Pacte Ă quatre
Le pacte à quatre est le nom généralement donné au pacte d’entente et de collaboration quadripartite entre l'Italie, la France, le Royaume-Uni et l'Allemagne nazie.
Type de traité | Traité |
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Adoption | |
Lieu d'adoption | Rome |
Signature | |
Lieu de signature | Rome |
Parties |
Royaume d'Italie France Royaume-Uni Reich allemand |
Ce projet est porté par Benito Mussolini qui craint les visées expansionnistes d'Adolf Hitler, recherche le soutien de la Hongrie et cherche à s'octroyer les bonnes grâces des démocraties occidentales en recherchant une forme de contrôle pacifique. Ce contrôle devait notamment s'exercer au détriment des petits États d'Europe centrale et danubienne, en révisant les traités de Versailles et ses traités annexes.
Présenté le et signé par les ambassadeurs des quatre pays le , ce traité n'est cependant jamais ratifié par la France et ne prend donc jamais effet.
Contexte
En mars 1933, alors qu'Hitler vient d'obtenir les pleins pouvoirs, Benito Mussolini s'inquiète des visées expansionnistes de ce dernier. Pour le contrer sans donner l'impression de s'opposer à lui, le Duce associe à sa démarche la France et le Royaume-Uni en s'appuyant sur l'article 19 du Pacte de la Société des Nations[1] - [2] :
« L’Assemblée peut, de temps à autre, inviter les Membres de la Société à procéder à un nouvel examen des traités devenus inapplicables ainsi que des situations internationales, dont le maintien pourrait mettre en péril la paix du monde. »
Même avant la proposition de 1933, le Quai d'Orsay envisage dès 1921 un pacte quadripartite entre ces quatre pays[3]. Le ministre des affaires étrangères français Joseph Paul-Boncour soutient cette initiative car il estime que la France peut s'appuyer sur l'Italie pour affaiblir l'Allemagne. Édouard Daladier est également favorable à une révision du Traité de Versailles afin de promouvoir la paix[1]. Alors qu'il n'était encore que journaliste en 1919, Mussolini avait lui-même évoqué cette idée d'une révision du Traité de Versailles en donnant aux « grandes nations » une prééminence sur les autres[4].
La décision de Mussolini est probablement hâtée par sa crainte qu'en la matière ce soit la France qui prenne l'initiative, des déclarations ayant été faites en ce sens par les gouvernements français et britannique en juillet 1932[4].
Contenu
Le Pacte à quatre offre la possibilité de remodeler les frontières issues du Traité de Versailles et de ses traités annexes de Saint-Germain, de Trianon, de Neuilly et de Sèvres, au détriment des petits pays d'Europe centrale créés ou agrandis à l'issue de la Première Guerre mondiale[5].
Le but sous-tendant ce pacte à quatre est donc de constituer un pacte à trois qui permette de contenir l'Allemagne nazie, comme l'écrit le l'ambassadeur de France en Italie Henry de Jouvenel[6], qui approuvait dans une certaine mesure le révisionnisme du traité de Trianon en favorisant la reconstitution au moins partielle de la Hongrie démantelée[7]. Une conséquence logique de l'adoption de ce traité est, dans l'esprit de ses promoteurs, un rapprochement de la France et de l'Italie, alliance latine venant contrebalancer les influences anglo-saxonnes des deux autres grandes puissances européennes[8].
Plus généralement, les enjeux sous-jacents au projet de traité sont, d'une part, le désarmement, et d'autre part le devenir de l'Europe centrale et danubienne[9]. En effet, le texte du Pacte à quatre joue sur un équilibre entre les ambitions révisionnistes allemandes et l'anti-révisionnisme des pays d'Europe Centrale[10]. Pour la France, le choix du pacte à quatre est celui de préférer l'alliance avec l'Italie à celle avec les pays d'Europe centrale[11], s'opposant ainsi directement à la Petite Entente[12].
Le but sous-jacent à ce traité était également d'isoler diplomatiquement l'Union soviétique, en s'appuyant notamment sur la Hongrie[13].
Signature
La proposition initiale est publiée le [9].
Le pacte est finalement paraphé le et signé le de la même année. Mais le texte ayant été profondément remanié, sa portée est très réduite par rapport aux ambitions initiales[1] - [9].
Conséquences
La Chambre des députés française refuse, du fait de son alliance avec les pays d'Europe centrale, de ratifier le traité, qui reste donc lettre morte[1].
Les pays d'Europe centrale s'estiment trahis par les puissances occidentales, dans la mesure où la signature du traité permet à l'Allemagne nazie de revenir dans le concert des nations au détriment de leurs intérêts vitaux. En conséquence, dès le , la Pologne signe un pacte de non-agression avec l'Allemagne, pacte qui est dénoncé et rompu unilatéralement par Hitler cinq ans plus tard[1].
Notes et références
- Georges-Henri Soutou, « Réflexions sur l'échec de la sécurité collective et ses raisons », Transversalités, vol. 2011-3, no 119,‎ , p. 177-188 (lire en ligne).
- « Benito Mussolini », encyclopédie Larousse (consulté le ).
- Anne-Sophie Nardelli-Malgrand 2011, Chapitre IV. Juillet 1924 – Mars 1930, la rivalité franco-italienne, facteur de l’échec de la stabilisation de l’Europe danubienne et balkanique — I. La relance du débat sur la sécurité européenne — 1. Le protocole de Genève et les pactes régionaux de sécurité — b. Une généalogie du pacte de sécurité occidental., p. 326.
- Anne-Sophie Nardelli-Malgrand 2011, Chapitre IX : Le Pacte à quatre, un moment cardinal de l’équilibre européen et de l’équilibre balkano-danubien, octobre 1932-juillet 1933 — A. Le contexte de la proposition mussolinienne du 18 mars 1933 — 1. Les pistes d’évolution du système européen — a. la généalogie italienne du Pacte à quatre, p. 747.
- Émile Roche, « La France et les turbulences internationales », Revue des Deux Mondes,‎ , p. 577-585 (ISSN 0035-1962, lire en ligne).
- Émile Roche, « Le Pacte à quatre et Henry de Jouvenel », Revue des Deux Mondes,‎ , p. 577-585 (ISSN 0035-1962, lire en ligne).
- Anne-Sophie Nardelli-Malgrand 2011, Chapitre IX : Le Pacte à quatre, un moment cardinal de l’équilibre européen et de l’équilibre balkano-danubien, octobre 1932-juillet 1933 — A. Le contexte de la proposition mussolinienne du 18 mars 1933 — 1. Les pistes d’évolution du système européen — b. L’essor limité du révisionnisme français sur les questions de l’Europe balkanique et danubienne, p. 752.
- Anne-Sophie Nardelli-Malgrand 2011, Chapitre IX : Le Pacte à quatre, un moment cardinal de l’équilibre européen et de l’équilibre balkano-danubien, octobre 1932-juillet 1933 — A. Le contexte de la proposition mussolinienne du 18 mars 1933 — L’attitude des gouvernements Paul-Boncour et Daladier à l’égard d’un rapprochement avec l’Italie — b. une redéfinition des hiérarchies dans la politique étrangère française, p. 762.
- Anne-Sophie Nardelli-Malgrand 2011, Chapitre IX : Le Pacte à quatre, un moment cardinal de l’équilibre européen et de l’équilibre balkano-danubien, octobre 1932-juillet 1933, p. 744.
- Anne-Sophie Nardelli-Malgrand 2011, Chapitre IX : Le Pacte à quatre, un moment cardinal de l’équilibre européen et de l’équilibre balkano-danubien, octobre 1932-juillet 1933 — A. Le contexte de la proposition mussolinienne du 18 mars 1933 — 1. Les pistes d’évolution du système européen — a. la généalogie italienne du Pacte à quatre, p. 750.
- Anne-Sophie Nardelli-Malgrand 2011, Introduction générale, p. 11.
- Anne-Sophie Nardelli-Malgrand 2011, Chapitre IX : Le Pacte à quatre, un moment cardinal de l’équilibre européen et de l’équilibre balkano-danubien, octobre 1932-juillet 1933 — A. Le contexte de la proposition mussolinienne du 18 mars 1933, p. 745.
- Anne-Sophie Nardelli-Malgrand 2011, Chapitre VII : Le lent cheminement de l’idée d’une collaboration franco-italienne en Europe balkanique et danubienne, mars 1930-mars 1932 — C. Un statu quo indécis sur les questions politiques — 1. Une offensive révisionniste — c. l’ambition italienne d’articuler un triangle Italie-Autriche-Hongrie avec une entente Hongrie-Pologne-Roumanie : simplifier le système européen, p. 642.
Voir aussi
Bibliographie
- [World Affairs 1933] (en) « The Four Power Pact », World Affairs, vol. 96, no 3,‎ , p. 131-133 (ISSN 1940-1582, lire en ligne)
- [Anne-Sophie Nardelli-Malgrand 2011] Anne-Sophie Nardelli-Malgrand, La rivalité franco-italienne en Europe balkanique et danubienne, de la Conférence de la Paix (1919) au Pacte à quatre (1933) : intérêts nationaux et représentations du système européen, Paris, Université Paris-IV, , 926 p. (lire en ligne)