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Matthew Perry (militaire)

Matthew Calbraith Perry, né le à Newport (Rhode Island) et mort le à New York, est un officier de marine américain, aujourd'hui principalement connu pour avoir dirigé en 1853-1854 une expédition militaire au Japon afin de forcer ce pays à ouvrir des relations diplomatiques et commercer avec l'Occident.

Matthew Perry
Matthew Perry
Biographie
Naissance
DĂ©cĂšs
(Ă  63 ans)
New York
SĂ©pulture
Nom dans la langue maternelle
Matthew Calbraith Perry
Nationalité
Activités
PĂšre
Christopher Raymond Perry (en)
MĂšre
Sarah Alexander (d)
Fratrie
Oliver Hazard Perry
Ann Perry Rodgers (d)
Conjoint
Jane Slidell Perry (d)
Enfants
Caroline Slidell Perry (d)
Isabella Bolton Perry Tiffany (d)
Sarah Perry Rodgers (d)
Jane Oliver Hazard Hone (d)
Autres informations
Arme
Grade militaire
Conflits
Abréviation en botanique
Perry
Titre honorifique
Commodore (d)
signature de Matthew Perry (militaire)
Signature

Fils d'un officier de marine, Matthew Perry se dirige Ă  15 ans vers la carriĂšre navale, comme son frĂšre aĂźnĂ© Oliver Hazard. Aspirant personnel du commodore John Rodgers dĂšs l'annĂ©e suivante, Perry progresse rapidement dans la hiĂ©rarchie navale, servant dans les eaux amĂ©ricaines, en MĂ©diterranĂ©e, et en Afrique de l'Ouest. Il dirige des navires Ă  partir de 1830 et atteint en 1837 le grade de capitaine, alors le plus Ă©levĂ© de la marine amĂ©ricaine, lorsqu'il est nommĂ© Ă  la tĂȘte du vapeur Fulton.

En juin 1840, Perry reçoit le titre honorifique de « commodore » lorsqu'il est nommĂ© Ă  la tĂȘte du chantier naval de New York. Devenu un des plus importants officiers navals de son pays, il alterne alors missions aux États-Unis (fondation de l'AcadĂ©mie navale d’Annapolis, direction du chantier naval de bateaux Ă  vapeur de la poste amĂ©ricaine, commandant du Home Squadron) et Ă  l'Ă©tranger (lutte contre la traite nĂ©griĂšre, guerre amĂ©ricano-mexicaine). En 1852, il reçoit du prĂ©sident Fillmore la mission de forcer l'ouverture des ports japonais au commerce amĂ©ricain.

AprĂšs plusieurs mois de voyage oĂč il s'implique notamment dans la rĂ©volte des Taiping en Chine, Perry aborde dans la baie de Tokyo (alors Edo) en juillet 1853. Il fait Ă©talage de la puissance de ses canons Paixhans afin que le pouvoir japonais accepte qu'il dĂ©barque pour remettre une lettre rĂ©sumant les demandes amĂ©ricaines. En fĂ©vrier suivant, Perry revient Ă  la tĂȘte d'une flotte menaçante de dix navires ce qui conduit le pouvoir shogunal Ă  se plier aux exigences amĂ©ricaines en signant la convention de Kanagawa. Ce traitĂ© est considĂ©rĂ© comme le dĂ©but de l'ouverture du Japon Ă  l'Occident et de la restauration de Meiji, qui dĂ©bouche en 1868 sur la mise en place d'un nouveau systĂšme Ă©tatique dans le pays. De retour en janvier 1855 Ă  New York, Perry occupe encore durant deux ans des fonctions administratives tout en rĂ©digeant ses mĂ©moires. Il meurt peu aprĂšs avoir pris sa retraite.

Son rĂŽle dans la guerre amĂ©ricano-mexicaine puis l'expĂ©dition qui porte son nom fait de Perry un des principaux symboles de l'impĂ©rialisme maritime amĂ©ricain au XIXe siĂšcle. Aux États-Unis, son rĂŽle dans la rĂ©organisation de la formation navale et dans le dĂ©veloppement de la marine Ă  vapeur est Ă©galement reconnu — il est d'ailleurs surnommĂ© le « pĂšre de la marine Ă  vapeur ». Plusieurs monuments le commĂ©morent, et son expĂ©dition fait l'objet de mentions rĂ©currentes dans diverses Ɠuvres amĂ©ricaines et japonaises.

Biographie

Enfance

Matthew Calbraith Perry est nĂ© Ă  Newport, Rhodes Island le 10 avril 1794. Il est le fils de Sarah Wallace (1768-1830) et du capitaine de la marine amĂ©ricaine Christopher Raymond Perry (en) (1761-1818). Il a huit frĂšres et sƓurs dont Oliver Hazard Perry (1785-1819), lui aussi officier de marine, connu pour sa victoire navale dĂ©cisive du lac EriĂ© lors de la guerre anglo-amĂ©ricaine de 1812.

Sa mĂšre, nĂ©e en Irlande, est une descendante de William Wallace, chevalier Ă©cossais reconnu comme l’une des principales figures de la rĂ©sistance contre l'Angleterre durant les guerres d’indĂ©pendance de l’Écosse.

Une progression exemplaire dans la marine

À 15 ans, Matthew Perry devient aspirant sur le Revenge (en), commandĂ© par son frĂšre aĂźnĂ© Oliver Hazard Perry. Ce navire faisait partie d’une mission de protection des cĂŽtes amĂ©ricaines commandĂ©e par le commodore John Rodgers[1]. À ses 16 ans, il devient aspirant sur le navire de Rodgers, le President. Ses qualitĂ©s lui valent d'ĂȘtre nommĂ© aspirant personnel du commodore[2].

AprĂšs l’hiver 1812-1813, Matthew Perry revient Ă  Newport et est promu lieutenant[3]. Il est ensuite transfĂ©rĂ© sur le United States avant de retrouver en novembre le President. La veille de NoĂ«l 1814, il Ă©pouse Ă  New York Jane Slidell, fille d'un riche commerçant. En janvier 1815, il devient officier de recrutement sur le Chippewa avec lequel il part en mission en MĂ©diterranĂ©e[4].

En 1819, il embarque comme second sur le Cyane et participe à une mission en Afrique de l’Ouest ayant pour but l’installation de colons au Liberia. En 1821-1822, il est commandant du Shark (en) et navigue dans les Caraïbes et l’Afrique de l’Ouest[5].

En 1824, il est nommĂ© commandant en second du North Carolina dirigĂ© par le commodore John Rodgers et part pour la MĂ©diterranĂ©e. Le commodore n’est plus seulement son mentor mais ils ont maintenant une relation familiale de par le mariage de sa sƓur avec le fils de Rodgers[6].

En avril 1830, en tant que capitaine du Concord (en), il est chargĂ© d’envoyer des ambassadeurs amĂ©ricains en Russie. Le tsar Nicolas Ier lui propose de rejoindre la marine russe mais Perry dĂ©cline. À son retour aux États-Unis, il est nommĂ© second du chantier naval de New York en janvier 1833.

Le commodore Perry

En 1837, il est nommé capitaine, alors le grade le plus élevé de la marine américaine, et obtient le commandement de la frégate à vapeur Fulton, tout juste lancée[7]. Sa carriÚre atteint un stade encore plus élevé en juin 1840 quand il est nommé commandant du chantier naval de New-York avec le titre honorifique de commodore[7].

Deux ans aprĂšs, on lui donne le commandement de l’escadre africaine composĂ©e notamment du Saratoga (en) dans le but de combattre l’esclavagisme et la traite illĂ©gale[7].

Avec le début de la guerre américano-mexicaine, il commande le Mississippi (en), une frégate à vapeur et est vice-commandant du Home Squadron qui participe notamment à la premiÚre bataille de Tabasco (en) en octobre 1846[7]. En 1848, on le nomme commandant du Home Squadron[7].

Entre 1848 et 1852, il est intendant gĂ©nĂ©ral du chantier naval de bateaux Ă  vapeur de la poste amĂ©ricaine. Puis en 1852, il reçoit le commandement de l’expĂ©dition vers le Japon, qui dure jusqu’en 1854[7].

DerniÚres années

Perry vers 1855-1856.

Une fois de retour Ă  New York, Perry reçoit les fĂ©licitations du prĂ©sident sortant Fillmore et le CongrĂšs lui dĂ©cerne 20 000 $ (soit environ 666 500 $ en 2020[8])[9], somme correspond Ă  plus de quatre annĂ©es de paie[10]. Le 15 janvier 1855, la chambre de commerce de New York (en) organise un Ă©vĂšnement en son honneur au cours duquel il reçoit un service en argent d’une valeur de 6 000 $[11]. Mais il reste peu connu du grand public, et n'est pas acclamĂ© en hĂ©ros Ă  son retour, le Japon restant une terre lointaine et de seconde importance comparĂ©e Ă  la Chine[12].

Perry documente ensuite sa mission diplomatique au Japon dans Narrative of the Expedition of an American Squadron to the China Seas and Japan. Le premier volume de ce rĂ©cit chronologique Ă©crit avec Francis L. Hawks (en) est publiĂ© en janvier 1856. Bien reçu Ă  l'Ă©poque, il est considĂ©rĂ© comme un classique de la littĂ©rature d’exploration amĂ©ricaine au XIXe siĂšcle. Les deux volumes suivants, publiĂ©s en 1857, reviennent de maniĂšre plus dĂ©taillĂ©e sur certains Ă©vĂ©nements[13].

Alcoolique, souffrant d'arthrite et de cirrhose du foie, Perry meurt à New York le d'un rhumatisme articulaire aigu[14]. Son épouse Jane et leurs dix enfants lui survivent. D'abord enterré dans un caveau de l'église Saint-Marc de New York, le corps de Perry est transféré au cimetiÚre de Newport, dans le Rhode Island[15].

Un symbole de l'impérialisme maritime américain

La guerre mexico-américaine

peinture représentant la bataille de San Juan Bautista (Villahermosa aujourd'hui) lors de la Seconde bataille de Tabasco (en).

La guerre amĂ©ricano-mexicaine est dĂ©clarĂ©e par le CongrĂšs des États-Unis en 1846 Ă  la suite du vote de l’annexion du Texas en 1845. Lors de cette guerre, dont l'un des enjeux est un meilleur accĂšs au Pacifique, le rĂŽle de la Marine reste secondaire. Les principaux affrontements sont terrestres et la marine n’est chargĂ©e que de pĂ©renniser les voies d’approvisionnement de l’armĂ©e ainsi que de prendre les petits ports mexicains. Le rĂŽle principal de la marine reste de mettre en place un immense blocus entre le rĂ­o Grande et l’État mexicain de Campeche[16]. La large supĂ©rioritĂ© numĂ©rique et technologique de l’US Navy sur la marine mexicaine lui permet d’agir comme bon lui semble.

Au dĂ©but de la guerre, Perry, qui commande la frĂ©gate Mississippi (en), obĂ©it aux ordres du commodore David Conner (en). Perry joue un rĂŽle mineur mais est Ă  l'initiative de l'expĂ©dition victorieuse contre l'État de Tabasco, en octobre 1845. Perry se voit attribuer le commandement d'une petite escadre composĂ©e du Mississippi, de deux autres vapeurs, le Vixen et le McLane, de quatre goĂ©lettes, et d'une troupe de dĂ©barquement de 253 hommes menĂ©s par French Forrest (en). Cette expĂ©dition n'aboutit pas Ă  des conquĂȘtes territoriales bien que Perry parvienne Ă  s'imposer Ă  chaque affrontement. Il revient d'ailleurs avec neuf vaisseaux ennemis capturĂ©s le premier novembre, pour deux hommes morts, deux noyĂ©s et deux blessĂ©s. Toutefois, le commerce du Tabasco vers le reste du Mexique est altĂ©rĂ© et le port de Frontera (es) est sĂ©curisĂ©[17].

Cette expédition permet aussi à la marine de participer réellement aux combats et de remonter un moral quelque peu atteint par une inactivité trop importante au début de la guerre. Cela marque également le premier succÚs de la Marine, les différentes opérations de Conner ayant échoué. Cela est porté au crédit de Perry, qui est envoyé le 16 décembre au Yucatån afin de prolonger le blocus et de prendre Ciudad del Carmen. Il accomplit aisément cette mission, faisant face à trÚs peu de résistance [18].

La prise de Tuspan par la flotte de Perry en 1847.

AprĂšs un retour Ă  Norfolk dĂ©but 1846 pour ravitailler et faire rĂ©parer son navire il se voit accorder le commandement du Home Squadron, l'escadre chargĂ©e de la protection des eaux territoriales des États-Unis. Huit navires sont ajoutĂ©es Ă  l'escadre ce qui en fait la plus grande de l'histoire des États-Unis jusque-lĂ . Perry retourne participer Ă  la guerre au Mexique lors du siĂšge de Veracruz dont Conner a Ă©tabli le plan. Ce siĂšge qui se dĂ©roule en mars 1847 reprĂ©sente la plus grosse opĂ©ration amphibie jusqu'Ă  la Seconde Guerre mondiale. Les navires commandĂ©s par Perry bombardent sans relĂąche la ville dĂšs le 24 mars pendant deux jours. Le 27 la ville se rend et la bataille prend fin. Puis il prend les villes portuaires de Tuxpan, Coatzacoalcos, et Tabasco [19].

La paix est signĂ©e le 2 fĂ©vrier 1848. Du fait de soucis de santĂ© qui apparaissent dĂšs l'annĂ©e 1847, Perry demande Ă  ĂȘtre relevĂ© de son commandement le . Demande qui est refusĂ©e par le gouvernement, qui lui dit de rester jusqu'Ă  la ratification du traitĂ© de paix, qui se dĂ©roule le 25 mai. En attendant, Perry maintient le blocus et occupe toujours Carmen tout en essayant de ne pas s'impliquer dans les dĂ©sordres politico-militaires qui secouent le YucatĂĄn [20].

Commandant de l'escadre des Indes orientales

Une scÚne de la révolte des Taiping.

Dans les annĂ©es 1840 les États-Unis se tournent vers le Pacifique et donc bien vite vers le Japon qui est alors fermĂ© aux relations Ă©conomiques avec les pays europĂ©ens (hormis les NĂ©erlandais Ă  Nagasaki) depuis plus de deux cents ans, selon l'idĂ©ologie du sakoku. Cet intĂ©rĂȘt pour le Japon est liĂ© Ă  la fois aux ressources agricoles du pays et au dĂ©veloppement de la marine Ă  vapeur qui exige un ravitaillement en charbon. Or le Japon dispose du combustible en larges quantitĂ©s et prĂ©sente en plus l’avantage d’ĂȘtre sur la route vers la Chine, pays avec lequel les États-Unis dĂ©veloppent leurs relations[21].

Matthew Perry est nommĂ© commandant en chef de l'escadre des Indes Orientales et ambassadeur extraordinaire au Japon en 1852 par le prĂ©sident Millard Fillmore. Il quitte Norfolk sur le Mississippi en novembre 1852 avec pour mission de forcer les Japonais Ă  ouvrir leurs ports aux navires amĂ©ricains, en utilisant la diplomatie de la canonniĂšre si nĂ©cessaire. Le voyage dure plus de six mois. La flotte de Perry rejoint d’abord MadĂšre oĂč elle fait escale et embarque du vin afin d’en acheminer aux États-Unis mais aussi en Asie. Puis elle s’arrĂȘte de nouveau Ă  Sainte-HĂ©lĂšne, au Cap de Bonne EspĂ©rance, Ă  l’üle Maurice, Ă  Ceylan et enfin Ă  Singapour pour se ravitailler avant d’atteindre Hong Kong le 7 avril 1853. Le Mississipi est alors progressivement rejoint par le reste de l’escadre [22].

Lors de son arrivĂ©e en Chine, Perry se voit confrontĂ© Ă  la RĂ©volte des Taiping contre la dynastie Qing qui dure dĂ©jĂ  depuis 1851. Dans un premier temps le commodore de la marine amĂ©ricaine ne veut pas ĂȘtre impliquĂ© Ă  cet Ă©vĂ©nement de politique intĂ©rieure chinoise. Cependant, en tant que commandant de l’escadre des Indes orientales, des marchands amĂ©ricains Ă©tablis Ă  Canton et Shanghai lui demandent de les protĂ©ger. De plus, le gouvernement chinois lui-mĂȘme est Ă  la recherche d’aide Ă©trangĂšre pour mettre fin Ă  la rĂ©volte. Toutefois, Perry ne semble pas fondamentalement opposĂ© Ă  cette rĂ©volution en laquelle il voit une sorte d’intervention divine et le dĂ©but d’une nouvelle Ăšre face Ă  un gouvernement despotique. Ainsi, une fois reçu par le gouverneur Ă  Shanghai, Perry dĂ©cline la demande d’aide du gouvernement sous prĂ©texte que l’envoyĂ© du gouvernement amĂ©ricain, Humphrey Marshall, n’a toujours pas Ă©tĂ© reçu formellement. Ce dernier demande par la suite le soutien de la flotte pour les affaires chinoises, Ă  l’encontre des intĂ©rĂȘts de l'expĂ©dition au Japon. Perry est donc contraint de laisser derriĂšre lui le Plymouth avant de partir pour Okinawa. Ce navire rejoint ensuite l’escadre en juin[23].

Une fois de retour de sa premiĂšre expĂ©dition au Japon, Perry retrouve une situation plus compliquĂ©e. Macao est menacĂ©e par les rebelles et Shanghai est tombĂ©e entre leurs mains. Cependant, il refuse toujours de rĂ©agir violemment, les intĂ©rĂȘts occidentaux n’étant pas menacĂ©s. Son avis sur la rĂ©volte est dĂ©sormais changĂ©, il comprend que mĂȘme si le gouvernement mandchou venait Ă  Ă©chouer, alors son remplaçant ne serait pas plus solide pour autant, les rebelles Ă©tant trĂšs dĂ©sorganisĂ©s. Perry Ă©crit alors Ă  Washington pour conseiller de ne pas agir et de voir comment va Ă©voluer la situation et de se concentrer sur le Japon. Avis qui l’amĂšne Ă  s’affronter avec l’envoyĂ© diplomatique des États-Unis, Marshall, qui lui soutient l’avis d’une intervention en faveur du gouvernement chinois. Cet opposition dure jusqu’au rappel de Marshall dĂ©but 1854[24].

L'expédition de 1853

Une peinture narrant l'expédition Perry au Japon en 1853

Avant de rejoindre directement le Japon, Perry soumet rapidement l’idĂ©e de s’arrĂȘter d’abord sur l’üle d’Okinawa, dans le royaume de RyĆ«kyĆ«. Le but est d’y Ă©tablir une sorte d’avant-poste en sĂ©curisant un port et un dĂ©pĂŽt comme point de rassemblement pour l’escadre. Cette rĂ©flexion est le fruit de la situation particuliĂšre des RyĆ«kyĆ«, royaume vassal Ă  la fois du Japon et de la Chine, en rĂ©alitĂ© contrĂŽlĂ© par le prince japonais de Satsuma[25].

Le 26 mai, l’escadre arrive au large de Naha, port du sud-ouest d’Okinawa. Des Ă©changes courtois sont faits entre Perry et le rĂ©gent de l’üle puis les AmĂ©ricains quittent l’archipel d’Okinawa pour les Ăźles Bonins, oĂč des colonies europĂ©ennes et amĂ©ricaines ont Ă©tĂ© fondĂ©es. Ces Ăźles prennent rapidement un aspect stratĂ©gique pour une potentielle installation de dĂ©pĂŽt de charbon afin de favoriser la route des États-Unis vers la Chine depuis le Pacifique [26] .

Perry arrive en juillet 1853 Ă  Uraga, dans la baie de Tokyo (alors Edo), avec quatre navires de guerre. Il a la charge de remettre une lettre du PrĂ©sident amĂ©ricain Ă  l’empereur afin de lui demander d’ouvrir le commerce japonais aux États-Unis. Il est demandĂ© aux autoritĂ©s japonaises de bien traiter les naufragĂ©s amĂ©ricains, de protĂ©ger les navires amĂ©ricains endommagĂ©s et d'accepter que les marins amĂ©ricains puissent acheter des provisions au Japon. La demande la plus importante est celle de laisser les AmĂ©ricains commercer librement avec les citoyens japonais. Ce souci des navires endommagĂ©s et surtout des naufragĂ©s est issu de rĂ©cits dĂ©crivant des naufragĂ©s traitĂ©s de façon atroce par les Japonais. L'envoi d'un officier de marine Ă  la tĂȘte d'une flotte de quatre navires lourdement armĂ©s au lieu d'un diplomate montre cependant que les États-Unis dĂ©siraient forcer le Japonais en sous-entendant qu'un refus pourrait avoir des consĂ©quences dĂ©lĂ©tĂšres[27].

L’arrivĂ©e des navires amĂ©ricains prĂ©sente un choc chez les Japonais qui y voient un aspect mystique en rapprochant l’évĂšnement d’une vieille lĂ©gende d’invasion barbare par des navires noirs qui est rĂ©activĂ©e par les navires amĂ©ricains noircis par la fumĂ©e. Les troupes du commandant Perry entretiennent d’ailleurs cette dimension mystique en restant dans leurs bateaux durant une semaine sans entrer en contact avec les locaux. Le dĂ©barquement lui-mĂȘme impressionne grandement car en plus des 400 marins qui tirent une salve d’honneur, Perry est encadrĂ© de deux gardes du corps noirs, chose Ă  laquelle les Japonais ne sont pas habituĂ©s. Cependant, les autoritĂ©s japonaises lui demandent de repartir aprĂšs qu’il a remis la lettre du prĂ©sident. Perry n’insiste pas mais promet de revenir l’annĂ©e suivant avec une escadre plus puissante afin de recevoir la rĂ©ponse japonaise[28].

Perry retourne alors Ă  Naha, qu’il atteint le 25 juillet. Il demande aux autoritĂ©s que les AmĂ©ricains puissent louer une maison ou un abri ainsi que la construction d’un dĂ©pĂŽt de charbon, pour lequel les habitants d’Okinawa se verraient payer un loyer annuel. AprĂšs un refus initial, les autoritĂ©s de l’üle acceptent Ă  la suite de la menace d’une action militaire de la part de Perry. Le premier aoĂ»t l’escadre part pour la Chine en laissant un bateau pour surveiller l’établissement d’AmĂ©ricains[29].

Le 7 aoĂ»t, Ă  Hong Kong, l’escadre est rejointe par d’autres navires de guerre. Une fois Ă©tablit Ă  Macao, Perry s’attache Ă  faire un rapport aux autoritĂ©s amĂ©ricaines tout en se plaignant de l’état de ses vaisseaux. Durant son sĂ©jour Ă  Macao sa santĂ© se dĂ©grade quelque peu mais il Ă©chappe Ă  l’épidĂ©mie de fiĂšvre qui y sĂ©vit en 1853. Durant cette pĂ©riode son attention est quelque peu dĂ©tournĂ©e par les Ă©vĂšnements de la RĂ©volte des Taiping[30].

ParallĂšlement Ă  cette situation, Perry apprend que les Français et les Russes sont intĂ©ressĂ©s par le fait de dĂ©velopper des liens avec le Japon, la Russie voulant mĂȘme faire une mission jointe avec les États-Unis. Le dĂ©part originellement prĂ©vu pour le printemps est donc quelque peu avancĂ© pour le 14 janvier, afin de devancer Russes et Français.

L’expĂ©dition de 1854

La visite de Perry en 1854

Perry passe d’abord par Okinawa oĂč les amĂ©ricains sont mieux reçus que la premiĂšre fois et oĂč un dĂ©pĂŽt de charbon d’une capacitĂ© de 700 tonnes a Ă©tĂ© construit. Il quitte Okinawa pour le Japon en fĂ©vrier[31].

Perry revient donc au Japon en mars 1854 avec une escadre encore plus puissante. Il est maintenant dotĂ© de sept navires et, aprĂšs avoir attendu deux semaines dans le port, dĂ©barque au son de l’hymne amĂ©ricain jouĂ© par deux orchestres. Dans le mĂȘme temps, dix-sept coups de canons sont tirĂ©s avec 500 soldats armĂ©s de baĂŻonnettes[9].

Les délégations américaines et japonaises s'échangent des présents. Perry offre un train miniature, un télégraphe et une histoire de la guerre du Mexique contenant des gravures du bombardement de Veracruz par la marine américaine sous son propre commandement[9].

Les Japonais sont plus conciliants que lors de la premiĂšre expĂ©dition, en partie Ă  cause de la menace que reprĂ©sente Perry mais surtout en raison de changements Ă  l’intĂ©rieur du pays avec une prise d’importance des marchands qui souhaitaient ces liens avec les États-Unis et aussi en raison de la menace russe qui plaide en faveur d’un rapprochement avec le pays Ă  la banniĂšre Ă©toilĂ©e.

Cette deuxiĂšme expĂ©dition aboutit donc sur une victoire diplomatique amĂ©ricaine concrĂ©tisĂ©e par le traitĂ© de Kanagawa, signĂ© le 31 mars 1854. Ce traitĂ© n’ouvre que deux ports, Shimoda au centre du pays et Hakodate au nord, en revanche des avancĂ©es sont faites sur la question des naufragĂ©s et les États-Unis obtiennent une clause de la nation la plus favorisĂ©e[9].

Bien que le texte n'ouvre que partiellement le Japon au commerce, les revendications amĂ©ricaines sont satisfaites. En comptant Okinawa, ils disposent dĂ©sormais de trois relais charbonniers sur la route de Chine. Le traitĂ© est saluĂ© comme une rĂ©ussite aux États-Unis comme Ă©tant le premier traitĂ© signĂ© par le Japon avec une puissance Ă©trangĂšre[9]. Dans les annĂ©es qui suivent, d'autres traitĂ©s inĂ©gaux sont signĂ©s avec le Royaume-Uni (octobre 1854), la Russie (fĂ©vrier 1855) et la France (octobre 1858). En juillet 1858, le traitĂ© d'AmitiĂ© et de Commerce, dit « TraitĂ© Harris », ouvre quatre autres ports aux États-Unis, et les citoyens amĂ©ricains obtiennent le droit de rĂ©sider, acheter des biens et commercer dans les six ports ouverts ainsi qu'Ă  Tokyo et Osaka.

RÎle dans le développement de la marine de guerre américaine

Apport Ă  la formation navale

AprĂšs avoir reçu le poste de vice commandant du chantier naval de New York, Perry s’engage dans la formation des officiers de l’US Navy. Cette mission lui impose de s’occuper du recrutement des officiers. C’est par ce biais qu’il commence Ă  rĂ©flĂ©chir Ă  une rĂ©forme de la formation navale.

Ainsi en 1833, est crĂ©Ă© le lycĂ©e naval de New York. Perry est la pierre angulaire de cette nouveautĂ©. C’est une institution qui permet aux jeunes officiers de la marine de partager du temps ensemble et d’amĂ©liorer leur Ă©ducation gĂ©nĂ©rale. Sa rĂ©forme passe Ă©galement par un systĂšme d’apprentissage pour les adolescents de 14 ans pour les prĂ©parer aux missions maritimes[32].

En 1837, Perry rĂ©dige avec Alexander Slidell (en) l'article programmatique « Toughts on the Navy » (PensĂ©es sur la marine). Leur principal argument est qu'il faut agrandir la marine amĂ©ricaine pour mieux protĂ©ger la nation et ses intĂ©rĂȘts commerciaux en mer. L’article propose donc que les effectifs techniques et humains de la marine soient dĂ©terminĂ©s par l’étendue et la valeur du commerce amĂ©ricain, ainsi qu'en comparaison aux marines Ă©trangĂšres[33]. De plus, ils proposent une rĂ©forme du systĂšme de grades via l'ajout de nouveaux rangs d’officiers aux trois alors existant[33].

En 1845, Perry participe au premier programme de cours proposĂ© aux Ă©tudiants lors de l'ouverte de l'AcadĂ©mie navale d’Annapolis[4].

Le « pÚre de la vapeur »

la frégate à vapeur Mississippi (en)

Avec l’arrivĂ©e de la machine Ă  vapeur, Perry devient un dĂ©fenseur ardent du mouvement de modernisation de la marine amĂ©ricaine, ce qui lui vaut d'ĂȘtre considĂ©rĂ© comme le « PĂšre de la Marine Ă  vapeur » aux États-Unis. Sa position s’affirme Ă  partir de 1837 quand il est nommĂ© commandant de la frĂ©gate Ă  vapeur Fulton. Il crĂ©e Ă©galement le premier corps d’ingĂ©nieurs navals. Sa connaissance des navires Ă  vapeur joue un rĂŽle important dans sa nomination Ă  la tĂȘte du chantier naval de New York en 1840, avec le titre de commodore[4].

MĂ©moire

Monuments et hommages officiels

La statue de Perry érigée dans sa ville natale en 1869.

En 1869, Newport, la ville de natale de Perry, érige dans un parc une statue de l'amiral réalisée par John Quincy Adams Ward. Elle se dresse aujourd'hui dans le parc de Tourou. Le musée du Naval War College et la société historique de Newport (en) conservent également des documents et objets relatifs au commodore.

En 1901, le gouvernement japonais érige dans le village cÎtier de Kurihama (en) un monument commémorant le débarquement de Perry (ja) en 1854[34]. Resté intact aprÚs la Seconde Guerre mondiale, alors que Kurihama était absorbé par l'agglomération de Yokosuka, le monument s'est vu adjoindre un parc et un petit musée.

Le général Douglas MacArthur lisant son discours lors de la signature des actes de capitulation du Japon, le 2 septembre 1945. Le drapeau de Perry figure à l'arriÚre-plan.

À la fin de la Seconde Guerre mondiale, le gĂ©nĂ©ral Douglas MacArthur fait venir par avion le drapeau amĂ©ricain que Perry avait utilisĂ© lors de son expĂ©dition afin de l'exposer lĂ  oĂč seraient signĂ©s les actes de capitulation du Japon[35]. Le , le drapeau figure en Ă©vidence et MacArthur Ă©voque l'expĂ©dition de 1853-1854 dans son discours. Le drapeau est toujours visible au musĂ©e de l'AcadĂ©mie navale amĂ©ricaine, Ă  Annapolis.

La base navale d'Iwakuni, au Sud du Japon, occupée depuis 1945 par la marine américaine, contient depuis septembre 1955 un ensemble scolaire nommé en 1957 en l'honneur de Matthew Perry[36].

En 2001, un groupe de résidents d'Hakodate, sur l'ßle septentrionale de Hokkaido, fait ériger une statue de Perry en hommage au rÎle que celui-ci aurait joué dans le développement du port en forçant son ouverture en 1854[37].

La marine américaine a lancé plusieurs Perry entre 1843 et 1945, tous en l'honneur d'Oliver Hazard Perry, l'aßné de Matthew. En 2008, elle lance son premier navire directement nommé en l'honneur de Matthew, le Matthew Perry (en) un vraquier de la classe Lewis and Clark.

Aux États-Unis

En 1970, les designers et réalisateurs Charles et Ray Eames consacrent le court-métrage The Black Ships à l'expédition de Perry. Ce dessin animé est inspiré des techniques graphiques d'époque.

Stephen Sondheim et John Weidman (en) se sont basĂ©s sur l'histoire de l'ouverture du Japon pour leur comĂ©die musicale Pacific Overtures, crĂ©Ă©e Ă  Broadway en 1976. Cette Ɠuvre qui raconte les Ă©vĂ©nements du point de vue japonais, et dont le casting Ă©tait entiĂšrement composĂ© d'acteurs japonais ou d'origine japonaise, a Ă©tĂ© un Ă©chec public. Haruki Fujimoto (en) y interprĂ©tait Perry.

L'acteur Richard Boone a joué le rÎle de Perry dans le film The Bushido Blade (en) sorti en 1981.

Le "Commodore Perry" est l'objet d'une confusion puis d'une description dans l'épisode "Bel Panto: Part I" (saison 7, épisode 5) de la série d'animation Archer.

Au Japon

Portrait japonais du Commodore Perry (1854).

Perry a fait l'objet de représentations par les Japonais dÚs 1853.

De nombreux mangas font référence à Perry et son expédition, de Kenshin le vagabond à Hikaru no go. Perry est l'antagoniste principal de Tales of an Alternate Shogunate, un one-shot dérivé de l'univers Code Geass paru en 2010. C'est également l'antagoniste principal de la série animée Bakumatsu Gijinden Roman (en).

Dans le film britannique-japonais Samurai Marathon 1855 sorti en 2019, le Commodore Perry est interprété par l'acteur Danny Huston.

Notes et références

  1. Schroeder 2001, p. 12.
  2. Schroeder 2001, p. 13.
  3. Schroeder 2001, p. 17.
  4. Hickman 2019.
  5. Schroeder 2001, p. 26.
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  7. Schroeder 2001, p. xx.
  8. https://www.officialdata.org/us/inflation/1850?amount=20000
  9. Sy-Wonyu 2004, p. 206-207.
  10. (en) « Navy Pay Chart for 1860 », sur navycs.com.
  11. Schroeder 2001, p. 250.
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  14. Samuel Eliot Morison, 'Old Bruin' : Commodore Matthew Calbraith Perry, , p. 431.
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  34. (en) Steve Sundberg, « Matthew C. Perry Landing Memorial, Kurihama, c. 1949 », sur Old Tojko.
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  36. (en) « About our School », sur Department of Defense Education Activity (en).
  37. « Hakodate to erect Perry monument commemorating port development », sur Japan Times, .


Bibliographie

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Monographies

  • (en) William Elliot Griffis, Matthew Calbraith Perry : a typical American naval officer, Cupples and Hurd, Boston, (ISBN 1-163-63493-X, lire en ligne), p. 459.
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  • (en) John H. Schroeder, Matthew Calbraith Perry : Antebellum sailor and diplomat, Annapolis, Naval Institute Press, , 326 p. (ISBN 978-1-55750-812-6). Ouvrage utilisĂ© pour la rĂ©daction de l'article.
  • (fr) AĂŻssatou Sy-Wonyu, Les États-Unis et le monde au 19e siĂšcle, Paris, Armand Colin, , 320 p. (ISBN 978-2-200-62056-1). Ouvrage utilisĂ© pour la rĂ©daction de l'article.

Articles et chapitres

  • (en) Amir Lowell Abou-Jaoude, « A Pure Invention: Japan, Impressionism, and the West, 1853-1906 », The History Teacher, vol. 50, no 1,‎ (lire en ligne).
  • (en) Chester A. Bain, « Commodore Matthew Perry, Humphrey Marshall, and the Taiping Rebellion », The Far Eastern Quarterly, vol. 10, no 3,‎ , p. 258-270 (lire en ligne).
  • (en) EugĂšne S. Van Sickle, « Reluctant Imperialists: The U.S. Navy and Liberia, 1819—1845 », Journal of the Early Republic, vol. 31, no 1,‎ (lire en ligne).

Ressources numériques

Voir aussi

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