)).

Historique

Contexte

À la fin des années 1850, le Japon vit sous le régime du shôgunat des Tokugawa, installé depuis le XVIIe siècle et dont la capitale est la ville d'Edo (actuellement appelée Tokyo)[1].

Le Japon est officiellement fermé aux étrangers, même si des liens existent, notamment la Corée, les Pays-Bas et par le biais de missions catholiques qui s'étaient installés à partir du XVIe siècle[1]. Entrer ou revenir dans l'archipel, sans autorisation expresse, était puni de mort immédiate, ce qui était valable pour les Japonais autant que pour tout étranger. Sauf certains voyages très officiels vers la Corée et la Chine, les seuls contacts avec les Occidentaux se faisaient à Nagasaki. Quant aux relations internationales et aux contacts socioéconomiques, quatre lieux différents valaient frontière avec le reste du monde : Nagasaki (avec l'Occident), Tsushima (avec la Corée), Matsumae (avec le Nord de l'île d'Hokkaidô) et Satsuma (avec les îles Ryûkyû).

Cet isolationnisme appelé sakoku a coïncidé avec 250 ans de paix intérieure, de relative prospérité économique et a permis de perfectionner les arts. Mais le système féodal rigide de classe sclérosa lentement les han, particulièrement l'administration Tokugawa.

Pouvoir de l'empereur

En tant que « descendant » de la déesse du soleil, Amaterasu, l’empereur est officiellement le détenteur du pouvoir. Dans la réalité, le pouvoir est détenu par le shogun. La famille Tokugawa, depuis le shogun Tokugawa Iemitsu, a fourni tous les shoguns du sakoku. L’empereur « régnait » depuis son palais de Kyoto (qui existe toujours aujourd'hui), tandis que le shogun dirigeait le pays depuis Edo, aujourd’hui Tokyo (500 km séparent les deux villes).

Pressions des puissances occidentales

À partir des années 1840-1850, les puissances occidentales font de plus en plus pression sur les pays d'Extrême-Orient pour les obliger à s'ouvrir au commerce international[1].

En 1853, le commodore Perry est envoyé par le gouvernement des États-Unis d'Amérique avec, pour mission, l'ouverture des routes commerciales. Il amène alors l'escadron des navires noirs au large d'Uraga dans la baie de Tokyo. Devant le refus du shogun d'ouvrir les ports de la ville, le commodore menace de la bombarder de ses canons. Devant la menace réelle de la technologie militaire occidentale, le bakufu cède aux exigences américaines et signe les traités inégaux de la convention de Kanagawa, puis du traité d'amitié anglo-japonais en 1854.

La période suivante est marquée par des rébellions anticolonialistes, des assassinats politiques et, de façon générale, une perte de confiance dans le régime shogunal. C'est cependant sous le shogunat que des missions militaires avec la France, le Royaume-Uni et la Prusse sont entreprises, et que commence la modernisation du Japon sur le plan de l'armement (côté français, ces missions sont organisées sous Napoléon III).

En novembre 1867, le 15e shogun Tokugawa régnant, Tokugawa Yoshinobu, abdique volontairement et refuse de nommer un successeur, déclarant que son devoir était de laisser le pays s’ouvrir pour permettre son évolution. De plus, la mort de l'empereur Kōmei en janvier de la même année donne l'occasion au jeune prince Mutsuhito, successeur de son père, d'abattre définitivement les partisans du shogunat (guerre de Boshin) et de devenir ainsi le représentant de cette réforme. Cette restauration a donc été inspirée « par le haut » et n’était pas due à une révolution populaire. Après son accession au trône, l'une des premières décisions symboliques du jeune souverain est le transfert officiel de la capitale impériale du Heian-kyō (Kyoto) à l'ancienne résidence des shoguns (qui est encore aujourd'hui le palais impérial), à Edo, ville aussitôt rebaptisée « Tokyo », « capitale de l'Est ».

Parallèlement, la Chine est défaite face aux forces anglaise lors de la seconde guerre de l'opium. Cela offre au Japon le contre-exemple de la soumission d'une grande puissance asiatique aux puissances occidentales[1].

Début de l'ère Meiji

L’ère Meiji commence officiellement le : une partie des élites réformatrices se forment autour du prince Mutsuhito, pour reprendre en main les affaires du pays et renverser le shôgunat. La légitimité impériale est remise au centre du jeu politique pour favoriser la modernisation rapide des structures administratives, sociales et économiques du Japon. Le but étant de permettre au pays de pouvoir renforcer l'état-nation japonais et lui permettre de résister aux ambitions des pays occidentaux[1].

La première réforme a été la promulgation de la Charte du serment en 1868, un exposé général des objectifs des dirigeants Meiji pour relever le moral du pays et gagner un soutien financier pour le nouveau gouvernement :

  • Mise en place d'assemblées délibérantes ;
  • Participation de toutes les classes aux affaires politiques ;
  • Abrogation des lois somptuaires et des restrictions de classe sur l'emploi ;
  • Remplacement des « mauvaises coutumes du passé » par les « justes lois de la nature » ;
  • Recherche de la connaissance internationale pour renforcer les fondements de la domination impériale.

La fin de la domination politique exclusive du bakufu était implicite dans la Charte, ainsi qu'un mouvement vers la participation démocratique. Pour la mettre en œuvre, une constitution comportant onze articles fut élaborée en 1889. En plus de fournir un nouveau Conseil d'État, les organes législatifs et les systèmes de rangs pour les nobles et les fonctionnaires, elle limita la tenure de bureau à quatre ans, permit le scrutin public ainsi qu'un nouveau système de taxation et ordonna de nouvelles règles administratives locales.

Tsukioka Yoshitoshi, Kagosima boto syutuzinzu (guerre japonaise à Kagoshima), ukiyo-e représentant une scène de la rébellion de Satsuma, 1879.

Autre réforme importante, l’abolition de la classe guerrière des samouraïs. Les hans furent remplacés par des préfectures en 1871. Un certain nombre de samouraïs prirent alors le parti d'abandonner volontairement le métier des armes pour se reconvertir dans le monde des affaires. Beaucoup furent ainsi placés à la tête d'entreprises créées par le pouvoir impérial, devenant donc des acteurs importants dans les débuts de l'industrialisation du pays.

D'autres se mirent au service de l'État soit en entrant en politique (les premiers Premiers ministres sont quasiment tous issus de cette ancienne classe guerrière), soit en participant à la création de l'Armée impériale japonaise qui fut confiée à des officiers instructeurs britanniques, français et allemands.

Mais cette réforme radicale ne fut pas acceptée par tous et provoqua en 1877 une révolte : la rébellion de Satsuma, menée par l'un des fondateurs de la nouvelle ère, Saigō Takamori, et qui fut aussi alimentée par des réflexes xénophobes et conservateurs de la société japonaise d'alors. Celle-ci fut matée au bout de six mois par les forces impériales.

Nature du Japon sous l'ère Meiji

Politique intérieure

Les fonctionnaires des anciens clans vainqueurs contre le bakufu des domaines de Satsuma, Chōshū, Tosa et Hizen prennent place dans les ministères pour les décennies à venir. Le triumvirat de l'alliance Satcho, Ōkubo Toshimichi, Saigō et Kido Takayoshi détient des postes clés autour du jeune empereur.

L'un des principaux partisans du gouvernement représentatif était Itagaki Taisuke (1837-1919), un chef puissant de Tosa qui avait démissionné du Conseil d'État après l'affaire coréenne en 1873. Itagaki chercha pacifiquement les moyens de se faire entendre au sein du gouvernement. Il fonda une école et un mouvement visant à établir une monarchie constitutionnelle et une Assemblée législative. Itagaki et d'autres écrivirent le Mémorial de Tosa, en 1874, critiquant le pouvoir illimité de l'oligarchie en place et appelant à la création immédiate d'un gouvernement représentatif.

En , les fiefs et droits féodaux sur lesquels prospéraient les daimyô sont abolis[1].

Entre 1871 et 1873, une série de lois foncières et fiscales furent adoptées comme base pour la politique fiscale moderne. La propriété privée fut légalisée, les actes publiés et les terres évaluées à la juste valeur marchande des impôts payés en espèces, plutôt qu'en nature comme à l'époque féodale, et à des taux légèrement inférieurs.

Après avoir rejoint le Conseil d'État en 1875, Itagaki, insatisfait du rythme de la réforme, organisa ses disciples et les autres promoteurs de la démocratie dans le parti Aikokusha pour inciter à la création d'un gouvernement représentatif en 1878. En 1881, il fonde le jiyūtō (Parti libéral), influencé par les doctrines politiques françaises.

Shigenobu Ōkuma établit le kaishintō en 1882, parti inspiré par l'exemple d'une démocratie constitutionnelle de type britannique. En réponse, les bureaucrates du gouvernement, les élus locaux et d'autres conservateurs établissent le teiseitō, un parti pro-gouvernemental. De nombreuses manifestations politiques suivirent, certaines violentes, entraînant des restrictions supplémentaires des gouvernements. Ces restrictions entravent les partis politiques et conduisent à leur division. Le jiyutō, qui s'était opposé au kaishintō, fut dissous en 1884 et Ōkuma démissionna en tant que président du kaishintō.

Les chefs de gouvernement, longtemps préoccupés par les menaces violentes contre la stabilité et la scission de l'hégémonie après l'affaire de Corée, sont généralement convaincus que le gouvernement constitutionnel devrait un jour être mis en place. Le chef de file Chōshū, Kido Takayoshi, favorisa une forme de gouvernement constitutionnel dès 1874 et plusieurs propositions de garanties constitutionnelles furent rédigées. Cependant, tout en reconnaissant les réalités des pressions politiques, l'oligarchie était déterminée à garder le contrôle. Ainsi, seules des mesures modestes furent prises.

Politique judiciaire

La Conférence d'Osaka en 1873 aboutit à la réorganisation de l'administration d'un système judiciaire indépendant et d'une chambre des anciens, genrōin, chargée d'examiner les propositions de la législature. L'empereur déclare que « le gouvernement constitutionnel doit être mis en place par étapes progressives », et ordonne au Conseil des Anciens de rédiger une constitution.

Trois ans plus tard, la Conférence des gouverneurs préfectoraux établit des assemblées préfectorales élues. Bien que limités dans leur autorité, ces ensembles représentent une évolution dans le sens d'un gouvernement représentatif au niveau national et, en 1880 des assemblées sont également formées dans les villages et les villes. La même année, les délégués de vingt-quatre préfectures tiennent un congrès national pour établir la Ligue pour l’établissement d'une assemblée nationale (Kokkai Kisei Domei).

Bien que le gouvernement ne s'opposât pas au parlementarisme, confronté aux « droits du peuple », il continua à contrôler la situation politique. De nouvelles lois, en 1875, interdisent la presse de critiquer le gouvernement et l'examen des lois nationales. La loi sur les réunions publiques (1880) limite sévèrement les rassemblements publics en interdisant la participation des fonctionnaires et nécessitant une autorisation de la police.

Dans le cercle dirigeant, cependant, et en dépit de l'approche conservatrice de la direction, Ōkuma continue solitairement de promouvoir le style britannique : un gouvernement avec des partis politiques et un cabinet organisé par le parti majoritaire, responsable devant l'Assemblée nationale. Il appelle à des élections pour 1882 et une Assemblée nationale en 1883. Ce faisant, il précipite une crise politique qui se conclut par un édit impérial en 1881, déclarant l'établissement d'une assemblée nationale en 1890.

Rejetant le modèle britannique, Iwakura Tomomi et d'autres conservateurs empruntent beaucoup au système constitutionnel prussien. Un membre de l'oligarchie Meiji, Itō Hirobumi, originaire de Chōshū, longtemps impliqué dans les affaires du gouvernement, fut chargé de rédiger la constitution japonaise. Il mena une mission d'étude à l'étranger en 1882, passant le plus clair de son temps en Allemagne. Il rejeta la Constitution des États-Unis comme « trop libérale » et le système britannique comme trop lourd avec un Parlement ayant trop de contrôle sur la monarchie, les modèles français et espagnol furent rejetés comme tendant vers le despotisme.

Itō est nommé responsable du nouveau Bureau d'Investigation des systèmes constitutionnels en 1884 et le Conseil d'État est remplacé en 1885 par un cabinet dirigé par Itō comme Premier ministre. Les postes de chancelier, ministre de la gauche, et le ministre de la droite, qui existaient depuis le VIIe siècle, ainsi que les postes de conseillers de l'empereur sont abolis. À leur place, le Conseil privé est créé en 1888 pour évaluer la future constitution et conseiller l'empereur.

Afin de renforcer l'autorité de l'État, le Conseil suprême de guerre est créé sous la direction de Yamagata Aritomo, qui est crédité de la fondation de l'armée japonaise moderne et qui allait devenir le Premier ministre du gouvernement constitutionnel. Le Conseil suprême de guerre met au point un système de style allemand avec un général, chef de cabinet, ayant un accès direct à l'empereur et qui pourrait fonctionner indépendamment du ministre des armées et des fonctionnaires civils.

L'empereur Meiji vers la fin de son règne.

Lorsqu'elle est finalement accordée par l'empereur comme un signe de partage de son autorité et de don de liberté à ses sujets, la Constitution de 1889 de l'empire du Japon (la Constitution de Meiji) instaure la Diète impériale (teikoku gikai). Composée d'une Chambre des représentants élue par une partie très limitée de citoyens de sexe masculin, de plus de vingt-cinq ans et payant une taxe, soit environ un pour cent de la population, de la Chambre des pairs, composée de la noblesse et de personnes nommées par l'empereur, et un cabinet responsable devant l'empereur et indépendant du pouvoir législatif. Néanmoins, en dépit de ces changements institutionnels, la souveraineté résidait encore en l'empereur sur la base de son ascendance divine.

La nouvelle constitution spécifie une forme de gouvernement qui était encore de caractère autoritaire, avec l'empereur qui détient le pouvoir ultime et n'accorde que des concessions minimes aux droits du peuple et aux mécanismes parlementaires. Les partis sont reconnus comme faisant partie du processus politique. La Constitution de Meiji devait durer en tant que loi fondamentale jusqu'en 1947.

Dans les premières années du gouvernement constitutionnel, les forces et les faiblesses de la Constitution de Meiji sont révélées. Les réflexes ancestraux de clans sont toujours présents, une petite élite de Satsuma et Chōshū continuent de gouverner le Japon, s'institutionnalisant comme un organe extra-constitutionnel de genrōs (État aux aînés). Collectivement, les genrōs prirent des décisions réservées à l'empereur et gouvernent de facto.

Tout au long de la période, cependant, les problèmes politiques sont en général résolus grâce à des compromis. Les partis politiques ont progressivement augmenté leur pouvoir sur le gouvernement et tenu un rôle de plus en plus important dans le processus politique. Entre 1891 et 1895, Itō fut Premier ministre d'un gouvernement composé majoritairement de genrōs qui voulait établir un parti de gouvernement pour contrôler la Chambre des représentants. Même si elle n'est pas pleinement réalisée, la tendance à la politique des partis a été bien établie.

Politique religieuse

Dans la mesure où la restauration de Meiji avait cherché à rendre à l'empereur une position prééminente, des efforts ont été faits pour rétablir un État shinto comme mille ans auparavant. Le shinto et le bouddhisme s'étaient depuis moulés en une croyance syncrétique. Le bouddhisme ayant été étroitement lié au shogunat, il s'agissait de séparer les deux (shinbutsu bunri), ce qui s'exprima par la destruction de temples bouddhistes et d'autres actes violents (haibutsu kishaku).

En outre, un nouvel État shintoïste devait être construit à cet effet. Le Bureau du culte shinto fut établi, se classant même en importance au-dessus du Conseil d'État. Les idées kokutai de l'école Mito furent adoptées, et l'ascendance divine de la maison impériale soulignée. Bien que le Bureau de culte shinto fût rétrogradé en 1872, en 1877 le ministère de l'Intérieur contrôlait tous les sanctuaires shintoïstes et certaines sectes shintoïstes furent reconnues par l'État. Le shintoïsme fut libéré de l'administration bouddhiste et ses propriétés restaurées. Bien que le bouddhisme ait souffert du parrainage d'État de la religion shinto, il avait sa propre renaissance. Le christianisme fut également légalisé et le confucianisme resta une doctrine éthique importante.

Paradoxalement, les penseurs japonais s'identifièrent de plus en plus avec les méthodes et idéologies occidentales.

Le christianisme, qui avait été confiné à Nagasaki, puis interdit dans cette ville en 1614 au début du shogunat, fut de nouveau autorisé sous l'ère Meiji, bien que les chrétiens fussent encore persécutés au début du règne.

Le sentiment religieux au Japon est plutôt dilué et très tolérant. Le nombre de chrétiens japonais est de moins de 8 %.

Politique économique

Dès 1870, les chemins de fer se sont développés avec l’aide, là aussi, d’ingénieurs britanniques. En 1894, 3 380 km de voies étaient déjà en exploitation, 13 ans plus tard, on en comptait 4 524 km[2].

Enfin, une première monnaie étatique, le yen, a été créée par une loi du [3], pour remplacer le ryō (両), ce qui permit l’installation d’un système de taxes à l’échelon national pour le budget de l'État japonais.

En 1885, le Japon rejoignit une convention internationale à propos du système métrique et, petit à petit, adopta ce système (devenu complètement officiel et obligatoire dans les années 1950).

L'ère Meiji marque l'inauguration de plusieurs lignes de chemin de fer[4].

Politique sociétale

Une réforme spectaculaire fut la création du système d’éducation nationale, inspiré du modèle américain. Entre et , est édité l'Appel à l'étude (Gaumon no sumune) de Fukuzawa Yukichi. Dans ce livre, l'auteur milite en faveur de l'enseignement des langues étrangères, de l'art oratoire et de l'ouverture d'université où le débat contradictoire pourra être pratiqué[1].

Politique militaire

La marine militaire et civile s’est très fortement développée par l’achat de navires à l’étranger et la construction de nouveaux ports. L'organisation de la marine de guerre fut, notamment dans un premier temps, inspirée par celle de la Royal Navy britannique, avant d'être confiée à l'ingénieur naval français Louis-Émile Bertin.

Politique étrangère

Les contacts avec les autres pays du monde se développèrent. Des négociations conduisirent à un traité des frontières avec la Russie en 1875 (traité de Saint-Pétersbourg réglant provisoirement le problème de l'île de Sakhaline et des îles Kouriles), puis, en 1894, un traité d’égalité fut signé avec la Grande-Bretagne.

L'essor du commerce international et l'industrialisation du Japon, ainsi que son passage de la féodalité à la « modernité » occidentale, se traduisirent par une course aux technologies nouvelles et par l'expansion de son empire colonial, dans une perspective de partage du monde avec l'Occident.

Résolument tourné vers la modernité, l'empereur Meiji invita, à grands frais, de nombreux spécialistes européens, en fonction du domaine où excellait leur nation : militaires, chimistes et médecins prussiens, puis plus globalement allemands ; fonctionnaires, juristes, géomètres, recenseurs et ingénieurs navals[5] français ; ingénieurs industriels britanniques ; agronomes néerlandais ; etc.

Cette époque est aussi caractérisée par l'expansion du territoire japonais, calquée sur le modèle occidental.

Culture

Durant cette ère, de nombreux mots ont été créés pour enrichir la langue japonaise de termes désignant essentiellement des objets ou concepts occidentaux. Contrairement aux mots créés dans la deuxième moitié du XXe siècle, transposés directement depuis l'anglais, les mots créés durant l'ère Meiji l'ont été à partir des racines chinoises et des kanjis. C'est le cas par exemple de 電話 (denwa), qui signifie « téléphone » (électricité + parole).

En 1873, le Japon bascule du calendrier luno-solaire chinois au calendrier grégorien[6]. Les dates des fêtes chinoises lunaires, comme la tango (端午) passent également du calendrier chinois au calendrier solaire.

Chronologie

Ouverture du pays

  • 1853 : le commodore Matthew Perry qui dirige l'expédition américano-européenne (bateaux noirs) pénètre dans la baie de Tokyo. Son but est d’ouvrir le Japon au commerce avec l’Occident. Au Japon, deux courants se forment, l’un plutôt pour le commerce avec l’Occident et l’autre totalement opposé. Le premier courant l'emporte finalement et le Japon signe la convention de Kanagawa avec Perry ().
  • Septembre 1864 : la flotte occidentale composée de navires américains, britanniques, hollandais et français tente de forcer le détroit de Shimonoseki dans le domaine de Chōshū en bombardant les côtes.
  • Juillet 1866 : un nouveau traité ramène les droits d’importations à 5 % ce qui condamne les extrémistes et renforce le parti loyaliste.
  • Printemps 1867 : l’agitation et les idées de réformes sont si importantes que le shogun Yoshinobu du clan des Tokugawa est contraint de renoncer au pouvoir.

Début et fin de l'ère Meiji : 1868-1912

  • 1868 : début de l'ère Meiji et date symbolique d'entrée du pays dans la modernité, notamment politique et économique.
  • : les troupes loyalistes s’emparent du palais impérial à Kyōto. Un conseil impérial réuni sur le champ abolit le bakufu. Le règne de l’empereur Mutsuhito qui n’a que quinze ans commence.
  • : à Kyōto, l’empereur Mutsuhito prête un serment en cinq articles qui annoncent les changements prévus par le nouveau régime et l’ouverture officielle du Japon.
  • Entre 1868 et 1869 : une guerre civile éclate au Japon. Guerre entre les armées des clans de Satsuma, de Chōshū, de Tosa et leurs alliés et, d’autre part, les troupes appartenant au gouvernement shogunal d’Edo et les clans qui lui restèrent fidèles.
  • 1871 : le yen remplace l’ancienne monnaie du Japon. Le shinto (religion caractérisée par une quasi-divinisation de l’empereur) redevient une religion d’État.
  • : début de la mission Iwakura, mission diplomatique japonaise envoyée dans les pays occidentaux. Les membres de cette ambassade avaient pour tâche d'observer certains domaines scientifiques et sociaux.
  • 1872 : un système scolaire obligatoire est instauré. Une ligne ferroviaire reliant Tokyo à Yokohama est ouverte.
  • : le calendrier grégorien remplace le calendrier luni-solaire chinois[6].
  • : fin de la mission Iwakura.
  • 1874 : Chōmin Nakae, membre de la mission Iwakura resté en France, revient au Japon et traduit en chinois classique une partie du Contrat social de Jean-Jacques Rousseau, afin d'en faire profiter les Japonais et les autres peuples d'Asie[7].
  • 1876 : interdiction du port du sabre ce qui va accentuer les révoltes de guerriers pauvres.Saigō Takamori mènera la plus grande et la dernière d'entre elles en 1877 dans le sud de Kyûshû.
  • 1877 : création de l'université de Tokyo.
  • : le Nihon Ginkō est créé (la banque du Japon).
  • 1874-1890 : Le Mouvement pour la liberté et les droits du peuple (Jiyû minken undô) oppose les premiers démocrates et le gouvernement et voit l'émergence des premiers partis politiques, Parti de la liberté Jiyûtô et Parti progressiste Kaishintô. Les partisans du Mouvement militent pour l'établissement d'un Parlement ainsi que d'une constitution garantissant les libertés fondamentales. Des révoltes paysannes éclatent en parallèle du Mouvement et en lien avec lui.
  • : la première Constitution de l'histoire du pays donne à l'empereur des pouvoirs très importants et institue un régime représentatif. Elle établit deux chambres, l’une élue au suffrage censitaire, l’autre la Chambre des pairs.
  • Entre 1894 et 1895 : la guerre éclate entre la Chine et le Japon (sino-japonaise). Le conflit est dû aux problèmes d’expansion territoriale. Le Japon le remporte facilement.
  • 1890 : première session parlementaire sous la constitution Meiji.
  • 1895 : Taïwan est annexé.
  • 1900 : le Japon participe, aux côtés des puissances occidentales, à la répression de la révolte des Boxers en Chine.
  • 1902 : le Japon s’allie à la Grande-Bretagne rivale de la Russie en Asie.
  • 1904 et 1905 : le Japon entre en conflit avec la Russie (guerre russo-japonaise).
  • : traité de Portsmouth, qui met fin à la guerre russo-japonaise.
  • 1907 : accords franco-japonais et russo-japonais.
  • 1910 : colonisation de la Corée.
  • 1912 : fin de l’Ère Meiji avec la mort de l’empereur Mutsuhito. Son fils Yoshihito lui succède.

Les principales réformes et leurs conséquences

Économie

La mine de charbon Mitsubishi d'Ōyūbari et son chemin de fer, à Yūbari sur Hokkaidō en 1912.
  • Industrialisation rapide et à marche forcée : le Japon, au bout de quelques décennies, a une croissance supérieure à celle de l'Allemagne, et figure parmi les grandes puissances industrielles . Quasi nulle à la fin du XIXe siècle, la production d'acier passe durant les années 1900 de presque rien à près de 200 milliers de tonnes[8].
  • Constitution de zaibatsu, tels Mitsubishi, Mitsui, Sumitomo, Yasuda.
  • Colonisation d'Hokkaidō, jusqu'alors distincte de l'empire du Japon sous le nom d'Ezochi, après la répression de la République indépendante d'Ezo en 1869. L'annexion de l'île manifeste un caractère pionnier pouvant permettre la compréhension de la politique extérieure japonaise qui suivra la Restauration de Meiji[9].

Technique

  • Création d'une ligne télégraphique entre Tokyo et Yokohama en 1869.
  • Création d'une ligne de chemin de fer entre Tokyo et Yokohama en 1872.
  • Premier pont en fer sur la rivière Sumida en 1887.
  • Création de l'unité monétaire japonaise en 1871, introduction de la monnaie fiduciaire (yen) sous forme de billets de banque convertibles en argent (1885), et mise en place d'un système bancaire (1882). C'est le point de départ de l'industrialisation du Japon.

Politique, religion et société

Masayoshi Matsukata, quatrième Premier ministre de l'empire du Japon sous l'ère Meiji.

Expansion militaire

Autres faits marquants

  • Déplacement de la capitale de Kyōto à Tokyo le .
  • Serment des cinq articles (avril 1868) :
    • Art. 1 : les nouvelles décisions sont prises par voie de discussion publique.
    • Art. 2 : les affaires du gouvernement sont réglées ensemble par les supérieurs et inférieurs.
    • Art. 3 : chacun doit pouvoir accomplir sa vocation.
    • Art. 4 : les coutumes pernicieuses sont abolies.
    • Art. 5 : le savoir sera recherché dans le monde entier.

Débutent alors une lutte contre le temps perdu et la fin de l'isolement volontaire.

  • L'instruction devient obligatoire (1871).
  • La Constitution Meiji est promulguée (1889) .

Postérité

Formation de l'état-nation japonais

La légitimité de l'empereur permet d'unifier le territoire autour de sa personne tout en conservant les formes traditionnelles de légitimité[4]. Le lien entre la population et l'empereur se renforce d'autant plus facilement que l'empereur peut se déplacer à l'intérieur du Japon grâce aux nouvelles lignes de chemin de fer[4].

Développement économique et technologique

L'ouverture du pays aux techniques étrangères permit à l'archipel d'être l'une des rares contrées d'Asie à n’avoir jamais été « colonisée » par aucun autre pays. Au contraire, l'empire du Japon devient à son tour, quelques années plus tard, une « puissance coloniale » importante : la première guerre sino-japonaise en 1894-1895 permet à l'empire du Japon (par le traité de Shimonoseki) de s'approprier Taïwan, l'archipel des Pescadores et la presqu'île du Liaodong, ainsi que de placer la Corée dans sa sphère d'influence (signature d'un traité d'alliance militaire).

Au prix d'une guerre civile, l'empereur Meiji a atteint à la fin de son règne son but principal : amener le Japon à la hauteur des puissances occidentales en établissant un pouvoir central fort. Ce sont tous les efforts menés durant l'ère Meiji, véritable révolution politique, sociale, industrielle, et militaire, qui permirent au pays du soleil levant d'obtenir une victoire éclatante durant la guerre russo-japonaise (1905). Cette première victoire d'une puissance orientale sur une puissance occidentale dans l'histoire contemporaine fit apparaître dans l'opinion publique le spectre du « péril jaune », et, dans une certaine mesure, la politique expansionniste du Japon sous l'ère Shōwa est en continuité avec la politique de l'ère Meiji. Pour le gouvernement japonais, au début du XXe siècle l'alternative est d'étendre son influence sur l'Asie ou de passer sous l'influence de l'Occident, autrement dit coloniser ou être colonisé. C'est dans l'optique de rester une grande puissance qu'est mise en place la sphère de coprospérité de la grande Asie orientale.

Impact

Un grand nombre des mesures prises durant l'ère Meiji perdurent dans le Japon moderne (devenu néanmoins pacifiste après la Seconde Guerre mondiale) : instruction obligatoire, institution du yen comme monnaie nationale, ouverture sur l'Occident, administration centrale s'appuyant sur des préfectures, entre autres. Le Japon n'a pas renoncé à son statut de grande puissance, et a longtemps possédé le deuxième PIB au monde derrière les États-Unis (8,05 % du PIB mondial, en 2007)[10] jusqu'à ce que la Chine le rattrape en 2010[11].

Dans la culture populaire

Une composition imaginaire du Japon réalisée durant l'ère Meiji. Oeuvre en soie d'un artiste inconnu, issue de la collection de Nasser David Khalili.
Paysage agricole montrant de nombreuses personnes au travail.
Le travail du riz, de la soie et du thé, sur un panneau réalisé pendant l'ére Meiji. Oeuvre en soie et peinture d'un artiste qui a signé Sekka, issue de la collection de Nasser David Khalili.

Notes et références

  1. Delalande et Truong-Loï 2021, p. 221.
  2. (en) Steven J. Ericson, The Sound of the Whistle : Railroads & the State in Meiji Japan, Harvard University Press, , 523 p. (ISBN 0-674-82167-X, lire en ligne), p. 361.
  3. A. Piatt Andrew, Quarterly Journal of Economics, « The End of the Mexican Dollar », 18:3:321-356, 1904, p. 345.
  4. Delalande et Truong-Loï 2021, p. 225.
  5. Voir Louis-Émile Bertin, qui menèrent la reconstruction/réorganisation de la marine japonaise.
  6. Le Japon des années 1870-1880.
  7. Évelyne Pieiller, Le Monde diplomatique, octobre 2012, lire en ligne.
  8. [PDF] G. Hartmann, « L'Acier historique », Hydroretro, p. 15.
  9. Noémi Godefroy, « Hokkaidō, an zéro », Cipango [En ligne], mis en ligne le 17 juin 2013 (lire en ligne, consulté le )
  10. D'après rapport de la Banque mondiale, gross domestic product 2007.
  11. Voir .

Voir aussi

Bibliographie

  • Jean-Jacques Tschudin et Claude Hamon, La Nation en marche. Études sur le Japon impérial de Meiji, Picquier,
  • Pierre François Souyri, Moderne sans être occidental. Aux origines du Japon d'aujourd'hui, Gallimard, 2016
  • Eddy Dufourmont, Histoire politique du Japon : de 1853 à nos jours, Pessac, Presses universitaires de Bordeaux, , 496 p. (ISBN 979-10-300-0104-4)
  • Lionel Babicsz, Le Japon face à la Corée à l’époque Meiji, Maisonneuve et Larose,
  • E. Lozerand (dir.) et C. Galan (dir.), La Famille japonaise moderne. Discours et débats (1868-1926), Picquier,
  • E. Lozerand, Littérature et génie national : naissance d'une histoire littéraire dans le Japon du XIXe siècle, Les Belles Lettres, 2005
  • Nicolas DELALANDE et Blaise TRUONG-LOÏ, Histoire politique du XIXe siècle, Paris, Presses de Science Po, , 422 p. (ISBN 978-2-7246-3775-5, lire en ligne)

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